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I 05C991
I
DE
ÉL
PHILOSOPHIE DE ES R T
COLLECTION DIRIGÉE PAR L. LAVELLE El' Ro SENNE
MAURICE
I I
AUBIER
ÉDITIONS MONTAIGNE, 13, QUA! CONT!, PARUl
Copyright 1953 by Éditions Montaigne
Droits de reproduction interdits pour tous pays.
AVANT-PROPOS
3) se subordonne a la constance
de la valeur, .- l'éternité que la conscience
fidele aUribue a la valeur ave e la continuité doit
vouloir pour elle-meme. Il en résulte une constatation
curieuse : e'est que la fidélité se subordonne a la valeur
de son objet, cet objet serait-il la valeur de la fidélité
meme, qui semble eréée par elle.
a) Contraste entre la situation chrol101ogique de l' acte
fid¿Ze et ¡'étemisme de sa visée axiologique. - En effet,
nOUE l'avons déja noté, la conscience ne peut jamais
unifier completement la double représentation qu'eUe a
du temps de la fidélité : par un aspect, la fidélité s'insinue
dans un temps qui la précede; par un autre, elle veut
ramasser dans sa décision le temps qui suivra sa décision.
Mais, disions-nous, qu'elle s'enveloppe dan s le temps
ou qu'elle essaie de l'envelopper, elle a besoin du temps :
aussi la perpétuité qu'elle souhaite ne peut-elle cOIncider
avec une éternité don! elle se sait exclue et elle l' avoue
par le dédoublement de sa relation au temps. Au
contraire, la valeur qu'elle prend pour objet est consi-
dérée par la conseience eomme une regle universellement
valable qui traverse tou! l'ordre du temps et le domine
absolument: elle appartient a un domaine éternel
et s'irradie dans l'entiere perpétuité des siecles. La
conscience juge que la valeur la précede, l'accompagne
et la suit et que le temps meme est totalement suspendu
a la valeur. Serait-elle inappUcable, utopique et uchro-
nique, la valeur a une dignité a laquen~ la conscience
se heurte partout et toujours.
b) Ceci reste vrai de la valeur de la fidélité, qui semble
procéder chronologiquement de l'acte fidele, mais qui
a un est
et constante aux moments ou l'on sait
qu'on ne peut l'atteindre et l'incarner. Elle es! voulue
« a Jamais » eHe est voulue el dans ce voeu iI y a
l'affirmation d'un droít Iui est
reconnu.
e) Et cecí resterait encore vrai dans la visée des contre-
valeurs qui exprime une révolte contre les valeurs trans-
cendantes et étemelles. eeHe nécessité psychologique
confirme la remarque que nous avons déja faite en faveur
d'un appel mystérieux de la transcendance jusque dans
les contre-valeurs les plus odieuses; ear eHes rendent
fatalement hommage 11 la transcendanee, serait-ce en la
niant ou en la retournant.
4. - FIDÉLITÉ ET PRATIQUE.
ou se satisfaire mainüen
d'un contacto on d'une vicinité
spatiale n' est pas la
physiquement a coté de des années
et lui etre mentalement infidele ou indifférenL La fidélité
veu! certes, en beaucoup de cas, une géogra-
mais iI est cas 011 elle exige l'éloigne-
ment : « Si tu m'aimes, quitte-moi... ))
En est-il de meme du rapport de la fidélité avec le
temps? Oui, en ce sens que le voeu de ne
s'enclore dans un instan! ni meme dans le maintien
et la répétition - d'ailleurs chimériques - de cet instan!
en tant que te!. Mais nous sentons tout de suite qu'il y a
une affinité plus entiere entre la fidélité et le (par
exemple par le souvenir) qu'entre la fidélité el la pré-
sen ce spatiale. n en résulte meme une situabon si
complexe et importante que nous aurons a lui consacrer
un chapitre spécial dans le cours de cette étude l.
4) Le rapport de la jldélité avec la valeur n' est pas
toujours l'éductible 11 un rapport d'imitation. En effet,
l'imitation de la valeur par le sujet est a tout le moins
rendue indirecte et médiate par le !ait que certaines
fidélités vont a des contre-valeurs : le sujet peut inverser
le jeu normal de la valeur et se servir d'elle pour créer
une contre-valeur. Ainsi y a-t-il des haines tenaces,
des fidélités hostiles dans lesquelles on maintient une
valeur face a soi pour pouvoir la combattre ou la déjester.
En ce cas, on intercale entre la valeur et l'ac!e une
nouvelle valeur, ceHe de l/a révolte contre la premierc.
Ce qu'on aime, ce qu'on imite, c'est la révolte, ce n'est
pas du tout la valeur de fond qu'on repousse et main-
tient a la fois. Ceci explique que le diable soit fidele a
extérieure au
Celui-ci valeur
maniere aura
un don mais
valeur stimulera au
donne a eHe. Tel est
ave e le monde des
valeurs et e' est peut-etre aussi le essentiel cal' il
révele la transcendanee de la valeur.
6) Ce don suppose que la valeur est liée a l' étre. Au
le sujet traite la valeur comme un etre vivant avec
lequel i1 peut entrer en . mais iI ne
d'elle ou la résorber pour la mieux honorer,
cal' ce serait le sur moyen de la tuer et de la fail'e
disparaltre. La visée possessive n'a meme pas de sens en
la cireonstanee, puisque le vraí que nous avons
.avee la en définitive, l'offraude de notre
aetivitB. Si la valeur est alors traitée oomme un
n'est-ce pas la preuve s'adosse fatalement a un
eíre?
La valeur morale nous a paru direetement imi-
table, mais e'esí qu'elIe des sine notre etre idéal. Elle est
au fond moi-meme en taní que je suis le porteur virtuel
d'une eonduite. Comme j'aperQois la valeur per meme-
tipsum ou sub specie meiipsius, je ne songe pas spéeia-
Jement a face a moL Ma tentation serait
plutOt de l'enfoncer en moí, de lui conférer une imma-
nence telle que je croirais - faussement - pouvoir
l'expliquer sans résidu par l'autonomie de ma monade.
Au contraire, les acUres valeurs, esthétiques ou logi-
ques, se détachent davantage de moi et se posent sur
d'autres etres que moÍ : quand on objective ainsi le culte
rendu par fidélité, on parle d'une « cause» et d'un
« loyalisme a cette cause », formules qui peuvent certes
20 RÉFLEXIONS SUR LA FmÉLlTÉ
croirait-on : je
bas age, a un malade dans le
coma, a un vieillard inconscienL.. On en trouverait
d'autres soldat inconnu
pour son chef ou la d'un amour malheu-
reme CeUe forme de fidélité est la émouvante parce
et est a elle-meme sa
6, FmÉuTÉ ET A~,IOUR,
Pour
dans les
personnes était synonyme d'amour des personncs, Mais
si cette affirmation est vraie en son principe, il faut se
garder de la durór et de méconnaltre les concurrences,
les haines le cireuit et les
développements de la fidélité, n est possible en effeí de
rechercher la présence d'un parten aire pour lutter contre
lui et y a-t-il dans l'amour humain
quelque survivance de combat ou de compétition, Au
fond des amitiés inséparables, il y a une inimitié
compensée qui est comme l'un des moteurs de l'amitié
meme; elle sert a son renouveau, Iui épargne l'ennui et
la stagnation, et permet a la fidélité aimante d'etre une
vertu,
Ayant a déterminer la structure de la fidélité, nous
nous en étions tenu a une forme vide qui doit convenir
aussi bien au phénomene des « chers ennemis)), de
« l'inimitié héréditaire)), - qu'a celui eles « amitiés a
toute épreuve )), Pourtant, on nous accorelera sans eloute
sans eliscussion, d'une part, que la fidélité n'est jamais
en fait un genre sans especes el, de l'autre, qu'elle
s'exprime au mieux dans un amour directement inter-
personneL C'est la qu'elle nalt et s'épanouit le plus
volontiers, Et ses termes concrets influent sur sa structure.
Isoler entierement la forme et le contenu de la fidélité
serait bien artificiel. Commode pour l'analyse, la des-
cripLion formelle est trop abslraite et nous devons clore
ce chapitre préliminaire en reconnaissant id le point de
suture de la phénoménologie de la fidélité a vec sa philo-
sophie, .
