Chapitre II
LEFONDEMENT DU DROIT
losophie du droit dont I’étude
d’un enseignement du 3° cycle.
juridiques, ce theme
II s’agit d’une question de phil
plus approfondie reléve généralement, un ensei
Dans le cadre d’une initiation aux disciplines j
sera exposé d’une fagon assez sommaire.
A la différence d’une religion révélée, & laquelle on adhére
l'on rejette en bloc, le droit est une création
de comporter des imperfections, des
incohérenct tradictions. Il est donc permis de remettre en
Je de droit et de se demander si elle est ou non justifiée ? Il
es buts qu'il faut lut assigner ?
cause la reg) it
conviendra ensuite de s‘interroger sur
es ou des con!
Toutes ces questions ont donné lieu, depuis des siécles, 4 de
nombreuses controverses et a différentes théories.
SECTION I
LE PROBLEME DE JUSTIFICATION DE LA REGLE
DE DROIT ET LES CONTROVERSES DOCTRINALES
ion de la régle de droit a donné lieu &
doctrinales. C’est peut-@tre Tune des
n’avait cessé d’opposer, depuis
Le probléme de justificat
de nombreuses controverses
plus vieilles controverses, qui
VAntiquité :
-les partisans du droit positif, du droi
effectivement *
it qui s‘appliqueINTRODUCTION A ETUDE DU DROIT
~et les partisans du droit naturel, dun droit idéal qui serait
supérieur aul droit positif.
Chose curieuse, ce débat, engagé par les philosophes grecs
semble toujours ‘ouvert & notre époque ! 4
Pour mieux comprendre les différentes théories du droit nature}
(2), qui sont bien plus anciennes, il serait utile d’exposer en premier
lieu les doctrines positivistes (§1). Nous serons conduit, enfin, 3
reposer le probléme du fondement de la régle juridique dans le cadre
du droit marocain (83).
§1. LES DOCTRINES POSITIVISTES
Pour les partisans de ces doctrines, il n’y a pas d’autre droit que
Je droit qui s‘applique effectivement, a un moment donné, dans une
société donnée. C’est le droit Positif.
La réponse a la question posée dés le départ est trés simple le
droit positif s‘impose de lui-méme. Il tire sa raison d’étre de son
existence méme. En d’autres termes, le droit est jusitifié parce quil
existe, parce quill est nécessaire dans une société bien organisée.
Ces idées se trouvent de facon générale & la base de toutes les
doctrines positivistes. On peut toutefois relever, dans le positivisme,
deux grands courants assez distinets :
-le courant juridique ou étatique qui a assimilé le droit & la
volonté de l’Etat ;
~et le courant sociologique qui considére que le droit et
produit, non pas par YEtat, mais par la société elle-méme.
A. LE POSITIVISME JURIDIQUE OU ETATIQUE
Mettant accent sur le réle joué par l’autorité publique dans
formation des regles juridiques, les théoriciens de cette éoole 5
allés jusqu’a soutenir que le droit repose exclusivement sur Ia ola a
de UE, Ine fait pas de doute que le droit consi
principalement par des lois et des reglements. Or, ces textes légi
réglementaires sont élaborés par les organes de I'Etat :MA REGLE DE Deon
~ le Pouvoir législatif, en ce
; t
- le pouvoir exécutif, pour Qu concerne les lois ;
GE qui est des ra,
S reglements,
Pour oe cette argumentation, certains
objecter qu’i existe d autres Sources du droit guj auteurs ont pu
dlorganes Ctatiques. C’est le cas des rigles cade et Be Procédent pas
des pratiques suivies spontanément par les masses pana eee
ela coutume, abstraction faite de ses défaut eens Uteste
reviendra_ plus tard”, ne peut jouer un rdle peaaey lesquels on
mesure ot l'Etat se montre favorable et renvoie aux ace ep la
pratiques coutumiéres, comme c'est le cas en matiére comn . fe
En derniére analyse, c’est done toujow: tervien
directement ou indirectement, dans la irate ae pstiyphs
nous l'avons déja précisé, c'est cette origine étatique qui “expli
pourquoi la régle de droit présente un caractére cbligainire et
contraignant. Elle s‘impose aux particuliers du seul fait qu’elle existe.
