Vous êtes sur la page 1sur 11

LE VIVANT CHEZ DESCARTES

Chers collègues,

Sans prétendre à une impossible exhaustivité, vous trouverez ci-dessous quelques


considérations sur des points qui, je l’espère, peuvent être utiles dans la perspective du
concours

Cordialement

Philippe Boulier

Approche synthétique :
Une approche synthétique du vivant chez Descartes pourrait consister en l’unité
spécifique du corps vivant. Dans le cas des êtres inanimés, l’unité d’un corps se résume au fait
que ses parties adhèrent assez les unes aux autres pour participer d’un même état de
mouvement général (déplacement du corps ou repos). Dans le cas des êtres vivants, l’unité est
organique ou fonctionnelle ; dans le cas de l’homme, constitué de l’union de l’âme et du
corps, l’unité devient existentielle. On passe donc de la simple considération de la substance
étendue à l’organisme et de l’organisme à la vie incarnée, c’est-à-dire du simple corps objectif
au corps vivant comme système ou ensemble autonome de mouvement, et de celui-ci au corps
vécu, c’est-à-dire à la chair.
Le problème de l’union de l’âme et du corps devient lui-même un problème relatif à
l’unité de l’âme. En effet, l’âme reste « une » et indivisible, malgré la diversité de ses modes
et son union au corps divisible. La vie humaine est fondée sur cette indivisibilité. En outre, la
relation de l’âme au corps donne lieu à une dualité, où ce que l’âme éprouve (passion) est
l’effet direct de l’action du corps et où, pourtant, elle-même peut agir (volonté) sur le
mécanisme de son corps, dans le cas du mouvement volontaire. Enfin, l’unité de l’âme avec le
corps est un problème insoluble pour la philosophie, ce que Descartes reconnaît : il renvoie,
en dernière analyse, à la connaissance que l’homme a de lui-même dans l’expérience de sa
propre vie.

Préambule :
La conception cartésienne du corps repose sur des principes métaphysiques : elle
découle de la distinction entre deux types de substances, l’âme (substance immatérielle) et le
corps (substance matérielle). Ainsi, l’analyse des corps vivants relève des lois de la physique,
à savoir les lois du choc, elles-mêmes fondées sur des principes métaphysiques (la création
continuée du monde). Cette fondation va engendrer notamment deux types de problèmes :
d’abord, en biologie, puis pour la notion d’humanité. En effet, le corps vivant doit
s’interpréter comme automate mécanique, sans recours à aucune finalité interne à lui-
même. Toutefois, le modèle de l’automate réintroduit l’idée d’une finalité externe, puisqu’un
automate ou une « œuvre » suppose un artisan qui l’ait réalisée avec une intention ; autrement
dit, on songe immédiatement à un créateur et Descartes, par commodité, prend cette image.
Ensuite, l’union de l’âme et du corps relève, elle, d’un véritable acte divin, car Dieu seul peut
produire une telle union. Néanmoins, la pensée humaine, dont l’effort propre est de distinguer
les notions, ne peut concevoir la « relation » entre deux substances distinctes. Le corps vécu
ne sera donc jamais le corps pensé, et inversement.

I. L’organisme ou le modèle mécaniste du vivant

Le problème de l’unité du corps vivant se décompose en différents domaines : l’unité


organique est fondamentalement unité circulatoire (circulation du sang1), pour la vie
végétative ; l’unité nerveuse (influx nerveux) assure les fonctions sensori-motrices. Ces deux
unités sont liées entre elles par le moteur unique de l’organisme animal, à savoir le cœur
ou, plus exactement, la chaleur du cœur, qui produit la circulation sanguine et alimente le
cerveau où sont produits (à partir du sang envoyé par le cœur) les esprits animaux
responsables de l’activité nerveuse. Ce foyer d’activité n’est autre qu’un centre de
mouvement, car toute activité du corps est mouvement et relève des lois du mouvement
(ou lois du choc). Autrement dit, la biologie relève des lois de la physique, elles-mêmes
fondées sur des principes métaphysiques. Aux unités fonctionnelles mentionnées, il faut
ajouter celle qui vient de la relation de l’âme avec le corps et qui produit les mouvements
nerveux volontaires et la sensibilité (dans l’âme). Le centre unitaire de commandement et de
sensibilité – ou point de jonction de l’âme et du corps – est identifié par Descartes à la glande
pinéale.