ÉLÉMENTS FORMELS DE LA FIDÉUTÉ
7. - CONCLUSION DU CHA1'ITRE.
L'ENGAGEMENT
de naissance absolue :
mOll'lent d 'une
le rattache [{ tout le
que dans l'instant il rencontre encore cet
llnive1's qui, tout entier, le provoque a agir sur un
de l'espace. Par cet aspect, l'aventure du vivant est au
fond d'l'l1 drame le
vivant mais trouve en luí son expression.
elle se le
chose
d'extérieur et
se réalise dan s l'engagement subjectif est un consen·
tement heureux en son principe, une cOlncidence avec
Boí dan s la posítion de soi.
ou méme
avec l'attachement au « soi »
le SOl, cal' en toute hypothese on ne pourrait dire le moi
d'un animal); cal' le soí est quelque chose de biologi-
quement plus compliqué et plus spécialisé que l' etre
vivant . e'est une réalité suppose des
senlat.ions différentes et quasi réflexives. Le vivant infé-
rieur est simplement traversé par les ímpératifs d 'une
espece qui le dépasse et luí commande paríois sa suppl'es-
sion (peul-etre méme sans aucune utilité, comme la
phalene qui se jeUe dans la flamme); H abandonne ou
prend sa forme avec la meme mystérieuse facilité; a vrai
dire, i1 existe a peine et son engagement objectif fait
a peine éclore un engagement subjectif : il n'est que la
respiration passagere de la vie, son lieu de passage sans
résistance et sans lendemain. Au contraire, l' animal
supérieur a une image de lui-meme et un aUachement
a sa particularité en tant qu'il est cet animal ci et non
pas seulement un exemplaire de l'espece. C'est alors et
alors seulement qu'il peut etre fidele a son étl'e et aux
valeurs de cel etl'e.
n faut se gardel' de tombel' dans une psychologie
anthropomorphique et romantique meme en ce qui
concerne les animaux tels que les chimpanzés, les
éléphants, etc ... Quant aux animaux domestiques et au
plus mystérieux de tous, le chien, il faut commencer
par remarquer qu'ils imitent l'homme et ne seraient
pas ce qu'ils sont sans lui. Mais, apres toutes ces l'éserves,
comment ne pas relenir cel'taines observations dignes
de foi? Ce qu'on a écrit de plus étl'ange sur « !'a.me des
beies)) est peut-étre un témoignage qu'a repl'oduit
Spencer sur la sensibilité de certains chiens aux valeurs
morales. L'animal qui faít l'objet de cette observation
r,'ENGAGEl\1ENT BIOLOGIQUE 33
de avait
conscience d'une sorte de
Ínférieurs a ltlÍ-meme. n n'ét'\it pas
ment d'un devoir utilitaire, comme c'est si souvent
cas chez les animaux domestiques, mais par le
désintéressé de vies étrangeres a la sienne : ainsi s mter-
disait-il de mordre, meme pour se défendre cOlltre
d'autres chiens, et bien qu'il ne fút pas capon 1.
b) Des réflexions analogues sont a faire sur la jidélité
a « autrui» chez les animaux. Il ne faut pourtant pas
s'imaginer que des qu'il y a société animale il y a fata-
]ement un attachement interindividuel. Celuí-ci n'est
possible qu'i't un niveau élevé de l'écheUe et ne se ren-
contre, en somme, qu'assez sporadi0""~
Pour éclairer et situer le probleme, voyons par
exemple ce que dit Fr. Picard dans son étude sur les
Phénomenes sociaux chez les animaux 2. n propose
d'abord quelques distinctions. La foule est un rassem-
blement ou les animaux sont différents les uns des
t autres et rapprochés par les ressources d'un meme milieu
( (par exemple, les différents insectes d'une prairie);
l'association suppose au contraire interattraction des
~ participants (ainsi, au degré le plus simple, le rassem-
blement des coccinelles; au-dessus, les groupements
roordonnés et synchronisés : criquets migrateurs, cer-
tains oiseaux s'envoIent ou s'abattent tous a la fois);
la société proprement dite ou peuplade suppose en outre
une subordination a des individus conducteurs et une
I. T. IV, 4-24-6.
L'ENGAGEMENT BIOLOGIQUE
les
éca- lo Le langage intellectuel, en particulier, est inaccessible
aux betes. Les dernieres découvertes de F. von Fritsch ont révélé
'rige
qu 'une abeille indique a ses compagnes par des danses appro-
l du
priées la distance et la direction des fleurs a butiner. Mais cet
admirable code de signaux, qui suppose comme le langage une
nent société, n'est pas un langage: fixe en son contenu, iI se
rapporte a une seule situation et se transmet unilatéralement.
Voír E. BENVENISTE, Communication animale et langage
humain, dan s Diogene, novembre 1952, pp. ¡-8.
40 nÉFLEXIONS srn LA FIDÉLITÉ
le
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CHAPITRE m
DE LA FIDÉUTÉ ANIMALE
A L'ENG,A9EMENT PERSONNEL
:ER 2. 11, N'y A PAlO NON PLUS DE FWÉLITÉ PERSONNELLE SANS UNE
INCARNATWN POSSIBLE DES VALEURS ULTIMES DONT L'ANI-
MAL EST FINALEMENT INCAPAIlLE.
ser
est Nous avons parléprécédemment d'une sensibilité
me biologique aux valeurs" n iallait entendre surtout par la
en des valeurs de plaisir ou d'intéret : tene nourriture, lelle
,on iníensité optima de chaleur, etc. L'animal e8t, en outre,
:Ile aUaché a un certain luxe qualitatif dont on ne voit pas
so- bien l'utilité et qui lui est pourtant cher : tel plumage,
me tel site, etc. n
semble mettre son plaisir dans la recherche
[ue d'un style de vie qui lui parait préférable pour lui-meme.
res Les fabIes de La Fontaine nous fourniraient, sous forme
re. sans doule romancée, les zones d'insertion qui semblent
est convenir a certaines valeurs dans le monde animal:
au e'est au !ion qu'elles attribuent la fierté ou la magnani-
1re mité, au loup l'indépendance, etc... Ces valeurs non
on utilitaires semblent se rapporter a une activité de jeu
fue est commeune ébauche de la liberté; et elles semblent
s'ordonner tout autour d'une valeur supérieure qui,
:He selon la pénétrante remarque de Scheler, seraÍt la
lar « noblesse » (Nietzsche dirait peut-etre la volonté de puis-
mí sance et saint Jean la superbia v itce , pour autant que ces
RÉFLEXIONS SUR LA FIDÉUTÉ
n du est c'est
engag er }'avenir el que l'avenir nou~
31
18
mais radicalement encore, paree que c'est
18
de tout soi-meme avec un aspect de Boí-meme. Le moí
le idéal se construit est par a distance du
15
moi a été réalisé; il est en outre un
ir essai tatonnant pou!" trouver la vocation ou valeur la
te
nous est donnée. C'est une mimésis;
nous sommes comme un qui ne peut voir le·
.n modele essayant de le reproduire : condition pleine
le d'essais et inhérente a toute vie morale. L'enga-
t. personnel est a priori; c'est toujours plus ou
lu moins comme si on signait un cheque san8 savoir s'il
U'
y a encore une provision.
iI L'action mOl'ale est une aventure; elle serait meme une
st folie s'il avait pas en elle la foi que nous aurons
oi toujours de quoi atteindre natre perfection, c' est-a-dire
'il notre meilleur moi, bien qu'il semble reculer sans cesse.
Nous devons croire en lui sans l' étreindre, etre fidele
te a la patrie dans l'exil perpétuel. Nous devons croire en
le second lieu que si le moi de valeur n'est pas une illusion
ni en soi, il n'est. pas non plus fatalement une utopie
e. dans les images melées et fragmentaires que nous nous
:le en faisons; croire enfin que nous obtiendrons la force
le d'aller vers lui davantage, en recevant la grace des
e- moyens et non seulement la lumiere du but. Tout ce
o.e
faisceau de croyances est rationnel ou plutOt raisonnable;
mais c'est la rationalité compatible avec l'état d'un etre
:té est « embarqué)) et qui n' est « ni ange ni bete )).
tt, Non pas la rationalité d'une universelle déduction qui
de supprimerait la foi; mais la rationalité de la foi en
nous-meme imposée par la réflexion sur l'état Ol! nous
sommes et dont nous ne pouvons moralement ni meme
physiquement réussir a nous évader. L'engagement sub-
4
50 RÉFLEXIONS SUR FmÉUTÉ
l'homme ni la
se croirait
ne sont pou!' autant. n est meme
que nous ne puissions pas échapper totalement sur
terre au spectre mcnayant de la perdition, mais il ne peul
non plus nous paralyser totalement. Eire c'est
avolr une chance de salut et dans ceUe chance il y a
la foi que nous pouvons toujours nous élever OH etre
élevés vers la valeur.