Dl leur est interdit de résister méme a des lois qui seraient injustes. A
cet égard, on cite toujours I’exemple de Socrate qui, en bon citoyen,
avait préféré accepter la mort plutot que de désobéir 4 une loi injuste.
Le positivisme étatique ou juridique s’est déja affirmé, au 19
sigcle, avec le philosophe Hegel, qui n’a pas hésité a expliquer le droit
par le fait accompli et la force étatique®. Dans le méme ordre d’idées,
un grand juriste allemand, /héring, a défini le droit comme étant ce
que veut I'Etat. C’est la politique de la force. Pour reprendre sa
propre formule, “le droit n’est pas une idée logique, mais une idée de
force”. Seulement, lhéring considére que cette force de I'Etat ne doit
pas étre arbitraire. Elle doit, au contraire, étre mise au service d’une
certaine finalité. C’est ce qu'il a appelé “la lutte pour le droit”. Dans
cette lutte, se trouvent engagés aussi bien |Etat, les différents groupes
a) Voir infra, 2° partie, chap. I, section II.
2) Liarticle 2 du code du commerce précise que :
conformément aux lois, coutumes et usages du comme!
‘mesure oit il ne contredit pas les principes fondamentaw
Liatticle 3 ajoute que ; “les coutumes et usages spéciaux el
coutumes et ‘usages ux",
3)]. Ghestin et G, Goubeaux, Droit Civil, n° 22, p. 15.
“Tl est statué en matiere de commerce
roe, out aut droit civil dans 1a
x du droit commercial”.
t locaux priment lesINTRODUCTION A ETUDE DU DROIT
7
‘ les intéréts opposés que les simples arti
arson dake ah doit s‘efforcer de défendre les con, i s
estime les meilleures pour les transformer en regles de droit. qui
onle voit, dans cette opinion, le droit procéde de l’Etat - Parlement e
gouvernement - comme des citoyens. oy
Au 20° siécle, un autre grand juriste autrichien - Kelsen .
fortement marqué de son empreinte le positivisme étatique a
juridique. Dans son célébre ouvrage intitulé - “La théorie P >
droit”, il propose un systéme nouveau qui fait abstraction de
morale, de la sociologie et de Ja politique et qui ne S'attache qui
Vordonnancement juridique. Il s'agit d'un ordonnancement higrarchigg
Les normes juridiques s‘articulent comme une sorte de Pytamide
Selon Kelsen, de la Constitution jusqu’aux décisions de justice et ary
contrats, en passant par les lois, les décrets et les arrétés de Vautoritg
administrative, chaque norme doit étre conforme a la
supérieure. Et c’est cette conformité avec les régles supérieures ui
constitue le véritable fondement du droit”.
B. Le PosttivisME SOCIOLOGIQUE
Cette doctrine positiviste a été défendue, au 19° sidcle, par des
juristes allemands et frangais. Pour ces auteurs, le droit est constitué
Par des faits et des phénoménes sociaux qui sont, comme dans i
Physique, soumis au. déterminisme. Daris le cadre de cette
conception, la régle de droit procéde, non d’une volonté plus ou
moins arbitraire de I’Etat, mais de Ia société. A travers les coutumes,
les usages, les meeurs, les pratiques propres a chaque profession, c'est
la société qui se trouve A Yorigine des normes juridiques
Inversement, le droit apparait comme l'une des principales
‘Manifestations de la solidarité sociale, Cette idée a été mise en r
Yun des fondateurs de la sociologie francaise : Emile Durkheim.
