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Dédié à toutes les filles et tous les fils religieux que Dieu m’a donnés.
Depuis que j’ai fondé la communauté des sœurs missionnaires de sainte Thérèse
de l’enfant Jésus en 1929, j’attendais l’heure et le jour pour commencer à vous écrire
mes petits conseils spirituels, mes enseignements, mon testament ; mais Jésus, mon bon
et cher Maître m’occupe tellement et moi, j’aime tant être à ce qu’Il me commande,
aussi, pour cette raison, je n’avais pas pris la plume.
Que celui-ci (mon testament) me serve et serve à toutes mes filles et mes fils et à toutes
ces âmes aimées par Celui qui aime la mienne. Et que tout rende Gloire à Dieu.
Que chaque lettre que je vous adresse soit un acte d’amour pur à Jésus, une louange à
l’Adorable Trinité, une réparation pour mes nombreuses infidélités et une tendresse à
ma Mère Immaculée, à mon Père Joseph et à ma douce compagne Sainte Thérèse de
l’Enfant Jésus.
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I. LE CHRIST EST MA VIE
Par où vais-je commencer ? Par le commencement, mes filles, par où je dois commencer,
par la parole de l’apô tre : « Mihi vivire Christus est » (ph 1, 21). Pouvons-nous avoir une
autre manière de vivre, quand nous le portons ici, au-dedans, quand nous le sentons,
quand son souvenir unit tant de fois avec douceur de ciel notre gorge et inonde de larmes
suaves nos yeux de chair, quand les yeux de l’esprit le contemple si aimant, si tendre, si
Père, si ami, là dans le cœur ?
L’âme chrétienne et surtout l’âme religieuse, âme vierge consacrée à son amour,
pourra-t-elle par conséquent avoir un autre mobile à ses pensées, à ses affects, à ses
paroles, à ses actions, à ses entreprises, à toute sa vie, qu’à ce Maître qu’elle porte
dans son âme ? Ma vie, c’est le Christ !
Saint Paul dont la vie était le Christ, s’exprimait ainsi : « vivo ego, jam non ego, vivit
vero in me Christus » (gal 2, 20). « Je vis, mais ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ
qui vit en moi ». Et le Christ vivait tellement en son apôtre que les œuvres de Paul
n’étaient de lui qu’en seconde position, parce que le premier et principal dans toutes ses
activités était le Christ bien-aimé qui le faisait s’exclamer : « Pour moi vivre, c’est le
Christ » ! (ph 1, 21) « Je vis mais ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en
moi ». Voyez mes filles, le secret de la vie intérieure, de la vie divine, de la vie
surnaturelle et par conséquent de la sainteté. Que le Christ vive et œuvre en vous !
Ainsi soit-il.
Pourquoi vous êtes vous approchées de Dieu ? Pour vivre plus de Lui, en
faveur des âmes ; pour vivre plus avec Lui, pour vivre plus à l’intérieur de vous-
mêmes, pour vivre plus de l’extérieur vers l’intérieur que de l’intérieur vers l’extérieur,
c’est-à-dire en constant mouvement vers votre intérieur où habite l’Epoux, où habite la
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Très Sainte Trinité. Par conséquent, vivre en constante et cordiale union avec ce Jésus
qui habite en vous par la grâce, en parfaite intimité.
Intimité signifie amitié étroite ; et comment l’amitié pourra être avec Jésus si l’âme se
répand à l’extérieur comme il arrive à la plupart des chrétiens, même à des prêtres et
religieux, au lieu de se recueillir en elle-même, vers son intérieur où brûle la flamme
divine qui doit irradier comme un puissant feu les autres âmes ?
Une religieuse : « le matin, je prends Jésus par la main et je ne le laisse pour rien de
toute la journée »
Une maîtresse d’école : « Jésus vit en moi avec une telle intensité qu’il m’est arrivé de
Lui dire : oh mon Jésus laisse-moi tranquille. Tu ne me laisses même pas faire la
classe »
Une sœur hospitalière : « Pouvez-vous croire que je sois restée 10 minutes sans penser
à Jésus ? »
Le Père de Foucault à quelqu’un qui s’excusait de devoir le laisser seul : « Oh ! Non,
je ne suis jamais seul ». C’était que la présence de Jésus ne le l’abandonnait pas.
Une femme aveugle à un visiteur dans sa pauvre maison qui lui manifestait de la
compassion concernant sa solitude : « Oh non ! Je vis dans le Bon Dieu ».
Ce serviteur disait un jour à une de vous : « qu’elle vive sans cesse près de Jésus et
travaille près de Lui ; au coucher, qu’elle s’appuie amoureusement, comme Jean sur le
cœur de Jésus ». Cela serait « intimité », « amitié étroite », «union cordiale avec Lui ».
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3. INTIMITE AVEC JESUS
L’âme vivant en Jésus et Jésus en elle, il y aura nécessairement intimité avec Lui,
pourvu que l’âme s’offre, ce qui serait la première étape vers le sommet de la sainteté.
Cette intimité entre la religieuse et Jésus doit être plus grande que celle entre l’ami et
l’ami ; l’époux et l’épouse, la mère et l’enfant ; par conséquent les relations doivent
être plus étroites entre l’épouse virginale de Jésus qui veut être sainte et Jésus son divin
époux.
Si cette âme répond avec fidélité, elle se dépouillera peu à peu de ses sentiments et
affects propres pour laisser place aux sentiments de l’Aimé : peu à peu, elle cessera
d’être elle pour se transformer en Lui. Ainsi, elle passera de l’intimité et l’amitié
étroite, à la transformation et à l’identification avec Lui. Identification signifie
transformer deux choses en une même chose. Identification avec Jésus signifie par
conséquent que l’âme soit une même chose avec Jésus comme deux gouttes de cire
unies, comme deux coupes d’eau et de vin qui se complètent et deviennent une seule
boisson.
Parfois comme je l’ai suggéré plus haut, l’âme sent que Jésus agit en elle et que sa vie
se fond dans celle du Christ en elle, « vivit vero in me Christus » gal 2, 20, que Lui la
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transforme progressivement dans cette union que les mystiques appellent «union
transformatrice».
C’est vrai mes filles, beaucoup, sinon toutes parmi vous aviez expérimenté avant de
porter le voile, l’inondation céleste de la consolation intérieure et la présence de
l’action sensible du Christ en vous-mêmes ? Il vous invite amoureusement à Lui
correspondre.
Je vois ai parlé de la parfaite intimité avec Jésus. Et vous me demandez d’où elle
vient ? Comment l’obtenir et comment l’embrasser ?
1- l’intimité avec Jésus provient de la présence réelle et intime avec Jésus par la
grâce. Plusieurs fois vous avez entendu ou lu dans l’Evangile ces paroles de Jésus : «Je
suis la vigne, vous êtes les sarments. …demeurez en Moi et Moi en vous ». Remarquez
bien ce que Jésus ne dit pas : « Je suis la racine », « Je suis le tronc », Il dit : «Je suis la
Vigne » c’est-à-dire la plante entière, et cependant il ajoute : «vous êtes les branches».
C’est-à-dire que Jésus est la vigne entière et nous sommes les branches, en même temps
que Lui ; ainsi nous sommes confondus avec Lui, formant les feuillages de la vigne.
D’où l’autre phrase : « demeurez en Moi » comme s’Il avait besoin de nous pour
produire des grappes.
je dois te dire avec foi et amour, les mains jointes et à genoux : « ne permets pas que je
me sépare de Toi ». Si je suis incorporée à Toi et forme une seule vigne avec Toi, si de
cette façon, Tu m‘as transformée en Toi, ne permets pas, non, que jamais je ne me
sépare de Toi. Sœurs, quel miracle de l’amour de Dieu que d’élever la nature humaine
jusqu’à la hauteur même de la divinité. « Si nous entendions un animal parler comme
un homme, une pierre marcher comme un animal, ou une fleur prendre visage humain,
nous perdrions la tête d’étonnement, et cependant ces élévations se vérifieraient dans le
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plan de la création. Ne restons-nous pas étonnées en voyant comment le Seigneur élève
les humains au-dessus de tout le créé pour nous plonger dans l’ordre divin, nous
divinisant, oui, nous divinisant en nous complétant par la grâce sanctificatrice de la
même vie de Dieu, de la même nature divine ?
« Participants de la nature de Dieu » selon Saint Pierre. Oh quelle réalité profonde mes
sœurs, que Dieu lui-même, par la grâce, soit la vie de l’esprit comme le sang est la vie
de la chair.
Je vous ai parlé des deux étapes de la vie spirituelle en rapport avec les ascensions que
vous avez proposées pour arriver au sommet de la sainteté, dont l’intimité avec Jésus et
l’identification avec Lui.
Les contours de ces deux étapes sont presque toujours imprécises et vagues. Toutes
deux s’appuient sur les dogmes fondamentaux de la vie spirituelle qui sont celui de la
grâce sanctifiante et celui de la présence de Dieu en nous. «Si quelqu’un m’aime, je
l’aime et nous viendrons chez Lui et ferons notre demeure chez Lui », (Jn 14, 24).
Oh ! Combien vous devez aimer et exercer cette intimité avec Dieu vivant au-dedans de
vous, non pas n’importe comment, mais avec amour, ferveur, avec une joie profonde et
en sainte coopération pour qu’Il puisse réaliser la transformation qu’Il veut : celle de
son épouse bien-aimée en Lui-même.
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Mais comment ? Me demandez-vous. Quels seront les moyens pour réaliser cette divine
transformation après avoir atteint l’intimité avec Jésus ?
1-Essayez jour après jour, heure après heure, moment après moment de vous
purifier de vos défauts. Je ne vous parle même pas du péché véniel et encore moins du
péché mortel parce que l’âme qui est habitée par la grâce ne commet pas ce dernier
péché et son grand souci doit être d’éviter le péché véniel. Je parle des défauts
inhérents à notre misère humaine et contre lesquels nous devons orienter notre habileté
quotidienne dans la lutte de tous les instants.
C’est que la douleur supportée pour le Christ se transforme en Ciel ; ainsi se réalise le
dicton de saint Augustin et que l’Eglise retient : « Nam, in eo quod amatur aut non
laboratur, aut et labor amatur » ( De Bono viduitatis ; migne T 46, page 448).
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Jetons un regard attentif sur les terrains où se trouve la grâce sanctifiante qui fait de
nous des intimes de Jésus et où se réalisent les transformations divines, terrain où
habite la Très Sainte et Auguste Trinité et dont l’adorable doctrine peut s’appeler
« l’essence de la vie chrétienne », qui
Par l’Incarnation, le Père nous a donné son Fils comme notre grand frère et nous a
adoptés comme ses enfants ; par l’Eucharistie, le Verbe fait chair habite vraiment,
réellement et substantiellement dans l’âme qui communie : c’est la présence
sacramentelle qui dure tant que durent les espèces ; mais l’habitation perpétuelle pour
la grâce est celle que constitue le principe sanctifiant et divinisant de l’âme heureuse
qui vit de Dieu. Cependant, cette sublime vérité est peu connue, peu approfondie. C’est
pour cela qu’il y a peu de Saints dans l’Eglise de Dieu.
