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 13-007-D-10

Méthémoglobinémies
et sulfhémoglobinémies
H. Wajcman

Résumé : Méthémoglobine et sulfhémoglobine sont des dérivés de l’hémoglobine responsables de cya-


nose et impropres au transport de l’oxygène. Dans la méthémoglobine, l’oxydation du fer de l’hème est à
l’origine d’un spectre d’absorption caractéristique qui en permet le diagnostic. Les molécules d’hème oxy-
dées se distribuent au hasard dans le tétramère hémoglobinique, expliquant la présence dans l’érythrocyte
de toutes les formes théoriquement possibles d’hybrides de valence. Environ 3 % de l’hémoglobine est
oxydé quotidiennement en méthémoglobine, mais immédiatement réduit par un système enzymatique
reposant essentiellement sur l’activité de la cytochrome b5 réductase. Sur le plan clinique, on consi-
dère qu’il existe une méthémoglobinémie lorsque le taux de méthémoglobine est supérieur à 1 %. Elle
peut résulter d’une surproduction de méthémoglobine sous l’effet d’un toxique, d’un déficit en cyto-
chrome b5 réductase (méthémoglobinémies congénitales récessives de type I et II) ou d’une anomalie de
structure de l’hémoglobine (hémoglobine M). Les hémoglobinoses M ne réclament aucun traitement, la
méthémoglobine anormale qui en résulte n’est pas réductible. Les méthémoglobinémies toxiques et les
méthémoglobinémies congénitales récessives sont traitées en activant la voie accessoire de réduction de la
méthémoglobine. Les méthémoglobinémies congénitales récessives de type II, où le déficit atteint toutes
les cellules de l’organisme (et le métabolisme des lipides), s’accompagnent de troubles neurologiques
majeurs conduisant rapidement à une issue fatale. Cette forme justifie un diagnostic prénatal. La sulf-
hémoglobine est toujours d’origine toxique. Elle résulte de la fixation irréversible d’un groupe thiol sur le
noyau protoporphyrinique d’une molécule d’hème oxydée, le transformant en un cycle corrine. Le thiol se
fixe de façon covalente à l’un des pyrrols et réduit le fer. Ce dérivé a une très faible affinité pour l’oxygène
et des propriétés spectrales responsables d’une cyanose particulièrement intense. La sulfhémoglobine ne
disparaît qu’avec le globule rouge qui la contient.
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Mots-clés : Méthémoglobine ; Sulfhémoglobine ; Cyanose ; Hémoglobinose M ;


Méthémoglobinémie congénitale récessive

Plan au transport de l’oxygène. Dans la méthémoglobine, le fer de


l’hème est oxydé (Fe3+ ), ce qui donne à la molécule une couleur
■ Introduction 1 brun chocolat caractéristique. La formation de méthémoglobine
peut résulter d’un processus toxique, d’une anomalie structurelle
■ Méthémoglobinémies 1 de l’hémoglobine, ou encore d’un déficit du système enzyma-
Méthémoglobine : forme oxydée de l’hémoglobine 1 tique intervenant dans la protection de l’hémoglobine contre
NADH-cytochrome b5 réductase 4 l’oxydation. Dans la sulfhémoglobine, un groupe thiol est directe-
Diagnostic biologique de méthémoglobinémie 4 ment fixé à l’un des cycles du noyau tétrapyrrolique, formant ainsi
Méthémoglobinémies d’origine toxique 4 une corrine, hétérocycle proche de l’hème. La sulfhémoglobine est
Méthémoglobinémies congénitales récessives (OMIM 250800) 6 toujours d’origine toxique.
Hémoglobines M 7
■ Sulfhémoglobinémies 9
Sulfhémoglobine 9
Causes de sulfhémoglobinémie 10  Méthémoglobinémies
Méthémoglobine : forme oxydée
de l’hémoglobine
 Introduction Structure de l’hème
Méthémoglobine et sulfhémoglobine sont des dérivés de L’hème, groupement prosthétique de l’hémoglobine, est une
l’hémoglobine, à la fois responsables de cyanose et impropres molécule plane constituée par un atome de fer situé au centre d’un

EMC - Hématologie 1
Volume 32 > n◦ 2 > mai 2021
http://dx.doi.org/10.1016/S1155-1984(20)44438-3

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13-007-D-10  Méthémoglobinémies et sulfhémoglobinémies

Figure 1. Structure de l’hème dans la méthé-


moglobine (A) et l’oxyhémoglobine (B). Le fer est
oxydé (Fe+++ ) dans la méthémoglobine et réduit
dans l’oxyhémoglobine (Fe++ ).

Figure 2. Spectre d’absorption de la méthémo-


15 globine dans le visible.
Coefficient d’absorption

10 Ph = 10,3 A. Comparaison du spectre de la méthémoglo-


1
Coefficient d’absorption
(par mmol d’hème)

bine avec ceux de l’oxy-, de la désoxy- et de


(par mmol d’hème)

8,5
2 la cyanméthémoglobine. 1. Oxyhémoglobine ;
10 8,0
2. désoxyhémoglobine ; 3. cyanméthémoglo-
7,5
3 bine ; 4. méthémoglobine.
7,0
6,0 B. Effet du pH sur le spectre de la méthé-
5 4 moglobine.

500 550 600 650 500 630


Longueur d’onde (nm)
Longueur d’onde (nm)
A B

noyau tétrapyrrolique qui, par la nature et la disposition de ses lui sont fixés [7] . Toutes les hémoglobines absorbent très forte-
groupes latéraux, est défini comme étant une protoporphyrine de ment dans une région spectrale appelée « bande de Soret », située
type IX. Dans la molécule d’hémoglobine, l’hème est enfoui dans entre 400 et 450 nm. Il existe toutefois des différences spécifiques
une poche polypeptidique en forme de V, constituée par un replie- à chacune d’elles dans la position du maximum d’intensité et
ment de plusieurs hélices ␣, qui le maintient dans une ambiance dans la valeur du coefficient d’extinction. Les différences spec-
réductrice [1–3] . C’est sous sa forme réduite (Fe2+ ) qu’on le trouve trales sont plus faciles à explorer dans la zone spectrale située
dans la désoxyhémoglobine et dans les formes ligandées (oxyhé- entre 480 et 650 nm (Fig. 2A). Dans cette région, le spectre
moglobine ou carboxyhémoglobine). Dans la méthémoglobine il d’absorption de la méthémoglobine varie considérablement en
est, à l’inverse, dans une forme oxydée (Fe3+ ). fonction du pH(Fig. 2B), démontrant qu’il est impératif de respec-
ter ce paramètre lors de tout dosage de méthémoglobinémie. La
Propriétés physicochimiques forme acide de la méthémoglobine, qui prédomine au pH intra-
cellulaire, est caractérisée par deux pics d’absorption situés à 630
Dans la structure oxygénée de l’hémoglobine, l’ion ferreux offre
et à 500 nm. Dans la méthémoglobine alcaline, les épaulements
six liaisons de coordinence : quatre interviennent dans la struc-
à 540 et 575 nm du spectre précédent deviennent prépondé-
ture de l’hème en se liant à l’azote de chacun des cycles pyrrols,
rants. La méthémoglobine se lie avec une très forte affinité aux
la cinquième amarre directement le fer à une histidine dite proxi-
ions cyanures et se transforme alors en cyanméthémoglobine. En
male (F8) et la sixième fixe le ligand. L’oxygène se positionne entre
laboratoire, pour effectuer le dosage de l’hémoglobine, toutes les
l’histidine E7, dite distale, et la valine E11. Cette sixième liaison
formes d’hémoglobine présentes dans l’hémolysat sont transfor-
disparaît dans la structure désoxygénée, où le degré de coordi-
mées en cette dernière forme pour donner un spectre unique.
nence du fer n’est plus que de cinq. Dans la méthémoglobine, la
Il faut distinguer la méthémoglobine vraie, enzymatiquement
sixième position de coordinence de l’ion ferrique est occupée de
réductible, observée dans les intoxications et les déficits enzy-
façon stable par une molécule d’eau à pH acide ou par un radical
matiques, des formes particulières, pratiquement irréversibles,
hydroxyle à pH plus alcalin (Fig. 1). Ces formes sont parfois dési-
caractéristiques des hémoglobines M. Il faut également la distin-
gnées respectivement sous les termes d’aquométhémoglobine et
guer des hémichromes, produits d’oxydation des hémoglobines
d’hydroxyméthémoglobine.
instables. Dans ces deux types de molécules (cf. infra), des résidus
La répartition des électrons sur les couches périphériques de
autres que l’histidine proximale, ou distale, interagissent directe-
l’atome de fer est à l’origine d’un certain nombre de proprié-
ment avec le fer de l’hème et sont responsables d’images spectrales
tés physicochimiques des hémoglobines, comme l’absorption de
particulières.
la lumière ou encore la résonance paramagnétique électronique.
Ainsi, à pH acide, la méthémoglobine présente un état de spin
élevé à l’origine de signaux caractéristiques observés en réso- Potentiel d’oxydoréduction
nance paramagnétique électronique et en spectrophotométrie In vitro, une solution d’hémoglobine s’oxyde lentement
d’absorption [4–6] . À pH alcalin, la molécule d’eau liée à l’hème sous l’effet de l’oxygène atmosphérique. Cette auto-oxydation,
est ionisée, formant un groupe OH− dont la liaison diminue l’état tout comme l’oxydation provoquée par n’importe quel agent
de spin et modifie les propriétés spectrales. oxydant, est facilitée dans la configuration désoxygénée de
Des spectres d’absorption particuliers correspondent aux l’hémoglobine. Elle est donc favorisée par les ligands allosté-
diverses formes d’oxydation de l’hémoglobine ou de ligands qui riques tels que les phosphates organiques et les anions, qui

