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M AT É R I AU X

Ti100 - Plastiques et composites

Matériaux composites :
présentation et renforts

Réf. Internet : 42142 | 2nde édition

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III
Cet ouvrage fait par tie de
Plastiques et composites
(Réf. Internet ti100)
composé de  :

Propriétés générales des plastiques Réf. Internet : 42152

Plastochimie et analyse physico-chimique Réf. Internet : 42139

Adjuvants des plastiques Réf. Internet : 42138

Matières thermoplastiques : monographies Réf. Internet : 42147

Matières thermodurcissables : monographies Réf. Internet : 42146

Caoutchoucs Réf. Internet : 42615

Essais normalisés, développement et sécurité des plastiques Réf. Internet : 42145

Applications des plastiques Réf. Internet : 42141

Plastiques et environnement Réf. Internet : 42657

Plasturgie : procédés d'extrusion Réf. Internet : 42150

Procédés d'injection des thermoplastiques Réf. Internet : 42151

Plasturgie : fabrications de corps creux, de films et de fils Réf. Internet : 42149

Plasturgie : procédés spécifiques aux composites Réf. Internet : 42474

Finitions des plastiques - Fabrication additive des polymères Réf. Internet : 42475

Matériaux composites : présentation et renforts Réf. Internet : 42142

Caractérisation et propriétés d'usage des composites Réf. Internet : 42144

Applications des composites Réf. Internet : 42140

Bases de données : polymères Réf. Internet : 42603

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IV
Cet ouvrage fait par tie de
Plastiques et composites
(Réf. Internet ti100)

dont les exper ts scientifiques sont  :

Jean-François AGASSANT
Professeur Mines-Paristech, Responsable Département « Mécanique et Matériaux »,
Délégué Mines-Paristech à Sophia-Antipolis

Christophe BINÉTRUY
Professeur à l'Institut de Recherche en Génie Civil et Mécanique (GeM), École Centrale de
Nantes

Pierre CHARRIER
Global Advanced Engineering , CAE Durability Prediction Director, Modyn,
TrelleborgVibracoustic Group

Claude JANIN
Conseiller scientifique du LRCCP

Patricia KRAWCZAK
Professeur à l'Ecole des Mines de Douai, Responsable du Département Technologie des
Polymères et Composites et Ingénierie Mécanique

Marie-France LACRAMPE
Responsable du Groupe Polymères, Professeur au Département Technologie des
Polymères et Composites et Ingénierie Mécanique de l'Ecole des Mines de Douai

Jean-Benoît LE CAM
Professeur des Universités, Institut de Physique de Rennes, CNRS/Université de Rennes 1

Francis PINSOLLE
Ingénieur ENSEM (École nationale supérieure d'électricité et de mécanique de Nancy),
IAE (Institut d'administration des entreprises d'Aix-en-Provence)

Gilbert VILLOUTREIX
Professeur au CNAM (Conservatoire national des arts et métiers)

Redouane ZITOUNE
Maître de conférences-HdR à l'IUT-A de l'Université Paul Sabatier

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V
Les auteurs ayant contribué à cet ouvrage sont :

Christophe BALEY Éric DALLIES Guy NEMOZ


Pour l’article : AM5130 Pour l’article : AM5132 Pour l’article : AM5122

Patrice BERÇOT Martine DAUCHIER René PAILLER


Pour les articles : M1622 – Pour l’article : AM5325 Pour l’article : N4803
M1623
Alain DUFRESNE Francis REBILLAT
Anne BERTHEREAU Pour l’article : NM3491 Pour l’article : N4803
Pour l’article : AM5132
Guy DUPUPET Bernard REIGNIER
Christophe BINÉTRUY Pour l’article : AM5134 Pour l’article : N4803
Pour l’article : AM5141
Jean-Michel Jean-Marie
Gérald CAMUS GLOAGUEN RUCKEBUSCH
Pour l’article : N4803 Pour l’article : AM5205 Pour l’article : AM5110

Laurence CARAMARO Joseph GULINO Jean-François SILVAIN


Pour les articles : N2510 – Pour l’article : AM5133 Pour l’article : M250
N2511
Jean-Marc HEINTZ Francis TEYSSANDIER
Jean-Claude CAVALIER Pour l’article : M250 Pour l’article : N4803
Pour l’article : AM5325
Jean-Marc LEFEBVRE Amélie VEILLÈRE
Michel CHATAIN Pour l’article : AM5205 Pour l’article : M250
Pour l’article : AM5000
Christophe LORRETTE Didier VERCHÈRE
Pour l’article : N4803 Pour l’article : M5810

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VI
Matériaux composites : présentation et renforts
(Réf. Internet 42142)

SOMMAIRE
Réf. Internet page

Matériaux composites : présentation générale AM5000 9

Microsphères creuses de verre pour mousses syntactiques AM5110 13

Fibres et fils à usage technique N2510 17

Textiles à usage technique N2511 21

Textures textiles tridimensionnelles AM5122 25

Fibres naturelles de renfort pour matériaux composites AM5130 29

Nanocomposites polymères à renfort cellulosique NM3491 37

Fibres de verre de renforcement AM5132 41

Mats de verre à filaments continus AM5133 47

Fibres de carbone AM5134 49

Nanocomposites polymères/silicates en feuillets AM5205 53

Structures sandwiches AM5141 59

Structures sandwich acier / polymère / acier M5810 65

Matériaux composites phénoliques ablatifs AM5325 71

Matériaux composites à matrice céramique et à renfort par fibres longues N4803 73

Dépôts composites par électrolyse. Modélisation M1622 79

Dépôts composites par électrolyse. Paramètres et applications M1623 83

Matériaux composites à matrices métalliques M250 87

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VII
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Référence Internet
AM5000

Matériaux composites :
présentation générale

par Michel CHATAIN


Ingénieur de l’Institut industriel du Nord IDN
Docteur ès sciences physiques

1. Principaux constituants ......................................................................... AM 5 000 - 2


2. Méthodes de mise en œuvre spécifiques .......................................... — 6
3. Propriétés ................................................................................................... — 8
4. Essais........................................................................................................... — 9
5. Comportement.......................................................................................... — 10
6. Applications .............................................................................................. — 10

ne rubrique importante du présent traité « Plastiques et Composites » est


U consacrée aux plastiques renforcés, c’est-à-dire aux matériaux constitués
par une matrice organique renfermant des fibres souvent réparties de façon opti-
male pour assurer la plus grande résistance dans la direction des plus grandes
contraintes.
On peut donc supposer que l’analyse de leur comportement et la prévision de
leurs propriétés vont faire intervenir les caractéristiques de la matrice, celles des
fibres, des problèmes d’interface et des conditions de fabrication. En effet, les
propriétés mécaniques des composites sont très dépendantes des fibres
employées : nature, répartition, taux, longueurs, diamètres, ensimages... Toute-
fois, les propriétés mécaniques, électriques, chimiques, photochimiques, thermi-
ques sont largement affectées par celles de la matrice (en particulier par les
températures de transition et de fusion pour les thermoplastiques) et cela
d’autant plus que la fibre est plus courte et en plus faible proportion.
Une bonne connaissance des plastiques renforcés doit donc être fondée sur
celle des renforts et des matrices.
Parution : octobre 2001

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Plastiques et Composites AM 5 000 − 1

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Référence Internet
AM5000

MATÉRIAUX COMPOSITES : PRÉSENTATION GÉNÉRALE ________________________________________________________________________________________

(0)

Principaux sigles
BMC Bulk molding compound (prémix) OHR Préimprégné orienté à haute résilience
CFRP Carbon – FRP (plastiques renforcés de fibres RIM Reaction injection molding (moulage par réaction-
de carbone) injection)
CSMC Carbon – SMC R-RIM Reinforced RIM (RIM renforcé de charges et renforts de
faible dimension)
DMC Dough molding compound (pâte) RTM Resin transfert molding (moulage par injection à basse
pression)
FRP Fiber reinforced plastics (plastiques renforcés de SMC Sheet molding compound (mélange de moulage en
fibres) feuille)
FIT Fibre imprégnée de thermoplastique S – RIM Structural RIM (RIM renforcé de tissus ou mats de
verre)
GRP Glass reinforced plastics (plastiques renforcés de TPA Thermoplastique armé
verre)
IMC In mold coating (revêtement dans le moule) TPE Thermoplastique estampable
LP Low profile (faible retrait) TRE Thermoplastique renforcé estampé
PREG MAT Mat préimprégné XMC Molding compound à renfort croisé
PREPREG Préimprégné ZMC Polyester chargé de fibre de verre injectable

1. Principaux constituants 1.1.3 Polyépoxydes (EP) [A 3 465]

Leurs propriétés d’adhésivité sont bien connues et les fait choisir


malgré leur prix plus élevé quand existent des impératifs de liaison
avec une structure ou un mécanisme métallique.
1.1 Matrices
1.1.4 Polyuréthannes (PUR) [AM 3 425]
Pour des raisons de facilité de mise en œuvre sans pression, ce
sont les polymères transformés à l’état liquide qui ont été initiale- Ils sont utilisés sous forme souple ou rigide avec des techniques
ment choisis pour servir de matrices et qui continuent à être le plus spécifiques ou sous forme expansée comme remplissage de cais-
sons d’insubmersibilité ou âme d’éléments sandwichs.
souvent employés. On peut dire que depuis, tous les plastiques ont
été utilisés avec plus ou moins de succès pour la fabrication des dif-
férents composites à fibres courtes qui s’injectent, s’extrudent, se 1.1.5 Formophénoliques (PF) [A 3 435]
moulent comme les résines pures ou à fibres longues comme les
TRE ou les FIT. Comme les aminoplastes (ME et UF) [A 3 415], ils ont été les pre-
miers à être associés à des produits de renforcement : tissus de
Tous ces polymères sont décrits dans le présent traité qui consa- verre ou de coton, bois déroulé, fibre de bois, de verre, d’amiante,
cre au moins une monographie à chacune des résines employées. papier kraft ou papier décoré pour la production de stratifiés « haute
pression » (lamifiés, bois imprégnés...). La mise au point de nouvel-
les résines leur donne accès à des techniques « basse pression »
permettant la réalisation « au contact » d’éléments de grandes
1.1.1 Polyesters insaturés (UP) [A 3 445] dimensions intéressants à cause de leur comportement au feu pour
des applications dans le bâtiment.
Ils ont été choisis pour la fabrication de nombreux bateaux, car- Par ailleurs, ils ont servi à la préparation de matériaux ablatifs
(cf. [A 7 805]).
rosseries, réservoirs et occupent toujours une position dominante
par leur tonnage.
1.1.6 Silicones (SI) [A 3 475]

1.1.2 Résines vinylesters [A 3 450] Les résines silicones ont également servi de matrice dans des
stratifiés haute pression.

Elles sont dissoutes dans un solvant copolymérisable, le plus sou-


vent le styrène, de sorte que leur mise en œuvre et leurs propriétés, 1.1.7 Poly(bismaléimides) [A 3 485]
différentes de celles des polyesters, les rapprochent des polyépoxy-
des. Ils sont connus pour leur tenue à relativement haute température.

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Référence Internet
AM5000

_______________________________________________________________________________________ MATÉRIAUX COMPOSITES : PRÉSENTATION GÉNÉRALE

sent à des composites thermorésistants qui seront examinés plus


loin (cf. § 1.4).

Gaine
1.2 Fibres

1.2.1 Verre [A 2 110]


Les fibres les plus employées sont les fibres de verre. On verra
Poudre que l’industrie verrière propose plusieurs produits différent par leur
composition chimique et leurs prix : le verre E d’une part et d’autre
part les verres R et S très voisins (le premier est français et le second
Fibre
américain).
Les fibres subissent différents traitements de surface (ensimages)
Figure 1 – Imprégnation de FIT destinés à empêcher leur rupture pendant leur mise en œuvre (ensi-
mage textile) et à améliorer l’adhérence de la résine choisie à l’inté-
rieur du stratifié (ensimage plastique). Certains traitements sont
1.1.8 Matrices thermoplastiques supposés assurer les deux fonctions (ensimage textilo-plastique).
On peut noter que la littérature concernant les ensimages est relati-
Elles ont été employées plus tardivement. Cela s’explique facile- vement rare.
ment par la difficulté d’introduire des fibres fragiles sans les rompre
et par leur thermoplasticité qui les rend vulnérables à des tempéra-
tures faibles mais qui facilite en compensation leur mise en œuvre. 1.2.2 Carbone [A 2 210]
En effet, les thermoplastiques sont à l’état fondu beaucoup plus Il est produit à partir de la pyrolyse contrôlée de fibres organiques
visqueux que les polyesters par exemple. L’utilisation d’un solvant appelées : « précurseurs ». Les fibres de polyacrylonitrile (PAN) sont
n’est pas une solution satisfaisante car il faut l’évaporer après les plus employées. On admet généralement que la pyrolyse du PAN
l’imprégnation des fibres. entraîne une cyclisation intra ou intermoléculaire qui aboutit à des
La solution, envisagée par Atochem pour le FIT, a consisté à facili- cycles carbonés. Les autres précurseurs sont la rayonne, le brai,
ter l’imprégnation d’une mèche en introduisant des particules sphé- mais la plupart des polymères filables pourraient être employés
riques du polymère choisi entre les filaments, en gainant la mèche avec plus ou moins d’intérêt. En fonction de leur précurseur, les
avec le même polymère et en contrôlant la granulométrie de la pou- fibres de carbone sont appelées : ex-PAN, ex-brai...
dre pour que le diamètre moyen des particules soit du même ordre Les fibres de carbone se différencient par le taux de carbone plus
que celui des fibres (figure 1). L’introduction de la poudre et sa dis- ou moins élevé qui modifie les allongements et les contraintes à la
persion à l’intérieur de la mèche pouvait être faites en bénéficiant rupture et les modules d’élasticité.
d’une attraction électrostatique et en faisant passer la fibre dans un
lit fluidisé de la poudre. Les composites ont une résistance mécanique très grande aussi
bien en traction qu’en compression et par suite en flexion et une
La gaine souple ainsi obtenue pouvait servir à la fabrication de grande rigidité pour une masse volumique faible. Ils possèdent une
semi-produits : tissus, tresses, tricots, et à la réalisation de pièces très bonne tenue en température en atmosphère non oxydante et
par pultrusion (cf. § 2.5), enroulement filamentaire (cf. § 2.6), ou les une bonne tenue chimique à la température ambiante.
tissus réalisés à l’aide du FIT pouvait être empilés et moulés par
compression. On trouvera des fibres dites « à haute résistance » HR et des fibres
« à haut module » HM ou même « à très haut module » THM, et des
En effet, ce problème d’imprégnation étant résolu (quelle que soit
fibres intermédiaires.
la méthode), le composite à matrice thermoplastique résultant peut
être chauffé, mis en forme puis refroidi, et conserver de cette façon Une particularité importante de ces fibres est leur coefficient de
la géométrie qui lui a été imposée, cette opération étant réversible. dilatation linéique négatif ou quasi nul dans le sens axial (− 1 · 10−6
à − 0,1 · 10−6 K−1) et cela dans un large domaine de températures.
Cette facilité de mise en œuvre est malheureusement associée à
Cette caractéristique a été mise à profit pour réaliser des poutres
leur thermosensibilité signalée dans l’introduction qui pénalise leur
géométriquement stables pour des applications optiques en orien-
utilisation comme composite à hautes performances : lorsque l’on
tant correctement les fibres dans les différentes couches du stratifié
atteint la température de transition vitreuse ou la température de
symétrique (cf. § 3.2).
fusion (polymères cristallins), le composite perd toute résistance.
Leur usage s’est donc peu développé ; les polymères susceptibles Il faut signaler également le mauvais comportement au choc et à
de servir de matrice à des fibres courtes sont les polysulfones (PSU) l’abrasion des stratifiés renforcés par des fibres de carbone.
[A 3 393] avec les poly(arylsulfones) (PAS) et les poly(éthersulfones)
(PES), les poly(étheréthercétones) (PEEK) [A 3 395], les polycarbo- 1.2.3 Polyamides aromatiques [A 3 985]
nates (PC) [A 3 381], les polyamides (PA) [A 3 360], les poly(éthylè-
netéréphtalates) (PET) [AM 3 376]. Appelés aussi aramides, ce sont des poly(p-phénylène téréphta-
En ce qui concerne les composites à matrice thermoplastique et à lamides) (PPT) commercialisés par Du Pont de Nemours (États-Unis)
fibres longues, on peut citer en plus du FIT et de tous les polymères sous les noms de Kevlar et Nomex et par Akzo-Enka (Pays-Bas) sous
que l’on a essayé de lui associer l’utilisation du polypropylène (PP) le nom de Twaron.
dans la technique du TRE (cf. § 2.8). Dans le procédé américain, le PPT est obtenu en faisant agir
l’acide téréphtalique sur la paraphénylènediamine.
1.1.9 Autres matrices Akzo-Enka remplace l’acide par son dérivé chloré.

Nous citerons pour mémoire les produits verriers et les métaux Deux principaux types de fibres sont commercialisées :
qui nous entraînent hors du cadre que nous nous étions fixés pour — les fibres Haut Module (Kevlar 49 et Twaron HM) et
ce traité, ainsi que le carbone et le carbure de silicium qui condui- — les fibres standards (Kevlar 29 et Twaron HM 50).

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AM5110

Microsphères creuses de verre


pour mousses syntactiques
par Jean-Marie RUCKEBUSCH
Ingénieur développement d’applications et support technique
Société 3M France, département matériaux avancés, CERGY PONTOISE, France

1. Microsphères creuses de verre............................................................ AM 5 110v2 - 2


1.1 Origine ......................................................................................................... — 2
1.2 Procédés de fabrication .............................................................................. — 2
1.3 Caractéristiques physico-chimiques.......................................................... — 2
1.4 Traitements de surface ............................................................................... — 4
2. Mousses syntactiques............................................................................ — 6
2.1 Définition ..................................................................................................... — 6
2.2 Nature et choix du liant de base ................................................................ — 6
2.3 Modes de fabrication .................................................................................. — 7
2.4 Propriétés physiques .................................................................................. — 7
3. Principaux débouchés des microsphères ......................................... — 8
3.1 Mousses syntactiques ................................................................................ — 8
3.2 Autres applications ..................................................................................... — 9
4. Autres charges cellulaires utilisées avec les microsphères
de verre ...................................................................................................... — 10
4.1 Cenosphères................................................................................................ — 10
4.2 Microsphères de résines synthétiques...................................................... — 10
4.3 Perlites ......................................................................................................... — 10
5. Conclusion................................................................................................. — 10
6. Glossaire .................................................................................................... — 10
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. AM 5 110v2

’industrie des matériaux composites dispose de différentes matières pre-


L mières minérales, destinées à être incorporées aux résines synthétiques
afin de conférer aux pièces fabriquées certaines propriétés que les résines ne
possèdent pas intrinsèquement comme la rigidité, l’allégement, la résistance
aux chocs, la résistance thermique, etc.. Les microsphères creuses de
verre, de masse volumique réelle très faible (0,12 à 0,60 g/cm3), sont surtout
des charges d’allégement des résines thermoplastiques ou thermo-
durcissables et de certains élastomères, conduisant, entre autres, à
l’obtention de mousses syntactiques.
La mousse syntactique est un matériau composite complexe réalisé à partir
de microsphères creuses de verres noyées dans une matrice de résine spécifi-
quement sélectionnée. Ce matériau, apporte une résistance mécanique élevée
pour une densité la plus faible possible.
Ces mousses syntactiques encore appelées matériaux de flottabilité sont
montés sur des équipements destinés à des applications marines s’effectuant
entre 1 000 et 10 000 m de profondeur. Ils ont pour but de neutraliser le poids
des équipements, immergés à leur profondeur de travail. De ce fait, les
Parution : décembre 2015

mousses syntactiques doivent résister à des pressions considérables pouvant

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AM 5 110v2 – 1

13
Référence Internet
AM5110

MICROSPHÈRES CREUSES DE VERRE POUR MOUSSES SYNTACTIQUES ________________________________________________________________________

dépasser les 1 000 bar. En particulier, elles doivent conserver toutes leurs pro-
priétés de flottabilité, c’est-à-dire ne pas se déformer, ni être perméable à l’eau.
Signalons que les microsphères de verre sont souvent utilisées en complé-
ment d’autres charges cellulaires telles que les cendres volantes à base de
silice et d’alumine, les microsphères de résines synthétiques et les perlites, qui
sont brièvement décrites en fin d’article.
Cet article traite des modes de fabrication ainsi que des propriétés physico-
chimiques des microsphères de verre puis il aborde en détail la technologie
des mousses syntactiques pour lesquelles les microsphères de verre sont un
des composants indispensables.

verre pour que celui-ci présente une très faible alcalinité et une
1. Microsphères creuses très bonne résistance à l’hydrolyse.
de verre
1.3 Caractéristiques physico-chimiques
1.1 Origine
1.3.1 Composition chimique
C’est aux États-Unis, dans les années 1960, que les micros-
phères creuses de verre ont été produites pour la première fois de Les recherches effectuées par les fabricants de microsphères
façon industrielle par un procédé inspiré de l’observation du phé- de verre sont axées sur les paramètres suivants : inertie
nomène ci-après. chimique, performances mécaniques, tenue thermique et prix
Lors du contrôle de qualité de panneaux rétroréfléchissants de revient.
constitués de microbilles en verre plein, il apparaissait qu’à cer-
tains endroits, la lumière incidente, au lieu d’être réfléchie, était Exemple de composition massique chimique typique
diffusée dans toutes les directions. L’analyse de ces défauts a per- – Silice SiO2 : 70 à 80 % ;
mis de constater que des impuretés contenues dans la formula- – Oxyde de sodium Na2O : 3 à 8 % ;
tion du verre jouaient le rôle d’agent d’expansion ; il en résultait la – Chaux CaO : 8 à 15 % ;
formation de sphères creuses qui diffusaient la lumière plutôt que – Oxyde de bore B2O3 : 2 à 6 %.
de la réfléchir.
La forte teneur en silice confère aux microsphères une bonne
inertie chimique et des propriétés mécaniques satisfaisantes.
1.2 Procédés de fabrication Les oxydes alcalins sont employés en tant que fondants afin
Il existe différentes méthodes de production des microsphères de diminuer la température de fusion du mélange vitrifiable, ce
creuses de verre, décrites ci-après. qui permet d’optimiser les coûts de fabrication.
L’oxyde de bore est employé pour augmenter la résistance aux
■ Une solution aqueuse de silicate de sodium et de borate chocs thermiques en diminuant le coefficient de dilatation ther-
d’ammonium est pulvérisée sous forme d’un fin brouillard dans mique.
un courant d’air chaud. Les particules creuses qui en résultent,
contenant une quantité résiduelle d’eau, sont ensuite séchées en Exemple : dans le verre Pyrex, la teneur massique en B2O3 est de
plusieurs étapes dans des tours séchoirs. Une étape supplémen- l’ordre de 12 %.
taire consiste à traiter la surface de ces microsphères constituées
d’un verre soluble dans l’eau, à l’aide d’acides gras ou d’organosi-
lanes afin de rendre leur surface hydrophobe. 1.3.2 Aspect
■ Une solution de silicate de sodium contenant un agent Les microsphères creuses de verre se présentent en général
d’expansion est gélifiée dans un milieu faiblement acide. Le gel sous la forme d’une poudre blanche s’écoulant librement, for-
obtenu, partiellement séché, est broyé pour obtenir une poudre de mée de particules unicellulaires non poreuses et parfaitement
fines particules qui sont ensuite expansées dans une flamme. sphériques (figure 1).
■ Une pâte d’un verre de borosilicate de sodium et de La sphère étant le volume qui présente la surface minimale,
chaux est fondue dans un four à verre classique à environ les microsphères ont donc une surface spécifique très faible :
1 000 °C. Un agent d’expansion est alors ajouté à cette pâte avant moins de 1 m2/cm3, mesurée par la méthode BET (Brunauer,
refroidissement rapide. Les grains de verre obtenus sont ensuite Emett, Teller).
broyés jusqu’à obtenir la répartition granulométrique voulue. La
Pour un même taux volumique de charge dans la résine, le
poudre de verre est ensuite projetée dans une flamme. Les parti-
mélange avec des microsphères présente une plus faible viscosité
cules se ramollissent et l’agent d’expansion contenu dans chaque
que celle des mélanges contenant des charges minérales clas-
particule de verre se décompose pour former un gaz à l’intérieur
siques, de formes géométriques aléatoires (figure 2).
du verre pâteux, lequel expanse les particules pour former des
sphères creuses qui sont ensuite refroidies dans l’air puis collec-
tées dans des cyclones avant passage sur un tamis pour la sélec- 1.3.3 Masses volumiques
tion granulométrique. Cette troisième technique offre l’avantage
de fabriquer les microsphères par un procédé à sec, donc sans Trois sortes de masse volumique sont utilisées pour caractéri-
humidité résiduelle et de maîtriser la composition chimique du ser les microsphères creuses de verre.

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AM 5 110v2 – 2

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Référence Internet
AM5110

________________________________________________________________________ MICROSPHÈRES CREUSES DE VERRE POUR MOUSSES SYNTACTIQUES

14
12
10

Volume (%)
8
6
4
2
0
1 10 100 1 000
Taille des particules (μm)

Figure 3 – Distributions granulométriques typiques de deux


échantillons de microsphères 3M déterminées par granulométrie
laser Mastersizer – Malvern

■ Masse volumique effective :


100 μm
ρe = M/Ve
avec Ve volume effectif qu’occupent les microsphères
dans un liquide, qui comprend le volume réel
occupé par les microsphères et également le
Figure 1 – Microsphères de verre observées par microscopie électro-
nique volume d’air qui est inclus dans le liquide lors de
l’opération de mélangeage.
Pour des raisons de reproductibilité de la mesure, il est judi-
cieux de caractériser les microsphères par leur masse volumique
réelle mesurée au pycnomètre à gaz.
25 000

1.3.4 Granulométrie
20 000
Viscosité (mPa.s)

Les microsphères creuses de verre présentent en général une


répartition granulométrique très large, centrée sur un diamètre
15 000 médian de 50 à 60 μm et qui suit une distribution gaussienne. La
coupe granulométrique (c’est-à-dire la dimension de l’ouverture
Talc
10 000 de maille du tamis pour laquelle 95 ou 98 % des particules
passent) se situe vers 120 μm.
Des types spéciaux de microsphères peuvent présenter une
5 000
répartition plus resserrée de coupe à 75 μm centrée sur un dia-
Microsphères K1
mètre médian de 35 μm (figure 3).
0
0 10 20 30 40 50 60
1.3.5 Facteur d’empilement
Taux volumique de charge (%)
Le facteur d’empilement FE, qui caractérise la compacité
d’un échantillon de microsphères, est fonction de la répartition
Figure 2 – Courbes de viscosité à température ambiante granulométrique :
d’une résine polyester chargée de talc et de la même résine chargée
de microsphères K1 (3M)

■ Masse volumique apparente :


ρa = M/Va Par analogie avec la cristallographie, des sphères de diamètres
identiques présentent une compacité maximale de 0,74
avec M masse de l’échantillon de microsphères, lorsqu’elles sont empilées dans un système soit cubique à faces
Va volume apparent tassé de microsphères. centrées (cfc), soit hexagonal compact (hc).
Pour la détermination du volume apparent tassé des microsphères, Les microsphères, pour des raisons pratiques de fabrication, ne
on utilise un appareil appelé « tap-pack » qui densifie l’échantillon par présentent pas une distribution monogranulométrique ; leur empi-
vibration. lement se fait de façon à ce que les petites particules occupent les
espaces laissés entre les grosses particules. Leur facteur d’empile-
■ Masse volumique réelle : ment se situe entre 0,55 et 0,68.
ρr = M/Vr Notons qu’il est possible d’augmenter ce facteur d’empilement
en faisant une sélection granulométrique conduisant à un
avec Vr volume réel des microsphères mesuré à l’aide mélange contenant 70 à 80 % de grosses particules pour 20 à
d’un pycnomètre à gaz. 30 % de fines particules. Pour un rapport des diamètres extrêmes

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AM 5 110v2 – 3

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N2510

Fibres et fils à usage technique

par Laurence CARAMARO


Docteur en matériaux macromoléculaires et composites, université Claude-Bernard
(Lyon-1)
Responsable R&D, société Fibroline

1. Définitions et vocabulaire ..................................................................... N 2 510 — 2


2. Principales catégories ............................................................................ — 2
2.1 Fibres naturelles .......................................................................................... — 2
2.2 Fibres artificielles......................................................................................... — 3
2.3 Fibres synthétiques ..................................................................................... — 3
2.4 Fibres de spécialités .................................................................................... — 4
2.4.1 Fibres organiques à hautes performances ....................................... — 5
2.4.2 Fibres inorganiques ............................................................................ — 6
2.4.3 Fils et filés hybrides ............................................................................ — 9
2.5 Fibres fonctionnalisées ............................................................................... — 9
3. Procédés de fabrication ......................................................................... — 10
4. Propriétés ................................................................................................... — 10
4.1 Propriétés physiques et mécaniques ......................................................... — 10
4.2 Propriétés thermiques................................................................................. — 12
4.2.1 Fibres organiques ............................................................................... — 12
4.2.2 Fibres inorganiques ............................................................................ — 14
4.3 Propriétés électriques.................................................................................. — 14
4.4 Propriétés chimiques................................................................................... — 14
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. N 2 512

a filière textile - habillement regroupe une pluralité d’activités, de la produc-


L tion des fils et fibres à la réalisation d’articles finis. D’origine naturelle (végé-
tale, animale ou minérale) ou chimique (artificielles ou synthétiques), les fibres
textiles suivent différents procédés de transformation pour devenir des produits
finis destinés à l’habillement, à des usages domestiques ou techniques.
Ce dernier domaine regroupe de nombreux secteurs d’application basés sur
l’utilisation de fils ou fibres d’origines et de caractéristiques très diversifiées.
Cette étude établit un tour d’horizon de ces différentes matières textiles de
base, de leurs propriétés jusqu’à leur mode de fabrication.
Les architectures textiles et les applications font l’objet d’une deuxième partie intitulée
Textiles à usage technique [N 2 511].
Parution : novembre 2005

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N2510

FIBRES ET FILS À USAGE TECHNIQUE ______________________________________________________________________________________________________

1. Définitions et vocabulaire
(0)

Tableau 1 – Codes BISFA des principales familles de fibres


artificielles et synthétiques
Il est très important de présenter quelques définitions basiques, Nom des fibres Nom des fibres
définies par ailleurs dans des normes existantes de la terminologie Code BISFA
en anglais en français
textile (NF G00-001).
Acrylic Acrylique PAN
■ Le terme fibres est tout d’abord un terme générique désignant
une matière textile de toute nature (naturelle, artificielle, synthéti- Alginate Alginate ALG
que...) et est donc souvent utilisé quelle que soit la présentation de Aramid Aramide AR
cette matière. Cependant, d’une manière plus précise et rigoureuse,
une fibre décrit un élément discontinu défini donc par sa longueur et Carbon Carbone CF
son diamètre. Par exemple, les matières naturelles d’origine végé- Chlorofibre Chlorofibre CLF
tale se présentent intrinsèquement sous forme de fibres dont la lon-
gueur varie en fonction de son origine (de quelques millimètres à Elastane Élasthane EL
quelques centimètres). Fluorofibre Fluorofibre PTFE
Les fibres chimiques peuvent être utilisées sous forme de fibres
Glass Verre GF
discontinues afin de pouvoir être par exemple mélangées à des
fibres naturelles lors de l’opération de filature ou être mises en Lyocell Lyocell CLY
œuvre par des techniques de transformation spécifiques aux fibres
Metal Métallique MTF
(non-tissés obtenus par voie sèche).
Polyamide Polyamide PA
■ Le filé ou filé de fibres est un « fil » d’apparence continue, obtenu
à partir de fibres par filature. Polyester Polyester PES

■ Les fils sont des éléments infinis obtenus par des procédés de Polyethylene Polyéthylène PE
filage permettant de produire des fils artificiels ou synthétiques. Un Polypropylene Polypropylène PP
fil est constitué d’un grand nombre de filaments continus, ou fila-
ments unitaires, et est souvent appelé multifilament continu. Polyimide Polyimide PI
Viscose Viscose CV
■ Lorsque le diamètre d’un filament unitaire devient important, on
parle généralement de crin, jonc ou monofilament utilisé pour cer- Vinylal Vinylal (alcool poly- PVAL
taines applications spécifiques (brosses, pêche, fil de coupe...). vinylique)

■ L’expression architecture textile [N 2 511] résulte de l’arrangement


en deux ou trois dimensions de fibres ou fils permettant la réalisation
de surfaces ou volumes textiles. Selon leurs technologies d’obtention, Il existe différentes normes ou codifications concernant les abré-
ces architectures textiles peuvent se présenter sous la forme de : viations appliquées aux matières textiles. Le tableau 1 regroupe les
codes utilisés pour les principales familles de fibres artificielles et
— non-tissés caractérisés par une répartition quasi isotrope des synthétiques, extrait d’un tableau plus général édité par le Bureau
fibres ou filaments constitutifs ; international de standardisation des fibres artificielles (BISFA).
— des tissus, tresses ou tricots présentant des degrés d’anisotro-
pie plus ou moins marqués en fonction de la technologie utilisée.
Une description des principaux modes de transformation de ces Nous signalons une certaine ambiguïté relative au polyester ;
fibres et fils est présentée dans la suite [N 2 511]. l’abréviation PES est utilisée dans le textile pour les fibres poly-
esters en général qui regroupent différentes fibres dont le
polyéthylène téréphtalate appelé également PET, ce dernier
étant largement le plus utilisé. L’abréviation PES est également
2. Principales catégories utilisée dans l’industrie des plastiques pour décrire le polyéther
sulfone, matière plastique amorphe thermostable.

Il existe un grand nombre de fibres, que l’on peut diviser en qua-


tre grandes catégories :
— les fibres naturelles (§ 2.1) ;
2.1 Fibres naturelles
— les fibres artificielles (§ 2.2) ;
— les fibres synthétiques (§ 2.3) ;
Il s’agit essentiellement de fibres extraites de la plante (coton,
— les fibres de spécialités (§ 2.4).
lin...), de l’arbre (kapok...) ou de l’animal (laine, soie). En dehors de
Les fibres artificielles et synthétiques sont souvent regroupées la soie issue de l’élevage du ver à soie, ces fibres se trouvent donc
sous le nom de fibres chimiques. naturellement sous forme de fibres (discontinues) et peuvent être
Les fibres des trois premières catégories correspondent à des éventuellement mises en œuvre sous forme d’un « fil continu » dit
fibres utilisées aussi bien pour des applications traditionnelles que filé à partir d’une opération de filature (§ 3).
techniques. On utilise essentiellement dans des applications techniques des
La quatrième catégorie correspond à des fibres ayant des caracté- fibres végétales comme les fibres de lin, chanvre et autres fibres
ristiques spécifiques, utilisées essentiellement pour des applica- libériennes (figure 1). Ces fibres sont en particulier utilisées dans
tions techniques. des pièces non structurelles ou semi-structurelles dans l’industrie
automobile mais aussi comme éléments de paillage ou supports de
Nous évoquons également une cinquième famille de fibres, les
semences (applications agrotextiles).
fibres fonctionnalisées (§ 2.5), qui correspondent à des fibres chimi-
ques ayant été modifiées afin de leur apporter des propriétés spéci- Les fibres de coton et de laine sont également utilisées dans cer-
fiques. Cette modification leur permet dans certains cas d’être tains domaines d’application technique comme pièces d’isolation
utilisées pour des applications techniques. thermique ou/et phonique. Soulignons également l’emploi de coton

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N 2 510 − 2 © Techniques de l’Ingénieur

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N2510

______________________________________________________________________________________________________ FIBRES ET FILS À USAGE TECHNIQUE

■ Polyamides (PA) : les fibres de polyamides sont utilisées dans dif-


férents domaines d’application. Dans le cas des applications à
usage technique, on les trouve principalement sous forme de fils
continus de haute ténacité. Plus chers que le polyester, ils sont utili-
sés en particulier pour des applications où leurs caractéristiques en
termes de tenue à l’abrasion, récupération élastique et absorption
d’énergie sont recommandées. Citons en particulier :
— les voilures de parachutes et parapentes ;
— les cordages et sangles pour harnais de protection ;
— les cordages de montagne ;
— les renforts de pneumatique.
Ces applications concernent les fils de polyamide 6 ou 66 (PA6 ou
PA66), ce dernier étant plus utilisé au vu de ses caractéristiques ther-
Figure 1 – Fibres de lin vue au microscope électronique à balayage miques et mécaniques en traction quelque peu supérieures. Le PA6
(MEB) (d’après [1]) s’utilise en particulier pour sa déformation à rupture associée à une
absorption d’énergie plus importante ; ces critères sont requis par
exemple pour les cordages de montagne.
D’autres fibres de polyamide sont également utilisées de manière
plus marginale comme par exemple :
— le polyamide 46 (température et enthalpie de fusion plus éle-
vées que le PA66) pour des airbags et des cordages de tennis ;
— le polyamide 12 pour des matrices pour composites associées
par exemple à des fibres de carbone (fil composite).

■ Polyesters (PES) : ces fibres sont utilisées aussi bien pour des
applications traditionnelles que techniques. Dans le cas des applica-
tions techniques, les fibres se présentent sous forme de non-tissés
Figure 2 – Fibres superabsorbantes vues au MEB montrant
obtenus par des procédés en voie fondue ou voie sèche (§ 4). Les
l’augmentation du diamètre d’une fibre d’un facteur 10 après
domaines d’application de ces non-tissés sont l’isolation, le garnis-
absorption (d’après [2])
sage, les géotextiles, les lingettes...
Sous forme de fils continus, les applications techniques mettent
sous forme de non-tissé pour des applications de type lingette
principalement en œuvre des fils à haute ténacité qui se distinguent
cosmétique, nettoyage industriel, médical... en relation avec ses
par une bonne rigidité (module) associée à des caractéristiques de
propriétés de confort et d’hydrophilie.
stabilité dimensionnelle. On trouve comme principaux domaines
d’application de ces fils :
— les renforts de pneumatiques ;
2.2 Fibres artificielles — les grilles pour géotextiles ;
— les textiles enduits (bandes transporteuses, architectures ten-
dues, bâches de camions) ;
Ces fibres sont obtenues après dissolution de matières naturelles — les sangles et cordages techniques (par exemple, domaines du
et filage de la solution par un procédé d’extrusion. Le procédé per- levage et arrimage...).
met d’obtenir des filaments continus, ou câbles, pouvant ensuite
Ces fibres et fils polyesters sont essentiellement à base de PET
être coupés ou craqués pour obtenir des fibres.
(polyéthylène téréphtalate). Citons également quelques déve-
Les fibres les plus utilisées sont les fibres de viscose, qui peuvent loppements spécifiques à usage technique à base de fils et fibres de
être obtenues par différents procédés (procédé xanthate, procédé polyesters de différentes natures :
NMMO : N-méthylmorpholine-N-oxyde) et qui peuvent être modi- — les fibres de copolyester qui se sont développées en particulier
fiés par introduction d’actifs directement dans la solution avant le pour le thermoliage des non-tissés de polyester. Ces fibres ont une
filage par voie solvant. structure de type âme/gaine constituée d’une âme en polyester clas-
Concernant les applications techniques, citons la viscose haute sique (PET) et d’une gaine en copolyester. Ces copolyesters sont des
ténacité utilisée par exemple pour des applications de renfort thermoplastiques de nature amorphe caractérisés par des points de
d’élastomère (pneumatiques, bandes transporteuses...). ramollissement (entre 80 et 150 ˚C) bien plus faibles que celui du
polyester de base ; on peut ainsi apporter de la cohésion au non-
D’autres fibres artificielles ont été également développées, tissé (points de collage) sans altérer la structure fibreuse en PET
comme par exemple les fibres d’alginate et de chitosane utilisées de (figure 3) ;
manière relativement marginale pour des applications médicales et — les fils de polyéthylène naphtalénate (PEN), font également
des fibres superabsorbantes pour des applications dans le domaine partie de la famille des polyesters et se distinguent du PET par un
de l’hygiène ou autres applications spécifiques (figure 2). point de fusion et des caractéristiques mécaniques en traction plus
élevées. Son utilisation encore marginale concerne en particulier les
textiles enduits ;
—on parle beaucoup des fils biodégradables d’acide polylactique
2.3 Fibres synthétiques (PLA), grâce en particulier au développement d’un polymère
« bon marché » par la société Cargill Dow. Ce développement
ouvre le champ à de nouvelles applications traditionnelles et
Elles sont obtenues par filage d’un polymère synthétique et mises techniques (emballage, agrotextiles...) à ces fils et fibres biodégra-
en œuvre à partir d’un procédé d’extrusion/filage par voie fondue ou dables, jusqu’alors réservés à des applications médicales à haute
solvant. valeur ajoutée (sutures).