Pénétrés de cette vérité, nous ne serions plus attachés au monde et ses bagatelles, ni à
nous-mêmes et nous nous élèverions sans cesse ; notre vie serait centrée en Celui qui
vit en nous, nous divinise et nous transforme. Si le prêtre, la religieuse, si même la
simple âme chrétienne s’imprégnait de cette pensée : « Dieu est l’hôte divin de mon
âme dans laquelle Il vit jour et nuit, désireux de recevoir là l’hommage incessant de
mon intimité et de mon amour », quelle vie intérieure intense on vivrait, quel
recueillement continuel on observerait, quelle sainteté on atteindrait ! C’est que Dieu
veut nous visiter. Il semble même qu’il aurait besoin de notre amoureuse intimité, pour
cela il vient jusqu’au fond de l’âme où Il établit son tabernacle et ensuite, souriant et
amoureux, il s’exclame : «Je trouve mes délices parmi les enfants des hommes » (prov.
8, 31) mais ainsi d’aucune autre manière sinon dans le fond de l’âme.
D’où la nécessité, l’urgence de vivre à l’intérieur de soi, dans la cellule de notre âme
où le Seigneur habite, pour qu’il y ait correspondance et que celle-ci transforme
vraiment notre vie en vie divine.
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7. CONTINUEZ ET COMPLETEZ LES ACTIONS DU CHRIST DURANT SA VIE
MORTELLE
Notre idéal, selon la phrase forte d’un grand mystique moderne, devrait être de
devenir une "humanité de surcroît" pour le Christ. Très belle phrase. Idée sublime qui
est dans la réalité. Ce qui manque est que chacun de nous s’efforce d’être cette
"humanité de surcroît" en vivant un idéal si élevé. Pour cela, on pense que la très sainte
humanité de Jésus est une goutte de cire et que notre pauvre humanité en est une autre
et que les deux se fondent et s’unissent, pour n’en former qu’une seule, restant ainsi
notre pauvre et petite humanité absorbée par la très sainte humanité de Christ, laissant
réaliser ce principe de la haute philosophie :
La plus grande partie attire à elle la plus petite. Que la divine goutte de cire nous attire
donc et nous transforme en elle, ainsi nous serons transformés en Christ ; donc sa
divine humanité aura transformé en Elle notre pauvre humanité. "Trahe me" (Cant. 1 :
13)
Jésus est présent en nous par la grâce avec Sa divinité et avec Son Esprit.
C’est pour cela que la vie spirituelle se résume en ces mots : "la garde du cœur" comme
le dit le père Lallemant. Cette ‘garde du cœur’ consiste à être si docile aux plus petites
inspirations de la grâce, de sorte que Jésus Christ puisse vivre parfaitement en nous,
adhérer à nous et nous, adhérer à Lui, comme l’enseigne l’école française du XVII ème
siècle. Union intime avec Lui, tête du corps mystique présente en notre âme, union si
intime comme celle des deux gouttes de cire dont nous venons de parler (Card de
Barulle, M Olier etc.).
Saint Jean Eudes, dont je me suis imprégné pendant les années de mon
séminaire, rapporte ces lignes très précieuses que je vous transcris : « filles bien-
aimées, pour que vous les méditiez lentement et qu’elles soient votre précieux aliment :
« Ainsi, comme Saint Paul nous assure qu’il contemplait les souffrances de Jésus
Christ » ; ainsi on peut dire en vérité que le véritable chrétien, qui est uni à Lui par la
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grâce, continue d’en compléter par toutes les actions, faites, selon l’esprit de Jésus
Christ, actions de Jésus Christ lui-même durant sa vie mortelle dans le monde.
De telle sorte que, quand un chrétien prie il ne fait que compléter la prière que Jésus
Christ a faite sur la terre, quand il travaille, il continue et complète la vie active de
Jésus Christ, etc. Nous devons être comme d’autres Christs dans ce monde, pour
continuer et compléter sa vie et ses œuvres, pour faire et souffrir tout quoique nous
fassions ou subissions saintement et divinement, dans l’esprit de Jésus christ, c'est-à-
dire avec des dispositions saintes et divines’’ (ouvre I, Page 164)
Ah ! Mes filles, quand est-ce que nous oeuvrons et souffrons avec Jésus Christ
comme deux gouttes de cire fondues, comme un seul être.
Mon désir ardent est que vous vous complétiez de cette doctrine consolante de
l’identification avec votre divin époux qui est la doctrine de Saint Paul, la doctrine de
Saint Augustin, la doctrine de Saint Thomas d’Aquin, la doctrine de saint Jean Eudes et
d’innombrables spirituels modernes qui voient très clairement que, si elles se
diffusaient, se propageaient et si elles s’enseignaient pour être mieux connues, il y
aurait beaucoup de saints et les communautés religieuses, les prêtres du monde entier
seraient plus parfaits. Car si les directeurs de conscience les acheminaient vers une
union plus étroite et plus élevée avec Jésus Christ, ces âmes courraient comme des
géants sur leur chemin et seraient favorisées avec de nouvelles ascensions dans leur
union mystique, au lieu de végéter dans la médiocrité, obligeant l’Esprit Saint à faire
des efforts extraordinaires et continuels avec moins de résultats dans l’âme, laquelle
grandirait avec une incroyable rapidité et promptitude si elle vivait et travaillait dans
cette union et identité avec Jésus Christ, que lui-même veut nous demander par la
bouche de l’apôtre.
Une des pratiques de cette union et identification nous est enseignée par Saint
Jean Eudes de manière graphique concernant la communion quand il parle
amoureusement à Jésus lui disant : "Mon divin sauveur…afin de vous recevoir, non pas
en moi, car je suis si indigne d’une telle faveur, mais en vous même, et avec votre
amour, je suis abasourdi à vos pieds, à la mesure de mes possibilités, je fais la même
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chose avec tout ce qui est en moi : je vous supplie de vous établir en moi, et d’établir
en moi votre divin amour ; afin que venant en moi, dans la sainte communion, vous
soyez reçu, pas en moi, mais en vous-même. (œuvres I page 140)
En ce qui concerne ce qui a été discuté jusqu’à présent, nous avons, avec une
précision admirable, ce qu’on lit dans la vie de Monseigneur Gay et qui a été dit par lui
à sa sœur, à savoir : que le malheur de la plupart des chrétiens est dans le fait que pour
eux, la religion n’est qu’un ensemble de lois pour ou moins rigoureuses et non une vie
dans laquelle l’amour est le commencement, le soutien et la fin. Sans amour, dans
l’âme, Dieu continue à être un être aérien, lointain, froid et effrayant, sans aucune
attraction puisque seul l’amour attire, seul l’amour incite à servir. Pour cela, il est
indispensable de mieux connaître notre Seigneur ; et quand vous accomplissez un
devoir, n’imaginez pas que vous vous occupez de cet être lointain, mais pensez que
vous faites le travail de Jésus-Christ, qui est en nous pour nous aider à le faire. Il doit
s’établir entre Jésus et la personne ou l’âme une amitié très simple qui manifeste tout :
peine, joie, nécessité, désirs et même les fautes ; on doit recourir à lui à toute occasion ;
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on doit l’associer à tous les actes de la vie en sachant qu’il veut être pour l’âme ce que
la racine est pour la plante ou la sève pour le fruit. (vie pour Dom Boisrouvray).
Oui, soeurs, efforcez-vous d’être des plantes dont la racine, c’est Lui, des fruits dont la
sève, c’est Lui, associées à Jésus dans les affaires surnaturelles du Père, dans votre
sanctification et la sanctification du monde, pour Le glorifier. Nous sommes une
prolongation de Jésus et nos actions, les siennes. Donc établissons Le en nous pour une
union d’amitié qui nous rende semblable à Lui, nous identifie avec Lui.
On peut ajouter ici ce que le même apôtre dit aux Colossiens : « Tout subsiste en
Lui ».(Col 1,17). Si cela s’applique aux êtres créés dans l’ordre naturel, que dirions-
nous de l’ordre surnaturel ? Sur qui s’appuient les âmes pour faire le bien ? Sur qui
s’appuient-elles pour atteindre la sainteté ? Sur le Saint des Saints qui non seulement
veut être Un Tout avec chacun de nous comme membre de son corps mystique, mais
qui nous prend la main et nous porte sur les chemins de la perfection aux heures de nos
faiblesses et de fatigues spirituelles : « illuc…manus lica deducet me et tenebit me
dextera tica ». « Ta main me conduit, ta droite me saisit » (ps 136,40)
Ce maréchal, lors d’une visite qu’il fit aux séminaristes Oblats de Sion, leur dit :
« Petits moines, votre vie avec ses règles, ses prières, ses sacrifices est aussi
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nécessaire, aussi féconde. A côté de l’action se trouve la méditation ; à côté de l’effort
extérieur se trouve la vie intérieure ; à côté de la lutte contre les éléments et contre les
hommes se trouve la lutte contre soi-même. La vie ne serait qu’une folie incohérente si
elle n’était pas régie par la spiritualité. Sans des hommes comme vous, des hommes
comme moi ne seraient rien. Dans les heures sombres de la lassitude et de
découragement, (et qui n’en aurait pas ?) vous vous demanderez si vous n’avez pas
commis une folie en venant vous enfermer dans le cloître ? Ou réalisez-vous le
contraire, dans quelle mesure êtes-vous utile, indispensable ? Vous avez dans le monde
une place spéciale »
Mes sœurs, contemplatives, vous avez de précieuses réflexions d’un laïc et quelques
questions qu’à mon tour, comme le maréchal Lyantey aux moines oblats, je veux vous
adresser à vous, les cloîtrées par amour de Dieu et des hommes.
Mais on vous demandera : mes sœurs, n’est-ce pas une folie de venir vous
enfermer entre quatre murs ? Vous allez alors répondre : oui, c’est la folie de la croix,
parce que sans la pénitence et la prière, loin du bruit du monde, l’univers se lézarderait
puisque c’est seulement par ces deux pratiques qu’on pourra arrêter le bras irrité de la
divinité. Pour cela, l’existence des contemplatives est indispensable. C’est seulement
par ses pratiques qu’on donner une fécondité à l’action de tous ceux qui travaillent dans
le champ des âmes.
Je pense, mes chères sœurs, que les institutions contemplatives sont l’ultime
maillon de la chaîne humaine vers Dieu, ainsi : ceux qui ne connaissent pas encore, et
n’aiment pas Dieu, ceux qui le connaissent et ne Le servent pas parce que le péché les
rend esclaves ; les indifférents ; les chrétiens qui vivent dans la grâce, mais manquent
de ferveur ; les âmes ferventes qui vivent dans le monde ; les religieux, les prêtres, les
ordres contemplatifs, enfin, ceux qui vivent plus loin du monde et plus proches de
Dieu.
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11. ETRE TRANSFIGURE
Jésus a voulu donné à goûter à ses trois apôtres un goût anticipé du ciel, les a prévenus
du scandale de sa passion et nous laisse à tous un modèle de transfiguration ou de
transformation en Lui par la vie chrétienne.
Vivre de Jésus-Christ, n’est rien d’autre que de faire entrer le Christ immortel dans
notre enveloppe mortelle, c’est faire entrer la lumière dans les ténèbres de notre âme
pour les dissiper, c’est semer la vie divine dans le champ de nos cœurs pour qu’elle y
fleurisse et y produise des fruits de vie éternelle, c’est se transformer, être transfiguré
en image du Christ, c’est nous perdre nous-mêmes pour rencontrer le Christ (page 41),
c’est mourir à notre égoïsme personnel pour nous revêtir de l’Esprit du Christ, c’est
transformer en vertu nos mauvaises inclinaisons, nous renouvelant à chaque instant
jusqu’à ce que la vie même du Christ se manifeste en chacun de nous, comme dit saint
Paul. Quel sublime idéal de transformation spirituelle !