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Voie d’Embden-Meyerhof Cycle des pentoses-phosphates

NADH NAD+ NADPH NADP+

Cytochrome b5 réductase (forme soluble érythrocytaire) NADPH réductase

FMN ou
2 cytochromes b5 (Fe3+) (oxydés) 2 cytochromes b5 (Fe2+) (réduits) bleu de méthylène

2 sous-unités de 2 sous-unités de 2 sous-unités de 2 sous-unités de


désoxyhémoglobine (Fe2+) méthémoglobine (Fe3+) désoxyhémoglobine (Fe2+) méthémoglobine (Fe3+)

A B
Figure 3. Voies de réduction de la méthémoglobine.
A. Voie physiologique principale faisant intervenir la cytochrome b5 réductase. NADH : nicotinamide-adénine-dinucléotide.
B. Voie accessoire faisant intervenir la nicotinamide-adénosine-dinucléotide phosphate (NADPH) réductase. La flavine mononucléotide (FMN), intermédiaire
physiologique, peut être remplacée par le bleu de méthylène dans un but thérapeutique.

déplacent l’équilibre entre formes ligandées (R) et non ligandées nouveau-né) et l’âge du globule (perte progressive de l’activité
(T) vers la structure T. Le potentiel d’oxydoréduction du couple enzymatique).
méthémoglobine–hémoglobine se situe à +0,14 V, ce qui permet
son oxydation par les ions peroxydes et superoxydes, et sa réduc- Mécanismes physiologiques de réduction
tion par le bleu de méthylène ou l’acide ascorbique [4] . de la méthémoglobine
Dans le globule rouge, de nombreux facteurs favorisent
l’oxydation (phosphates, Cl– , désoxygénation partielle, tempé- Physiologiquement, environ 3 % de l’hémoglobine se trans-
rature, pH), mais ils sont efficacement contrebalancés par les forme chaque jour en méthémoglobine, mais une enzyme parti-
systèmes enzymatiques réducteurs (superoxyde dismutase, cata- culièrement active, la méthémoglobine réductase (nicotinamide-
lase, glutathion peroxydase, cytochrome b5 réductase). adénine-dinucléotide [NADH]) – cytochrome b5 réductase (EC
1.6.2.2), maintient en permanence son taux à moins de 0,5 %
dans le sang circulant [12] (Fig. 3A).
Méthémoglobine et transport d’oxygène
L’oxydation du fer de l’hème altère de plusieurs façons le trans-
port d’oxygène.
La première, la plus évidente, est l’occupation du site du ligand “ Point important
par une molécule d’eau. Lorsque les quatre sous-unités d’un
tétramère d’hémoglobine sont oxydées, ce tétramère est tout On parle de méthémoglobinémie lorsque le taux de
simplement exclu de la fonction oxyphorique. Dans les tétra- méthémoglobine est supérieur à 1 %.
mères hybrides, où toutes les sous-unités ne sont pas oxydées,
la situation est différente : la capacité de transport d’oxygène est
moindre que ne le voudrait le taux de méthémoglobine puisque
la configuration spatiale de la sous-unité oxydée est de type r On dit qu’il existe une méthémoglobinémie lorsque le taux de
(ou relâchée), tout comme si elle avait fixé de l’oxygène. Il en méthémoglobine est supérieur à 1 %. Cette augmentation peut
résulte, en accord avec le modèle allostérique, que la transition être consécutive à un excès d’agents oxydants ou à une insuf-
vers la structure oxygénée est facilitée pour tout le tétramère, fisance du mécanisme réducteur (immaturité enzymatique de la
même s’il ne contient qu’une sous-unité méthémoglobinisée [8, 9] . période néonatale, déficit enzymatique héréditaire, hémoglobine
Cette molécule se comporte donc comme une hémoglobine anormale, etc.).
hyperaffine pour l’oxygène. Sa courbe d’oxygénation est dépla-
cée vers la gauche. Dans les globules rouges d’un patient atteint Voies accessoires de réduction
de méthémoglobinémie, il existe simultanément huit types de de la méthémoglobine
molécules, incluant toutes les formes hybrides résultant d’une
distribution statistique des sous-unités dans les tétramères. Cer- À côté de ce mécanisme physiologique de réduction de
tains de ces hybrides peuvent être mis en évidence par focalisation la méthémoglobine existent plusieurs voies accessoires. Elles
isoélectrique : les hybrides de valence ␣2 2+ ␤2 3+ et ␣2 3+ ␤2 2+ foca- ont un intérêt plus thérapeutique que physiologique. La voie
lisent respectivement à un point isoélectrique de 7,07 et 7,10 de la nicotinamide-adénosine-dinucléotide phosphate (NADPH)
alors que l’oxyhémoglobine A focalise à 6,96 et la méthémoglo- réductase (NADPH-diaphorase ou flavine réductase [EC 1.6.99.1])
bine à 7,20 [10, 11] . Les images électrophorétiques observées sont fonctionne physiologiquement par l’intermédiaire de la flavine
donc loin de refléter la complexité de la réalité intraérythrocy- mononucléotide (FMN) et réduit environ 5 % de la méthémo-
taire. De plus, dans un sang méthémoglobinisé, l’hétérogénéité globine formée. Elle peut être activée en remplaçant le FMN par
cellulaire intervient également : les possibilités de réduction enzy- un apport extérieur de bleu de méthylène (Fig. 3B). La voie de
matique d’un érythrocyte varient en effet considérablement avec la glutathion réductase agit sur le glutathion puis sur un couple
l’âge du patient (immaturation du système enzymatique chez le oxydoréducteur intermédiaire, tel que l’acide ascorbique, pour