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N2511

Textiles à usage technique

par Laurence CARAMARO


Docteur en matériaux macromoléculaires et composites, université Claude-Bernard (Lyon-I)
Responsable R&D, société Fibroline

1. Architectures textiles ............................................................................. N 2 511 — 2


1.1 Fabrication des surfaces textiles ................................................................ — 2
1.1.1 Tissage................................................................................................. — 2
1.1.2 Tricotage .............................................................................................. — 2
1.1.3 Technique de fabrication des non-tissés........................................... — 3
1.1.4 Tressage............................................................................................... — 3
1.2 Caractéristiques des surfaces textiles........................................................ — 4
1.3 Textiles 3D .................................................................................................... — 4
1.3.1 Tissage................................................................................................. — 4
1.3.2 Tricotage .............................................................................................. — 5
1.3.3 Tressage............................................................................................... — 5
1.3.4 Non-tissés............................................................................................ — 5
2. Traitements ................................................................................................ — 6
3. Domaines d’emploi.................................................................................. — 6
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. N 2 512

es textiles techniques sont des produits intrinsèquement fonctionnels dont


L les propriétés spécifiques sont adaptées à certains usages.
Ces textiles peuvent être tissés, tricotés, tressés ou sous forme de non-tissés.
Leurs domaines d’application très diversifiés intègrent tous les emplois des tex-
tiles en dehors des applications traditionnelles pour l’habillement et l’ameuble-
ment.
Suite à la présentation des fils et fibres à usage technique [N 2 510], nous expo-
sons ici les différentes étapes de leur transformation conduisant à une surface
ou architecture textile.
Après un rapide survol des étapes de traitement et d’ennoblissement de ces
surfaces conférant au textile son aspect final, les principaux domaines d’emploi
des textiles techniques sont présentés.
Parution : avril 2006

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N2511

TEXTILES À USAGE TECHNIQUE ___________________________________________________________________________________________________________

1. Architectures textiles On distingue les principaux types de tissus 2D dans le cas d’appli-
cations techniques :
— les tissus grande largeur de fils organiques haute ténacité
principalement en polyester ou polyamide, destinés essentiellement
Il existe différentes technologies permettant de produire des à des traitements de finition par enduction (fines ou lourdes) ;
architectures textiles, dont les propriétés dépendent essentielle-
— les tissus grande largeur à base de fils inorganiques ou organi-
ment de l’orientation des fils ou des fibres de constitution. On parle
ques hautes performances destinés à des marchés hautes perfor-
de surfaces textiles ou d’étoffes lorsque les fils constitutifs sont dis-
mances (électronique, balistique, protection, composite...) ;
posés dans un plan ou de textiles 3D (volumiques) lorsque les fils
sont disposés dans les trois directions de l’espace. Dans chacune de — les tissus étroits destinés aux domaines de la sangle (rubans,
ces catégories (surfaces textiles et textiles 3D), la direction des fils ceintures...) pour différentes applications (industrie, transport, sport
dans un plan peut être axiale, biaxiale ou multiaxiale. et loisirs...) ;
— les tissus spécialisés pour différents secteurs spécifiques (fil-
tres, grilles...).

1.1 Fabrication des surfaces textiles


1.1.2 Tricotage

Les technologies de fabrication des surfaces textiles sont basées Le tricot est obtenu par l’entrelacement curviligne de fils dont
sur quatre grandes familles de procédés de transformation des fils : l’élément de base est la maille [12] [13]. Dans la filière textile, on
parle souvent indifféremment de tricotage ou de bonneterie. Sui-
— le tissage (§ 1.1.1) ; vant le sens d’alimentation des fils, on distingue, par analogie aux
— le tricotage (§ 1.1.2) ; éléments chaîne et trame du tissage, le tricotage trame, ou maille
— la technique de fabrication des non-tissés (§ 1.1.3) ; cueillie, du tricotage chaîne, ou maille jetée.
— le tressage (§ 1.1.4). ■ Tricotage trame ou maille cueillie (figure 2a) : un seul fil issu
d’une bobine forme des boucles (mailles) cueillies par les mailles de
la rangée inférieure. Ces tricots sont fabriqués sur métier rectiligne
1.1.1 Tissage ou métier circulaire. Ils possèdent une grande élasticité mais sont
démaillables. Afin de limiter l’élasticité, il est possible d’insérer dans
le sens chaîne et/ou trame des fils longitudinaux de renforcement.
Le tissage classique [11] consiste à croiser à angle droit un ensem-
ble de fils parallèles (dénommé chaîne) et préalablement montés un ■ Tricotage chaîne ou maille jetée (figure 2b) : plusieurs fils dispo-
à un sur le métier à tisser (opération dite d’ourdissage) avec un sés sur une ensouple, comme pour les fils de chaîne d’un tissu, ali-
ensemble de fils parallèles appelé trame. Chaque fil de trame, ou mentent chacun une aiguille et sont entrelacés avec leur voisin de
duite, est inséré dans la chaîne puis tassé contre les précédents, droite ou de gauche. Ces tricots sont relativement peu déformables
grâce à une commande de chaque fil de chaîne, qui permet (schéma- et difficilement démaillables. Comme dans le cas du tricot trame, il
tiquement) de l’élever ou de l’abaisser alternativement par rapport est possible d’insérer des fils de renforcement longitudinaux capa-
au plan moyen du tissu réalisé. bles de renforcer ce type de structure. Ce tricot est plus largement
utilisé que le tricot trame dans les applications techniques.
Le mode d’entrecroisement des fils de chaîne et de trame consti-
tue l’armure du tissu ; l’aspect du tissu et ses caractéristiques Ces tricots sont cependant moins utilisés que les tissus dans les
dépendent fortement de l’armure choisie, mais aussi d’autres para- applications techniques. On trouve différentes utilisations telles
mètres tels que la grosseur (titre) et la torsion des fils utilisés, la den- que :
sité des fils par centimètre, tant dans le sens chaîne que dans le sens — supports d’enduction pour bâches ;
trame. — grilles de renforcement pour géotextiles ;
On distingue trois familles d’armures fondamentales : les armu- — agrotextiles (filets de protection, brise-vent, paillage...) ;
res toiles, sergés et satins. L’armure toile est la plus simple puisque — renforts pour casques ;
chaque fil de trame passe successivement au-dessus et au-dessous — médical, contention ;
d’un fil de chaîne, mais c’est aussi la moins déformable, du fait d’un — vêtements, cagoules et gants de protection.
nombre important d’entrecroisements (figure 1).

a taffetas b sergé 2/2 c satin


(ou toile 1/1)
a tricot trame b tricot chaîne

Figure 1 – Différents types d’armures Figure 2 – Différents modes de tricotage

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__________________________________________________________________________________________________________ TEXTILES À USAGE TECHNIQUE

a fibres synthétiques liées b fibres synthétiques et naturelles liées


thermiquement par aiguilletage Figure 3 – Surfaces textiles de non-tissés
(doc. IFTH)

1.1.3 Technique de fabrication des non-tissés

Les non-tissés sont des architectures textiles dont les fibres (ou
filaments) sont orientées d’une manière quasi aléatoire et isotrope
(figure 3) et liées entre elles par différentes techniques de consolida-
tion (chimiques, mécaniques ou thermiques). Il existe plusieurs pro-
cédés distincts pour produire des nappes de non-tissés.
■ Procédé voie sèche : cette méthode est la plus répandue car la
plus « simple » à mettre en œuvre. Les nappes de fibres disconti-
nues sont obtenues par cardage/nappage ou à partir d’un procédé
aérodynamique. Cette technique permet facilement d’associer diffé-
rentes fibres entre elles, en mélange ou par superposition de nap-
pes.
■ Procédé voie fondue : le stade initial du procédé est similaire à
celui de la production des fibres chimiques. Les filaments sont
extrudés à travers des filières, étirés et refroidis par voie pneumati-
que et réceptionnés sur un tapis mobile avant consolidation.
Figure 4 – Voile de nanofibres obtenues par electrospinning
Ce procédé, dit spun, est utilisé en particulier à partir de polyester déposées sur un non-tissé spunbond (d’après [14])
et de polypropylène. Le procédé Unifilo de production de mats à fils
continus en verre s’apparente également à ce procédé.
Il existe d’autres procédés dérivés : — le liage chimique par imprégnation, enduction ou
— le procédé meltblow, permettant de produire par voie fondue pulvérisation ;
des nappes de microfibres ou microfilaments, pouvant être utilisées — le liage mécanique par aiguilletage ou par jets d’eau
en combinaison avec des nappes de spun (procédé S/M/S : spun/ (spunlace) ;
meltblown/spun) et présentant l’avantage d’une grande surface spé- — le liage thermique par chauffage en four ou calandrage (utilisa-
cifique (adsorption, drainage) ; tion possible de fibres thermoliantes à bas de point de ramollisse-
— le procédé flash spinning, procédé direct à partir de solutions, ment).
utilisé pour le polyéthylène pour produire le Tyvek. On peut citer les domaines d’application suivants :
— les agro- et géotextiles ;
■ Procédé voie humide : ce procédé, moins utilisé que les deux pré-
— les renforts pour composites en mats et feutres aiguilletés
cédents, dérive de la fabrication du papier et est utilisé générale-
(verre, fibres naturelles) ;
ment à partir de fibres courtes. Certains voiles de non-tissés fins
— le médical et l’hygiène ;
destinés à des applications techniques sont réalisés à partir de cette
— les lingettes (cosmétique, nettoyage domestique) ;
technologie papetière.
— la filtration...
■ Procédé electrospinning (figure 4) : il existe un nouveau procédé
appelé electrospinning, ou filage électrostatique, développé initiale-
ment aux États-Unis, qui permet de produire des nappes de fila- 1.1.4 Tressage
ments nanométriques à partir de solutions diluées de polymères ou
de polymères fondus à très faible viscosité. Cette technologie a pour Dans son sens le plus large, le terme de « tresse textile » désigne
intérêt en particulier de produire des nappes avec une très faible un type de produit obtenu par l’entrecroisement réciproque des fils
porosité (membranes de protection, filtres...). disposés en diagonale par rapport an bord du produit [15].
La consolidation des nappes a un rôle essentiel dans la fabrica- Chaque bobine ou canette portant les fils est installée sur un dis-
tion des non-tissés et conditionne les caractéristiques des nappes positif appelé fuseau, réalisant le guidage de la bobine et permet-
obtenues (cohésion, résistance, densité, porosité...). On peut citer tant d’assurer le déroulement du fil tout en maintenant une tension
parmi les différentes techniques de consolidation : à peu près constante.

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TEXTILES À USAGE TECHNIQUE ___________________________________________________________________________________________________________

Le fuseau se déplace sur un chemin de guidage sinusoïdal usiné ■ Tissus :


dans la table de la machine, sur lequel sont constitués en fait deux — la contexture définie par les paramètres suivants :
circuits concentriques en opposition de phase. Les fuseaux du pre-
• le compte en chaîne : c’est le nombre de fils de chaîne par cen-
mier circuit tournent dans un sens, alors que les fuseaux de l’autre
timètre de tissu,
circuit tournent dans le sens opposé. Ce mouvement de va-et-vient
• le duitage : c’est le nombre de fils de trame par centimètre de
permet la réalisation de tresses tubulaires.
tissu,
Si une jonction existe entre les deux circuits, la trajectoire parcou- • le titre des fils en chaîne,
rue n’est plus un cercle mais un arc de cercle, les fuseaux tournant • le titre des fils en trame,
alternativement dans un sens puis dans l’autre. Cette technique per- • l’armure utilisée ;
met la réalisation de tresses plates. — l’embuvage des fils représentatif de l’ondulation des fils dans
Comme en tissage, il existe différentes armures qui dépendent le tissu (différence entre la longueur des fils extraits des tissus et la
des séquences d’entrecroisement des fuseaux (diamond, regular, longueur que ces fils occupent dans le tissu).
hercules) et il est possible d’introduire des fils longitudinaux per-
mettant de renforcer les caractéristiques mécaniques dans cet axe ■ Tricots : au lieu du taux d’embuvage, on parle de longueur de fil
(tresses triaxiales). absorbé (LFA) par maille caractérisant l’élasticité de la structure tri-
cotée.
Un avantage important de la technique de tressage est la possibi-
lité de réaliser des pièces directement en forme. Le tressage est réa- Les autres caractéristiques sont :
lisé sur un mandrin qui a la forme de la pièce à réaliser. Des pièces — le nombre de mailles par centimètre (qui remplace le nombre
non axisymétriques peuvent être façonnées au moyen d’un auto- de fils de trame par centimètre) ;
mate qui programme le déplacement du mandrin pendant l’opéra- — le nombre de colonnes par centimètre (qui remplace le nombre
tion de tressage. Suivant ce principe, la société japonaise Murata de fils de chaîne par centimètre).
Machinery a développé un automate permettant de fabriquer des À partir de la LFA et du nombre de mailles par centimètre, on peut
pièces de connexion à plusieurs branches (figure 5). calculer aussi un taux d’embuvage qui sera évidemment beaucoup
Les domaines d’application des tresses sont liés principalement plus important que celui d’un tissu.
au domaine du textile traditionnel et en particulier de la
■ Tresse : il est important de connaître, en dehors du titre des fils,
passementerie ; cependant, on peut citer de nombreuses applica-
de l’angle de tressage, du type d’armure et de sa construction
tions techniques :
utilisée :
— cordage, haubanage ;
— sa masse linéique (g/m) qui dépend de l’angle de tressage ;
— sport et loisirs : cadre de vélo, cross de hockey, pagaie de
— son maillage, correspondant au nombre de croisements de fils
canoë, suspente de parachute, fil de pêche, club de golf, cadre de
par unité de longueur.
raquette de tennis ;
— industrie : conduite de fluide, gainage électrique et thermique ; ■ Non-tissés : le mode de fabrication conditionne fortement sa
— aéronautique : ailerons, pâles de turbine, pâles d’hélice ; construction. En fonction de ce mode de fabrication, il peut être
— médical : prothèses orthopédiques, fils de suture... important de connaître la direction de production et la direction
transversale dont dépendent les caractéristiques mécaniques.
Soulignons aussi qu’indépendamment de la nature des surfaces
1.2 Caractéristiques des surfaces textiles textiles, les caractéristiques basiques élémentaires suivantes sont
souvent précisées :
— nature, titre des fibres ou filaments ;
Les différentes surfaces textiles sont caractérisées en fonction de — épaisseur ;
leurs usages : performances mécaniques, thermiques, chimiques, — grammage correspondant à la masse par mètre carré de sur-
électriques... face textile.
Il existe pour la plupart de ces essais une grande diversité de nor-
mes spécifiques qui ont été développées à l’échelle nationale, euro-
péenne et internationale.
1.3 Textiles 3D
Nous dirons quelques mots sur les caractéristiques basiques des
surfaces textiles et en particulier des tissus et des tricots, qui per-
mettent en premier lieu de les définir. Afin de répondre à des sollicitations complexes, les fabricants de
surfaces textiles ont développé des architectures 3D qui permettent
de mieux satisfaire les besoins et les cahiers des charges requis
pour l’application, ou le procédé de transformation des préformes
souvent utilisées comme renfort de matériaux composites.
Ces préformes 3D permettent en particulier d’obtenir de bonnes
résistances en compression et au délaminage.
Ces technologies 3D ont été développées pour chacune des diffé-
rentes technologies de fabrication des textiles et font l’objet du dos-
sier Textures textiles tridimensionnelles [AM 5 122]. Elles ne sont
abordées que sommairement ici.

1.3.1 Tissage

On évoquera les tissus multicouches, les tissus orthogonaux et les


tissus à doubles parois.
■ Le tissage multicouche utilise plusieurs nappes parallèles de fils
Figure 5 – Pièces de connexion en tresse (doc. Muratec) de chaîne. Les fils de chaîne peuvent traverser toute l’épaisseur du

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Textures textiles tridimensionnelles

par Guy NEMOZ


Docteur ès sciences
Ingénieur chimiste ESCIL
Institut français du textile-habillement (IFTH)

1. Généralités................................................................................................. AM 5 122 – 2
2. Description des textures textiles tridimensionnelles.................... — 3
2.1 Tissage ......................................................................................................... — 3
2.1.1 Tissus multicouches avec ondulation des fils .................................. — 3
2.1.2 Tissage de type orthogonal, circonférentiel ou polaire avec fils
droits.................................................................................................... — 3
2.1.3 Tissage double paroi, multiple paroi ................................................ — 4
2.1.4 Tissage en forme ................................................................................ — 4
2.1.5 Autres procédés de tissage................................................................ — 5
2.2 Tricotage ....................................................................................................... — 5
2.3 Tressage ....................................................................................................... — 6
2.4 Les non-tissés .............................................................................................. — 7
3. Caractérisation ......................................................................................... — 8
4. Fonction et applications ........................................................................ — 9
4.1 Généralités ................................................................................................... — 9
4.2 Fonction mécanique .................................................................................... — 9
4.3 Fonction d’échange ..................................................................................... — 10
4.4 Fonction renfort de matériaux .................................................................... — 12
4.4.1 Propriétés ............................................................................................ — 12
4.4.2 Applications ........................................................................................ — 12
4.5 Fonction protection ..................................................................................... — 14
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. AM 5 122

es textiles 3D, ou textures textiles tridimensionnelles ou préformes, sont


L constitués de fibres discontinues ou de fils continus disposés dans les trois
directions de l’espace. Ces éléments textiles sont reliés entre eux par des procé-
dés mécaniques associant les fibres dans un plan x-y et perpendiculairement
dans la direction z ou dans toute autre direction d’un repère orthonormé x-y-z.
Les textiles stratifiés en couches parallèles, sans liaisons entre elles, sont
exclus strictement de la définition. Cependant, seront présentées les techno-
logies multiaxiales planes à couches cousues ou reliées faiblement, ainsi que
des procédés réalisant des volumes.
Les textiles 3D peuvent être utilisés seuls, ou être imprégnés par des lubri-
fiants ou diverses résines, ou constituer la texture de renforcement d’un maté-
riau composite, suivant les différentes fonctions recherchées : mécanique,
étanchéité, renforcement, isolation, filtration, drainage ou protection balistique
par exemple [1].
Parution : octobre 2003

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TEXTURES TEXTILES TRIDIMENSIONNELLES _________________________________________________________________________________________________

1. Généralités radôme. Ces structures sophistiquées ont donné naissance aux


concepts de préforme ou texture 3D dans d’autres applications plus
industrielles et plus compétitives comme par exemple les textures
■ Évolution des techniques de fabrication des textures 3D pour les freins en carbone-carbone.
Les exemples industriels les plus anciens de textiles 3D concer-
Plus récemment, dans les années 1980, une autre étape a marqué
nent l’étanchéité de presse-étoupes au moyen de tresses « carrées »
en amiante (voir § 4.3) ; elles sont à présent en aramide graphité ou cette évolution : en partant d’une technique ancienne dite de tissage
en PTFE ; le renforcement des bandes transporteuses de minerais « velours » dans laquelle on coupait les fils « z » de liage de deux
nappes de tissus lors du tissage, on a créé des structures à double
est réalisé par des structures tissées multicouches qui étaient autre-
fois en fibres naturelles et qui sont maintenant en polyester ou en paroi (tissée ou tricotée) constituées par deux nappes reliées par les
fils « z » non coupés (voir § 2.1.3).
aramide.
L’évolution des techniques anciennes et l’apparition de nouveaux Actuellement, ces textures 3D connaissent un intérêt croissant,
concepts de croisement de fils ont donné naissance à des textures car elles permettent de satisfaire aux exigences de réduction des
permettant de réaliser des matériaux composites structuraux avec coûts et de diminution des déchets tout en améliorant et diversifiant
des fibres dans des directions définies de l’espace. Ces technologies les performances. Les préformes prêtes à l’emploi dans des moules
nouvelles, initiées notamment en France dans les années 1960, pour matériaux composites sont concevables en une seule étape au
devaient satisfaire à des demandes des industries de la défense, de plus près de la forme souhaitée pour la structure finale. Simultané-
l’aéronautique et spatiale naissantes. ment, les techniques de transformation telles que le RTM (Resin
La création de volume à partir d’une couche tissée s’est aussi ins- Transfer Moulding) autorisent cette évolution et l’usage de ces pré-
pirée de savoir-faire traditionnels pour réaliser des préformes de formes textiles.
(0)

Tableau 1 – Principaux types d’architectures textiles de renfort


A
DI XE - 0 1 2 3 n
ME A
NS XIS
IO
N NON-AXIAL MONO-AXIAL BI-AXIAL TRI-AXIAL MULTI-AXIAL

1D
Fil - Roving

2D
Mat à fibres coupées Nappe UD Armure toile tissée Tissage triaxial Tricots multiaxiaux
Cutted fibers mat UD web Twill weave Tri-axial weaving Multi-axial knits and weaves
ÉLÉMENT LINÉAIRE
LINEAR ELEMENT

Tresse 3-D Tissage multicouche Tissage triaxial 3-D Tissage multiaxial n-D
Tridimensional braid Multilayer weaving 3-D triaxial weaving n-D multi-axial weaving
3D
PLANAR ELEMENT
ÉLÉMENT PLAN

Non-tissé 3-D Laminé cousu Poutre en H ou I Nid-d’abeilles Tricot double paroi


3-D nonwoven Stitched laminate H- or l- shaped beam Honeycomb Double wall fabric

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________________________________________________________________________________________________ TEXTURES TEXTILES TRIDIMENSIONNELLES

Différentes textures 3D peuvent être obtenues aujourd’hui à partir


de techniques classiques ou en voie d’automatisation et de simplifi-
cation à partir de procédés complexes.
■ Classement des textures
Différentes textures 3D peuvent être obtenues à partir des savoir-
faire du tissage ou apparentés au tressage, tricotage ou non-tissage.
Une classification des textures textiles a été proposée [2] en
fonction :
— du nombre d’axes ou de directions des fibres dans le plan x-y ; a tissu à entrelacement d'angle
— du nombre de directions géométriques dans l’espace des
fibres : direction selon l’axe « z » perpendiculaire au plan x-y, ou
direction différente.
Le tableau 1 illustre ce classement en schématisant quelques
exemples de texture.
• Texture unidimensionnelle : la plus simple, est constituée d’un
ensemble de fibres, filaments ou fils parallèles.
• Textures bidimensionnelles ou surfaces textiles telles que :
— des non-tissés ou « mats » dont l’orientation fibreuse est
aléatoire ;
— des nappes unidirectionnelles constituées de fibres ou de fils b tissu à entrelacement multicouche
parallèles liés entre eux par une résine ou un fil de trame, volatil ou
soluble, de faible densité ; Figure 1 – Tissu à entrelacement
— des tissus chaîne et trame à deux axes orthogonaux ou
triaxiaux, des textiles multiaxiaux.
• Textures tridimensionnelles ou volumes textiles à partir d’élé-
ments linéaires ou plan :
— des tissus ou tricots en forme ou à double paroi ;
— des tresses 3D volumiques et en formes à liage couche à
couche ;
— des non-tissés à double paroi traversés par des fibres
aiguilletées en « z ».

2. Description des textures


textiles tridimensionnelles
Les textiles 3D sont décrits selon leur appartenance directe ou
associée aux principales technologies de création de surfaces ou de
volumes textiles : tissage, tricotage, tressage, non-tissage. Figure 2 – Coupe d’une bande transporteuse monopli

2.1 Tissage

2.1.1 Tissus multicouches avec ondulation des fils


Le principe de base du tissage consiste à croiser orthogonalement Figure 3 – Tissu Aérotiss® 2,5D
des fils de chaîne en nappe avec des fils de trame. Le tissage multi-
couche utilise plusieurs nappes parallèles de fils de chaîne. Les fils tisser modifiée, d’insérer des trames droites sans ondulation
de chaîne peuvent traverser toute l’épaisseur du tissu, et l’on obtient (figure 3).
un tissu à entrelacement d’angle (figure 1 a) ou uniquement des Ce procédé permet de tisser des fibres de verre et de carbone et
couches adjacentes pour réaliser un tissu à entrelacement multicou- de réaliser des panneaux plans de 1,5 m de large pour une longueur
che (figure 1 b). Dans tous les cas, les fils de chaîne et de trame de 3 m. Il permet, après consolidation par une matrice, de réaliser
présentent une ondulation due au mode de croisement, c’est la des peaux de bord d’attaque d’avion.
caractéristique dite « d’embuvage » existant dans les tissus 2D. Des
tissus pouvant avoir 15 à 20 couches sont obtenus suivant ces pro-
cédés. 2.1.2 Tissage de type orthogonal, circonférentiel
Les bandes transporteuses [3] sont renforcées par des structures ou polaire avec fils droits
multicouches (figure 2) à faible embuvage des fils de chaîne (en
polyester, polyamide ou aramide) ; après enduction d’un élasto- Les textures issues des technologies dites de « tissage
mère, l’épaisseur de la bande peut atteindre une épaisseur de orthogonal » et apparentées sont caractérisées par la linéarité des
15 mm, pour une masse surfacique de 10 kg/m2 et une résistance à fils, le mode de construction de l’architecture fibreuse résultant d’un
la rupture en traction de 4 000 daN/cm de largeur. compactage des fils droits, c’est-à-dire sans ondulation de fil de
Aérospatiale a développé un procédé Aérotiss® 2,5D permettant chaîne par rapport au fil de trame. Toutes ces technologies ont
avec un nombre de chaînes parallèles de 3 à 19, sur une machine à révolutionné les bases classiques du tissage.

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TEXTURES TEXTILES TRIDIMENSIONNELLES _________________________________________________________________________________________________

réalisant ainsi des préformes tissées de formes cylindro-coniques


z (figure 5).
90° • Le procédé Aérotiss 3D évolutif [5] permet de réaliser une pré-
forme textile sur un mandrin en mousse (en cône, en « nez » d’engin
par exemple) installé sur un banc motorisé et contrôlé en fonction
de la dépose des fils sur le mandrin. Les fils sont temporairement
maintenus sur la mousse ; la préforme est imprégnée de résine ther-
modurcissable et la mousse est détruite après durcissement de la
résine.
Au début des années 2000, aux États-Unis, la société 3 Tex, créée
en 1998, a développé une production industrielle de tissus 3D ortho-
x gonaux selon un procédé i maginé e t développé à l’université de
Caroline du Nord [6]. Les fils de chaîne et de trame sont rigoureuse-
ment droits ; les nappes extérieures de fils de chaîne (figure 6 a et b)
y sont utilisées pour constituer une nappe de fils en « z » après insertion
simultanée d’une nappe de fils de trame (figure 6 c).
Figure 4 – Disposition des fils dans un 3D orthogonal

Radial 2.1.3 Tissage double paroi, multiple paroi


Axial
Selon le procédé de tissage « velours », deux nappes de fils de
chaîne parallèles sont tissées simultanément et maintenues
Circonférentiel écartées à une distance de quelques millimètres à quelques centi-
mètres voire une dizaine de centimètres ou plus. Les deux tissus (cf.
§ 1) sont reliés par un jeu de fils ; la structure à double paroi est flexi-
ble, les fils en « z » évitent la séparation des deux faces.
Figure 5 – Procédé Aérotiss® 3D polaire S’ils sont coupés, on obtient deux tissus « velours » (figure 7)
(voir § 1).
Les tissus peuvent être enduits pour réaliser des structures gon-
flables étanches et planes grâce à l’équidistance des parois mainte-
a
nues par les fils de liaison, ce que réalise Tissavel [7]. Imprégnés par
des résines thermodurcissables, les faces étant maintenues
écartées pendant la phase de consolidation de la résine, les maté-
riaux composites obtenus ont des performances intéressantes à la
compression et au délaminage [8].
c
2.1.4 Tissage en forme

■ Tissage de formes à parois 3D


Les tissus 3D en forme sont fabriqués suivant les mêmes
b concepts que les tissus 3D multicouches plans avec cependant un
dispositif spécial (mécanique Jacquard électronique) permettant de
Figure 6 – Schéma de principe du tissage orthogonal 3 Tex lier ou non les fils de chaîne par la ou les trames. Ainsi, suivant le
nombre de fils pris ou laissés, la section de la préforme peut être
ajustée au cahier des charges de la pièce finale prête à être consoli-
dée par injection de résine dans le moule par exemple. Ainsi, il est
possible de réaliser des aubes de turbine d’admission d’air pour
moteurs à réaction (figure 8).

Figure 7 – Tissu double paroi, avant et après coupe des fils en « z »


Aérospatiale a développé une famille de produits Aérotiss® basée
sur des technologies nouvelles, automatiques, d’insertion de fils ou
de tiges agglomérant des faisceaux de fils.

• Le procédé Aérotiss® 3D orthogonal [4] [5] permet de réaliser


des blocs avec des fibres de carbone dans trois directions perpendi-
culaires entre elles. Le taux volumique de fibres atteint 50 %
(figure 4).

• Le procédé Aérotiss® 3D polaire [5] permet de placer des fibres


suivant des directions circonférentielles, axiales et longitudinales Figure 8 – Structure en forme d’aubes de réacteur

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Fibres naturelles de renfort


pour matériaux composites

par Christophe BALEY


Professeur des universités
Université de Bretagne Sud, Lorient, France

1. Enjeux................................................................................................ AM 5 130v3 – 3
2. Classification des différentes fibres naturelles ....................... — 3
3. Fibres d’origine végétale ............................................................... — 4
3.1 Différents types de fibres végétales .................................................. — 4
3.2 Propriétés mécaniques en traction de diverses fibres végétales ..... — 7
3.3 Structure et composition des fibres végétales ................................. — 8
3.4 Comportement en traction d’une fibre végétale élémentaire .......... — 10
3.5 Traitements des fibres ........................................................................ — 11
4. Fibres d’origine animale ................................................................ — 12
4.1 Ver à soie ............................................................................................ — 12
4.2 Araignée ............................................................................................. — 12
4.3 Propriétés mécaniques des fibres de soie ........................................ — 12
5. Matériaux composites et fibres végétales................................. — 14
5.1 Historique sur l’usage des fibres végétales comme renfort ............. — 14
5.2 Exemples de réalisations ................................................................... — 15
5.3 Avantages et limites, critères de choix .............................................. — 16
5.4 Technologies de transformation et spécificités ................................. — 16
5.5 Comportement et propriétés mécaniques de biocomposites........... — 19
5.6 Usage des nanonocristaux de cellulose comme renfort .................. — 23
6. Les plantes, des structures composites optimisées ................ — 23
6.1 La plante de lin, exemple d’une structure naturelle remarquable ... — 23
6.2 S’inspirer des plantes pour concevoir des structures composites... — 24
7. Conclusion........................................................................................ — 25
8. Annexe : production de fibres végétales ................................... — 25
9. Glossaire ........................................................................................... — 26
10. Sigles, notations et symboles ...................................................... — 26
Pour en savoir plus..................................................................................Doc. AM 5 130v3

n matériau composite se définit généralement par l’assemblage de deux


U phases : le renfort (sous forme de fibres le plus souvent) et la matrice.
Cette dernière conserve la disposition géométrique des fibres et assure, par
les interfaces, le transfert de charge entre elles. La matrice (le liant en d’autres
termes) peut appartenir à la famille des polymères, des métaux ou des cérami-
ques. Sous les mots « fibres naturelles » se trouvent des fibres organiques,
d’origine végétale (cellulosique) et animale (protéinique), et des fibres minéra-
les telles que l’amiante (qui ne seront pas présentées dans cet article).
Dans cet article ne sont donc abordés que les fibres organiques et renouvela-
bles, et les matériaux composites associés, matériaux utilisant un polymère
comme matrice.
Parution : juillet 2020

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FIBRES NATURELLES DE RENFORT POUR MATÉRIAUX COMPOSITES ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

L’utilisation de fibres naturelles comme renfort de matériaux composites se


justifie pour :
– valoriser une ressource locale dans des pays peu industrialisés ;
– développer des matériaux et des technologies permettant de réduire les
impacts sur l’environnement ;
– utiliser des ressources renouvelables.
L’objectif de cet article n’est pas de faire un inventaire de toutes les fibres
disponibles, mais de présenter des exemples intéressants, d’illustrer leurs capa-
cités de renforcement et de prendre du recul par rapport à leurs usages. Il existe
de nombreuses variétés de fibres naturelles, mais seules certaines présentent
des propriétés mécaniques remarquables justifiant leur usage comme renfort
de matériaux composites. On note que ces dernières ont un rôle structurel
dans la nature. Par exemple, une tige de lin est renforcée par des fibres placées
à l’extérieur qui sont des tissus de soutien ; elles présentent des performances
mécaniques intéressantes compte tenu de leur fonction et du fort élancement
de ces plantes.
Les fibres végétales sont couramment utilisées, car ce sont les fibres les plus
disponibles. Leur structure complexe est assimilable à celle de matériaux com-
posites renforcés par des fibrilles de cellulose disposées en hélice. Pour com-
prendre l’origine de leur comportement, il est nécessaire de connaı̂tre leur
microstructure et leur composition. Ces sujets seront présentés par la suite de
manière simplifiée. La notion de fibres dans une plante a un sens botanique, qui
décrit une seule cellule végétale allongée et à paroi épaisse, il existe donc diffé-
rentes natures de cellules. Les fibres végétales décrites dans cet article corres-
pondent à celles utilisées depuis longtemps pour des applications textiles ou
pour la réalisation de cordages, elles ont une fonction dans la nature générale-
ment de soutien et rarement de conduction.
Les soies animales, bien que peu utilisées industriellement dans le domaine
des composites, présentent un allongement à rupture très important et une
grande capacité d’absorption d’énergie mécanique par rapport aux fibres de
synthèse.
Les technologies de transformation utilisables pour la réalisation de pièces
en biocomposites (polymère + fibres naturelles) sont identiques à celles uti-
lisées pour des fibres de synthèse. Comme tous les renforts, il est important
de les manipuler et de les mettre en forme suivant les règles de l’art pour ne
pas les endommager ou les casser. Lors du cycle de transformation, une
température limite de 200-230  C est souvent évoquée pour éviter leur dégra-
dation, mais en réalité deux paramètres sont importants : la température et
le temps d’exposition.
L’utilisation de biocomposites associant un polymère biodégradable (bio-
sourcé ou non) et des biofibres (fibres biodégradables) permet la réalisation
de pièces qui, en fin de vie, peuvent être broyées puis incorporées dans un
compost industriel.
L’usage de fibres naturelles comme renfort de matériaux est souvent associé
à une démarche d’écoconception, néanmoins les impacts environnementaux
restent à évaluer à l’aide d’analyse de cycle de vie (ACV) pour quantifier les
gains. Pour plus d’information sur ce type de démarche le lecteur pourra
consulter l’article [G 5 500].
Il est par ailleurs nécessaire de remettre en cause des idées préconçues sur
des sujets tels que, par exemple, le vieillissement des fibres végétales en milieu
humide, l’usage de biocomposites en milieu sévère et l’adhérence entre fibres
végétales et polymères. Sans nier la complexité de ces domaines d’études,
nous soulignerons qu’il est possible de laver plusieurs fois une chemise en
fibres végétales, de réaliser des coques de bateaux en bois et des charpentes
en lamellé-collé.