Pour cela, il suffit d’observer ce que l’Evangile nous enseigne. Gravir comme le
Christ sur la montagne de la transfiguration, gravir toujours dans la hauteur d’esprit et
du cœur par la prière, par l’amour, par la foi. A tous ceux qui veulent suivre le Christ
par les flancs du Tabor, l’Evangile leur : « Plus haut, toujours plus haut, quittez les
profondeurs inférieures, les bas-fonds où se raréfie et se corrompt l’air, où les horizons
se réduisent, où rugissent les passions humaines d’où surgissent des émanations
pestilentes. Plus haut, toujours haut, sur les sommets lumineux où l’air est plus pur,
plus vastes les horizons, plus proche le ciel. Plus haut jusqu’au sommet du Tabor ou
Jésus nous attend, où il veut nous recevoir et nous parler » (citation du père Magaud).
Ainsi, l’âme purifiée de toute souillure par les larmes du repentir, paraîtra avec
ses vêtements comme ceux de Jésus, blancs comme neige et le visage brillant comme
le soleil.
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Désirez mes sœurs, désirez une telle transformation, une si lumineuse transformation,
en rendant plus légers vos pas vers le sommet où votre époux apparaît transfiguré.
Purifiez-vous sans cesse, même des souillures mineures pour pouvoir briller comme le
visage de votre Christ, à la manière du soleil qui éclaire dans son zénith : ce sont les
éclairs de la lumière, de l’amour, de la beauté, de la vie de votre Jésus. Divine trilogie
pour votre transfiguration : gravir, se purifier, briller et ainsi vous transformer.
En toutes choses et en tous faits, voyez toujours Jésus, comme les apôtres, dont
nous parle avec grâce l’Evangile de ce dimanche, "qu’ils ne virent que Jésus". Moïse,
Elie et la Splendeur avaient disparu. Vous aussi, voyez Jésus seul.
Ne quittez pas Jésus, ni dans vos pensées, ni dans vos désirs, ni dans vos actions. Ainsi,
vous monterez sans cesse jusqu’à des sommets ignorés et vous serez favorisées par
divers degrés de l’union mystique. Mais il est urgent de sortir de la routine, cette
ennemie du progrès spirituel, ne restez pas à végéter comme la plupart dans une triste
médiocrité. Désirez encore plus les grands charismes comme l’enseigne Saint Paul.
"Ae mulamini, carismata meliora" 1 Cor 12,31. Vous savez que l’Esprit Saint est
déterminé à vous faire monter, mais vous demande d’adapter vos efforts aux siens.
Vous êtes membres du Christ mais pas de n’importe quelle manière, car nous sommes
des membres choisis, des âmes élues. Comprenez que l’élection de la part de Dieu ne
vous servira à rien si vous ne coopérez pas à l’action de l’Esprit Saint.
"Les âmes victimes" qui savent que le Christ est en elles et qui sans cesse agissent en
cette Présence Divine et se préoccupent seulement du fait qu’Il vienne se substituer à
elles-mêmes, atteindront rapidement cette transformation d’elles en Jésus. Elles sont
comme ses victimes, pour la gloire du Père, qui complètent dans leur chair ce qui
manque à la passion du Seigneur !
Elles souffrent avec joie, toutes les peines, même les plus atroces que le
Seigneur leur envoie, parce qu’elles savent que le Christ veut continuer à souffrir en
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elles et assouvir en elles sa faim de souffrir. Elles, les âmes victimes acceptent la
douleur avec Jésus et par Jésus comme leur héritage, même si fatiguées, elles doivent
crier "Mon Jésus, si c’est possible, éloigne de moi ce calice, mais que ta volonté se
fasse, et non la mienne !
Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, dans une sublime prière que vous priez tous les jours,
s’est offerte comme holocauste, c'est-à-dire comme victime à l’amour miséricordieux.
Est-ce que ce fut un vœu formel ? Est-ce que ce fut seulement un désir de se consumer
avec le Christ ? Nous ne le savons pas. Mais il est vrai que si sa principale doctrine est
celle l’enfance spirituelle, sa petite voie ; cette vie, cette petite voie exige, s’il faut
arriver jusqu’au bout, beaucoup d’efforts continuels et intenses, et un amour sans
limite, parce que c’est un chemin de croix.
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Elle comme saint Paul, voulait et cherchait à reproduire Jésus en tout, de
manière spéciale dans son abnégation et son sacrifice, en acceptant toutes les
souffrances, crucifiée avec Lui et s’exclamant avec l’apôtre : "Christo confixus sum
cruci’’. Ce qui signifie : je suis clouée avec le Christ sur la croix. La vie de la petite
Thérèse ne fut pas cependant la reproduction d’une facette de la vie de Jésus, son
enfance et sa vie à Nazareth ; non, elle L’a reproduit plutôt dans l’immolation, dans la
souffrance et sur la croix.
La petite Thérèse s’est intégrée d’une telle manière aux douleurs de son Epoux qu’elle
parvient à devenir comme Lui, un petit Christ immolé pour la Gloire du Père et pour les
âmes.
Un prêtre me disait au début de mon ministère qu’il n’aimait pas les dévotions
féminines et infantiles, comme celle qu’on attribuait à cette nouvelle petite sainte de
Lisieux. Je me suis senti visé car mon amour pour la petite Thérèse de Lisieux a
toujours été vivant ; rapidement, je lui ai répondu : Dévotion féminine et infantile celle
de la petite Thérèse ? Imitez-la alors si vous êtes si fort. Et en vérité, la petite Thérèse
avant de devenir carmélite a pensé seulement à s’immoler, sacrifiant toutes les
consolations et satisfactions extérieures de l’apostolat, parce qu’elle ‘‘avait trouvé la
manière d’apaiser son cœur’’, sans aller sur les champs de missions, mais en
s’enfermant dans le cloître. Elle disait : « La seule chose qui mérite d’être appelée
amour est l’entière immolation de soi-même.
Dès l’âge de 3 ans, « elle n’avait rien refusé à Dieu » par une immolation de
tous les moments, et elle écrivait ainsi avant sa première communion : « Tous les jours
j’essaie de faire beaucoup de petits sacrifices, m’efforçant comme je peux pour ne
laisser passer aucune occasion »
« Oh, mon Dieu, s’exclama t elle : je n’ai pas d’autre moyen pour Te démontrer mon
amour que de fleurir, c'est-à-dire ne pas lésiner sur aucun sacrifice, ne laisser perdre
aucun mot, aucun regard, profiter de toutes les actions les plus insignifiantes et les
exécuter toutes par amour »
Dans ses aspirations immenses et variées, ces sublimes souffrances sont mises en
évidence : « Je voudrais surtout le martyr comme vous, époux adoré de mon âme, je
voudrais être frappée, crucifiée ; je voudrais mourir écorchée comme saint Barthélemy ;
comme saint Jean, je désirerais qu’on me plonge dans de l’huile bouillante ; que des
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dents des fauves me broient comme elles ont broyé saint Ignace d’Antioche pour que je
devienne un pain digne de Dieu… expirer, comme Jeanne d’arc, en prononçant le nom
de Jésus sur un bûcher allumé ». Tout ceci, et beaucoup plus prouve que la petite
Thérèse était devenue un autre Christ, patiente, immolée, clouée sur une croix.
Il me vient cette idée : depuis le moment de votre profession, vous ne devriez pas vous
préoccuper ni avoir à vous préoccuper dans l’avenir que de cette sublime trilogie :
Dieu, les âmes et votre propre âme.
1- Dieu
2- Les âmes
« La moisson est abondante et les ouvriers peu nombreux (Luc 10,2). Le Seigneur m’a
envoyé pour évangéliser les pauvres et guérir les malades de l’âme. Luc 4,18 : « j’ai
soif ». (Jn 19,28), soif des âmes. Après Dieu, le but de la vie de la religieuse, c’est les
âmes, les âmes de leurs semblables.
Le troisième but de la vie de l’épouse de Dieu après ses professions, c’est elle-même.
Mais regardez mes filles : ces deux mots se réduisent en une seule expression, ‘je’. Ce
‘je’, qui est une simple monosyllabe, se transforme en deux moitiés terribles : le ‘je’
qui milite contre l’esprit et le ‘je’ qui se divinise ; le ‘je ‘ tremblant, agité par les trois
concupiscences et le ‘je’ qui supporte la mortification du Christ dans son propre corps,
qui vainc toute passion ; le ‘je’ qui sent en lui-même une loi contraire à celle de l’esprit
et le ‘je’ qui triomphe par l’observance de la loi du Seigneur immaculé. Votre unique
but est donc, mes filles, Dieu, les âmes et vous-mêmes.
Désirant vous parler du corps mystique du Christ, je veux vous dire que si pour
vous, vivre, c’est le Christ, votre mort doit être en Christ. Pour mourir, nous naissons
et nous devons travailler chaque jour de notre vie pour mourir en Lui. Pour bien
comprendre cette vie et cette mort en Christ et atteindre la Gloire éternelle en Christ, je
vous exposerai quelques considérations pour votre perfection spirituelle, pour votre
sainteté, sur l’union avec Christ notre tête.
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Premièrement : Comment se réalise cette union ? Je vous l’ai déjà dit et je vous le
répète : ces sublimes idées qui ne vous feront pas de mal, j’en suis sûr, et vous aurez à
trouver quelque chose de nouveau pour votre perfectionnement, surtout en vous
considérant comme membres privilégiés du Corps Mystique du Christ.
Réalité sublime que celle-là mes sœurs : Jésus, Dieu Homme, la tête et tous les
élus depuis le calvaire jusqu’au dernier jour des siècles, nous formons, oh mystère
consolateur, un seul Fils de Dieu avec le Fils bien-aimé du Père et Bien aimé de nos
cœurs. Mystère, ai-je dit, parce que qui pourra le comprendre ? Ni même l’imaginer ?
Mais voici que l’Esprit Saint, qui selon la promesse de Notre Seigneur, devrait nous
révéler toute vérité, nous l’a déclaré et éclairci à travers Saint Paul dans les termes
suivants : « Il (Christ), en d’autres générations, ne fut pas connu des enfants des
hommes comme Il a été révélé maintenant à ses saints apôtres et prophètes en esprit, à
savoir : que les païens sont cohéritiers et incorporés et participant de sa promesse en
Jésus Christ par l’Evangile Eph 3,5-6. C'est-à-dire que nous sommes membres du
même corps : "Il est la vigne, nous les sarments" jn 15,5 ; « Le Christ, la pierre
angulaire, nous, les pierres vivantes. 1 P 2,4-5. Lui, l’Epoux, l’humanité son épouse.
Ceci est un mystère qu’à peine nous entrevoyons , mais de ce mystère, l’Esprit Divin
nous fait comprendre que par cette union, nous serons sauvés grâce à notre
transformation et à notre incorporation à Lui.
Ensuite, nous sommes ‘un’ avec Jésus, oh filles bien aimées, notre vie, c’est sa
vie, nos œuvres sont les siennes, son sang divin coule dans nos veines, nous sommes le
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complément du Christ total, nous sommes enfants de Dieu et avec Jésus, nous formons
un seul fils de Dieu.
Revenons à Saint Paul en ce qui concerne les abîmes de ce mystère du corps mystique.
Vous avez entendu la délicate et douce comparaison de Jésus : «Je suis la vigne, vous
êtes les sarments» Jn 15,5). Ecoutez maintenant Saint Paul plus expressif si vous
voulez et plus concret, car il nous parle de manière claire du corps et de la tête. Il est la
tête du corps de l’Eglise, qui est le commencement, le premier né d’entre les morts »
(Col 1,18). Et ailleurs « Dieu a fait de lui la tête de toute l’Eglise qui est son corps »
Eph 1,23. Dans la 1ère épître aux corinthiens, il dit : "Comme le corps est un et possède
plusieurs membres, et tous les membres, malgré leur grand nombre, ne forment qu’un
seul corps, il en est ainsi pour Christ » et nous en Lui (12, 12). Plus loin, il ajoute :
"Vous êtes le corps du Christ et membres chacun pour sa part (12,27).