A. La physiologie

Le rôle de l’anatomie

Descartes applique les lois de la mécanique à la biologie, c’est-à-dire aux


mouvements des corps vivants2. A ce titre, l’ouvrage de William Harvey, De motu cordis
exercitatio anatomica (1628), eut pour lui une grande importance. Harvey réfute l’idée
traditionnelle selon laquelle la quantité de sang présente dans l’organisme était, d’instant en
instant, recréée par l’action du foie à partir des aliments. En effet, le débit sanguin est trop
important pour admettre cette thèse. Toutefois, Descartes rejette la thèse de Harvey. Celui-ci
avait attribué la circulation du sang à la faculté pulsatile du cœur. Descartes considère une
telle faculté comme occulte et lui préfère l’hypothèse de la chaleur cardiaque : une chaleur qui
produit une dilatation et agitation des parties du sang, qui gonfle le cœur dont il finit par
déborder (L’Homme ; AT XI, p. 123). Descartes reprend donc l’idée de chaleur vitale exposée
par Aristote, à ceci près qu’il nie la dimension spécifique de la chaleur des êtres vivants : cette
chaleur est semblable aux autres chaleurs de la nature (Description du corps humain ; AT XI,
p. 228). Ainsi, le corps humain se présente, du fait de la circulation du sang, comme une
machine hydraulique en changement continuel et où les parties interagissent.
L’anatomie a un rôle prééminent dans la connaissance du corps vivant : le mouvement
du cœur découle de sa structure (Discours de la méthode, cinquième partie ; AT VI, p. 50).
Toutefois, elle n’est ni le seul moyen de connaître les causes des mouvements, ni le terme
ultime des explications, notamment parce qu’elle est limitée au visible. Descartes pose

1
Descartes ne s’intéresse presque pas aux végétaux, mais seulement aux fonctions végétatives des animaux.
2
Nous nous appuyons principalement sur les remarquables analyses de : Raphaële Andrault, La raison des
corps, Paris, Vrin, 2016, notamment p. 16-21, 40-44, 184-186 ; André Pichot, Histoire de la notion de vie, Paris,
Gallimard, Tel, 1993, chap. V, sections II et III.
comme principe de méthode de concevoir, pour les effets sensibles, des causes aussi claires
que les effets et de nature uniforme. Si elle respecte cette règle, la raison a le droit de dépasser
les limites du visible (Principes, IV, 201 ; AT IXb, p. 319).
Le système circulatoire sanguin assure la vie végétative. Un second système de fluides
ou « hydraulique » s’ajoute à celui-ci pour expliquer le système nerveux et les fonctions
sensori-motrices – on doit plutôt dire « motrices », car seule une âme peut sentir. Il s’agit des
« esprits animaux ». Le seul moteur étant le cœur, Descartes « branche » le système
nerveux sur le système sanguin. Les esprits animaux sont constitués des particules les plus
fines du sang, qui remontent du cœur au cerveau (et à la glande pinéale) en ligne droite à
travers les carotides et viennent remplir les ventricules du cerveau (L’Homme ; AT XI, p. 128-
130). Les esprits animaux cartésiens sont la traduction mécaniste du pneuma psychikon de
Galien : ils sont produits dans le cerveau à partir du sang et par le phénomène du crible ou du
filtre. En effet, les artères, au point où elles rejoignent la glande pinéale, ont des petits trous
qui ne laissent passer que les particules les plus fines du sang. La subtilité des esprits animaux
leur permet de parcourir les différentes parties du corps.
Le cerveau est un réservoir gonflé d’esprits animaux prêts à affluer, dès que le clapet
de l’un des nerfs s’ouvre (dans le cerveau) du fait de la sollicitation qui advient aux extrémités
nerveuses. L’alimentation du cerveau est branchée sur le cœur ; les nerfs sensitifs et moteurs
sont branchés sur le cerveau. Le système nerveux est donc bien mécanique : Descartes le
compare à un orgue avec son air comprimé, ses tuyaux et son clavier (L’Homme ; AT XI, p.
165-166) et il ébauche une théorie du mouvement réflexe (ibid., p. 141-142).

Le modèle de l’automate

« Si la physique d’Aristote était une biologie, la biologie de Descartes est une


physique (une mécanique). Elle ne contient absolument pas de notion de vie. »3 Le
dualisme cartésien, avec son pendant, le mécanisme, supprime la distinction aristotélicienne
des trois âmes (végétative, sensitivo-motrice, intellective). Il ne reste plus aucun principe
d’animation du vivant en tant que tel, d’autant que la physique de Descartes repose sur
l’inertie. Dans ce modèle non dynamique, il n’y a ni force vitale propre, ni métabolisme
(transformation énergétique).
Le sens profond de la physiologie cartésienne est de reprendre le modèle du corps
exposé par Galien (IIe – IIIe siècles) et de le mécaniser. Ce modèle consiste à définir les
organes par leur fonction, elle-même définie par son utilité pour le corps. Une description
machinique du corps humain est donnée au début de la Description du corps humain (AT XI,
p. 226-227). Descartes rencontre donc le problème de Galien : qui est responsable de cette
unité organique, c’est-à-dire du caractère adapté des réponses nerveuses (= des mouvements
de réponse) aux stimuli ? Par exemple, les causes de destruction, comme une brûlure,
provoquent un mouvement de retrait adéquat. Descartes invoque Dieu pour expliquer cette
totalité mécanique adaptée à sa propre conservation (L’Homme ; AT XI, p. 192). La finalité
du corps vivant était interne au corps chez Aristote ; elle semble, chez Descartes, être
extériorisée dans l’idée d’une action du Créateur pour constituer le corps.