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13-007-D-10  Méthémoglobinémies et sulfhémoglobinémies

finalement réduire la méthémoglobine. La première de ces voies Tableau 1.


est surtout utilisée dans le traitement des accidents toxiques et Principaux agents méthémoglobinisants.
la seconde pour les méthémoglobinémies congénitales récessives Par action directe sur Ferricyanure (in vitro)
(MCR). l’hémoglobine Chlorates (industriels, explosifs)
Hydrazines
Quinones
NADH-cytochrome b5 réductase Réducteurs de l’oxygène Nitrites et leurs dérivés (vasodilatateurs,
La NADH-cytochrome b5 réductase (EC 1.6.2.2), appelée autre- nitroglycérine)
fois NADH-diaphorase, est une flavoprotéine monomérique, qui Nitrates et sous-nitrates
transfère deux électrons du NADH vers deux molécules de cyto- Gaz nitreux
chrome b5 , son substrat naturel. Le transfert d’électrons se fait Actifs par un métabolite Sulfamides
par l’intermédiaire du groupe prosthétique de l’enzyme, la fla- Sulfones
vine adénine-dinucléotide [13–15] . Le cytochrome b5 réduit ensuite Nitrobenzène et dérivés
directement, de façon non enzymatique, plusieurs accepteurs Nitrotoluène et dérivés
d’électrons appartenant à différents systèmes oxydoréducteurs de Aminobenzène (aniline) et dérivés
la cellule. La Figure 3A montre comment, dans le globule rouge, Phénylacétamide et dérivés (acétanilide,
phénacétine)
la NADH-cytochrome b5 réductase soluble réduit d’abord le cyto-
Phénazopyridine (pyridium)
chrome b5 , lequel réduit directement la méthémoglobine [15] .
Métoclopramide (Primpéran® )
La cytochrome b5 réductase existe sous deux formes : l’une
Primaquine et pentaquine
membranaire, l’autre soluble, qui correspondent à des transcrits Benzocaïne
d’un même gène (CYB5R3) obtenus à partir de promoteurs spéci- Bleu de méthylène
fiques de tissu. Le gène, localisé sur le chromosome 22q 13-qter, Quinine
s’étend sur 31 kb et contient neuf exons. Le promoteur utilisé Résorcine
pour l’expression de la forme soluble est localisé dans l’exon 2
et conduit à une protéine de 275 résidus (Fig. 4). La forme mem-
branaire comporte 300 résidus. Son promoteur est situé au début à un point isobestique où oxy- et méthémoglobine ont le même
de l’exon 1, ce qui permet la synthèse d’une protéine allon- coefficient absorption [19] .
gée de 25 résidus hydrophobes dans sa partie N-terminale. Dans La première méthode, très spécifique, fournit la concentration
cette région, on reconnaît la séquence consensus de myristyla- de méthémoglobine circulante ; la seconde, applicable seulement
tion (Met-Gly-X-X-X-Ser/Thr), modification post-traductionnelle si la présence de méthémoglobine a été authentifiée, fournit
permettant l’amarrage de la protéine aux groupes polaires des directement la fraction d’hémoglobine oxydée par rapport à
phospholipides de la membrane. Le reste de la structure, et en par- l’hémoglobine totale, avec une approximation suffisante pour les
ticulier le site catalytique, est identique dans les deux formes. La taux supérieurs à 5 %.
structure tridimensionnelle de l’enzyme montre que le domaine Il faut rappeler enfin que la méthémoglobine et les hybrides
de fixation du cofacteur flavine adénine-dinucléotide se situe de valence sont visibles en focalisation isoélectrique à condition,
dans la partie NH2 -terminale de la protéine et celui de donneur bien entendu, de pratiquer cet examen en l’absence de cyanure. La
d’électrons NADH, dans la partie COOH-terminale (Fig. 4B). La méthémoglobinémie peut également être détectée par oxymétrie
cytochrome b5 réductase est une molécule très ancienne retrou- pulsée, une méthode non invasive, mais un peu moins précise [20] .
vée dans de nombreuses espèces (champignons, plantes, oiseaux,
mammifères, etc.). Diagnostic différentiel
Dans l’érythrocyte humain, la forme soluble est majoritaire et Seule la sulfhémoglobine risque d’être confondue. Chez un
seuls 20 à 35 % de l’activité enzymatique sont localisés dans la sujet non anémique, une sulfhémoglobinémie de 3 % produit le
membrane érythrocytaire. La cytochrome b5 réductase des autres même degré de cyanose qu’une méthémoglobinémie de 10 %. La
cellules de l’organisme est majoritairement sous la forme mem- sulfhémoglobine est souvent observée dans les mêmes circons-
branaire. Elle est essentiellement localisée à la face externe du tances (intoxication). Elle conduit à une cyanose, un sang de
réticulum endoplasmique, où elle fait partie d’un complexe de couleur brunâtre et à un spectre anormal. On distingue la sulfhé-
transfert d’électrons aboutissant à la désaturation des acides gras. moglobine par ses particularités spectrales (absorption à 620 nm
La forme membranaire est aussi présente dans les membranes insensible à l’addition de KCN) [7] , et par sa séparation en isoélec-
externes des mitochondries [16] et des peroxysomes [17] , ainsi que trophorèse sous la forme d’une bande verte très caractéristique (cf.
dans l’appareil de Golgi. La forme soluble de la cytochrome b5 infra).
réductase est, en revanche, minoritaire dans ces cellules, où son
rôle physiologique est encore mal connu.
Méthémoglobinémies d’origine toxique
Diagnostic biologique Physiopathologie des méthémoglobinémies
de méthémoglobinémie d’origine toxique
Les agents toxiques responsables de méthémoglobinémie
Diagnostic positif peuvent être classés en trois groupes selon leur mécanisme
La présence de méthémoglobine dans les globules rouges est d’action [21, 22] (Tableau 1).
mise en évidence par l’étude spectroscopique effectuée sur un Le premier groupe concerne des produits agissant directement
hémolysat. Celui-ci doit être préparé immédiatement après le pré- sur l’hémoglobine, car pourvus d’un potentiel d’oxydoréduction
lèvement de sang pour ne pas laisser aux globules rouges le temps plus élevé. Le plus classique est le couple ferricyanure-
d’amorcer in vitro une réduction enzymatique de la méthémoglo- ferrocyanure, utilisé en laboratoire pour transformer stœchiomé-
bine. Le diagnostic positif passe par deux étapes : triquement l’hémoglobine en méthémoglobine. Dans ce groupe
• l’identification de la méthémoglobine, qui repose sur figurent de nombreux composés dont les dérivés de l’hydrazine,
l’existence d’un pic d’absorption à 630 nm disparaissant les chlorates utilisés dans les explosifs, les quinones et certains
après addition de cyanure de potassium (KCN) qui transforme colorants.
la méthémoglobine en cyanméthémoglobine ; Le deuxième groupe est constitué d’agents réducteurs agis-
• le dosage, qui peut être effectué soit en mesurant l’absorption sant sur l’oxygène pour former des ions superoxydes (O2 − ) ou
à 630 nm avant et après addition de KCN (méthode d’Evelyn des peroxydes (H2 O2 ) qui vont dans un deuxième temps oxy-
et Malloy [18] ), soit en mesurant le rapport d’absorption photo- der l’hémoglobine. Dans cette catégorie se classent les nitrites.
métrique à deux longueurs d’onde, l’une correspondant à un Les nitrites agissent par une réaction autocatalytique au cours de
point caractéristique du spectre de l’oxyhémoglobine et l’autre laquelle se forment des anions superoxydes.