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– FIBRES NATURELLES DE RENFORT POUR MATÉRIAUX COMPOSITES

1. Enjeux Les fibres naturelles renouvelables (végétales ou animales) sont


initialement biodégradables et doivent le rester si possible, même
à la suite des traitements qu’elles subissent (la vitesse de dégrada-
tion, pouvant quant à elle être modifiée). La biodégradabilité des
Le choix des fibres naturelles n’est pas simplement une opéra- pièces en fin de vie est dans certains cas une propriété intéres-
tion de substitution de fibres de synthèse, celles-ci ont des spécifi- sante. Un matériau est dit biodégradable s’il est dégradé par des
cités qu’il est intéressant de valoriser, par exemple : une origine micro-organismes (des bactéries, par exemple). Le résultat de
renouvelable, leur durabilité et biodégradabilité (ce qui peut être cette dégradation est la formation d’eau, de dioxyde de carbone
considéré comme un paradoxe), les performances mécaniques spé- et/ou de méthane et éventuellement de sous-produits non toxiques
cifiques importantes de certaines fibres, la faible demande d’éner- pour l’environnement. Pour maintenir cette propriété, il est impor-
gie nécessaire à leur production (en comparaison avec les fibres tant de veiller aux traitements appliqués.
de verre ou de carbone par exemple) et la possibilité de les inciné- Ces fibres sont souvent considérées comme neutres vis-à-vis des
rer en fin de vie pour récupérer de l’énergie. émissions de CO2 dans l’atmosphère puisque leur combustion ou
Les industriels exploitent ces spécificités et utilisent les biocom- leur biodégradation ne produit qu’une quantité de dioxyde de car-
posites avec différents arguments, car ils permettent de : bone égale à celle que la plante a absorbée pendant sa croissance.
Ceci est une approche trop simplifiée car, en réalité, il est aussi
– mettre en place d’une démarche d’écoconception avec l’objectif nécessaire de tenir compte des pratiques agricoles, des phases
de réduire les impacts sur l’environnement [1] [2] [3] ; d’extraction, de transport et de mise en forme des préformes et
– réduire les masses dans certains cas ; des composites. Les objets en composites à fibres naturelles sont
– envisager différents scénarios en fin d’usage et en fin de vie : faciles à recycler par broyage mécanique si la matrice est de nature
recyclage par broyage mécanique si la matrice est de type thermo- thermoplastique [4] et, si leur matrice est aussi biodégradable
plastique [4] [5], valorisation énergétique, biocompostage si la (biopolymères), après broyage ils sont compostables [7]. Il est
matrice le permet et qu’aucun élément écotoxique n’a été introduit aussi possible de recycler des composites biodégradables [8], la
dans la formulation ; biodégradation en compost industriel sera alors une solution
– optimiser certaines propriétés comme les performances vibroa- possible (comme l’incinération) quand la matière sera trop dégra-
coustiques (amortissement) par exemple ; dée. Il faut considérer que les matériaux composites renforcés
– donner une finition « naturelle » aux pièces ; par des fibres naturelles sont en cours de développement ; leurs
– associer une image. Notre vocabulaire témoigne de l’utilisation applications sont encore limitées, mais ils sont amenés à jouer un
ancienne des fibres végétales. Le lin « plante textile » désigne dès rôle dans l’industrie future, notamment dans le domaine de la
le XIIe siècle également le fil et le tissu, la linote désigne l’oiseau construction.
friand de graines de lin (XIIIe siècle) et le mot linceul est issu du
Le lecteur pourra consulter les références [9] [10] [11] [12] [13]
latin linteolum qui décrit une petite pièce de lin [6] ;
[14] sur les produits renouvelables et le monde végétal et les réfé-
– réduire les impacts sur la santé humaine des opérateurs ;
rences [15] [16] [17] [18] [19] sur les enjeux pour le développement
– se préparer à la mise en place d’une législation avec des
durable de l’industrie française des matériaux composites et les
contraintes environnementales (REACH par exemple) ;
bioproduits.
– donner une valeur stratégique à des produits…
Attribuer uniquement une image verte à un produit en utilisant
des fibres naturelles (opération de « green washing ») n’est pas
un argument très durable. Il existe donc des logiques technico-éco-
nomiques à l’utilisation de ce type de renfort et non un simple effet
2. Classification
de mode. Par ailleurs, l’usage de constituants biobasés n’est pas
synonyme systématiquement d’une réduction des impacts sur
des différentes fibres
l’environnement. Pour démontrer ce point, une analyse du cycle naturelles
de vie doit être réalisée. On rappelle qu’il n’existe pas de mauvais
matériaux, mais de mauvaises utilisations.
Le choix des fibres provenant d’un milieu naturel et présentant On peut subdiviser les fibres naturelles en trois grands groupes
des performances mécaniques intéressantes se fait en tenant selon leur origine (figure 1) :
compte de :
– les fibres végétales qui peuvent provenir des plantes à fibres
– leur origine et fonction ; les fibres présentant des performances libériennes (lin, chanvre…), des feuilles (sisal, etc.), des fruits (coir,
mécaniques ont un rôle structurel dans la nature ; etc.), des herbes (arundo donax, etc.), de la paille (blé, etc.) du bois
– leur disponibilité avec des propriétés maı̂trisées ; une fibre (résineux, feuillus) et de pseudo-tronc (bananier, etc.) ;
naturelle est considérée comme disponible si le volume de fibres – les fibres animales qui proviennent des poils, telles que la toi-
présent sur le marché est suffisant pour réaliser des pièces indus- son animale, et des sécrétions telle que la soie ;
trielles. On note que sa production est liée aux débouchés et aux
– les fibres minérales telles que l’amiante. Cette nature de fibres
prix de marché ;
doit être manipulée avec de grandes précautions, car elle est très
– leur composition et structure souvent complexes. Bien que les
toxique pour l’appareil respiratoire de l’homme. Cette famille de
matériaux composites soient souvent présentés comme nouveaux
fibres, évoquée pour mémoire, ne sera pas présentée dans cet arti-
et révolutionnaires, il est possible d’en trouver partout dans la
cle comme signalé précédemment. Pour éviter toute confusion, car
nature, que ce soit dans le monde végétal ou dans le monde ani-
elles n’existent pas à l’état naturel, les fibres de verre (principale-
mal. Une multitude de matériaux naturels, les uns rigides, mais
ment constituées de silice) et de basalte (à base de roche volca-
légers, comme les os, les autres souples, mais résistants, comme
nique) [20] sont fabriquées à haute température à partir de ressour-
le bois, doivent leurs propriétés mécaniques à leur structure com- ces géologiques ; elles ne peuvent être considérées comme des
posite et hiérarchique. Ce type d’organisation est l’objet de travaux fibres naturelles.
de recherche pour élaborer de nouveaux multimatériaux en s’atta-
chant à optimiser leurs architectures à des échelles variées, ils sont Pour une application de renforcement d’un polymère, on s’inté-
décrits aujourd’hui comme des matériaux architecturés ; resse principalement aux fibres ayant une fonction structurelle
– la connaissance des impacts environnementaux lors de dans la nature. La laine, par exemple, possède une fonction d’isola-
l’ensemble des étapes (production, rouissage, traitements mécani- tion thermique mais ne présente pas de propriétés mécaniques
ques ou autres, stockage, transport…). remarquables. Les fibres végétales provenant des tiges, des feuilles,

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Amiante
Origine
Fibres naturelles Wollastonite
minerale

Origine
Origine végétale animale
(cellulose) (protéines)

Plantes à Feuilles Fruits Herbes Paille Bois Pseudo-troncs Laine Soie


fibres Graines Poils
libériennes

Lin Sisal Coir Bambou Riz Résineux Bananier Mouton Ver à soie
Chanvre Ananas Coton Arundo donax Blé Feuillus Palmier Chèvre Araignée
Jute Alfa Kapok Miscanthus Maïs … … Lapin …
Ramie Abaca … Canne à sucre Orge Chameau
Ortie Raphia Napier Seigle Cheval
Kénaf … … … …

Figure 1 – Classification simplifiée des fibres naturelles en fonction de leur origine avec des exemples

ainsi que les sécrétions animales, présentent les propriétés mécani-


ques les plus élevées. 3. Fibres d’origine végétale
Dans cet article le lin sera souvent pris en exemple, car ces fibres
sont l’objet de nombreux travaux de recherche, elles présentent de
bonnes propriétés et sont disponibles en Europe. 3.1 Différents types de fibres végétales
Pour illustrer le rôle structurel des fibres végétales, la figure 2
présente de manière schématique la section d’une tige de lin. Le tableau 1 présente les noms, familles et genre botanique des
Une tige présente une structure composite de type sandwich principales fibres végétales utilisées comme renfort dont certaines
avec, en simplifiant, un pli unidirectionnel à l’extérieur renforcé sont détaillées ci-après (ordre alphabétique).
de fibres discontinues (tissus de soutien) assemblées sous forme
de faisceaux, et une âme poreuse au centre (tissus de conduc- 3.1.1 Alfa ou Halfa
tion). Cette organisation lui permet de résister aux efforts de fle-
xion et de torsion. Les fibres qui nous intéressent sont donc des Dans les écosystèmes méditerranéens secs, l’herbe la plus domi-
tissus de soutien de longueur modeste (entre 10 et 80 mm envi- nante est la plante alfa appelée Stipa tenacissima L. Elle est égale-
ron) et de faible diamètre (10 à 30 mm) assemblés en faisceaux. ment connue sous les noms d’Esparto ou Halfa. Cette plante est une
Elles adhèrent fortement entre elles et avec le reste de la plante graminée vivace qui pousse sur les terres semi-arides d’Afrique du
(les liaisons sont assurées par des lamelles mitoyennes consti- Nord et au sud de l’Espagne. Les fibres de cette plante sont utilisées
tuées principalement par des pectines dans le cas du lin). Pour pour la réalisation, entre autres, de cordes, de tissu ou de papier.
les extraire, il est nécessaire d’endommager les lamelles mitoyen- Dans les pays méditerranéens, l’alfa à un rôle très important car
nes assurant les liaisons : c’est l’étape du rouissage qui sera com- elle est considérée comme une barrière contre la désertification [23].
plétée par différents traitements mécaniques dans un premier
temps. L’organisation d’une tige de chanvre est proche [21], mais 3.1.2 Agave (sisal)
la contribution des fibres à la rigidité est un peu différente. Elle est
de 71 % dans le cas d’une tige de lin et de 54 % dans celui d’une Les agaves, comme le sisal et le henequin (henequen au
tige de chanvre [21]. Ces valeurs illustrent leur rôle mécanique et Mexique), donnent des fibres déjà utilisées par les civilisations pré-
leur dénomination de tissu de soutien. colombienne et inca. Les agaves sont des plantes portant de gran-
des feuilles épaisses, charnues, pouvant mesurer jusqu’à 2 m de
Dans un matériau composite, il est logique d’individualiser les longueur et capables d’emmagasiner de grandes quantités d’eau.
fibres (figure 3) et non de conserver des paquets (figure 4) pour Les fibres sont extraites des feuilles de la plante. Le sisal (Agave
augmenter les surfaces de collage entre fibres et matrice et obtenir sisalana) est une plante des régions tropicales et subtropicales ari-
une répartition du renfort la plus uniforme possible. Au-delà de des, cultivée en Amérique du Sud, en Afrique, aux Antilles et en
l’extraction des faisceaux des tiges, une étape de déconstruction Extrême-Orient. Les fibres élémentaires sont hétérogènes : c’est
complémentaire est souhaitable pour permettre une division des l’ensemble des cellules qui forment les faisceaux conducteurs et
faisceaux, voire une individualisation. leur gaine. Ces faisceaux sont disséminés dans toute la section
Les fibres végétales les plus courantes sont présentées par la des feuilles. Un plant de sisal produit environ 200 à 250 feuilles et
suite. Les charges organiques naturelles (fibres de bois, par exem- chaque feuille contient 1 000 à 1 200 paquets de fibres. Pour obtenir
ple) utilisées pour modifier les propriétés des polymères font des fibres, il est nécessaire de couper les feuilles les plus âgées le
l’objet de l’article [A 3 220]. plus près du tronc, puis elles sont écrasées, lavées et grattées.

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Les fibres ont été individualisées, puis imprégnées.


200 µm
Figure 3 – Faciès de rupture d’un pli unidirectionnel renforcé
Xylème Phoème Cortex par des fibres de lin

Anas : bois Fibres

Parenchyme cortical Épiderme


Figure 4 – Faciès de rupture d’un matériau composite en présence
Les fibres sont assemblées sous forme de fascieaux d’un faisceau de fibres de lin
à l’extérieur de la tige [22].

3.1.4 Bananier
Figure 2 – Coupe transversale d’une tige de lin et description
des différentes parties Les bananiers sont connus pour leurs fruits, mais certains comme
l’abaca, ou « chanvre de manille », sont cultivés depuis longtemps
aux Philippines et en Équateur pour leurs fibres textiles. Les fibres
3.1.3 Bambou élémentaires sont de deux sortes : celles appartenant au scléren-
Le bambou appartient à la famille des graminées (famille des chyme qui forment une couronne sous-épidermique, celles qui
Poacées), dont font partie toutes nos céréales. Les quelques représentent l’ensemble des faisceaux conducteurs et leur gaine.
1 500 espèces de bambous décrites sont classées en trois familles : Lorsque le pseudotronc (il n’existe pas de tige véritable) du bana-
Arundinarieae (bambous ligneux tempérés, 546 espèces), Bambu- nier arrive à maturité, les fibres sont extraites manuellement par
seae (bambous ligneux tropicaux, 812 espèces), et Olyreae (bam- raclage et lacération au couteau. Elles sont ensuite mises à sécher.
bous herbacés, 124 espèces) [24]. La tige d’un bambou (le chaume)
est renforcée par des faisceaux de fibres distribuées sur toute la 3.1.5 Chanvre
section avec une concentration de faisceaux plus importante à
l’extérieur des tiges. En général, mais cela peut varier suivant les Le chanvre (Cannabis sativa), une plante annuelle dont la hauteur
espèces, le chaume est constitué d’environ 50 % de cellules de varie de 1 à 3 mètres, est, avec le lin, l’une des plantes à fibres les
parenchyme, 40 % de fibres et 10 % de faisceaux vasculaires (vais- plus anciennement connues. Le terme Cannabis veut dire « deux
seaux, tubes criblés avec cellules compagnes). Compte tenu de tiges » (Canna-bis), car c’est au départ une plante dioı̈que c’est-à-
l’organisation des tiges, des traitements sévères sont nécessaires dire qu’il existe dans un champ des plants mâles et des plants
pour récupérer les faisceaux de fibres et les utiliser comme ren- femelles. Aujourd’hui on cultive des plantes monoı̈ques dont la
fort [25]. Les trois principales méthodes reposent sur traitements très faible teneur en produit stupéfiant, tetrahydrocannabinol
mécaniques, chimiques ou d’explosion à la vapeur. Les « fibres de (THC), est maı̂trisée génétiquement. En France, sa culture impose
bambou » utilisées dans le domaine du textile (pour des vêtements l’usage de semences certifiées (contrôle officiel strict) et les variétés
par exemple) sont généralement de la viscose. La matière pre- cultivées contiennent moins de 0,3 % de THC. Cultivé dans les pays
mière, la cellulose, vient de cette plante et différents traitements à climat tempéré, on en trouve dans l’est de l’Europe, en France et
chimiques permettent l’obtention de fils continus par extrusion. en Italie. Le processus d’obtention de la fibre technique du chanvre
La viscose n’est pas une fibre naturelle. est comparable à celui du lin. Traditionnellement le rouissage du

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Tableau 1 – Noms, familles, genre botanique et zone de prélèvement des principales fibres végétales
disponibles

Nom commun
Nom latin Famille/genre botanique Zone de prélèvement
(en anglais)

Abaca ou chanvre de manille (Aba- Musaceae


Musa textilis Feuille
ca) (Monocotylédone)

Alfa ou Halfa (Esparto grass) Stipa Tenacissima Poaceae (Monocotylédones) Feuille

Arundinarieae
Bambou Bambusoideae Poaceae (Monocotylédones) Tige (chaume)
Olyreae

Cannabaceae
Chanvre (hemp) Cannabis sativa Tige
(Dicotylédone)

Chanvre de Bengale
Crorolaria juncea Fabaceae Tige
(Sunn hemp)

Coir – noix de coco Arecaceae


Cocos nucifera Fruit
(Coconut) (Monocotylédone)

Gossypium hirsutum, G. barba-


Coton (cotton) Malvaceae (Dicotylédone) Fruit
dense

Jute (jute) Corchorus capsularis Tiliaceae (Dicotylédone) Tige

Kapok (Kapok) Ceiba pentandra Bombaceae (Dicotylédone) Fruit

Kénaff (Kenaf) Hibiscus cannabinus Malvaceae (Dicotylédone) Tige

Lin (flax) Linum usitatissiumum Linaceae (Dicotylédone) Tige

Ortie (nettle) Urtica dioica Urticaceae (Dicotylédone) Tige

Ramie (ramie) Boehmeria nivea Urticaceae (Dicotylédone) Tige

Arecaceae
Raffia (raffia) Raphia ruffia Feuille
(Monocotylédone)

Agavaceae
Sisal (sisal) Agave sisalana Feuille
(Monocotylédone)

chanvre se faisait à l’eau, technique aujourd’hui interdite en Europe 3.1.7 Coton


car très polluante. Aujourd’hui, le rouissage au sol (comme pour le
lin) est utilisé dans certaines parcelles. Cette opération est délicate Les fibres de coton (figure 5) adhérent à une extrémité sur les
pour obtenir un traitement homogène ce qui impose d’avoir des graines du cotonnier (Gossypium sp.) qui est un arbuste de la
andains réguliers et de retourner les tiges (pas toujours simple famille des Malvacées. Le cotonnier pousse dans les régions tropi-
compte tenu du diamètre des tiges, de la hauteur de la plante et cales et subtropicales. Il s’agit des fibres végétales les plus produi-
des équipements disponibles). tes dans le monde. Une fibre a une géométrie spiralée et une sec-
tion en forme de haricot. Les fibres n’ont pas de rôle structurel
dans la plante mais favorisent la dissémination des graines par le
3.1.6 Coir (coco) vent et donc la reproduction.
Les fibres de coir sont extraites de l’enveloppe extérieure
fibreuse (mésocarpe) du fruit du cocotier (noix de coco), plante 3.1.8 Jute
(Cocos Nucifera L.) qui pousse sous les tropiques. Cette enveloppe Le jute (ou chanvre du Bengale) est une plante des régions tropi-
assure aussi la flottabilité aux noix lorsqu’elles tombent dans l’eau, cales (famille des Malvacées, genre Corchorus) appartenant à la
favorisant ainsi la reproduction de l’espèce. Traditionnellement, les famille des Liliacées. La tige atteint une hauteur de 4 à 6 mètres
fibres de coir sont extraites des enveloppes après 6 à 9 mois de avec un diamètre d’environ 3 centimètres. Le jute est cultivé essen-
rouissage dans de l’eau, puis subissent des traitements mécani- tiellement au Bangladesh et en Inde en raison du climat tropical
ques. Suivant la qualité, ces fibres sont utilisées en corderie, bros- humide et de l’abondance de la main d’œuvre. Il en existe deux
serie (brosses et balais), sparterie et comme substrat en horticul- principales variétés : le jute blanc (C. capsularis) et le jute rouge
ture. Les nouveaux marchés sont par exemple : les géotextiles, le (C. olitorius). La fibre élémentaire est très courte et très lignifiée.
renforcement des polymères, les panneaux de fibres agglomérées L’extraction de la fibre technique (la filasse) est obtenue après
(type MDF – Medium Density Fiberboard), les filtres, les absor- rouissage (10 à 20 jours dans de l’eau suivant les conditions clima-
bants, les matériaux d’emballage et d’isolation [26]. tiques), les tiges sont par la suite écrasées puis décortiquées. Cette

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Figure 5 – Fibre de coton Figure 6 – Fibres élémentaires de lin

filasse est par la suite lavée puis séchée au soleil. La principale uti- constituent les faisceaux conducteurs du mésocarpe (coir) ; il repré-
lisation était la réalisation de sacs de transport pour produits agri- sente les deux tiers de l’enveloppe de la noix de coco et est aussi
coles tels que : café, cacao, riz, fèves, etc. appelé bourre. Ces fibres sont fortement lignifiées.

3.1.9 Kénaf 3.1.13 Ramie


Le kénaf ou chanvre de Deccan est un Hibiscus cannabinus L. ou La ramie (Bœhmeria nivea aussi appelé ortie de Chine) est un
Hibiscus sabdariffa L. (famille des Malvaceae), plante annuelle à arbuste de la famille des Urticacées, originaire d’Asie (en anglais
tiges épineuses de 2 à 4 mètres qui pousse essentiellement dans China grass). Elle se présente sous la forme d’une touffe formée
les zones tropicales humides (Inde, Afrique, ı̂le de Java). La fibre de tiges d’environ 1,5 à 3 mètres de hauteur avec de grandes feuil-
de kénaf a des qualités comparables à celles du jute. les. L’extraction de la fibre nécessite un décorticage et un dégom-
mage très poussés. La cellule élémentaire peut atteindre une
3.1.10 Lin concentration en cellulose importante, une haute cristallinité et un
degré de polymérisation élevé. Sa blancheur et son aspect soyeux
Le lin appartient à la famille des Linacées (la variété cultivée est la destinent habituellement à l’habillement.
la Linum usitatissimum ; ce qui signifie lin extrêmement utile).
C’est une plante annuelle dont la tige atteint de 0,6 à 1,2 m de hau-
teur pour un diamètre de 1 à 3 millimètres. Le lin textile est une Encadré 1
culture septentrionale. En Europe, elle est principalement cultivée
Les plantes présentant des fibres avec de bonnes propriétés méca-
en France (principalement en Normandie et dans le Nord), en Bel-
niques en traction (voir tableau 2) et adaptées aux conditions cli-
gique, aux Pays-Bas, en Russie et en Pologne. Le lin est arraché et
matiques françaises, voire européennes, sont principalement le lin,
généralement roui au sol. Lors de l’étape de rouissage, des micro-
le chanvre et l’ortie. Seuls le lin et le chanvre sont aujourd’hui culti-
organismes se développent (bactéries et champignons principale-
vés pour la valorisation des fibres à une échelle industrielle. Ces
ment) et endommagent des lamelles mitoyennes assurant la cohé-
deux plantes sont considérées comme de bonnes têtes d’assole-
sion entre cellules. Cette étape facilite l’extraction mécanique des
ment, c’est-à-dire que c’est un bon précédent d’une manière géné-
fibres situées à l’extérieur de la tige (figure 2), sous forme de fais-
rale pour les céréales (blé par exemple). On note que la culture du
ceaux, qui constituent la fibre technique. Cela requiert trois opéra-
lin et du chanvre demande une rotation des cultures ; sur une
tions : le rouissage, le teillage et le peignage (voir § 3.5 sur les trai-
même parcelle, elles ne sont cultivées que tous les 5 à 7 ans.
tements des fibres). La cellule élémentaire (ou « fibre ultime ») de
Le lecteur recherchant des informations sur des fibres végétales
lin apparaı̂t comme un cylindre imparfait polygonal, généralement moins connues que celles présentées ici et utilisables comme ren-
à six côtés, comportant éventuellement un lumen (cavité centrale). fort de composites pourra consulter la référence [29].
La figure 6 présente des fibres de lin dont la morphologie est pro-
che de celle des fibres de chanvre et d’ortie [27].
3.2 Propriétés mécaniques en traction
3.1.11 Ortie de diverses fibres végétales
Les fibres sont extraites de la grande ortie (Urtica Dioica), plante
très commune en France. C’est une plante herbacée, vivace, de la Le tableau 2 présente les caractéristiques mécaniques en traction
famille des Urticaceae et du genre Urtica, bien connue en raison de différentes fibres d’origine végétale, comparées à celles des fibres
des brûlures qu’elle provoque. Jadis, les fibres d’ortie étaient large- de synthèse couramment utilisées pour le renforcement de maté-
ment utilisées pour fabriquer des cordages, des fils et des vête- riaux composites. Les valeurs présentées sont issues de la littérature
ments. Pour faciliter l’extraction des fibres, les tiges devaient subir et, compte tenu du caractère naturel de ces fibres, on remarque des
une opération de rouissage, le plus souvent à l’eau. Les orties dispersions (cette remarque est aussi vraie pour les fibres de syn-
étaient encore cultivées lors des deux précédentes guerres mondia- thèse [30]). On note des différences pour un même type de fibres,
les en complément du lin et du chanvre. Par exemple, en 1917, il en fonction des paramètres tels que l’origine, la variété, les condi-
existait 70 000 hectares de culture d’orties en Europe [28]. tions de croissance et de récolte des fibres, associées aux traite-
ments qu’elles ont subis. Il ne faut cependant pas conclure hâtive-
3.1.12 Palmier ment sur la supériorité ou le manque d’intérêt de telle ou telle
variété. Par ailleurs, dans la littérature, les conditions de caractérisa-
Certains palmiers sont utilisés à des fins textiles, les fibres sont tion (moyens d’essais, géométrie et montage des fibres, vitesse de
extraites soit des feuilles ou palmes (raphia, cocotier, palmier…), sollicitation, température, humidité, caractérisation de fibres unitai-
soit des fruits (cocotier). Dans les noix de coco, les fibres res ou de faisceaux, méthode de dépouillement…) ne sont pas

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Nanocomposites polymères
à renfort cellulosique
par Alain DUFRESNE
Professeur à l’Institut polytechnique de Grenoble, docteur en électronique
de l’INSA de Toulouse
Université Grenoble Alpes, LGP2, F-38000 Grenoble & CNRS, LGP2,
F-38000 Grenoble, France

1. Mise en œuvre ................................................................................. NM 3 491 – 2


1.1 Milieu liquide ..................................................................................... — 2
1.1.1 L’eau ......................................................................................... — 2
1.1.2 Autres solvants polaires .......................................................... — 3
1.1.3 Échange de solvant ................................................................. — 4
1.2 Fonctionnalisation de la surface cellulosique ................................... — 4
1.3 Mise en œuvre à l’état fondu ............................................................. — 5
2. Propriétés mécaniques des nanocomposites ............................ — 7
2.1 Propriétés générales .......................................................................... — 7
2.2 Morphologie des nanoparticules ....................................................... — 9
2.3 Procédé de mise en œuvre ................................................................ — 10
2.4 Microstructure de la matrice et interactions matrice/renfort ............ — 11
3. Propriétés de gonflement et barrière des nanocomposites ... — 12
4. Perspectives et évolution.............................................................. — 13
5. Conclusion........................................................................................ — 13
6. Glossaire ........................................................................................... — 14
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. NM 3 491

a hiérarchie de structure des fibres lignocellulosiques permet l’extraction de


L particules de taille nanométrique. Ces nanoparticules appelées nanocellu-
lose ou nanomatériaux cellulosiques englobent essentiellement les nanofibril-
les de cellulose (CNF – Cellulose NanoFibrils) obtenues par voie mécanique et
les nanocristaux de cellulose (CNC – Cellulose NanoCrystals) obtenus par voie
chimique. La cellulose est l’élément de structure des végétaux supérieurs. Il est
donc logique que la principale application visée pour les nanoparticules cellu-
losiques soit sous forme d’élément de renfort de nanocomposites polymères.
De nombreuses techniques, à la fois expérimentales et théoriques, ont été uti-
lisées pour déterminer le module de Young des matériaux nanocellulosiques [1].
Une large gamme de valeurs a été rapportée. Cependant, la valeur moyenne du
module est d’environ 100 GPa pour les CNF et 130 GPa pour les CNC [1] [2]. Ces
valeurs sont conséquentes et tout à fait compatibles avec l’élaboration de maté-
riaux nanocomposites haute performance. De plus, le module spécifique, c’est-
à-dire le module normalisé par rapport à la densité du matériau, est souvent
utilisé. En prenant en compte la densité de la cellulose cristalline (1,5-1,6 g.
cm-3), on trouve des valeurs de module spécifique de l’ordre de 65 J.g-1 et
85 J.g-1 pour les CNF et CNC, respectivement, nettement supérieures à celles
de l’acier et du même ordre de grandeur que celle du Kevlar [2].
L’utilisation de nanocellulose comme « nano-additif » dans une formulation
polymère permet non seulement d’améliorer les propriétés mécaniques du
matériau, mais également les propriétés de barrière ou de résistance au gonfle-
ment. L’introduction de nanomatériaux cellulosiques dans les matériaux nano-
Parution : octobre 2015

composites a été identifiée comme l’une des quatre plus grandes découvertes

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NANOCOMPOSITES POLYMÈRES À RENFORT CELLULOSIQUE ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

depuis 2000 dans le rapport « Nanotechnology Research Directions for Societal


Needs in 2020 » [3] et l’utilisation généralisée dans les nanotechnologies de
matières premières renouvelables et abondantes comme étant le « Saint Graal »
à atteindre et l’obstacle à surmonter d’ici 2020.
Dans cet article, les différentes méthodes de préparation de matériaux nano-
composites à matrice polymère et renfort nanocellulose sont tout d’abord pré-
sentées. Les propriétés mécaniques des matériaux résultants sont ensuite abor-
dées. L’influence de paramètres comme la morphologie des nanoparticules, le
procédé de mise en œuvre, ainsi que la microstructure de la matrice et les inter-
actions matrice-renfort sont développées. Enfin, les propriétés de gonflement et
barrière de ces matériaux sont brièvement présentées.

1. Mise en œuvre 1.1 Milieu liquide


1.1.1 L’eau
Les nanoparticules cellulosiques forment des suspensions sta-
La principale difficulté associée aux nanoparticules est d’en réali- bles dans l’eau. Le milieu aqueux est donc le milieu privilégié de
ser une dispersion homogène au sein d’une matrice polymère. En mise en œuvre. Ceci limite le choix de la matrice aux polymères
effet, en diminuant la taille de la particule, la surface spécifique hydrosolubles ou hydrodispersibles. Une première alternative
augmente rapidement, ce qui exacerbe leur tendance à l’autoagré- consiste à utiliser des polymères dispersés en milieu aqueux,
gation. La figure 1 montre l’évolution de la surface spécifique de comme des latex, qui permettent l’utilisation de polymères hydro-
cylindres cellulosiques en fonction de leur diamètre. On constate phobes comme matrice et assurent un bon niveau de dispersion de
sur cette figure qu’en dessous d’un diamètre de 20 nm, c’est-à- la charge.
dire dans la gamme de valeurs correspondant aux nanoparticules
cellulosiques, la surface spécifique de celles-ci augmente très rapi- La première étude sur des nanocomposites renforcés par des
dement et atteint des valeurs de l’ordre de quelques centaines de nanocristaux de cellulose a été rapportée par Favier et al. [4] en
m2.g-1. De plus, la cellulose présente une surface réactive avec 1995. Ces auteurs avaient utilisé un copolymère de styrène et
une densité importante de groupements hydroxyle pouvant donner d’acrylate de butyle, poly(styrène-co acrylate de butyle (poly(S-co-
lieu à des interactions hydrogène, ce qui amplifie ce phénomène BuA)) sous forme de latex avec une température de transition
d’autoagrégation. Le procédé d’élaboration des matériaux nano- vitreuse (Tg) autour de 0  C et des CNC de tunicine. Des films nano-
composites à base de nanocellulose est donc primordial car il va composites solides ont été obtenus par évaporation de l’eau après
conditionner l’état de dispersion des nanoparticules permettant de mélange des deux suspensions et coalescence des particules de
conserver la dimension nanométrique, et donc les propriétés du latex à une température supérieure à la température de transition
vitreuse Tg de la matrice comme le montre la figure 3. Cette
matériau final. Les différentes stratégies rapportées dans la littéra-
méthode permet de figer la dispersion homogène de CNC. Le poly
ture sont résumées sur la figure 2.
(S-co-BuA) sous forme de latex a également été utilisé pour prépa-
rer des nanocomposites renforcés avec des CNC de paille de
blé [5] [6].
1 200 D’autres latex de type acrylique [7] [8], poly(b-hydroxyoctanoate)
4
Asp = (PHO) ([9] à [11]), chlorure de polyvinyle (PVC) ([12] à [15]),
ρ×d
1 000 époxy [16], caoutchouc naturel ([17] à [22]), poly(acétate de vinyle)
(PVAc) [23] [24], ou polyuréthane [25] [26] ont également été utili-
800 sés comme matrice en association avec des CNC ou des CNF. La
specific surface

première étape d’élaboration des composites consiste à mélanger


area (m2 . g–1)

les deux suspensions aqueuses. Après agitation magnétique, les


600 suspensions sont dégazées sous vide pour éliminer l’air. Trois tech-
niques différentes peuvent être utilisées pour préparer des films
400 composites :
 coulée dans des moules de Téflon suivi de l’évaporation de
200 l’eau à températures modérées ;
 lyophilisation et pressage à chaud ;
0  lyophilisation, extrusion et pressage à chaud du mélange.
0 20 40 60 80 100
De nombreux polymères hydrosolubles ou hydrodispersibles
diameter (nm) sont également utilisés. Après dissolution du polymère, la solution
aqueuse est mélangée avec la suspension aqueuse de nanocellu-
Figure 1 – Évolution de la surface spécifique (specific surface area) lose. Le mélange obtenu est généralement coulé dans un moule et
Asp de nanoparticules sous forme de bâtonnet en fonction évaporé pour obtenir un film nanocomposite comme dans le cas
de leur diamètre (diameter) d en considérant une densité r de 1,5 g. des latex. Cette technique est utilisée pour préparer des matériaux
-
cm 3 pour la cellulose [1] composites à base de CNC ou CNF et essentiellement amidon ([27]

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– NANOCOMPOSITES POLYMÈRES À RENFORT CELLULOSIQUE

à [45]), polyoxyéthylène (PEO) ([46] à [50]), ou alcool polyvinylique que le diméthylformamide (DMF) [60], le diméthyl sulfoxyde
(PVA) ([51] à [59]). (DMSO), le N-méthyl pyrrolidine (NMP), l’acide formique, et le
m-cresol [61]. La figure 4 montre des photographies optiques de
1.1.2 Autres solvants polaires suspensions de CNC de tunicine dans ces différents milieux liqui-
des, observées en lumière polarisée. Pour chaque système, une
D’autres liquides polaires sont également utilisés pour la disper- forte biréfringence est observée, révélatrice d’une bonne disper-
sion de nanocellulose et comme milieu de mise en œuvre, tels sion des nanoparticules dans le milieu liquide. Les CNC sans

Suspension aqueuse
de nanocellulose
Liquide

Milieu aqueux Milieu non aqueux Séchage

Latex Milieu polaire Mélange/échange Transformation


non aqueux de solvants à l’état fondu

Polymère
hydrosoluble Surfactant Modification Imprégnation
chimique

Coulée/évaporation Électrofilage Lyophilisation/ Assemblage


transformation à chaud couche par couche

Figure 2 – Les différentes stratégies de mise en œuvre de nanocomposites polymères renforcés par la nanocellulose

Figure 3 – Préparation de films nanocomposites renforcés par des CNC à partir de latex polymère

a b c

Figure 4 – Photographies de suspensions de nanocristaux de tunicine préparées avec l’acide sulfurique observées entre polariseurs croisés : (a)
dans l’eau et (b) le DMF [60], et (c) de gauche à droite, dans l’eau, lyophilisées et redispersées dans l’eau, le DMF, le DMSO, le NMP, l’acide
formique et le m-cresol [61]

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NM3491

NANOCOMPOSITES POLYMÈRES À RENFORT CELLULOSIQUE ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

charge de surface préparés par hydrolyse avec de l’acide chlorhy- 1.2 Fonctionnalisation de la surface
drique ne se dispersent pas aussi bien dans les solvants aproti-
ques (DMSO, DMF, NMP) [61]. Cependant, l’acide formique et le
cellulosique
m-crésol permettent de disperser de manière correcte les nano- Des dispersions stables de nanoparticules cellulosiques dans des
cristaux non chargés. Ces suspensions peuvent ensuite être liquides non polaires ou de faible polarité sont obtenues en recou-
mélangées à des solutions de polymère ou de monomère dans vrant physiquement leur surface (adsorption) avec un agent ten-
ces liquides pour préparer des nanocomposites. sioactif (surfactant) ou en greffant chimiquement des groupements
non polaires à la surface. Ces deux méthodes permettent d’ajuster
la chimie de surface et de diminuer l’énergie de surface de la nano-
1.1.3 Échange de solvant particule. Des suspensions stables de CNC dans le toluène, le cyclo-
hexane [72] ou le chloroforme [73] ont été obtenues avec des
La technique de coulée/évaporation à partir d’un mélange de sol- agents tensioactifs. Des nanocomposites à matrice polypropylène
vants est également utilisée. Elle consiste à mélanger la dispersion (PP) [74] ou poly(acétate d’éthylène-co-vinyle) (EVA) [75] ont ainsi
aqueuse de nanoparticules avec une solution de polymère obtenue été préparés par coulée/évaporation en utilisant le toluène comme
à partir d’un solvant miscible avec l’eau, par exemple le tétrahydro- milieu de mise en œuvre, ou bien avec de l’acide polylactique (PLA)
furanne (THF) [62]. Un échange de solvant est une autre possibilité ([73] à [76]) dans le chloroforme. Cependant, en raison de la surface
pour suspendre les nanoparticules dans le milieu liquide approprié spécifique importante de ces nanoparticules, une quantité impor-
pour une modification chimique de surface, ou mélange avec une tante d’agent tensioactif est requise.
solution de polymère ou un monomère pour polymérisation in
situ ultérieure [63]. Par cette méthode, l’eau de la suspension La modification chimique de la surface des nanoparticules de
aqueuse est progressivement échangée avec des liquides de pola- cellulose implique évidemment les nombreux groupes hydroxyle
rité décroissante par des opérations successives de centrifugation de surface résultant de leur dimension nanométrique. En effet, en
et redispersion, en utilisant la sonication après chaque étape diminuant la taille des particules, la surface spécifique de celles-ci
d’échange de solvant pour éviter l’agrégation. L’acétone est cou- augmente (figure 1) et donc la proportion de groupements hydro-
ramment utilisée pour la première étape d’échange de solvant. La xyle localisés en surface augmente. Il faut cependant éviter les
stabilité de la suspension est cependant moindre dans des solvants milieux gonflants et la dissolution des chaı̂nes de surface modi-
de faible polarité. Ceci est bien entendu lié à la nature polaire de la fiées dans le milieu réactionnel. Le procédé de greffage chimique
doit donc être doux pour préserver l’intégrité et la cristallinité de
cellulose.
la nanoparticule. Les modifications chimiques de surface les plus
Une stratégie intéressante impliquant une technique d’échange courantes des CNF/ CNC sont résumées sur la figure 6 [77]. Elles
de solvant a été proposée ([64] à [66]). Cette stratégie est schéma- peuvent être classées en trois groupes distincts, à savoir (1) la
tisée sur la figure 5. Elle consiste à former un réseau de nanofi- substitution de groupes hydroxyle avec des petites molécules
bres qui est ensuite infiltré avec un polymère. Dans un premier (comme indiqué par des flèches rouges sur la figure 6), (2) le gref-
temps, le réseau de CNC est formé grâce à un processus sol-gel fage de polymères sur la base de la stratégie « grafting onto »
par gélification de la dispersion aqueuse de CNC lors de l’échange avec différents agents de couplage (tel qu’indiqué avec des flè-
de l’eau avec un solvant miscible. L’acétone est classiquement uti- ches bleues dans la figure 6), et (3) le greffage de polymères
lisée, mais une variété de solvants tels que le méthanol, le THF, basé sur l’approche « grafting from » avec une polymérisation
l’éthanol, l’isopropanol ou l’acétonitrile sont appropriés. Le sol- radicalaire impliquant la polymérisation par ouverture de cycle
vant est ajouté lentement en le laissant couler le long des parois (ROP), la polymérisation radicalaire avec transfert d’atome
du bécher de manière à éviter un mélange et former une couche (ATRP) et la polymérisation radicalaire vivante par transfert d’élec-
organique au-dessus de la dispersion aqueuse de CNC. Le solvant tron (SET-LP) (comme indiqué par des flèches jaunes sur la
remplace progressivement l’eau et la couche organique supé- figure 6).
rieure est échangée avec un solvant frais tous les jours jusqu’à Les nanoparticules modifiées chimiquement peuvent alors être
ce que la partie inférieure s’assemble en un gel mécaniquement dispersées dans des liquides organiques de faible polarité et
cohérent (typiquement plusieurs jours). Dans un deuxième mélangées avec une solution de polymère ou éventuellement de
temps, ce réseau est infiltré avec la matrice polymère par immer- monomères pour polymérisation ultérieure. Cependant, deux
sion du gel dans une solution polymère (typiquement plusieurs effets contradictoires découlent de cette procédure : d’une part,
heures). Le solvant du polymère doit être miscible avec le solvant elle permet l’amélioration de la dispersion des nanoparticules
du gel et ne doit pas redisperser les CNC. Le liquide est ensuite modifiées dans le milieu apolaire ce qui est bénéfique pour opti-
évaporé. Des composites à base de polystyrène (PS), acétate de miser les propriétés mécaniques du nanocomposite ; d’autre part,
polyvinyle (PVAc), poly (oxyde d’éthylène-co-épichlorhydrine) elle limite les interactions entre les nanoparticules par liaison
(poly (EO-co-EPI), polybutadiène (PBU), styrène-butadiène-styrène hydrogène, qui sont la base des propriétés mécaniques remar-
(SBS), polyuréthane (PU) et polyéthylène (PE) ont ainsi été prépa- quables des nanocomposites à base de nanocellulose comme
rés ([64] à [71]). nous le verrons.

(i) (ii) (iii)

Dispersion Échange de Organogel de Imprégnation Moulage par Nanocomposite


aqueuse de CNC solvant CNC polymère compression polymère

Figure 5 – Représentation schématique de la préparation de nanocomposites à base de CNC : (i) un échange de solvant avec l’acétone est réalisé
pour préparer un organogel de CNC à partir d’une dispersion aqueuse de CNC ; (ii) l’organogel est imprégné avec la solution de polymère ; (iii)
la compression à chaud permet d’obtenir le film nanocomposite [66]

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Fibres de verre de renforcement

par Anne BERTHEREAU


Responsable Synergies Verre
Owens Corning Vetrotex OCV
et Eric DALLIES
Responsable Marketing Ligne Roving Direct
Owens Corning Vetrotex OCV

1. Différents types de verre ....................................................................... AM 5 132 – 2


2. Propriétés des fibres ............................................................................... – 5
2.1 Remarques préliminaires ............................................................................ – 5
2.2 Propriétés générales .................................................................................... – 5
2.3 Propriétés mécaniques ................................................................................ – 7
3. Procédés de fabrication ......................................................................... – 9
3.1 Composition et matières premières ........................................................... – 9
3.2 Fusion. Élaboration du verres ..................................................................... – 9
3.3 Fibrage/Ensimage ........................................................................................ – 9
3.4 Production de demi-produits (ou finissage) .............................................. – 13
3.5 Environnement/recyclabilité ....................................................................... – 13
4. Présentations industrielles des renforts en verre textile ............. – 13
4.1 Fils textiles .................................................................................................... – 13
4.2 Stratifils (ou rovings) ................................................................................... – 17
4.3 Tissus et non tissés multidirectionnels ...................................................... – 18
4.4 Mats............................................................................................................... – 18
4.5 Complexes .................................................................................................... – 19
4.6 Fils coupés .................................................................................................... – 19
4.7 Fibres broyées .............................................................................................. – 19
4.8 Comêlés fils de verre/fils thermoplastiques .............................................. – 19
5. Utilisation des produits .......................................................................... – 19
5.1 Transport. Stockage..................................................................................... – 19
5.2 Hygiène. Toxicité.......................................................................................... – 19
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. AM 5 132

e terme fibres de verre désigne à la fois les fibres utilisées comme isolant
L thermique, bien connues parce qu’elles sont apparentes dans de nom-
breuses utilisations courantes, et celles utilisées comme renforts, objet de ce
dossier, peu visibles dans leurs applications finales parce que le plus souvent
associées à des matrices organiques pour former ce que l’on appelle commu-
nément des composites. Tenant compte de la présentation et de l’adaptation
des fibres de renfort aux méthodes de transformations textiles, la normalisa-
tion française a retenu, pour distinguer ces dernières, le terme générique verre
textile.
La principale application des fibres de verre textile est le renforcement des
plastiques. Cependant, et en particulier au cours des vingt dernières années,
leur champ d’application s’est élargi à d’autres matrices (ciment, plâtre,
Parution : janvier 2008

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FIBRES DE VERRE DE RENFORCEMENT __________________________________________________________________________________________________

bitume...) et à d’autres utilisations. Des compléments sont, de ce fait, apportés


sur les fibres de verre textile destinées à ces nouvelles matrices, toutes les fois
que l’opportunité s’en présente (cas des verres alcalis-résistants pour le renfor-
cement du ciment, par exemple).
Le lecteur trouvera en [Doc. AM 5 132] différentes rubriques avec notamment
la bibliographie, les principaux fournisseurs et la normalisation.