Le mouvement volontaire : limite du corps automate

3
André Pichot, op. cit., p. 388.
Un seul mouvement, parmi les tous les mouvements volontaires faits par l’homme,
signale la différence de son corps ou, plutôt, la différence de son existence, par rapport à celle
des autres animaux : le langage. En effet, seule cette action volontaire manifeste de façon
évidente sa nature de « volonté » et de raison. Or, tout acte de volonté et tout acte de raison
sont des actes de l’âme, impossibles à produire par le mécanisme d’un corps. Le vouloir-dire,
l’intention signifiante finalisée sont des finalités internes qui ne peuvent exister dans un
système mécanique moteur. A ce titre, la raison est l’« instrument universel » qui dépasse
les instruments spécialisés composant le corps vivant, à savoir les organes (Discours de la
méthode ; AT VI, p. 56-58). Etant un instrument universel, la raison n’est réductible à aucun
phénomène mécanique.
Pour les mouvements volontaires et l’idée d’une âme contrôlant les influx nerveux,
Descartes introduit la métaphore du fontainier (L’Homme ; AT XI, p. 130-132). L’âme n’est
pas une entité distincte surajoutée au corps : elle commande aux mouvements des esprits
animaux dans les nerfs moteurs et reçoit les transmissions des nerfs sensitifs pour percevoir
les objets externes au corps. C’est aussi le corps qui produit des appétits et des désirs en elle.
Le siège de l’âme est l’épiphyse ou glande pinéale, lieu privilégié de l’aiguillage des esprits
animaux.
L’explication des mouvements volontaires rencontrent plusieurs problèmes :
d’abord, l’âme ne peut produire dans le corps des mouvements que dans la mesure où celui-ci
est disposé à les recevoir (Description du corps humains ; AT XI, p. 225). Ensuite, l’âme doit
avoir une force pour agir sur le corps, et Descartes parle bien de la « force de l’âme », mais il
n’explique pas en quoi elle consiste (L’Homme ; AT XI, p. 177-178). Enfin, il semble que ce
soit la glande pinéale (plus que l’âme) qui aiguille les esprits animaux vers tel ou tel muscle
en fonction des impressions qu’elle reçoit et communique à l’âme. Dès lors, on ne sait pas
très bien comment l’âme intervient véritablement dans cet aiguillage des esprits animaux.
Descartes commet une erreur d’anatomie étonnante : il décrit la glande pinéale comme
suspendue en équilibre au-dessus des cavités du cerveau remplies d’esprits animaux ; cette
suspension lui donnerait une instabilité propre à se mouvoir facilement et fait donc de cette
glande, selon Descartes, un élément aisément mis en branle par l’action de l’âme (Des
passions ; AT XI, p. 354-355, 360). Or, l’épiphyse n’est pas en suspension dans le cerveau. Il
est possible que Descartes ait voulu, par cette entorse à l’anatomie, réduire au maximum
l’inconvénient consistant pour l’âme à produire un mouvement corporel. Il aurait, pour cela,
diminué la quantité de mouvement nécessaire à donner à l’épiphyse pour l’incliner d’un côté
ou d’un autre et ainsi orienter les esprits animaux vers tel ou tel muscle4.

La « fonction » du pathologique

Le mécanisme de Descartes, qui réside dans les lois de la nature, a une conséquence
notable : un état pathologie du corps n’est pas moins « naturel » qu’un état sain. Même si
le modèle de l’automate conçoit les organes en rapport à des fonctions, le dysfonctionnel reste
mécanique (Sixième méditation ; AT IXa, p. 67). La nature humaine (= l’union de l’âme et du
corps) nous livre des sensations ; celles-ci ne sont pas des connaissances objectives et
démonstratives de l’état des choses, bien qu’elles correspondent ordinairement à l’utilité de
notre nature, à savoir sa conservation et son entretien. Le cas de l’hydropique le prouve.
Comme nous l’avons vu, l’âme ne peut produire dans le corps des mouvements que
dans la mesure où celui-ci est disposé à les recevoir (Description du corps humains ; AT XI,
p. 225). Ce fait nous est connu par les cas pathologiques : les expériences faites sur les
animaux servent à Descartes pour comprendre les mouvements involontaires. En effet, les

4
André Pichot, op. cit., p. 376.
lésions nerveuses font que certains membres n’obéissent plus à la volonté, ce qui montre que
la volonté ne les commande que lorsqu’ils sont dans un état propre à recevoir l’influx qu’elle
peut diriger jusqu’à eux. Autre cas : le membre fantôme permet de clarifier le processus
nerveux et le fait que l’âme est liée plus particulièrement à l’organe qu’est une partie du
cerveau (Méditation Sixième ; AT IXa, p. 70-71). Les pathologies mentales montrent, elles,
que l’âme est principalement liée au cerveau (Principes de la philosophie, art. 196 ; AT IXb,
p. 314-315). La physiologie décrit, certes, un corps supposé sain et apte, mais la pathologie
guide la compréhension physiologique sur les conditions de fonctionnement des organes.

