Vous êtes sur la page 1sur 6

Liberté

II La conscience de soi

I Synthèse:

En quoi consiste la révolution freudienne? Il n’est pas bouleversant de constater que le moi
n’est pas le maître de sa propre maison, ni d’affirmer que le “sexuel joue une un rôle décisif
dans la vie” (si tout est sexuel, rien ne l’est: on parlera plutôt de libido, de désir comme
puissance plastique). Ce qui est vraiment neuf et libérateur:

a) Avoir donné du sens -un sens produit par l’homme!- à ce qui jusque là était divin ou
mécanique (les rêves), ou insensé, banal (les aventures de la vie quotidienne).

b) Avoir posé une continuité entre les névroses, les rêves et les actes manqués, toutes
productions de l’inconscient. Il y a donc continuité entre le normal et l’anormal. Ce qui ne
veut pas dire que la santé et la maladie perdent leur sens! Mais que leur sens n’est pas
fondé en nature, ou dans les structures d’un ordre social donné considéré comme
intangible, ce qui revient au même.

Problématisation: La médecine se constitue de séparer la malédiction (divine, sociale,


naturelle) du mal. La santé n'est pas un fait objectif, mais une évaluation.

II Cours rédigé

La vérité parle sans qu’on le veuille, par le rêve, le lapsus, la maladie. C’est
quand on prend l’inconscient pour un autre moi caché dans le premier, un génie
manipulateur, qu’on peut l’opposer à la liberté. Mais il est une puissance, comme quand
on parle de la puissance d’un moteur. Il n’est donc pas ailleurs que dans ses productions :
en surface, latéral et fugitif. A ce nouvel objet correspond une nouvelle méthode, qu’on
schématisera en trois points empruntés à un naturaliste contemporain de la psychanalyse,
Darwin :

-On accordera toute son importance à la recherche et à lecture des traces, celles du vivant
“descendu au Royaume des ombres”.

-Aux procédés de classification on préférera la méthode généalogique.

-Et on sera attentif à ce qui est inclassable, marginal, insolite.

Mais les pistes sont brouillées par la maladie, qui s’enferme et nous
enferme dans un obscur labyrinthe. Une situation concrète éclairée par le génie de Freud
montre bien que les symptômes sont des traces qu’il faut savoir lire; de la vérité, mais en
souffrance, comme quand on parle d’une lettre quelque part en transit. La maladie
mentale est une impossibilité théâtralisée. Dans le cas Dora, des invraisemblables
scénarios écrans permettait à Dora de s’adonner à une liaison imaginaire avec Mme K, de
se trouver à l’abri de l’homosexualité condamnée, tout en s’y livrant. Son aphonie résultait
de cet entrecroisement. Satisfaction imaginaire! Elle se donne du mal pour se satisfaire, et
en imagination seulement. Beaucoup de mal, trop de mal, et nous en fait.

L’inconscient est une usine, un théâtre, une prison. Ne dit-on pas de la maladie que c’est
une affection? Une souffrance et une satisfaction, une ruse, la Ruse du Malin. Le sym-bole,
c’est ce qui relie, le dia-bole, le diabolique écarte et ment. Dora manipule sans le savoir les
êtres qui se livrent à ses secrètes injonctions. L’inconscient, c’est les autres -il n’est ni
personnel, ni collectif, mais intersubjectif. Si on admet cette géométrie concrète, la maladie
concerne les êtres les plus écrasés, les plus empêchés, ceux qui ne peuvent extérioriser
leurs fantasmes; les jeunes filles à Vienne au 19 émet siècle. Et aujourd’hui? La
psychanalyse n’existe qu’à explorer ces ramifications sociales, dont le malade n’est que le
maillon faible et où se déchargent les tensions. Le névrosé ne l’est jamais en soi: il est
poussé dans des retranchements, acculé dans une impasse: École, Églises, Bureau, Usines,
Partis et Syndicats, autant de milieux pathogènes ... Et combien d’êtres en bonne santé ne
sont tels que parce qu’ils s’équilibrent aux dépens d’autrui?

La maladie mentale intensifie les courants sociaux et en court-circuite d’autres. Du réel en


souffrance. Le thérapeute, comme le chaman indien, lit des traces, des graphes, des
diagrammes, des signes de piste. La parole de vérité est alors ce déchiffrement d’un
substrat matériel d’échanges qui règle le sort des micro-société, et que les sujets se bornent
sans le savoir à intérioriser.

Ainsi l’Histoire n’est pas linéaire: elle est reprises, va-et-vient, détours, retours et fixations.
Et la maladie est une infantilisation. Ou: le complexe d’Oedipe est le symbole de toute
maladie, la seule maladie. Et ce qui est maladie chez l’homme est malaise dans la
civilisation.

