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Article paru dans La Gazette du Laboratoire, Avril 2000.

Mesure de conductivité sur une eau pure ou


comment appliquer la norme USP24-NF19
par Patricia DALMAS, Spécialiste Produits chez Radiometer Analytical

Les laboratoires pharmaceutiques qui souhaitent commercialiser leurs produits à l’international et plus
particulièrement sur le marché américain sont dans l’obligation de suivre les recommandations de la pharmacopée
américaine. La norme USP24-NF19 décrit la procédure à suivre afin de s’assurer de la qualité d’une eau pure qui
entre dans la fabrication de produits à injecter. La conductivité d’une eau est un critère qui donne une information
sur sa composition chimique, il n’est donc pas surprenant que la norme la place comme le principal paramètre à
mesurer. Dans certains cas, la détermination de la valeur de pH de l’eau peut faire l’objet d’une mesure
supplémentaire.

Exigences des différentes étapes de la norme


Etape 1 : Mesure de la température et de la conductivité de l’eau :
Déterminez la température et la conductivité (intrinsèque et extrinsèque)(*1) sans faire de correction de
température et comparez les valeurs mesurées à celles de la norme (voir tableau n°1). Exemple : pour une
température de 20°C, la conductivité doit être inférieure ou égale à 1,1µS/cm. L’utilisation d’une cellule de
conductivité à circulation est fortement recommandée afin d’éviter toute augmentation de la conductivité due au
CO2 ambiant. Si ce test échoue (conductivité supérieure à la valeur de la norme), procédez à l’étape 2 afin de
déterminer l’origine de cette trop forte conductivité.

Etape 2 : Influence du CO2 (facteur intrinsèque) :


Agitez vigoureusement l’échantillon d’eau et maintenir une température de 25 ±1°C (l’utilisation d’un récipient de
mesure thermostaté simplifie la tâche) . Suivez la variation de la conductivité et lorsqu’elle devient inférieure à
0,1µS/cm pour 5 minutes, faites l’acquisition de la mesure. La valeur obtenue ne doit pas dépasser 2,1µS/cm. Si ce
n’est pas le cas, passez à l’étape n°3.

Etape 3 : Déterminer l’effet combiné du CO2 et du pH :


La mesure de pH étant instable dans des solutions de très faible force ionique, il convient d’ajouter du KCl saturé
(0,3 ml pour 100 ml d’échantillon) dans l’échantillon utilisé précédemment. La température est maintenue
constante à 25 ±1°C, le pH est mesuré à 0,1 unité près et la valeur lue doit être comprise entre 5,0 et 7,0. A chacune
des valeurs intermédiaires correspond une valeur de conductivité à ne pas dépasser (voir tableau n°2). Exemple, si
l’eau a un pH = 5,8, la conductivité ne peut excéder 2,4 µS/cm. Si tel n’est pas le cas, l’eau est définitivement
rejetée car de qualité trop médiocre pour être utilisée pour la fabrication de produits pharmaceutiques.

Tableau n° 1 : Valeurs de l’USP24 – NF19, 5ième Supplément, Tableau n°2 : Valeurs de l’USP24 – NF19, 5ième Supplément,
(645) “Temperature and conductivity requirements (for non- (645) «pH and conductivity requirements (For atmosphere and
temperature compensated conductivity measurements only)” temperature equilibrated samples only)”

Temperature (°C) Conductivity (µS/cm) pH Conductivity (µS/cm)


0 0.6 5.0 4.7
5 0.8 5.1 4.1
10 0.9 5.2 3.6
15 1.0 5.3 3.3
20 1.1 5.4 3.0
25 1.3 5.5 2.8
30 1.4 5.6 2.6
35 1.5 5.7 2.5
40 1.7 5.8 2.4
45 1.8 5.9 2.4
50 1.9 6.0 2.4
55 2.1 6.1 2.4
60 2.2 6.2 2.5
65 2.4 6.3 2.4
70 2.5 6.4 2.3
75 2.7 6.5 2.2
80 2.7 6.6 2.1
85 2.7 6.7 2.6
90 2.7 6.8 3.1
95 2.9 6.9 3.8
100 3.1 7.0 4.6
Le matériel utilisé pour la mesure de conductivité (étapes 1 et 2)
Le conductimètre :
Le conductimètre CDM230 permet de répondre aisément à la norme. Les critères demandés sont : une
résolution minimale de 0,1 µS/cm sur la gamme la plus faible et une incertitude sur le conductimètre (excluant
l’incertitude due à la cellule) de ± 0,1µS/cm. L’instrument doit être étalonné et un certificat d’étalonnage établi
par le service Métrologie de Radiometer Analytical prouvera la bonne adéquation matériel-application.