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N term

FAD
5’ 3’
C term NADH
1 2 34 56 7 8 9

A B
Figure 4. Forme érythrocytaire de la cytochrome b5 réductase.
A. Structure du gène. Le gène est localisé sur le chromosome 22q13-qter, s’étend sur 31 kb et contient neuf exons. Le promoteur utilisé pour l’expression de
cette forme est localisé dans l’exon 2 et conduit à une protéine de 275 résidus. Les zones non transcrites sont indiquées en bleu.
B. Structure de la protéine. La nicotinamide-adénine-dinucléotide-cytochrome b5 réductase (NADH-cytochrome b5 réductase) (EC 1.6.2.2) est une fla-
voprotéine monomérique, qui transfère les électrons du NADH par l’intermédiaire du groupe prosthétique de l’enzyme, la flavine adénine-dinucléotide
(FAD).

rhées par infection entérale lorsque des bactéries nitritogènes sont


Aniline Phénacétine Acétanilide impliquées.
Microsomes du foie Les nitrites, autrefois utilisés comme vasodilatateurs en car-
diologie, sont aujourd’hui détournés : utilisés sous le nom de
Phénylhydroxylamine poppers comme dilatateurs anaux et prolongateurs d’orgasme dans
N N OH certaines pratiques sexuelles, ou encore à des fins toxicomano-
gènes, ils ont été rendus responsables de méthémoglobinémies
Hb Fe2+ NADP sévères lors d’ingestion [25, 26] . Les médicaments aujourd’hui le
Glucose-6 plus souvent responsables de méthémoglobinémies sont les anes-
Diaphorase -phosphate
O2 NO NADPH-dépendante thésiques locaux ; en particulier, plusieurs publications ont fait
déshydrogénase état d’accidents dus à la benzocaïne dans les échocardiographies
Globule rouge
Hb Fe3+ NADPH transœsophagiennes [27–29] . La dapsone, qui a aujourd’hui de mul-
tiples indications, peut être à l’origine d’un grave syndrome
Nitrosobenzène d’hypersensibilité comportant une méthémoglobinémie [30, 31] .
Figure 5. Mécanisme d’action d’un agent oxydant. NADPH : Nombre d’autres agents pharmacologiques ont été rendus res-
nicotinamide-adénosine-dinucléotide phosphate. ponsables de méthémoglobinémie : une liste non limitative en
est donnée dans le Tableau 1. Des préparations de parapharmacie
mal contrôlées [32–34] ont également été responsables d’accidents.
Les méthémoglobinémies toxiques étaient autrefois fréquentes
Les produits du troisième groupe (par exemple, aniline, ary- chez le nouveau-né et le nourrisson. Elles sont en rapport avec la
lamides, dapsone, phénacétine, sulfanilamide, etc.) nécessitent faible activité de la cytochrome b5 réductase existant en bas âge.
une transformation métabolique préalable en un agent direc- Un meilleur contrôle des risques toxiques, réalisé en portant une
tement actif sur l’hémoglobine. L’aniline, colorant autrefois attention spéciale aux nitrates de l’alimentation, surtout présents
responsable de la majorité des méthémoglobinémies toxiques, dans les légumes verts [35, 36] (courgettes, épinards, betteraves, hari-
illustre parfaitement ce mécanisme. L’aniline n’a aucun effet cots verts, fenouil), et en évitant les colorants à l’aniline, permet
direct sur l’hémoglobine, mais se transforme dans les micro- la prévention efficace de ces accidents.
somes hépatiques en phényl-hydroxylamine. Ce composé, libéré En cas d’intoxication aiguë ou chez des sujets prédisposés, les
dans la circulation, oxyde l’hémoglobine en méthémoglo- médicaments contenant des amines aromatiques ou des dérivés
bine et se transforme en nitrosobenzène. Sous l’action d’une nitrés (par exemple, acétanilide, dérivés de l’aniline, phénacé-
enzyme érythrocytaire, la NADPH-flavine réductase ou NADPH- tine, sous-nitrate de bismuth, nitrite d’amyle, nitrate d’argent,
méthémoglobine réductase, le nitrosobenzène est à nouveau sulfamides, etc.) sont à l’origine de méthémoglobinémie. Les
transformé en phényl-hydroxylamine. La molécule toxique est leucocytes, en libérant des radicaux libres, peuvent également pro-
ainsi intégrée dans une chaîne d’oxydoréduction, à l’origine d’un voquer des phénomènes oxydatifs. Ainsi, en cas de leucémie, la
grand nombre de molécules de méthémoglobine (Fig. 5). méthémoglobinémie est augmentée significativement. De même,
Ces agents toxiques peuvent également être classés selon in vitro, l’incubation d’hématies normales en présence de cellules
leur effet méthémoglobinisant [23] . Les produits agissant direc- leucémiques donne lieu à une formation de méthémoglobine
tement, classés du plus au moins méthémoglobinisant, sont le directement proportionnelle à la quantité de granulocytes pré-
p-dinitrobenzène, l’o-dinitrobenzène, le cuivre (équivalent aux sents et à la durée de l’incubation.
nitrites), les chlorites et enfin les chlorates. Le même type Il faut signaler la gravité toute particulière de complications
de classement, appliqué aux agents qui interviennent par une décrites lors du traitement par certains produits oxydants chez
réaction métabolique, donne : alpha-naphtol ; p-nitroaniline ; des sujets souffrant d’alcaptonurie [37] , lors de l’utilisation de
m-nitroaniline ; o-nitroaniline ; p-nitrotoluène = aniline ; m- primaquine chez un sujet ayant un déficit en cytochrome b5
nitrotoluène = o-nitrotoluène. réductase [38] ou lors de la prescription de rasburicase associée
Aujourd’hui, les méthémoglobinémies toxiques sont essentiel- à une chimiothérapie chez un sujet déficitaire en glucose-6-
lement provoquées par les nitrites, les nitrates, les chlorates ou phosphate déshydrogénase (G6PD) [39] . Des méthémoglobinémies
certains médicaments. Les nitrites, utilisés comme engrais, sont ont également rapportées à la suite de morsures de serpents [40, 41] .
à l’origine d’intoxications en milieu agricole ; on les retrouve
également dans les eaux souillées et l’alimentation [24] . Les Diagnostic clinique des méthémoglobinémies
nitrates provenant d’engrais contenus dans certains légumes (par
exemple, carottes, épinards) sont transformés par la flore intesti-
d’origine toxique
nale en nitrites, surtout en cas d’infection. Chez les nourrissons, Les signes cliniques se manifestent lorsque le taux de
des méthémoglobinémies peuvent apparaître au cours de diar- méthémoglobine est supérieur à 10 % (1,5 g/dl). La cyanose

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13-007-D-10  Méthémoglobinémies et sulfhémoglobinémies