1. Différents types de verre 1.1 Verres à usage général

Le verre est un matériau largement utilisé pour le renforce- 1.1.1 Verres E (pour Electrique)
ment pour ses qualités spécifiques, à savoir sa très bonne résis- Ce sont des alumino-borosilicates à très faible teneur en oxydes
tance mécanique, sa forte résistivité électrique, son inertie de métaux alcalins (moins de 2 % en masse en Na2O + K2O).
thermique et chimique. De plus, à l’inverse de fibres naturelles
comme le lin, le chanvre... aussi utilisées pour renforcer des Développés initialement pour leurs bonnes propriétés électri-
thermoplastiques ou thermodurcissables, les fibres de verre ques d’isolation, ils ont vu leur production et leur emploi
humides ne moisissent pas. ensuite généralisés en raison de leur relative facilité de fibrage,
de leurs bonnes propriétés mécaniques et de leur coût modéré.
Sur la base de ces propriétés, les différents acteurs verriers Historiquement, la dénomination « E » se rapportait à l’utilisa-
ont développé et industrialisé de nouvelles compositions de tion de ces fibres pour leurs caractéristiques Electriques
fibres de verre pour le renforcement (tableau 1). Ces formula- particulières.
tions de verre font l’objet de normes internationales (voir
Ces fibres de verre E constituent le renfort par excellence de
§ 1.4).
tous les matériaux composites à matrices organiques.
Les verriers classent les différents types de fibres de verres à
Ces verres E se caractérisent par un coût matière première élevé
l’aide d’une initiale E, D, A... se référant à la propriété majeure
par rapport aux autres verres dits fibrables (verres A ou C, par
apportée par la fibre. exemple), essentiellement du fait de leur teneur en bore (qui repré-
sente 45 % du coût de la composition verrière).
Outre la recherche de propriétés spécifiques améliorées Ainsi, on distingue maintenant trois types de verre E au sens de
(haut module, résistance chimique en milieu acide ou basi- la norme internationale ASTM D578 (tableau 2).
que...), les acteurs verriers se sont lancés depuis une dizaine Les verres
d’années dans une course à la réduction du coût de fabrica- – avec un taux de B2O2 entre 5 et 10 % en masse pour des appli-
tion, avec pour conséquence majeure la diminution, voire l’éli- cations électroniques (par exemple le renfort des circuits impri-
mination de l’oxyde de bore (B2O3) de certaines de ces més) ou des applications aéronautiques ;
compositions de verre du fait de son coût élevé. Enfin, la prise – avec un taux de B2O3 inférieur à 5 % en masse pour des appli-
en compte des nouvelles réglementations environnementales cations de renfort classiques des résines thermoplastiques ou
accélèrent aussi le rythme de développement des composi- thermodurcissables ;
tions de fibre de verre. – sans B2O3 (communément appelés aussi verre E-CR).

Tableau 1 – Différentes familles de fibres de renforcement (ASTM D578)

Type Propriétés générales Composition

E (0 à 10 % en masse B2O3) À usage général Boro-aluminosilicate

E (5 à 10 % en masse B2O3) À usage électronique Boro-aluminosilicate

E-CR Verre E modifié présentant une résistance en milieu Aluminosilicate


acide améliorée

D Propriétés diélectriques améliorées Borosilicate

A Forte teneur en alcalins (Li2O, Na2O, K2O) Verre sodocalcique (verre Float)

C Bonne résistance en milieu acide (excepté acide HF) Borosilicate d’alcalins

R, S et S2 et H, HiPer-tex, HS Haute résistance mécanique Aluminosilicate

AR Bonne résistance en milieux acides et basiques Zirconosilicate

(1) B2O3, Li2O, Na2O... oxydes constituant le verre – voir paragraphe 1.3

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1.1.2 Verres A
Tableau 2 – Compositions massiques
(pourcentages) de verre E suivant l’usage Ce sont des verres silico-sodocalciques à faible taux d’alumine
ASTM D 578 ASTM D 578 (silice + alcalin + alcaline-terreux – tableau 3) habituellement utili-
Composant sés pour la fabrication de verre plat (bâtiment/automobile) ou de
usage général circuit imprimé verre bouteilles.
oxyde d’alcalins R 2O 0à2 0à2 Ces verres sont fortement concentrés en alcalin (plus de
12 % en masse contre moins de 2 % en masse pour les verres
oxyde de bore B 2 O3 0 à 10 5 à 10 E) ; ils présentent donc des propriétés diélectriques et une
résistance hydrolytique (en milieu aqueux) dégradés par rap-
oxyde de fer Fe2O3 0,05 à 0,8 0,05 à 0,4
port au verre E.
oxyde de titane TiO2 0 à 1,5 0 à 0,8 Leur intérêt réside principalement dans leur bas coût de
oxyde de silice SiO2 52 à 62 52 à 56 fabrication par rapport au verre E car ils ne contiennent pas de
bore et peuvent être fondus à partir de matières premières
alumine Al2O3 12 à 16 12 à 16 plus grossières que le verre E. Ces verres A sont aujourd’hui
utilisés pour certaines qualités de voile de surface ou la fabri-
chaux CaO 16 à 25 16 à 25 cation de grilles pour renfort de meules abrasives. Les produc-
magnésie MgO 0à5 0à5 teurs de fibres de verres A sont essentiellement localisés en
Asie.
fluor F/F2 0à1 0à1
(1) R2O = Li2O + Na2O + K2O 1.1.3 Verres C (pour résistance Chimique)
À noter dans cette catégorie le verre Advantex® d’Owens Ce sont des borosilicates de calcium et d’alumine contenant
Corning qui présente l’avantage d’un verre type E-CR au coût du plus de 12 % en masse en alcalins (Na2O + K2O). Leur forte teneur
verre E. en silice (jusqu’à 65 % en masse) leur confère une meilleure tenue
Les verres E représentent plus de 95 % du marché mondial des que les verres E dans les ambiances chimiques et particulièrement
fibres de verre de renforcement, à savoir un tonnage annuel de dans les milieux acides. Ce sont des compositions typiquement
2,65 millions de tonnes. Leur composition suivant l’usage est utilisées pour la fabrication de fibres d’isolation et donc présentant
donnée dans le tableau 2. l’intérêt d’être biosolubles.

Tableau 3 – Exemples de compositions massiques (pourcentages) typiques

Composant A C D E E-CR R S&S2

SiO2 72 64 74 52 à 56 58 à 63 60 65

CaO 10 8 16 à 25 21 à 23 9

Al2O3 0,3 4 0,3 10 à 13 10 à 13 25 25

MgO 2,8 3 0à5 2à4 6 10

B 2 O3 6 22,7 0 à 10

TiO2 0 à 1,5 1 à 2,5

Na2O 14,2 14 1,5 0à2 0 à 1,2

K2 O 1 1,5 0à2 0 à 1,2

Fe2O3 0 à 0,8 0 à 0,4

ZnO 0 à 3,5

SO3 0,6

F2

Total 99,9 100 100 100 100 100 100

Oxydes d’alcalins : Na2O, K2O, Li2O


Oxydes d’alcalino-terreux : CaO, MgO, SrO

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Sous forme de voiles, ils sont utilisés comme couche superfi- Comme les verres E et malgré leur température de fusion éle-
cielle de renfort dans la barrière anticorrosion des pièces de vée, ils se fibrent facilement dans une gamme de diamètre
génie chimique en composite ou encore enduits de bitumes compris entre 13 et 24 µm.
pour faire des « shingles » (matériaux de couverture). Sous
■ Verres E-CR (pour E Corrosion Résistant)
forme de tissus, ils entrent dans la réalisation de bacs pour
accumulateurs. Enfin, sous forme de mèches voluminisées, Comme les verres E, il s’agit de verres à base de silicate de cal-
après tissage, ils entrent dans la fabrication des tissus de revê- cium et d’alumine, à très faible teneur en oxydes alcalins
tements muraux à base de verre (communément appelés (Na2O + K2O) et sans bore.
« verranne »). Il en résulte des propriétés mécaniques identiques à celles des
verres E et des propriétés électriques tout à fait comparables. En
revanche, sa résistance aux acides s’en trouve fortement amé-
1.2 Verres de spécialités liorée, ce qui en fait un verre particulièrement adapté aux appli-
cations de stratifiés composites nécessitant une bonne
résistance à la corrosion sous contrainte dans un environnement
1.2.1 Verres à hautes performances mécaniques acide.
R, H, S et S2
Ce sont des verres à hautes teneurs en silice et en alumine, 1.2.3 Verres à hautes performances diélectriques
sans bore, ni alcalin. L’absence de ces composants (dits fondants ■ Verres D (pour Diélectrique)
car ils diminuent la température de fusion des mélanges vitrifia-
bles) entraîne des conditions d’élaboration et de fibrage plus dif- Ces verres sont composés essentiellement de silice et de bora-
ficiles et donc des coûts de production plus élevés que la gamme tes et sont dotés de très bonnes propriétés diélectriques (faible
verre E. facteur de pertes diélectriques dans le domaine des MHz et GHz),
ce qui rend ces fibres transparentes aux ondes radar.
Ces compositions de verre se distinguent des verres E par de
Développés pour les applications électroniques à très hautes
meilleures propriétés mécaniques : leur résistance en traction et
performances, par exemple les radômes pour avions militaires,
leur module d’Young sont respectivement de 20 % (pour le verre leur usage tend à s’étendre à d’autres applications telles que les
S2) et 15 % (verres S, R et H) plus élevés que celui des verres E. circuits imprimés de hautes performances pour la téléphonie
Leur masse volumique est légèrement inférieure : environ − 4 %. mobile notamment.
Ils possèdent également une meilleure tenue en température que
les verres E (voir données de température de Littelton dans le ■ Verres LD (pour Low Diélectrique)
tableau 4, ainsi qu’une meilleure résistance chimique (en milieux C’est une nouvelle génération de verres à faibles permittivité
acides, notamment). ε (= ε ′ + iε ′′) et pertes diélectriques dans le domaine des hautes
fréquences (GHz). Ces verres sont plus spécifiquement utilisés
pour le renfort des circuits imprimés de la téléphonie mobile
La température de Littelton ( Tlittelton) est définie par la
dernière génération. Ils nécessitent d’être produits sous forme
norme ISO 7884-6. Il s’agit de la température correspon-
de fils fins (5 à 7 µm). Les principaux producteurs de ces fibres
dant à une vitesse d’allongement de 1 mm/min d’une fibre
de spécialités sont des verriers asiatiques NEG, Nitto Boseki et
calibrée sous son propre poids. Pour un verre classique,
OCV.
cela correspond à une viscosité η (en poises) telle que
Log η = 7,6.
1.2.4 Conclusion
Ces verres sont utilisés dans des applications nécessitant des La gamme de verres fibrables et commercialisés sous forme de
performances mécaniques élevées, dans les domaines fibres est donc large : des verres bas coût, type A ou C, aux verres
aéronautiques (renfort des pâles d’hélicoptères...), de l’arme- hautes performances, type H, S, S2, D, en passant par les verres E
ment, de la balistique (protection pare-balles...), dans l’éolien avec ou sans bore. Avec l’optimisation des procédés de fusion et
(allongement des pâles d’éoliennes pour champs éolien de fibrage, le coût de fabrication des verres hautes performances
marin...) mais aussi dans l’industrie chimique (séparateur de se rapprochent des coûts des verres E avec bore et le champ
batterie...). d’application envisageable s’en trouve élargi.
Ce marché des fibres hautes performances est en constant La comparaison des principales caractéristiques des verres est
essor. Ainsi, de nouvelles fibres ont été mises depuis 2005 sur le donnée sur la figure 1.
marché, à savoir les fibres de verres H, HiPer-tex et HS. Du point
de vue processabilité, ces nouvelles fibres constituent de réelles
avancées par rapport aux versions antérieures R et S et permettent 1.3 Compositions
d’envisager des productions sous grosses filières, c’est-à-dire à
plus forte tirée. Les compositions des fibres de verre de renforcement résultent
toujours d’un compromis technico-économique entre les proprié-
tés spécifiques recherchées, l’aptitude au fibrage dans des condi-
1.2.2 Verres à hautes performances chimiques tions industrielles et les prix admissibles au niveau des
applications.
■ Verres AR (pour Alcali Résistant) Des exemples de compositions sont donnés dans le tableau 3.
Leur particularité est une teneur élevée en oxyde de zirconium Dans ce tableau apparaissent un certain nombre d’oxydes appor-
ZrO2 (16 à 20 % en masse) et en soude Na2O (> 13 % en masse) tés la plupart du temps par des matières premières d’origine natu-
d’après la norme DIN 1259-1. Ces verres sont dits alcali-résistants relle (voir paragraphe 3.1).
car ils présentent une très bonne résistance en milieu alcalin Ces compositions sont toujours susceptibles de variations d’un
(milieu basique). Ces verres ont été mis au point pour le renforce- producteur à l’autre ou même de réajustements dans le temps
ment du ciment. Il s’avère qu’ils présentent aussi une excellente chez un même producteur. Cela peut entraîner parfois des écarts
résistance à la corrosion acide, meilleure que celle de tous les ver- de propriétés et, lorsqu’une grande précision sur les caractéristi-
res utilisés pour les fibres de renforcement. ques est recherchée, il y a lieu de consulter les fournisseurs.

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5
Verre H et S 5 Verre A 5 Verre E sans bore
4
4 4
Performances 3 Protection Protection Protection
Performances 3
Performances 3
mécaniques 2 de mécaniques 2 de de
l'environ- l'environ- mécaniques 2 l'environ-
1 1
nement nement 1 nement
0 0
0

Résistance Résistance Basse


Basse température Résistance Basse
à l'eau température à l'eau
de fusion à l'eau température
de fusion de fusion
Aptitude au fibrage Aptitude au fibrage Aptitude au fibrage

5
Verre E avec bore 5 Verre AR Échelle : 0 à 5
4 5 : point fort
4
Performances 3 Protection 3 0 : bas niveau de performance
2 de Performances Protection ou point faible
mécaniques 2 de
1 l'environ- mécaniques
nement 1 l'environ-
0 nement
0

Résistance Basse Résistance Basse


à l'eau température à l'eau température
de fusion de fusion

Aptitude au fibrage Aptitude au fibrage

Figure 1 – Comparaison des principales caractéristiques des verres

1.4 Normes Les propriétés peuvent être mesurées à différents stades :


– directement à la sortie de l’outil de fibrage (filière) avant ensi-
Les compositions de verres fibrables font l’objet d’un certain mage (§ 3.2.3) ; c’est ce que l’on appelle les propriétés sur les fila-
nombre de normes (cf. [Doc. AM 5 132]) dont la norme ASTM D578 ments vierges ;
souvent citée en référence. Cette norme définit les types de verres – sur des produits intermédiaires (fils de base cités au
suivant leur composition et décrit les différents types de fibres en paragraphe 3.4) ou commerciaux (fils, stratifils, etc., cités au
terme de tex, de micronage (diamètre de la fibre), de type de verre
paragraphe 4) ou encore sur des filaments prélevés à partir de
et de nombre de twists pour les fils textiles. Il existe des variantes
ceux-ci ; les valeurs trouvées intègrent alors l’influence de tous les
de cette norme, par exemple la norme japonaise (JIS R3413 et
paramètres de production et de manipulation ;
3411) plus restrictive sur la teneur en alcalins ou la norme DIN alle-
mande pour un verre E avec ou sans bore (DIN 1259). – enfin, au niveau de l’usage final, c’est-à-dire sur le composite
(en ramenant les valeurs à la seule section de verre concernée) ;
dans ce cas, les valeurs trouvées intègrent en plus l’influence des
Le tex est l’unité de masse linéique (ou titre) du fil de base. paramètres de moulage et les propriétés de la matrice.
1 tex = 10−6 kg · m−1 = 1 g · km−1 Les méthodes et les conditions de mesure des propriétés des
fibres de faible diamètre ont une influence beaucoup plus grande
La gamme des fils varie de 34 tex à 4 800 tex.
sur les résultats que pour les matériaux en masse.
Le twist, torsion appliquée à un fil textile, se définit par le
nombre de tours par mètre (S ou Z – voir figure 8).
Par conséquent, toute indication chiffrée de caractéristi-
que n’a de valeur que rapportée à un énoncé précis de tou-
tes les conditions opératoires et, bien entendu, les
2. Propriétés des fibres comparaisons n’ont de sens que pour des conditions identi-
ques. La plupart des méthodes de mesure sont aujourd’hui
normalisées (ASTM, ISO...), ce qui permet de limiter la dis-
persion des résultats de mesure pour une même propriété
2.1 Remarques préliminaires caractérisée.
La mesure des propriétés des fibres de verre de renforcement
est un problème assez complexe, qui nécessite quelques commen-
taires préalables. 2.2 Propriétés générales
Certaines propriétés, qui ne sont pas mesurables directement
sur filaments mais sur le verre en masse, ne prennent pas en Les caractéristiques indiquées dans le tableau 4 sont, suivant les
compte différentes transformations liées au fibrage et les valeurs cas, soit celles mesurées sur filament ensimé, soit celles mesurées
trouvées sont donc à considérer comme approchées. sur verre en masse. Il n’a pas été possible de disposer de valeur
Certaines caractéristiques, évaluées sur filaments, peuvent varier d’origine unique et les méthodes de mesure ne sont pas toutes
en fonction du diamètre du filament mesuré. D’autres dépendent connues, ni probablement identiques. Les chiffres ne sont donc à
de paramètres de fabrication ou de l’ensimage qui leur est appliqué considérer que comme des ordres de grandeur et les comparai-
(§ 3.4.2) et non pas seulement de la composition du verre. sons terme à terme doivent être abordées avec prudence.

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AM5133

Mats de verre à filaments continus

par Joseph GULINO


Précédemment Consultant international marketing manager chez Vetrotex

1. Principaux procédés appliqués au mat à filaments continus ...... AM 5 133 - 2


1.1 Procédé continu : pultrusion ....................................................................... — 2
1.2 Procédés discontinus : injections RTM et S-RIM ....................................... — 2
2. Préformage du mat à filaments continus .......................................... — 2
3. Différents produits. Caractéristiques mécaniques ......................... — 3

a structure des mats de verre à filaments continus est basée sur l’assem-
L blage, dans un plan, d’un grand nombre de filaments de verre continus (non
coupés) et assemblés sous forme de fils, ce qui permet d’enrouler et de livrer
sous forme de rouleaux.
La gamme de ce produit permet de l’utiliser de manière spécifique avec prati-
quement toutes les résines thermodurcissables.
Il se prête à la réalisation, par moulage en procédé continu ou discontinu, d’un
grand nombre d’applications :
— plaques ondulées translucides pour le bâtiment (voir photo § 3) ;
— peaux de panneaux latéraux de grande dimension pour camions frigori-
fiques ;
— renfort de mousses d’isolation ;
— éléments moulés en pultrusion ou injection de résine liquide (voir photo
§ 1),
ainsi qu’à la réalisation d’autres applications plus spécifiques.
Enfin, le mat à filaments continus peut se prêter à la technologie de préfor-
mage.
Parution : janvier 1999

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© Techniques de l’Ingénieur, traité Plastiques et Composites AM 5 133 - 1

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AM5134

Fibres de carbone

par Guy DUPUPET


Ingénieur ENSIC (Nancy), docteur ès sciences physiques
Directeur industriel de la Société des fibres de carbone (SOFICAR)

1. Procédés de fabrication des fibres de carbone ............................... AM5134 – 2


1.1 Fibres de carbone pour usages thermiques .............................................. – 2
1.1.1 Précurseur rayonne ............................................................................ – 2
1.1.2 Précurseur brai.................................................................................... – 2
1.2 Fibres de carbone pour applications de renforcement............................. – 3
1.2.1 Précurseur brai de mésophase .......................................................... – 3
1.2.2 Précurseur polyacrylonitrile (PAN).................................................... – 4
1.3 Comparaison des fibres de carbone ex-PAN et ex-brai de mésophase .. – 7
2. Propriétés des fibres de carbone......................................................... – 7
2.1 Propriétés mécaniques................................................................................ – 7
2.1.1 Propriétés en traction, cisaillement et compression........................ – 7
2.1.2 Comparaison avec les autres fibres à usages de renforcement ..... – 9
2.2 Autres propriétés ......................................................................................... – 10
2.2.1 Propriétés électriques......................................................................... – 10
2.2.2 Propriétés thermiques ........................................................................ – 10
2.2.3 Propriétés tribologiques..................................................................... – 12
2.2.4 Transparence aux rayons X ............................................................... – 12
2.3 Recyclage...................................................................................................... – 12
3. Matériaux particuliers............................................................................. – 12
3.1 Composites carbone/carbone ..................................................................... – 12
3.2 Fibres de carbone métallisées .................................................................... – 13
3.3 Fibres de carbone coupées et fibres de carbone broyées ........................ – 13
4. Principales applications ......................................................................... – 13
4.1 Aéronautique et espace............................................................................... – 14
4.2 Sport et loisirs .............................................................................................. – 15
4.3 Industrie........................................................................................................ – 15
5. Conclusion ................................................................................................. – 15
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. AM5134

i les premières fibres de carbone ont fait leur apparition en 1880, grâce à
S T. Edison, comme filament dans une lampe à incandescence, elles ont été
réinventées vers 1955 par la National Carbon Company aux États-Unis et le
groupe industriel Carbone Lorraine en France, par traitements thermiques de
fibres ou de tissus de rayonne afin d’obtenir des textures carbonées pour des
applications thermiques.
Entre 1960 et 1970, les recherches se sont orientées sur l’obtention de fibres de
carbone à haut module et à haute ténacité. Union Carbide a développé des travaux
sur les fibres de rayonne en améliorant l’orientation et les tensions pendant la car-
bonisation. En parallèle, Shindo, de l’Institut de Recherche Industrielle d’Osaka
(Japon), et Watt et Philipps, de l’Atomic Energy Research Establishment de
Harwell (Grande-Bretagne), découvraient la possibilité d’obtenir des fibres de
carbone à haute résistance et haut module à partir de polyacrylonitrile.
Parution : avril 2008

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est strictement interdite. – © Editions T.I. AM 5 134 – 1

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AM5134

FIBRES DE CARBONE ________________________________________________________________________________________________________________

Toray (au Japon), trois sociétés anglaises (Morgan Crucible, Rolls Royce et
Courtaulds) et Carbone Lorraine en France (en collaboration avec Rhône-
Poulenc Textile) commencèrent l’industrialisation des fibres de carbone à partir
de polyacrylonitrile vers les années 1970.
À la même époque Union Carbide travaillait sur l’obtention de fibres de
carbone à haute résistance et à haut module à partir de brais de mésophase
tandis que Kureha au Japon et le Cerchar (Centre d’études et de recherche des
charbonnages) en France développaient des fibres de carbone pour applica-
tions thermiques à partir de brais isotropes.
Aujourd’hui, les fibres de carbone de renforcement se sont développées prin-
cipalement à partir de polyacrylonitrile (PAN). Le brai de mésophase reste un
précurseur utilisé dans le cas de module très élevé.
Quant au brai isotrope, son utilisation est devenue très importante pour pro-
duire des textiles de carbone à usages d’isolation haute température,
concurrençant ainsi les matériaux issus de rayonne.

cessa lorsqu’elles perdirent leur compétitivité économique vis-à-vis


1. Procédés de fabrication des fibres de carbone obtenues à partir de polyacrylonitrile (PAN) et
des fibres de carbone de brais mésophases (§ 1.2). Les principales raisons en étaient le fai-
ble rendement de carbonisation (20 %) et le coût élevé des procédés.
Ces fibres de carbone n’ont conservé un intérêt que pour les
1.1 Fibres de carbone pour usages usages thermiques lorsqu’elles sont produites sans tension. En
effet, l’intérêt de ce type de précurseur est qu’il ne nécessite aucun
thermiques traitement avant la carbonisation, car il ne passe pas par une
phase liquide.
1.1.1 Précurseur rayonne
Les premières fibres de carbone étaient fabriquées à partir de
1.1.2 Précurseur brai
tresses, de tissus ou d’un mat de fibres de rayonne, l’ensemble
étant fixé sur un cadre rigide et chauffé, dans une première étape, Le brai est issu de résidus de houille ou de pétrole. C’est un
à 1 000-1 500 ˚C pour transformer la cellulose en carbone sous mélange d’hydrocarbures aromatiques. Le brai peut être filé et
atmosphère inerte, puis éventuellement à 2 000-2 500 ˚C pour obte- former des fibres. Ces fibres sont cependant très fragiles et dif-
nir une meilleure résistance à l’oxydation à température élevée. ficiles à manipuler, comparativement aux fibres de PAN.
Aucune tension particulière n’était appliquée pendant le traitement Le brai, comme la plupart des matières organiques, peut être
thermique ; c’est pourquoi les propriétés mécaniques des fibres de carbonisé à haute température sous atmosphère inerte et pro-
carbone obtenues n’étaient pas aussi élevées que celles obtenues duire du carbone. Mais avant de carboniser ces fibres il est
aujourd’hui à partir d’un précurseur sous tension contrôlée pen- nécessaire de leur faire subir un traitement d’oxydation (en
dant le traitement thermique vers 1 500 ˚C. général à l’air vers 250 ˚C) afin d’éviter leur fusion.
De plus hauts modules et de plus hautes ténacités furent en effet
obtenus en augmentant la tension et les températures [1] du traite- Ces fibres de carbone ex-brai isotrope sont produites par la
ment thermique (tableau 1). La production de ces fibres ex-rayonne société japonaise Kureha Chemical (tableau 2).

Tableau 1 – Propriétés mécaniques en traction des fibres de carbone


fabriquées entre 1960 et 1974 à partir de fibres de rayonne
Module de traction Résistance en traction
Producteur Produit commercialisé
(GPa) (MPa)

Thornel 25 175 1 250

Thornel 40 280 1 750


Union Carbide (avec tension)
Thornel 50 350 2 000

Thornel 100 700 3 500

Carbone Lorraine (sans tension) 50 60

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AM 5 134 – 2 est strictement interdite. – © Editions T.I.

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AM5134

________________________________________________________________________________________________________________ FIBRES DE CARBONE

Tableau 2 – Propriétés mécaniques en traction des fibres de carbone


obtenues à partir de fibres de brai
Module de traction Résistance en traction
Précurseur Producteur Produit commercialisé
(GPa) (MPa)
Kureca T-101 (carbonisation) 33 790
Brai isotrope Kureha Chemical (Japon)
Kureca T-102 (graphitisation) 33 690
Thornel P 25W 160 1 400
Thornel P 55S 380 1 900
Cytec (1) (USA) Thornel P 75S 520 2 100
Brai mésophase Thornel P 100 724 2 200
Thornel P 120 827 2 200
Mitsubishi Chemical
Dialead K637 700 2 600
Products
(1) a repris les productions d’Union Carbide et puis d’Amoco Performance Products.

1.2 Fibres de carbone pour applications "Oignon" "Radiale"


de renforcement
1.2.1 Précurseur brai de mésophase
Les fabricants de fibres de carbone à partir de brai découvrirent
rapidement que les brais dits « mésophases », obtenus par traite-
ment thermique de brais isotropes sélectionnés et purifiés, condui-
saient à des fibres de carbone à structure orientée axialement et
de hautes performances mécaniques (tableau 2).
Les molécules polyaromatiques inférieures à une dizaine de
cycles et sans orientation particulière, constituant les brais isotro-
pes, sont soumises à des réactions de condensation par traitement Figure 1 – Fibres de carbone ex-brai : textures « oignon » et
thermique, sous atmosphère inerte, entre 350 et 450 ˚C. Il en « radiale »
résulte la formation de molécules de masse beaucoup plus élevée,
dont la taille croît régulièrement avec la durée du traitement ther- La viscosité de la mésophase peut être abaissée en augmentant la
mique et qui précipitent par coalescence dans la phase isotrope. température de filage, mais la limite de cette solution est fixée par la
Dans le brai, des microdomaines sphériques, au sein desquels dégradation et l’évolution possibles de la mésophase. La viscosité va
les interactions entre les nuages électroniques délocalisés des aussi dépendre des masses moléculaires des espèces présentes,
cycles carbonés confèrent au milieu une structure de cristal liquide donc des réactions de polymérisation qui ont eu lieu durant le traite-
(phase nématique), constituent la mésophase proprement dite. ment thermique et qui vont conduire à la formation de la mésophase.
Le traitement thermique se traduit donc par la croissance pro- Une fraction volumique élevée de mésophase correspond à une
gressive de cette mésophase au sein du brai isotrope, jusqu’à un masse moléculaire élevée qui rend l’étape de filage et d’étirage très
point d’inversion de phase à partir duquel la mésophase devient la délicate. Il est nécessaire de parvenir à un compromis entre la fraction
phase continue du milieu. La poursuite du traitement thermique volumique de mésophase, qui doit être aussi élevée que possible, et
peut conduire à la formation de « semi-coke » infusible. La durée la température de filage qui doit rester relativement basse. La pres-
et la température doivent être adaptées pour éviter ce phénomène sion et la température de la filière influent sur la texture intime du
indésirable car irréversible. produit fini. Aujourd’hui, les fabricants préfèrent utiliser des précur-
Il est clair que la mésophase obtenue a une composition chimi- seurs brais riches en mésophase dont la température de ramollisse-
que et une anisotropie de structure idéales pour l’obtention de ment est peu élevée. Ces précurseurs peuvent être obtenus par
fibres de carbone ayant un module de traction élevé. purification de brais isotropes en éliminant les produits volatils, sous
pression réduite, par barbotage de gaz inerte, distillation ou hydrogé-
Pour plus d’informations sur l’état cristal liquide (mésophase), nation. Toutes ces précautions ont pour but d’éviter la présence ini-
le lecteur pourra se reporter au dossier [A 1 325] des Techniques tiale de semi-coke dont on a vu les inconvénients (cf. § 1.2.1). Compte
de l’Ingénieur [49] (§ 1). tenu de toutes ces considérations, le brai mésophase, chauffé entre
350 et 450 ˚C, passe généralement au travers de filières, en forme de
cône, de 0,1 à 0,4 mm de diamètre. Il est ensuite étiré, jusqu’à un
1.2.1.1 Filage et étirage de la mésophase
allongement de 300 à 500 %, avant d’être enroulé sur un tambour
Le filage et l’étirage de la mésophase ont pour but l’orientation tournant (bobineuse). Ces conditions opératoires peuvent conduire à
de la structure dans la direction axiale et l’obtention de fibres. Le deux types extrêmes de texture, représentés sur la figure 1 :
filage a lieu par voie fondue et les propriétés d’écoulement fluide • Une texture radiale qui donne une fibre plus sensible à la
de la mésophase plastique vont être déterminantes pour atteindre présence de défauts (porosité, inclusions de particules de
cet objectif. semi-coke ou d’impuretés) ; le comportement fragile du
Plus le développement de la mésophase au sein du brai isotrope matériau sera alors lié à la propagation de défauts de l’inté-
aura été poussé (et cela est souhaitable pour obtenir des fibres perfor- rieur vers l’extérieur suivant les rayons de la fibre ;
mantes), plus la viscosité sera grande et plus le filage sera difficile [2]. • Une texture en oignon qui limite ce mauvais comportement.

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FIBRES DE CARBONE ________________________________________________________________________________________________________________

1.2.1.2 Traitements thermiques

Résistance en traction (GPa)


1.2.1.2.1 Oxydation
Alors que, dans le procédé ex-PAN (§ 1.2.2), il est nécessaire de 2
former une structure « échelle » (réticulée) irréversible – préfigu-
rant la structure carbonée finale – et de la rendre infusible, dans le
procédé ex-brai avec mésophase, cette structure préexiste déjà 1
dans la mésophase et l’oxydation a pour fonction essentielle de
faire passer la mésophase d’un état thermoplastique à un état infu-
sible, afin de pouvoir procéder à la carbonisation. Cette opération
0
beaucoup plus rapide que dans le cas des fibres ex-PAN est effec- 1 000 1 400 1 800 2 200 2 600 3 000
tuée en présence d’oxygène à des températures de 150 à 250 ˚C. Température du traitement
thermique (°C)
1.2.1.2.2 Carbonisation et graphitisation
Le traitement thermique s’effectue dans des conditions pratique-

Module de traction (GPa)


ment semblables à celles du PAN. Le précurseur brai stabilisé est car- 800
bonisé, sous gaz inerte, jusqu’à des températures de l’ordre de
1 500 ˚C, pour obtenir de la fibre de carbone. Cette carbonisation peut
être suivie d’une graphitisation au-delà de 2 000 ˚C pour obtenir des
modules de traction plus élevés. Lorsque la température de carboni- 400
sation ou de graphitisation croît, le module de traction des fibres
augmente, mais, contrairement aux fibres de carbone ex-PAN, sans
passage par un maximum de la résistance en traction (figures 2 et 6).
0
Cependant, le niveau moyen de la résistance en traction des 1 000 1 400 1 800 2 200 2 600 3 000
fibres ex-brai reste très inférieur à celui des fibres ex-PAN [22]. Température du traitement
Cette faible valeur de la résistance en traction provient des gran- thermique (°C)
des difficultés à éliminer les impuretés dans le brai d’origine.
Figure 2 – Effet de la température du traitement thermique sur les
La préexistence d’une structure riche en carbone avec une organi- propriétés mécaniques en traction des fibres ex-brai de mésophase
sation aromatique dans la mésophase donne lieu à un mécanisme (d’après [22])
de carbonisation très différent. Le faible retrait des fibres n’oblige
pas à les maintenir sous une tension élevée, mais une tension mini- OXYDATION CARBONISATION GRAPHITISATION
male est nécessaire pendant le procédé. Dans cette étape, seule- à l'air sous gaz inerte sous gaz inerte
ment 20 à 30 % de la masse de brai oxydé sont éliminés sous forme 200 à 300 ∞C 700 à 1 500 ∞C 2 000 à 3 000 ∞C
de gaz. Ces gaz sont surtout constitués de dérivés carbonés. Bobines 0,5 à 3 h 2 à 10 min 1 à 2 min
de PAN
Après carbonisation, les fibres de carbone ex-brai possèdent un
taux de carbone supérieur à celui des fibres obtenues à partir de PAN.

1.2.2 Précurseur polyacrylonitrile (PAN)


1.2.2.1 Filage TRAITEMENT DE SURFACE
Les mèches de polyacrylonitrile (PAN) précurseur de fibres de
carbone [3][4] sont fabriquées selon la technologie bien établie de ENSIMAGE
polymérisation et de filage des fibres acryliques à usage textile par
voie solvant et coagulation en milieu solvant/non solvant, mais
avec des différences sensibles.
Différents comonomères peuvent être utilisés, par exemple de haute de haut
Fibres de carbone industrielles :
l’acrylate ou le méthacrylate de méthyle, et leurs taux varient d’un résistance module
fabricant à l’autre. Ces comonomères sront aussi choisis pour
favoriser la stabilisation du précurseur lors de l’étape d’oxydation Figure 3 – Principe du procédé de fabrication des fibres de carbone
ex-PAN
et pour éviter la fusion des monofilaments. Pour les mêmes rai-
sons, les filaments du précurseur sont généralement recouverts production de fibres de carbone en 1991), le Celion G-40X, conte-
d’un agent de protection (finish), tel un corps gras ou un produit nait plus de 100 ppm de zinc provenant du chlorure de zinc en solu-
siliconé, qui a pour but d’éviter la fusion, de prévenir le collage des tion aqueuse employé pour dissoudre le PAN lors de la filature.
filaments entre eux et de participer éventuellement au mécanisme Après filage, les monofilaments peuvent être étirés jusqu’à
d’oxydation en limitant l’effet exothermique. 500 % d’allongement, afin de leur conférer une orientation axiale
Chaque fabricant utilise un solvant du PAN et une solution coa- préférentielle. Cette opération est réalisée au cours de traitements
gulante différente. Ces choix, liés aux procédés, sont importants, à chaud par passage sur des rouleaux chauffants ou dans de la
car ils déterminent la pureté du PAN qui est directement liée à sa vapeur d’eau, ce qui facilite l’étirage.
stabilité thermique. La forme et le diamètre du monofilament La plupart des précurseurs PAN sont constitués de 1 000 à
dépendent de la forme et du diamètre de la filière utilisée ainsi que 12 000 filaments d’environ 0,16 tex (ou mg/m) et d’un diamètre de
du couple solvant/solution coagulante. Différents degrés de 10 à 20 µm. Certains précurseurs PAN peuvent contenir 24 000 ou
régularité de surface peuvent être obtenus selon le solvant et la 48 000, voire 320 000 filaments comme dans les PAN à usage tex-
solution coagulante utilisés [5]. La nature des impuretés métal- tile, mais ils ne permettent pas d’obtenir des fibres de carbone à
liques présentes dans la fibre de carbone dépend des impuretés aussi hautes performances.
présentes dans le PAN précurseur et des sels utilisés lors de la
fabrication du précurseur [6]. À titre indicatif, les fibres d’Hexcel
1.2.2.2 Traitements thermiques
(USA), IM-6 et AS4, contiennent environ 1 000 ppm de sodium (soit
0,1 % en masse), ce qui fait penser à l’utilisation de comonomères L’ensemble du procédé d’obtention des fibres de carbone à par-
contenant du sodium. La fibre de BASF (cette société a quitté la tir de PAN est présenté sur la figure 3.

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AM5205

Nanocomposites
polymères/silicates en feuillets

par Jean-Michel GLOAGUEN


Université de Lille I
Laboratoire de structure et propriétés de l’état solide
et Jean-Marc LEFEBVRE
Université de Lille I
Laboratoire de structure et propriétés de l’état solide

1. Qu’est-ce qu’un nanocomposite ? ....................................................... AM 5 205 - 2


1.1 Nanocomposites à matrice polymère........................................................ — 3
1.2 Travaux originels ......................................................................................... — 3
2. Argiles ......................................................................................................... — 3
2.1 Caractéristiques communes ....................................................................... — 3
2.2 Structure des smectites............................................................................... — 4
2.3 Capacité d’échange cationique (CEC) ........................................................ — 5
3. Structure des nanocomposites ............................................................ — 5
3.1 Morphologie des nanocomposites ............................................................ — 5
3.2 Modification des argiles.............................................................................. — 6
3.3 Élaboration des nanocomposites............................................................... — 8
3.3.1 Mélange en solution........................................................................... — 8
3.3.2 Polymérisation in situ ......................................................................... — 8
3.3.3 Mélange à l’état fondu ....................................................................... — 9
4. Propriétés des nanocomposites .......................................................... — 10
4.1 Propriétés thermiques et propriétés barrière ............................................ — 10
4.1.1 Stabilité thermique ............................................................................. — 10
4.1.2 Propriétés de retard au feu ................................................................ — 12
4.1.3 Propriétés barrière .............................................................................. — 13
4.2 Propriétés mécaniques................................................................................ — 13
4.2.1 Élasticité .............................................................................................. — 14
4.2.2 Propriétés viscoélastiques ................................................................. — 15
4.2.3 Plasticité et rupture............................................................................. — 15
4.2.4 Propriétés de résistance au choc ....................................................... — 15
4.2.5 Propriétés à long terme...................................................................... — 16
5. Applications des nanocomposites ...................................................... — 16
5.1 Propriétés barrière ....................................................................................... — 17
5.2 Propriétés de retard au feu ......................................................................... — 17
5.3 Propriétés structurales ................................................................................ — 17
5.4 Limitations et enjeux ................................................................................... — 17
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. AM 5 205

’idée d’améliorer les propriétés des matériaux en combinant deux phases


L aux propriétés différentes n’est pas nouvelle. On retrouve à travers
l’histoire des exemples de matériaux que l’on peut considérer comme
nanocomposites ; certaines colorations de peintures mayas proviennent
d’inclusions de nanoparticules métalliques et d’oxyde dans un substrat de
Parution : janvier 2007

silicate amorphe. Plus récemment, en 1917, le noir de carbone a été introduit

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


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53
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AM5205

NANOCOMPOSITES POLYMÈRES/SILICATES EN FEUILLETS _____________________________________________________________________________________

dans la composition des pneumatiques, ce qui a eu pour conséquence de mul-


tiplier par cinq leur durée de vie. Ce renfort est constitué de particules de 10 à
400 nm pour un diamètre moyen d’agrégats de 100 à 800 nm.
Par contraste avec les microcomposites conventionnels à matrice polymère,
où les dimensions ou diamètres typiques des charges (particules, fibres) sont
de l’ordre de plusieurs micromètres, la révolution du passage aux échelles de
tailles nanométriques résulte principalement de deux paramètres : l’accrois-
sement considérable de la surface d’interfaces et la réduction, à fraction
volumique de renfort identique, des distances entre particules jusqu’à atteindre
l’échelle des dimensions moléculaires caractéristiques de la matrice.
Le facteur déclenchant de l’effort de recherche dans ce domaine a été la publi-
cation en 1992 de résultats obtenus par Toyota Research sur la dispersion à
l’échelle nanoscopique de silicates en feuillets (principalement argile
montmorillonite) dans le polyamide 6 par polymérisation in situ. L’effort
considérable de recherche observé depuis cette date au niveau mondial, dans
le domaine des matériaux nanocomposites à matrice thermoplastique et
renforts de plaquettes d’argile, est bien traduit par le nombre de publications
et de brevets en croissance exponentielle, mais avec seulement une
contribution de l’ordre de 15 % au niveau européen.
Dans ces systèmes organiques-inorganiques, la dispersion ultrafine et les
interactions locales entre matrice et phase de renfort aboutissent à des niveaux
de propriétés supérieures à ceux de leurs équivalents micro ou macro-
composites, et ce dès les faibles fractions d’éléments renforçants. Ces
avantages se manifestent aussi bien dans la tenue au feu ou les propriétés
barrière que dans la rigidité ou les propriétés mécaniques ultimes.
Les stratégies complexes d’élaboration nécessitent, dans la plupart des cas,
de rendre organophile l’argile et, même dans ces conditions, la mise en œuvre
reste délicate pour espérer obtenir une dispersion satisfaisante, condition
déterminante pour une maîtrise des propriétés d’usage du matériau final.