Appuyée sur ceUe double foi, la fidélité de la promesse
consistera dans une décision est de maintenir la
décision présente en faveur de la valeur du moí. L'imma-
nence de la décision a la décision équivaut id a une exi-
gence de perpétuité. Dans le choix meme, il y a done
encore une volonté qui dépasse totalement l'instantané.
Si la liberté s'expliquait dans l'instant et n'avait besoin
que de lui, elle serait capriee et infidélité. Ce qui en faH
une liberté véritable, e'est donc qu'elle veut une perma-
nenee. AHons plus loín : la loi que veut le choix et
poursuit obseurément, c'est la suppression du choix ou du
moins d'une certaine forme de ehoix. Je m'engage envers
mon idéal, je lui dorme ma liberté, veut dire : je cherehe
par mon libre ehoix a faire montre d'une liberté qui ne
comportera plus de dMaillance; je veux une liberté
bonne qui grandit du coté de sa transcendance et ne peut
plus la quitter. Je ne me choi8is pas pour avoir a
choisir encore de la meme maniere entre l'exil et la patrie,
mais pour n'avoir plus a le faire, paree que ma seule
tache sera d'inventer le mieux dans le bien. n ya
ainsi une liaison entre la fidélité et la liberté; l'une ne
peut se passer de l' autre et c' est ee qui donne a la
liberté sa forme finale qui est a l'abri des variations de
l'instant.
56 RÉFLEXIONS SUR LA FIDÉLITÉ
SR c'est d'anéantissemenL On
se voue et on s' env011te dans l' offrande il y
a en elle un instinct de la par ambivalence
est aussi un instinct de domination. Car ceUe entrée de
soi-meme dans le goutIre tout puissant est une volonté
de s 'identifier a la toute de la faire passer
soL Pacte OU le dévot et son idole
tour a tour et 1'un par l'aut1'e de
n y a une fayon de vouloi1' le moi idéal est
magique. On la reconnalt a ee que le vc:eu se fixe dans un
rite et donne lieu a un eulte fétichiste. Des 101'8, 1'expres-
8ion du vc:eu est importante que le vc:eu meme :
ce n'est plus l'esprit d'obéissance O" de bonté ou de
pauvreté, etc ... qu'on cherche, c'est un embleme ou un
symbole de ces vertus qu'on érige en absolu et dans
lesquels on se projette. En meme temps que le signe
se substitue a l'objet, le fini se substitue a l'infini et
le moi s'englouiit tout vivant dans eeHe limite; il y a,
par surcrolt, raidissement de la viséc éternelle en instan-
tanéité paralysée, comme si nous pouvions enclore notre
essence idéalc dans un moment en la vidant de toute
a l'hornme. C'est
consiste alans le
voeu a la prornesse
ment « nurnineux» de la prornesse, l'ame
le la réalité sous-tend l'action.
Ce que le voeu ainsi nous c'est que
notre liberté n'est pas alifférente de notre valeur
le moi sait se rejoindre
a une médiation inflníe. Le voeu est l'affirmation
constante de ceUe foi a la il done la
de la conscience
fidelernent a mon eesenee, je ne suís
je suis arrivé au bul en espéranee, meme si je
ne saie pas eomment et par m'est donnée.
Ce était division du moi pour la conscienee perdue
devienl dualité fonctionnelle el moyen de progres
pou!' la eonseienee Le voeu est l' aete réitéré
de la foi
mJerre ~aull!
A-¡b--"e-rt--¡I
0-\
IJacques I
VERS LA FIDÉUTÉ PERSONNELLE 63
®~n~
DE LA
deux formes:
d' une d' é/re
réalisée et contl'e les 10Ís
inexorables de C'est la
banale.
b) elle aussi elre nous rive a une
forme d' e/re irl'éalisée, tel
l'aUlOur
n'a
moins ne trouver ce contacto
Dans les deux cas, la les objets étrange1'S
a sa visée; elle meme son objeto cal' elle est une
éternité une anti.cipation fautive de l'absolu.
Les différentes passions 80nt une révolte contre l'espace
et le grace a je vrux accompli1' une
symbiose : etre toujours avec l'objet de ma passion,
pres de poul' l'aimer ou le hall' ou l'anéantil' ... mais
etre toujours lié a lui et lui a moL Le désil' absolu de
symbiose est de l' élan fidele, mais ici on
veut le satisfaire sans passer par autre chose que ce
désir meme et c'est tout le drame. Le passionné n'entend
pas consulter « l'autre)), attendre S:l grace; il
de Dieu si c'est la passion pOUi' un dieu.
Des 101's, la échoue et est meme toujours
un peu ridicule dans l'échec parce qu'elle était grande
dans son élan. de J'absolu par la vie,
c'est l'acte passionné et « violent » de la vie, l'int1'usion
en elle de l'esprit au niveau et sous la forme de déchaine-
ment vital. D'ou l'impatience, la paralysie et l'encom-
brement accompagnent la fidélité passionnelle. T
anticipation est caricature, elle prétend faire équi-
valoi1' l'émotion éternisée a une action et
nous dispenser de celle-ci par ceHe-la
ORGANISATION PSYGHOLOGIQUE DE LA FIDÉLlTÉ
,
- CARACTERE GÉNÉRAJL DE ORGl.. N"J[SATION PSYCHOLO-
GIQUE DE LA FIDÉUTÉ.
La véritable de la
donc par une autre méthode que
nelle. Elle sera un de
Non seulement il faut trouver moyen de remonter 1eurs
courants mais il faut les utiliser l'un contre
l'autre : concentration spatiale contre
concentration temporelle contre
tia1e.
n ne s'agit plus de supprimer la nécessité naturelle
et par conséquent de vouloir supprimer l'espace ou
abolir le comme ferait la passion, ce serait
incompatible avec l'existence dans ce monde et avec
l'reuvre de l'esprit dans la nature. n s'agit plutOt de
sauver l'espace et le temps, de les convertir au service
de l'esprit autant que c'est possible, soit par aména-
gement direct, soit par aménagement indirecto La fidélité
est spatiale, paree qu'elle a besoin de prouver par une
manifestation sensible son propos intime; elle est histo-
rique surtout et, pour s'affirmer, ne peut se passer du
temps. eomme le disait saint Thomas, la constance est
une victolre sur les obstades extérieurs, la persévérance
est une victoire sur le temps lui-meme. 01', ce sont
précisément les deux aspects de la fidélité qui corres-
pondent a l'espace et au temps.
4. - L'AMÉNAGEMENT DIRECT DE L'ESPACE ET DU TEMPS
A
SE FAIT PAR LA DISTRIBUTION DES TACHES.
de
dans l'élan de la clvilisation humaine une ouverture a
de un besoin obscur de totalité
inclusive tout a fait contra1re a la fermeture de la
sur un petit nombre ¿'etres privilégiés. Chacun de nous
esi invité a avoir plus d'amis que jamais, a ne pas
s 'enfermer dan s un cercle étroit de relations ... En ce sens,
le progres technique universalise la conscience.
Dans le temps, l'aménagement de la fidélité et de ses
s'accomplit aussi par une répartition des taches.
On se faH un emploi du temps, c'est-a-dire qu'on classe
les objets de fidélité d'apres leur importance et qu'on
accorde en principe aux plus importants le plus de
De telle heure a telle heure, je consacre mon
temps a mon corps, a mon esprit, a mes amis, a ma
famille, a ma profession, etc ... Chaque etre doit recevoir
la quantité et la qualité d'action qui correspondent a sa
place dans l'ensemble de mes obligations de fidélité.
Je donne beaucoup a l'un, peu a 1'autre, paree que
l' ordre de mes valeurs semble l' exiger.
« Cuique suum ... )) Les etres que j'aime vraiment, je
trouverai toujours le temps de leur consacrer du temps.