Dans l’épître aux Colossiens, nous trouvons ce texte : "vous êtes appelés dans
la paix du Christ à former un seul corps", (3, 15) dont les membres doivent vivre dans
la plus grande parfaite harmonie selon ces mots : ‘‘Si le pied disait : parce que je ne
suis pas la main, je ne fais pas partie du corps, cessera t-il pour autant d’être du
corps ?... Si tous étaient un seul membre, où serait le corps ? Pour cela bien que les
membres soient nombreux, il n’y a qu’un seul corps » 1 cor 12,15-19).
Le même Saint Paul nous recommande de grandir en Christ qui est notre tête :
«Mais, vivant selon la Vérité et dans la Charité, nous grandirons de toute manière vers
Celui qui est la Tête, le Christ, dont le corps tout entier reçoit concorde et cohésion par
toutes sortes de jointures qui le nourrissent et l’actionnent selon le rôle de chaque
partie, opérant ainsi sa croissance et se construisant lui-même dans la charité. » (Eph,
4,15-16).
Oh, sœurs, quelle sublimité de doctrine dans laquelle abondent toutes les épîtres de
saint Paul ! Saint Thomas nous explique comment nous sommes membres du corps
mystique du Christ par ce qu’est le corps humain et ajoute : tout ce que j’ai dit du
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corps humain, vous devez l’appliquer à vous-mêmes ! Vous êtes le corps mystique de
Jésus Christ, qui est la tête de ce corps. Celui-ci se compose de membres solides et de
membres faibles ; c'est-à-dire, de ceux là qui ont seulement reçu les grâces communes
et de ceux qui sont comblés de dons extraordinaires ». Vous avez cessé d’être des
membres faibles pour être des membres forts du Corps du Christ, avez-vous
correspondu à une telle grâce ?
Ecoutez ce que rapporte saint Paul après nous avoir dit que nous sommes corps du
Christ et membre du même corps « et ceux que Dieu a établis dans l’Eglise sont
premièrement les apôtres, deuxièmement les prophètes, troisièmement les docteurs,
ensuite , il y a les vertus, puis les dons de guérison, d’assistance (les services
ecclésiastiques d’assistance aux pauvres, orphelins, prisonniers, etc…) de
gouvernement, les diversités de langues, l’interprétation des mots » 1 cor 12,28.
Mes sœurs, je vous répète que vous êtes des membres proches du cœur du
Christ, tête adorable et votre idéal doit être celui de la petite Thérèse : ‘‘Battre à
l’unisson de ce cœur adorable et être des fibres qui brûlent dans le même feu jusqu’à
mourir.
La langue humaine peut parler de choses humaines, mais quant aux choses
divines, nous dit Saint Paul, il a des paroles ineffables qui ne sont pas licites à
l’homme de prononcer (2 cor 12,4), comme il y a des concepts que l’homme ne peut
percevoir parce qu’il y écrasera la grandeur de la divinité. Pour cela, nous exclamons
dans la prière du bréviaire : o altitudo divitiarum sapientae et scientiae dei, ce qui veut
dire : oh profondeur des richesses, de la sagesse et de la science de Dieu. Que ses
jugements sont insondables et ses voies impénétrables » (Rom 11,33) (capitula de la
vigile de la sainte trinité).
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lui-même et saint Paul, comme l’avons déjà vu, puisque le Christ entier se compose de
Lui comme tête et des fidèles comme membres.
Saint Augustin nous rapporte une phrase expressive, qui lui correspond
tellement : « L’Eglise est l’Homme unique, dispersée partout dans le monde, c'est-à-
dire le Christ unique dans les fidèles de toutes latitudes. (Ps 35) Jésus Christ dit à ses
apôtres : ‘‘Celui qui vous écoute, m’écoute, celui qui vous méprise me méprise. Il
s’identifie ainsi à vous. Et ailleurs : ce que vous ferez à un de ces tout-petits qui croient
en moi, c’est à moi que vous le faites ; tous vous êtes un avec le Christ (gal 3, 28). Tout
ce que nous faisons donc a nos prochains qui croient en Christ, c’est à Lui que nous le
faisons, parce qu’ils sont membres de son corps mystique.
Je vous ai déjà expliqué, mes chères filles comment se vérifie cette union en me
servant des paroles même de Jésus « comme le père qui m’a envoyé, vit que je vis par
le père, ainsi, qui me mangera, vivra par moi’’ Jn 6, 5. Jésus vit par le père, ensuite les
membres du corps mystique vivent par Jésus. Cette union et cette vie se confirment par
le Credo, Dieu né de Dieu, vrai Dieu né du vrai Dieu, consubstantiel au Père.
Nous vivons par le Fils et incorporés à Lui, nous faisons un avec Lui, parce
qu’il le veut ainsi. Lui qui fit de nous des enfants adoptifs de son Père ; nous sommes
de la famille de Dieu. Souvenez-vous de ce que nous disons dans le canon de la messe
dans le hano Igitu : nous te supplions donc, Seigneur, daigne accepter cette offrande de
tes serviteurs, qui est aussi de toute la famille. Cette famille là, est l’Eglise. Nous
sommes ceux qui forment le corps mystique du Christ. Dans la très Sainte Trinité, il y a
trois personnes et un seul Dieu dans cette unité indivisible ; dans le corps mystique, il
y a un Verbe incarné et des milliers de fidèles dont la personnalité demeure comme
dans les trois personnes divines et c’est cependant un seul ‘‘fils de Dieu’’ sans
confondre les personnes que sont le Verbe fait Chair et tous les hommes fidèles.
Dans la très Sainte Trinité, il existe une unité de personnes, pas une confusion :
c’est ce qui se passe dans le corps mystique du Christ. Je me demande d’où vient ou
provient l’ineffable beauté et souveraine harmonie qui existe dans le corps mystique du
Christ ? De cette union très étroite entre le Christ et ses membres, sans qu’il y ait
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confusion "Ne que confortes personas", comme dit l’hymne de St Athanase et que
nous prions en prime.
"Une fois unies à Lui, elles tendent librement vers Lui de toutes leurs
énergies, ajoutant à l’union fondamentale qui les rend participantes de la nature divine,
les hommages et les efforts de leur propre volonté".(El et nosotros, Grimaud - page 42).
Ainsi, nous sommes du Christ une portion du Christ, mais avec toute notre libre
volonté, nous nous consacrons au Christ, greffés à Lui comme les branches à la vigne,
consacrés avec Lui par le feu mystérieux de l’amour formant tous et chacun avec Jésus
un seul et même cœur, une seule et même âme comme le disait les actes des apôtres des
premiers chrétiens : « un même cœur et une même âme » (4,32).
Oh, sœurs quelle sublime orchestration des harmonies dans les vibrations des âmes et
des corps qui, divisés et subdivisés en millions de cordes sonores chantent la gloire du
Père depuis la terre.
Ce sont les saints, c'est-à-dire les membres du corps mystique, qui unis à Jésus,
en pensant, leur pensée passe par la pensée de Jésus, produisant des sons qui ne sont
pas de ce monde. En aimant, leurs cœurs frémissent et viennent unir leurs pulsations
avec celles de cette harpe adorable du cœur divin. En priant et en levant les yeux et les
mains au ciel, en présentant les sacrifices de louange au Père, en déplaçant et en
réalisant les actions, même les plus humbles, ce sont les yeux, les mains, les pieds, les
nerfs, les veines, l’être tout entier qui avec le Christ, comme un seul Fils de Dieu, prient
et travaillent, réalisant ainsi les activités humaines-divines, qui en dernier lieu sont
divines parce que un seul et unique fils de Dieu les mène à terme. Ce sont les éclairs
lumineux de la beauté incréée qui se dégagent d’un être créé, le corps mystique
divinisé par l’union avec le Verbe, personne divine, et les millions de personnes
humaines comblées de grâce.
Je vais vous citer, ici, mes chères filles une très belle phrase de l’auteur ci-
dessus mentionné : "de cette manière de l’union de nos personnes, le corps mystique
prend un caractère d’unité" qui surpasse tout entendement, toute intelligence" (Ph 4,7).
Pour cette raison, aucune des unions connues sur la terre ne peut se comparer avec
celle des membres du Christ et son chef. Le Christ est la tête, seulement de l’homme
régénéré, du chef d’œuvre de l’humanité reconstruite, puisque tout son corps mystique
est non seulement créé, transformé, fondu dans sa splendeur, sa lumière et sa grâce,
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mais aussi, conduit à l’amour de cette adorable tête jusqu’au point de ne faire qu’un
seul cœur et une seule âme avec elle.
Nous sommes membres du corps mystique du Christ, nous tous qui espérons
être dans sa grâce. Mais tous unis d’une manière essentielle ou commune pour tous, il
arrive que beaucoup unissent d’une manière maladroite leur personnalité à celle de
Jésus. Voilà pourquoi beaucoup d’âmes, bien qu’unies à la divine tête, ne paraissent
même pas donner des signes de vie et défaillent lentement, s’exposant même à la mort.
Pauvres âmes ! Elles ne comprennent pas que leur union à la divine tête doit être
étroite, parfaite, amoureusement active et totale. Bienheureux par conséquent ceux qui
comprennent que dans l’union totale de leur pensée, désir et volonté avec ceux du
Christ, réside la perfection.
Mes sœurs : n’allez pas ôter de l’harmonie ni de la beauté aux hymnes de gloire,
chantées au Père par le corps mystique, en vous convertissant en cordes désaccordées
de cette harpe divine, vous qui bien que unies à elle, ne puissent pas émettre les sons
authentiques qui remplissent de complaisance, et aliènent le Créateur. Soyez des cordes
fines, accordées, fortes, capables de coopérer avec la perfection et la sainteté de votre
vie à produire ces divines arpèges que les hommes et les anges, le monde et le créateur
attendent de vous. Ou préférez-vous continuer à être des cordes désaccordées, au son
strident qui provoquerait le divin à vous exclure du groupe et à vous jeter dehors ?
Malheureusement, nombreuses sont les âmes, même ses épouses officielles ou des
ministres du sanctuaire, qui produisent toujours des sons répugnants, des désagréables
bruits stridents, des crissements des cigales qui désespèrent et fatiguent au lieu de
faire plaisir. Y aura-t-il parmi vous une de ces cordes, de ces âmes désagréables aux
oreilles de l’amour ? L’amour aura-t-il déjà pensé une fois, à se séparer de vous parce
que vous êtes inutiles ou gênantes pour le concert des noces éternelles ? Réfléchissez,
réfléchissez et maintenant même, pour produire des sons célestes dont les échos se
répercutent dans les oreilles du Père, de la très douce Marie, des anges et dans les
cavités illuminées des alcazars de Dieu.
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Par conséquent, il y a lieu mes chères filles de vous répéter ici les
recommandations de saint Paul " Ne soyez plus des enfants ballottés", mais exerçons
nous à la véritable charité, à l’amour sans mesure ; grandissons, en tout dans le Christ,
puisqu’il est, lui, notre tête" (Eph 4,14,15)
20. UNE PLUS GRANDE UNION AVEC LA DIVINE TETE POUR UNE PLUS
GRANDE SAINTETE
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Ainsi, nous pourrions classer la sainteté dans les degrés suivants :
Le possèdent ceux qui ont une adhésion si intime avec Dieu, qu’il n’y a aucun type
d’obstacle entre l’homme et Dieu, ni la plus petite affection qui sépare le cœur de
l’homme du cœur de Dieu. Ce sont ceux qui à tout moment de leur vie, mais surtout à
l’instant de leur mort sont tellement attachés à leur Dieu qu’ils se confondent avec Lui,
à la manière du morceau de fer qui se confond avec les charbons ardents jusqu’à
devenir l’un d’eux. Ce sont ceux qui ont été tellement héroïques dans la pratique des
vertus, qui ont mérité d’être inscrits dans la liste des saints qui sont déjà couronnés au
ciel dont certains apparaissent dans le martyrologe romain à la suite de leur inscription
par le doigt de Dieu dans le livre des élus.