sisté sur cette conscience collective du
ion ultime dans la régle de droit et
‘Crest ce qui distingue le otLA REGLE DE Dror
a
dela tendance purement juridique ou étatique :
pas de la volonté de I’Etat, maids la conte ete découle, non
jal”, Comme on peut s’y attendre, ce changemen tive du groupe
entrainera des incidences trés importantes sur Tes " @rientation
erche et d’analyse. Si les partisans du ositivisme tare de
pornaient a constater, a décrire les régles du droit pi he ee se
sociologique conduira 4 une appréciation plus critique ou rit ay
une remise en cause des normes juridiques®, me
Alasuite des travaux de Durkheim, un autre juriste soci
Léon Duguit a repris la méme idée de solidarité: social peur lanes
4 une vague conscience collective, mais A une réalité ‘plus
tangible : les volontés individuelles conscientes et plus précisément
In masse des consciences individuelles. De la sorte, une régle devient une
ragle juridique lorsque cette masse des consciences individuelles est
convaincue que la régle en question est utile ou méme indispensable
pour préserver la solidarité sociale. Cette notion de solidarité sociale
devient le véritable fondement du droit et s‘impose a I’Etat lui-méme
dont le réle consiste, non pas Acréer le droit, mais 4 traduire dans les
faits la solidarité sociale, en Iui donnant la forme requise et la
sanction qui convient”.
Il importe de signaler que Ia doctrine marxiste semble
au moins dans une certaine mesure, au positivisme
sociologique. Ses théoriciens considérent, en effet, que la régle de
droit constitue un produit du milieu social. Seulement, ils ajoutent
que le droit est un instrument au service de la classe dominante.
Comme on le voit, I’analyse se situe au niveau de cette idée qui est
fondamentale dans la théorie marxiste : la lutte des classes. Dans le
cadre de ce systéme, la théorie juridique débouche sur le terrain de
lconomie. Les classes dirigeantes utilisent I’arsenal juridique pour
Maintenir leurs priviléges sur les autres couches sociales. C’est ce
‘on peut lire dans ce passage du Manifeste du Parti Communiste :
lotre droit n’est que la volonté de votre classe érigée en loi, une
s‘apparenter,
Durkheim, De la division du travail social, Paris, P.U-F., 1986.
Prilosophie du droit, col. "Que sais-e 2”, p, 22.- Aubert, Introd. au Droit, n°INTRODUCTION A L’ETUDE DU DROIT
2
volonté dont le contenu est déterminé par les conditions Matérielles
de vie de votre classe”.
Le phénoméne juridique est_ donc ae, Hi aux
i de classes. A l’inverse, une foi: iBOnismes
liminés, on doit normalementassster au dépérissement de VEtat et dy
droit. C’est d’ailleurs ce qui doit se produire, de Yavis de Marx et
Engels, dans le cadre de Ia société communiste. ie avénement de cette
société sans classes sera marqué par la disparition du droit, les
individus n’étant plus exploités les uns par les autres, mais associés a
tous les niveaux de la production.
Seulement, si la société communiste de demain sera une société
sans droit, les théoriciens du marxisme considérent qu'il en ya
différemment dans la phase du socialisme. A ce stade de Vévolution
vers le communisme, la société socialiste a encore beoin d’un systéme
juridique pour défendre le régime établi et assurer Véducation
politique des citoyens.
Si l'on fait abstraction de la doctrine
pratiquement a réduire le droit 4 l'économie ou ala politique, on peut
dire que les deux courants positivistes voqués - le positivisme juridique
et le positivisme sociologique - ont soulevé, I’un et Vautre, des
critiques assez sérieuses :
marxiste qui conduit
- S'agissant du positivisme sociologique,
partisans de mettre au centre de leur doctrine des notions aussi
Vvagues et imprécises que celles de conscience collective du groupe ou
masse des consciences individuelles, Enoutre, les juristes sociologues
Paraissent avoir négligé le réle que pourrait jouer 1’Etat, surtout
quand il s‘agit de prendre et d’imposer des réformes. Ils prétendent
que le droit est un. pur produit du milieu social, Certes, le corps social
joue un réle trés important au niveau de Vélaboration de la régle de
droit et au stade de Sa mise en ceuvre, Mais, Yexpérience révéle auss!