La solution étalon :
La valeur de la constante de la cellule de conductivité (facteur très important, voir Annexe 1 « Rappels sur la
théorie de la conductivité »), doit être connue à ±2%. Lors de la détermination de la constante, les deux
principaux acteurs sont la cellule et la solution d’étalonnage. La question posée est que choisir afin d’atteindre
un tel niveau d’incertitude ?
L’incertitude sur la constante correspond à la somme des incertitudes de toutes les variables qui entrent en jeu
lors de l’étalonnage. La contribution la plus importante est due à l’incertitude élargie sur la solution étalon. On
peut chiffrer à 1%, la contribution provenant des autres facteurs. On voit d’ores et déjà que pour respecter la
norme, l’incertitude élargie sur l’étalon doit être inférieure à ±1%. Ceci sous-entend que l’étalon à utiliser aura
une valeur de conductivité bien supérieure à celle de l’eau à mesurer, car il serait vain de rechercher un étalon
de faible conductivité ayant une incertitude élargie inférieure à ±1%.
Le NIST (*2) a récemment travaillé sur ce sujet et les résultats obtenus (*3) sont probants. Pour un étalon de 5
µS/cm, l’incertitude élargie est de ±4,7% (avec une température constante à ±0,002°C). Pour un étalon de 15
µS/cm, l’incertitude élargie atteint ±1,6%. Il faut bien se rendre à l’évidence : il n’est pas possible à ce jour
d’obtenir des solutions étalons de faible conductivité présentant des incertitudes élargies inférieures à ±1%.

Par contre, à partir de 1000 µS/cm, il existe des solutions étalons qui satisfont à ce critère. La solution étalon
certifiée de KCl 0.01D de Radiometer Analytical à une conductivité de 1408 µS/cm à 25°C avec une tolérance
de ±0,5% spécifiée à partir de l’incertitude élargie (k=2). Cet étalon est traçable aux Matériaux de Référence
Certifiés de NIST et est raccordé à l’échelle de conductivité internationale (échelle démale), recommandée par
l’OIML(*4). Rappelons au passage, que Radiometer Analytical vient d’être accrédité par la section Etalonnage
du Cofrac(*5) en Chimie et Matériaux de Référence (n°2.1418), pour l’étalonnage des matériaux de référence
en conductivité et en pH.

La cellule de conductivité :
Du fait du choix de cet étalon, la cellule de conductivité à utiliser doit nécessairement être une cellule utilisant la
technologie des 4 pôles. En effet, seul ce type de cellule, du fait de la non polarisation des électrodes, garantit
une parfaite linéarité de réponse sur plusieurs décades. Autrement dit, seule une cellule à 4 pôles permet
d’effectuer un étalonnage aux alentours de 1400 µS/cm et de réaliser des mesures sur une eau ultra pure dont la
conductivité peut avoisiner les 0,1 µS/cm. Pour expliquer rapidement ce concept, on impose le courant (I) sur
les 2 électrodes externes et l’on mesure la tension (U) entre les 2 électrodes internes reliées aux entrées hautes
impédances d’un amplificateur. Puisqu’il n’y a pas de courant dans le circuit d’entrée haute impédance, il n’y a
donc pas de phénomène de polarisation sur les électrodes servant à la mesure.
La cellule de conductivité CDC511T intègre cette nouvelle technologie sous la forme de 4 anneaux de platine.
C’est une cellule à circulation, la mesure de conductivité et de température sont faites à l’abri de l’air. Pour
l’étape 2, l’embout « à circulation » de la cellule est remplacé par un accessoire plus adapté à la mesure à
réaliser. Un certificat d’étalonnage garantissant la valeur de la constante de cellule avec une incertitude élargie
(k=2) inférieure à 1%, peut être établi sur demande.