Méthémoglobinémies congénitales
“ Point important récessives (OMIM 250800)
Scott et Griffith ont montré, en 1959 [44] , que le déficit congé-
Dans les méthémoglobinémies toxiques ou congénitales nital enzymatique en NADH-cytochrome b5 réductase dans les
récessives, la méthémoglobine a une structure protéique érythrocytes était à l’origine d’une maladie génétique rare, la
normale. La seule anomalie est une oxydation du fer méthémoglobinémie congénitale à transmission autosomique
récessive (MCR). Initialement observée chez les Inuits et Indiens
de l’hème qui se traite par une activation d’une voie
d’Alaska [12] , elle a été ensuite signalée dans d’autres populations
enzymatique secondaire par du bleu de méthylène ou
(Yakoutes, Indiens) [45] . Leroux et al., en 1975, ont décrit une forme
de l’acide ascorbique. Dans les méthémoglobinémies sévère de MCR où le déficit enzymatique était généralisé à tous les
d’origine toxique, dans un but de prévention, il est impor- tissus de l’organisme [46] . Depuis, le type sévère de la MCR a été
tant d’identifier l’agent toxique en cause. détecté dans le monde entier, avec une fréquence plus marquée
dans les populations à forte consanguinité. Deux formes biolo-
giques et cliniques de MCR, de pronostic très différent, sont donc
à distinguer : les MCR de type I et de type II [47–49] .
cutanéomuqueuse est le symptôme dominant, surtout visible
aux doigts, orteils et lèvres. En fonction de l’importance de la
méthémoglobinémie, des signes cardiovasculaires (tachycardie,
collapsus), des signes pulmonaires (dyspnée, voire arrêt respira-
toire) et des signes neurologiques (asthénie, vertiges, somnolence,
“ Point fort
coma, etc.) peuvent s’associer.
Le diagnostic de MCR est confirmé par mesure de l’activité
de la cytochrome b5 réductase.
Diagnostic biologique des méthémoglobinémies
d’origine toxique
Le diagnostic de méthémoglobinémie est réalisé par l’étude
spectrophotométrique de l’hémolysat. À rappeler que le spectre Méthémoglobinémies congénitales récessives
d’absorption de la méthémoglobine présente plusieurs pics dont de type I
l’un, très spécifique, a son maximum situé à 630 nm. Le taux
de méthémoglobine correspond au pourcentage d’hémoglobine Il s’agit d’une forme bénigne, où la maladie se résume à une
oxydée. Lorsque la méthémoglobine s’associe à la sulfhémoglo- cyanose due à une méthémoglobinémie chronique bien tolérée.
bine, il est impossible, à moins d’une étude spectrophotométrique Cette cyanose est particulièrement nette au niveau des doigts, des
complexe, de faire une mesure précise de chacune des formes en orteils et des lèvres. Dans cette forme, le déficit enzymatique est
présence. strictement érythrocytaire. Le degré de méthémoglobinémie est
variable, pouvant atteindre 20 à 40 % chez les sujets homozygotes.
Les porteurs hétérozygotes du déficit en cytochrome b5 réduc-
Traitement des méthémoglobinémies toxiques tase ont un taux de méthémoglobine normal ou légèrement
Si la cyanose est légère et le taux de méthémoglobine infé- augmenté, mais présentent une activité enzymatique réduite de
rieur à 20 % de l’hémoglobine totale, la simple suppression du moitié. L’activité de l’allèle normal est suffisante pour protéger de
toxique suffit à entraîner la guérison grâce à l’activité normale de la méthémoglobinémie. Les porteurs hétérozygotes et surtout les
la cytochrome b5 réductase érythrocytaire. sujets atteints de la MCR de type I peuvent avoir une hypersensi-
Dans les intoxications sévères, le médicament de choix est le bilité vis-à-vis d’agents toxiques méthémoglobinisants.
bleu de méthylène, qui ouvre la voie accessoire de réduction de
la méthémoglobine par la NADPH-diaphorase, normalement non Méthémoglobinémies congénitales récessives
fonctionnelle in vivo (Fig. 3B). Son action spectaculaire s’explique de type II
par la grande activité de l’enzyme, qui fabrique très vite du bleu
Dans cette forme sévère, la méthémoglobinémie est associée
de méthylène réduit (ou leucodérivé). Ce dernier est le véritable
à une encéphalopathie progressive avec arriération mentale pro-
agent réducteur agissant sur la méthémoglobine sans avoir besoin
fonde et athétose bilatérale. Les malades présentent un déficit
d’un intermédiaire. Le traitement « héroïque » est l’injection intra-
enzymatique généralisé de la cytochrome b5 réductase, affectant
veineuse lente d’une solution de bleu de méthylène à 1 % à la dose
à la fois les globules rouges et tous les autres tissus (cerveau,
de 1 mg/kg. Cette posologie peut être doublée chez le nourrisson.
Si la cyanose persiste encore après 1 heure, on peut encore réinjec- foie, muscles, leucocytes, plaquettes) [47] . À la naissance, rien ne
ter une nouvelle dose de 2 mg/kg. Il ne faut pas dépasser une dose distingue les deux formes, mais des signes cliniques non spé-
totale de 7 mg/kg, car le bleu de méthylène n’est pas exempt de cifiques apparaissent dans les jours qui suivent (cris incessants,
toxicité. Celle-ci se manifeste par une dyspnée, une agitation, une troubles de la déglutition, etc.). Les signes neurologiques (troubles
exagération paradoxale de la cyanose, voire une hémolyse. Ces du tonus, absence d’éveil psychomoteur) deviennent patents dès
deux dernières manifestations sont dues à une oxydation directe l’âge de 3 mois et le tableau typique est progressivement consti-
de l’hémoglobine par le bleu de méthylène, qui à forte dose est tué entre 3 et 9 mois [12] . Dans ce contexte neurologique, où
méthémoglobinisant. Dans les formes d’intoxication gravissime, l’atteinte cérébrale semble être la conséquence d’une perturbation
rebelles au bleu de méthylène, l’exsanguino-transfusion apparaît du métabolisme des acides gras insaturés, la cyanose et la méthé-
comme le seul recours. moglobinémie passent au second plan ; les enfants atteignent
Les formes mineures bénéficient du bleu de méthylène admi- rarement l’âge de 10 ans.
nistré par voie orale à la dose de 3 à 5 mg/kg et par jour.
L’acide ascorbique réduit directement la méthémoglobine par Mutations du gène de la cytochrome b5 réductase
un mécanisme non enzymatique. Il peut être utilisé comme trai- Le clonage du gène de la cytochrome b5 réductase et la
tement d’appoint en injection intraveineuse. Il faut éviter les connaissance de sa structure ont permis d’identifier les muta-
doses massives, car l’oxydation de l’acide ascorbique par l’oxygène tions responsables des formes bénignes ou sévères de MC [48–52] .
moléculaire libère de l’eau oxygénée. La première mutation (Ser127 → Pro) a été décrite en 1990 par
Il faut rappeler que ces traitements sont totalement contre- séquençage direct des neuf exons du gène, amplifiés par polymerase
indiqués chez les sujets porteurs d’un déficit en G6PD, puisque chain reaction à partir de l’acide désoxyribonucléique génomique
ces deux produits peuvent provoquer chez ces sujets une crise d’un patient atteint d’une forme sévère de la maladie [53] . Actuel-
hémolytique aiguë [42, 43] . lement on connaît plus d’une cinquantaine de mutations dont

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Méthémoglobinémies et sulfhémoglobinémies  13-007-D-10