que les pouvoirs publics se décident parfois A introduire dans ee
Propre pays une législation Gtrangere, des textes qui ont vu le jou"
‘un autre milieu social.
on a reproché A ses
(1 Cité par Julien Freund : Le droit daujourd'hu,
PLUR,, 1972, p. 21.
oo—
LA REGLE DE Drorr
2
renons un exemple déja évo F
célebres dirigeants - Ataturk -n’a Leia la Turquie. Liun de
Code Civil suisse, sans tenir aucun compte de a son pays
rofonds du peuple turc, qui était et qui est toujours fe sentiments
tradition islamique, comme en témoigne l’évolution actuelle ae
- Le second courant positiviste - le positivisme juridi
Jement critiqué. On a reproché a ses patisea tonne a été
véritable culte de Ia loi. On passe en quelque sorte d’un aa
Yautre : si la tendance sociologique a ignoré le rdle de 1’Etat, les
fondateurs du positivisme juridique ont reconnu trop de pouvoir a
(Etat. C’est une attitude qui présente bien des dangers pour les
libertés individuelles et les institutions démocratiques. Un Etat trop
iesant Ne risque-t-il pas de sacrifier l’individu et de l’asservir ?
Pour s’en convaincre, il suffit de rappeler l’expérience des régimes
fotalitaires que l’Allemagne et I’Italie ont subis entre Jes deux guerres
mondiales. C’est d’ailleurs, durant cette période, que le positivisme
étatique a connu son plein épanouissement.
Dans ces conditions, on nest pas surpris de constater que les
vieilles doctrines idéalistes ou du droit natuel continuent toujours a avoir
des adeptes & notre époque- Si les particuliers sont naturellement
portés a respecter Jes normes juridiques, ce n’est pas parce que le droit
est imposé par I’Etat ou par le corps social. C’est parce quiils sont
convaincus que ce droit est dominé par un idéal qui lui est supérieur.
Crest précisément cette idée maitresse qui se trouve a la base des
doctrines idéalistes qui admettent l’existence d’un droit naturel.
§2. LES DOCTRINES IDEALISTES OU DU DROIT NATUREL
fini comme étant un ensemble de
ar I’Etat ou la société, mais par
la nature humaine”. De ce fait,
fat tuts préctser que ls auteurs ne sot daccord sur la signification
naturel. Certains, comme Michel Villey, ont recensé une cinquantaine
194, p. 127. - Cl. Aubert, op. cit,
Mfcitions | in : Philosophie du droit, tome Tl n°
eae mcmaltnalurelen question, Paris,
Le droit naturel peut étre dé
ues juridiques imposées, non pas pi
Taison, ‘ordre naturel des choses ou
(1°25, p.25,
64, L'Harmattan, 1994, coll.L'ETUDE DU DROIT
74 INTRODUCTION A
ositif et constituent son vVéritable
ragle de droit n'est justifiée que
a un idéal supérieur dont elle
it injuste si elle est contraire
é éri droit p
ces régles sont supérieures aut
fondement. Cela revient a dire que la
dans la mesure oii elle est conforme Bs
doit étre inspirée. A l’inverse, une loi se
A certains préceptes de justice idéale.
développements a;
Js consacrent de larges a
ee amiss (OF se limitera @ retracer les grandes étapes de
Vévolution du droit naturel et 4 évoquer ensuite les conceptions modernes,
A. EvouuTion bu Drorr NATUREL
igi remiéres du droit naturel remontent a l’Antiquité,
aux pidosophes grece et plus précisément a la philosophie stoicienne.
Il était identifié a la raison qui constitue élément essentiel de la
>) nature humaine. Le droit en vigueur doit étre conforme & ces régles
| @ternelles et universelles, imposées par la raison.