C’est celle de ceux là qui, sans s’être attachés au joug du péché mortel sont remplis
d’attachement à eux-mêmes, réduisant l’intensité de l’adhésion à Dieu pour les
concessions à soi-même et le culte de l’égoïsme.
C’est celle de ceux, qui touchent à peine la divinité et qui vacillent entre l’attraction
de leurs passions et le service de Dieu cédant beaucoup aux premières et refusant autant
au Seigneur sans tomber totalement dans la mort de l’âme.
Vous, mes chères filles, vous êtes dans l’obligation d’aspirer au premier degré de
sainteté, au degré héroïque, parce que votre divin époux le veut ainsi et parce que telle
est votre vocation. Est-ce que vous vous contenterez des degrés inférieurs qui se
divisent et se subdivisent presque à l’infini parce que vous désirez la plus grande
participation à la sainteté de Jésus ?
Les âmes héroïques sont celles qui y prennent part au plus grand degré.
Avant de continuer dans la réflexion sur le corps mystique de Jésus, je veux vous
entretenir sur une considération éminemment théologique. Vous savez bien qu’en
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Christ, il y a deux natures, la nature divine et la nature humaine ; la nature divine
subsiste en Lui ; la nature humaine, Il l’a acquise dans le temps. La nature divine existe
depuis l’Eternité dans le sein du Père et elle subsiste en elle-même parce que le Verbe
était Dieu "Et Deus erat verbum". ‘’Et Dieu était le Verbe’’. La nature humaine, Il l’a
acquise dans le sein très pur de Marie au moment de l’incarnation ; vous savez bien
comment ce mystère s’est réalisé.
Dans le cœur de Jésus et de même dans sa très sainte humanité, habite toute la
plénitude de la divinité et ainsi de la sainteté ; le cœur de Jésus est source de vie et de
sainteté ; de la plénitude de cette sainteté, nous tous, nous participons : Cœur de Jésus
dont nous recevons tous la plénitude, prends pitié de nous".
Oui, la très sainte humanité de Jésus prend part à cette sainteté infinie,
consubstantielle au Verbe et qui ne se reçoit de personne. Nous avons part, nous aussi,
nous qui avons la même nature humaine (que Lui), cette nature humaine qui comme la
sienne, doit se remplir de sainteté, de cette sainteté là même que la seconde personne
du Verbe à transmise a la très sainte humanité.
Oh !, quelle gloire, sœurs, d’être membre du corps mystique du Christ ; quelle
gloire d’avoir part, par grâce, à cette même sainteté, que le Verbe, source de toute
sainteté et la sainteté par essence, transmet à sa très sainte humanité et celle-ci à tous
les hommes.
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Quelle sublime doctrine et quelle simplicité en même temps ! Une seule chose doit
nous inquiéter après l’acquisition de sa grâce : travailler à l’accroissement de cette
sainteté à chaque instant de notre vie. Essayez-le.
En plus, selon les paroles de Paul, en Lui vous avez été comblés de toutes
sortes de richesses (1 Cor 1,5) ; tout ce que notre Seigneur possède est à nous. "Nonne
ainsi pso amnia nobis donavit ?" (Rom 8,32). En se donnant lui-même à nous, ne nous
a-t-il pas tout donné ? Si : sa divinité, sa doctrine, sa passion, son sang, sa résurrection,
son ascension et sa gloire. Sa divinité, parce qu’Il s’est fait homme pour nous faire
participer à sa divinité ; sa doctrine et sa vérité pour nous rendre libres ; sa passion
pour que nous souffrions en Lui ; son sang pour que nous le versions pour sa gloire et
pour les autres membres du corps mystique ; sa résurrection comme prémices de ceux
qui, à sa suite, ressusciterons ; son ascension pour que nous montions avec Lui ; sa
gloire, enfin, pour nous plonger avec Lui dans l’abondance de la maison du Père.
« Par notre union avec lui, nous avons été comblés »dit St Paul (1 cor1 ; 5)
Et n’allez pas croire que c’est notre âme seulement qui prend part à la nature
divine, qui ne peut se séparer du Christ, la divine tête, qui possède tout ce qui appartient
au Christ : notre corps aussi y participe, parce que c’est l’homme entier qui est membre
du corps mystique, bien que les splendeurs de l’âme en état de grâce ne se manifestent
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pas extérieurement. La divinité de notre Seigneur non plus ne se laisse voir qu’une fois
sur le mont Tabor. « Ce que nous serons un jour n’apparaît pas encore » dit Saint Jean
(1 Jn 3 ; 2).
La grâce de Dieu rend présentes dans l’âme les trois personnes divines, mais cette
présence ne peut rester inactive pour cela, elle donne la vie et la croissance. Ce sont
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deux idées que vous devez graver bien dans votre mémoire : la grâce sanctifiante porte
avec elle la vie spirituelle et la croissance du Christ en nous, comme dit Saint Paul « in
mensuram aetatis plenitudinis Christi » (Ep 4 ; 13), jusqu’à l’âge parfait du Christ.
Mais ce que le Christ veut d’abord, c’est que nous mourions à nous mêmes et que
nous vivions de Lui, pour nous transformer en Lui, pour nous diviniser. La volonté de
notre hôte divin est que nous grandissions depuis le commencement de notre vie
surnaturelle jusqu’à fleurir dans la vision béatifique. Rappelez-vous la sublime
doctrine paulinienne dont je vous ai parlé et que je vais vous citer pour que vous la
méditiez, en conversant avec Jésus.
« Vous êtes morts et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu »
(col 3 ;3 ). Ceci arrive par le baptême, « morts avec le Christ, ressuscités avec le
Christ, nés enfants de Dieu, revêtus de notre Seigneur Jésus-Christ » « Revêtez-vous de
notre seigneur Jésus-Christ » (gal 3 ; 27).
Notre sœur Rita, de vie active, méditait en ces sublimes paroles, quand quelques temps
avant de mourir en Caucase, elle disait à ses sœurs thérésiennes : « mes sœurs, je me
sens vêtue du Christ et elle souriait avec le très doux sourire de celui qui souffre pour
son amour et qui comme une colombe blanche prépare le vol pour s’élever jusqu’à son
beau ciel. Elle peut maintenant s’exclamer : « mes sœurs je suis vêtue de lumière, du
Christ qui est lumière et lumière éternelle ». C’est qu’elle a vécu et est morte vêtue du
Christ, et pour cela elle règne maintenant avec Lui dans la gloire revêtue de divinité.
Mes sœurs, suivez, suivez ses traces de lumières.
Je veux insister sur la très belle image de Saint Paul concernant notre greffe à
Christ, le meilleur moyen d’exprimer l’idée qui domine notre identification à Jésus.
Cette comparaison de la greffe se transforme en douce réalité. « Nous avons été greffés
au Christ et par cette greffe, notre vie inféconde et stérile devient productive et
féconde en fruits divins, car bien qu’étant nos fruits, comme la plus grande partie attire
vers elle la plus petite, Jésus qui est Dieu nous absorbe en Lui et ainsi nos œuvres
acquièrent une valeur infinie. « Mihi vivere Christus est », disait Saint Paul. Pour moi,
vivre, c’est le Christ ! Et mourir est un gain. Greffé, moi, pauvre et misérable arbuste
32
dans l’arbre fertile qu’est mon Christ, je commencerai finalement à fructifier. Mes
sœurs : parce que nous oublions cette doctrine si sublime et que nous ne nous rendons
pas compte de cette greffe divine, et que nous ne coopérons pas avec Lui, nous
avançons si peu et produisons si peu de fruits. Et Saint Paul vient ensuite avec une autre
comparaison, qui à son tour se transforme en une réalité consolante. Il est notre tête et
nous, les membres de son corps mystique. «De même que le corps est un tout en ayant
plusieurs membres, et que tous les membres bien qu’étant nombreux, ne forment qu’un
seul corps, ainsi, en est-il du Christ » (1 cor 12, 12). Et ailleurs : « Ne savez-vous pas
que vos corps sont membres du Christ ?» (1 cor 6, 15). De même que la vie parcourt
tous les membres du corps, ainsi la vie du Christ doit pénétrer tout votre être, « pour
que la vie de Jésus se manifeste en nos corps » (2 cor 4, 10) et de cette façon, « que le
Christ soit exalté et glorifié dans mon corps » (ph 1 ; 20) comme dit Saint Paul. Oh !
Quelle doctrine paulinienne sublime, mes sœurs ; mais comme nous la méditons peu !
Ecoutez encore : c’est ce qu’il dit aux corinthiens (1 cor 6,20). « Glorifiez le Seigneur
dans votre corps », comme celui qui mérite une attention spéciale à ne pas cesser de
glorifier Dieu portant Jésus dans notre triste enveloppe charnelle, en ne le salissant
jamais avec un péché mortel. Ah ! Mes filles comme mon cœur aspire à ce que vous
vous imprégniez de cette doctrine sublime, dont la connaissance et la pratique
suffiraient pour arriver tôt au sommet désiré et que vous avez entrevues lorsque vous
avez revêtu votre voile des épouses de Dieu, et même avant, lorsque depuis cette même
hauteur, bien qu’enveloppées dans les brumes, vous avez contemplé le visage adorable
du Seigneur, des contours non définis, qui vous appelaient à être religieuses et ainsi ses
épouses bien aimées.
Une idée surgit des phrases de Saint Paul que je vous cite. Je vais vous la
proposer sur cette feuille. Le Christ a tellement aimé son Père qu’Il a accepté
l’incarnation et la rédemption par pur amour de sa divine majesté. Mais, Il ne s’est pas
contenté d’aimer seulement le Père mais il a voulu nous aimer aussi pour aimer en nous
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le père et pour que nous aussi nous puissions L’aimer comme Lui L’aime et être la
cible des amours du Père. Voici le pourquoi du Mystère de l’incarnation : il s’est uni de
façon hypostatique à la nature humaine, et ensuite, non content de cette première et
grandiose union, il a voulu que chacun de nous – et nous sommes des millions et des
millions- s’unissent à Lui avec l’intime et étroite union par laquelle les membres sont
unis à la tête, Il a constitué son corps mystique pour former avec ce corps mystique le
Christ total, le Christ complet qui aime sincèrement le Père et le glorifie éternellement.
Ainsi mes sœurs, l’amour complet de Jésus au Père, selon les théologiens, est celui qui
part de son cœur divin uni aux millions de cœurs fidèles qui palpitent à l’unisson du
sien, jusqu’à la fin du monde et pour une éternité, pour aimer le Père.
Mes filles, vous faites partie de ces millions d’âmes aimantes et à coté du cœur de
Jésus, tout près, battent vos cœurs avec le saint divin et avec celui de tous les fidèles,
impulsés par le feu qui brûle par des incendies divins, inextinguibles, pour aimer Dieu.
