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Cours du module de Gastro-hépato-entérologie 4éme année 2018

Le cancer de l’anus (du canal anal)


M. Sengouga
(2018)

I. Généralités :
Les cancers de l’anus comprennent à la fois les cancers du canal anal et les cancers de la
marge anale qui représentent 85 % et 15 % de l’ensemble respectivement. La très grande
majorité des cancers invasifs de l’anus sont des carcinomes. Prés de 95 % des cancers de
l’anus sont des carcinomes épidermoïdes : canal anal dans 75 % des cas et marge anale dans
25 %. Ils touchent surtout l’homme jeune particulièrement homosexuel et infecté par le virus
de l’immunodéficience humain (HIV). L’incidence du CCA à été multipliée par 4 en 30 ans en
partie secondaire à l’augmentation des patients immunodéprimés par le VIH. Ce cancer est
viro-induit par l’infection avec le virus HPV (Human papilloma virus).
II. Épidémiologie :
 Les cancers du canal anal sont rares, Ils représentent 2,5 % des cancers digestifs [1], et 6 %
des cancers ano-rectaux..
 Leur incidence augmente , probablement en raison de la multiplication des partenaires
sexuels qui entraine une réduction de la clairance naturelle de l’HPV.
 L’HPV 16 est présent dans 89 % des cancers de l’anus
 Il prédomine chez :
- La femme ↦ sex ratio de 0,4 à 4,4 ;
- Deux tiers des patients ont plus de 65 ans.
- hommes de la quarantaine infectés par le VIH.
 Les facteurs de risque pour les deux sexes sont principalement:
- les infections liées à l’HPV ;
- Antécédents de cancer vulvaire, vaginal ou cervical;
- la séropositivité HIV ;
- l’immunosuppression ;
- le tabagisme (un rôle promoteur lors des étapes terminales de la carcinogenèse;
- les rapports anaux réceptifs (pour les deux sexes) ;
- l’homosexualité masculine ;
- la multiplication des partenaires sexuels ;
- La présence de condylome ;
- Antécédents de cancer du col, vagin
- l’âge.
III. Anatomie –pathologie :
A) Rappel anatomique :
La région anale comprend deux portions :
 le canal anal (CA) :C’est la partie terminale du tube digestif, mesurant 3 à 4 cm et
située entre le rectum et la peau de la marge de l'anus.
 la marge anale (MA) : Elle correspond au revêtement cutané péri-anal s’étendant sur un
rayon de 5 à 6 cm autour de la jonction ano-cutanée. (Figure 1).
 Divisant ainsi les cancers de l’anus en deux catégories : 85% sont des cancers du canal
anal et 15% des cancers de la marge anale.

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Figure 1 :
B) B) Anap
ath :
a)
a)
a)
a) Macroscopie : Ce sont des lésions de couleurs blanchâtres, grisâtres ou rosées qui peuvent
se présenter sous forme :
- L. planes appelées « condylomes » ;
- L. plus au moins végétantes « crêtes de coq » ;
- L. acuminées ;
- L. étendues « tumeur de Buschke Lowenstein ».

Forme abcédée- fistuleuse


Forme verruqueuse forme ulcéro-végétante

Forme bourgeonnante tumeur de Buschke Lowenstein Mélanome malin

Figure 2 : aspects macroscopique du CCA


b) Microscopie : Les tumeurs de la marge anale sont classées avec les tumeurs
cutanées (OMS). Il peut s’agir :
 Carcinomes épidermoïdes (95 % des cas) :
- à grandes cellules kératinisant ;
- non kératinisant (transitionnel) ;
- basaloïde.
 Adénocarcinomes : sont beaucoup plus rares :
- de type rectal – glandes anales ;
- sur fistule ano-rectale.

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 Carcinomes à petites cellules ;


 Carcinomes indifférenciés ;
 Autres cancers non épithéliaux (exceptionnels) : sarcomes, lymphomes,
mélanomes….
c) Drainage lymphatique : Le drainage lymphatique des cancers anaux dépend de la
localisation de la tumeur :
 Les cancers de la marge anale et de la partie distale du canal anal en dessous de la ligne
pectinée, sont principalement drainés par les ganglions inguinaux superficiels.
 Les cancers de la partie proximale du canal anal au-dessus de la ligne pectinée, Le
drainage lymphatique est assuré par les ganglions ano-rectaux, péri-rectaux, para-
vertébraux et pour certains par le système iliaque interne.
d) Stadification du cancer de l’anus : Elle est pré-thérapeutique bassé sur la classification
TNM clinique de l’AJCC et de l’UICC, 7ème édition (2011).