Déa, au 5* siécle avant J.-C., l’idée de résistance aux lois injustes,
aux lois contraires au droit naturel, a été invoquée par l’Antigone de
Sophocle®. De plus, les philosophes grecs faisaient appel au droit
naturel pour expliquer certaines régles du droit positif. Ainsi, pour
Aristote, les lois de la Cité sur l’esclavage sont justifiées par la nature
humaine qui a fait que certains sont nés pour commander et d’autres
sont nés pour suivre leurs ordres. A la différence du droit légal qui
varie en fonction des particularités des hommes et de la société, la loi
naturelle est définie par Aristote comme étant un principe supérieut
de justice, inscrit dans la nature des choses, et qui est & la fois étemnel
et universel. Cette loi naturelle constitue le fondement, le critére dela
loi positive”. Comme on le constate, la conception développée pa"
(1) Attachant une importance oe : re 7
sina de, delentana vege sone os ur eohomnes
‘ )Stpposnt ere du droit, coll. Que sais-je? 7e édit. 1987, P
: those qui lui avait interdit d ture a
pastesLA REGLE DE DRorr
B
‘ i de celle préconisé oo
ristote differe de celle préconisée par les stoi :
jg nature des choses” et des situations ae Lobservation “
nierselle™”- emplace “la raison
De leur été, les juristes romains s‘intére ul
ur le distinguer du droit positif. Si les opinions doctrinales faa
pas toujours concordantes,on peut de de fagon générale quele dco
naturel, qui est fondé sur la raison naturelle, se définit a cette fea
comme ce quia toujours été bon et juste.
Au Moyen-Age, la notion de droit naturel sera marquée par la
doctrine de l'Eglise, représentée principalement par Saint-thomes
a’Aquin. Il propose de distinguer :
« Ja loi divine, qui se traduit dans la révélation ;
¢ dela loi naturelle qui a été imprimée par Dieu dans la nature
des Choses et dans Ja conscience de l’Homme. C’est pourquoi
Ja raison humaine est capable de saisir la vérité inscrite dans
la nature. La loi humaine doit étre conforme 4 cette loi
naturelle, en recherchant le bien commun de la société. Silen
va autrement, on se trouverait en présence d’une loi injuste®.
‘Au 17 siécle, le droit naturel a connu de nouvelles orientations.
Enl’absence d’un droit international public, certains penseurs ont fait
appel au droit naturel pour régir les rapports entre Etats. A leur avis,
les conflits entre Etats ne doivent pas étre réglés par le recours a la
force, mais par les ressources de la raison naturelle.
Alaméme époque, Grotius et ses disciples, qui ont fondé I’Ecole
du droit naturel, reviennent @ une doctrine distincte de celle de
YEglise. Tout en affirmant les idées anciennes et bien connues sur
Yexistence de régles naturelles, fondées sur la raison et qui sont
universelles et immuables, ils mettent I’accent - et c'est ce qui
(1) H. Batiffol, op. cit., p. 61.
Q) Mazeaud et Chabes, op. cit., n° 13-1, p. 31.
8) Pour aint-Thomas d’Aquin, la loi injuste ne sera désobéie que dans la mesure ot
(ay pe Sppose la fois la loi naturelle (@ Ia raison) et Ala loi divine. cs
Plus préciément :“L‘Ecole du doit ce la nature et des gens”, dénomination qui
Wvre la fois le droit naturel et le droit international.% INTRODUCTION A ETUDE DU DROIT
constitue leur originalité - sur la volonté humaine et les libertés
individuelles. Crest une étape décisive dans |’évolution deg
conceptions idéalistes : on passe du droit naturel objectif, de Vordre
naturel rationnel ou voulu pat Dieu aux droits naturels subjectifs
appartenant & individu dés la naissance”. Ces idées nouvelles
exerceront une grande influence sur la Révolution francaise et son
idéologie®.