B. Les limites du modèle physiologique

On l’a vu : la physiologie ne permet pas de réaliser un véritable mécanisme, car le


modèle de l’automate finit par réintroduire la référence à un Dieu artisan. La mécanisation du
fonctionnement d’un organe ne suffit pas pour faire de la biologie mécaniste, puisque la
fonction reste implicitement en relation à une notion d’utilité. Le recours au grand horloger
est décrit comme provisoire par Descartes, faute de connaissances suffisantes pour expliquer
la formation du corps (Discours de la méthode, AT VI, p. 45-46 ; lettre à Mersenne du 20
février 1639). Descartes tente de concevoir la formation initiale du corps (embryologie) de
façon mécaniste. Cette tentative montre bien que son modèle physiologique du corps « tout
fait » (encore galénique d’inspiration) était adopté par défaut. Descartes était dans
l’incapacité d’expliquer, de façon déterministe, la formation de l’organisme depuis sa
conception (l’union des semences) jusqu’à son état fonctionnel.

Le flux du corps vivant

Ce qui différencie un organisme d’un automate est la reconstitution constante de


ses organes, de ses tissus, de ses membres. Descartes décrit le flux général qui traverse l’être
humain et régénère continuellement ses membres, bien qu’il ne sache pas à quoi sert ce flux
(Description du corps humain ; AT XI, p. 247). Les parties fluides du sang parcourent les
parties solides du corps, pour les reformer, dans un mouvement de va-et-vient ; elles finissent
par sortir pour constituer une respiration ou exsudation. Ainsi, le corps vivant, contrairement à
l’automate, dépasse la distinction rigide solide – fluide. La mécanique de l’automate tend à
penser une coordination de parties indéformables, alors que le flux de l’organisme impose un
changement constant des parties. L’impossibilité d’expliquer le flux vient de l’absence de
dimension énergétique du corps chez Descartes. En effet, il n’y a pas de métabolisme à
proprement parler, de transformation énergétique à l’œuvre dans le corps vivant : la bile,
l’urine sont interprétées, comme les excréments, non comme des déchets métaboliques, mais
comme les parties des composants inaptes à passer dans la constitution du corps pour
constituer son flux général.

L’embryologie :

La théorie cartésienne de la génération est exposée dans La description du corps


humain. La fécondation, l’union des semences, est comparée à une sorte de fermentation, qui
produit une chaleur ; cette chaleur est responsable de l’agitation des particules. Cette agitation
donne lieu à l’organisation : le cœur est d’abord formé et celui-ci sert de centre organisateur,
par sa chaleur et le mouvement communiqué aux particules ; puis le cerveau est constitué,
puis l’« épine du dos ». Les différentes sortes de particules s’organisent selon leur taille et leur
vitesse et forment des masses homogènes. Le corps se forme dans un tourbillon de matière qui
est celle du sang, dont les particules constituent successivement les vaisseaux du corps, puis
les tissus (Description du corps humain ; AT XI, p. 274-275). On retrouve ici un même type
d’explication que dans la cosmologie où les milieux homogènes se forment par relations
différentielles de taille et de vitesse des particules (Description du corps humain ; AT XI, p.
253-254). L’embryologie reprend les principes de la physiologie et ces principes sont
semblables à ceux de la cosmologie : mouvement d’organisation de masses homogènes ; le
mouvement du sang joue le rôle des tourbillons.
Il y a donc une sorte d’auto-organisation de la matière. Ici, le mécanisme ne
concerne pas le fonctionnement d’un organe donné, mais la constitution de l’organe. Ce n’est
plus l’organe qui fait la fonction, mais la fonction qui fait l’organe. Cette explication ne cadre
pas avec le modèle de l’automate mécanique, la physiologie de l’animal machine. L’organe
apparaît comme un moment, une étape de l’auto-organisation et non le résultat d’une
préformation ; la fonction n’est pas un mouvement dirigé vers la constitution d’un organe
(préformation), mais un processus, un fonctionnement qui produit l’organe. L’idéal visé par
Descartes est celui d’une déductibilité totale du corps vivant à partir de ses conditions
séminales, sous la forme d’un strict mécanisme (Description du corps humain ; AT XI, p.
277). Dieu ne peut être requis pour la formation de chaque individu, notamment parce qu’il y
a des monstres. Descartes affirme clairement la dépendance de l’embryogenèse vis-à-vis des
lois de la nature (Premières pensées sur la génération des animaux, 404).