1. Qu’est-ce qu’un Il est ainsi possible de distinguer les nanocomposites à renforts


lamellaires, fibrillaires, tubulaires, sphériques et autres.
nanocomposite ? Le facteur de forme est le paramètre clé. Pour des valeurs
comprises entre 50 à 2 000, les surfaces spécifiques sont de l’ordre
Le terme de nanocomposite décrit un matériau biphasé dont la de 750 à 800 m2/g dans le cas de renforts lamellaires. Ainsi, l’effet
phase de renfort présente une dispersion de taille nanométrique. renforçateur des nanoparticules est non seulement lié à leur
La matrice peut être métallique, céramique ou polymère ; dans le facteur de forme, mais aussi aux interactions matrice – particule
cadre de ce dossier, seul le dernier type sera considéré. D’un point qui en résultent. En faisant abstraction de la géométrie du renfort,
de vue général, il est couramment admis de classer les nano- un facteur de forme de 500 assure un effet renforçateur équivalent
composites suivant le facteur de forme de la charge incorporée à un composite à fibres longues. En outre, lorsque leur fraction
(rapport entre la longueur et l’épaisseur ou le diamètre). Le volumique est supérieure à une fraction volumique critique φ m ,
tableau 1 résume les dimensions caractéristiques des principales des interactions fortes entre renforts apparaissent.
charges utilisées. (0) Exemple : pour une géométrie de type disque et un facteur de
forme de 500, la fraction critique φ m est de 0,032 % (pour une
géométrie en bâtonnet φ m = 0,004 %).
Tableau 1 – Dimensions caractéristiques des principales Ces fortes interactions entre charges anisotropes peuvent expliquer
charges utilisées l’amélioration globale des propriétés physiques et chimiques des
nanocomposites et ce dès les très faibles taux de renforts [1].
Type de renfort Forme Dimensions typiques
D’un point de vue général, le facteur de forme est le paramètre
Particules de silice Sphères Diamètre : 30 à 150 nm pertinent pour différencier les différents types de nanocomposites
Whiskers Bâtonnets rigides Diamètre : 15 nm ; suivant leurs propriétés. Dans l’espoir d’une amélioration des pro-
de cellulose longueur : 1 µm priétés mécaniques et barrière, des renforts fortement anisotropes
sont préférés, plus particulièrement les structures lamellaires. Par
Nanotubes Tubes flexibles Diamètre : 30 nm ; contre, une structure fibrillaire favorisera plutôt rigidité et
de carbone longueur : 10 à 50 µm
résistance. Du fait de leur très petite taille, des renforts de silice,
Silicates en feuillets Disques flexibles Diamètre : 50 à 500 nm ; sphériques, augmentent la rigidité du composite tout en
épaisseur : 1 nm conservant la transparence de la matrice [2] [3].

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54
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____________________________________________________________________________________ NANOCOMPOSITES POLYMÈRES/SILICATES EN FEUILLETS

1.1 Nanocomposites à matrice polymère Encadré 1 – Historique


Les propriétés des matériaux composites sont très influencées
L’étude de l’intercalation des argiles débute dans les années 1930, pour
par le degré de mélange entre la matrice organique et la phase la fabrication de papier couché hydrophile [4]. L’utilisation d’argiles modi-
inorganique. Cette dernière est, en général, une charge minérale. fiées organiquement dans une matrice polymère a été proposée pour la
Dans le cas des composites « classiques » de type fibreux, la taille première fois par Carter [5] pour augmenter la rigidité d’élastomères. En
des renforts conduit fréquemment à un endommagement critique 1961, Blumstein est le premier à rapporter l’élaboration d’un nanocompo-
prématuré sous sollicitation mécanique qui provoque une fragi- site par intercalation du monomère vinyle dans la montmorillonite ; il
lisation rapide du matériau et une opacification très préjudiciable obtient ainsi un système intercalé après polymérisation in situ. Deux ans
pour des verres organiques. Cela explique l’intérêt porté, ces plus tard, Greenland utilise l’alcool polyvinylique (PVOH) pour mettre en
dernières années, aux nanocomposites dans lesquels les deux évidence la possibilité d’intercaler un polymère directement dans l’argile
en passant par une solution aqueuse. En 1975, Tanihara et Nakagawa
phases (matrice polymère et charge minérale) sont combinées à une obtiennent le même résultat par intercalation du polyacrylamide et du
échelle nanométrique. Lorsque la dispersion est maîtrisée, les par- poly(oxyde d’éthylène) dans l’eau. Un an plus tard, Fujiwara et
ticules sont trop petites pour provoquer une opacification du maté- Sakamoto [6] déposent un brevet pour l’utilisation d’argiles modifiées
riau et cette dispersion, à une échelle fine des particules, limite par des sels d’ammonium dans des matrices polymères hydrophobes.
fortement l’endommagement macroscopique du matériau. Les L’argile, ainsi organiquement modifiée, est ajoutée au sein du monomère
premières études effectuées sur ces matériaux ont mis en évidence avant la polymérisation dans le polyamide, pour obtenir un des premiers
une amélioration globale des propriétés physiques et chimiques, et nanocomposites. Quelques années plus tard, Toyota dépose le premier
ce à faible taux de renforts. C’est pourquoi de nombreuses équipes brevet pour la polymérisation de plusieurs monomères vinyliques en pré-
sence d’argile [7]. Dans les années suivantes, les travaux se focalisent sur
de recherche dans le monde concentrent leurs efforts sur l’éla- l’optimisation de la dispersion de très faibles quantités d’argile dans la
boration de nouveaux systèmes polymères nanocomposites. De matrice PA 6. Les résultats ont conduit à plusieurs dépôts de brevets [8]
nombreux types de nanocharges sont utilisés dans le cas des [9]. Le procédé consiste en une polymérisation du caprolactame en pré-
matrices organiques thermoplastiques et thermodurcissables : la sence d’argiles organophiles. La préparation de nanocomposites PA 6 par
silice précipitée, les oxydes de silicium-titane synthétisés par voie mélange à l’état fondu a ensuite été développée au début des années
sol-gel, les billes de silice, les whiskers de cellulose, les nanotubes 1990 par Allied Signal (devenu Honeywell) [10] [11] [12].
de carbone, les renforts plaquettaires...
Ces différents nanocomposites peuvent être répartis suivant la L’application industrielle de ces matériaux intervient à la suite des
nature des nanocharges utilisées. résultats obtenus par le centre de recherche de Toyota au Japon sur
le polyamide 6 [13] [14]. Le nanocomposite à matrice polyamide 6
■ Renforts de types 3D est obtenu par polymérisation in situ du monomère, le capro-
lactame, préalablement intercalé dans de la montmorillonite orga-
Ce sont des renforts dont les trois dimensions sont de l’ordre du niquement modifiée par des cations alk ylammonium. Ces
nanomètre. On a alors affaire à des nanoparticules isodimen- matériaux sont produits sous licence par UBE industries ;
sionnelles telles que des billes de silice nanométriques (obtenues ils sont utilisés dans les moteurs Toyota ou comme films d'embal-
par voie sol-gel in situ ou par polymérisation directement depuis la lage. Ces résultats sont à l’origine du vif intérêt manifesté tant
surface de la charge). au niveau industriel que du point de vue scientifique, ces dix
dernières années sur les nanocomposites à base de mont-
■ Renforts de type 2D
morillonite en raison de l’amélioration globale constatée des
Les deux dimensions sont de l’ordre du nanomètre et la performances aussi diverses que les propriétés mécaniques, les
troisième est très largement plus grande, formant ainsi une propriétés barrières ou encore de retard au feu.
structure fibrillaire telle que celle des nanotubes de carbone ou des Le lecteur pourra trouver, dans des articles de revue [15] [16]
whiskers de cellulose. De tels renforts conduisent à des matériaux [17], un exposé exhaustif sur les préparations et les propriétés des
ayant des propriétés exceptionnelles en particulier en matière de nanocomposites à matrice polymère.
rigidité.
Pour conclure, l’obtention d’un nanocomposite à matrice
■ Renforts de type 1D polymère nécessite que chaque feuillet constituant l’argile se
retrouve dispersé dans la matrice. Dans ces conditions, on parle
Dans ce cas, une seule des dimensions est de l’ordre du d’exfoliation.
nanomètre ; les charges se présentent sous forme de plans
d’épaisseur de l’ordre du nanomètre et de dimensions latérales Comme on le verra plus loin, l’exfoliation d’une argile dans une
allant de quelques dizaines à plusieurs centaines de nanomètres. matrice polymère n’est pas une chose simple. La préparation d’un
Ces charges plaquettaires peuvent être aussi bien des argiles nanocomposite polymère/argile nécessite, dans une première
naturelles (par exemple : montmorillonite) ou synthétiques (par étape, de casser les interactions entre feuillets individuels (on parle
exemple : laponite) que des phosphates de métaux de transition alors d’intercalation), puis d’assurer leur dispersion dans la matrice
(phosphate de zirconium Zr(HPO4 )). Les nanocomposites sont polymère (exfoliation).
obtenus par intercalation du polymère dans les galeries situées Mais, pour comprendre comment casser les liaisons entre
entre les plans des feuillets. feuillets constituant l’argile et comment réussir à disperser chaque
Les renforts de type plaquettaire ont été à l’origine du dévelop- feuillet individuel à l’intérieur d’une matrice polymère, certaines
pement des nanocomposites et sont, actuellement, les systèmes connaissances sur les différents niveaux d’organisation des
les plus étudiés. Cela s’explique par leur abondance et par le fait feuillets de silicate sont nécessaires.
que la chimie de l’intercalation de ces matériaux a été largement
étudiée. Le renfort le plus couramment utilisé est l’argile, pour
deux raisons : son abondance naturelle et son facteur de forme
très élevé (parmi les plus élevés dans la famille des silicates). 2. Argiles
2.1 Caractéristiques communes
1.2 Travaux originels
Les argiles les plus répandues sont les phyllosilicates ou
Les résultats des premières recherches sont rassemblés dans smectites. Leur principale caractéristique est de posséder cette
l’encadré 1 « Historique ». structure cristalline en feuillet d’épaisseur nanométrique (et donc

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un facteur de forme important), ce qui leur confère une grande


surface spécifique. Généralement, les argiles contiennent des
impuretés telles que du quartz...
La classification des argiles est définie par leur structure cristal-
line mais aussi par la quantité et la position des ions à l’intérieur
de la maille élémentaire. Les principales classes vont des kaolins,
de composition chimique uniforme, aux smectites, de compositions
et de capacité d’échange cationique très variables. L’espacement
entre feuillets individuels est gouverné par la présence de cations
dans l’espace interfoliaire.
Il faut noter qu’il existe aussi des argiles synthétiques, très
largement étudiées [18] [19] [20] [21]. Carrado [22] a récemment
publié un article de revue sur ces argiles synthétiques et leurs appli-
cations dans le domaine des nanocomposites à matrice polymère.

2.2 Structure des smectites


Ce sont les silicates les plus utilisés pour l’obtention de nano- Espace interfoliaire contenant
des cations hydratés
composites à matrice polymère. Ils appartiennent à la famille des
phyllosilicates de type TOT ou 2:1. Elle comprend les argiles natu-
relles comme la montmorillonite, l’hectorite et la saponite mais
aussi des argiles synthétiques comme la fluorohectorite, la laponite Plan
tétraédrique
ou la magadiite.
La montmorillonite a été découverte en France à Montmorillon Plan
en 1847 par Damour et Salvetat [23] et identifiée par Knight en octaédrique
1986 [24].
C’est une argile très répandue ; il est possible de trouver des argi-
les de même structure dans le monde entier. C’est une des raisons Plan
tétraédrique
pour laquelle elle est aussi couramment utilisée dans le domaine
des polymères nanocomposites.
Elle se présente sous la forme d’une poudre de granulométrie
micrométrique. Ce sont en fait des grains formés par agrégation de Cation tétraédrique Oxygène
particules élémentaires (figure 1). Ces particules sont elles-mêmes Cation octaédrique Groupe hydroxyle
constituées par l’empilement régulier de feuillets élémentaires
séparés par l’espace interfoliaire ou galerie.
Chaque feuillet est composé d’une couche octaédrique d’alumine Figure 2 – Schéma structural de la montmorillonite
ou de magnésie encadrée par deux couches tétraédriques externes
de silice, de telle manière que la couche octaédrique ait en commun
avec la couche tétraédrique ses atomes d’oxygène (figure 2).
L’épaisseur du feuillet est de l’ordre du nanomètre, avec des
dimensions latérales variant de quelques dizaines de nanomètres Distance
à quelques centaines de nanomètres. Les cations coordinés sont entre les centres
essentiellement des cations Si4+ dans les sites tétraédriques et Al3+ des atomes
dans les sites octaédriques. En couche octaédrique, et un peu aussi Couche 0,60 Å
en couche tétraédrique, existent des substitutions isomorphiques tétraédrique 1,60 Å
des cations par des cations de charge différente (Al3+ est remplacé
le plus souvent par Mg2+, Fe2+ ou Fe3+ et Si4+ peut être remplacé
par Al3+). Cela a pour conséquence de rompre l’électroneutralité du Couche
feuillet. La présence de cations dans l’espace interfoliaire permet octaédrique 2,20 Å
alors de compenser ce déficit de charge pour conserver l’électro-
neutralité de la particule.
Couche 1,60 Å
La structure idéalisée d’un phyllosilicate est schématisée figure 3.
tétraédrique
d001 = 0,96 nm

0,60 Å

O
OH
Si
Al

200 nm La hauteur des galeries est de 0,30 nm


d001 = distance entre deux motifs identiques pour MMT séchée
Feuillet Particule Particules
élémentaire agrégées
Figure 3 – Structure idéalisée d’un phyllosilicate [Al2(OH)2(Si2O5 )2 ]2
Figure 1 – Microstructure de la montmorillonite + H2O à une valeur de 5 % en masse
(0)

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Tableau 2 – Groupe des smectites


Minéral Formule générale d’une demi-maille
Montmorillonite [Al1,67Mg0,33 (Na0,33 )]Si4 O10 (OH)2
Hectorite [Mg2,67Li0,33 (Na0,33 )]Si4 O10 (HOOFF)2
Saponite Mg3 [Al0,33 (Na0,33 )Si3,67 ]O10 (OH)2 h0 h

Composite Nanocomposite
a intercalé
b
Le tableau 2 donne la formule générale d’une demi-maille pour
les principales argiles appartenant au groupe des smectites.
Nanocomposite
exfolié

2.3 Capacité d’échange cationique (CEC) c

Une propriété remarquable des argiles est leur capacité à Figure 4 – Structures possibles de nanocomposites
interagir avec les espèces chimiques présentes dans une solution à matrice polymère
aqueuse. Ces espèces chimiques, qui peuvent être aussi bien
ioniques que moléculaires, vont pouvoir s’adsorber sur la surface
externe des particules d’argile ou sur les surfaces internes. C’est ● Un premier type correspond à la structure d’un polymère
cette propriété d’adsorption ou d’absorption de certaines espèces chargé conventionnel (microcomposite), dans lequel l’argile n’est
chimiques présentes en solution qui est appelée la capacité dispersée au mieux que sous forme de particules primaires ou
d’échange cationique (CEC). Cette capacité est mesurée en nombre encore d’agglomérats (figure 4a ) et le polymère ne s’intercale pas
de charges fixées sur la surface de l’argile et, plus précisément, en entre les feuillets d’argile.
nombre de moles de charges ioniques pour 100 g d’argile séchée
(milliéquivalent/100 g). ● La première structure typique des nanocomposites est la
structure dite intercalée (figure 4 b ). Dans ce cas, l’argile est
Quand plusieurs espèces cationiques sont présentes dans la dispersée sous forme d’empilements de plaquettes plus ou moins
solution, un processus de sélection va s’opérer entre les différentes interconnectées appelés tactoïdes. Les chaînes de polymère
espèces. La concentration va jouer un rôle important puisque, pénètrent entre les feuillets d’argile provoquant une extension de
plus un cation sera présent en forte concentration dans la solution, l’espace interfoliaire, tout en préservant l’empilement régu-
plus il sera présent à la surface de l’argile. Ainsi, si l’on souhaite lièrement ordonné de l’argile.
échanger les cations interfoliaires par un cation en particulier, il
suffit de placer la montmorillonite dans une solution présentant un ● Enfin, lorsque les feuillets d’argile sont complètement et uni-
très large excès de cette espèce. Il est possible d’obtenir de la formément dispersés dans la matrice polymère, on parle alors
Na-montmorillonite, c’est-à-dire de la montmorillonite ayant pour d’une structure exfoliée ou délaminée (figure 4c ). L’empilement
unique espèce interfoliaire des cations Na+, en plaçant de la mont- régulier disparaît pour donner une structure ne présentant aucun
morillonite naturelle dans une solution aqueuse de chlorure de ordre à l’échelle locale. Cette dernière morphologie est la plus inté-
sodium NaCl. Ensuite, après rinçage, on obtient de la Na-mont- ressante car elle permet d’avoir une interaction maximale entre les
morillonite. Elle est composée de deux couches tétraédriques de feuillets d’argile et la matrice polymère ; la quasi-totalité de la sur-
silice externes et une couche centrale octaédrique possédant une face d’interfaces est concernée.
ch a r g e d e 0 , 6 7 p a r m a i l l e u n i t a i r e d e f o r m u l e
[Al3,33Mg0,67]–0,67Si8O20(OH)4 et d’un espace interfoliaire aqueux Pour visualiser la morphologie des nanocomposites deux outils
sont couramment utilisés : la diffraction des rayons X (DRX) et la
+
contenant 0,67 Na+ par maille élémentaire ( n × H 2 O )Na 0,67 . microscopie électronique en transmission (MET). Ils fournissent
des informations complémentaires sur la dispersion des argiles au
Il est important de noter que les molécules et les cations orga- sein de la matrice polymère.
niques peuvent être également adsorbés par la montmorillonite.
Dans le cas des molécules organiques, cela donne lieu à de ■ La diffraction des rayons X (DRX) est particulièrement adaptée à
nombreuses applications dans le domaine du traitement des eaux et l’étude des structures intercalées. La position du pic de diffraction du
dans le domaine pharmaceutique. Le remplacement des cations plan basal [001] d’empilement des feuillets donne une évaluation
compensateurs interfoliaires par des cations organiques trouve tout directe de l’espacement entre feuillets d 001. Le gonflement de l’argile
naturellement son application dans les nanocomposites, puisque par la matrice polymère se traduit alors par un déplacement du pic de
c’est cette propriété qui permet de rendre les argiles organophiles et diffraction attribué aux plans [001] vers les petits angles. L’évolution
ainsi d’envisager leur dispersion dans la matrice polymère. de la largeur du pic à mi-hauteur est en outre un indicateur du degré
de désordre lors du processus d’intercalation [25].

La figure 5 [26] illustre schématiquement l’évolution du dif-


3. Structure fractogramme selon le niveau de dispersion d’une montmorillonite
modifiée dans une matrice thermoplastique. Dans le cas d’un sys-
des nanocomposites tème exfolié, le pic de diffraction [001] n’est plus visible, soit parce
que la distance entre les feuillets est trop importante, soit parce que
la structure ordonnée n’est plus présente. Il devient alors nécessaire
3.1 Morphologie des nanocomposites d’avoir recours, de façon complémentaire, à la microscopie électroni-
que en transmission. L’observation directe des images obtenues per-
■ Suivant la méthode envisagée pour l’élaboration, la nature de met alors de savoir si le matériau est intercalé ou exfolié.Toutefois, il
l’argile utilisée (organiquement modifiée ou non) ou encore la faut noter qu’il peut exister des situations intermédiaires dans les-
matrice polymère, il est possible d’obtenir principalement trois quelles une partie de l’argile est exfoliée et le reste intercalé, cela se
types de structures différentes. traduisant généralement par un élargissement du pic de diffraction.

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Structures sandwiches

par Christophe BINÉTRUY


Professeur au département Technologie des polymères et composites
c
et Ingénierie mécanique de l’Éole des Mines de Douai
Responsable du groupe Composites

1. Intérêt des sandwiches ........................................................................... AM 5 141 - 2


2. Matériaux pour la construction sandwich ........................................ — 2
2.1 Peaux rigides ................................................................................................ — 2
2.2 Âmes ............................................................................................................. — 2
2.3 Adhésifs ........................................................................................................ — 12
2.4 Particularités liées à l’allègement de structures ........................................ — 12
3. Règles de conception .............................................................................. — 12
3.1 Introduction .................................................................................................. — 13
3.2 Rigidité en flexion et optimisation.............................................................. — 13
3.3 Résistance..................................................................................................... — 15
4. Fabrication ................................................................................................. — 17
4.1 Technologies par voie humide (imprégnation directe) ............................ — 17
4.2 Technologies par voie sèche (imprégnation indirecte) ............................ — 17
4.3 Assemblage par collage .............................................................................. — 17
4.4 Moussage in situ .......................................................................................... — 17
4.5 Moulage de panneaux en continu .............................................................. — 18
4.6 Moulage « one-shot » à partir de tissus 3D ............................................... — 18
5. Techniques de jonction, finition et courbure
de pièces sandwiches ............................................................................. — 18
5.1 Méthodes de jonction et connexion ........................................................... — 18
5.2 Méthodes de finition des bords .................................................................. — 18
5.3 Inserts............................................................................................................ — 19
5.4 Méthodes de pliage ..................................................................................... — 19
6. Applications ............................................................................................... — 21
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. AM 5 141
Parution : octobre 2008 - Dernière validation : mars 2019

es structures dites « sandwiches » occupent une place importante dans le


L domaine de la construction des pièces composites. Elles sont présentes
dans pratiquement tous les domaines d’application. Ces structures résultent de
l’assemblage par collage ou soudure de deux peaux (ou semelles) minces sur
une âme (ou cœur) plus léger et de plus faibles caractéristiques mécaniques qui
maintient leur écartement et transmet par cisaillement les actions mécaniques
d’une peau à l’autre.
Ce dossier présente le concept de structure sandwich au travers d’une des-
cription de la nature et des propriétés des matériaux constitutifs, de quelques
notions relatives à la conception des pièces sandwiches, des principales
méthodes de fabrication, des techniques de jonction et finition, et des dif-
férentes applications.

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STRUCTURES SANDWICHES __________________________________________________________________________________________________________

1. Intérêt des sandwiches La théorie de la résistance des matériaux montre en effet que la
rigidité en flexion d’un panneau est proportionnelle au cube de
son épaisseur. De ce fait, le rôle d’une âme dans un composite
Les matériaux sandwichs connaissent un essor important, tant multicouches est d’accroître le module du stratifié en augmentant
dans les applications les utilisant, que dans les technologies les met- de manière significative son moment d’inertie (via l’épaisseur) par
tant en œuvre. Ils sont ainsi largement utilisés dans tous les secteurs adjonction d’un matériau de faible densité. Il peut ainsi en résulter
industriels et notamment les transports, la marine, le nautisme, une augmentation considérable de la rigidité pour un accrois-
l’aéronautique, l’aérospatial, les sports et loisirs, l’industrie lourde, sement de masse minime.
le génie civil et l’armée. Leur consommation ne cesse d’augmenter.
La figure 2 compare les performances mécaniques en flexion
entre un panneau monolithique de référence et deux panneaux
D’une manière générale, on trouve des sandwiches dans sandwichs dont les faces sont réalisées avec le matériau du
toutes les applications où le rapport rigidité/masse volumi- panneau de référence. Si l’on choisit une âme de très faible
que apparente de la structure doit être le plus élevé. densité, l’augmentation de son épaisseur ne pénalise pas le poids
du panneau et permet d’augmenter fortement les caractéristiques
Les sandwichs présentent un intérêt pour les applications qui en flexion.
requièrent à la fois rigidité et légèreté. Ils sont constitués (figure 1) Cette configuration de matériau sandwich peut être assimilée à
de deux peaux (ou semelles) éloignées l’une de l’autre par une une poutre en I (poutre IPN), dans laquelle les peaux jouent le rôle
âme creuse ou pleine (figure 2), qui maintient leur écartement. des deux ailes de la poutre, et l’âme celui du raidisseur central
(figure 3). Pour ce mode de sollicitation, il apparaît que la peau
supérieure est chargée en compression, la peau inférieure en
traction, et l’âme en cisaillement.

En conséquence, parmi les propriétés les plus importantes


d’une âme, et qui constituent de véritables critères de choix,
figurent sa résistance au cisaillement et son module.

a raidisseur/treillis b âme ondulée c nid d’abeille En outre, notamment lorsque sont utilisées des peaux minces,
l’âme doit être capable de supporter un chargement en compression
sans défaillance prématurée, ceci de manière à éviter l’endomma-
gement par flambage des peaux suite à un plissement de celles-ci.
Elle joue ainsi un rôle de stabilisation des peaux.

d mousse e matériau évidé


2. Matériaux pour
Figure 1 – Différents types de construction sandwich la construction sandwich
2.1 Peaux rigides
1 1 1 1 3,5 7 1 9 Elles sont constituées le plus souvent :
37
– pour les composites à moyennes et hautes performances, de
stratifiés à matrice thermodurcissable (polyesters insaturés [1],
époxydes [2] ou thermoplastique [3] polypropylène...) et d’un
renfort fibreux (mat et tissu) de verre [4] et [5] de carbone ou
Monolithique t d’aramide [6] ;
(panneau de référence)
– pour les structures portantes, de feuilles métalliques (aluminium,
Épaisseur totale = 2t
acier) ;
Épaisseur peau = t/2
Masse Épaisseur totale = 4t – pour des structures de faibles à moyennes performances, de
Résistance à la flexion Épaisseur peau = t/2 bois, laminé, stratifié, contre-plaqué.
Rigidité en flexion Ces deux panneaux sandwichs ont leurs faces
réalisées dans le matériau du panneau de référence
2.2 Âmes
Figure 2 – Comparaison des performances mécaniques en flexion Dans les faits, c’est le constituant de l’âme qui permet de classer
entre un panneau de référence et deux panneaux sandwichs les différentes structures sandwiches. Parmi les âmes les plus uti-
lisées, citons celles en nid d’abeilles, en mousse, et en bois de
balsa.

Peau 2.2.1 Mousses


Colle Une mousse peut être de nature organique, métallique ou
céramique.
Âme Les propriétés les plus intéressantes offertes par les mousses
sont les suivantes :
Colle
– l’allégement. Les mousses organiques peuvent atteindre des
Peau
densités proches du kg/m3. Elles permettent donc une diminution
du poids d’une structure, tout en assurant la conservation des
Figure 3 – Comparaison sandwich/poutre IPN propriétés mécaniques de celle-ci ;

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– l’isolation thermique. Celle-ci est améliorée par la présence des


pores, idéalement fermés, nombreux, et de taille réduite. Ils assurent
une discontinuité au sein de la structure. Ainsi, la conductivité
thermique valant 0,135 W/mK pour le bois passe à 0,037 pour du
polystyrène expansé ;
– l’isolation phonique. Elle est augmentée à l’aide des tortuosités
et cheminements introduits par les pores, de préférence ouverts. 1mm a 1mm b 1mm c
D’autres propriétés, dues principalement à la nature de la matrice, a cellules ouvertes b cellules fermées c cellules ouvertes
sont aussi à considérer : tenue à la température, au feu, aux agents et fermées
chimiques...
■ Mousses métalliques [7] Figure 4 – Trois types de cellules dans les mousses (d’après [23])
Les plus utilisées sont les mousses d’aluminium, largement
exploitées dans l’industrie automobile et aérospatiale. Ces mousses
sont rigides et leur température de fusion varie globalement entre ■ Mousses organiques ([8] [9])
820 et 890 oC. L’éponge, la pierre ponce, le liège, ainsi que le balsa, sont des
Il existe également des mousses de zinc, de plomb, d’étain, et mousses organiques naturelles. À celles-ci s’ajoutent des mousses
leurs alliages, ainsi que des possibilités d’emploi du bronze, du organiques de synthèse, auxquelles les mousses de polymères
titane, et du cuivre. appartiennent. Actuellement, l’essentiel des mousses organiques
utilisées dans l’industrie sont des mousses de synthèse. Cependant,
Si l’on considère plus particulièrement les mousses d’aluminium,
certains produits naturels, comme le liège ou le balsa, par exemple,
très utilisées dans l’industrie, on constate que les propriétés dis-
conservent des applications dans les technologies actuelles.
tinctives de celles-ci sont :
– une grande rigidité spécifique ; Les mousses de polymères expansés (alvéolaires) constituent la
– une grande capacité d’absorption d’énergie, accompagnée de forme la plus courante de matériaux d’âme. Elles peuvent être pro-
propriétés amortissantes en mécanique et acoustique ; duites à partir d’une grande variété de polymères synthétiques,
– des conductivités thermique et électrique réduites ; dont le polychlorure de vinyle (PVC), les polyoléfines (PE, PP), le
– une bonne aptitude à l’assemblage mécanique (sciage, polystyrène (PS), le polyuréthane (PUR), le polyméthacrylimide
fraisage, perçage, clouage, vissage...), ainsi qu’au soudage ; (acrylique, PMI), les phénoliques (PF), le polyéthérimide (PEI) ou les
– l’ininflammabilité, ainsi qu’une bonne résistance à l’environ- copolymères styrène-acrylonitrile (SAN). Elles sont disponibles
nement (biologique en particulier) ; dans une gamme de masses volumiques allant de moins de
– la recyclabilité. 30 kg/m3 à plus de 300 kg/m3, sachant que les plus utilisées dans
les structures composites couvrent la plage de 40 à 200 kg/m3. Les
Dans le cadre de certaines applications, les mousses métalliques épaisseurs proposées varient typiquement de 5 à 50 mm.
s’avèrent particulièrement bien adaptées. La densité permet de
Les principaux facteurs influant sur les propriétés des mousses
concevoir des montages flottants (appontements, aménagements
sont essentiellement les matières premières choisies, ainsi que le
portuaires...), et ce d’autant plus que les cellules de la mousse sont
procédé de production. Ces propriétés sont décrites sur la base
fermées. De même, la bonne résistance des mousses d’aluminium
des critères suivants :
à la compression permet l’utilisation de celles-ci dans des systèmes
« anti-crash ». Pour cette application, elles présentent l’avantage, – la nature ouverte ou fermée des cellules (figure 4) ;
par rapport aux mousses de polymères, d’avoir une plus grande – la distribution de la taille des cellules, en distinguant micro et
tenue en température, ainsi qu’un meilleur comportement au feu. macroporosité ;
– le volume total des cellules, dont découle la densité de la
Leur inconvénient, par rapport à ces mêmes mousses, mousse résultante ;
réside dans leur poids, souvent plus élevé, à performances – la rigidité du matériau obtenu, fonction de la température de
mécaniques égales. transition vitreuse du matériau constitutif, supérieure ou inférieure
à la température ambiante (figure 5) ;
– les caractéristiques « classiques » des matériaux : compor-
■ Mousses minérales et céramiques tement en température, en environnement...
La terre cuite, allégée de manière artisanale, est sans doute la Selon leur mode de production, on distingue :
mousse céramique la plus ancienne qui soit au monde. Malgré son
âge, ce type de mousse conserve son intérêt, à l’instar des autres – les mousses « vraies ». Ce sont des solides dans lesquels ont
matériaux minéraux, à structure lamellaire, qu’il est possible été créés des pores par un procédé classique de séparation de
d’extraire. Ceux-ci sont souvent employés pour leurs propriétés phases. Leur morphologie peut être le plus souvent rapprochée de
absorbantes, résultant d’une porosité souvent ordonnée. celle de polyèdres séparés (cellules fermées) ou connectés (cellules
ouvertes). La taille des cellules résulte des conditions de croissance
Il existe également des mousses de verre, de béton, de carbone des hétérogénéités liées à la création de gaz dans le solide. Parmi
vitreux, de carbure de silicium, de borate... On peut encore citer les les mousses « vraies », on distingue celles où un aspect de peau est
billes d’argile expansées (utilisées dans l’hydroculture), les terres recherché (par moussage intégral, par thermocompression...), de
cuites acoustiques utilisées dans des écrans anti-bruit... celles formées d’une tranche nue (découpe mécanique de plaques
Ces mousses ne présentent pas de caractéristiques mécaniques ou blocs de mousse) ;
élevées. Leur principal avantage réside dans leur tenue en tempé- – les mousses syntactiques dont la porosité est créée par l’incor-
rature. Ainsi, une mousse de carbure de silicium, d’une densité de poration de corps creux dans la matrice, le plus couramment des
0,29 g/cm3, peut résister à plus de 1 500 oC en atmosphère oxydante microsphères ;
et 2 200 oC en atmosphère neutre. Elle peut être employée dans des – les mousses réticulées, entièrement ouvertes : les faces des
échangeurs thermiques, des éléments chauffants, des filtres, des cellules ont disparu, seules les arêtes demeurent.
supports de catalyseurs...
• Mousses PVC
Les mousses PVC à cellules fermées sont couramment utilisées
Leur inconvénient, par rapport aux mousses de polymères, dans la fabrication de structures sandwiches à hautes performances.
réside à nouveau dans leur poids et leur fragilité. Ces mousses Quoique chimiquement constituées en toute rigueur d’un hybride
sont rigides. PVC + PUR, elles sont usuellement appelées « mousses PVC ».

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Les mousses PVC offrent un compromis intéressant entre pro-


106 kg/m3 106 MN/m2 priétés statiques et dynamiques, d’une part, bonne résistance à
Céramiques solides l’absorption d’eau, d’autre part. Elles présentent en outre une plage
Métaux solides de températures d’utilisation relativement étendue, typiquement
de – 240 oC à + 80 oC, et une bonne résistance chimique vis-à-vis de
Polymères solides la plupart des agents chimiques (tableau 1).
Métaux solides 103 mousses de métaux
Céramiques solides et de céramiques Bien que généralement inflammables, les mousses PVC existent
103 Polymères solides aussi en versions ignifugées et peuvent donc être utilisées dans
mousses de métaux
et de céramiques Mousses de polymères des applications nécessitant une tenue au feu (pièces ferroviaires
Mousses de polymères
1 courantes par exemple). Lorsqu’elles doivent être associées à des peaux en
courantes (dr = 0,05)
Mousses élastomériques
composite, leur résistance correcte au contact du styrène permet
d’envisager une utilisation en toute sécurité avec des résines
Mousses de polymères
spéciales (dr = 0,002) Mousses élastomériques polyester insaturé (bon marché), d’où leur emploi très répandu
1 10-3 spéciales (dr = 0,01) dans l’industrie. Elles sont généralement commercialisées sous
a densité
forme de feuilles, planes ou pré-entaillées, en forme de grilles de
b module de Young
manière à faciliter la mise en forme.
Il existe deux grandes familles de mousses PVC : réticulées et non
MN/m2 W/mK
106 103 réticulées, ces dernières étant souvent appelées « linéaires ». Les
mousses non réticulées sont plus tenaces, plus flexibles et plus
Métaux solides faciles à mettre en forme (moyennant chauffage) pour épouser des
Céramiques solides surfaces courbes. Cependant, à densité équivalente, elles pré-
Céramiques solides
103 Métaux solides sentent des propriétés légèrement inférieures à celles des mousses
Mousses de métaux PVC réticulées, ainsi qu’une moindre résistance au styrène et en
Polymères solides et de céramiques
1 température. À l’inverse, les mousses réticulées sont plus dures
Mousses de métaux Polymères solides mais plus fragiles, et conduiront à la réalisation de panneaux plus
et de céramiques Mousses de polymères rigides, moins sensibles au fluage lors d’une utilisation dans des
1 (dr = 0,2)
Mousses de polymères Mousses de polymères conditions de températures élevées.
(dr = 0,04)
Une nouvelle génération de mousses PVC tenaces (ajout de
10-3 10-3 plastifiant) a également été développée, qui troque certaines
c résistance à la compression d conductivité thermique des propriétés mécaniques de base des mousses PVC
réticulées pour la ténacité améliorée des mousses linéaires.
Solides Mousse

dr - densité relative = fraction volumique de matière : masse volumique En raison de la nature des mécanismes chimiques du PVC/PUR
de la mousse / masse volumique du solide qui la compose dans les mousses réticulées, ces âmes demandent à être soigneu-
sement protégées par un revêtement de résine avant de pouvoir
Figure 5 – Plage de propriétés des mousses et des matériaux solides être utilisées avec des préimprégnés polymérisant à basse tem-
qui les composent (d’après [23]) pérature. Quoique des traitements spécifiques de stabilisation

Tableau 1 – Propriétés physiques et mécaniques typiques d’une mousse PVC (d’après [28] et [29])
Densité Coefficient Conductivité Température Résistance Résistance Module Résistance Module de
de dilatation thermique maximale en traction en d’Young Ez au cisaillement
h r y z+ compression cisaillement transverse
y z− transverse Gxz
{ xz
(en Kg/m3) (en 10–6/oC) (en W/M oC) (en oC) (en MPa) (en MPa) (en MPa) (en MPa) (en MPa)
30 35 0,022 80 0,9 0,3 20 0,35 13
45 35 0,024 80 1,3 0,55 35 0,5 18
60 35 0,025 80 1,6 0,75 60 0,7 22
80 35 0,028 80 2,2 1,20 82 1 31
80
PVC 45 0,035 60 1,8 0,95 60 1,2 21
linéaire
100 35 0,030 80 3,1 1,70 125 1,4 40
130 35 0,034 80 4,2 2,5 175 2 52
160 35 0,038 80 5,1 3,4 230 2,6 66
200 35 0,043 80 6,4 4,4 310 3,3 85
250 35 0,048 80 8,8 5,8 400 4,5 108

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thermique existent pour ces mousses, ceux-ci sont d’abord desti- épaisseurs (jusqu’à 85 mm), avec redécoupage possible à une
nés à améliorer la stabilité dimensionnelle de la mousse, et réduire épaisseur différente à partir du même bloc.
la quantité de gaz émise lors d’une mise en œuvre à température
élevée. Ce type de mousse présente une bonne thermoformabilité
(moulage sous vide ou par thermocompression) et une excellente
• Mousses PE (polyéthylène) et PP (polypropylène) résistance chimique.
Des mousses PE et PP sont des mousses à cellules fermées
réticulées, soit chimiquement, soit physiquement, avec, dans ce L’usage de ces mousses en tant que matériaux d’âme de
dernier cas, deux variantes possibles pour l’étape de moussage structures sandwiches comportant des peaux stratifiées en
(vertical ou horizontal), la structure cellulaire obtenue étant dif- composites à matrice polyoléfine (par exemple constituées
férente selon le mode de fabrication. des nouveaux rovings et tissus comêlés verre/PP ou verre/PE)
La réticulation physique des polyoléfines de base est réalisée par permet d’envisager la production de sandwiches « tout
un faisceau d’électrons de haute énergie balayant la feuille de poly- thermoplastique mono-matériau ».
mère expansible et créant ainsi des sites réactifs (enlèvement d’un
H du squelette -C-C- de la chaîne macromoléculaire), avant que
l’agent de moussage incorporé ne soit activé sous l’effet de la cha- • Mousses PS
leur. Le moussage peut s’effectuer, soit à la verticale, soit à l’hori-
zontale (sens de traversée de la feuille dans un four de moussage). Bien que les mousses PS soient très largement utilisées pour la
fabrication de planches de surf et de bateaux de plaisance, où leur
Dans le premier cas, du fait des forces de gravité, les cellules légèreté (40 kg/m3), leur faible coût, et leur aptitude au ponçage
seront petites, de l’ordre de 0,3-0,6 mm (sauf grade spécial à sont des atouts majeurs, elles sont très rarement employées dans
grosses cellules), de forme légèrement allongée (anisotropie), et il les pièces de structures à hautes performances en raison de leurs
est possible d’obtenir de faibles épaisseurs (0,5-0,8 mm). propriétés mécaniques médiocres. En outre, elles ne peuvent être
Dans le second cas, les cellules seront plus grosses, de l’ordre de associées à des polyesters insaturés sous peine d’être dissoutes
0,6-1,3 mm, et presque rondes (isotropie), et il est possible d’obtenir par le styrène présent dans les résines de ce type (tableau 2).
de grandes épaisseurs (4-12 mm). Les mousses réticulées physi-
quement comportent des peaux issues de la fabrication, plus ou • Mousses PUR
moins souples et sensibles à la rayure. Les mousses PUR présentent des propriétés mécaniques
Dans le cas de la réticulation chimique, les sites réactifs (points moyennes. Leur surface au niveau de l’interface âme/peaux souffre
de réticulation) sont créés par réaction chimique. Un agent de d’une tendance au vieillissement et à la dégradation dans le
réticulation est incorporé dans la feuille de polyoléfine et activé temps, conduisant à un délaminage des peaux. Leurs applications
thermiquement, à des températures inférieures aux températures structurales sont de ce fait limitées à la production de gabarits des-
de moussage. Le moussage est activé dans un deuxième temps. En tinés à la création de châssis ou de longerons pour éléments rai-
fonction de la densité finale visée, la fabrication de la mousse inter- disseurs. Néanmoins, les mousses PUR peuvent être utilisées dans
vient en mode discontinu en une (densités élevées, > 100 kg/m3) ou des sandwichs soumis à des charges modérées, lesquels sont sou-
deux (densités faibles) phases successives. Moussage et réticula- vent destinés à des applications d’isolation thermique. Ces mous-
tion s’effectuent dans des moules fermés sous presse. La structure ses présentent des températures d’utilisation relativement élevées
cellulaire obtenue est très fine (0,1-0,3 mm) et régulière, de forme (150 oC), une bonne capacité d’absorption acoustique, et peuvent
plus ou moins ronde (isotropie). Ce mode de fabrication permet être aisément découpées et usinées aux géométries requises
d’obtenir des niveaux de réticulation plus élevés et de fortes (tableau 3).