T : Tumeur primitive

Tx Tumeur primitive non évaluable

T0 Pas de signe de tumeur primitive

Carcinome in situ, maladie de Bowen, lésion intra-épithéliale squameuse de


Tis haut grade, néoplasie intra-épithéliale du canal anal

T1 tumeur ≤ à 2 cm dans sa plus grande dimension ;

T2 : tumeur >à 2 cm mais ≤ à 5 cm dans sa plus grande dimension ;

T3 : tumeur >à 5 cm dans sa plus grande dimension ;

T4 tumeur, quelle que soit sa taille, qui envahit un ou plusieurs organes


adjacents (vagin, urètre, vessie) à l’exception du rectum, de la peau
périnéale, du tissu cellulaire sous-cutané et du sphincter
N : Adénopathies régionales

Nx Ggs non évalués ;

N0 pas de localisation secondaire Ggaire ;

N1 Ggs péri-rectaux ;

N2 Gg iliaque interne et/ou inguinal unilatéraux ;

N3 Ggs péri-rectaux et inguinaux et/ou iliaques internes bilatéraux et/ou


inguinaux bilatéraux.
M : Métastases à distance

Mx non évaluées 

M0 pas de localisation secondaire à distance de la tumeur primitive 

M1 métastases à distance

Tableau 1 : Classification TNM clinique du cancer du canal anal (L’AJCC et de l’UICC, 7éme édition, 2011).
IV. ETUDE CLINIQUE : Type de description « Kc du canal anal » :
A) Signes fonctionnels : très peu spécifique :
1. Rectorragies (50% des cas), suintement, modification du transit
2. Douleurs anales ;
3. Masse ulcérée, végétantes, suintante, douloureuse (souvent assimilée à une pathologie
hémorroïdaire;
4. Prurit anal ou ulcération anale persistante ;

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5. Incontinence anale (envahissement du sphincter anal), faux besoin (infiltration pariétale) ;


6. Découverte d'adénopathies inguinales ;
7. Fortuite Aucun symptôme (20%).
A) Signes physiques :
1. Examen proctologique ↦ inspection, les touchers pelviens (rectal et vaginal);
2. La recherche d’adénopathies inguinales et sus claviculaires ;
3. Examen sous AG si nécessaire ↦ une évaluation de la fonction sphinctérienne et une
étude du périnée ;
4. Une anuscopie.
V. EXAMENS COMPLEMENTAIRES :
1. Rectoscopie avec biopsie de la tumeur à la pince et analyse anatomopathologique de la
tumeur anale ;
2. IRM ano-rectale : examen de choix pour évaluer l’extension loco-régionale et
1. ganglionnaire;
2. Scanner thoraco-abdomino-pelvien (TDM TAP) ;
3. Échographie endorectale basse (EER) ↦peut être réalisée pour :
- préciser l'épaisseur maximale de la tumeur et l'envahissement des couches ;
- rechercher des adénopathies péri-rectales et du promontoire recto-sigmoïdien ;
- exprimer l'extension locale (us-TN).
4. Frotti cervico-vaginal de dépistage : systématique avant toute irradiation pelvienne chez
les femmes est systématique ;
5. Sérologie HIV ;
6. Dosage initial des SCC sériques
7. Imagerie métabolique par TEP au 18 FDG : recommandée pour rechercher des ganglions
pelviens ou inguinaux non suspectés par l’imagerie classique
VI. LE TRAITEMENT :
A) Les Buts :
1. Guérir le patient ;
2. Obtenir le meilleur contrôle local ;
3. Conserver un sphincter fonctionnel.

B) Méthodes :
1. La radiothérapie :
 la radiothérapie conformationnelle par modulation d’intensité, afin d’éviter au
maximum les organes à risque avoisinants. Elle est administrée en 2 séquences
séparées par un intervalle le plus court possible :
- La 1ére temps d’irradiation doit délivrer sur le pelvis une dose comprise entre 36 et
45 Gy en fractionnement classique (1,8 à 2 Gy par fraction, 5 fractions par semaine).
- La 2éme séquence délivre une irradiation réduite sur la tumeur : 15 et 25 Gy
(Apportée soit par radiothérapie externe (RE) soit par curiethérapie interstitielle).
 La RE pelvienne avec une dose de 36 Gy en 4 semaines puis une deuxième séquence
de 23,4 Gy en 17 jours après un intervalle libre de 16 jours.
2. La chimiothérapie  concomitante: comporte du 5-fluorouracile (5FU) à la dose de
1000 mg/m² par jour de J1 à J4, et de la mitomycine C à la dose de 10 mg/m² à J1 la
première et cinquième semaine de traitement le premier jour du traitement
3. La chirurgie : il peut s’agir :
- D’exérèse en monobloc avec des marges chirurgicales ≥ de 1 mm.
- Une amputation abdomino-périnéale (AAP).
- Une colostomie de décharge, en cas d’envahissement de la cloison recto-vaginale ou
de risque sub-occlusif.
- Le curage inguinal, doit être réservé aux adénopathies résiduelles après association
radio-chimiothérapie concomitante ou encore aux rechutes ganglionnaires.
C) indications  thérapeutiques :
 Stades T1 N0 :