II. Le corps vécu : l’expérience indivisible et ses paradoxes

Reste l’union existentielle de l’âme et du corps constitutive de l’homme en tant qu’être


pensant, et non plus seulement comme animal. Comment une âme peut-elle se vivre dans
un corps ? C’est notamment le domaine des « passions », après que nous ayons abordé celui
de l’action du mouvement volontaire. Et comment peut-elle ne pas vivre son propre corps
avec un sentiment d’étrangeté, sentiment que devrait induire sa différence essentielle d’avec
la substance étendue ? En résumé, le problème conceptuel est double : comment concevoir
l’interaction de l’esprit et du corps, la relation causale réciproque entre eux (le « psycho-
somatisme ») ? et, plus largement, comment penser l’unité de l’homme à travers une
distinction d’essence et de principe entre l’esprit et la matière ? C’est le problème de l’unité
de la personne humaine.

L’âme confondue avec le corps

Descartes constate que l’être humain est composé de deux substances, mais qu’il se vit
comme une seule substance, c’est-à-dire comme un seul tout. Même si mon corps est distinct
de moi en tant qu’esprit, mon corps n’est jamais hors de moi. Il ne peut pas être ressenti
comme hors de moi ou à l’extérieur de moi-même ; s’il était hors de moi, je ne le ressentirais
pas comme le mien, mais comme un corps parmi d’autres. Je ne peux pas non plus le ressentir
« en » moi, car cela signifierait que l’esprit est (ou se vit comme) un corps contenant un autre
corps. Mon corps m’appartient « étroitement » ; en lui je ressens mes désirs (appétits) et mes
affections, mes passions (Méditation sixième ; AT, IXa, p. 64).
Quand une blessure affecte mon corps, je ne l’aperçois pas par mon seul entendement
(ma raison) dans un rapport d’extériorité, comme un pilote voit quelque chose se rompre dans
son vaisseau. Mon esprit n’est pas à distance de mon corps. Il n’a pas seulement une
connaissance de l’état du corps, il en est averti par des sentiments (la douleur pour une
blessure). Bref, l’esprit se ressent dans le corps : il est partout et nulle part dans le corps,
même si le centre de gestion volontaire du système nerveux est le cerveau. A chaque fois que
mon corps est affecté, j’ai un sentiment dans l’âme : quand il est mal disposé, je sens de la
douleur ; quand il a besoin de manger ou de boire, j’ai des sentiments de faim ou de soif.
Ainsi, la simple sensation et les sentiments n’offrent jamais l’idée d’une distinction de
l’âme et du corps. Ils ne me donnent jamais l’idée claire de mon âme. Ils sont confus : un
mode d’être confus de l’âme dans son corps. Je me « ressens » toujours comme un corps
ou, plutôt, comme un esprit indistinct de mon corps, et jamais comme une âme. C’est
pourquoi, si j’en restais aux seules sensations et besoins, sans jamais avoir de sentiments
moraux (liés à l’activité de pensée), je n’aurais pas l’impression d’avoir une âme. Je me
ressentirais comme un corps. L’âme ne ressent pas sa distinction ; elle la conçoit.

L’explication matérialiste : deux notions primitives

L’adversaire immédiat de Descartes est l’explication de l’esprit fournie par les


matérialistes, d’abord les atomistes antiques, puis ceux qui s’en inspirent, comme Cesare
Cremonini (1550-1631), Giulio-Cesare Vanini (1585-1619) – du moins tel qu’on l’interprète
alors – ou Bernardino Telesio (1509-1588)5. Pour ces atomistes, le problème de
l’interaction entre le corps et l’esprit revient à un problème de transmission du
mouvement. Comment une âme peut-elle mettre en mouvement le corps, et inversement ?
Les atomistes antiques ne rencontraient pas de problème d’explication. Un corps ne peut subir
une action que quand il est soumis à un mouvement ; or, il ne peut être mis en mouvement
que par le contact avec un autre corps. C’est toujours un corps ou, plutôt, une matière, qui agit
sur un autre corps. L’esprit doit bien toucher le corps pour le mettre en mouvement ou
recevoir de son mouvement. L’incorporel (l’esprit) n’est donc pas immatériel (Lucrèce, De
la nature, livre III, v. 162-170).
Lucrèce distingue l’esprit, propre à l’homme, de l’âme, qui appartient à tous les êtres
animés, doués de mouvements et de sensibilité ; les animaux et l’homme ont une âme.
L’esprit et l’âme sont matériels. Leur matière est composée de corps très ténus : les atomes
qui les composent sont plus subtils que ceux qui composent le corps. L’âme est distribuée
dans tout le corps : les veines, la chair et les nerfs. Tout ce qui arrive à n’importe quel
endroit du corps la touche aussi. L’esprit est localisé par Lucrèce dans la poitrine, qui est aussi
le siège des émotions ; il gouverne l’âme (De la nature, livre III, v. 144-145). Le matérialisme
se présente bien comme un principe d’explication plus simple que le dualisme cartésien
pour comprendre la relation entre l’esprit et le corps.
L’explication atomiste s’inscrit dans une physique radicalement différente de celle de
Descartes. Cette physique est même de prétention métaphysique, puisqu’elle décrète que,
dans la nature, rien ne peut exister que du physique, à savoir : le vide et la matière. Notre sens
commun nous assure de l’existence de la matière. Les corps doivent bien exister dans un lieu
qu’ils viennent remplir (l’espace vide). Ce qui existe doit être quelque chose ; si ce quelque
chose a une « masse », ce sera un corps, sinon ce sera un espace vide (De la nature, livre I, v.
441-449). Il y a donc deux notions primitives et aucune pour l’âme. L’atomisme est un
monisme. Ce qui n’est pas de la matière est vide de matière : c’est le vide. Il n’y a pas d’autre
manière d’être différent de la matière que le vide. L’esprit ne peut pas être autre chose que de
la matière, puisque, s’il n’était pas de la matière, il serait du vide. Or, le vide ne peut ni agir ni
pâtir. Où une âme immatérielle pourrait-elle exister dans cette nature ? Nulle part. Notre esprit