Tableau 2 – Propriétés physJ ues et mécaniques typiques d’une mousse PS (d’après [28] et [29])
Densité Coefficient Conductivité Température Résistance Résistance en Module Résistance au Module de
de thermique maximale en traction compression d’Young Ez cisaillement cisaillement
dilatation r y z+ y z− transverse transverse
h { xz Gxz
(en Kg/m3) (en 10–6/oC) (en W/M oC) (en oC) (en MPa) (en MPa) (en MPa) (en MPa) (en MPa)
30 70 0,025 75 0,5 0,3 8-20 0,25 4,5
45 70 0,028 75 1 0,75 25-33 0,6 6
60 70 0,035 75 1,2 0,9 60 0,6 20

Tableau 3 – Propriétés physiques et mécaniques typiques d’une mousse PUR (d’après [28] et [29])
Densité Coefficient Conductivité Température Résistance Résistance en Module Résistance au Module de
de dilatation thermique maximale en traction compression d’Young Ez cisaillement cisaillement
h r y z+ y z− transverse transverse
{ xz Gxz
(en Kg/m3) (en 10–6/oC) (en W/M oC) (en oC) (en MPa) (en MPa) (en MPa) (en MPa) (en MPa)
30 100 0,025 100 0,3 0,2 10 0,2 3
40 100 0,025 100 0,35 0,3 12 0,25 4
50 100 0,025 100 0,4 0,35 0,3

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• Mousses PMI
Pour une densité donnée, les mousses acryliques (PMI)
présentent des résistances et rigidités quasiment les plus élevées,
comparativement aux autres mousses utilisées en tant que maté-
riaux d’âme. Du fait de leur très bonne stabilité dimensionnelle,
elles peuvent être utilisées en association avec des préimprégnés
« conventionnels » polymérisant à haute température.
En revanche, leur coût élevé limite leur utilisation à des appli-
cations composites aéronautiques, telles que des pâles d’hélicoptère
par exemple.
• Mousses SAN
Les mousses SAN présentent un comportement analogue à celui
des mousses PVC réticulées. La plupart de leurs propriétés
statiques sont similaires à celles des âmes PVC réticulées, avec
toutefois des allongements à la rupture et des ténacités beaucoup
plus élevées. Elles sont de ce fait susceptibles d’absorber des
énergies de choc qui engendreraient la rupture des mousses PVC
réticulées standard ou à ténacité améliorée. Figure 6 – Différents exemples de nids d’abeille
Cependant, contrairement aux mousses PVC tenaces, dont la
ténacité est augmentée par ajout de plastifiants au polymère, les
propriétés de ténacité des mousses SAN sont inhérentes au
polymère, donc relativement stables au cours du temps. Feuille
simple Rapide et continu
Les mousses SAN remplacent les mousses PVC linéaires dans
de nombreuses applications, dans la mesure où leur allongement Âme
Foldhex
à la rupture et leur ténacité sont comparables à ceux du PVC
linéaire, mais avec une tenue en température et des propriétés
statiques plus élevées. Elles restent néanmoins thermoformables,
ce qui facilite la fabrication de pièces incurvées.
Des grades de mousses SAN avec stabilisation thermique
peuvent aussi être utilisés plus simplement avec des préimprégnés
Figure 7 – Fabrication en continue d’un nid d’abeille thermoplastique
polymérisant à basse température, dans la mesure où il n’y a pas par la technologie de découpe et pliage (source EconCore)
d’interférences dues à des mécanismes chimiques, inhérents dans
le cas du PVC.
• Autres thermoplastiques
Du fait du développement de nouvelles techniques de moussage Feuille T T
de thermoplastiques, la gamme de matériaux expansés de ce type Bande L
de polymères ne fait que s’accroître. On peut citer, par exemple, la
mousse PEI, en toute rigueur polyéthérimide/polyéthersulphone W
expansé (PEI/PES), qui combine une excellente tenue au feu avec Bloc Tranche
une température d’utilisation élevée. Quoique coûteuse, cette Adhésif W
mousse peut être utilisée dans des applications structurales, ther- Rouleau
L
miques et anti-feu, dans une gamme de températures d’utilisation L
allant de – 194 oC à 180 oC (utilisables pour des habillages inté-
rieurs de trains et d’avions). Feuille expansée

On signalera enfin des développements en cours, encore Figure 8 – Fabrication d’un nid d’abeille par la méthode d’expansion
(d’après [28] et [29])
marginaux, de polymères issus de ressources renouvelables
(amidon thermoplastique, PLA…) qui pourraient à terme être
associés à des peaux en composites eux aussi biosourcées
(renforcées de fibres végétales). métal, tissu...) constitutif de base, toute une gamme de résistances,
rigidités et masses volumiques. Les nids d’abeilles peuvent être
mis en œuvre dans des structures composites planes ou incurvées,
• Mousses syntactiques [10]
et ce sans mettre en jeu des efforts mécaniques ou un chauffage
On citera enfin, pour mémoire, les mousses syntactiques, excessif.
constituées de résines thermodurcissables dans lesquelles sont
incorporées des charges creuses (microbilles de verre...). Les nids d’abeille en thermoplastiques sont en général produits
par extrusion (plus rarement par découpe et pliage – figure 7), puis
débités à l’épaisseur requise. Les autres nids d’abeille (à base de
2.2.2 Nids d’abeille [10] papier, métal ou tissu) sont fabriqués en plusieurs étapes, soit par
expansion, soit par pré-ondulation.
Une autre famille d’âmes (creuses) regroupe des matériaux
constitués de cellules généralement hexagonales régulièrement • La méthode d’expansion est utilisée indifféremment pour
espacées faisant penser à un rayon de ruche, d’où l’appellation de fabriquer des nids d’abeille métalliques ou non métalliques. Elle
« nids d’abeille » (figure 6) ou encore « nida » en abrégé. consiste à « imprimer » avec de fines bandes d’adhésif parallèles
et positionnées de manière alternative de grands feuillets minces
■ Modes de fabrication du matériau constitutif (typiquement 1,2 × 2,4 m). Ceux-ci sont
Les âmes en nids d’abeille utilisables dans les structures ensuite empilés sous une presse à chaud, le temps de la poly-
sandwiches couvrent, selon le matériau (papier, thermoplastique, mérisation de l’adhésif, de manière à former un bloc (figure 8).

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Structures sandwich
acier/polymère/acier
par Didier VERCHERE
Doctorat Matériaux macromoléculaires et composites. INSA Lyon
ArcelorMittal Global Research and Development Montataire (F)

1. Contexte ........................................................................................... M 5 810 – 2


2. Substrats aciers et aciers prélaqués........................................... — 2
2.1 Aciers galvanisés à chaud .................................................................. — 3
2.2 Aciers prélaqués ................................................................................. — 4
2.3 Différentes âmes organiques ............................................................. — 4
2.4 Propriétés finales recherchées ........................................................... — 4
2.5 Matériaux pour l’allègement.............................................................. — 5
2.6 Matériaux sandwich pour la tenue aux chocs (crash résistance) ..... — 5
2.7 Matériaux sandwich pour l’isolation thermique ............................... — 6
2.7.1 Mousses polyuréthanes .......................................................... — 8
2.7.2 Autres panneaux pour l’isolation thermique .......................... — 9
2.8 Matériaux pour l’amortissement ....................................................... — 10
3. Procédés de fabrication................................................................. — 11
3.1 Situation ............................................................................................. — 11
3.2 Préparation de surface métallique ..................................................... — 11
3.2.1 Dégraissage alcalin de surface métallique ............................. — 11
3.2.2 Traitement de surface des surfaces métalliques .................... — 11
3.3 Adhésion substrat/polymère et durabilité ......................................... — 12
3.3.1 Paramètres clés sur l’adhésion substrat/polymère ................ — 12
3.3.2 Mécanismes d’adhésion métal/polymère ............................... — 12
3.3.3 Mécanismes de délamination et corrosion............................. — 14
3.4 Fabrication des mousses polyuréthanes dans les panneaux
sandwich ............................................................................................. — 15
3.5 Fabrication des panneaux sandwich à âmes profilées
en discontinu ...................................................................................... — 16
3.6 Fabrication des structures sandwich en continu
pour l’antivibration/amortissement allègement, ou tenue
aux chocs ............................................................................................ — 16
4. Propriétés, marchés et applications ........................................... — 18
4.1 Structures sandwich pour l’allègement dans l’automobile .............. — 18
4.2 Panneaux sandwich pour l’isolation thermique et l’allègement ...... — 18
4.3 Panneaux sandwich pour la haute isolation thermique ................... — 20
4.4 Tôles sandwich pour l’amortissement ............................................... — 21
4.5 Plateformes épaisses en structure acier/polyuréthane/acier SPS .... — 23
Parution : septembre 2011 - Dernière validation : avril 2017

5. Perspectives..................................................................................... — 23
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. M 5 810

es structures sandwich sont constituées de différentes couches, et généra-


L lement avec :
– deux faces souvent rigides, appelées encore « parements » (ou peaux) ;
– une âme centrale au milieu et, parfois, une couche de liaison lorsque le pan-
neau est collé.
La colle est ainsi déposée sur le substrat, ou sur les deux faces de l’âme
organique.
Les structures composites sous forme de sandwich trouvent des applications
dans de nombreux secteurs industriels (construction, transport, automobile,…).
Ils sont particulièrement bien adaptés pour répondre à des modes de sollicita-
tion en flexion.

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STRUCTURES SANDWICH ACIER/POLYMÈRE/ACIER –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

En plus de leur très bonne rigidité intrinsèque, de nombreuses autres fonc-


tions peuvent être apportées par ces structures sandwich, notamment :
– l’allègement ;
– l’isolation thermique, électrique et acoustique ;
– l’amortissement ;
– la tenue aux chocs (résistance à l’impact) ;
– la sécurité incendie (âme autre que polymère) ;
– l’esthétique…
Au-delà de l’amélioration des propriétés mécaniques, thermiques ou acousti-
ques des panneaux sandwich, son aptitude à la fabrication industrielle à grande
échelle est indispensable pour satisfaire aux contraintes de coût. Suivant les
applications visées, des exigences de mise en forme et d’assemblage peuvent
également être demandées.
Depuis de nombreuses années, l’âme des matériaux sandwich n’a cessé
d’être l’objet d’évolution et d’innovations, aussi bien structurales, que morpho-
logiques. La construction sandwich dispose donc, à l’heure actuelle, d’une for-
midable diversité de structures d’âme :
– âmes pleines (matériaux massifs ou cellulaires) (moussés) ;
– films tissés ou non tissés ;
– âmes nids d’abeille à section circulaire, hexagonale, carrée…, âmes ondu-
lées ou gaufrées, âmes en forme de grillages…
Les différents produits proposés ici sont des sandwich avec des parements en
acier laqué, ou non, et une âme organique (thermoplastique et thermodurcis-
sable). Ainsi, les autres matériaux : bois, cellulose, tissus, aluminium, cuivre,
alliages, acier inoxydable, mousses métalliques, laines minérales, perlites,…
ne sont pas pris en compte.
Ce document présente les structures sandwich acier/polymère/acier pour
apporter, notamment, l’isolation thermique, l’allègement, la tenue aux chocs,
l’amortissement. Le procédé de mise en œuvre des structures sandwich, l’adhé-
sion substrat/âme, et les paramètres clés sur les propriétés finales d’adhésion et
de durabilité sont aussi abordés.

1. Contexte 2. Substrats aciers et aciers


prélaqués
Les panneaux sandwich doivent essentiellement leur essor à la
recherche croissante de l’allègement et de l’isolation thermique des
structures, techniquement crucial dans l’aéronautique et économi- Le choix des parements en acier va dépendre du cahier des char-
quement primordial dans le secteur du bâtiment ou du transport. ges de l’application, donc des propriétés finales demandées et du
Dans de nombreuses applications, les structures sont soumises à procédé de mise en œuvre du client.
des efforts non uniformes sur toute la section du matériau. En flexion
& Les critères de sélection sont nombreux, aussi bien au niveau :
[1], par exemple, les fibres extrêmes sont plus sollicitées que les par-
ties centrales. L’utilisation d’un matériau de faible densité dans la partie – des résistances souhaitées (cisaillement, flexion, choc, com-
centrale, et d’un matériau rigide sur les parements, permet d’accroı̂tre pression, pelage,…) ;
le rapport rigidité/masse. D’où le concept du matériau sandwich. – des atmosphères en service (température et milieux : neutre,
Ici sont pris en compte les matériaux utilisés pour la réalisation humide, chlorure, nitrure, sulfure, mixtes…) ;
des panneaux sandwich à base de parements en acier. Les proprié- – de l’aspect souhaité (pièce visible ou non).
tés mécaniques apportées par une structure sandwich métal/poly-
Il est également indispensable de tenir compte du procédé de
mère/métal ont déjà fait l’objet de nombreux travaux, elles ne
mise en œuvre lors de la réalisation du panneau sandwich (profi-
seront pas reprises.
lage, emboutissage, pliage), ou chez le client (mise en forme,
mode d’assemblage : clinchage, collage, soudage, brasage…, mise
L’acier est utilisé comme parements en raison de sa très bonne
en peinture : poudre, liquide ; mode de cuisson…).
résistance mécanique isotrope. Il a néanmoins l’inconvénient
d’être dense. & Au bilan, la tendance dans les structures sandwich est plutôt
Ainsi, la plus grande richesse de la construction sandwich vient
d’appliquer des aciers minces, pour des questions d’allègement.
du fait qu’elle combine une gamme de matériaux aux propriétés
Les épaisseurs varient classiquement de 0,2 à 0,8 mm. Les proprié-
extrêmes [2]. En jouant sur les épaisseurs relatives acier/poly-
tés mécaniques des aciers sont reprises dans le document en réfé-
mère/acier, la rigidité, la densité et d’autres propriétés varient.
rence ([3] [4] [M 4 516]).

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– STRUCTURES SANDWICH ACIER/POLYMÈRE/ACIER

Au niveau des aciers, bien souvent ils sont recouverts de zinc & Bien que la galvanisation à chaud soit généralement classée
(galvanisés à chaud ou déposé par électrodéposition) afin d’appor- dans les revêtements de zinc pur, une faible quantité d’aluminium
ter la tenue à la corrosion. Dans le monde du bâtiment, de la cons- est ajoutée au bain de zinc fondu afin d’inhiber la croissance des
truction, les panneaux sandwich de façade sont classiquement alliages FeZn, à l’interface du revêtement zinc/acier ([12] [13] [15]).
développés en déposant l’âme organique sur l’envers de bande de En effet, avec la galvanisation, le fer se dissout dans le bain de zinc
l’acier prélaqué. Ainsi, la technologie de prélaquage en continu liquide. Sans l’aluminium dans le bain, il va précipiter et faire croı̂-
(coil coating) permet de compléter les performances en apportant tre l’alliage de FeZn à une vitesse très rapide.
au panneau à la fois esthétique, pérennité et aptitude au collage.
Le problème est la fragilité de ce composé qui ne supporterait
Également des aciers émaillés peuvent être envisagés [M 1 514] pas un pliage. Grâce à l’aluminium, les équilibres sont modifiés.
pour un ou deux parements. Son ajout entraı̂ne la précipitation d’une fine couche inhibitrice de
Fe2Al5Zn entre l’acier et le revêtement de zinc ([15] [16] [17]). Cette
couche d’épaisseur réduite ne présente, ni gradient de contraintes,
2.1 Aciers galvanisés à chaud ni fragilité. Juste après la galvanisation, la tôle fraı̂chement galvani-
& Dans le cas des aciers galvanisés, du zinc est déposé à la surface sée est légèrement laminée par des rouleaux indentés (skin pass).
de l’acier afin d’assurer la protection de l’acier en empêchant tout
contact entre le milieu corrosif et l’acier sous-jacent : c’est le méca- & L’opération de skin-pass est utilisée pour :
nisme de protection cathodique [5]. – assurer la planéité de la tôle (aspect) ;
– ajuster (améliorer) les propriétés mécaniques de l’acier (élimi-
ner le palier élastique s’il existe ;
La protection cathodique consiste à coupler l’objet qui se cor-
rode à un métal moins noble. Ce dernier joue alors le rôle – marquer (indenter) une rugosité cible en surface (donner de la
d’anode sacrificielle dans la cellule galvanique, la cathode étant rugosité) ;
le matériau à protéger. – et ainsi répondre au cahier des charges.

La limite élastique et l’allongement ne doivent pas : évoluer pen-


Dans le cas d’un acier galvanisé, le zinc constitue la partie ano- dant le stockage par migration lente éventuellement du carbone et
dique qui se dissout, tandis que l’acier est protégé, thermodynami- de l’azote vers les joints de grains de la ferrite (avec ce skin pass ce
quement stable sous sa forme métallique dans ces « conditions vieillissement disparait).
d’immunité » ([5] [6] [7]).
Pour mémoire, un revêtement se comporte comme une anode Cette étape, après galvanisation, facilite la mise en forme par
sacrificielle si son potentiel de dissolution est inférieur à celui de emboutissage et permet d’obtenir un très bon état de surface
l’acier. La valeur de potentiel de dissolution d’un métal est détermi- (rugosité, brillance, aspect …) avant et après mise en peinture.
née, d’une part par les données thermodynamiques et d’autre part, De plus, elle assure la planéité de la tôle et harmonise les diffé-
par les cinétiques électrochimiques, les conditions d’immunité ou rentes contraintes internes dans la largeur de la bande.
de passivation [8]. Elle dépend donc du milieu électrolytique ren- Ces rugosités jouent également le rôle de réservoirs à lubri-
contré : pH, concentration et nature des espèces agressives présen- fiant qui vont faciliter le formage en évitant les phénomènes
tes, conductivité. Cette échelle de potentiel conduit à un classement de grippage.
des métaux par ordre de « noblesse thermodynamique » ([9],
figure 1). & En dehors des aciers galvanisés à chaud (Z), d’autres revête-
ments métalliques sont commercialisés.
Le procédé de galvanisation à chaud consiste à recouvrir de  Galfan (ZA)
zinc un métal ferreux, principalement l’acier, par immersion Ce revêtement est constitué d’un alliage Zn-Al comportant 5 %
dans un bain de zinc fondu à 450  C environ ([10] [11] [12]).
d’aluminium et quelques ppm de terres rares (La, Ce). Cette com-
Au cours de l’immersion, il se produit entre les deux métaux position lui confère une structure de type eutectique lamellaire
une réaction conduisant à une diffusion du zinc dans le fer avec, localement, des cristaux primaires d’une phase riche en zinc.
([12] [13] [14]). Il en résulte la formation de couches d’alliages Grâce à cette structure et à son absence de phase intermétal-
intermétalliques qui vont dépendre de la composition chimique
lique, ce revêtement présente une excellente formabilité, une adhé-
exacte du bain.
rence élevée et un coefficient de frottement bas. Les épaisseurs de
revêtement sont usuellement de 7 à 23 mm/face. Les qualités ZA
L’acier ainsi revêtu est alors refroidi ce qui permet au revêtement 200 et ZA 255 sont les plus courantes en construction.
riche en zinc de se solidifier. La vitesse de refroidissement influence
la germination lors de la solidification du zinc et, donc, la taille des  Galvalume‚ ou Aluzinc (AZ)
grains du revêtement. Ce revêtement est constitué d’un alliage Zn-55 % /Al-43,4 % /Si-
1,6 %. Il présente une structure biphasée et une couche d’alliage
interfaciale homogène assez importante (2 à 3 mm). Ce produit a
Plus nobles été développé pour sa résistance à la corrosion à l’état nu, qui est
très élevée, car elle combine l’effet barrière de l’aluminium et la
protection sacrificielle du zinc. Les qualités AZ 150 et AZ 185 sont
les plus couramment spécifiées en construction.
Mg Ce Al Ti Mn Cr Zn Co Ni Sn Cu
Fe  Alusi (AS)
À gauche de l'élément Fer : anodique (le revêtement est moins Ce revêtement est constitué d’un alliage Al-90 % / Si–10 %. Il pré-
noble que le substrat). sente une haute résistance à la température et une excellente résis-
À droite de l'élément Fer : cathodique (le revêtement est plus tance à la corrosion chimique.
noble que le substrat)
 Alupur (AL)
Figure 1 – Classement des métaux par ordre de noblesse Ce revêtement est constitué d’aluminium pur. Il présente une très
« thermodynamique » bonne résistance à la corrosion.

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2.2 Aciers prélaqués


Les aciers prélaqués sont des aciers recouverts de couches de Finition
revêtement organique (peinture). Ils possèdent ainsi une structure Primaire
multicouche. Généralement, l’acier est recouvert d’une couche de Traitement de surface
revêtement métallique. En fonction de l’application visée, la nature
Zinc
du revêtement métallique diffère.
& Parmi les différents revêtements métalliques, l’acier galvanisé à
chaud (revêtement de zinc Z) reste le plus utilisé. Il est également ACIER
possible d’avoir des revêtements découlant de différents alliages Zinc
de zinc pour des applications en prélaqués [M 1 509v2]. L’épaisseur
Traitement de surface
du revêtement métallique représente plusieurs microns, elle varie
suivant le marché final (construction pour utilisation en intérieur Envers
ou en extérieur, électroménager,…). Les masses de zinc, couram-
ment appliquées pour la tôle galvanisée en continu (Z) destinée au Figure 2 – Structure d’un acier prélaqué. L’âme organique
prélaquage, varient de 100 à 275 g/m2 (Z100 = 7 mm de zinc par face de la structure sandwich est déposée sur l’envers de bande
et Z350 = 25 mm de zinc par face).
& Sur une ligne de coil coating (application de peinture sur des Tableau 1 – Principaux avantages des matériaux acier
bobines en continu), les différentes couches organiques liquides
sont appliquées par enduction (roll coat) ([18] [19]) sur une bobine et polymère
défilant en continu.
Acier Polymère
 La vitesse de la ligne varie suivant les formats et la nature du
produit à déposer, elle peut atteindre des vitesses jusqu’à 160 m/ Rigidité Faible densité
min. Les couches suivantes sont appliquées sur cette surface :
– un traitement de surface, sur les deux faces, bien adapté sui- Absorption d’énergie, magné- Aspect/apparence
vant la surface à traiter. Ce traitement a un double rôle : tique
 prévenir la corrosion,
Réparabilité Transformabilité (injection, ex-
 améliorer l’adhésion du revêtement organique sur le trusion,…)
substrat ;
– un primaire organique. Sur la face supérieure, au dessus du Tenue en température. Isolation thermique, phonique.
traitement de surface, est appliqué un revêtement organique Stabilité thermique Acoustique
liquide, appelé « primaire ». Son épaisseur sèche (après réticula-
tion) varie de 5 à 30 mm. Il constitue une couche anti-corrosion Mise en peinture (aqueuse, sol- Résistance petits chocs (défor-
plus ou moins flexible ; vant, poudre, photo-réticulable) mation)
– une couche de finition organique (topcoat), également un revê-
tement organique, (de 15 à 200 mm) est appliquée sur la face supé- Assemblage (collage, soudage, Intégration de fonctions (ajouts
rieure (topcoat). Elle constitue une couche de protection contre la clinchage, rivetage) additifs, agents spécifiques)
corrosion et apporte l’esthétisme à l’acier (brillance, couleur,
aspect…). La durabilité de cette couche dépend de ses propriétés Recyclage Pas nécessaire de protéger les
mécaniques et de sa résistance à l’UV. La couche organique de fini- tranches (pas de délamination
tion peut apporter d’autres propriétés : anodique)
 résistance à l’abrasion,
 améliorer l’aptitude à l’emboutissage en diminuant le coeffi- délamination du parement lors de la phase d’utilisation du sand-
cient de frottement, wich, même avec de fortes variations de températures.
 résistance aux produits chimiques (supporte des nettoyages
Exemple
intensifs,…) ;
Dans le secteur automobile, les conditions de cuisson des peintu-
– un envers de bande (backcoat). Son application (de 5 à 12 mm) res cataphorèses peuvent être plus ou moins sévères de 150 à
peut avoir lieu, soit simultanément avec celle du primaire, soit avec 210  C pendant 15 à 40 minutes. Également en service (température
celle de la finition (topcoat). Ce revêtement organique est appliqué variable, atmosphère plus ou moins agressive), la structure sandwich
sur la face inférieure, assure une protection contre la corrosion et doit tenir sans délamination, ni perte de propriétés ni flambement.
sert d’accroche pour le moussage des panneaux sandwich. L’envers
de bande doit être capable de résister au pliage, au profilage et au  La qualité de l’adhésion substrat/âme est fondamentale pour
choc. Lors de la fabrication du panneau, le moussage s’effectuera les performances et la durée de vie d’une structure sandwich.
sur l’envers de bande. L’association substrat/âme doit être suffisamment homogène et
résistante pour éviter toute décohésion locale par arrachement, ou
La structure d’un acier prélaqué est représentée sur la figure 2. cloquage, des parements.
 La nature de l’âme va dépendre des propriétés finales deman-
2.3 Différentes âmes organiques dées. Voici, très succinctement, les propriétés apportées par ces
deux matériaux (tableau 1).
& L’âme organique, avec des propriétés mécaniques largement
inférieures à celles de l’acier, doit remplir principalement deux
tâches essentielles, et primordiales, dans la cohésion du sandwich. 2.4 Propriétés finales recherchées
L’âme est tout d’abord chargée de maintenir les parements écartés
à distance régulière et constante, évitant ainsi leur flambage sous Dans une structure sandwich, la sélection des matériaux, leur
les contraintes de flexion. L’âme doit également être capable d’évi- forme et la géométrie finale vont dépendre des propriétés
ter le glissement d’une face métallique par rapport à l’autre, ou la recherchées.

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Coeur polymère Acier galvanisé


1,6 - 2 mm 0,6 - 1,5 mm

a mousse b nids d’abeille

c âme ondulée d gaufré e nappe continue

Figure 4 – Schéma d’une structure sandwich pour la tenue aux chocs


Figure 3 – Différentes familles d’âmes organiques pour l’allègement
et application possible dans l’automobile en extrême avant
(absorbeur d’énergie et pare-chocs)
Dans le cadre des structures sandwich avec des parements en
acier, les propriétés recherchées en priorité sont : Exemple
– l’isolation thermique ; Prenons le cas d’un acier dual phase, comme le DP 780. Les
– l’allègement ; aciers Dual Phase se distinguent par un remarquable compromis
– l’isolation phonique. absorption d’énergie aux chocs/allègement. Celui-ci provient de la
microstructure constituée d’une phase dure (martensite ou bainite)
Voici un résumé des principales propriétés demandées et la solu- dispersée dans une matrice ferritique ductile.
tion proposée. La capacité de consolidation de ces aciers est considérable. Cette
caractéristique leur assure une bonne aptitude à la répartition des
déformations et, donc, une bonne emboutissabilité, mais aussi des
2.5 Matériaux pour l’allègement caractéristiques sur pièces, notamment la limite d’élasticité, beau-
Pour cette propriété, le polymère pourra être sous différentes for- coup plus élevées que sur le métal à plat. Ce niveau élevé de résis-
mes suivant la géométrie de la structure sandwich, notamment tance mécanique (Rm = 780 à 900 MPa – Allongement > 15 %)
l’épaisseur de l’âme. Suivant l’épaisseur de l’âme organique et sa obtenu sur pièce se traduit par une excellente tenue à la fatigue et
rigidité, la structure sandwich peut être réalisée en continu, en par- une bonne capacité d’absorption d’énergie, ce qui prédispose ces
tant de deux bobines d’acier et en rembobinant l’ensemble après aciers à l’utilisation pour des pièces de structure et de renfort.
formation du sandwich (cas de la ligne de Montataire figure 22).
& Ce type de structure sandwich est développé pour la fabrication
Dans les autres solutions, la structure sandwich est réalisée pan-
de pièces ayant un rôle dans la sécurité passive et, notamment,
neau par panneau.
dans la résistance au crash. Les pièces réalisées pour l’automobile
Au bilan, le polymère est : doivent se situer entre les longerons avant et la traverse de bran-
– une feuille (0,25 à 1 mm [20] [21] [22] [23]), une plaque (épais- card pour assurer un bon comportement au crash frontal et jouer
seur > 2 mm), une mousse (figure 3a) ; un rôle anti intrusion.
– une moquette, un tissu (exemple du Zyplex de Dofasco [24]), Pour cette application, les différents matériaux doivent être
un pré-impregné (composite à base de résine thermodurcissable optimisés :
ou thermoplastique imprégnant un renfort [25]) ;
– une âme nids d’abeille (figure 3b) ; – la nuance d’acier ;
– une âme ondulée (figure 3c) ou gaufrée (figure 3d) ou un – son épaisseur ;
réseau de plots reliés en leur base par une nappe continue parallèle – la nature de l’âme (bon allongement) ;
au plan de leurs sommets (figure 3e). – l’adhérence métal/polymère.
Les applications sont surtout dans le secteur automobile :
2.6 Matériaux sandwich pour la tenue – barre anti-intrusion ;
aux chocs (crash résistance) – extrême avant ;
– absorption d’énergie ;
L’utilisation d’un sandwich acier/polymère/acier permet d’accroı̂- – pièces de châssis ;
tre significativement l’énergie absorbée par les deux parements – façade avant technique ;
d’acier, et donc d’améliorer fortement la résistance au crash de la – dossier de siège arrière ;
structure (application structurale). – traverse de planche de bord… ;
& La performance d’un sandwich pour absorption d’énergie est – barrières de sécurité pour route.
conditionnée par la déformation plastique du matériau des pare- La figure 5 représente une vue d’ensemble sur les différents
ments du sandwich. Contrairement aux applications en rigidité où aciers. Les propriétés mécaniques Rm varient de 315 à 1 500 MPa.
la nature du grade d’acier du parement utilisé importe peu, la solli-
citation des parements étant simplement élastique [26]. Ici, le Ce type de structure est idéal pour la résistance au crash puis-
niveau de résistance utilisé et son épaisseur vont donc être déter- qu’elle cumule une excellente capacité d’absorption d’énergie
minants dans l’optimisation du sandwich, dans le compromis associée à une faible masse comparativement à une version mono-
absorption/allègement. lithique (figure 6). Un test de flexion 3 points dynamique a été réa-
lisé sur des profils en U (une traverse simplifiée). Les résultats per-
& Le sandwich pour une application aux chocs est constitué de mettent de dresser un comparatif en termes de pic d’effort, ainsi
deux parements en acier d’épaisseur 0,6 à 1 mm (peaux) associés que d’absorption d’énergie entre le monolithique et la version
à une âme en polymère d’épaisseur 1,6 mm (figure 4). sandwich plus légère (les mêmes grades d’acier ont été utilisés).

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& Pour un même niveau de performance, le poids de la structure Les parements doivent être résistants mécaniquement, ils ne doi-
peut être réduit jusqu’à 50 % (entre acier monolithique et une vent pas se déformer. Ils assurent la protection de l’âme. L’âme doit
structure sandwich type). maintenir les parements à une distance égale l’un de l’autre.
Ces structures peuvent également être très intéressantes par Ces panneaux sont utilisés, notamment, pour le bardage ou la
exemple pour des absorbeurs d’énergie (crash-box) pour réduire toiture des bâtiments. Le transfert de chaleur dans une mousse
le poids de l’extrême avant (cf. figure 4). Dans ce cas, il est indis- peut s’effectuer selon trois mécanismes :
pensable de bien optimiser, à la fois les épaisseurs, et la nuance
– conduction ;
de l’acier. La figure 7 représente les photos d’une structure sand-
wich (la plaque de fermeture de l’omega est assemblée avec – radiation ;
l’omega par rivetage) avant et après un test dynamique en – convection.
compression.
& En plus de sa nature, la conductivité thermique de la mousse
dépend de très nombreux facteurs :
2.7 Matériaux sandwich pour l’isolation – taille et orientation des cellules. La conductivité thermique glo-
thermique bale de la mousse augmente avec une augmentation de la taille
des cellules. Vers 200 mm, la conductivité thermique est minimale ;
Dans la construction, pour l’isolation thermique, le marché des
– densité de la mousse (il existe une densité optimale, vers 40 kg/
âmes polyuréthanes représente environ 70 % du volume, les mous-
m3, qui permet d’obtenir la conductivité thermique la plus faible) ;
ses polyisocyanurates (PIR) correspondent à environ 15 %, celui
des laines de verre et minérales est de 10 %. – épaisseur de la membrane cellulaire. Plus l’épaisseur de la
fenêtre cellulaire est importante, et plus la conductivité thermique
& Les mousses permettent d’obtenir des propriétés telles que de la mousse est faible. En effet, la membrane cellulaire joue un
l’allègement, les isolations thermique et phonique. Les mousses
peuvent être utilisées entre deux parements pour former des pan-
neaux sandwich. La forme la plus courante des matériaux sandwich
consiste en un assemblage de deux parements minces sur une âme
plus épaisse.
UTS (en mPa)

1 700
1 600
1 500
1 400 Acier Monolithique Structure sandwich
1 300 après le test après le test
1 200
1 100 25 918,2 1 000
1 000 Peak force

Energy (J)
Peak force (kN)

900 Energy 21,6 900


800
700 20 800
600 Iso-weight & Iso-grade
500 comparison 700
400
15 600
300
200 11,8
0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 456,7 Sandwich version 500
Aciers : Élongation (en %) Iso 20x80 10 400
Microalliés
À effet Bake-Hardening (durcissement après la cuisson) Monolithique version 300
Double-phase (contient ferrite et une faible proportion de martensite) 5 200
Rephosphoré
Ferrite bainite 100
Faiblement allié
0 0
TRIP (Transformation Induced Plasticity) ou multiphasé
Au bore
Figure 6 – Comparaison entre un acier monolithique de 1,5 mm
et un sandwich (acier 0,7 mm + polymère 2 mm) pour le crash. Test
Figure 5 – Relation Rm – Allongement acier en flexion 3 points à 8 m/s

Figure 7 – Photos d’une structure sandwich acier/polymère/acier avant et après un test en compression axiale à 16 m/s sur des formes omegas

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Matériaux composites
phénoliques ablatifs

par Martine DAUCHIER


Ingénieur de l’École nationale supérieure de chimie et physique de Bordeaux
Chef du Service rigidimères ablatifs à Snecma Propulsion solide
et Jean-Claude CAVALIER
Docteur en chimie
Chef du Département développement matériaux à Snecma Propulsion solide

1. Description ................................................................................................ AM 5 325 - 2


2. Constituants des matériaux.................................................................. — 2
3. Procédés de fabrication des pièces ................................................... — 4
4. Caractérisation des matériaux ............................................................. — 5
5. Dimensionnement des pièces de tuyères ......................................... — 6
6. Comparaison des prévisions de calculs
et des résultats d’essais ....................................................................... — 8
7. Exemples de pièces ................................................................................. — 8
8. Conclusions ............................................................................................... — 8
Références bibliographiques ......................................................................... — 9
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. AM 5 325

es premiers matériaux utilisés dans les tuyères des propulseurs à poudre


L furent les métaux réfractaires tels que le tungstène et les graphites polycris-
tallins. La forte masse volumique des premiers et la faible résistance au choc
thermique avec rupture aléatoire des seconds ont conduit à les remplacer peu à
peu par des matériaux composites. Dans cette application, les matériaux sup-
portent des températures voisines de 3 000 ˚C pour des durées de quelques
secondes à quelques minutes. De plus, compte tenu du fait que dans la plupart
des tuyères les réactions chimiques ont lieu en milieu plutôt réducteur, il était
naturel de considérer le carbone comme matériau de choix pour développer au
début des années soixante une famille de composites appelés rigidimères ou
composites phénoliques ablatifs, car ils sont constitués d’un renfort réfractaire
tel que le carbone ou la silice et d’une matrice ablative à base de résine phénoli-
que. Cette résine se décompose sous l’effet de la chaleur en laissant un résidu
important de carbone, ce qui permet d’évacuer en partie l’énergie thermique des
gaz de la tuyère et d’assurer le maintien du renfort.
Parution : juillet 2002

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MATÉRIAUX COMPOSITES PHÉNOLIQUES ABLATIFS __________________________________________________________________________________________

1. Description disulfure de carbone) de manière à la transformer en viscose. Cette


viscose subit également un « mûrissement » qui consiste en un
ensemble de réactions qui modifient la distribution et la forme chi-
mique du soufre dans la solution et qui la rend apte au filage, c’est-
La réalisation de tuyères de propulseurs à poudre nécessite l’uti- à-dire qu’elle va être transformée en fil par étirage au travers d’une
lisation de deux types de matériaux : filière qui va comporter 490, 720, 1 000 ou 2 000 trous de 12 µm à
— un matériau conducteur de la chaleur au contact des gaz de 17 µm de diamètre [2].
poudre, permettant de transférer une partie de l’énergie thermique,
Ces fibres de rayonne sont transformées en fibres de carbone par
tout en conservant une bonne tenue mécanique ;
traitement thermique en continu ou discontinu dans des conditions
— un matériau isolant thermique derrière le matériau conducteur
spécifiques (atmosphère, vitesse et tension de défilement, etc.) à
absorbant l’énergie thermique transférée et protégeant ainsi les par-
des températures variables comprises entre 1 000 et 2 500 ˚C.
ties structurales froides de la tuyère.
Des études [1] ont montré qu’il était possible d’utiliser dans les La rayonne grade aérospatial a la particularité de conduire à des
deux cas des matériaux ablatifs, c’est-à-dire des matériaux se fibres de carbone de section crênelée ayant les propriétés décrites
consommant sous l’action conjuguée d’un flux gazeux très dans le tableau 1.
chaud et de l’érosion mécanique. En effet, l’énergie nécessaire (0)
pour échauffer puis pour pyrolyser le matériau, ajoutée à l’énergie
de réaction avec les gaz de tuyère à la paroi, permet d’évacuer une
partie importante de l’énergie thermique. Encore faut-il que le Tableau 1 – Caractéristiques typiques des fibres de carbone
résidu de ces réactions soit suffisamment important et suffisam- à précurseur rayonne
ment solide pour que l’intégrité de la tuyère soit assurée jusqu’à la
fin du tir du propulseur. Densité 1,45 à 1,50
Ce sont ces considérations qui ont conduit à l’utilisation de maté- Résistance en traction ..........................(MPa) 700
riaux composites constitués d’un renfort réfractaire et d’une matrice
Module en traction................................(GPa) 42
ablative.
Taux de carbone.......................(% en masse) 96 à 99,9
■ Le choix du renfort dépend de la conductivité thermique
recherchée : Taux de cendres........................(% en masse) 0,01 à 0,3
— pour un matériau, au contact des gaz et qui doit être conduc- Surface spécifique ...............................(m2/g) 3à6
teur, on utilise une fibre de carbone plus ou moins graphitée ;
— pour un matériau isolant, on utilise une fibre de silice. Conductivité thermique ......... (W · m−1 · K−1) 3,7 à 4