Tableau 2. combinaison de deux mutations alléliques serait responsable du


Liste non exhaustive de mutations de la cytochrome b5 réductase respon- phénotype de la maladie. Ainsi, un cas a été décrit où la synergie
sables de méthémoglobinémie congénitale récessive (MCR) [48] . de deux mutations localisées dans la région 3 du gène aboutit à
Localisation sur le gène MCR de type I MCR de type II une MCR de type II : un allèle porte une mutation non-sens dans
l’exon 2, ce qui aboutit à une absence complète de la protéine,
Exon 1 a l’autre allèle porte une mutation faux-sens qui rend instable la
Exon 2 Arg49 > Gln Tyr42 > Ter seule protéine synthétisée.
Exon 3 Arg57 > Gln
Pro64 > Leu Diagnostic des méthémoglobinémies congénitales
Leu72 > Pro récessives
Exon 4 Val105 > Met Gln76 > Ter Le diagnostic des MCR repose sur deux éléments : l’existence
Arg83 > Ter d’une méthémoglobinémie sans anomalie spectrale et, surtout,
Pro95 > His
une diminution de l’activité enzymatique de la cytochrome b5
IVS-4 −1 G > A −2 A > G réductase. La comparaison de l’activité de la cytochrome b5
Exon 5 Thr 116 > Ser Met 126 > Val réductase dans les érythrocytes et dans un autre type cellulaire
Pro 144 > Leu Ser 127 > Pro (lymphocytes, fibroblastes ou lignées lymphoblastoïdes) permet
Leu 148 > Pro de différencier le déficit de type I, limité aux érythrocytes, de celui
IVS-5 DS, G-C,+8AS, A-C, –2 de type Il, généralisé à toutes les cellules. L’activité enzymatique
Exon 6 Ala 178 > Val Arg 159 > Ter est dosée soit en utilisant le substrat naturel (cytochrome b5 ) soit
Ala 178 > Thr en utilisant le complexe ferrocyanide-méthémoglobine comme
substrat.
Exon 7 Cys 203 > Tyr Cys 203 > Arg
Exon 8 Glu 212 > Lys Arg 218 > Ter
Traitement des méthémoglobinémies
Leu 217 > Pro
Asp 239 > Gly congénitales récessives
Leu 238 > Arg Le traitement est avant tout préventif, par contre-indication des
IVS-8 AS, G-T, –1 médicaments oxydants ; il est efficace seulement sur la MCR type I.
Exon 9 Val 252 > Met Val 25 > Met Il fait appel à l’acide ascorbique (vitamine C) et à la riboflavine
Glu 255 Del Met 272 Del (vitamine B2 ), administrés quotidiennement par voie orale, et en
Gly 291 > Asp Phe 298 Del cas de nécessité aux injections de bleu de méthylène, dont l’effet
est rapide. L’acide ascorbique (500 à 1000 mg/j) peut mainte-
IVS : intervening sequence. nir la concentration de méthémoglobine à un niveau acceptable,
a
Pas de mutation décrite.
mais son administration prolongée est susceptible de provoquer
des troubles de la fonction rénale. Ces traitements sont contre-
les caractéristiques sont rapportées dans le Tableau 2. Les consé- indiqués s’il existe par ailleurs un déficit en G6PD, car ils exposent
quences fonctionnelles de plusieurs de ces mutations ont été à une crise hémolytique aiguë [58] . La riboflavine (20 à 60 mg/j)
analysées [54, 55] . Certaines ont été trouvées à l’état homozygote est aussi efficace que la vitamine C et garde la méthémoglobine à
chez des patients d’origines différentes, dans des familles consan- un niveau de 5 %. Enfin, une simple dose de bleu de méthylène
guines, d’autres ont été identifiées chez des patients hétérozygotes (1 mg/kg) ramène rapidement la concentration de méthémoglo-
composites, nés de parents d’origines différentes et non consan- bine à la normale. Ce traitement, cependant, peut causer des
guins. irritations du tractus urinaire.
Aucun traitement n’est envisageable pour la forme sévère de la
MCR de type II.

“ Point important Hémoglobines M


Dans les MCR de type II, toutes les cellules de l’organisme Les hémoglobinoses M sont la seconde cause majeure de méthé-
moglobinémie congénitale.
sont atteintes, et la gravité particulière des formes homo-
zygotes ou hétérozygotes composites de cette affection Historique et définitions
justifie un diagnostic prénatal.
Les hémoglobines M, autrefois appelées méthémoglobinémies
congénitales dominantes, ont été les premières hémoglobines
anormales décrites. Les descriptions les plus anciennes viennent
La majorité des mutations décrites sont des mutations faux- du Japon, où l’on connaissait, depuis plus de deux siècles, une
sens, mais d’autres types d’anomalies ont également été trouvés maladie à « sang noir », endémique dans la région d’Iwate [59, 60] .
(non-sens, signaux d’épissage, délétions) (Tableau 2) [48] . En raison En 1948, Horlein et Weber [61] ont étudié un patient porteur de ce
de sa gravité, et de sa répartition dans certaines populations, la type de méthémoglobinémie et ont montré qu’il s’agissait d’une
MCR de type II justifie un diagnostic prénatal [56, 57] . affection à transmission autosomique dominante, provoquée par
La variété de ces mutations permet d’expliquer, au niveau molé- une anomalie de la globine conduisant à une oxydation quasi
culaire, l’hétérogénéité de la MCR (type I bénin et type II avec permanente de la sous-unité anormale. Il s’agissait en fait de la
encéphalopathie). Schématiquement, les mutations responsables première hémoglobine anormale décrite. Les travaux de Gerald et
de MCR de type I correspondent à des protéines instables, à acti- Efron [61] sur des malades occidentaux et ceux d’Hayashi [62] sur
vité normale ou légèrement diminuée, mais surtout à durée de vie les cas japonais ont permis d’identifier cinq anomalies structu-
courte, qui ne peuvent être remplacées dans l’équipement enzy- relles responsables d’hémoglobinose M. Elles correspondent, pour
matique de l’érythrocyte, où n’existe aucune synthèse protéique. quatre d’entre elles, au remplacement de l’histidine distale (E7) ou
Les mutations responsables de MCR de type II correspondent à de l’histidine proximale (F8) de la chaîne ␣ ou de la chaîne ␤ de
l’inverse à des anomalies empêchant la synthèse de l’enzyme ou l’hémoglobine par une tyrosine. Le cinquième cas concerne un
à une totale inhibition de son activité. L’étude de Percy montre résidu, voisin dans l’espace de l’histidine distale de la chaîne ␤.
qu’il n’y a pas de localisations privilégiées responsables de l’un ou Ces mêmes hémoglobines ont fait l’objet de nombreuses descrip-
de l’autre des deux types de MCR : les mutations se répartissent tions, sous des noms différents, dans des régions éloignées les
tout le long de la protéine et seul compte l’effet obtenu [45–49] . unes des autres, témoignant ainsi de l’ubiquité de leur distribu-
Le modèle proposé s’appliquerait surtout aux formes homozy- tion. Plus récemment le même type d’anomalie a été retrouvé pour
gotes des mutations. Dans le cas d’hétérozygotie composite, la des hémoglobines fœtales anormales (Tableau 3), à l’origine d’une

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Tableau 3. avec quelques autres hémoglobines anormales rares. Les dérivés