S'excuser d'avoi1' tardé a répondre a une leUre ou
d'avoir négligé de faire une visite, n'est-ce pas di re
équivalemment a aut1'ui: vous n'etes pas pour moi
l'essentieI, vous venez seulement en seconde ou en troi-
sieme u1'gence... Aussi, les excuses sont-elles 1'essenties
comme de mauvais prétextes par les proches pa1'ents et
les amis intimes. Les amoureux y discernent meme ave e
angoisse le signe avant-coureu1' d'nne désaffection. Un
test théoriquement simple serait le suivant : si quelqu'un
savalt qu'il a seulement une minute de vie, a qui et a
quoi penserait-ilP Henri IV répondait que son avant-
derniere pensée irait a sa maltresse et sa de1'niere a Dieu.
RÉFLEXIONS SUR LA FIDÉUTÉ
la fois l!1at6rieHc du
récurrcncc du sentiment dc flue
ce cadeau une bolte de
choco1ats , c'est par suite
inventer un sur une analogie : la
du cacleau est expressive de qualilés ou de nuances
clan s la fidélité de le des
codifié en certains cas, p. ex. dans le
; mais ce est le plus curieux dans celte
c'cst que je mets ma présence dans le cadeau,
une présence dé tachable, expédiée par la poste et
est moi encore. J'ai expédié le chocolat par la poste:
je suis un bon fils, un bon parrain. un bon ami. J'ai
fai t mon devoir.
c) Im'enlion de purs symboles. Dans cette catégo1'ie-
limite, nous pouvons placer les offrandes inutBes, les
cadeaux délestés de toute matérialité : protestations ver-
bales, vc:eux de nouvel an ou de fetc. De nouveau, c'est
vers un systeme que tend a évolue1' la série des manifes-
tations de ce genre. Nous constatons comme tout a
l'heure la tendance institutionnelle et rituelle des expres-
sions de la fidélité, qui forment un monde a part, avec
Jeur rythme propre. Ce monde est fait des maquettes que
nos gestes réels ne peuvent exécute1'. Je ne peux vivre
effectivement ponr vous, ou meme tout simplement aller
vous dire honjour. Mais voici ma Christmas card : elle
ost le sacrement de ma présence; elle atteste que je pen-
serais toujours a vous si je le pouvais; puisqu'elle couvre
toute la distan ce de temps qui s'étend d'un Noel a
1'aut1'e, elle atteste meme que d'uIIe certaine maniere
je pense toujours a vous, en elle et grace a elle, puis-
qu'elle demeure.
Un symbolisme de ce genre est encore plus frappant
dans le cierge qui brtde ou la veilleuse allumée devant
RÉFLEXIONS SUR LA FWÉLITÉ
surLout
pou!' un dévouement
sacrifice de la vie le
le médecin) ou enl,raluanl une de
confidence totale (le directeur de conscience, l' éduca-
teur). Bref, i1 y a tentative : a) de multiplier les
b) de lem Iais:sel' il. un caractere Lotal
a sa maniere, cal' le heurl de ce," totalités est rendu
impossible par une convention initiale. Des conflit
se on le conjure par la création d'un spécial.
Le glis§ement le plus curieux est celui de l'amour a
l'amitié. La femme honnete qui éconduit un amoureux
paree qu'elle ne peut ou ne veut l'aimer, luí dit assez
souvent et parfois avec sincérité : « Nous serons amis,
profondément amis, mais ... ». Dans cet exemple, nous
voyons meme que la fidélité (et la réciprocíté) essaient
de subsíster le plus longtemps possible ~mtre humains,
le plan de J'un s'adaptant il. un plan différent de l'autre
de fayon a éviter la rupture et a garder tout de meme
une transparence totale, une sorte de don plénier des
consciences. Ce trait (meme s'il désespere ou irrite
l'amoureux éconduít) est en soí touchanl. La conscience,
par ces procédés, tend a aimer beaucoup d' etres,a leur
faire a chacun une place centrale, sans tomber dans
des situations impossibles a maintenir. Elle évite l'erreur
de Don Juan, guí ne résout pas le probleme, puisqu'il
est vi te encombré et doít lacher ses conquetes précé-
dentes, les forces humaines ayant des limites.
Nous constatons, en bref, l'ingéniosité avec laquelle
la distinclion des plans de fidélité essaie de résoudre le
probleme de l'amour universel. n y a toujours moyen
d'ajouter une catégorie nouvelle ponr accueillir sans
saturation de nouveaux attachement~. Les pauvres, les
ORGANISAnON PSYCHOLOGI(jUE 79
etc.
geure et sans
des éléments en cause.
A de ce moment, est
mentaL Le « )) de fidélité est une création pure de
l'esp1'it, ir n'a pas cette base sensible quí était encore
nécessai1'e a l'invention du cadeau, par exemple, au
moins lorsque le cadeau n'était pas devenu pu1'ement
rituel ou symbolique. Le chateau intérieur la fidélité
devient des 101's aérien : iI est exposé a un danger grave,
de ne consister un édifice de mots. L~
salsme guette les sentiments qui s'aflinent. 11 est la
tentation de la vie spirituelle.
*
**
'Ious ces procédés ou subterfuges expérimentaux d~ la
nature prouvent que l'etre humain ne peut exécuter son
vam de fidélité avec les seuIes ressources de son ingénio-
si té privée. n n'e8t sans doute pas besoin d'une 10ngue
démonstration pour conclure : l' organisation psycholo-
gique ne suffit pas a assurer le développement intégral de
la fidéliié. L'individu doit chercher un secours contre
lui-meme; il lui manque un garde-fou contre ses défail-
lances et meme ceHes-ci ne sont-e11e8 souvent ni évita-
bIes, ni coupables. C'est pourquoi il essaiera de trouver
un appui au dehors el spécialement un soutien social.
n proférera sa promesse, il la soumettra a l'analyse,
au controle et aux sanctions de ses semblables. Il se fera
des auxiliaires sociaux non seulement pour exprimer sa
fidélité, mais pour la consolider et la fixer dans une
structure quasi matérielle.
CHAPlTRE V
l. - ANATOMIE DU CONTRAT.
distinguer
a) Des contrats onéreux et bilatéraux (synallagmati-
ques), qui se subdivisent eux-memes en contrats nommés
(vente, louag'e) et innommés (d'une des quatre classes :
do ut do ut facias, facio ut des, ut
facias) .
b) Des contrats gratuits et unilatéraux (promesse,
donation).
Cela dit, on remar quera les points suivants :
l° Tout contrat suppose deux consciences ou deux
gl'oupes de conscience qui s'unissent 1. A cet égard, il est
certainement disposé a servir l'engagement moral,
puisque la valorisation du moi est lié e si souvent, comme
nous l'avons vu, a une réciprocité eles consciences. Le
contrat implique une complémentarité eles personnes et
une libre initiative qui reconnalt ce He complémentarité,
JI appartient done bien a la volonté de rendre plus large
el plus durable la fidélité ele chacun.
2° Mais tout contrat est un moyen. Il est tres impor-
tant de constater qu'il est tout entier dans la zone des
moyens et jamais dans celle des fins. n ne peut donc
exprimer tout l' ordre ele la fielélité et il peut etre utilisé
en eles sens moralement opposés.
3° C'est elire 11 peu pres la meme ch0se que d'affirmer
son caractere conditionnel. n 1'est en ele multiples sens :
el'abord parce qu'il est souvent temporaire : apres l'exé-
cution des clauses, iI se détruit; ensuite, paree que les
obligations des clauses s'enchalnent (surtout dans le
contrat bilatéral d'acheteur et de vendeur : je paie a la
livraison de la trente
d'avance ... 8elon
paree
eas
4° C'est un iransfel't d'avoir. Toujours il y a un objet
a transférer dans un eontrat: quelque ehose qui se
délaehe des vouloirs et est face a eux comme un fait
de nature, ne serait-ee que paree faut objeetiver
le don de soj dans une parole ou un aspect limité. de
soi -meme ex. dans une promesse de mariag'e).
Ce n'esl pas fatalement un échange d'avoirs récipro-
ques (nous l'avons dit en eommenyant) ni un troe (dans
la vente avee prix, il y a référenee a une tieree ehose, le
prix affieiel, la monnaie ... ). La variété des contrats est
innombrable an moins dans son contenu puisqu'elJe peut
recouvrir tant d'objets naturels. Mais il y a dans la forme
quelque chose de eommun, qui est un avoir el son
transferí, plulot qU'Ull etre pur; une ehose et non un
geste purement personnel.