Aimez, aimez avec folie Jésus et les âmes, vos compagnes, et celles qui ne le sont pas
encore, les infidèles et pêcheurs, pour que l’incendie d’amour monte jusqu’aux nuages,
jusqu’aux empyrées, jusqu’à l’immensité. C’est ainsi que la Vierge a aimé, c’est ainsi
que la petite Thérèse a aimé, c’est ainsi que vous devez aimer. N’est ce pas ? Jésus,
pour aimer le Père à ce degré infini, incommensurable, cherche des cœurs qui se
donnent à Lui, en vérité, qui s’abandonnent entre ses mains et dans son cœur pour
accomplir librement, en eux et à travers eux, sa passion infinie de l’amour divin. Vous
en faites partie.
Et que vous demande-t-il pour réaliser votre désir ? Il vous demande votre être
tout entier : âme et corps, capacité et jugement, votre intelligence, votre volonté, votre
liberté, votre cœur, vos yeux, vos oreilles, votre sang, pour en faire sien et vous fait
siennes vous toutes, pour vivre en vous et aimer en vous le Père, très aimé, objet des
amours du Fils et de ses épouses vierges et toutes les âmes saintes. Ecoutez sœur
Elisabeth de la Trinité qui a assimilé admirablement cette sublime doctrine et qui l’a
pratiquée avec tant de perfection, elle peut bien vous servir de modèle.
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Ecoutez donc sœur Elisabeth de le Trinité qui vous transmet le message de
Jésus : "Ma fille, donne-moi ton cœur, pour qu’en lui, et par lui, unie à ta vie, j’aime
ou mieux, nous aimions ardemment le Père ; donne-moi ta bouche pour qu’ensemble
nous chantions ses louanges ; donne-moi ton esprit, tes yeux, tes mains, tout ton être.
Je veux en toi et par toi vivre comme une seconde vie, toute d’amour, qui soit comme
le complément et le prolongement de ma vie à Nazareth et en Palestine !
Les tendres supplications ou requêtes de Jésus ne doivent pas être ignorée par
ses épouses thérésiennes, fille de la sainte la plus grande des temps modernes, qui dès
son enfance s’est remise à l’amour et n’a rien refusé à Dieu, depuis qu’elle L’a connu,
sainte Thérèse de l’enfant Jésus, votre patronne, votre modèle, votre petite mère en
religion. Donnez donc votre cœur avec tous ses battements à Jésus sans hésitation
pour aimer le Père au même rythme que le cœur de Jésus, uni au votre ; donnez lui
votre bouche qu’on entende un chœur de louange au Père et un chant de tonalités
divines qu’on n’a jamais entendues sur terre ; donnez lui votre esprit pour que l’Esprit
de Jésus soit le vôtre et pour que votre chant soit plus sonore ;donnez lui vos yeux pour
qu’avec l’éclat des pupilles de Jésus brillent comme des étoiles dans le monde des âmes
et dans les demeures du Père ; donnez lui vos mains pour qu’avec celles de Jésus vous
puissiez tisser mille couronnes de brillants diamants pour vous et pour les âmes,
depuis l’Eternité, il a destiné vos conquêtes et pour qu’avec elles, vous décoriez la
demeure du Père ; en un mot, donnez-lui tout votre être, car vous êtes une partie de
Jésus, vous n’êtes pas vous seulement, non ; vous faites partie de Jésus, vous êtes
Jésus, vous, mon Dieu ! Vous êtes Dieu, par votre incorporation au Christ, pour être la
même chose, le même tout avec lui. «Vous êtes des dieux et fils du très haut. » (Ps
81,6).
Bien que nous soyons de la famille de Dieu, ne croyons pas que l’or, l’argent, les
pierres précieuses, puissent être comparés à Lui.
Votre vie est donc la vie du Christ en vous, une dilatation, une extension de la vie du
Christ. Si vous méditez attentivement ces sublimes vérités ; comment ne pas se
transformer en Lui ? Comment rester dans le même état sans avancer dans la sainteté ?
Mes filles, comme je vous contemple au-dessus de la terre, car le Bien Aimé a voulu
vous élever bien que vous soyez pauvres, du limon, du fumier de la terre, pour vous
placer dans les tribunes où Il a établi sa demeure, pour faire de vous ses princesses en
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union avec celles qui vous ont précédées et qui règnent déjà avec Lui "de la poussière,
il relève le faible, du fumier, il retire le pauvre"
Vous me demandez : Comment ferons-nous pour réaliser cet idéal du Christ qui est le
nôtre, celui de nous transformer en Lui ?
Mes filles : vous avez beaucoup à faire, vous avez beaucoup à souffrir, vous avez à
prier beaucoup. Dans toutes vos actions, dans toutes vos souffrances, dans toutes vos
prières, dans chacun des battements de votre cœur offert au Bien-aimé, souvenez-vous
que vous êtes Jésus, n’oubliez pas qu’il veut œuvrer, prier et aimer en vous. Souvenez-
vous que vous êtes revêtues de Jésus et que tout ce qui est à vous est de Lui, et ainsi,
tout ce qui est de vous sera dépouillé de tout ce qui n’est pas Jésus. Si vous pensez
que vous êtes Jésus, comme vous l’êtes en effet, toute votre vie sera divine par ce que
vous n’obstruerez pas ses actions divines et votre âme sera une et votre cœur sera un
avec Lui. "Un seul cœur et une seule âme", ou comme on a dit saint Paul", cœur de
Paul, cœur du Christ.
Quand votre cœur sera le cœur du Christ, alors pour vous, il n’aura pas de ‘je’,
de ‘moi’, il n’y aura que le monde, il n’y aura pas de chair, le démon n’aura aucune
influence, par ce que le cœur de cette thérésienne sera comme celui de Paul, comme
celui de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, le cœur du Christ. C’est que le Christ a pris
possession de ton cœur, ma sœur, et t’a élevée jusqu’à Lui, unissant et comme
identifiant son cœur avec ton cœur, parce qu’il veut vivre sa vie divine en toi. Alors tu
pourras t’exclamer suppliante : maintenant Jésus, vis ta vie en moi comme tu voudras,
comme il te plaira ; que batte ton cœur, à l’unisson du mien et que le mien prenne à
chaque battement le même rythme que le Tien. Tes amours, mon bien-aimé, sont mes
amours, tes intérêts sont les miens, tes souhaits rédempteurs sont mes souhaits, ton
désir est mon désir, ta volonté est ma volonté. Je veux, mon bien-aimé, sortir de moi-
même pour Te regarder, T’imiter et Te suivre, Toi seul. Me changer en toi, mon Dieu,
ne pas être moi-même en conservant ma personnalité intacte et complète comme
l’apôtre, comme Thérèse de Jésus, comme la petite Thérèse, ma bonne petite mère.
36
Je me souviens, mes sœurs qu’autrefois, dans les années 1911 à 1914, devant
une petite image du Sacré-Cœur, celle que j’entourais de petites fleurs dans ma
chambre du séminaire conciliaire d’Antioche, j’ai célébré une convention avec Lui et
nous l’avions réalisée, je crois pour ce que je sentais dans mon être tout entier. Dans ma
soif de L’aimer, et de Le faire aimer, je lui disais : ‘‘Mon Bien-aimé, changeons de
cœur et daignes mettre mon pauvre petit cœur dans les cavités de ta poitrine et par-
dessus tout permets que ta poitrine, ton palpitant cœur divin pénètre dans les cavités de
ma poitrine. Et tu verras comment ton sang divin passera par mon cœur malade mais
aimant pour le sanctifier et le fondre d’amour, le sang de mes veines passera par ton
divin cœur amoureux et tu m’enflammeras tout entier dans ton feu divin’.
Il me vient une idée que je n’hésite pas à vous présenter. Jésus n’exerce pas son
activité seulement pour l’âme qui s’en remet en Lui, mais Il travaille en elle aussi pour
les autres âmes. Sera-t-il vrai, mon Dieu, sera-t-il vrai ? Tu travailles donc avec moi,
bon Jésus et moi avec Toi pour sauver toutes les âmes ? Oh Jésus « Me voici prêt,
Seigneur, prêt ! »
Je veux vous donner dans cette page un très bref résumé de ce que vous avez entendu
dans les paragraphes précédents.
38
Vous savez déjà que vous devez vivre en union d’amour avec l’Auguste Trinité et
avec votre Divin Epoux Jésus. Mais ce n’est pas une vie d’union seulement que vous
devez vivre : mais une vie d’identification avec Jésus Christ, oui, être ce qu’il est, Le
vivre, Lui. « Vivre pour moi, c’est le Christ » (Ph 1,21) c’est devenir comme lui ‘alter
christus’, un autre Christ.
a) La grâce sanctifiante nous communique une intimité ineffable avec les trois
personnes divines et nous identifie avec Jésus Christ ; mais si par la participation de la
nature divine, nous arrivons à cette identification avec Jésus, notre effort doit être
constant pour le reproduire en nous avec la plus grande perfection possible
jusqu’arriver à être le Christ.
b) Nous avons deux étapes : l’intimité et l’identification avec Jésus Christ grâce à
un admirable processus, à savoir : une intimité avec le Bien-Aimé, Amitié étroite avec
Lui, identification, transformation en Lui et avec Lui, et union de sainteté.
Comment le réaliserai-je ? Remettre à Jésus tout ce qui est à moi, corps et âme, pensée,
désirs, affects, puissance et sens, biens extérieurs, présent et avenir, sans rien garder
39
pour moi et avec un seul désir : celui de l’aimer sans mesure, sans réserve,
accomplissant avec toute perfection sa volonté. Bienheureuse l’âme qui change ses
misères par les divines miséricordes et ses pauvres petites œuvres par les mérites du
Christ ; bienheureuse l’âme qui met toutes ses affaires et ses intérêts entre les mains de
Jésus.
Oui, parce que nous sommes des êtres libres et nous ne pouvons pas nous
opposer à l’action de Jésus, ni la rejeter, mais coopérer en fonction de la grâce reçue.
Sois docile, sois martyre, ma sœur, Lui, le divin Artiste fera en toi son œuvre de
sanctification. Ne te contente pas de reproduire seulement quelques traits de ton
Maître ; ceci serait une perfection éphémère : il faut que tu arrives jusqu’à la plénitude
de l’âge du Christ, en plénitudine aetatis christi.
4) Se laisser former
Une fois que Jésus prend possession de toi, laisse toi former et tu seras une
extension, une prolongation de Jésus, qui sans t’enlever ta liberté, sans t’absorber, se
changera avec toi en un seul principe de vie et d’activité surnaturelle : tu seras Jésus !
Pensez avec son esprit, veuillez avec sa volonté, aimez avec son cœur, voyez
avec ses yeux, parlez avec sa langue, marchez avec ses pieds divins, travaillez avec ses
mains.
Est-ce vrai que vous me pardonnez mes répétitions ? Et le manque d’ordre dans
ces petites feuilles de mon testament ? Confiant donc à cela, je vous dis : L’âme qui
s’est identifiée à Jésus se nourrit de l’amour et de l’espérance, cette espérance ferme de
celui qui n’est pas seul, mais est avec Jésus pour communiquer avec le Père, ce dernier
en voyant que l’âme ne se présente pas seule, mais avec son fils, le reçoit avec la même
bonté avec laquelle il reçoit son fils.
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Voyez la promesse de Jésus dans la dernière cène : (Jn 16,24), « Jusqu’à
présent, vous n’avez rien demandé à mon Père, en mon nom : demandez-le et vous le
recevrez pour que votre joie soit complète ». Ici, on parle de l’âme qui simplement fait
appel au Père au Nom de Jésus. Qu’est ce que ce sera s’il s’agit d’une âme qui est un
autre Jésus par l’identification. Avec quel amour infini le Père la serrera contre son
cœur pour lui dire : ma fille, demande-moi tout ce que tu veux et tout te sera donné car,
je vois en toi mon Fils bien-aimé en qui j’ai mis toutes mes faveurs. C’est que cette
âme tient dans ses mains tous les mérites du Christ ; toutes les vertus de l’Epoux, sa
sainteté infinie et ses prières au Père dont l’âme s’est faite l’écho sublime. Pourra-t-elle
par hasard ne pas écouter le père ? Non, jamais. Ce serait ne pas écouter son propre Fils
unique.