5
Dans le cas de Telesio, le qualificatif de « matérialisme » est à prendre au sens large, étant donné le caractère
spiritualiste de la matière telle qu’il la conçoit : voir Marie-Dominique Couzinet, Sub specie hominis. Etudes sur
le savoir humain au XVIe siècle, Paris, Vrin, 2007, chapitre II.
ne peut se penser lui-même autrement que comme quelque chose de matériel, s’il raisonne
bien.
En résumé : 1° Si l’esprit et le corps étaient deux réalités différentes, on ne voit pas
comment l’une pourrait agir sur l’autre. 2° L’esprit, de toute façon, ne peut pas être une autre
réalité que la matière, sinon ce serait du vide.

Le matérialisme : une clarté sans « distinction »

Le matérialisme conçoit clairement le rapport entre les corps, mais il confond l’esprit
avec le corps. Sa clarté d’explication est donc trompeuse. L’argument majeur de Descartes
pour établir, au sein de notre expérience vécue, la distinction entre l’esprit et le corps est
l’opposition entre matière divisible et âme indivisible. Nous pouvons toujours diviser, en
pensée ou réellement, une étendue en une étendue plus petite : mon corps est composé de
parties et donc divisible. En revanche, on ne peut pas diviser la pensée. Quand je pense, je
suis une seule chose, je ne suis pas une chose composite (Méditation sixième ; A.T., tome IX,
p. 68). Toutes les sensations que nous avons à travers tout le corps sont dans l’esprit et la
pensée ; donc « l’esprit est uni à tout le corps ». L’esprit est par tout le corps, mais l’esprit
n’est pas répandu dans celui-ci. L’expérience du membre fantôme le prouve6 (AT IXa, p.
61, 70-71) : en effet, si l’on retranche quelque chose de l’étendue de mon corps (par exemple
un bras), on ne retranche rien à mon esprit (Méditation sixième ; A.T., tome IX, p. 68) ; je ne
cesse pas d’être moi. Du fait des anciennes terminaisons nerveuses, qui courraient auparavant
jusqu’aux extrémités de mes membres, l’esprit se ressent encore dans les membres qui
n’existent plus, c’est-à-dire dans le fantôme de son corps. Le corps vécu est vécu par l’esprit
distinctement de la réalité étendue.
Les matérialistes en fait ne considèrent l’homme que d’un seul point de vue, c’est-à-
dire à travers l’union, ce qui leur fait concevoir l’âme et le corps comme une seule
chose (lettre à Elisabeth du 28 juin 1643 ; AT III, p. 692) ; ils en oublient la distinction.
Descartes propose une expérience de penser pour réfuter le matérialisme à partir de lui-
même (AT III, p. 694-695). Commençons par nous faire matérialistes : nous attribuons la
matière et l’extension à l’âme, c’est-à-dire que nous la concevons comme matérielle ou
comme un corps, une étendue. Cela revient à la concevoir comme unie au corps selon
Descartes. Après avoir bien conçu cela et l’avoir éprouvé en nous, nous remarquons que la
pensée ou l’esprit n’occupe pas d’espace : on ne peut pas localiser la pensée dans un endroit
de notre corps. Par exemple, on ne peut pas dire de la pensée qu’elle est dans le cerveau,
puisqu’elle se ressent partout ailleurs dans le corps. Si la pensée n’est pas localisable dans
l’espace, c’est que la pensée est essentiellement distincte de l’espace et de la matière
(l’étendue). Nous concevons ainsi que la matière attribuée à la pensée n’est pas la pensée elle-
même. Nous sommes revenus, à partir du matérialisme, à la connaissance de la distinction
essentielle de l’âme et du corps.
Reste la question de l’interaction entre l’âme et le corps. Comment le corps peut-il
produire quelque chose dans l’esprit et inversement, si ce qui se produit dans le corps
(l’étendue) est radicalement différent de ce qui se produit dans l’esprit (la pensée) ? Il n’y a,
par définition, pas de réponse claire à cette question. En effet, pour concevoir clairement à la
fois l’union et la distinction de l’âme et du corps, il faut à la fois les concevoir comme une
seule chose et ensemble les concevoir comme deux ; ces deux actes de la pensée se
contrarient l’un l’autre (AT III, p. 693). On peut concevoir clairement la distinction entre le
corps et l’esprit, mais on ne peut pas concevoir clairement leur union, parce qu’il faudrait
6
La première description précise du membre fantôme et de la douleur de ce membre se trouve chez Ambroise
Paré, La Méthode de traicter les playes faites par les arquebuses et aultres bastons à feu, 1545.
les penser à la fois comme distincts (= différents l’un de l’autre) et unis (= vécus ensemble
sans distinction), ce qui constitue deux actes de pensée contraires. Est-ce une défaite pour la
philosophie dualiste ? Pas aux yeux de Descartes, car la distinction est de l’ordre du
concept ; l’union est de l’ordre du sentiment. C’est l’expérience intime qui nous apprend
que l’âme (essentiellement distincte du corps) peut mettre en mouvement le corps. Nous
éprouvons clairement l’union de l’âme et du corps en nous. La philosophie ne peut pas
connaître clairement cette union et l’on n’a pas besoin de philosophie pour la connaître ;
l’expérience suffit.
Il y a donc trois genres d’idées ou notions primitives, qui se connaissent chacune
d’une façon particulière et non par la comparaison de l’une avec l’autre : la notion de
l’âme, qui ne se conçoit que par l’entendement ; celle du corps, qui peut se connaître par
l’entendement seul, mais beaucoup mieux par l’entendement aidé de l’imagination ; celle de
leur union, qui recouvre les sentiments et toutes les choses qui appartiennent à l’union de
l’âme et du corps (interaction) – choses qui ne se connaissent clairement que par les sens.
L’erreur du matérialisme est donc d’utiliser les différents types de notions primitives les unes
pour les autres, sans bien les distinguer. Les matérialistes se sont servis de l’imagination pour
concevoir l’âme et la façon dont elle meut un corps, d’après la manière dont les corps se
meuvent entre eux (lettre à Elisabeth du 21 mai 1643 ; AT III, p. 666-667).