5° Le eonlrat se faít avec gage. Ce n'esl pas seulement
son contenu qui e8t une chose ou comporte une chose;
c'est encore le gage qui s'élablit a eoté de la personne,
meme 8'i1 en procede. Au minimum, ce gage, e'est ma
paroJe dans le eontrat privé (( Vous avez ma parole ... ))).
Plus généralement, e'est :
a) Tantot un acompte;
b) TalltOt un enjeu Ol! une quoLe-part d'enjeu (dans
les eontrats aléatoires : jeu, assuranee, rente víagere);
e) TanLot une eompensatíon pour le eas de défaillanee
(gage en vue de (( saisie )), Mont-de-Piété).
Dans tous les eas, le gage exprime symboliquement
mon vouloir - e'est-a-dire l'avenir dans le présent. Mais
rnon vouJoir, sinon mon aele extérieur a venir, ne peut
jamais s'exprimer dans le gage que de fayon imparfaite ;
AUXILIAIRES SOCIAUX DE LA VOLONTÉ FIDELE
l'autre. et a mesure de ce
-<J\U fUf le contrat
n se d 'un statut ct jI contribue 11 en
un autre sera ou devralt etre libé-
rateur el plus civilisé 1.
2° Incapacité pou/' le contl'at d' égalel' le voeu de la
fi.délilé morale.
Sans cloute l' engagement moral el le contrat sont-ils
en affinité, cal' : a) un contrat immoral est nul (p. ex.
esclavage); b) le contra! et l'engagement moral ont en
commun de résulter d'une initiative, d'ajouler quelque
chose de neuf et de surérogatoire par rapport a un ordre
d'abord donné ou imposé; c) tous deux sont des déci-
sions canalisées. On s'engage dans une route. Choisir,
c'esl sacrifier; d) ils ont en commun d'etre des actes de
liberté qui semblent supprimer la liberté, la dépasser en
l'orientant vers un état; e) ils font naltre une obligation,
fine du vouloir. Cette obligation a un début, eHe procede
de la volonté, c'es! un devoir postérieur a elle.
Mais le contrat ne dépasse pas l'avoir et n'exprime pas
l'etre du moi qui s'engage. L'effort pour transvaser l'acte
dan s l'opération extérieure, l'agent dans le droit, la
personne dans les choses, ne peut completement réussir.
Malgré sa ductilité morale, le contrat a lIne forme étroite;
iI suppose une priorité de l'avoir sur l'etre, de l'obliga-
tion littérale sur l'aspiration spirituelle, de la fidélité
closc sur la fidélité créatrice et de l'intéret sur le don
inconditionnel a la valeur moraIe. Si le contrat arrete
le moi moral, iI le tue : l'identité personnelle qu'il peut
favoriser (( Je suis l'homme qui exécute ses contrats,
je suis le le subordonné
caricature de
résulterait d'une fidélité a
la vocation totale. On pourrait certes distinguer les degrés
suivants : - je suis l'homme qui ai exécuté mes
contrats, - qui exécute mes contrats, - qui suis disposé
a exécuter mes contraigo Mais bien que (( l'homme
contractuel » ait une attitude plus onverte 8'il se donne
un avenir, toujours il est l'homme qui ne se reconnalt
fidele que dans la mesure 011 il e3t contractuel, c'est
dire au fond qu'il n'estpas vraiment et spontanément
fidele. A cet égard, le contrat est l'inverse de la fidélité,
il apparalt dans la mesure 011 elle disparalt.
Est-ce a dire que la valeur morale du contrat se vol a-
tiliseP Non pas, cal' c'est anssi un auxiliaire et une
expression de la fidélité intérieure. lVIais l' ordre contrac-
tuel est un simple auxiliail'e de l'ordre moral. n maté.
rialise j'acte et par la donne consistance a l'intention.
Nous nous déléguons dans une parole, nous devenons
des gens sur qui on peut compter. Etre « reliable » juri-
diquement, comme disent les Anglais, c'esl tout de meme
s'entralner a l'etre moralement: vérité absolument
méconnue aujourd'hui.
Devan t la précari té et les an tinomies de l' ordre
contractuel, nous prenons conscience d'une part du
caractere partiel de cet ordre et d'autre part de l'esprit
de fidélité morale qui doit l'animer. En fait, on ne peut
sauver le droiL que par une exhorlation morale a « la
fidélité contractuelle chez le débiteur », avec «( souplesse
constitutionnelle chez le créancier )) l.
Dire que le veritable salut du droit, c'est la force
de la contrainte n'est pas exact; cal' on tourne le code
a17ec
une nécessi té
des métiers, constances morales d'un
groupe, etc ... ) procede d'un esprit; elle le maintient
certes aussi, mais jamais au point d'etre a des
dislocations possibles.
édifier tont l'ordre moral sur la
notion d'alliance, comme le fait paríois Roussean, on
oublie ce qui 171ent d'etre dit. Ou bien alors comme pour
A. Neher dans son li17re sur Amos, iI s'agit d'une Berith
Ol! l'alliance est 17éhicuIe d'une transcendance : l'un des
deux contractants est Dieu lui-meme; c'est lui qui crée
Israe.l et lui donne sa 17ocation 1. Nous sommes aussilót
dan s une tout autre perspective que ceUe de la juridiction
humaine, cal' le rapport n' est plus juridique ni inter-
humain. Nous sommes au terme éthico-religieux de la
fidélité.
Si Israel n'~tait ici, de fa¡;on saisissante, le peuple qui
révele aux autres peuples le secret religieux de leur
condition, serait-il sage de faire des contrats pour etre
fidele? Oui sans doute, mais dans une mesure tres
réduite ; iI faudrait ne s'engag·er gu'a court terme et
pour des objets a la fois tres stables el peu essentiels.
Sinon, nous risquerions trop souvent de nous exposer
a des intempéries que nous sommes trop faibles pour
braver impunément. La sagesse sans transcendance nous
conseillerait ce qui fut en somme l'attitude d'Epicure et
d'une partie importante de son école devant la vie
sociale ; une prudence qui se lie au minimum.
LE TERME LA
des « simulacrcs» de
qui dépasse la vie et
son! entourées de formules dont la fixité n' est pas due
a un intéret juridique mais a une significaiion religieuseo
JI n'en reste pas moins que les deux aspects devraient
diverger: le contrat se tourne davantage vers ce qui est
pos!tif, dé terminable et sanctionnable par les hommes;
iI est Iale. Le sermen! au contraire oriente la fidélité
ver s un monde invisible et déroutant, qui menace sans
se montrer. PclT suite, le contrat fait naltre un état
d'esprit cynique ou nous cherchons a minimiser nos
obligations et nos gages, tandis que le serment conduit
a des syntheses et a des majorations : iI est facHement
romantique et menteur. Rien n'est plus conditionné
sinon conditionnel qu'un contrat; ríen n' est plus absolu
qu'un serment. Hérode en a fait l'expérience avec Salomé.
n pourrait sembler que le désir d'assurer la fidélité
'de l'exécutíon domine le systeme au contrat tandis que
ce]ui de prouver la sincérité de l'engagement est au
centre du serment. Ce ne serait toutefois qu'une vue
approximative, cal' il y a au fone! deux especes bien
tranchées de serments; l'une ne vise en effet qu'a la
DEUX EXEMPLES DE
LA VIE EN RELIGION ET LA VIE FAMILIALE
drait
a un le vceu est
sauvé de l'immoralilé et est
spirituelle dont iI est mÉ\me en principe une émanation
directe.Par le faít qu'on s'engage devaltlt Dieu et envers
puis qu'on s'appuíe sur sa grace de fayon a
s'engager avec le vceu se
d'un engagement ou d'un
(( serment de conspirateurs ».