Et qui pourra mesurer la grandeur qu’acquerra cette âme ainsi identifiée avec
Jésus ? Avant, le regard de son esprit se limitait aux chambres voisines ; aujourd’hui,
comme le condor des Andes qui plane dans les hauteurs, elle embrasse de ses yeux des
horizons illimités parce que ce ne sont plus ses pupilles qui regardent, mais les yeux de
l’Aigle divin. Elle voit tout comme lui, par conséquent, elle ne regarde pas la terre, ni
son moi, mais les hauteurs, là où résident les intérêts du Bien-aimé.
Jésus a soif de toutes les âmes qui habitent dans les derniers confins de la terre
et dans les îles les plus lointaines ; eh bien, le cœur amoureux de l’Epouse bat avec
Celui de Jésus dans tous les cœurs qui ne palpitent pas pour Lui, pour les gagner à sa
cause en les sanctifiant ou en désirant au moins qu’elles soient un jour leur conquête
divine. Ils sont des millions, ceux qui peuplent le globe terrestre ; et bien, il veut
sauver ces millions. Et comme Jésus n’embrasse pas seulement l’espace, mais aussi le
temps, les aspirations de l’âme identifiée à Jésus, ne veut se séparer, comme Thérèse de
l’Enfant Jésus que quand elle aura sauvé le dernier des mortels.
Enfin, cette âme jouit d’une joie anticipée du paradis. Quel plaisir pour l’âme
d’être en compagnie d’un être aimé, même humainement parlant : les heures passent
avec douceur et avec une incroyable rapidité ; bienheureuse l’âme qui, identifiée à
Christ vit la même vie du Christ. Faire plaisir à Dieu, le Père, Lui plaire en tout, être
agréable à Jésus, voici son occupation ; elle se méprise elle-même parce qu’elle ne se
préoccupe que de Dieu avec sa bonté infinie, son pouvoir, sa sagesse, sa beauté, son
immortalité, sa félicité sans limite, perfections auxquelles elle participe.
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31. SENTIR AVEC LE CHRIST
Quand l’âme est arrivée à s’identifier au Christ, elle fait déjà une, avec Lui. Ce
qui appartient à Jésus Christ, lui appartient aussi ; ce qu’il sent, pense, désire et
cherche, l’âme le sent, pense, désire et cherche ; tous les biens de Jésus sont siens et les
perfections même de Dieu sont siennes. Elle aime avec l’amour de Jésus ; sa prière est
une plongée et un régal continuel dans l’océan des perfections de Jésus ; même la
création l’attire à Lui, car à cause de Lui, toutes les choses ont été crées. De la terre
jusqu’aux astres, de la mer jusqu’aux montagnes, du brin d’herbe jusqu’aux grands
arbres ; de l’insecte presque invisible jusqu’à l’aigle royal, de humble huître jusqu’à
l’énorme baleine, tous les êtres parlent à l’âme des perfections infinies de Dieu, de Sa
grandeur, de Son Sagesse, de Sa beauté, de Sa bonté ; elle rencontre Dieu en eux, elle
se plonge et se complait en Lui qui réalise de telles merveilles. Saint François de Sales,
en voyant les couleurs magnifiques d’une fleur et respirant son parfum s’extasiait en
Dieu qu’il contemplait dans cette créature, représentation fidèle de la beauté et de la
suavité infinie de celui qui l’a sortie du néant avec ses mains divines.
C’est pour cela que Thérèse de l’enfant Jésus disait que même si elle avait
commis tous les péchés du monde, elle ne serait pas affligée car appuyée sur l’infinie
miséricorde de Dieu, elle les jetterait dans le feu de l’Amour Miséricordieux et là, ils
brûleraient. C’est pour cela que les Saints ont désiré le martyr et ont imploré le
Seigneur en disant : "Aut pati, aut mori" Seigneur ! Ou souffrir, ou mourir (Sainte
Thérèse). C’est que, identifiés au Christ, ils désirent la douleur comme Lui, ils désirent
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la mort comme Lui, quand il disait : « Je dois être baptisé d’un baptême de sang et
comme le désir de souffrir me presse. » (Luc 12, 50).
Et si une fois, ils voient leur sainteté en danger ou si la stimulation des passions
veut leur arracher leur ressemblance, ou mieux leur identification avec le Christ, ils
font comme saint Paul : «Je meurtris mon corps au contraire et le traîne en esclavage,
de peur qu’après avoir servi de héro pour les autres, je ne sois moi-même disqualifié »
(1 Cor 9,27). Malgré tout, il est urgent de se concentrer toujours sur le Christ,
s’occupant seulement au passage de ses propres misères personnelles et de telle ou
telle vertu, veillant plus à l’infinie miséricorde qu’à sa propre misère. Bien sûr, que ce
soit à la manière du fils prodigue, c'est-à-dire, en revenant solennellement dans la
maison du père et en se jetant, repenti, dans les bras de son père.
Saint Thomas, Saint Jean et Sainte Thérèse nous enseignent que l’âme s’établit dans
la vie unitive, d’une manière définitive quand elle s’est dépouillée de tout et de soi-
même, quand il ne lui reste plus aucun amour propre sinon la volonté de Dieu, quand la
volonté de Dieu et la sienne ne forment qu’une seule et même volonté. Bien sûr, l’âme
a renoncé à sa propre vie pour ne vivre que de la vie du Christ, de la même façon, ils
forment comme un seul être ; ils se sont unis, ils se sont identifiés. Alors, comme nous
l’avons insinué à un autre endroit, l’âme n’a plus de pensées ni d’affects, ni tristesses ni
joies, ni craintes ni espérance que ceux de Dieu, car ce qui est personnel ne l’intéresse
pas sinon Dieu seul.
Que Dieu croisse, grandisse et vive et qu’elle s’anéantisse et meure, pour que le Christ
soit tout en elle. En fonction de cela, mes sœurs, pensez que chacune de vous est le
Christ en formation, que votre sainteté consiste à lui ouvrir un champ de plus en plus
grand en vous, jusqu’à ce que se réalise cette parole : "Christianus alter christus". Le
chrétien est un autre Christ.
Mais cette phrase est pour tout chrétien. Que dirons-nous d’une religieuse,
amoureusement choisie par Lui entre des milliers pour faire d’elle avec une perfection
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bien plus grande son image adorable, représentation parfaite de Lui, un autre Christ ?
Quand la religieuse pense que Jésus est en train de faire d’elle un autre Jésus , elle se
concentre amoureusement en elle-même et le voit si saint, si parfait, modèle si achevé
de toutes les vertus qu’elle n’a besoin que de son regard, sans rien chercher dans les
livres de mystique et d’ascèse, parce que à ces moments là, son livre, c’est Lui, en qui
elle voit l’obéissance, l’humilité, la mansuétude, la patience, la douceur ; l’amour au
Père et la charité envers son prochain ; la pureté la plus claire, le zèle le plus ardent
pour les âmes, la soumission la plus parfaite à la volonté de Dieu, en un mot, je le
répète, elle voit en Lui le modèle achevé de toute sainteté. Alors son regard à Lui, et
son aide sont des éperons suffisants pour elle, à son exemple, pour devenir sainte
comme lui.
Sainte Thérèse de l’enfant Jésus ne trouvait rien ou presque rien dans les livres
qui la porterait à l’exercice de la vertu, parce que son livre était Jésus, vu au début
comme hors d’elle-même, comme un tableau qui se copie, mais le contemplant et le
sentant ensuite au fond d’elle-même, pour devenir finalement dans un temps très court,
comme Lui, un autre Jésus. Vous devez procéder ainsi : Voyez Le à l’extérieur de
vous-mêmes, comme un modèle et tissez Le en vous ; mais voyez Le encore mieux en
votre intérieur, comme je vous ai dit au début et ensuite lui-même réalisera avec votre
coopération, son œuvre, croîtra en vous et fera que vous vous transformiez en Lui. Dès
ce moment, votre unique désir sera de vous transformer totalement en Christ et cette
soif ne restera pas sans résultat.
Avant vous vous étiez forgées cet idéal comme dans le brouillard, maintenant vous le
voyez avec une pleine clarté, demain vous serez d’autres Christs.
Saint Vincent de Paul et d’autres saints se demandaient avant chaque action : comment
Jésus Christ ferait cela ? Et ensuite, ils agissaient comme ils jugeaient qu’Il agirait.
Cela résulte du fait de sentir en Jésus au-dedans de soi-même, d’être un autre Jésus,
d’être identifié à Jésus. Imprégné de ce même sentiment Saint Louis de Gonzague
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s’exclamait : "Quid hoc ad oeternitattem". « A quoi cela sert pour l’éternité ? » Par ce
qu’il voulait toujours agir comme le Christ, comme s’il était le Christ.
Par conséquent, travailler comme Jésus qui habite en toi et qui veut de toi un
autre Christ. Ta devise de vie spirituelle doit être celle que le Christ a pratiquée, a
montrée et indiquée en t’appelant à la vie religieuse :
"Renonce à toi-même pour que le Christ puisse vivre en toi, tout entière". Dans chaque
action, à chaque moment de ta vie, en tout lieu et dans toutes les circonstances qui se
présentent à toi, tu dois dire : Je ne veux vivre cet instant, ni réaliser cette action, ni
avoir ces pensées, ces désirs, ces souffrances intérieures sans qu’Il vive en moi, qu’Il
pense, désire, sente, agisse en moi ; je suis son instrument, je suis comme son vêtement
qui bouge sous son impulsion et qui va sur moi ou que j’aille parce que ma volonté,
mon action, mon activité et ma vie, c’est Lui. Cette seule réflexion te suffit pour vivre
le Christ et être sainte.
Ma sœur bien-aimée, tu dois tenir compte du fait que ton imitation à Jésus soit
une imitation intérieure à toi-même, c’est à dire une imitation ab intra, qui te permette
d’être capable de toute action comme si tu étais le Christ, Le laissant grandir et se
reproduire en toi. Voici le sens de cette phrase que tu as tant de fois entendue de moi :
Vivre de l’intérieur, c'est-à-dire laisser ton Jésus, qu’Il vive en toi et pour toi, de sorte
que ta vie, c’est le Christ, même si c’est toi qui vis et travailles. Cette doctrine te paraît
obscure ? Commence à la vivre et sur le champ tous les voiles se lèveront et une
lumière brillante et intense illuminera ton âme. Dès que tu commenceras à vivre cette
vie, commencera à poindre le jour en toi. Qu’une seule pensée compte pour toi :
devenir Jésus Christ. Ainsi, tu seras un autre Christ comme Il veut et te le demande ;
ainsi tu monteras très vite au sommet de la perfection.
Je t’ai dit ma sœur, tu dois être comme un habit du Christ ; mais prête attention
à ce que je dis écoute-moi : c’est toi qui dois te revêtir du Christ comme veut saint
Paul : "Induimi dominum nostrum Jesum Christum". Revêtez-vous du Christ, soyez
des christs au-dedans. Si tu es religieuse que dois-tu vouloir de plus ? Quelle autre
chose pourras-tu désirer ? Quelle autre chose pourras-tu être ? Seulement le Christ
intérieurement et extérieurement. Qu’il se réalise ainsi ce mystérieux et divin jeu : le
Christ en toi comme expression de foi et toi dans le Christ comme il est recommandé
par la bouche de Saint Paul pour devenir saint.