Conclusion : l’union de l’âme avec le corps est un fait sans modèle


Au sein du monde, l’unité fonctionnelle des organismes semble relever d’un fait
métaphysique spécial : en tant que structure innée et adaptée à sa propre préservation,
l’organisme semble découler d’un acte créateur, d’une volonté de Dieu. Cependant, on a vu
qu’en réalité, Descartes ne recourt à l’action de Dieu que sous la forme d’une image
provisoire. En revanche, l’union de l’âme et du corps – unité fonctionnelle (mouvements
volontaires) et unité d’existence – relève bien, elle, d’un acte du Créateur. L’analyse
cartésienne du corps finit donc par reconduire la science à l’expérience et au mystère de
l’incarnation. C’est ce qui explique l’utilisation par Descartes d’expressions hylémorphiques7.
Celles-ci n’ont qu’une valeur de métaphore. En effet, non seulement l’âme n’est pas une
« forme » qui aurait un rôle dans la formation du corps, mais les efforts de Descartes en
matière d’embryologie vont dans le sens d’un strict mécanisme.

Un dernier point sur l’automate :

Dans le Discours de la méthode (AT VI, p. 55-56), Descartes imagine un corps


machinique qui aurait avec nous une parfaite ressemblance extérieure. Les seules différences
qui pourraient se manifester entre un tel automate et nous-mêmes serait : l’usage délibéré des
signes du langage, capables de répondre à l’universalité de toutes les situations humaines ;
plus généralement, l’usage de la raison pour affronter toutes les occurrences de la vie. En
effet, la raison, en tant qu’« instrument universel », dépasse en capacité d’application
tous les organes. Un organe est toujours particulier et dépend d’une disposition particulière
pour agir : « ces organes ont besoin de quelque particulière disposition pour chaque action
particulière ». Cette distinction entre l’automate et nous manifeste les limites de
l’automatisme, pensé dans le cadre de la physiologie de Descartes. Cette physiologie repose
7
Par exemple, en AT IXa, p. 177, l’âme est dite « substantiellement » unie avec le corps. Voir aussi AT III, p.
491.
sur un enchaînement nécessaire de notions : disposition – organe – fonction – utilité. On
peut donc dire de l’organisme, notamment de l’organisme animal, qu’il est une coordination
de dispositions.
Un automate est un système moteur qui possède « la force de se mouvoir de lui-même
en plusieurs diverses façons » (L’Homme ; AT XI, p. 120). Descartes souligne que les
artifices humains sont, de ce point de vue, des imitations de la nature : « comme la nature
aussi ses automates » (AT V, p. 277). On a vu que l’action de l’âme sur le corps n’était
possible que si les organes étaient bien disposés pour la recevoir (AT XI, p. 225). Par
conséquent, des organes bien disposés peuvent faire tous les mouvements qui ne requièrent
aucune pensée ou intervention de l’âme. Autrement dit, l’automation est autonomisation du
corps vivant par rapport à l’âme.
Le paradoxe est qu’un corps n’est « vivant » que dans la mesure où il se reconstitue
sans cesse (voir notre section sur le « flux »). Or, un automate ne se reconstitue pas. Ainsi,
Descartes avance un modèle automatique du corps, en travaillant notamment sur le réflexe,
mais le corps automatique est incompatible avec la nature des « machines » vivantes. Enfin, le
modèle technique ne répond pas à l’expérience de la vie elle-même. Nous appréhendons le
corps comme une machine seulement lorsque nous sommes confrontés à un défaut de ce
dernier : on a alors l’impression qu’il « dysfonctionne ». On dit que l’on est « rouillé »,
lorsqu’une articulation ne se fait plus naturellement. La vie lorsqu’elle est pleinement vie ne
se comprend pas selon ce modèle.