La psychanalyse est une méthode de guérison par la parole. La “vie bonne” (expression
employée par les philosophes grecs anciens) et la parole vraie concernent chacun. C’est
une “série d’hypothèses qui rendent compte des phénomènes qui se produisent dans une
cure, et qui ont révolutionné notre conception du psychisme humain”.

Connaître l’inconscient

Apprendre à voir -ce qui est une entreprise longue et difficile- ses productions. L’ics
n’existe pas ailleurs que dans ses manifestations. Il n’est ni individuel ni collectif, mais
intersubjectif: “ça parle”. Il ne s’agit donc pas de “descendre” dans l’inconscient.
L'inconscient n'est pas une cave. L’ics: ce qui est réfracté par le conscient. Or c’est dans le
sommeil que le contrôle du conscient est le plus faible: “le rêve est la voie royale de la
connaissance de l’inconscient”. “L’ics est fait des représentations liées aux pulsions
fondamentales de l’homme”. Ces pulsions sont la libido et l’instinct de conservation.
Freud ajoutera après la guerre de 14 une autre pulsion fondamentale: l’instinct de mort.
Ces contenus sont poussés d’eux-mêmes à s’accomplir, à devenir conscients. Et ils sont
refoulés -sinon il n’y aurait pas du tout d’ics. L’Ics est le refoulé, ce qui est conservé en
dehors du temps. Mais dire pression et contre-pression, c’est dire: dépense d’énergie,
angoisse. Le refoulement proprement névrotique sera une dépense douloureuse et vaine
de la libido, pour produire des symptômes qui à la fois la cachent et la satisfont. La
maladie n’est pas “le Mal”, mais la souffrance. Optique médicale. Les désirs refoulés
obtiennent des satisfactions symboliques, détournées: des symptômes. Apparence, détour,
substitution.

Lire les symptômes

D’abord les voir, voir que ce sont des symptômes, et pas des spasmes nerveux. Ils se
cachent, et ils crèvent les yeux! La causalité étant la même, la méthode sera la même
devant un rêve, une névrose, un acte manqué. Le lapsus écrit en petites lettres ce que la
névrose dit en grand. C’est par l’interprétation des rêves que Freud établit sa méthode,
qui sera celle de l’analyse = remonter du manifeste au latent. L’expérience permet de
préciser le travail du rêve: condensation (entre images, entre images et mots, entre
personnes et mots, entre deux personnes, etc...), déplacement (la charge affective se
déplace sur l’insignifiant, le marginal, l’oblique), dramatisation-illustration. Et -c’est le
moins important- grands symboles universels liés à notre constitution biologique.

Que le rêve n’existe que raconté à l’état de veille, donc déformé par principe n’est pas une
objection mais le cœur de la méthode: c’est l’Eveillé qui parle son rêve, il s’agit bien de son
rêve. Le freudisme n’est pas une nouvelle clé des songes, passe-partout, un logiciel
d’analyse des rêves. Objection: le cauchemar. Mais la théorie est validée: la censure n’a
pas fonctionné. Le rêve, y compris le cauchemar, est bien un symptôme, c.a.d. un
compromis entre une intention et une censure. D’où l’angoisse dans le cauchemar, qui
prend la place de l’énergie du refoulement manqué, et souvent le réveil.

Il s’agit donc de déchiffrer une langue, plus exactement de comprendre un rébus:


mots+choses +fragments de restes diurnes que le rêve n’a pu fabriquer: discours, calculs ...
D’abord le décomposer par l’association libre: on se met à niveau avec le travail de l’ics en
écartant les réserves, les critiques, les jugements ... Pas de priorité logique ou
chronologique. C’est l’attention flottante, du côté de celui qui écoute, du médecin qui prête
son attention, qui sera avec l’association libre (du côté du malade, qui parle) la méthode
même de la cure psychanalytique.

Névrose

C’est “une maladie psychique dont les symptômes sont physiques et qui n’est pas
guérissable par la médecine.” Conduite inadaptée à la vie. Obsessions-gestes répétés,
insensés-troubles physiques-fatigue. Rapports humains difficiles. Souffrance, impuissance.

Les névrosés souffrent du refoulement de “x” (à découvrir). Leur trouble est un


compromis, comme le rêve et le lapsus: il protège des effets du refoulement (libido
refoulée: angoisse) et maintient ce refoulement. NE PAS SAVOIR: condition essentielle de
la névrose.