Mais quand tout cela est dit, la nature du vceu de
religion n'est pas encore éclaircíe, car l'engagement
est pris devant el envers des délég'ués de Dieu, aux
yeux du croyant. e'est ce quí, pour saín! par
exemple, distingue le vceu simple du vceu solennel :
celui-ci suppose une intervention active de l'Eglise, qui
re90it et con sacre ou bénit le vceu l. Encore faudrait-il
distinguer des aspects dans ceHe interveltltion, surtout
que les choses se sont compliquées depuis le moyen age
el que les vceux simples se son! eux-mÉ\mes chargés de
déterminations canoniques qui les différencient des
vceux privés. L'Eglise intervient de trois manieres:
tantól comme témoin qui enregistre la promesse faite
11 Dieu, tantOt con1me agent qui la sanetionne et lui
donne llne portée canonique (p. ex. en rendanl nuI le
mariag'e subséquent), tantót comme objet médiat de
de graves écono-
maison coutant moins
cher, en D'ou une répercussion
sur la nature des taches memes des religieux qui ne
peuvent pas vaquer 11 une pure contemplation san s
trouver de ressources par leur h'avail 1 .
Les problemes posés par les vceux de religíon sont,
on le voit, multiples. Nous n'avons dans ce
qu'a conclure a la jmtification de príncipe de ces vceux
et a ajouter qu'ils valent ce que vaut le mystique qui les
inspire, en nous abstenant de tout panégyrique ou
dénigrement a priori devant les faits.
lais3ées a et [rans-
mettent tant bien que dont elles
sont mais no la créent et n'en font
pas monter le niveau, C'est pourquoi elles
des antinomies insolubles des qu'on fait abstraction de
cet esprit. n ne reste alors que l'ordre extérieur des
serments et des conlrats 01 les im!ividus débattenl
comme dans une prison. L'institution compromise par
la narcose de ses víctimes ou secouée par leur méconten ..
tement chroníque perd son équilibre; elle dovient trop
soupIe ou trop raide; elle rejoint peu a peu les soubre-
sauts de la nature ínstinctive qu'elle avait pour charge
de surmonter et de civiliser.
Cal' la nature instinctive est d'ol'dinaire incapable de
fidéIité 1, elle ne l'ésisle pas aux variations combinées
du désil' et des circonstances. L'amour de l'homme et
de la femme, par exemple, craint a juste titre l'absence;
ir sait que sans la communauté de table et de couche
la survie de toute tendresse est perpétuellement menacée.
n veut donc la présence; il l'obtient, mais voici qu'a
son tour elle devient une menace et dissout lentement
l'amour : elle fait éclore en lui les germes inattendus
de la haine ou de l'indifférence qui le tue. Nec tecum
nec sine te ...
La nature met en route. Les institutions reyoivent un
dépOt. C'est a la personne de faire son destino Elle
trouve en dehors d'elle le berceau de ses fidélités et le défi
des cireonstanees. Mai§ ce SQnt des auxiliaires ambigus.
n luí faut plus que la terre pour créer une autre terreo
1. En ligne descendante ou memo ascendante, les sentiments
tiennent. Encore y a-t-il autre chose que de l'instínct dan s l'édu-
cation d'un enfant et dan s sa gratitude future.
CHAPITRE VIH
et par
par le dehors. Elle
alors que, vue du dedans, elle aura une
faite ou une terrible. Boubouroche est
el ne s'endoute pas; les fredaiiIles de sa femme font
rire paree que nous le avee des yeux
indifférents l. Mais le sort de Boubouroehe ei de sa
H-'ÁH"'"'-'. véeu pareux ou conlpris par un sym-
pathique, est atroce. n justifie a sa maniere la loi
énoneée par ; « Le loyalisme n'est exalté
a son niveau le plus élevé sans la douleur ... H cherche
chosed'essentiellement surhumain 2. »
le différencie e~
on ne voit pas que eet obstade néces-
saire favorise 1'e8sor de la meme s'il
d'elle, C'est paree que j'aí a servir la
valeur en mOl que j'entrerai en conflit avec d'autres
moi. Les autres individus ont aussi la eonvietlon
ont une valeur a affirmer et voBa comment nos évalua-
t10ns nous meneront a la guerreo L'élément
dévaste toute l'organisation morale. De meme que les
individus, la famme doit sa
ses devoirs. Mais la famiIe n'existe que dans les familles
et l'aspiration morale de eh acune (servir un
élever les enfants) pouna provoquer la rivalité de toutes
et leur désunion. De meme et surtout, les nations entre-
ront en discorde par le patriotisme de leurs citoyens : il
n'y a de guerre que si des deux cOtés de la frontiere
on croit qu'une valeur sacrée est en C'est le service
de cette meme valeur qui met le feu aux : les
ennemis ne le sont que par leur dévotion a un meme
príncipe.
n est bien difficile de soutenir que la valeur n' est pas
responsable de ces chocs. Et pourtant, e' est
l'évaluation qui l'esL Le mal provient de ce que les
évaluations sont séparées et ne peuvent etre que partielles
pour commencer. Ce n'est pas la division de l'espace
et du temps qui explique entierement ceHe mystérieuse
disparité des regards humains. Mais si nos évaluations
commencent mal, pourquoi ne pourraient-elles finir bien~
Ne pourraient-elles etre unifiées et, si oui, a quelles
conditions?
1. Ibid., p. 260.
2. M. Le Senne reprend un exemple de Royee : la réplique
du speaker de la Chambre des Communes au roí Charles 1, quí
lui demandait les noms des députés de l'opposition afin de les
faire arreter : « Sire, je suis le Président de eette Chambre et
comme tel je n'ai ni d'yeux pour voir, ni de langue pour
parler, sauf suivant les eommandements de ceUe Chambre; et
je demande humblement pardon a Votre Majesté si ces paroles
sont la seule réponse que je puisse donner a Votre Majesté )) (cité
p. 823).
LES DÉSASTRlIlS DE LA lFIllÉLlTÉ 155
DE
de
nlté moyenne, je
par Marillier . un
obligations de son clan, transporter sa femme enceinte
hors du village afin qu'elle accouche en plein confor-
mément a un rite stupíde et tyrannique. Mais il se trouve
que le froid est iniense et que la tombe : en obéis-
sant aux tabous de la tradition religieuse, l'homme va
faire mour!r sa femme. Comment douter trans-
gressant la 10í, il n'ait raisonP C'est par de telles
désobéissances que la morale se dégage de la
tion. Comment douter néanmoins que le débat intérieur
ne puisse etre dechirant P
Prenons un dernier exemple de dégagement salutaire.
Bien des fois, une conversion morale entraJ:ne des
ruptures qui ne sont pas seulement pénibles pour le
convertí, mais pour ceux qu'il quitte, et meme dange-
reuses et dommageables pour eux. Se séparer d'un ami
pour échapper a sa mauvaise influence, quitter une
maltresse qui dissout votre vie, c'est peut-etre enfoncer
davantage ces &tres dans leur mal. Mais on ne se sent
pas assez fort pour remorquer des noyés. Et on les
1ache. Parfois, ce sont des innocents qui patissent de
cet abandon, paree que le converti éprouve le besoin de
refaire sa vie a neuf. Il veut tourner la page, comme on
dit familierement, et bri8er avec toutes les associations
qui, de pres ou de loin, lui rappelleraient un passé dont
iI ne sent que trop encore les sortileges. Franyois d' Assise
s'enfuit dans les bois el laisse tout, son pere y compris,
pour etre a sa nouveUe vie.
2. Toulefois, un dégagemenl n' esl créafeur que par la
la sens
des contrats suppose de
Un individualisme se
une défense contre 'envahissement de
la vie pnvee par les inslitutions, mais se donne le
masque de l'obéissance et s'adapte a toutes les variations
du central. Notre monde et mécanisé
favorise l'effacement du caractere : l'homme nouveau est
un étrange capable de de
de tous les renversements que
les circonstances lui conseilleront. D'ou le peu fond
qu' on peut faire sur lui et incite ses chefs El le
traite!' comme un esclave, Nous sommes menacés par
l'incohérence, comme oes chiens-Ioups dont le regard
change d'un seul coup el mordent leur maltre apres
avoir risqué de se faire tuer pour lui.
Ces réflexions un peu alarmistes ne signifient pas que
la nature humaine ait empiré au xx· siecle, mais que
nos structures sociales ne sont plus ceHes du passé et
que certains auxiliaires font alors défaut a l'efforl
moral des individus. L'hérolsme d'un Régulus est certes
toujours possible de nos jours et se rencontreralt sans
doute ohez des officiers. lVIais l'exemple d'un 8ire de
Coucy se retrouverait- il encore P lVIarié a une fine
d'Edouard lB d' Angleterre, il écrit El celui-ci : ee La guerre
entre voUs et le roí de France, mon naturel et souverain
seigneur, est la chose du monde qui me déplait le
Je voudrais bien l'amender. Le roi de France m'a requis
que je le serve et que j'acquitte mon devoir comme j'y
suis tenu. Ainsi que vous le savez, je ne dois pas lui
désúbéir 1, » L'attitude de Jean de GraiUy, le captal de
vue de té esl
tableo Avec lui. íl devient d 'unifier l' existence.