Liste des différentes hémoglobines (Hb) M décrites. obtenus sont cependant différents : il s’agit soit d’une méthé-
Nom Substitution Désignation HGVS moglobine de caractéristiques spectrophotométriques normales
et réductible par le système enzymatique (par exemple, hémo-
Hb M-Boston ␥58 (E7) His → Tyr HBA2:c.175C > T (ou HBA1) globine Tübingen) soit d’hémichromes, dérivés oxydés instables
Hb M-Iwate ␥ 87 (F8) His → Tyr HBA2:c.262C > T (ou HBA1) responsables de corps de Heinz et d’hémolyse (par exemple,
Hb M-Saskatoon ␥ 63 (E7) His → Tyr HBB:c.190C > T hémoglobine Hammersmith) [68] .
Hb M-Milwaukee ␥ 67 (E11) Val → Glu HBB:c.203T > A
Propriétés fonctionnelles
Hb M-Hyde Park ␥ 92 (F8) His → Tyr HBB:c.277C > T
Hb F-M-Osaka ␥ 63 (E7) His → Tyr HBG2:c.190C > T L’homologie structurale qui existe entre les sous-unités ␣ et ␤
de l’hémoglobine pourrait faire supposer des propriétés fonction-
Hb F-M-Fort Ripley ␥ 92 (F8) His → Tyr HBG2:c.277C > T
nelles similaires quand un même type de substitution est observé
HGVS : Human Genome Variation Society. au niveau de résidus homologues, histidine distale E7 ou histi-
dine proximale F8. En fait, les propriétés de fixation de l’oxygène
dépendent à la fois de la sous-unité affectée et de la localisation
cyanose néonatale disparaissant parallèlement au remplacement sur l’une ou l’autre des deux histidines.
de l’hémoglobine F par l’hémoglobine A. Il est important de savoir Les propriétés fonctionnelles ne sont sans doute pas les mêmes
reconnaître ces hémoglobines M fœtales puisqu’elles peuvent sug- in vitro, sur l’hémolysat ou l’hémoglobine M purifiée, et in vivo
gérer une urgence cardiologique néonatale [63] . Il faut signaler trois à l’intérieur de l’érythrocyte.
autres variants de l’hémoglobine F qui, bien que n’étant pas à Les fractions purifiées des deux mutants de la chaîne ␣ (M-
proprement parler des hémoglobines M, ont été décrits comme Boston et M-Iwate) ont une affinité pour l’oxygène basse et un
cause de cyanose néonatale avec des taux élevés de méthémoglo- effet Bohr pratiquement aboli. La situation est différente pour
bine : il s’agit de l’hémoglobine F-Cincinnati [G ␥41 (C7) Phe → les mutants de la chaîne ␤ : les hémoglobines M-Saskatoon et
Ser] [64] , de l’hémoglobine Circleville [G ␥ 63 (E7) His → Leu] [65] et M-Hyde Park ont une P50 presque normale et un effet Bohr pré-
de l’hémoglobine Toms-River [G ␥ 67 (E11) Val → Met] [66] . sent, alors que l’hémoglobine M-Milwaukee présente une affinité
pour l’oxygène basse. Dans tous les cas, la coopérativité est réduite
Propriétés spectrales (n = 1,1 à 1,3) ce qui s’explique puisque seules les deux sous-
unités non mutées sont fonctionnelles [69] . Les hémoglobines M,
à l’exception de l’hémoglobine M-Saskatoon, ont été cristallisées
et leur structure spatiale déterminée par diffraction de rayons X.
“ Point fort Dans leur forme oxydée, la structure des mutants de la chaîne ␣
est bloquée par le phénolate dans la configuration désoxygénée t,
au lieu d’être sous forme r : cela explique leur basse affinité pour
Le diagnostic d’hémoglobine M repose avant tout sur l’oxygène. Dans un tétramère, hybride de valence, la structure de
les anomalies du spectre d’absorption. La présence d’une type t de la sous-unité anormale se répercute sur les sous-unités
hémoglobine anormale est confirmée par les examens normales, diminuant ainsi leur affinité pour l’oxygène. Dans le cas
électrophorétiques et chromatographiques. L’anomalie de de l’hémoglobine M-Hyde Park, la transition entre les formes t et
r reste possible, car la liaison du noyau phénol au fer de l’hème est
structure peut être vérifiée par une étude au niveau
beaucoup moins forte que dans le cas des mutants de la chaîne ␣.
de l’acide désoxyribonucléique ou de la protéine. Les
Cette hémoglobine tend par ailleurs à perdre spontanément 20 à
hémoglobines M ne nécessitent habituellement aucun 30 % de l’hème de ses chaînes anormales et se comporte donc, en
traitement particulier. plus, comme un variant instable [70] .
Les propriétés fonctionnelles des globules rouges contenant
une hémoglobine M sont moins simples et, pratiquement dans
tous les cas, cette hémoglobine est cause d’un déplacement vers
Des caractéristiques spectrales particulières font distinguer les
la droite de la courbe de fixation de l’oxygène. Cela diffère de
hémoglobines M d’autres variants de l’hémoglobine, également
ce qui est observé dans les méthémoglobinémies classiques où
responsables de cyanose. Dans les hémoglobines M, la sixième
la courbe d’affinité pour l’oxygène est déplacée vers la gauche.
valence du fer oxydé n’est pas occupée par une molécule d’eau,
Une hémoglobine M est donc moins invalidante sur le plan
comme dans la méthémoglobine habituelle, mais par l’hydroxyle
oxyphorique. Dans le cas des hémoglobines Saskatoon et Mil-
du groupe phénol de la tyrosine nouvellement introduite. Il se
waukee, à l’intérieur du globule rouge, une fraction importante
forme donc un phénolate stable très difficilement réduit par les
de la chaîne anormale (pouvant aller jusqu’à 50 %) reste sous
mécanismes enzymatiques physiologiques [67] . La sous-unité anor-
forme réduite apte au transport de l’oxygène [71] . Les chaînes anor-
male est donc essentiellement sous forme oxydée, alors que les
males des hémoglobines M-Boston et Iwate sont au contraire en
autres sous-unités restent sous forme réduite. Dans le cas de
permanence sous forme oxydée. Dans tous les cas il existe un
l’hémoglobine M-Milwaukee, le glutamate situé un tour de spire
pourcentage élevé de molécules hybrides relativement stables.
de l’histidine proximale entraînerait les mêmes perturbations.
Les spectres des hémoglobines M oxydées sont légèrement dif-
férents les uns des autres en rapport avec des remaniements
Diagnostic clinique des hémoglobines M
de l’environnement de l’hème particuliers à chaque cas. Ils ont La cyanose congénitale est habituellement le seul signe cli-
comme caractéristique principale un déplacement vers une plus nique. Ces patients apparaissent « plus bleus que malades ».
basse longueur d’onde (entre 600 et 625 nm) du maximum La cyanose cutanéomuqueuse est difficile à reconnaître dans les
observé à 630 nm dans la méthémoglobine normale. Les anoma- populations noires. Elle existe dès la naissance lorsque la muta-
lies sont parfois difficiles à voir sur l’hémolysat oxygéné puisque tion concerne les chaînes ␣ ou ␥, et peut alors faire penser à
seules sont concernées les sous-unités anormales et que le spectre une cardiopathie cyanogène congénitale, surtout en l’absence
résulte de l’addition des propriétés des sous-unités mutées à celles d’antécédents familiaux. En cas d’atteinte de la chaîne ␤, la cya-
des constituants normaux. Les anomalies se résument à une légère nose est d’apparition progressive et plus intense que dans les
surélévation à la base du pic d’oxyhémoglobine. Elles sont mieux anomalies de la chaîne ␣.
mises en évidence sur un hémolysat totalement oxydé par le fer- En cas d’intervention chirurgicale chez un sujet cyanosé,
ricyanure de potassium, où l’on observe surtout un méplat (voire la présence d’une hémoglobine M doit être recherchée par
un petit pic) remplaçant la décroissance normalement observée l’anesthésiste, car les paramètres qui seront affichés par les auto-
entre 600 et 630 nm (Fig. 6). mates de contrôle des gaz du sang lors de l’intervention seront
L’oxydabilité accrue des sous-unités anormales n’est pas spé- faux et devront donc être corrigés pour apprécier le réel état
cifique des hémoglobines M : elle est également observée d’oxygénation du patient.

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Méthémoglobinémies et sulfhémoglobinémies  13-007-D-10

Figure 6. Exemple de spectre d’absorption d’un

Absorbance
hémolysat contenant une hémoglobine M (hémoglo-
bine M-Saskatoon).
A. Hémolysat oxygéné. 1. Présence d’hémoglobine M
dans l’hémolysat (augmentation du spectre autour de
630 nm) ; en pointillés : normal (témoin).
B. Après oxydation par un excès de ferricyanure de
potassium. 1. Hémoglobine M ; 2. méthémoglobine ;
en pointillés : normal (témoin).