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 Pour les carcinomes épidermoïdes de la marge anale, l’exérèse chirurgicale en


marges saines (>1mm) ;
 Pour les carcinomes épidermoïdes du canal anal, la radiothérapie exclusive.
NB : Si exérèse chirurgicale 1ère pour marisque ou découverte fortuite sur histo
post op ↦ pas de RT si marges saines et T < 10mm et bilan négatif (IRM et TEP).
 Stade T2 N0 / T2 N1 / T2 N3 / T3 / T4:
 l’association radio-chimiothérapie concomitante exclusive avec une association de
5 FU–Mitomycine ;
➽ La réponse à la radio-chimiothérapie devant être évaluée au minimum 6 à 8
semaines après la fin du traitement, un délai supplémentaire allant jusqu'à 6 mois est
souvent nécessaire avant de décider une chirurgie.
 Amputation abdomino-périnéale (AAP) et colostomie iliaque gauche : en cas de
mauvais résultats sphinctériens responsables d’incontinence anale, ou en cas de
fistule recto-vaginale, de maladie persistante après radio-chimiothérapie ou de
progressant sous trt bien conduit.
 AAP et colostomie périnéale pseudo-continente : chez les patients jeunes, refusant
une colostomie iliaque gauche, elle permet de conserver une certaine intégrité
corporelle.
 Tumeurs métastatiques d'emblée :
- Une chimiothérapie de première intention ;
- Radio-chimiothérapie concomitante : en cas de tumeur considérée comme
métastatique en raison d’une atteinte ganglionnaire lombo-aortique.
- Colostomie de décharge si incontinence.
D) Les résultats du trt dans le CCA :
 T1 – T2 N0 :
 70 à 90 % de guérisons ;
 Le plus souvent sans chirurgie.
 T3 – T4 :
 60 à 70% de guérisons ;
 Souvent avec chirurgie de rattrapage.
 La fréquence des récidives locales est dépendante du stade TNM. Elle est estimée :
- < 20 % pour les cancers classés T1 ;
- comprise entre 10 et 30 % pour les cancers classés T2 ;
- entre 20 et 40 % pour les cancers classés T3 et T4.
VII.SURVEILLANCE DES CCA :
A) les buts  de la surveillance est double :
1. dépister une récidive locale ou métastatique ;
2. déceler une complication locale liée au traitement.
B) Les RCD :
 Dans les 2 ans surtout ;
 % en fonction du stade TNM 30 ;
 Trt Chirurgicale ;
 Savoir attendre …
C) Comment faire le suivi ?
 TR + palpation GG inguinaux + anuscopie :
 6 à 8 semaines après la fin du trt ;
 Tous les 4 mois pendant 2 ans, puis tous les 6 mois pendant 5 ans.
 Pas de biopsie si réponse complète :
 Eviter les biopsies chirurgicales ↦ risque de nécrose.
 Options :
 TDM TAP annuel ;
 TEP 4 à 6 mois après fin du trt ;
 IRM avant chirurgie de rattrapage ;
 Dosage des marqueurs sériques « SCC ».
D) CONCLUSION : Le cancer du canal anal :

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 Est un cancer rare, mais en augmentation ;


 Favorisé notamment par les infections à HPV ;
 D’évolution plutôt loco régionale ;
 Le traitement de référence est souvent la RCT ;
 Pour lequel la chirurgie n’est souvent que rattrapage ;
 le pronostic est généralement favorable lorsque le diagnostic et le traitement sont
précoces.

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES.

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6 : Cancer du canal anal .Date de cette version : 12/11/2016 ;
2. National Comprehensive Cancer Network (NCCN).: Guidelines for Anal
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Eur Radiol 2011;21:776-785.
4. TNCD-chapitre 6 : Cancer du canal anal (cancer de l’anus). Date
de cette version : 01/06/2010 ;
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