Une bJes'lue incurable resle au C02ur de a
rompu un eng'agement grave. On dira peut-etre que c'est
un jugement bien sévere et prele a
d'humains plus de complexité intérieure n'en ont.
C'est a voil'. Le nombre des Hres « cassés » est eonsidé-
rabIe. L'exemple de Cosima Wagner est symbolique :
eette femme, a tant d'égards heureuse et admirable,
a eu son agonie troublée par le souvenir d'Hans von
Bülow; elle est morte en lui demandant pardon de
l'avoir abandonné pour sUlvre Wagner. Comment eroire
que l'expression du dernier moment n'ait pas brusque-
ment laissé apparaltre un désarroi ehronique et plus ou
moins inavoué P
La psychanalyse nous révelerait bien des traumatismes
de ce genre. Nous nous imaginons toujours que le
remords doH etre chaud. C'est une erreur. Sans doute
est-il d'ahord émotif et faeilement disproportionné. Mais
le malaise irrationnel qu'il provoque est vi te combattu
par une teehnique de la diseulpation : nous eherchons
une diversion, nous rejetons sur autrui ou sur les
circonstances les responsabilités de notre aete. L' échec
de ces manceuvres se traduit quelquefois par une crise
de larmes 011 le C02ur « se brise »; mais, le plus souvent,
le remords devient froid, logique; il est refoulé sous des
rires ou des sourires, il ravage alors l'ineonscient et
iI compromet la cohésion ou l' essor de la personnalité
profonde. Sartre l'a bien compris et il essaie stolquement
de rejeter au dehors l'angoisse spirituelle. Son héros
compare les remords a un essaim de mouches qui le
harcelent sans fin et don! il {aut bien s'accornmoder l.
ny
l. Nietzsche était plus aptimiste : « a une vale lente et
grndnelle paur arriver au vice et a la canaillerie saus tautes
17 0 RÉFLEXIONS SUR LA FWÉLITÉ
1
n 0nl pu que durcir son dont le concHc
la fameuse formule: nemo habet
de suo nisi mendacium et Le est de
nous seul et non de la c'est-a-dire de la libéralité
divine se répand en nous. Ainsi sans doule s'est
accrédité dans la tradition spirituelle de l'Occident le
sentiment ohscur que procure le maximum
d'autonomie. te satanisme littéraire s'est greffé sur une
cODviction héritée des théologiens. Pour etre moi, pour
et1'e par moi seul, je refuse1'ai toute vassalité, je serai
rebelle et traltre a dussé-je mon indé-
pendance au prix de ma sécurité; je vivrai dangereu-
¡,ement comme une bete traquée par les décrets du ciel
et les puissances de la terreo « Uhomme, déclare Camus,
est la seule créature qui refuse d'etre ce qu'elle esto La
question est de savoir si ce refus ne peut l'amener qu'a
la destruction des autres et de lui-meme, si toute révolte
doit s'achever en justification du meurtre universel, ou
si, au contraire, sans prétention a une impossible inno-
cence, elle peut découvrir le principe d'une culpabilíté
raisonnable 1. »
Mais s'agit-il d'un commentaire indirect de saint
Augustin ou d'un contresens P La polémique manichéenne
ou pélagienne a déterminé le succes théologique de for-
mules qui deviennent fausses des qu'on les détache de
leur contexte historique. Si utiles qu'elles aient été a un
moment, elles ne peuvent faire oublier l'ensemble d'une
doctrine tout a fait incompatible avec les postulats de
l'infidélisme moderne. Saint Augustin pla9ait au-dessus
de la liberté qui peut pécher une liberté plus libre encore
et qui exclut toute possibilité de chule, c'est-a-dire toule
atleinte -a ]'autonomie vérilable. Loin de croire que le
meme de sa révoltc
Sans doute vcut-elle se sub8tituer a
8ans s'en mais la
cherche a exclme la guette ensuite dans les consé-
quences de son acte, cal' nul ne a la
di alee tique de ses fautes. Pour valori8er celles-ci, je suis
conlraint de les dont je
m'affranchir. Le repentir, en ce a de
n'est pas aut1'e chose que le début d'une récupération.
En ce sens, assume1' pleinement la de son
c'est se convertir.
L'expérience de l'infidélité a l'etre ou a la valeur ne
peut se terminer que par un hommage a la vertu. Cette
conclusion est bien celle qu'illust1'ent la des
destinées visibles. Au bout de quelques années, les
grands infideles sentent s'éveiller en eux la nostalgie de
l'enfant prodigue, dont ils croyaient d'abord qu'ils
8eraient a jamais préservés. Peut.etre ne cederont-ils pas
a cette sollicitation et résisleront-ils aux courbes ren-
trantes. Mais ils auront a101'8 El choisir entre l'aveu d'un
échec et l'humiliation d'une pénitence. Ce justifie
expérimentalement la fidélité aux promesses, meme si
elles ont été des e1'reurs, c'est surtout le fait que la
rupture ne paie paso Elle brise en nous quelque chose
de tres profond; d'abord on ne s'en apel'{;oit pas, mais
chaque année qui passe augmente la faille et finit souvent
par la rendre intolérable. n est rare, par exemple, que
l'abandon du sacerdoce, le divorce, etc ... n'engendrent
pas la conviction silencie\lse d'et1'e chassé d'un para.dis
anté1'ieur ou tout n 'était que {( luxe, ordre et volupté 1 )).
Les la conscience de
chaí'nes pesantes dominer et meme s par
ovnV",Y"OT'
2. - INFIDÉuTÉ D'AUTRUI.
7. ne tout a
sanction. Comment guérir l'infidélité
elle est guérissable? Le réflexe de défense est
le traltre par la force. Tant que
nous ne sommes pas melés au
nous nous contentons volontiers d'une remise en ordre
et les traltres son t
se respecte. Concevrait-on un
film ou un roman s' écartent de eette regle PElle
s'impose meme aux manuels d'histoire pour le bacca-
lauréaL Son caractere artificiel est hélas trop visible.
Mais si le triomphe du loyalisme était une vérité expé-
rimentale, il serait néanmoÍns incomplet : ce n'est pas
une compensation extérieure quí suffit : il faut la conver-
sÍon du délinquant. La contrainte peut-elle la procurer?
n seralt édifiant de répondre non a cette question.
Mais les faits sont troublants. Punir, c'est paríois
redresser du dedans et faire naltre une ame. Les éduca-
teurs quí ne sont pas pourris d'utopisme le concederont
sans hésiter,
femme obtiennent Non
senlement la force se fait admirer des faíbles que la
douceu!.' n'avait pas convaíncns, mais la force au service
de la justice se fait révérer et chérir.
Les résultats de l'intimidation sont toutefois
incertains : il en 80rt de révoltes que
Les représailles doivent toujours faire
serrés et de mllres réflexions; sinon elles sont
la démesure et tournent mal. La maliee de leur
les rend suspeetes a priori. Une sanction n'est
en définitive, que si elle est pédagogique, e 'est-a-dire
inspirée par le déslr d'amender le coupable et de le
conduire a une auto-critique. Encore doit-¡l y venir par
les chemins de la liberté : le ehoe de la force ne se
justifie que s'jl est dirigé par l'amour et s'i! se contente
de supprimer ce qui genait l'autonomie dn
Des que nous voulons corriger l'infidele lui-meme et
non pas simplement ex alter une cause a ses dépens,
nous sommes tenus a un emploi tres discret el subor-
donné de la eontrainte. Peu nous importe qu'i! se
conforme comme un perroquet a notre opinion : c' est
une personnalité que nous voulons convertir et non pas
un robot que nous voulons entendre. Autan! dire que
la sanction est incapable par elle-meme d'aUeindre le buí
que nous visons : elle ne le fait que dans la vertu de la
justice et de l' amour. Kant et Fiehte ont établi d' emblée
l'importance de eet élément moral dans leur philosophie
du droit et ce n'est pas d'une contrainte quelconque
qu'ils font l' éloge. Mais ils ont été tres sensibles aux
bons effets eivilisateurs autoritaire
obten ir. n est permis de penser qu 'ils ont a10r8 oublié
les titres non moins partiels mais non moins réels d 'un
prince débonnaire. lIs ont sures timé en tout cas la
L'EXPÉRIENCE DE L'INFmÉLITÉ
du Oil
financíere.