Effectivement, la Révolution de 1789 a accordé une grande
importance au droit naturel. En ’an VIII, un premier Projet de Code
Civil a été élaboré. Das son premier article, on reléve une définition
trés explicite du droit naturel “il existe un droit universel, immuable,
source de toutes les lois positives. Il n’est que la raison naturelle, en
tant qu’elle gouverne tous les hommes”. Dans sa rédaction définitive,
le Code Napoléon de 1804 s‘est gardé de reprendre cette disposition.
Tl ne s‘agit pas pour autant d’un désaveu du droit naturel.
Apparemment, la formule a été jugée inutile 4 un double titre :
d’abord, parce que tout le Code est, de l’avis de ses rédacteurs,
conforme au droit naturel, ensuite parce que la disposition en
question est trop abstraite pour guider la pratique®.
Quoi qu’il en soit, ce texte résume les trois grands principes ou
axiomes qui dominent les doctrines idéalistes :
- Premier axiome : le droit naturel est universel et immuable. Cela
fevient a affirmer ‘existence de régles qui seraient valables pour tous
les pays et toutes les époques. On peut citer a cet égard la régle qui
on le respect de la parole donnée, régle qui se trouve
ement & la base de tous les contrats, depuis le droit romain.
}Carbonnier, op. cit,, n° 47.
‘Ghestin et Goubeaux, op: cit.,n°s 14 et 15, - Aubert, op. cit., n° 27.
etE
5
MINOT
= Deuxiéme axiome : le droj
iusti Feet Positif
qlajustice naturelle. La supérioriteé dy q Aoit toujours
fa plus nette :il constitue la “source gp tuy estafhgeentorme
is iM
n consequence, le législateur ne doit Stouteslesiois posite
contraires aU droit naturel. jamais prendre vane,
vis
« Le troisiéme axiome : découle directeme,
Jateur ne respecte pas le droit naturel von Précédent: le
. trouverait ¢
n
ce d’une loi injuste que les particuli
; er
Rive. Les partisans du droit naturel sont les ne Pas tenus de
pp eésistance A Ia loi injuste est une résistance | gin 4 soutenir que
révolutionnaires de 1789 ont consacré cette régle Hae Du reste, les
droits de I'Homme et du Citoyen et, quelques a la Déclaration
la Constitution de 1793. Selon ces textes, la ee plus tard,
injuste est le plus sacré des droits et le plus indispensable sae _
: A oh eee hore irs,
Pa Sis pratiquement @ institutionnaliser linsurrection et
Tous ces principes sur lesquels reposent les théories du droit
naturel ont été vivement critiqués :
- Peut-on parler sérieusement de droit universel et immuable
lorsque les droits positifs des différents Etats présentent une trés
grande diversité @ Ia fois dans l'espace et dans le temps ?
Déja, au 17*siécle, Pascal, dans une formule imagée, avait mis en
relief Je caractére relatif et contingent de l’'idée méme de justice :
“Plaisante justice qu’une riviére borne : vérité en dega des Pyrénées,
erreur au-dela... Un degré d’élévation au ple renverse toute la
au 19 siécle,
ce”. La méme observation sera développée,
jurispruden
par/'Ecole historique, fondée par le juriste allemand Savigny.
Ce courant doctrinal a eu le mérite de dégager les divergences qui
marquent les droits appliqués par les Etats, a la fois dans l’espace et
dans le temps,
* Les divergences dans I’espace tiennent au
Tefléte lame nationale et traduit les besoins et les
chaque peuple. C’est d’ailleurs pour cette raison que
fait que le droit
aspirations de
les partisans de8 INTRODUCTION A L'ETUDE DU DROIT
YEcole historique considérent que la principe du droit est
constituée, non pas par Ja loi, mais par laco
« Les divergences dans le temps sont cerns Sil
est vrai que les lois ee Cae : aoe pot et ae =
ii tinuité, elles i les,
veceng tele plus caractéristique est peut-étre celui he hn proprit
i siidvalle ‘Au début du 19 siécle, le droit de propri fait défini
wre état un droit naturel “inviolable et sacré”. ae époque,
a constate qu'il a subi de sérieuses limitations, quand il n’a pas été
tonfiné dans un domaine trés restreint. De facon générale, on peut
avancer que le besoin de réforme se fera nécessairement sentir chaque
fois qu’un pays subit des transformations sociales ou économiques,
La meilleure illustration n’est-elle pas donnée par les mutations
radicales que les pays de l'Est ont connues récemment ?