Guérir

Amener à la conscience: pas à la compréhension intellectuelle simplement, mais à


l’échange et au projet. Je me libère de mon passé -je m’en souviens et je l’oublie- en
contractant de nouvelles relations intersubjectives, un nouvel engagement. Avec qui?
Avec celui qui est là à ce moment, avec le médecin! Les symptômes ainsi agis
disparaissent. La cure passe donc par le transfert: “Intérêt particulier pour la personne du
médecin”. Nouvel amour artificiel.
Optimisme de Freud croyance au déterminisme scientifique, (et non au fatalisme) c.a.d. à
la liberté. Foi rationnelle. Le sens surabonde. La vérité guérit. La psychanalyse appartient
de plein droit à la sagesse, en ce qu’elle distingue le mal et la maladie, et se constitue de la
recherche et de la démystification des formes illusoires de satisfaction.

III Sujet-Texte

L' homme n'est pas un être doux, en besoin d'amour, qui serait tout au plus en mesure de
se défendre quand il est attaqué, mais au contraire il compte aussi à juste titre parmi ses
aptitudes pulsionnelles une très forte part de penchant à l'agression. En conséquence de
quoi, le prochain n'est pas seulement pour lui un aide et un objet sexuel possibles, mais
aussi une tentation, celle de satisfaire sur lui son agression, d'exploiter sans
dédommagement sa force de travail, de l'utiliser sexuellement sans son consentement, de
s'approprier ce qu'il possède, de l'humilier, de lui causer des douleurs, de le martyriser et
de le tuer. Homo homini lupus [l'homme est un loup pour l'homme]; qui donc, d'après
toutes les expériences de la vie et de l'histoire, a le courage de contester cette maxime? [...]
L'existence de ce penchant à l'agression que nous pouvons ressentir en nous-mêmes, et
présupposons à bon droit chez l'autre, est le facteur qui perturbe notre rapport au
prochain et oblige la culture à la dépense qui est la sienne. Par suite de cette hostilité
primaire des hommes les uns envers les autres, la société civilisée est constamment
menacée de désagrégation.
Freud, Malaise dans la civilisation (1929)

Commentaire détaillé rédigé

Une première caractérisation de l'homme par l'agressivité, qui tient à sa nature pul-
sionnelle. Freud remet d'emblée en cause l'idée selon laquelle l'homme ne serait qu'un être
bon et pacifique par nature. Il ne dit pas que la bonté soit absente ou impossible, mais
seulement qu'elle ne suffit pas pour rendre compte de la réalité de l'homme. Pour
concevoir celle-ci, il faut donc également lui attribuer un penchant, c'est-à-dire une
inclination ou une tendance naturelle à l'agression. Le début du texte nous demande donc
de considérer une nature double de l'homme. Ce qui peut ici nous conduire à l'idée de
nature, c'est la référence faite par Freud à l'idée d'aptitudes pulsionnelles. La pulsion
désigne chez Freud une force inconsciente d'origine biologique douée d'une forte charge
énergétique. Elle produit chez l'homme une tension qui se décharge»en l'orientant vers un
objet satisfaisant. Plus qu'un simple penchant, en ce sens, elle désigne une structure
inconsciente de la nature de l'homme.

L'agression n'est pas une simple réaction, en ce sens, à une situation qui mettrait l'homme
en péril, mais un mouvement par lequel l'homme tend à détruire (agressivité, du latin
adgredi, signifie aller vers, attaquer).

Le fait que l'homme ait une très forte part de penchant à l'agression tend à disqualifier
toute approche de l'homme qui ne partirait pas de cette réalité. La douceur et l'amour,
évoqués au début du texte, semblent tout à coup relégués au second plan et n'être que des
expressions secondes de la nature de l'homme.

Les effets de l'agressivité pulsionnelle dans le rapport à autrui.


Encore une fois, Freud commence par dire que le rapport à autrui enveloppe aussi la
possibilité d'une relation reposant sur un respect mutuel. Mais, immédiatement suit une
énumération qui a pour but de dérouler les conséquences de ce qui précède, à savoir
l'identification d'une agressivité d'origine pulsionnelle, composante fondamentale de
l'homme. Il faut en analyser le détail.

Il est significatif que Freud parle de prochain, ce qui peut renvoyer implicitement à la
détermination religieuse d'autrui: tu aimeras ton prochain comme toi-même.
Ce qui peut le confirmer encore, c'est l'usage du terme de tentation qui suit immé-
diatement la notion de prochain. La tentation peut se définir comme un attrait pour une
chose défendue et suppose un mouvement intérieur qui incite l'homme au mal.
C'est précisément parce que le prochain est défendu qu'il incite l'homme au mal:
l'agression est donc pensée comme relative à un fonds pulsionnel et signifie qu'il y a
transgression d'un interdit à l'égard de la personne d'autrui. Il est l'objet qui tente, bien
qu'il n'en soit pas directement responsable cependant. Il tente mal gré lui, pour ainsi dire,
et réveille en l'homme le désir d'agression. Si une authentique relation de nature morale
(aide) ou naturelle (le partenaire sexuel) est possible, elle ne résume pas encore l'ensemble
des désirs qu'autrui suscite chez l'homme.