meme dans un sketch si l' essentiel
est auíre chose. Je j'oublie. Et
il faut que cet oublí soít volontaire. Absoudre une
c'est l'oublier expres est faute et non pas
a la suite d'une la réduirait a erreur
puís a une bref a un enchalnement déterminé
oil toute se volatiliserait l. Je sais done que
tu es coupable, mais je le nie, je décide de le nier pour
toi en l'oubliant pour moL « Je ne t'en veux pas))
signifie que tu es toujours l'objet de mon amour comme
si tu n'avais rien faiL Tu m'as été infideIe, je t'aime
comme si tu étais resté fidele. Et je ne te pardonne
vraiment que si j'arrive a effacer de mes propres
réactions intimes la présence de ta faute. Tu m'obliges
a cette générosité et je t' oblige par elle. Encore y
deux degrés dans l'absolution : je te l'accorde paree que
tu es redevenu fidele ou de telle sorte que tu le rede-
viennes. Dans le premier cas, tu me demandes pardon,
tu me déclares que tu détestes ta faute mais que, sans
notre réconciliation, elle te submerge et t'empeche de
te réunifier; dans le second, tu ne me dis rien, tu es
encore infidele, mais je suis pret a pardonner, je vais
au-devant de toi par générosité et si tu crois etre gai
dans ta faute, je veux t'aider par ma fidélité tenace a
devenir triste en elle, c'est-a-dire a ne plus te servir
d'elle comme d'un masque pour te séparer de ton etre
antérieurement innocent; je veux t' offrir les chances
nous arretons en
et met. le devoir en
de le mettre en Il fau!' dOlle passer par cette
conscience mais en « briser le cceur dur». n fauí
dépasser le moralisme et se pardonner au nom de la
conscience absolue. « Les bIes sures de se gué-
rissent sans laisser de cicatrice. Le faH n'est pas
rissable, mais l'esprit le réabsorbe en soi-meme l. »
Mais Hegel, et beaucoup d'autres a sa suite, ne sont-ils
pas optimistes a l'exces quand ils proclament ainsi la
d'anéantir l'infidélité par un acUf et
joyeuxP On dirait qu'ils ont peur de passer pour des
fauteurs de découragement et qu'ils prennent le partí
d'atténuer le malheur de la conscience fautive. Comme
si l'irrévocable n'étaÍt qu'un aspect spécieux du moi
passé! Comme si, meme inachevé en moi, ce passé était
malléable et liquidable a mon gré! Comme s'il m'appar-
tcnait de me réinnocenter ou de réinnocenter toialement
un autre etre humain ... Faisons crédit tant que nous
le voudrons a la foi humaine et aux bienfaits du risque.
Acceptons de nous remettre entre les mains d'autrui ou
de nous abandonner a notre conscience la plus haute en
espérant qu'ils seront assez forts pour surmonter l'infi-
délité commise : ni la souffrance ni l'action ne peuvent
purifier le sang mauvais qui court dans mes veines ni
m'assu1'e1' que la contingence de mes décisions ou leur
rencontre avec autrui se1'ont 1'éparatrices. Je ne vis pas
dans un monde rationaliste mais dans la jungle 011 cer-
taines innocences sont définitivement mortes. Autrui et
moi-meme formons un cycle de rapports qu'aucune
'"'"'"
n nous a semhlé que la fidélité transcendait non seule-
ment les horizons de la eonscience empirique, mais aussi
ceux d'une monade idéaJement fermée sur elle-meme.
La foi que la méthode réflexive nous a conduits a adopter
est dirigée vers autrui, en gui nous trouvons une sorte
de grace pour nous accomplir el avec lequel nous avons
une réciprocité de destino Pour finir, c'est a un Dieu que
nous avons suspendu la fidélité, cal' il est seul capable
de soutenil' la pl'étention de nos vceux et d'épanouil' le
réseau de nos personnes. La foi dont nous avions parlé
devient désormais non seulement mystérieuse, mais
re1igieuse. Elle est ouverte a ce que les théologies
ehrétiennes désignent par cet acte quand elles en font
une adhésion a la par01e de Dieu, cal' elle s'attend déja a
eette parole.
Mais a tous les niveaux intersubjectifs 011 J'on peut
eonsidérer la foi, elle implique un dépassement de
l'expérienee yitale quí colore la fidélité meme. L'indiyidu
qui est aux prises ayec la nature et ayec les hommes
ne peut dans l'épreuve immédiate du Dasein perceyoir
la totalité de son etre. n ne saisit de son esprit que ce
qui lui est indispemaLle pour agir ou pour souffrir dans
LA FWÉUTÉ ACCOMPLIT LA PERSONNE
"""
la fidéli té a une significa tíon
En accomplissant r ordre elle contribue
a la connaissance de notre etre absolu et devient un
élément de cet et1'C< Par elle peuvent se réconcilie1' deux
conceptíons du monde quí semblent également plausibles
et qui s 'excluraient sans elle. Dans la premiere de ces
deux perspectives, la création n' est qu 'une série d' étapes
dont la plus récente efface et déréalise les précédentes :
le présent, l'instable présent, compte seu1; le reste est
faH de fantomes< Dans la seconde perspective, au con-
traire, la réalité comporte une série de niveaux sont
éternels, bien qu'ils soient inégalement actuels ou
d'inégale valeur; et tous se rassemblent dans une forme
suffisan te.
Ainsi, l'esprit qui se cherche dans les choses s'apparalt-
il tantOt multiple et tantot un, sans jamais pouvoir
s'arreter dans 1'une de ces deux représentations. Tout
se passe comme si le Créateur hésitait entre la fécondité
qui oublie et 1'intellig<ence qui contient. La nature et
l'humanité meme se partagent entre ces deux obédiences
ennemies. Les philosophes n'échappent pas a l'antinomie,
puisque leur caractere influe sur leur pensée et y fait
prédominer l'une ou l'autre conception, selon qu'ils
sont plus mobiles ou plus rétentifs.
Mais qui sait si le sens de la création ne serait pas
RÉFLEXIONS SUR LA FWÉLITÉ
C D
Cadeau, sa phénoménologie, Daremberg et Sag'lio, 58.
74-7 6 . David H., 102.
200
G
F
Ganshof H. F., dI.
Famille, 23; 128-135.
Gentile G., 66.
Féodalité, 131; 167-168.
Fernandez R., 52. Gide A., 10, 172.
Feuerbach, lO5, 160. Gcethe, 138, l6/¡.
Fichte, III, 150, 153, 182. Grailly (ele ,167-168.
Fidélité, définition formelle, Grassé P. R., 35.
7- 25 ; foi et fidélité, 8-lO, II- Grimm, l[¡7.
12; 191 - 1 95; fidélité signalé- Guesclin (du), 168.
tique, 30-33; animale, 32- Guillaume P., {¡5.
201
H
Le Sennc 1 ,
59; instrumcntak, w
unifiante, 60-61;
nBUX de religion, I15-¡22; Wagner C., ¡5g.
et discipline, 123; et milieu, Wilde O., 177.
125. WilIoughby C. A. o ¡38.
Voltaire, r47. Woolf, :)6.
TABLE DES
Pagcs.
AVANT-PROPOS ••.••••••••••••••••••••••••••••• 5
PREMIER. - Les éléments formeIs de la
fidélité 7
n. - L'engagement biolog·ique....... 26
nI. - De la fidélité animale a l'engage-
ment personnel..................... . . . . . . . . . 42
IV. - L'organisation psychologique de
la fidélité. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65
V. - Les auxiliaires sociaux de la
volonté fidele................................ 84
VI. - Le éthico-religieux de la
fidélité ..................................... 06
VIL - Deux exemples de délégation
axiologique : la vie en religion et la vie familiale. II5
VIno - Les désastres de la fidélité... ... 137
IX. - L'expérience de l'infidélité..... 159
CONCLUSION. - L'accomplissement de la personne
par la fidélité............................... 191