Retour sur un texte célèbre :


« (…) je ne reconnais aucune différence entre les machines que font les artisans et les divers
corps que la nature seule compose, sinon que les effets des machines ne dépendent que de
l’agencement de certains tuyaux, ou ressorts, ou autres instruments, qui, devant avoir quelque
proportion avec les mains de ceux qui les font, sont toujours si grands que leurs figures et
mouvements se peuvent voir, au lieu que les tuyaux ou ressorts qui causent les effets des
corps naturels sont ordinairement trop petits pour être aperçus de nos sens. Et il est certain que
toutes les règles des mécaniques appartiennent à la physique, en sorte que toutes les choses
qui sont artificielles, sont avec cela naturelles. Car, par exemple, lorsqu’une montre marque
les heures par le moyen des roues dont elle est faite, cela ne lui est pas moins naturel qu’il est
à un arbre de produire ses fruits. C’est pourquoi, en même façon qu’un horloger, en voyant
une montre qu’il n’a point faite, peut ordinairement juger, de quelques-unes de ses parties
qu’il regarde, quelles sont toutes les autres qu’il ne voit pas : ainsi, en considérant les effets et
les parties sensibles des corps naturels, j’ai tâché de connaître quelles doivent être celles de
leurs parties qui sont insensibles. »

René Descartes, Les Principes de la philosophie (1644), IV, 203.

Le fonctionnement des corps naturels est identique à celui de nos machines. Toutefois,
il y a deux différences notables. D’abord, une différence de visibilité : les parties qui
composent les machines artificielles sont toujours visibles et donc aussi leur fonctionnement,
alors que les parties constitutives des corps naturels sont d’ordinaire invisibles. Pourquoi ?
Parce que les machines sont construites par les hommes qui font usage de leur intelligence, de
leurs yeux et de leurs mains. Les éléments constitutifs des machines sont d’une grandeur
proportionnelle aux organes qui les manipulent. Nous percevons deux aspects de la machine :
les effets de son fonctionnement et les causes de ces effets. Si nous ouvrons une montre, nous
verrons le jeu des rouages. Ensuite, il y a une différence de sophistication : un corps naturel
est tout entier naturel (ou mécanique) jusque dans ses moindres parties, alors qu’une machine
construite par les humains n’est pas intégralement machine dans chacune de ses parcelles.
Celles-ci restent faites de matériaux naturels. Ainsi la différence qui existe entre les corps
composés naturels et les corps composés artificiels n’est pas une différence d’essence et de
nature, mais seulement de degré ou de grandeur.
« toutes les choses qui sont artificielles, sont avec cela naturelles » : la manière dont
les effets sont produits par des machines est la même que celle dont les effets sont produits
par les corps naturels. La mécanique des corps n’est pas d’abord une mécanique des
machines, car, comme le souligne Descartes, les lois mécaniques des machines sont celles de
la nature. Le corps est une machine dans la mesure où il obéit aux règles mécaniques de
mouvement. En effet, tous les organismes peuvent être réduits aux propriétés géométriques et
mécaniques de la matière en général.
Le fonctionnement des machines n’est donc pas moins « naturel » que celui des êtres
vivants, et inversement : d’où la comparaison entre l’arbre et la montre. La référence à
l’horloge, qu’on trouve aussi dans le Discours de la méthode (AT VI, p. 50), sert seulement
de modèle symbolique pour comprendre la nature du fonctionnement des organes. Elle ne
joue pas le rôle de schéma explicatif ou de modélisation, comme c’est le cas pour la camera
obscura pour la vue.

BIBLIOGRAPHIE
Annie Bitbol-Hespériès, Le principe de vie chez Descartes, Paris, Vrin, 1990.
Raphaële Andrault, La raison des corps, Paris, Vrin, 2016.
André Pichot, Histoire de la notion de vie, Paris, Gallimard, Tel, 1993.
Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard, 1945 ; Première Partie,
chap. I et II.

Vous aimerez peut-être aussi