■ La matrice se doit de posséder un taux de carbone aussi élevé


que possible, de façon à lier les fibres du renfort lors de la pyrolyse
avec du coke solide. C’est pour cette raison qu’une résine phénoli- Une autre particularité des fibres de carbone à précurseur
que est en général recommandée. rayonne, est leur faible conductivité thermique (λ < 4 W · m−1 · K−1),
comparée à celle des fibres de carbone à précurseur polyacryloni-
trile (10 à 20 W · m−1 · K−1) et à celle des fibres de carbone à précur-
seur brai (20 à 120 W · m−1 · K−1).
2. Constituants Jusqu’en 1996, le seul producteur mondial de fibres de rayonne
grade aérospatial (North American Rayon Corporation : NARC) se
des matériaux trouvait aux États-Unis, mais pour des raisons à la fois économiques
et liées à des contraintes environnementales de plus en plus sévè-
res, la production de cette fibre particulière a été délocalisée au
Mexique chez Grupocydsa.
2.1 Renfort Afin de régler le problème de pérennité de cette fibre, il a été
décidé en 1996 par SEP, devenue depuis Snecma Propulsion solide,
en mars 2002, de développer et qualifier un nouveau procédé per-
Le renfort est constitué de fibres pouvant se présenter sous plu-
mettant de transformer la rayonne de grande consommation, utili-
sieurs formes ou architectures fibreuses appelées textures.
sée notamment comme renfort des pneus, en fibres de carbone
répondant aux spécifications. Cette rayonne de grade industriel a
l’avantage d’être proposée par plusieurs fournisseurs, notamment
2.1.1 Fibres en Europe, comme Acordis et Glanzstoff qui produisent respective-
ment 40 000 et 11 000 t/an [3].
■ Les fibres de carbone utilisées pour ces matériaux composites
sont généralement différentes des fibres de carbone obtenues par ■ Dans certains cas, la conductivité de cette fibre de carbone à pré-
pyrolyse sous tension et sous atmosphère contrôlée à des tempéra- curseur rayonne est encore trop élevée, d’où la nécessité de faire
tures supérieures à 1 200 ˚C de fibres de polyacrylonitrile préoxy- appel à des fibres de silice obtenues soit par filage de silice pure fon-
dées à 250 ˚C (fibres ex-PAN) (cf. article Fibres de carbone [A 2 210] due, soit par traitement chimique de fibres de verre (fibres qualifiées
dans ce traité). Ces dernières sont celles produites par dizaines de alors communément de verre lavé) (cf. article Fibres de verre de ren-
milliers de tonnes pour les composites de grande diffusion et pour forcement [A 2 110] dans ce traité).
les composites carbone/carbone.
● Les matériaux composites phénoliques ablatifs sont constitués
le plus souvent de fibres de carbone à précurseur rayonne grade 2.1.2 Textures fibreuses
aérospatial.
Nota : Le lecteur consultera utilement l’article Fibres, fils et tissus textiles [A 3 980] dans
La matière de base de la fibre de rayonne est la pulpe de bois ce traité.
contenant la cellulose, à laquelle on fait subir différents traitements
chimiques (macération dans une solution de soude qui conduit à la ■ Le choix de la texture fibreuse dépend des caractéristiques méca-
formation d’un cellulosate de sodium, pressage, malaxage, vieillis- niques recherchées. Lorsque celles-ci ne sont pas trop élevées, on
sement sous air, puis réaction entre le cellulosate de sodium et le utilise des fibres courtes (de quelques centaines de microns à quel-

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72
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N4803

Matériaux composites à matrice


céramique et à renfort par fibres
longues

par Gérald CAMUS


Chercheur CNRS, Laboratoire des composites thermostructuraux (LCTS), Pessac, France
Christophe LORRETTE
Ingénieur-chercheur, CEA, directeur de l’énergie nucléaire, Saclay, France
René PAILLER
Ingénieur de recherche CNRS, LCTS, Pessac, France
Francis REBILLAT
Professeur université de Bordeaux, LCTS, Pessac, France
Bernard REIGNIER
Ingénieur de recherche Herakles groupe SAFRAN, LCTS, Pessac, France
et Francis TEYSSANDIER
Chercheur CNRS, LCTS, Pessac, France

1. Présentation des composites céramiques à fibres longues ..... N 4 803v2 - 3


1.1 Fibres : nature et méthodes de fabrication............................................. — 3
1.2 Armures ..................................................................................................... — 5
1.3 Matrice : nature et méthodes de fabrication .......................................... — 5
1.4 Interphases fibre/matrice ......................................................................... — 7
2. Comportement des CMC..................................................................... — 8
2.1 Mécanique ................................................................................................. — 8
2.2 Oxydation .................................................................................................. — 14
2.3 Thermique ................................................................................................. — 15
2.4 Irradiation neutronique ............................................................................ — 19
3. Protections contre les dégradations en conditions d’usage .... — 20
3.1 Inhibiteurs d’oxydation ............................................................................ — 20
3.2 Revêtements externes .............................................................................. — 21
4. Applications............................................................................................ — 21
4.1 Nucléaire.................................................................................................... — 21
4.2 Aéronautique et spatial ............................................................................ — 23
5. Conclusion .............................................................................................. — 23
Pour en savoir plus ......................................................................................... Doc. N 4 803v2

es matériaux céramiques sont durs mais fragiles. De très nombreux


L travaux ont été consacrés à l’amélioration de la ténacité des céramiques
notamment en dispersant dans la céramique des particules ou des fibres
courtes afin de dévier les fissures ou de les fractionner. Il est également pos-
sible de réaliser des matériaux céramiques tenaces en fabriquant des
matériaux composites à matrice céramique (CMC) et à fibres longues. Le
renfort constitué par ces fibres assure les propriétés mécaniques du matériau
et la matrice céramique les protège de l’environnement. Les différents CMC
Parution : août 2016

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sont désignés sous la forme de deux intitulés séparés par une barre oblique
(C/C, C/SiC, SiC/SiC...) le premier désignant le matériau de la fibre/le second
celui de la matrice. Lorsque la matrice comporte des phases supplémentaires,
c’est le composant principal de la matrice qui est mentionné.
Ces composites, qui sont utilisés majoritairement dans des applications en
conditions extrêmes, sont dits « thermostructuraux », c’est-à-dire qu’ils
peuvent être utilisés à haute température comme matériau de structure et
doivent donc conserver leurs propriétés mécaniques en conditions de fonction-
nement. Leurs domaines d’application sont actuellement essentiellement
l’aéronautique, l’espace et le nucléaire. Suivant les applications, ils sont
soumis à des températures de fonctionnement allant de 400 à plus de 2 000 oC
dans des atmosphères oxydantes (air, gaz de combustion de réacteur...). Ils
peuvent subir des contraintes allant de simples vibrations à des contraintes
multiaxiales. Enfin, dans le domaine du nucléaire, ils peuvent être soumis à
des irradiations. Les fibres qui sont essentiellement des fibres de carbone, de
carbure de silicium ou d’oxydes (alumine, basalte, mullite) supportent l’essen-
tiel de la charge appliquée. Ainsi, elles doivent avoir une résistance à la rupture
et un module élastique les plus élevés possibles, associés à une bonne résis-
tance à la fatigue et une faible densité (pour les applications aéronautiques et
spatiales). Selon le type d’utilisation, elles doivent également présenter une
bonne résistance à l’oxydation, au fluage et à la fissuration sous critique (pro-
pagation d’une fissure, le plus souvent par corrosion, pour des facteurs
d’intensité de contraintes appliquées inférieures aux contraintes macroscopi-
ques qui déclenchent l’endommagement), une conductivité thermique élevée
et être compatibles avec l’interphase ou la matrice, lors de l’élaboration ou de
l’utilisation. Elles peuvent être tissées, tressées ou assemblées sous forme de
produits semi-finis (feutres, nappes unidirectionnelles...), ce qui constitue une
préforme de la pièce finale. Cette préforme est densifiée par une matrice en
céramique qui rend la pièce dense et protège les fibres contre les agressions
de l’environnement. Contrairement aux composites habituels (composites à
matrice organique ou métallique CMO ou CMM), dans les CMC le module
d’élasticité de la matrice est supérieur ou égal à celui de la fibre et la déforma-
tion à rupture de la matrice est inférieure à la déformation à rupture de la fibre.
Les matériaux céramiques sont cependant fragiles et un troisième
composant est introduit dans ces composites afin de les « défragiliser ». Il
s’agit d’une interphase aisément clivable de faible épaisseur, comprise entre la
fibre et la matrice. Le rôle et la conception de cette interphase seront détaillés
plus loin dans l’article. Mentionnons seulement dans cette introduction qu’elle
doit conférer une liaison fibre/matrice suffisamment élevée pour transférer cor-
rectement vers le renfort fibreux la charge appliquée à la pièce, mais
suffisamment faible pour empêcher les fissures générées dans la matrice de se
propager au renfort et de rompre les fibres. Elle joue donc le rôle de « fusible »
mécanique, mais peut, suivant la nature de ces phases, également jouer le rôle
de protection des fibres contre l’oxydation. Cette interphase confère au
composite son caractère tenace et « endommageable » qui prévient sa rupture
catastrophique. L’objet de cet article est de présenter ces matériaux dont les
applications sont encore réservées à des utilisations très spécifiques. Il s’agit
en particulier de présenter l’état de l’art de leur élaboration et de la
compréhension de leur comportement mécanique, thermique et sous oxyda-
tion. Quelques exemples d’application seront présentés en dernière section de
cet article.

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1. Présentation des La mise en œuvre de ces différentes fibres comporte :


– une étape de filage qui peut être réalisée par voie liquide ou
composites céramiques par voie sèche selon le précurseur choisi ;

à fibres longues – une étape de stabilisation (en général une déshydrogéna-


tion-oxydation à l’air vers 200 à 300 oC) destinée à rendre le pré-
curseur infusible ;
Les CMC sont présentés en détaillant successivement leurs – une étape de pyrolyse à moyenne température (900 à 1 100 oC)
différents composants : les fibres et leur mise en forme (armure), sous atmosphère inerte pour éliminer l’essentiel des espèces vola-
la matrice et les interphases. tiles. À ce stade, la fibre est mal organisée, plus ou moins poreuse
et peut, suivant le type de précurseur utilisé, être « graphitable ».
Son module élastique et sa densité sont faibles : respectivement
1.1 Fibres : nature et méthodes de 50 à 220 GPa et de 1,4 à 1,8 ;
de fabrication – une étape éventuelle de graphitisation, selon le caractère
« graphitable » de la fibre. Elle est obtenue à la suite de l’étape
Toutes les fibres utilisées dans les CMC appartiennent à la précédente à très haute température (jusqu’à 3 000 oC), sous
famille des fibres inorganiques minérales. Au sein de cette famille, atmosphère inerte et dans certains cas sous tension afin de favori-
on peut distinguer trois types principaux de fibres : ser la transformation du coke en graphite et d’aligner les plans
– les fibres de carbone ; graphitiques parallèlement à l’axe de la fibre. Ce traitement induit
une augmentation notable du module élastique et de la densité. En
– les fibres en carbure de silicium ; revanche, la contrainte à rupture qui est maximale autour de
– les fibres oxydes, principalement, alumine, basalte et mullite. 1 500 oC décroît au-delà de cette température.
Le choix des fibres constituant la préforme est dicté par diverses
Les fibres sont constituées d’empilements de plans graphitiques
considérations telles que la tenue en température, le module
dont la taille, les désorientations entre plans, la distance interplans
élastique, le coefficient de dilatation, la résistance à l’oxydation et
(d002) et l’orientation par rapport à l’axe de la fibre sont les princi-
au fluage, mais également le coût. Les conditions d’élaboration et
paux paramètres responsables de leurs propriétés. Ainsi, elles
les propriétés des fibres céramiques utilisées pour réaliser les pré-
peuvent avoir des modules élastiques de quelques dizaines de GPa
formes fibreuses de matériaux composites à matrice céramique
à plus de 1 000 GPa, des contraintes à rupture d’un millier de MPa
sont décrites par famille de fibres dans les paragraphes suivants.
à une dizaine de milliers de MPa et des conductivités thermiques
de quelques unités à plusieurs centaines de W · m–1 · K–1
1.1.1 Fibres de carbone (§ 2.3.2.1).

Les fibres de carbone représentent l’essentiel des fibres utilisées


pour renforcer des composites à matrice céramique. Cela est dû,
d’une part, à leur coût modéré associé à une densité faible, mais
1.1.2 Fibres à base de carbure de silicium
aussi à des propriétés mécaniques et thermiques modulables dans
de larges proportions. La variété de ces propriétés résulte de la Elles ont été inventées dans les années 1970 simultanément par
diversité des précurseurs qui peuvent les générer, ainsi que des des chercheurs allemands [1] et des chercheurs japonais [2].
traitements thermiques et mécaniques que la fibre subit (figure 1). Seules les recherches japonaises ont abouti à une commercia-
lisation sous la marque Nicalon (Nippon Carbon).
Les fibres de carbone sont élaborées majoritairement par pyro-
lyse d’un précurseur organique qui est filé puis réticulé afin de sta- Les améliorations de ces fibres correspondent à trois généra-
biliser la géométrie cylindrique des fibres. Trois types principaux tions successives :
de précurseur sont utilisés pour obtenir des fibres de carbone : la – les fibres de première génération sont composées d’une phase
rayonne (cellulose reconstituée), le polyacrylonitrile (PAN) et les amorphe Si-C-O au sein de laquelle sont présents des nanograins
brais de houille, de pétrole ou synthétiques. de SiC ;
– les fibres de deuxième génération se distinguent des
premières par un faible taux d’oxygène et sont essentiellement
constituées de nanograins de SiC et de carbone graphitique ;
700 – les fibres de troisième génération ont une composition proche
Fibres très haut de celle du carbure de silicium pur.
600
module Globalement leur module élastique et leur stabilité thermique
augmentent quand leur teneur en oxygène diminue (tableau 1).
Module de Young (GPa)

500
%

Fibres Ces fibres sont préparées selon un processus s’apparentant à


ε = 0,2

400 haut module celui mis en œuvre pour les fibres de carbone :
Fibres très haute
résistance – filage aux alentours de 300 oC d’un précurseur organosilicié à
300 Fibres
l’état fondu, afin d’obtenir une fibre de l’ordre de 20 à 30 µm de
haute
résistance
diamètre après étirage ;
200
2% – stabilisation de cette fibre organique par réticulation en tempé-
ε= rature sous air (formation de ponts Si-O-Si) ou par bombardement
100 Fibres bas
électronique sous atmosphère neutre (formation de ponts Si-C-Si)
module
rendant le précurseur infusible ;
0
– pyrolyse sous vide ou sous argon à une température qui
0 1 000 2 000 3 000 4 000 5 000 6 000
dépend du taux d’oxygène engagé dans la fibre organique
Contrainte à rupture (MPa)
réticulée.
Les fibres Nicalon, Hi-Nicalon et Hi-Nicalon S commercialisées
Figure 1 – Classement des diverses fibres de carbone : les droites
qui limitent le domaine de ces fibres correspondent par Nippon Carbon sont obtenues à partir du même précurseur : le
aux déformations à rupture minimales (0,2 %) et maximales (2 %) polycarbosilane.

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Tableau 1 – Caractéristiques des principales fibres utilisées dans les CMC


Composition Diamètre Contrainte à rupture Module élastique
Producteur de fibre Densité
massique (µm) (MPa) (GPa)
Toray Industries 90 %C, 9 %N,
7 1,76 3 530 230
Torayca T300 1 %H
Toray Industries
99 %C 5 1,94 3 920 588
Torayca M60J
Nippon Graphite
– 10 1,65 1 250 50
Fiber Co XN05
Nippon Carbon 56 %Si, 13 %O,
15 2,55 3 000 200
Nicalon NL 202 29 %C
Nippon Carbon 63 %Si, 0,8 %O,
14 2,74 2 800 270
Hi-Nicalon 37 %C
Ube Industrie
49 %Si, 51 %C 8 3,1 2 700 387
Tyranno SA3
COI Ceramics 96 %SiC, 3 %TiB2 ,
10 > 2,95 > 2 700 > 310
Sylramic 1 %B4C, 0,3 %O
3M 89 %Al2O3 ,
11,2 3,9 2 300 370
Nextel 650 10 %ZrO2 , 1 %Y2O3
3M 85 %Al2O3 ,
12,5 3,4 2 100 260
Nextel 720 15 %SiO2

De légères modifications du précurseur, par apport de titane, de au fluage nettement améliorée par des traitements thermiques
zirconium, d’aluminium ou de bore dans le précurseur de départ, sous différentes atmosphères.
ont conduit aux fibres Tyranno commercialisées par UBE
Industries. De même que pour les fibres Nicalon, ces fibres ont
évolué suivant trois générations avec des taux d’oxygène variables 1.1.3 Fibres oxydes à haute teneur en alumine
(~ 10 at% dans génération 1, < 2 at% dans génération 2, négli-
geable dans génération 3) : L’emploi de ces fibres en tant que renfort dans les composites à
– première génération : Tyranno M, E..., ZMI ; matrice céramique a été longtemps limité en raison de leur faible
– deuxième génération : Tyranno ZE ; stabilité en température, leur faible tenue au fluage et leur
– troisième génération : Tyranno SA1-3. sensibilité aux impuretés qui génèrent une cristallisation locale
responsable de la chute de leurs caractéristiques mécaniques,
En parallèle, Dow Corning puis COI Ceramics ont produit la fibre même à assez basse température.
Sylramic à partir d’une fibre de type Tyranno en introduisant en
lieu et place de l’aluminium présent dans la fibre Tyranno SA3 une Elles sont obtenues à partir d’un précurseur constitué le plus
certaine quantité de bore. souvent d’une solution aqueuse, d’un sel basique d’aluminium
associé à des particules d’alumine submicroniques et/ou à un
Pour les fibres comportant des éléments de frittage tels que le
polymère organique de masse moléculaire élevée permettant
bore ou l’aluminium, le traitement à haute température conduit à
d’ajuster la viscosité du mélange à une valeur (~ 1 000 poises à
la carboréduction des phases métastables et au frittage des grains
30 oC) compatible avec une opération de filage. La fibre crue obte-
de SiC avec des phases résiduelles incluant ces ajouts [3] [4].
nue est traitée en température sous air pour donner une fibre en
La résistance à rupture des fibres de première génération chute corindon ou un mélange de phases dont les compositions
rapidement dès que la température de traitement dépasse dépendent de la nature et de la quantité des ajouts (SiO2 , B2O3)
1 200 oC, alors que les autres fibres conservent une part élevée de (tableau 1). Dû à leur mode d’élaboration, ces fibres ont un coût
leur résistance initiale jusqu’à 1 400 à 1 500 oC (Hi-Nicalon, moindre que les fibres à base de carbure de silicium ; cependant
Hi-Nicalon type S), voire jusqu’à 1 800 à 2 000 oC pour la Tyranno leur densité plus élevée limite un peu cet avantage pour des appli-
SA3. Ces comportements très différents dépendent essentiel- cations aéronautiques et spatiales.
lement du taux d’oxygène contenu dans les fibres, mais aussi de la
température finale d’élaboration. En effet, l’oxygène engagé sous La plupart des fibres oxydes polycristallines présentent un dia-
forme d’oxycarbure instable est évacué par la formation d’espèces mètre moyen d’une dizaine de micromètres, une densité de l’ordre
gazeuses CO et SiO dès 1 100 à 1 200 oC, ce qui a pour de 3 à 3,9 et un module élastique variant de 200 à 390 GPa lorsque
conséquence la formation de défauts de taille d’autant plus grande l’on passe d’une fibre riche en silice à une fibre d’alumine pure.
que le taux d’oxygène et la température de traitement à l’issue du Les fibres de dernière génération (Nextel 650 et 720
traitement sont élevés. Les paramètres permettant de faire varier commercialisées par 3M) présentent toutes des contraintes à rup-
le taux d’oxygène sont la teneur en oxygène de l’atmosphère ture de l’ordre de 2 000 à 3 000 MPa et conservent ces propriétés
utilisée pour l’oxydation ménagée, la température et la durée de jusqu’à 1 000 à 1 100 oC. Cependant, ces fibres ont des caractéris-
traitement. tiques mécaniques et en particulier de résistance au fluage qui
Leur résistance au fluage est d’autant plus élevée que le taux chutent énormément au-delà de 1 100 à 1 200 oC, ce qui en limite
d’oxygène est faible (fluage des zones amorphes), que la taille des fortement l’emploi à haute température. Ces fibres étant des
grains de SiC est élevée et que la quantité de phases secondaires oxydes, elles sont potentiellement intéressantes pour des applica-
est faible. C’est ainsi que les fibres Sylramic, en particulier la tions à moyenne température sous air ou à haute température,
Sylramic iBN ou les super Sylramic iBN et iC, ont une résistance mais sous faible contrainte.

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1.2 Armures 1.3.1 Dépôt chimique à partir d’une phase


gazeuse
Une armure est le mode d’entrecroisement des fils de chaîne et
des fils de trame dans le tissage des textiles. Avant d’être utilisées Le dépôt chimique à partir d’une phase vapeur (DCPV) ou CVD
au sein d’un composite, les fibres longues sont assemblées le plus (Chemical Vapor Deposition ) est un processus physico-chimique
souvent sous forme de fils comportant de quelques centaines à par lequel une phase solide se forme au contact d’un substrat
plusieurs milliers de filaments unitaires revêtus d’une matrice porté à haute température par réaction chimique à partir d’une ou
organique fugitive, nommée « ensimage » (agent de liaison assu- plusieurs espèces gazeuses. L’infiltration chimique à partir d’une
rant la cohésion des filaments entre eux et évitant la formation de phase vapeur (ICPV) ou CVI (Chemical Vapor Infiltration ) est une
charges électrostatiques). Le fil peut également être guipé (enrou- variante du procédé CVD. Elle permet de densifier un substrat
lement hélicoïdal autour du fil en céramique par un fil de nature poreux, ou une préforme dans le cas des CMC, par la croissance in
différente généralement en PVA) pour le protéger essentiellement situ d’un solide issu des précurseurs gazeux, par réaction chimique
contre l’abrasion et rendre plus aisées les manipulations de hétérogène. L’objectif du procédé est de remplir au maximum la
tissage, bobinage, drapage. porosité de la préforme : les pores intrafils (entre les filaments
constituant le fil), ainsi que les pores interfils, en limitant au maxi-
Ces fils peuvent être assemblés sous forme :
mum les gradients de dépôt entre le cœur et la surface du
– de semi-produits : feutres, nappes unidirectionnelles, rubans, composite. Le taux de porosité résiduel est de l’ordre de 15 à 20 %.
tresses, tissus 2D (satin, taffetas, sergé, toile…) ; Pour cela, il convient de favoriser le dépôt au cœur de la préforme
– de préformes 2D, 3D, 4D : les textures 4D (renfort orienté sui- aux dépens de celui de surface, afin de retarder la fermeture pré-
vant les diagonales d’un cube) sont obtenues par le position- maturée des pores de surface qui alimentent en espèces gazeuses
nement dans un gabarit de baguettes de fibres de carbone l’intérieur de la préforme. À cette fin, la réactivité de la phase
extrudées. D’un coût très élevé, elles ne sont utilisées que pour gazeuse est diminuée en réduisant la température et la pression
des applications très particulières. totale.
Pour conférer à ces assemblages la forme finale de la pièce, À titre d’exemple, le carbure de silicium peut être élaboré à par-
l’ensemble est maintenu par divers outils qui permettent, par ser- tir d’une phase gazeuse constituée de tétraméthylsilane (TMS) ou
rage plus ou moins fort, de contrôler la fraction volumique de de méthyltrichlorosilane (MTS) + dihydrogène. Le silicium et le car-
fibres dans le composite final et donc la porosité initiale. L’impré- bone peuvent également, dans ce cas, être apportés séparément
gnation de cet assemblage par des résines organiques ou organo- sous la forme d’un vecteur gazeux de silicium (SiH4 ou SiCl4) et de
métalliques produit, après une première pyrolyse, une préforme carbone (hydrocarbure).
mécaniquement manipulable et usinable, permettant de retirer les
outils. Une autre manière de consolider la préforme est de l’infil-
trer à partir d’une phase gazeuse (CVI voir ci-dessous) lors d’une 1.3.1.1 CVI isotherme-isobare (ICVI)
première étape de densification pendant laquelle elle est mainte-
Dans ce procédé, le réacteur le plus souvent à parois chaudes
nue dans des outils spécifiques.
(figure 2) fonctionne à température et à pression totale fixées. La
Les techniques d’enroulement filamentaire propres aux densification conduit, selon le type de préforme, à une porosité
composites organiques ont également été appliquées aux CMC en résiduelle de l’ordre de 10 à 15 % et à un léger gradient de densité
utilisant des fils ou des rubans afin d’obtenir des préformes entre le cœur et la surface du composite, la densité maximale
fibreuses permettant de fabriquer des pièces variées présentant étant obtenue en surface. Dans le procédé industriel, il est parfois
une symétrie de révolution : tubes, réservoirs, cylindres, cônes... nécessaire d’arrêter la densification et de procéder à l’usinage des
La cohésion interstrate, qui est très faible dans les composites pièces afin de rouvrir l’accès des pores aux espèces réactives
issus de simples empilements de strates ou de tissus, a été accrue avant une nouvelle étape d’infiltration. Les matrices de carbone ou
par l’emploi d’une méthode d’aiguilletage. Elle consiste à lier entre de carbure de silicium sont obtenues industriellement par ce
elles les couches de fibres (rubans, nappes, tissus) en transférant, procédé.
dans la direction perpendiculaire aux strates, des fibres d’une
couche supérieure vers les couches inférieures. Ce transfert est
obtenu grâce à une aiguille munie d’un petit harpon. L’étape
d’aiguilletage est répétée à chaque couche, ce qui confère une
excellente homogénéité à la préforme. Cette technique a été déve-
loppée sur des nappes ou des tissus de fibres de polyacrylonitrile Mélangeur
préoxydées, puis transférée sur des tissus de fibres de carbone.
Cette technique fournit une préforme manipulable sans utilisation
de liant organique ou de consolidation CVI.
Une autre façon d’obtenir des préformes manipulables est de
réaliser des textures 3D par des métiers à tisser tridimensionnels
ou des machines à tricoter. Suscepteur

Bobine inductrice
1.3 Matrice : nature et méthodes
de fabrication
Débitmètres massiques
La matrice en céramique peut être constituée d’une seule phase
homogène ou inclure différentes phases afin de lui conférer des
Sonde de pression
propriétés spécifiques. C’est en particulier le cas des matrices
autocicatrisantes (§ 2.2.2) qui incluent des composés du bore. Le
procédé historique d’élaboration de la matrice est l’infiltration par
voie gazeuse. Les phases ainsi déposées sont d’excellentes quali-
tés et présentent les meilleures propriétés, cependant le procédé Figure 2 – Exemple de réacteur d’ICVI pour la réalisation
de composites à matrice SiC ou pyrocarbone
est long et coûteux et plusieurs autres voies d’élaboration sont (chauffage de la pièce par rayonnement d’un tube suscepteur
actuellement mises en œuvre. en carbone lui-même chauffé par induction électromagnétique)

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L’ICVI est une technique versatile de mise en œuvre relativement


simple. La longue durée du processus d’infiltration est compensée
par la possibilité de mettre une très grande quantité de pièces de
tailles et/ou de formes variées au sein d’un même réacteur. Grâce
à la modification de la composition des gaz au sein du réacteur, il
est possible de faire varier la composition chimique du dépôt au
cours du temps. Il est également possible de réaliser de manière
Serpentin de condensation
successive au sein du même réacteur le dépôt d’une interphase
puis d’une matrice et d’un revêtement de surface protecteur.
Des variantes de ce procédé ont été développées afin de limiter
la durée d’infiltration et les gradients de densité et également
d’accroître le rendement des réactions.

1.3.1.2 CVI forcée (FCVI)


Dans la technique de FCVI, un gradient de pression est imposé
dans l’épaisseur de la préforme à densifier, ce qui favorise le
transport par convection forcée, alors qu’en CVI le transport des Pièce
espèces réactives se fait majoritairement par diffusion de Knudsen à Bobine inductrice
dans les pores de faible dimension. Les vitesses de densification densifier
sont alors fortement augmentées : la durée de densification qui est
de plusieurs centaines d’heures pour la CVI est dans ce cas réduite
à quelques dizaines d’heures. Cependant, l’appauvrissement de la
phase gazeuse en précurseurs lors de la traversée de la préforme Précurseur liquide
peut conduire à la formation d’un gradient de densité, voire dans
certains cas de composition. Une variante de ce procédé consiste
alors à combiner le gradient de pression avec un gradient de Figure 3 – Schéma d’un dispositif de caléfaction rapide
température : une température modérée est appliquée sur la face
d’entrée des gaz, afin de compenser la forte concentration en
précurseur liquide qui est porté à ébullition à son contact. La
espèces réactives, et une température élevée est maintenue sur la
vapeur ainsi générée pénètre au sein de la préforme et fait croître
face où se produit l’extraction des gaz, pour compenser l’appau-
un solide par réactions chimiques hétérogènes. Les vapeurs qui
vrissement de la phase gazeuse. La technique de FCVI permet de
n’ont pas réagi sont condensées sur un circuit de refroidissement
diminuer les durées d’infiltration par rapport à l’ICVI et présente un
disposé dans la partie supérieure du réacteur (figure 3). Les
taux de conversion élevé. En revanche, le procédé n’est applicable
vitesses élevées obtenues (1 000 fois supérieures à celles de la CVI
qu’à une seule pièce à la fois, celle-ci devant être de forme simple
conventionnelle) s’expliquent par des flux élevés de précurseurs
(disques, tubes...).
dus à la pression atmosphérique utilisée, de forts phénomènes de
convection induits par la caléfaction et une température plus éle-
1.3.1.3 CVI pulsée en pression (PPCVI) vée au centre de la préforme que sur sa partie externe. On opti-
Ce procédé, fondé sur le remplacement périodique et en totalité mise de cette façon la croissance de la matrice du centre vers
de la phase gazeuse dans le réacteur, a été développé dans les l’extérieur de la préforme.
années 1970 afin d’accroître la vitesse de densification. Il n’a En revanche, le procédé n’est utilisable que sur une pièce à la
cependant pas permis d’obtenir une accélération substantielle de fois ou éventuellement sur des empilements de pièces similaires
la densification. Il permet également de modifier la nature des possédant un axe de symétrie.
dépôts obtenus successivement et d’obtenir des couches dont
l’épaisseur peut être de l’ordre de quelques nanomètres. Cette Ce procédé, qui a été développé pour réaliser des matrices de
faculté a été exploitée afin d’obtenir des interphases nanoséquen- carbone, est transposable à la formation de matrices céramiques.
cées de pyrocarbone (PyC)/SiC ou BN/SiC. Le fait de pouvoir
contrôler le temps de résidence des espèces au sein du réacteur, 1.3.2 Imprégnation par voie liquide : imprégnation
ainsi que les concentrations, permet de contrôler la microstructure par un métal en fusion, par un polymère,
des dépôts et notamment la rugosité des interphases. autres...
1.3.1.4 CVI à gradient thermique Trois voies liquides peuvent être distinguées :
Afin d’améliorer le manque de flexibilité de la FCVI, un procédé – la mise en œuvre d’un précurseur polymérique de céramique ;
impliquant uniquement un gradient thermique au sein de la pièce – la mise en œuvre d’un métal ou d’un métalloïde pur ou sous
à densifier a été développé. Il est obtenu par l’utilisation d’un forme d’alliage liquide ;
chauffage par induction qui crée un gradient thermique entre le – la mise en œuvre de la solidification dirigée d’un liquide de
centre de la préforme et l’extérieur de celle-ci, et conduit à une composition proche de celle d’un eutectique.
densification des pièces en quelques dizaines d’heures. Cette
vitesse élevée de densification (10 fois plus rapide que la CVI) 1.3.2.1 Imprégnation par un polymère puis pyrolyse
résulte principalement de l’obtention de températures élevées au (Polymer Infiltration and Pyrolysis PIP )
centre de la préforme (1 200 oC). Cette technique permet à la fois
d’obtenir une très bonne homogénéité en densité et de contrôler la Cette voie s’apparente aux techniques mises en œuvre dans les
microstructure. composites à matrice organique (CMO). Les précurseurs utilisés
sont des brais ou des résines organiques ou organométalliques. La
technique consiste à imprégner la préforme désirée (3D, empi-
1.3.1.5 Méthode de caléfaction rapide
lement de strates 1D ou de tissus) par un précurseur polymérique à
La technique de caléfaction rapide a été également développée l’état fondu ou en solution dans un solvant. La préforme imprégnée
pour augmenter la vitesse de dépôt dans le processus d’infiltration est ensuite chauffée afin de réaliser la réticulation du précurseur
par voie gazeuse [5] [6]. Dans ce procédé, la préforme est chauffée (température pouvant atteindre 400 oC sous vide ou sous pression)
par couplage inductif radiofréquence et immergée au sein d’un et/ou l’élimination du solvant. Le précurseur est enfin pyrolysé afin

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Dépôts composites par électrolyse


Modélisation
par Patrice BERÇOT
Ingénieur de l’École nationale supérieure de mécanique et des microtechniques de
Besançon (ENSMM)
Maître de conférences à l’ENSMM Besançon
Laboratoire de Chimie des matériaux et des interfaces (LCMI) – Pôle corrosion, traitements
de surface et systèmes électrochimiques – Université de Franche-Comté

1. Intérêt et développement de la codéposition électrolytique ...... M 1622 - 2


2. Codéposition électrolytique métal-particules ................................. — 4
3. Mécanismes et modèles de la codéposition électrolytique ......... — 6
3.1 Premiers modèles........................................................................................ — 6
3.2 Modèle de Guglielmi ................................................................................... — 7
3.3 Modèle de Buelens, Celis et Roos .............................................................. — 8
3.4 Modèles récents........................................................................................... — 11
4. Conclusion et remarques....................................................................... — 12
Notations et symboles .................................................................................... — 13
Bibliographie ...................................................................................................... — 14
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. M 1 624

orsque les matériaux monolithiques ne répondent pas aux fonctions requi-


L ses, des matériaux à plusieurs constituants, dits matériaux composites,
peuvent être conçus et mis en œuvre. La combinaison au sein de ces multimaté-
riaux de propriétés de même nature ou/et le couplage de propriétés très différen-
tes permettent d’accéder à des niveaux élevés de performance et de grandes
complexités de comportement.
Des applications sont envisageables dans tous les domaines où l’analyse fonc-
tionnelle des systèmes fait apparaître un grand nombre de fonctions qu’un seul
matériau monolithique ne peut remplir seul. C’est le cas par exemple pour des
applications structurales exigeant un matériau à la fois léger, tenace et réfrac-
taire ou à la fois excellent conducteur thermique, ductile et présentant un faible
Parution : juin 2003 - Dernière validation : octobre 2018

coefficient de dilatation.
L’évolution de ces matériaux composites était initialement liée au développe-
ment des industries aéronautiques et aérospatiales où ils sont très appréciés
comme matériaux de structure pour le gain de masse qu’ils procurent par rap-
port aux matériaux métalliques classiques. Les matériaux composites peuvent
également présenter d’excellentes caractéristiques thermomécaniques en
ambiances érosive et corrosive. Ils nécessitent cependant une technologie et un
savoir-faire particuliers. Ainsi, de nouvelles techniques sont donc continuelle-
ment développées et doivent être diffusées dans l’industrie.
Les nombreux matériaux composites diffèrent les uns des autres selon les
caractéristiques suivantes :
— la morphologie des constituants élémentaires : trichites (fibres discontinues
monocristallines), fibres, lamelles, filaments, particules, etc. ;
— leur nature respective : organique, métallique, verre, céramique... ;

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DÉPÔTS COMPOSITES PAR ÉLECTROLYSE ___________________________________________________________________________________________________

— la disposition relative des constituants élémentaires (alignés, croisés, tis-


sés...), pouvant conduire à une hétérogénéité du matériau avec des propriétés
anisotropes ;
— la nature des propriétés globales recherchées (mécaniques, magnétiques,
optiques, physico-chimiques, etc.).
Par définition, un matériau composite est un solide polyphasé dans lequel
deux ou plusieurs constituants sont associés en vue de lui conférer, à l’échelle
macroscopique et au moins dans certaines directions, un ensemble original de
propriétés que les constituants pris isolément ne permettent pas d’atteindre [1].
Nous retiendrons qu’un matériau composite est l’association d’un renfort
(constituant élémentaire) et d’un liant (matrice) qui assure la cohésion et la
forme géométrique.
Les propriétés des principales matrices de matériaux composites figurent sur
le tableau A.
Cet article s’intègre dans une série consacrée aux dépôts composites par électrolyse :
— Dépôts composites par électrolyse. Modélisation [M 1 622] ;
— Dépôts composites par électrolyse. Paramètres et applications [M 1 623] ;
— Dépôts composites par électrolyse. Pour en savoir plus [Doc. M 1 624].

(0)

Tableau A – Matériaux composites : propriétés des principales matrices


Matrices
Propriétés
Nature Matériaux
Métalliques Aluminium Stabilité thermique
Titane Bonne conductivité
Superalliages Masse spécifique plus élevée que les matrices organiques
Organiques Thermoplastiques Polyamide Masse spécifique faible (1,2 à 1,5 g · cm−3)
(résines) Polyamide-imide
Thermodurcissables Polyester ........................... Faible sensibilité à l’entaille
Phénolique
Époxyde
Polyimide ......................... Tenue médiocre au vieillissement
Carbone Haute température Variables suivant les produits d’addition
Basse température (600 ˚C)
Céramiques Al2O3, SiO2 Grande stabilité chimique (à une température inférieure
SiC, SiN, … à 300 ˚C)
Tenue à haute température (1 500 ˚C maximum)
Grande fragilité d’où l’absence de plasticité

1. Intérêt et développement trodéposition de revêtements composites. L’intérêt grandissant


pour ces nouvelles techniques a conduit à une meilleure compré-
de la codéposition hension des processus mis en jeu.
La codéposition électrolytique a ainsi vu le jour et de nombreux
électrolytique types de particules tant par leur nature que par leur taille, furent étu-
diés afin d’être codéposés dans une matrice électrolytique.
Dès lors, cette technique s’ajouta à la liste des méthodes de pro-
■ Bien que Fink et Prince aient étudié la possibilité d’employer la duction de matériaux composites dont les plus largement utilisées
codéposition électrochimique pour produire des revêtements auto- sont : la métallurgie des poudres, la pulvérisation métallique, l’oxy-
lubrifiants de cuivre-graphite pour l’usage dans des moteurs de voi- dation interne d’alliages et la coprécipitation en solution aqueuse
ture en 1928 [2], peu de recherches ont été entreprises dans ce [3] [4] [5] [6]. La plupart de ces procédés présentent cependant
domaine jusque dans les années 1960. Les premières investigations l’inconvénient important de devoir être exécutés à températures éle-
ont commencé au début des années 1960 permettant, par la suite, vées. En outre, il arrive souvent que ces méthodes ne permettent
de mettre en œuvre de nouvelles applications industrielles de l’élec- pas la production de lames minces.