Suit alors une énumération des actes violents auxquels l'homme peut être conduit en vertu
de sa nature propre.

L'ordre de leur présentation est intéressant.

Travail: Freud rapporte le désir d'exploiter l'homme à un désir de lui faire violence et de le
soumettre a une condition servile. Notons qu'il ne s'agit pas d'une conception économique
de la raison de l'exploitation humaine. Sexualité: elle devient également une forme
d'exploitation. Il est à souligner que, dans les deux cas, Freud insiste sur la non-réciprocité
de l'acte (sans dédommagement, sans son consentement), soulignant ainsi que nous avons
bien affaire à des formes possibles du rapport à autrui qui se situent en dehors de
l'échange proprement dit.

Propriété: aux dépossessions de l'activité et du corps vient s'ajouter celle des biens. Nous
avons là trois figures possibles de l'aliénation, conséquence directe du penchant agressif
de l'homme.

Quatre nouvelles formes apparaissent: l'humiliation, la douleur, la martyrisation et la


mort. Elles semblent insister moins sur un rapport de propriété qu'autrui possède avec lui-
même ou à l'égard de choses, que sur un ensemble de rapports de négation qui finissent
par aller jusqu'à la forme suprême: la mise à mort, négation absolue de la personne
humaine. Ce n'est sans doute pas un hasard si Freud termine cette énumération par la
mort: l'agressivité dont il est question depuis le début du texte, qui est l'expression d'une
aptitude pulsionnelle, est mise en rapport, dans la théorie freudienne des pulsions, avec la
pulsion de mort (thanatos), qui consiste justement en une activité destructrice. On peut
donc y voir le terme auquel conduit l'agressivité, son but propre, la manière même dont la
pulsion de mort peut se « décharger » et ainsi se satisfaire.

Le rapport violence-culture.

La dernière phrase du passage nous signale quel est l'objet véritable de la réflexion freu-
dienne. Il ne s'agit pas de verser dans l'apologie de l'agressivité humaine et de toutes les
formes de violence qu'elle peut engendrer. Freud ne condamne pas l'homme, pas plus
qu'il ne l'excuse. Il essaye seulement de le comprendre. Et il voit, dans cette origine
pulsionnelle, un fonds primitif (hostilité primaire) que la société de la culture ne peut
manquer de rencontrer dans son édification. L'hostilité primaire des hommes entre eux
fait écho à la guerre de chacun contre chacun (Hobbes, Léviathan). Que l'homme puisse
être un loup l'homme pour n'est pas une découverte (Freud reprend d'ailleurs plusieurs
fois dans son œuvre l'expression à son compte). Ce qui l'est, en revanche, c'est d'attribuer
cette violence, non seulement à la nature humaine, mais à la nature pulsionnelle de
l'homme.

La conséquence ultime de cette violence qui s'attache à l'homme et le définit pour une part
considérable, c'est la manifestation d'une résistance à entrer dans la culture. Toute entrée
dans la culture se paye du prix d'un renoncement à ce fonds pulsionnel premier: l'homme
ne peut, en ce sens, qu'être dénaturé pour devenir civilisé.

Mais si la culture et la civilisation éduquent l'homme, en polissent le penchant naturel


agressif, elles ne le font pourtant pas disparaître. C'est pourquoi la dernière phrase du
texte souligne combien toute civilisation repose sur un conflit latent de l'individu et de la
culture. Ce conflit devient manifeste sur les plans politique (guerres) et moral (relations à
autrui). Il explique ainsi pourquoi il y a malaise dans la civilisation et pourquoi celle-ci
doit constamment rester vigilante devant l'homme et toujours réfléchir sur les moyens de
dompter l'animal sauvage qui gît en lui-voir, par exemple, l'usage possible de la notion de
sublimation chez Freud, qui est la transformation des pulsions primitives en sentiments
d'ordre supérieur (esthétiques, moraux, religieux), utilisant leur force et la dérivant vers
des buts socialement acceptables. Si Freud retrouve donc une idée ancienne de la pensée
politique et morale, il constate encore combien la violence s'attache inévitablement à la
mise en place de toute culture et ne s'exprime pas seulement sur un plan politique.
Mais c'est donner à la culture une tâche infinie que de lui assigner pour but la maîtrise de
cette nature violente.

IV Exercice

Manuel page 114

Faire un tableau en deux parties. En quoi les 3 découvertes emblématiques qui ont infligé un
démenti à l'égoïsme humain ont été d'abord des humiliations? En quoi finalement ont-elles
été des gains de sens et de liberté?

Vous aimerez peut-être aussi