Le matériel utilisé pour la mesure de pH (étape n°3)


Le pH-mètre PHM210 de Radiometer Analytical mesure aisément un pH au dixième. Un constat de vérification
confirmera la conformité de l’appareil à ses spécifications. La mesure du pH et de la température est faite par
l’électrode pHC2085-8. L’étalonnage de la chaîne de mesures est réalisé avec des solutions étalons certifiées,
série IUPAC pH4.005 et pH7.000, lesquelles sont livrées avec un constat de vérification Cofrac et un certificat
de conformité et de traçabilité rédigé selon le guide ISO31.
La société Radiometer Analytical a développé une note application (*6) et propose un matériel qui répond point
par point aux exigences de la norme. De nombreux laboratoires pharmaceutiques sont déjà équipés de ce
système de mesure. Pour les applications industrielles, ce matériel peut également être utilisé, en procédant à
des étalonnages par comparaison.

Annexes
Photo 1 : CDC511T, Cellule de conductivité à 4 anneaux avec sonde de température. Cellule dite « à
circulation » pour des mesures à l’abri de l’air.

Annexe 1 : Rappels sur la théorie de la conductivité :


La conductivité est l’aptitude d’une solution à faire passer un courant électrique entre deux électrodes. Le
courant est transporté par des ions, c’est à dire que la conductivité augmente avec le nombre et la mobilité des
ions présents en solution. Une solution contenant très peu d’ions ne favorise pas le transport du courant, elle
est dite peu conductrice ou résistive. L’inverse de la conductivité est la résistivité.

Schéma : transport des ions en solution

La mesure de la conductivité consiste à appliquer une tension (U) aux bornes des électrodes de la cellule et à
mesurer le courant (I). En pratique, le conductimètre applique une tension alternative à une fréquence adaptée
afin de réduire les effets de polarisation des électrodes.
En utilisant la loi d’Ohm (U = R x I), on calcule la résistance (R) de la solution.
R = U/I
On en déduit la conductance (G) en utilisant la formule :
G = 1/R soit G= I/U

La conductivité d’une solution (Kappa) est calculée en utilisant la conductance (G) :


Kappa = G* K
Kappa = conductivité (S/cm)
G = conductance (S)
K = Valeur de la constante de cellule (cm-1)
La valeur de la constante (K) dépend de la géométrie de la cellule et en théorie cette valeur pourrait être
calculée en utilisant les dimensions des électrodes (plaques ou anneaux) en utilisant la formule suivante :
K = l/A, avec
l = distance entre les électrodes (cm)
A = surface des électrodes (cm2)
Dans la pratique, il s’avère difficile de mesurer avec une précision suffisante la surface réelle des électrodes,
c’est la raison pour laquelle on effectue un étalonnage à l’aide de solutions étalons dont la valeur de
conductivité est connue.

Explications
• (*1) La conductivité est dépendante de divers facteurs tel que le pH de l’eau, la température de mesure ou
encore le CO2 de l’air qui est plus ou moins ionisé suivant le pH, il s’agit là de ce que l’on nomme la
« conductivité intrinsèque ». La conductivité dépend aussi de la quantité d’ions initialement présents dans
l’eau, par exemple les ions chlorures, sodium et ammonium. Leurs contributions à la conductivité est appelée
« conductivité extrinsèque ».
• (*2) NIST = National Institute of Standards and Technology, USA
• (*4) OIML = Organisation Internationale de Métrologie Légale. Voir la Recommandation n°56.
• (*5) Cofrac = Comité Français d’Accréditation

Bibliographie :
• (*3) ‘Low Electrolytic Conductivity Standards’ par Yung Chi et Paula A.Berezansky, dans le ‘Journal of
Research of NIST’, 1995, Volume 100 No.5, page 521
• ‘Absolute determination of electrolytic conductivity for primary standard KCl solutions from 0 to 50°C’ de
Y.C. Wu et W.F. Koch dans ‘Journal of Solution Chemistry’, Vol.20, No.4, 1991
• (*6) Application Note for MeterLab ‘Conductivity test for Purified Water and Water for Injections
according to USP-NF’, USP-9911A.

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