- Le deuxigme axiome des doctrines idéalistes a été également
contesté. D’un point de vue purement théorique, on peut admettre
que le droit positif doit étre conforme a la justice naturelle. Mais, en
pratique, existe-t-il des procédés susceptibles d’obliger le législateur
a respecter le droit naturel ? Evidemment, le probléme ne se pose
méme pas dans le cadre des régimes totalitaires. Dans de nombreux
régimes démocratiques, I’élaboration des lois n’est pas subordonnée
au contréle d’un organisme supérieur. Ailleurs, l’action du Parlement
est plus ou moins largement soumise au contréle d’une Cour
Supréme ou d’une Cour Constitutionnelle. Seulement, dans pareils
cas, il ne s‘agit pas de vérifier la conformité de la loi avec le droit
naturel, mais de faire déclarer une loi contraire a la Constitution oua
Yun des principes constitutionnels®,
~ Cest certainement le troisiéme axiome qui parait le plus
testable. La résistance aux lois injustes risque d'etre source de
danarchie. D’autant plus que l'appréciation du caractéte
: traire au dro aboutir a des vues4
79
UAREGLE De DRort
lly a 1A une remise en cause
A seri
droit naturel. Pourtant, depuis la finde ee Vieilles théor
certains idéalistes résolus s‘étaient ae oe le & nos ine
le les raj ™
géveloppant de nouvelles conceptions, ajeunir, en
. Les CONCEPTIONS Mopernes bu Dror Nature,
A la fin du 19% siécle, un philoso
relance le débat en proposant Tidee in ata Stamey,
ariable”. Il sagit d’un systéme nouveau qui se résume a ee
justice, Vaspiration a la justice. A l'exception de cette ree an
ermanente, le contenu du droit naturel varie en fenctiane aaa
vilisation. Comme on le constate, il n’est plus question ff i
universelles et immuables. ee
La théorie de Stammler a soulevé et continue de soulever d
les objections. On lui a reproché de n‘avoir pas donné in
concret 4 son idée de justice. Sa définition du droit naturel a
contenu variable est représentée par une image humoristique. “..
une bouteille vide décorée d’une belle étiquette”. Certains inioen:
contemporains, comme Roubier, sont allés jusqu’A soutenir que la
doctrine de Stammler sur “le droit juste”, constitué par l’idéal social,
est tout simplement la consécration d’une idée morale : “La doctrine
de cet auteur est donc directement contraire a I’inspiration générale
du systéme du droit naturel, envisagé comme une ceuvre
rationnelle...””.
Malgré ces nouvelles cri
depuis le début du 20° siécle,
autre.
multip!
contenu
tiques, I'idéalisme juridique a continué,
Ase manifester sous une forme ou une
is, le doyen Gény,
icipes généraux”. pt
Cest ainsi que, selon un grand juriste francai
par toutes les
le domaine du droit naturel se réduit @ quelques prin
sfagit de ces régles admises 4 toutes les époques et
des doctrines juridiques et philosophic des
(l)Roubier : Théorie générale du droit : histoire
aleurs ‘sociales, 1951, n° 16. -
wn Ailey: Frees Gry ea renisane du droit naturel, Arch. phil. du droit, 1963,
, p. 197.80 INTRODUCTION A L’ETUDE DU DROIT
civilisations, comme ‘obligation de ne faire de tort a Personne,
Yobligation d’attribuer a chacun ce qui lui revient, la i
le respect de la parole donnée. De plus en
partisans du droit naturel mettent Vaccent
personnalité humaine et la protection des dr
définis comme des droits subjectifs naturels”
A la lumiére de ces dévelop
positivistes et idéalites, il convient
du fondement de la régle juri