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Tableau 1 – Propriétés de différents revêtements composites électrolytiques


Fonction Dépôt composite Procédé Date Pays d’origine
White 1930 Grande Bretagne
Abrasive Ni + Diamant
Citroën 1961 France
Cu + graphite Martin 1965 USA
Ni + graphite
Cobalt + graphite Revaltec 2001 France

Boucher 1959 Allemagne

Autolubrifiante Ni + PTFE Boyer 1962 France


S.S. Plastique 1963 France
Ni + MoS2 Vest et Bazzare 1965 USA
Ag + MoS2 Turns et Krienke 1965 USA
Cu + MoS2 Clevite Corporation 1972 Grande Bretagne
Anticorrosion Ni + particules de verre + SiC + kaolin NV Research Holland 1966 Grande Bretagne
Ni + siliciure de molybdène USA
Anti-oxydation Whiteus 1961
Co + W USA
NSU 1966 Allemagne
Suzuki 1971 Japon
Ni + SiC NSU + Citroën 1970 Allemagne + France
Peugeot + Citroën 1980
Revaltec 2001 France

Cr + ZnS Daimier Benz 1961 Allemagne


Anti-usure
Ni + Mica Martin 1965 USA
Co + Cr3C2 Bristol Aérojet 1973 Grande Bretagne
Co + Cr2O3 MTU 1983 Allemagne
Ni-Co + particules céramiques diverses SNECMA 1987 France
Frechin 1996
Ni-Phosphore + PTFE France
Revaltec 2001

La galvanoplastie est une méthode très appropriée pour produire Le tableau 1 présente un aperçu des propriétés des revêtements
des revêtements métalliques, par conséquent, la codéposition élec- électrodéposés utilisés jusqu’à présent.
trochimique est une bonne alternative dans le domaine des revête-
ments composites. Elle permet d’associer deux matériaux différents ■ Les principales applications de ces matériaux se rapportent :
pour obtenir une combinaison de propriétés qui tire avantage de — aux produits résistants au frottement, obtenus par dispersion
chacun. de poudres réfractaires (carbures de silicium ou de tungstène, pou-
dre de diamant, oxydes d’aluminium, de zirconium, de titane, etc.) ;
Bien que plus onéreux que les revêtements classiques, les revête- — aux produits autolubrifiants, obtenus par dispersion de gra-
ments composites présentent des caractéristiques performantes qui phite colloïdal, de bisulfure de molybdène, de nitrure de bore, de
surmontent l’inconvénient de leur surcoût de production. Cepen- polytétrafluoroéthylène (PTFE), etc. ;
dant, comme avec n’importe quel procédé nouveau, le manque de
connaissances dans cette nouvelle technique d’élaboration a limité — aux produits résistants à l’oxydation à haute température ou à
les premières applications. la corrosion, obtenus par dispersion d’oxydes métalliques (chrome,
magnésium), de kaolin, etc.
■ Jusqu’au début des années 1970 la codéposition électrolytique ● Depuis 1961, date à laquelle sont apparus, en Allemagne, les
releva plus de la curiosité de certains laboratoires que de la réalité premiers revêtements composites industriels, les applications n’ont
industrielle. Ces travaux ont toutefois permis de déceler un certain cessé d’évoluer.
nombre de facteurs régissant la codéposition de telles particules
Exemple : notons par exemple, les dépôts Ni-SiC dans le domaine
solides, notamment :
de l’anti-usure (cf. [7] à [12]), les revêtements chimiques de nickel-
— la densité de courant ; PTFE pour leurs caractéristiques anti-adhérentes et autolubrifiantes
— la concentration en particules dans le bain d’électrolyse ; (cf. [13] à [19]), les revêtements électrolytiques avec particules de
— l’agitation du bain d’électrolyse ; zinc pour la protection contre la corrosion de panneaux de signalisa-
— l’ajout de tensioactifs de différentes natures (anionique, catio- tion routière ou bien ceux de Co-Cr2O3 pour la résistance à l’abrasion
nique ou non ionique) ; à hautes températures.
— le pH et la composition de l’électrolyte (nature du cation Aujourd’hui les composites à matrice métallique sont de plus en
métallique) ; plus utilisés, que ce soit pour l’aérospatiale que pour les moteurs à
— la structure et la granulométrie des particules ; hautes performances, à un tel point que toutes ces applications réunies
— éventuellement le vieillissement du bain d’électrolyse. font du composite déposé par galvanoplastie une réalité industrielle.

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Cependant, des problèmes subsistent et des obstacles doivent être mage en aluminium, laiton et cuivre, à cause de la dureté apportée
surmontés : la reproductibilité, le post-usinage, le soudage et les en surface. Dans le domaine du moulage de caoutchouc par injec-
tests d’acceptation de qualité sont encore en exploration. Les pro- tion ou compression, le démoulage se fait sans problème même
priétés anisotropes des composites rendent difficile l’augmentation lorsqu’il y a des produits adhérants, c’est-à-dire des pièces compor-
des performances de stabilité thermique, de résistance aux fissures tant des inserts métalliques, les revêtements composites évitant
et de fatigue. Différents laboratoires de recherche ont donc dû se alors l’emploi d’agents démoulants et l’encrassement des moules [16].
pencher sur ces problèmes.
● Le composite Fe-Ni-Cr [20] élaboré en incorporant des particules
de carbure de chrome dans une matrice Fe-Ni éveille toujours
l’attention des chercheurs. En effet, les particules de carbure de 2. Codéposition électrolytique
chrome sont codéposées avec un alliage binaire Fe-Ni.
métal-particules
Après traitement thermique, le chrome diffuse dans le revêtement
et forme ainsi une couche d’acier inoxydable Fe-Ni-Cr.
● Les dépôts composites Ni-SiC récemment développés pour Jusqu’en 2002, une multitude de systèmes métal-particules a fait
revêtir les cylindres de moteur à essence sont produits par plusieurs l’objet de différentes études. Les matrices métalliques sont très
groupes automobiles (Suzuki (Japon) depuis 1978, PSA (France) diversifiées du fait de l’imagination grandissante de certains cher-
depuis 1980) et des options ont été prises pour l’utilisation de ces cheurs (cf. [1], [2], [7] à [223]), si bien qu’il nous est impossible de
dépôts sur des prototypes qui préfigurent l’avenir de l’automobile [21]. citer toutes les études menées jusqu’à maintenant tant le domaine
est varié. En effet les dépôts de nickel, de cuivre, d’argent, d’or, de
Encouragé par l’expérience positive des dépôts Ni-SiC, tant dans
chrome, d’étain, de zinc, de cadmium, et de plomb sont souvent
le domaine de l’allégement que dans ceux de la réduction du frotte-
assujettis à la codéposition de particules de différentes natures tel-
ment ou de l’amélioration de la résistance thermique, le groupe PSA
les que SiC, Al2O3, TiO2, ZrO2, Talc, MoS2, PTFE et bien d’autres...
a mis à l’étude l’application de dépôts composites sur les cylindres
Notons à titre d’exemple que la tenue à l’usure, l’augmentation de la
de moteur.
dureté, l’abaissement du coefficient de frottement, l’augmentation
● Notons à titre d’exemple que d’autres types de particules (pou- de la tenue à la corrosion, de la conductibilité thermique et électri-
dre de diamant, zircone (ZrO2) ou bisulfure de molybdène (MoS2)) que sont les principaux facteurs que l’on a cherché à améliorer au
[14] [22] sont codéposées à partir de bain chimique de nickel. Cepen- cours de ces différentes études.
dant, l’application industrielle de ces composites est confrontée à
des problèmes de stabilité et de durée de vie des bains suite à un Cependant le nombre important d’études menées sur l’obtention
dépôt autocatalytique incontrôlable sur les particules elles-mêmes. de dépôts composites électrolytiques ne prouve pas la maîtrise ou
la compréhension de l’influence des différents paramètres électro-
● L’industrie s’intéresse de plus en plus aux revêtements autolu-
chimiques engagés, ou du mécanisme d’incorporation. Ainsi dans le
brifiants [16] [23]. Les lubrifiants solides les plus utilisés en 2002
cas de particules isolantes, la surface des dépôts obtenus est plutôt
pour les études, la recherche et la pratique industrielle sont le gra-
homogène. Les particules non conductrices (figure 1 a) sont incor-
phite (cf. [24] à [29]), le bisulfure de molybdène (cf. [22] et [27] à [34])
porées et recouvertes au fur et à mesure de la croissance du dépôt
et le PTFE (cf. [13], [15] à [17], [19], [23], [26], [27], [31] et [35] à [62]).
dans la matrice métallique [77]. À l’opposé, les particules conductri-
L’utilisation du PTFE dans la pratique industrielle est bien connue ces (figure 1 b), au contact de la cathode se placent au potentiel de
depuis longtemps : ce matériau est apprécié là où une remarquable l’élément réduit. L’électrodéposition a alors lieu à la surface de cel-
résistance chimique et mécanique est requise. Les propriétés auto- les-ci, rendant ainsi le dépôt plus ou moins homogène [77].
lubrifiantes particulières du PTFE le rendent particulièrement indi-
qué dans tous les cas où les problèmes de frottement et d’usure se ■ La qualité du dépôt composite électrolytique dépend du taux
manifestent. d’incorporation de particules et de leur répartition ainsi que de l’affi-
nité de celles-ci avec la matrice métallique. Les paramètres habi-
Un bon emploi des composants en PTFE permet par ailleurs une
tuels de l’électrolyse (pH, densité de courant, température,
remarquable réduction des coûts, du point de vue soit de l’entretien,
agitation) ont une influence sur la quantité de particules incorpo-
soit de la gestion.
rées. Néanmoins, les relations ne sont pas simples et selon la nature
Ces propriétés uniques induisent un nombre important d’applica- du bain, le type des particules étudiées, leurs concentrations, leurs
tions concernant l’utilisation des revêtements électrolytiques avec tailles, les tensioactifs utilisés, et même selon le type d’agitation
incorporation de particules de PTFE dont la plupart ont été décidées appliqué, les résultats obtenus sont très contradictoires.
à la suite de tests préliminaires en laboratoire auxquels ont succédé
des essais en champ extensif. Le taux d’incorporation αv (exprimé en % volumique) n’est donc
pas seulement fonction de la concentration en particules dans l’élec-
Les propriétés tribologiques (autolubrifiantes) [50] et physico-chi- trolyte. De nombreux paramètres interviennent, notons entre autres
miques (faible mouillabilité et remarquable résistance chimique les paramètres les plus souvent mentionnés :
face aux différents acides) font de ce matériau un candidat privilégié
dans différents domaines tels que l’électronique (notamment au — la nature de la particule étudiée (cf. [28], [33], [75], [128], [131],
niveau des contacts électriques), le moulage (du fait de sa très faible [172], [202] à [205]) ;
énergie de surface) et l’anticorrosion. — sa granulométrie (cf. [11], [20], [97], [105], [206], [207]) ;
Cependant, du point de vue des applications industrielles, l’utili- — sa concentration C dans l’électrolyte (exprimée en g · L−1)
sation des dépôts composites métal-PTFE se limite, en 2003, essen- (cf. [6], [10], [20], [25], [28], [29], [37], [52], [63], [70], [79], [82], [84],
tiellement aux dépôts chimiques Ni-PTFE pour lesquels ce procédé [97], [99], [105], [172], [177], [196], [202], [206], [208] à [211]) ;
est validé [16]. L’utilisation d’un tel matériau réside essentiellement — sa charge de surface (cf. [2], [9], [26], [36], [37], [66], [72], [75],
dans des applications de moulage plastique, dans le domaine pneu- [79], [84], [87], [93], [112], [127], [144], [205], [207], [211] à [217]) ;
matique, et dans le cas de réparation et de rattrapage de cotes de — la densité de courant appliquée J (exprimée en A · dm−2)
pièces usées. (cf. [25], [28], [29], [45], [63], [70], [77], [79], [84], [88], [95], [96], [99],
Exemples : moule d’injection plastique, nez de presse, buse [105], [118], [131], [159], [172], [181], [196], [202], [208], [209], [218] à
d’injection plastique, tige de vérin à gaz, came, piston de pompe, etc. [221], [224], [225]) ;
Concernant les moules pour injection des plastiques, une absence — le pH (cf. [9], [63], [66], [202], [206], [207], [209], [212], [226]) ;
de collage et une très bonne résistance à l’usure et à la corrosion — la température T (˚C) (cf. [25], [63], [66], [84], [206], [210]) ;
sont obtenues en utilisant des revêtements chimiques de Ni-PTFE. — le mode d’agitation (cf. [2], [6], [29], [36], [61], [63], [77], [88],
Les mêmes résultats ont été trouvés pour les moules de thermofor- [97], [113], [202], [205] à [208], [212], [214] à [216], [222], [223]).

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Dépôts composites par électrolyse


Paramètres et applications

par Patrice BERÇOT


Ingénieur de l’École nationale supérieure de mécanique
et des microtechniques de Besançon (ENSMM)
Maître de conférences à l’ENSMM Besançon
Laboratoire de chimie des matériaux et des interfaces (LCMI) - Pôle Corrosion, traitements
de surface et systèmes électrochimiques - Université de Franche-Comté

1. Paramètres de l’électrodéposition de revêtements composites M 1 623 - 2


1.1 Paramètres liés aux bains ........................................................................... — 2
1.2 Paramètres d’électrolyse............................................................................. — 3
1.2.1 Température ........................................................................................ — 3
1.2.2 pH......................................................................................................... — 3
1.2.3 Densité de courant.............................................................................. — 3
1.3 Hydrodynamique ......................................................................................... — 4
1.3.1 Agitation .............................................................................................. — 4
1.3.2 Dispositifs d’agitation......................................................................... — 5
1.4 Paramètres liés aux particules.................................................................... — 7
1.4.1 Concentration dans le bain, type, forme et taille ............................. — 7
1.4.2 Charge de surface............................................................................... — 8
2. Caractérisation des revêtements composites ................................. — 9
2.1 Structures micrographiques ....................................................................... — 9
2.2 Mesure du taux d’incorporation................................................................. — 9
2.3 Propriétés mécaniques................................................................................ — 11
2.4 Propriétés chimiques................................................................................... — 13
3. Domaines d’application des revêtements composites
électrodéposés.......................................................................................... — 14
3.1 Quelques applications................................................................................. — 14
3.2 Secteurs d’activité ....................................................................................... — 14
3.3 Moyens techniques et humains nécessaires............................................. — 14
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3.4 Niveaux d’investissements ......................................................................... — 14


4. Problèmes d’environnement................................................................. — 15
5. Conclusion ................................................................................................. — 15
Références bibliographiques ......................................................................... — 15
Pour en savoir plus........................................................................................... Doc. M 1 624

ans un contexte économique tendu, en matière de protection des sur-


D faces, on demande de plus en plus souvent aux pièces de résister à des
sollicitations impliquant simultanément plusieurs phénomènes (frottement,
abrasion, corrosion, chocs...). La tendance est donc, soit d’utiliser des solutions
faisant intervenir plusieurs technologies de traitements de surface, soit de
recourir à des dépôts composites (ou alliages).
Les traitements de surface composites conduisent à des revêtements multi-
fonctionnels permettant d’associer des propriétés de surface parfois antago-
nistes. De plus, ils permettent au donneur d’ordre de ne s’adresser qu’à un seul

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DÉPÔTS COMPOSITES PAR ÉLECTROLYSE _________________________________________________________________________________________________

sous-traitant, donc de réduire les délais. En raison de ces avantages, des


recherches considérables sont en cours dans le monde pour tous les secteurs
de l’industrie.
Parmi les fonctions remplies, les plus fréquentes, que l’on souhaite satisfaire
grâce aux traitements de surface, on retrouve l’anti-usure et l’anticorrosion.
Mais les procédés deviennent aujourd’hui multifonctionnels afin d’assurer
simultanément ces propriétés ainsi qu’une tenue au grippage, une protection
thermique, des propriétés tribologiques, tactiles, etc.
On attend des traitements de surface les fonctions suivantes :
— réduction des pressions de contact ;
— amélioration de la lubrification ;
— abaissement du coefficient de frottement ;
— tenue à l’usure par adhésion ;
— homogénéisation des couches superficielles ;
— valorisation des contraintes résiduelles de compression ;
— augmentation de la dureté superficielle pour la tenue à l’usure par
abrasion-érosion ;
— résistance à l’oxydation ;
— piégeage des particules dues à la rugosité ;
— lutte contre le bruit et les vibrations ;
— protection thermique ;
— propriétés électriques et/ou électromagnétiques.
Après avoir abordé les travaux de modélisation de phénomènes intervenant
lors de la codéposition électrolytique dans l’article Dépôts composites par
électrolyse - Modélisation [M 1 622], nous nous focaliserons sur les paramètres
intervenant dans ces procédés et les applications industrielles de ces revê-
tements.

1. Paramètres risent généralement la codéposition de particules. Greco et


Baldauf [5] ont confirmé ceci et ont indiqué l’utilisation des agents
de l’électrodéposition mouillants comme une possibilité d’augmenter le nombre de par-
ticules incorporées. Au contraire, quelques chercheurs [1] [6] ont
de revêtements composites observé une diminution de la quantité de particules incorporées
avec l’ajout des agents mouillants (cf. § 1.3.1).

■ Selon Tomaszewski et al. [7], l’ajout d’un peu de cations mono-


1.1 Paramètres liés aux bains +
valents, comme TI+, Ce+, Rb+ et NH 4 , ou d’amines comme la TEPA
(pentamine de tétraéthylène), l’alanine et l’EDTA (acide tétra-
■ Le même genre de particules conduit à différents taux d’incor- acétique de diamine d’éthylène) favorisent la codéposition des
poration pour différents types de bains. particules.
Par exemple, Brandes et Goldthorpe [1] ont observé que des par- Le pourcentage en poids des particules BaSO4 incorporées dans le
ticules d’Al2O3 se codéposent avec les bains de cuivre et de nickel, cuivre augmente de 0,5 à 4,5 % avec l’ajout de 25 g · dm– 3 d’EDTA.
mais pas avec un bain de chrome. En outre, ils n’ont pas pu produire Ces effets favorables ont été confirmés par d’autres auteurs [6]
des dépôts satisfaisants de Cu-Al2O3 avec un bain à base de sulfate [8] [9].
de cuivre, alors qu’ils obtenaient des dépôts de bonne qualité avec un
bain de cyanure de cuivre.
■ Le vieillissement du bain de codéposition semble influencer
Malgré l’évidence de l’effet des constituants du bain sur la codé- seulement certains systèmes métal-particules.
position, il y a peu d’informations quantitatives le concernant. On Par exemple, Lakshminarayanan et al. ont observé une diminution
peut citer cependant les résultats de Williams et Martin [2] qui ont du nombre de particules d’Al2O3 incorporées dans une matrice de
constaté qu’en augmentant la concentration de CuCN dans un bain cuivre, qui pourrait être provoquée par la présence d’impuretés dans
de cyanure de cuivre, la densité des fibres de silice codéposées le bain due au vieillissement [10].
croît. Les expériences avec du Cr-graphite donnent des résultats
Par ailleurs, Narayan et Chattopadhyay [11] n’ont enregistré aucun
semblables [3].
effet de vieillissement jusqu’à 18 jours pour Cr-Al2O3 .
■ Aux bains standard d’électrodéposition, des brillanteurs ou des Enfin, selon Buelens et de Roos et al. [12] [13], la codéposition des
agents mouillants sont souvent ajoutés pour améliorer la codépo- particules Al2O3 avec du nickel, de l’or ou du cuivre n’a pas manifesté
sition des particules. Tomaszewski et al. [4] ont remarqué que d’effets de vieillissement, alors qu’ils observaient un effet de vieillis-
l’effet des brillanteurs est différent selon leur nature, mais ils favo- sement prononcé pour la codéposition de Cu-SiC.

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1.2 Paramètres d’électrolyse

Taux d'incorporation (% volumique)


1.2.1 Température
0,2
L’effet de la température semble changer pour différents systèmes
de codéposition comme l’illustrent les cas suivants.
Pour Ni-Al2O3 aucun effet de la température sur le pourcentage des
particules incorporées n’a été trouvé [14] [15]. Par ailleurs, la teneur 0,1
en graphite contenu dans une matrice de cuivre a augmenté avec la
température jusqu’à une température de 50 oC [3], alors que pour
Cr-Al2O3 [11] c’est exactement l’inverse qui était enregistré,
c’est-à-dire une diminution du taux d’incorporation pour une tempéra- 0
ture croissant jusqu’à 50 oC. Dans les deux cas, aucun effet au-des- 0 2 4 6 8
sus de cette température n’a été trouvé. Densité de courant (A · dm–2)
Pour le système Ni-V2O5 un taux d’incorporation maximum a été Expérimental Théorique
enregistré à 50 oC [16]. Une diminution continue des particules incor-
porées dans une matrice de cuivre a été observée par Tomaszewski
et al. [7]. Figure 1 – Taux d’incorporation (en % volumique) pour Cu-Al2O3
en fonction de la densité de courant J dans le cas
d’une électrode plane [13] [26]
1.2.2 pH
Les investigations au sujet de l’effet du pH donnent des résultats
conséquents. Sautter [14] ne trouve aucune influence du pH
Taux d'incorporation (% volumique)

au-dessus d’un pH égal à 2 et une forte diminution des particules


occlues au-dessous de cette valeur pour le système Ni-Al2O3 . Ce 10
résultat a été confirmé pour différents systèmes [1] [4] [6] [7] [15] J = 1 A · dm–2
9
[17]. Yeh et Wan [18] ont noté que le rendement pour la réduction
de nickel diminue nettement au-dessous d’une valeur de pH de 2 8
J = 3 A · dm–2
si des particules de SiC sont présentes. D’ailleurs, ce pH corres- 7
pond au point de la charge zéro des particules de SiC dans une 6
solution de NaCl. Il n’est pas évident que ces effets soient accom- J = 5 A · dm–2
pagnés d’une diminution du taux d’incorporation de particules 5
au-dessous de pH 2 car la teneur de SiC dans les dépôts n’a pas 4
J = 7 A · dm–2
été mesurée. 3
2
1.2.3 Densité de courant 1
0
■ Comme la concentration de particules, la densité de courant est 0 10 20 30 40 50 60
probablement le paramètre le plus étudié. Approximativement, Concentration des particules en suspension (g · L–1)
deux effets différents de la densité de courant peuvent être
distingués :
— certains auteurs ont trouvé peu ou pas d’influence de la densité Figure 2 – Codéposition de Ni-PTFE en fonction de la concentration
de courant sur le nombre de particules occlues [3] [17] [19] ; en particules dans le bain et pour différentes densités de courant
— d’autres indiquent un effet important avec la présence d’un et une vitesse d’agitation de 500 tr · min–1 [29]
ou plusieurs maxima du taux d’incorporation de particules en fonc-
tion de la densité de courant [2] [6] [11] [13] [20] [21] [22] [23] [24]
[25] [26] [27] [28] [29] (figures 1, 2 et 3, et figure 8 de l’article
[M 1 622]).
Taux d'incorporation (% volumique)

Pour le système Ni-TiO2 un décalage du maximum est observé


à une densité de courant croissant avec l’agitation du bain. De 14
même, pour le système Cr-Al2O3 , un minimum est atteint lorsque 12
la concentration de particules dans le bain augmente [11].
10
Indépendamment du fait que la densité de courant influence la
codéposition, la densité de courant elle-même est affectée par la 8
présence des particules. Plusieurs auteurs ont tracé les courbes 6
cathodiques de polarisation pour le bain d’électrocodéposition
avec et sans particules. Ainsi, une plus grande densité de courant 4
est obtenue pour le même potentiel de cathode quand les parti- 2
cules sont présentes, indiquant une dépolarisation de la cathode
[6] [14] [24] [30] [31]. 0
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18
Exemple : Suzuki et al. [32] ont étudié le comportement de polari- Densité de courant (A · dm–2)
sation de la cathode pour le système Ag-Al2O3 . Pour une faible sur-
tension, les particules près de la cathode empêchent la réduction des
ions métalliques. Pour une surtension élevée, le transport des ions Figure 3 – Taux d’incorporation pour Au-PTFE en fonction
métalliques vers la cathode devient un facteur important. de la densité de courant [28]

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M1623

DÉPÔTS COMPOSITES PAR ÉLECTROLYSE _________________________________________________________________________________________________

Par ailleurs, il est connu que l’ajout de particules inertes favo-


risent ce transport [33] [34], ce qui conduit à la dépolarisation de la

Taux d'incorporation (10–2 · % en masse)


cathode.
Buelens [13] [25] a noté l’existence d’un défaut dans la courbe de 6
polarisation pour les systèmes Cu-Al2O3 et Au-Al2O3 à la densité
de courant où un maximum du taux d’incorporation est atteint.
Webb et Robertson [35] ont enregistré que, indépendamment 5
d’une polarisation élevée de la cathode, le maximum est accompa-
gné d’une forte diminution du rendement cathodique. 4
■ Courants pulsés [36]
● Les courants pulsés à haute fréquence ont la faculté d’autoriser 3
la formation des dépôts dans des interstices où la limitation du
transport de matière interdit tout dépôt en courant continu. Ce phé- 2
nomène permet l’élaboration de matériaux composites constitués
d’une matrice poreuse dont les pores sont comblés par le métal
déposé, ce qui est le cas du système alumine/nickel par exemple. Il 1
faut noter cependant que le support de la céramique doit être Laminaire Transition Turbulent
conducteur et que la morphologie du dépôt peut être difficile à 0
contrôler. Cette même approche a permis de réaliser des fils de 0 500 1 000
matériaux multicouches par électrolyse pulsée dans les pores cylin- Vitesse de rotation (tr · min–1)
driques d’une membrane de polycarbonate ayant subi une gravure
particulière. L’empilement se fait le long des pores d’un diamètre [Cu2+] = 30 g · L–1 [Al2O3] = 20 g · L–1 J = 3,4 A · dm–2
d’environ 80 nm ; l’ensemble des fils dont la longueur est de 6 µm,
présente une magnétorésistance importante [37].
● Des dépôts réalisés en régime pulsé en présence de particules Figure 4 – Transition entre régimes laminaire et turbulent [25]
minérales (oxydes, carbures...) ou organiques (téflon...), en suspen-
sion dans l’électrolyte, confirment l’amélioration structurale des
couches obtenues, mais ne permettent pas de conclusion définitive
sur les effets des modulations électriques sur le processus d’incor-
Taux d'incorporation [α (r )/α (0)]

poration. En revanche, il semble qu’un régime pulsé inversé de


faible période (d’environ 0,01 Hz), par la dissolution préférentielle de 1
la matrice pendant l’inversion, améliore considérablement le taux
d’incorporation de particules nanométriques d’alumine dans un
dépôt de cuivre [38]. De telles améliorations sont sans doute à
attendre, mais elles sont conditionnées par une meilleure
0,75
compréhension des processus impliqués dans le mécanisme
d’incorporation.
Dans le même ordre d’idée, un composite Ni-Co-Zr a été obtenu,
sur fibres de carbone, par dépôt par courant pulsé de l’alliage
0,50
Ni-Co de composition contrôlée en présence de particules de
zircone. Une sous- ou sur-couche de chrome permet ensuite, par
traitement thermique sous vide, l’obtention du composite quater-
naire Cr-Ni-Co-Zr, revêtement anticorrosion à haute température.
0,25

1.3 Hydrodynamique
0
0 0,5 1 1,5
1.3.1 Agitation
Position radiale r (cm)
■ Il est évident que les particules à incorporer doivent arriver à la
surface de la cathode et donc être transportées du sein de la solu- Figure 5 – Taux d’incorporation en fonction de la position radiale
tion vers la cathode [39]. Greco et Baldauf [5] se sont rendus sur la surface d’une électrode tournante [40]
compte que l’agitation du bain favorise le transport des particules
et que l’augmentation de l’agitation du bain conduit à une plus
grande quantité de particules incorporées. Cependant, quatre ans
plus tôt, Williams et Martin [2] ont signalé que trop d’agitation — pour le régime de transition, on observe une diminution, suivie
mène à une diminution de la codéposition de particules, car les d’une augmentation conséquente du taux d’incorporation ;
particules sont alors balayées loin de la surface de cathode avant — dans le régime turbulent, une diminution progressive du taux
qu’elles soient incorporées. Ces deux observations ont été d’incorporation a lieu.
confirmées par Lee et Wan [8], qui ont constaté que la courbe du En outre, la quantité de particules incorporées diminue du centre
taux d’incorporation de particules dans le revêtement en fonction vers les bords de l’électrode [9] [40] (figure 5).
de l’agitation de l’électrolyte présente un maximum.
Les travaux de Pena Munoz [29] illustrent ce phénomène dans le
Concernant l’effet de l’agitation du bain par une électrode tour- cas du système Ni-PTFE sur une électrode plane avec une agitation
nante, trois régimes différents d’écoulement peuvent être à barreau magnétique tournant : un maximum du taux d’incorpo-
distingués [25] (figure 4) : ration est observé en fonction de la vitesse d’agitation de la solu-
— dans le régime laminaire il n’y a aucune influence de la vitesse tion (figure 6), il y a de plus un décalage de ce maximum en
de rotation ; fonction de la concentration de PTFE en solution.

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M250

Matériaux composites à matrices


métalliques

par Jean-François SILVAIN


Directeur de recherche CNRS
Institut de chimie de la matière condensée de Bordeaux (ICMCB), Pessac, France

Jean-Marc HEINTZ
Professeur des universités, Bordeaux INP
Institut de chimie de la matière condensée de Bordeaux (ICMCB), Pessac, France

et Amélie VEILLERE
Maı̂tre de conférences, Bordeaux INP
Institut de chimie de la matière condensée de Bordeaux (ICMCB), Pessac, France

1. Typologie et propriétés des matrices métalliques ................... M 250v2 – 3


1.1 Métaux légers ..................................................................................... — 3
1.2 Métaux à haute conductivité thermique ........................................... — 3
1.3 Métaux réfractaires ou intermétalliques ........................................... — 4
1.4 Propriétés des principales matrices .................................................. — 4
2. Typologie et propriétés des renforts .......................................... — 4
2.1 Renforts discontinus .......................................................................... — 4
2.2 Tissus 2 D ........................................................................................... — 5
2.3 Monofilaments ................................................................................... — 5
3. Interface-interphase dans les CMM ............................................ — 6
4. Procédés de préparation des CMM.............................................. — 8
4.1 Procédés par voie liquide .................................................................. — 8
4.1.1 Mélange par brassage ............................................................. — 8
4.1.2 Infiltration ................................................................................ — 9
4.1.3 Atomisation ............................................................................. — 9
4.2 Procédés par voie solide .................................................................... — 9
4.2.1 Métallurgie des poudres ......................................................... — 9
4.2.2 Soudage par diffusion ............................................................. — 10
4.3 Procédés par dépôt ............................................................................ — 10
4.3.1 Dépôt en phase vapeur ........................................................... — 10
4.3.2 Atomisation ............................................................................. — 10
4.3.3 Dépôt chimique et électrolytique ............................................ — 10
5. Propriétés et applications des CMM ........................................... — 10
5.1 Propriétés thermiques ........................................................................ — 10
5.1.1 Application en électronique de puissance .............................. — 10
5.1.2 Application dans les environnements nucléaires ................... — 12
5.2 Propriétés mécaniques ....................................................................... — 13
5.2.1 Applications en aéronautique ................................................. — 13
5.2.2 Application comme matériaux lubrifiants .............................. — 13
5.2.3 Applications pour disques de frein ......................................... — 13
6. Conclusion........................................................................................ — 14
7. Glossaire ........................................................................................... — 14
8. Sigles, notations et symboles ...................................................... — 15
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. M 250v2
Parution : décembre 2018

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MATÉRIAUX COMPOSITES À MATRICES MÉTALLIQUES –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

es matériaux composites à matrices métalliques (CMM) ont été déve-


L loppés à partir des années 1960-1965 en deux vagues successives.
Des efforts importants de recherche ont été menés aux États-Unis et en
France dans les années 60 autour d’une fibre monofilamentaire de bore,
sans véritable développement industriel ultérieur. Ce composite métal-
métal était pénalisé par le coût très élevé de la fibre. À cette date, les appli-
cations envisagées étaient exclusivement orientées vers l’aéronautique et
l’espace. Dans les années 80, la disponibilité de nombreuses nouvelles fibres
céramiques a relancé les recherches dans ce domaine avec des perspectives
de développement industriel plus encourageantes. Des exemples d’applica-
tions industrielles ont été développés dans l’automobile, à l’initiative de
l’industrie japonaise.
Ces matériaux sont encore en pleine évolution, et les propriétés que l’on
peut en attendre ne sont que partiellement connues ; elles sont très large-
ment supérieures à celles des alliages métalliques. Elles s’accompagnent
très souvent, pour les composites métal-renfort, d’une réduction de ductilité
par rapport aux alliages métalliques. Cette caractéristique doit être prise en
compte dans les règles de dimensionnement des pièces, et bien souvent une
nouvelle conception de la pièce sera nécessaire. Cependant, l’ajout de plu-
sieurs types de renforts (de tailles et de propriétés complémentaires) peut
pallier à cette problématique et ainsi induire une augmentation de plusieurs
propriétés physiques impossible avec l’ajout d’un seul type de renfort.
Les procédés de fabrication peuvent être répartis en trois grandes catégories
qui permettent de moduler les taux de renforts et leur répartition, et de contrô-
ler la nature des interfaces ou interphases. Il n’y a pas de méthode idéale de
mise en œuvre des composites à matrices métalliques mais au contraire une
nécessité de pouvoir choisir la méthode en fonction des microstructures et
des propriétés attendues. C’est pourquoi il est important de connaı̂tre l’en-
semble des techniques de mise en forme de ces matériaux.
L’utilisation d’une matrice métallique dans un composite présente plusieurs
avantages par rapport aux matrices organiques :
– une meilleure tenue en température qui permet de reculer les limites d’utili-
sation en environnements moteurs ou structures hypersoniques ;
– de meilleures propriétés physiques (par exemple mécanique, thermique,
électrique) intrinsèques de la matrice, permettant le renfort localisé ou unidirec-
tionnel ;
– une meilleure tenue au vieillissement et au feu.
En revanche, les technologies de fabrication des composites à matrices
métalliques sont en général plus complexes que pour les composites à
matrice organique. Au cours de la fabrication, il faut assurer une bonne
cohésion aux interfaces entre matrice et renfort, sans dégrader ce dernier.
La liaison chimique fibre-matrice doit être réalisée avec une matrice en
phase liquide, solide ou semi-liquide sans dégrader les propriétés intrinsè-
ques des renforts utilisés. Si l’on ajoute à ces critères l’intérêt de matériaux
légers et à propriétés spécifiques élevées, on comprendra que, parmi les dif-
férentes matrices métalliques disponibles, l’aluminium et ses alliages occu-
pent une place privilégiée comme matrice de composites pour les transports
et les pièces en mouvement.

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–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– MATÉRIAUX COMPOSITES À MATRICES MÉTALLIQUES

1. Typologie et propriétés 1.1 Métaux légers


des matrices métalliques Il s’agit des matrices à base de magnésium, aluminium et titane.
Le magnésium et les alliages d’aluminium sont des matériaux
non seulement très légers mais aussi ductiles. Par conséquent,
En fonction du mode d’élaboration des composites à matrices une amélioration de la rigidité et de la résistance à la rupture
métalliques (CMM) (figure 5), avant l’élaboration des CMM, la est attendue quel que soit le type de renfort utilisé dans les
matrice métallique peut se trouver sous différentes formes : CMM. En raison de leur bas point de fusion (Tf(Mg) = 650  C et
Tf(Al) = 660  C), les CMM base Mg ou Al peuvent être préparés
– sous forme massive (lingot, éponge, granulé…) pour les diffé- par voie liquide ou solide [7].
rents procédés voie liquide et pour la plupart des procédés en
phase vapeur (sauf pour les dépôts chimiques) ; Les alliages de titane sont solides et rigides. Ils ne peuvent être
– sous forme pulvérulente pour tous les procédés en phase solide. renforcés qu’avec des renforts très durs et rigides. Cependant, le
titane réagit chimiquement avec la plupart des renforts, c’est
Pour une présentation d’ensemble des composites à matrices pourquoi, afin de limiter la zone de réaction entre la fibre et la
métalliques, on pourra consulter les références à caractère général matrice, la voie solide est préférée pour la fabrication de CMM
de R. Naslain [1], K.U. Kainer [2], N. Chawla [3] et S. Suresh [4] ainsi base Ti.
que les encyclopédies [5] et [6]. Dans ces derniers cas, la forme de
la poudre (sphérique, dendritique, plaquette…), sa granulométrie
ainsi que sa composition chimique de surface (présence d’oxyde 1.2 Métaux à haute conductivité
ou tout autre dépôt ou contaminant) jouent des rôles primordiaux thermique
sur les propriétés physiques finales des CMM.
La figure 1 illustre différentes morphologies de poudres Il s’agit des matrices à base cuivre, aluminium et argent.
métalliques. Le cuivre [8] et l’argent sont plus intéressants en termes de
Les métaux ou alliages utilisés comme matrice peuvent être clas- propriétés thermiques mais ils possèdent une forte densité ne per-
sés en trois catégories. mettant pas leur utilisation pour des applications de transport.

20 µm
20 µm

Poudre de cuivre dendritique Poudre de cuivre sphérique (atomisation)

50 µm 50 µm

Poudre de titane (broyage mécanique) Poudre de titane lamellaire

Figure 1 – Différentes morphologies de poudres métalliques

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M250

MATÉRIAUX COMPOSITES À MATRICES MÉTALLIQUES –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

L’incorporation de renfort de carbone dans ces matrices améliore la


conductivité thermique et la rigidité et diminue également la den- 2. Typologie et propriétés
sité. En raison du manque de mouillabilité entre le carbone et le
métal, la voie solide est préférée, néanmoins la voie liquide peut
des renforts
être utilisée, une pression étant alors nécessaire pour infiltrer la
préforme.
On distingue les renforts discontinus, dont toutes les dimen-
L’aluminium pur a une conductivité thermique élevée (3e après sions sont très inférieures aux dimensions du composite à
l’argent et le cuivre) mais une faible rigidité. Il peut être renforcé matrice métallique, et les renforts continus, dont au moins une
par des fibres de carbone ou du diamant. dimension est supérieure ou égale aux dimensions du compo-
site. La fraction volumique des renforts peut être mesurée après
dissolution de la matrice (norme ASTM D 3553-76) ou traitement
1.3 Métaux réfractaires d’image sur micrographie numérique ou électronique ou analyse
ou intermétalliques chimique (par exemple, mesure du taux de carbone pour des
renforts carbonés).
Il s’agit des alliages de molybdène ou de composés (TiAl, MoSi2).
Le tableau 2 donne les propriétés principales des renforts conti-
Très résistants et rigides, ils n’ont quasiment aucune ductilité à nus et discontinus les plus utilisés. Cette liste n’est bien sûr pas
température ambiante et ne peuvent être renforcés que par des exhaustive.
fibres continues. Leur comportement mécanique est similaire à
celui de la céramique à température ambiante et du métal à haute
température. Pour limiter la réaction chimique avec le renfort, le 2.1 Renforts discontinus
composite est préparé par la voie solide.
La figure 2 illustre des morphologies de quatre types de renforts
discontinus utilisés dans les composites à matrices métalliques :
1.4 Propriétés des principales matrices – des renforts fibreux micrométriques (fibres de carbone de
10 mm de diamètre et nanofibres de carbone de 0,1 mm de
Le tableau 1 donne les propriétés principales des matrices métal- diamètre) ;
liques et des intermétalliques les plus utilisées. Cette liste n’est – des renforts fibreux nanométriques (nanotubes de carbone
bien sûr pas exhaustive. compris entre 1 et 10 mm de diamètre) ;

Tableau 1 – Quelques propriétés des principaux métaux utilisés pour la fabrication des CMM
r Tfusion E s Max CDT l k
Matrice
(g/cm3) ( C) (GPa) (MPa) (10-6/K) (W/mK) (106 S/m)

Ag 10,5 961 70 150 19,1 420 62,1

Al 2,7 660 72 90 23,5 237 36,9

Be 1,9 1 287 295 450 12 201 31,3

Co 8,9 1 495 160 – 12,5 100 17,2

Cu 8,9 1 083 120 221-455 17 401 58,5

Fe 7,9 1 528 200 180-210 12,1 80 10,1

Mg 1,74 650 46,5 185-232 26 156 22,6

Mo 10,2 2 623 325 485-690 4,8 138 18,7

Ni 8,9 1 455 210 560 13,3 91 14,3

Ti 4,5 1 668 106-114 897-1 205 8,9 21 7,2

TiAl 3,9 1 460 176 600 10 – –

NiAl 5,9 1 638 297 300 15,1 80 –

E : Module d’Young
s Max : Contrainte maximale (UTS)
CDT : Coefficient de dilatation thermique
l : Conductivité thermique
k : Conductivité électrique

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