1 2
1

Absorbance
550 650
Longueur d'ondes (nm) 450 550 650
Longueur d'ondes (nm)
A B

Il est par ailleurs à noter que très souvent les hémoglobines M


ont été décrites comme résultant d’une néomutation. Cette cons- 1
tatation est sans doute le résultat d’un biais d’observation lié à une 25
cyanose passant difficilement inaperçue faisant que pratiquement

Coefficient d'absorption
2
tous les cas sont diagnostiqués.
20

(par mmol d'hème)


Diagnostic biologique des hémoglobines M
Le diagnostic biologique peut parfois déjà être évoqué par la 15
couleur brun chocolat du sang. Les examens hématologiques
usuels n’ont guère d’intérêt diagnostique. La focalisation isoélec-
10
trique montre une bande brunâtre de méthémoglobine, près de 3
la position de l’hémoglobine F. La chromatographie de haute per-
formance en phase inverse des chaînes de globine confirme la 5
présence de ces hémoglobines en montrant une chaîne anormale
bien plus hydrophobe que la chaîne normale correspondante.
L’étude spectrophotométrique apporte le diagnostic en révélant 540 580 620 660 500
un déplacement caractéristique des pics d’absorption (maximum
Longueur d'onde (nm)
vers 620 nm au lieu de 630 nm du spectre de la méthémo-
globine). Un spectre particulier a été décrit pour chacune des Figure 7. Spectre d’absorption de la sulfhémoglobine. 1. Sulf-
hémoglobines M, mais ils sont en pratique difficiles à distinguer. hémoglobine oxydée ; 2. sulfhémoglobine ; 3. hémolysat normal
Les techniques ultérieures d’identification précise de la mutation (méthémoglobine).
ne relèvent plus de la biologie clinique, mais de la chimie des
protéines et de la biologie moléculaire (séquençage de gènes ou
utilisation d’enzymes de restriction). l’hémoglobine [72–74] . Il ne participe donc que de façon insigni-
fiante aux échanges gazeux. Le spectre de la sulfhémoglobine,
Traitement des hémoglobinoses M qu’elle soit oxygénée ou désoxygénée, présente une très forte
Les hémoglobinoses M sont le plus souvent parfaitement bien absorption dans le rouge, autour de 620 nm, avec un coefficient
tolérées et ne justifient aucun traitement. On ne sait d’ailleurs d’extinction quatre à cinq fois plus élevé que celui de la méthé-
pas réduire ce type de méthémoglobine. L’hémoglobine Hyde moglobine à 630 nm (Fig. 7).
Park, hémoglobine instable, peut être responsable d’une anémie La formation de la sulfhémoglobine est expliquée par une réac-
hémolytique modérée nécessitant parfois un traitement sympto- tion en deux temps [75, 76] . En présence de peroxyde d’hydrogène
matique. (H2 O2 ), la méthémoglobine se transforme en un dérivé plus
oxydé, la ferryl-hémoglobine (HbFe4+ O). Sous l’action d’un
groupe thiol, ce produit libérerait un ion hydroxyle (OH− ) et don-
 Sulfhémoglobinémies nerait alors de la sulfhémoglobine (HbSFe2+ ). La sulfhémoglobine
serait donc une molécule où l’un des cycles pyrroliques de l’hème
est modifié par l’introduction d’une liaison thioester. Le noyau
Sulfhémoglobine tétrapyrrolique n’est alors plus celui d’une protoporphyrine, mais
La sulfhémoglobine est l’un des dérivés de l’hémoglobine le celui d’une corrine (Fig. 8). Plusieurs dérivés sont possibles selon
plus anciennement connu, décrite dès 1863 par Hoppe-Seyler, qui le cycle pyrrol attaqué par le soufre.
a observé que l’hémoglobine prenait une couleur verdâtre sous La sulfhémoglobine résulte d’une réaction d’addition irréver-
l’effet de l’hydrogène sulfuré (H2 S). Dans la sulfhémoglobine, le sible. Contrairement à la méthémoglobine elle ne saurait donc,
fer de l’hème est divalent et capable de transporter l’oxygène, tant in vivo qu’in vitro, retourner à l’état d’oxy- ou de désoxyhé-
mais avec une affinité environ 100 fois moindre que celle de moglobine.

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13-007-D-10  Méthémoglobinémies et sulfhémoglobinémies

Figure 8. Réactions biochimiques aboutissant


S
M à la formation de sulfhémoglobine.
V M V M V

M M M M M M
Fe3+ Fe4+O Fe2+

P V P V P V

P M P M P M

Méthémoglobine
H2O2 Ferrylhémoglobine SH– = 2e– Sulfhémoglobine (désoxy-)
+ H2O + e– + OH–

Fe+++
His E7

His F8
Val 11

Atome de S

Causes de sulfhémoglobinémie [6] Perutz MF, Heidner EJ, Ladner JE, Beetlestone JG, Ho C, Slade EF.
Influence of globin structure on the state of the heme. III. Changes
La sulfhémoglobinémie est toujours d’origine toxique. Elle in heme spectra accompanying allosteric transitions in methemoglo-
s’observe donc chez des sujets exposés à des agents oxydants et bin and their implications for heme-heme interaction. Biochemistry
surtout aux arylamines. De nombreux cas de sulfhémoglobiné- 1974;13:2187–200.
mie ont été observés lorsque l’acétanilide et la phénacétine étaient [7] Van Assendelft OW. Spectrophotometry of haemoglobin derivatives.
largement employés comme analgésiques [77] . Chez certains sujets Assen: Royal Vangorcum Ltd; 1970. p. 47–83.
traités avec de l’acétaminophène, le taux de sulfhémoglobine pou- [8] Banerjee R, Cassoly R. Oxygen equilibria of human hemoglobin
valency hybrids. Discussion on the intrinsic properties of alpha and
vait même excéder celui de la méthémoglobine. La dapsone est
beta chains in the native protein. J Mol Biol 1969;42:351–61.
également connue pour former méthémoglobine et sulfhémoglo-
[9] Banerjee R, Henry Y, Cassoly R. Cooperative ligand binding by ferri-
bine [78] . Un tableau associant des troubles du transit intestinal, hemoglobin. Eur J Biochem 1973;32:173–7.
le plus souvent à type de constipation, et une cyanose a été [10] Bunn HF, Drysdale JW. The separation of partially oxidized hemoglo-
décrit sous le terme de « cyanose entérogène » ; il suivait le bins. Biochim Biophys Acta 1971;229:51–7.
plus souvent la prise d’un médicament oxydant [79] . Si un faible [11] Drysdale JW, Righetti P, Bunn HF. The separation of human and animal
taux de sulfhémoglobine est le plus souvent sans conséquence hemoglobins by isoelectric focusing in polyacrylamide gel. Biochim
autre que la cyanose chez un sujet ayant une hémoglobine nor- Biophys Acta 1971;229:42–50.
male, il n’en va pas de même chez un drépanocytaire, puisque [12] Jaffé ER, Hultquist DE. Cytochrome b5 reductase deficiency and enzy-
la présence de sulfhémoglobine déplace fortement vers la droite mopenic hereditary methemoglobinemia. In: Valle DL, Antonarakis S,
la courbe d’oxygénation, favorisant ainsi la falciformation [78, 79] . Ballabio A, Beaudet AL, Mitchell GA, editors. The Online Metabolic
Enfin, à signaler que lors d’intoxications accidentelles par de and Molecular Bases of Inherited Disease. New York: McGraw Hill;
l’anhydride sulfurique (SH2 ) on observe en général des taux élevés 2019.
de sulfhémoglobine (chutes dans fosses à purin ou dans des puits [13] Iyanagi T. Redox properties of microsomal reduced nicotinamide
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Méthémoglobinémies et sulfhémoglobinémies  13-007-D-10

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H. Wajcman, Directeur de recherches honoraire à l’Inserm (henri.wajcman@inserm.fr).


Inserm U955 équipe 2, Institut Mondor de recherche biomédicale, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Créteil, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Wajcman H. Méthémoglobinémies et sulfhémoglobinémies. EMC - Hématologie 2021;32(2):1-12
[Article 13-007-D-10].

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