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34. ETRE CHRIST
Oh, sœur, dis-moi quelle union plus étroite pourra-t-il y avoir pour une âme qui
arrive à être Christ ? Seulement l’union dans l’éternité de l’amour miséricordieux dans
la vision béatifique. Comme tu es une passante et non une bienheureuse, essaie de vivre
dans cette union très étroite qui découle du fait que tu sois un autre Christ, que tu sois le
Christ, dans la voie purgative si tu es encore dans la vie illuminative, si tu marches par
ces chemins, dans la vie unitive si tu étais déjà entrée par ce chemin divin. Si, dès le
début tu t’étais forgée un idéal, fixes-y tes yeux avec plus d’acharnement à chaque pas
que tu fais vers le sommet, au commencement et au cours de chacune des étapes de ta
vie spirituelle. Mais beaucoup plus maintenant que tu commences la vie unitive. Quel
est cet idéal ? Saint Paul te l’a dit, c’est Jésus au sommet de la montagne sainte et il t’a
dit que tu vives en Jésus, que Jésus vive en toi et que tu ne cesses pas un seul instant
d’être Jésus. Cet idéal fut celui de notre petite Thérèse, qui dès le début de sa vie
spirituelle a vécu le Christ et pour cela, ‘‘Comme un géant elle a parcouru la voie en
peu d’années’’.
Dans trois chapitres de son histoire d’une âme, la petite Thérèse nous parle de
la présence de Jésus en elle, comme quelque chose de connaturel en elle, qu’elle
connaissait bien et vivait, comme le lui assurait l’évangile même. Elle est capitale pour
vous mes filles, cette sainte incomparable, cette présence pour votre vie intérieure et
pour rendre fécond votre ministère thérésien. Elle nous parle des lumières qu’elle a
reçues pendant la retraite de sa profession au cœur de la grande sécheresse. C’est que la
petite Thérèse vivait de la présence de Jésus caché au fond de son petit cœur. (Histoire
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d’une âme, page 134) « je crois simplement que c’est le même Jésus qui œuvre en moi
d’une mystérieuse caché au plus profond de mon pauvre cœur ».
Oh, mes filles, vivez-vous aussi de la présence de Jésus caché au fond de vos
cœurs ?
Ailleurs dans l’histoire d’une âme, à la page 144, elle nous explique comment
Jésus « caché dans son pauvre cœur petit cœur » lui montre le sens de la vanité de ce
qui est éphémère.
Enfin, à la page 149, elle dit que c’est Jésus, le docteur des docteurs, son divin
maître qui lui montre tout ensuite, elle ajoute : « Je ne l’ai jamais entendu parler, mais
je sais qu’Il est en moi ». Le voyez-vous ? La petite Thérèse rend témoignage à travers
ces passages de ce qu’elle a vécu, de cette présence mystérieuse qu’Il nous donne à
connaître quand Il dit : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang vit en moi et moi
en lui ». (Jn 6,57)
La petite Thérèse a été le Christ, vous l’avez entendu, et elle nous le dit, parce
qu’elle le sent caché dans son petit cœur, parce qu’elle sait qu’il est en elle, qu’il agit
en elle, lui inspire tout ce qu’il veut qu’elle fasse, se complaire à se manifester à elle,
lui enseigne sans bruit de mots, la guide et l’inspire à chaque instant, ainsi ‘‘Jésus vit en
elle’’ ; par conséquent, nous pouvons conclure qu’elle était comme un autre Christ en
qui elle trouvait l’inspiration, l’enseignement, la direction et l’activité pour vivre et
œuvrer.
Elle recevait de Jésus la vie divine qu’Il reçoit éternellement de son père, selon
l’Evangile de saint Jean « Sicut misit me vivens Pater, et ego vivo propter Patrem, et
qui manducat me, et ipse vivet propter me ». Comme le père qui m’a envoyé est vivant
et que je vis par le père, ainsi celui qui me mange vivra aussi par moi et de ma propre
vie (Jn 6 ;58)
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Vivre, mes filles, ce n’est pas seulement posséder la vie mais la vivre, c'est-à-dire
réaliser les activités qui correspondent à cette vie-là. La petite Thérèse vivait par Jésus
comme Jésus vivait par le père : vous comme elle, vivez par Jésus et par conséquent
soyez attentives à ses inspirations, écoutez ses enseignements, laisser vous diriger par
Lui et alors vos activités, toute votre vie sera le Christ. Il n’y avait rien d’extraordinaire
en la petite Thérèse, de même il n’y aura rien d’étrange ni d’extraordinaire en vous-
mêmes : Ce n’est que l’accomplissement des promesses que Jésus nous a faites à
Capharnaüm : Vivre en nous et nous en Lui, vivre par Lui, vivre de Lui.
Dans ses poésies, la petite Thérèse chante également la présence de Jésus dans
son âme. Ainsi à la page 395, elle dit : ‘‘ Car sur mon cœur, tu fixes ton regard’’. A la
page 397 : ne me laisse ni de nuit, ni de jour’’. A la page 401 : ‘‘tu vis prisonnier dans
mon âme nuit et jour’’. La petite Thérèse chantait sans s’en rendre compte, les fruits
admirables de son offrande à l’amour miséricordieux réalisée avant de déclarer
comment Il habitait en elle, comment elle vivait par Lui. Oh mes filles, apprenez la
sublime leçon et agissez comme elle sans cesse, la présence du bien aimé et vivez
Jésus, soyez Jésus comme la petite Thérèse.
Vous mes filles, comme Thérèse, vous avez reçu Jésus dans votre « petit
cœur », depuis le baptême avec sa présence vivifiante, les vertus infuses et les dons de
l’Esprit Saint, comme des semences surnaturelles. Cette présence adorable doit croître
en vous chaque instant et se dilater sans cesse jusqu’à se revêtir de feuillage, de fleurs
et fruits de sainteté tout au long de votre vie, qu’elle soit brève comme celle de la
petite Thérèse, ou longue comme celle de grande Mère Thérèse.
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36. LA VIE HUMANO-DIVINE DE JESUS EN NOUS
Quand Jésus habite votre âme avec son amour miséricordieux, cet amour vous
pénètrera et vous enveloppera comme c’est arrivé à la petite Thérèse à qui après son
offrande l’amour l’a envahi et enveloppé, et comme nous le lisons dans un
commentaire : « A chaque instant, cet amour miséricordieux la renouvelle, la purifie et
ne laisse dans son cœur aucune trace de péché ; à partir du jour de son offrande,
« Jésus, caché au fond de son petit cœur » a pu lui communiquer, sans rencontrer le
moindre obstacle, la plénitude surabondante et débordante de sa vie humano divine, se
réalisant en elle avec toute cette perfection dont parle saint Jean "plénitudine ejus
omnes nos accepimes". « De la plénitude de Jésus, tous en avons reçu (Jn 1,16). La
petite Thérèse a atteint ainsi une connaissance expérimentale du verbe fait chair
tellement claire et lumineuse qu’elle la rend apte et lui donne le droit de nous entraîner
à sa suite par la force conquérante de son exemple et les accents convaincants de son
témoignage, spécialement nous qui nous glorifions d’être ses enfants.
Vous aussi, mes filles très aimées dont la vocation est celle de sauver les âmes,
vous avez besoin de cette force conquérante et ces accents convaincants de la petite
Thérèse pour pouvoir accomplir votre mission. Et comment les acquérir ? Comme elle
les a acquises, elle par la présence agissante de Jésus dans son petit cœur et par la
réponse aux océans de grâces qui découlent de sa plénitude. Ecoutez le célèbre P.
Meynard, de l’ordre des Prêcheurs, il demandait lui-même : "notre Seigneur Jésus
était-il présent en nous selon sa très sainte humanité ?" voyez la réponse :
«En rigueur de termes, Jésus Christ comme homme n’est qu’au ciel à la droite
de son Père et dans le très Saint sacrement de l’autel » ainsi, notre doctrine et la
réponse du père Meynard à ce sujet s’accorde à l’enseignement du pape Pie XII dans
son encyclique sur la liturgie du 20 novembre 1947 qui dit : « Avec la même diligence,
on doit éviter que se répandent les aberrations de ceux qui croient et enseignent
faussement que la nature humaine du Christ glorifié, habite réellement et avec sa
présence continuelle dans les justifiés.»
« La très sainte humanité de notre Seigneur n’est présente dans l’âme juste
que par son action. Par conséquent, ce n’est pas une présence réelle de Jésus semblable
à celle qu’il a dans une hostie consacrée. On ne peut pas identifier ces deux présences si
différentes dans leur nature et leur fin. Dans le très saint sacrement, il est
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substantiellement présent et tout entier dans chaque hostie consacrée par être la
nourriture spirituelle et divine de nos âmes ; au fond de nos cœurs. Il est présent comme
le principe et le fondement de notre vie surnaturelle. Certainement, c’est très difficile
d’expliquer la manière dont la très sainte humanité agit en nos âmes, parce que c’est un
mystère d’amour… Mais si, nous devons affirmer ici la présence incontestable de la
très sainte humanité en nous par une action mystérieuse. L’homme Dieu Jésus demeure
en nous et nous en Lui ; cela suffit à notre foi et à notre amour’’ (P Meynard).
C’est quelque chose comme la présence du soleil sur la terre ; il n’y est pas avec
sa substance solaire, mais il y est par son action. Ainsi, l’humanité de Jésus Christ est
présente en nos âmes par son action ; le P Meynard le dit et la petite Thérèse le
confirme quand elle dit : ‘‘Jésus caché au fond de mon petit cœur…agit en moi…’’
Vous devez répondre donc à l’intimité de Jésus pour vous comme des amies très
aimées de son cœur puisqu’on peut appliquer à vous, avec toute sa perfection, ce que
Jésus a dit à ses apôtres au moment solennel : ‘‘Je ne vous appellerai plus serviteurs,
mais mes amis’’ (Jn 15,15). Oui, amies de Jésus, qui n’aura plus de secrets pour vous et
au fond de vos cœurs aimant vous révélera tout ce qu’il a entendu de la bouche du père
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céleste. Oh ! Mes filles, quel privilège inconcevable en votre faveur, d’avoir un tel ami
qui habite intimement dans votre cœur et que vous pourrez entendre là, en douce
intimité, tous les secrets du père ! Oh, oui, vous êtes les préférées, les amies de son
cœur : parlez intimement avec Lui et ainsi vous arriverez au désir de sainteté.
Descendez sans cesse au fond de votre cœur, comme la petite Thérèse, pour resserrer
votre union avec ce très doux Seigneur et Sauveur et Epoux adoré qui vous y attend
pour vous donner la plénitude de la vie humano-divine. Mais pour cela, mes filles,
vous devez vivre dans un renoncement total et continuel, vous devez mourir sans cesse
à vous-même. La petite Thérèse vous montre le chemin, suivez généreusement ses
traces ; vous y trouverez la perfection de votre vie intérieure et la fécondité de votre
apostolat en faveur des âmes. Vous pouvez bien vous exclamez comme l’épouse du
cantine des cantiques : j’ai trouvé celui que mon âme aime, je l’ai entre mes mains et ne
lâcherais jamais. (Cant 3,4)
Prodige de l’amour de Dieu : vous l’avez trouvé au fond de votre petit cœur
comme l’a trouvé la petite Thérèse.
38. CHRISTIFIEZ-VOUS
Tout ce que je viens de vous écrire jusqu’à maintenant peut vous donner
quelques lumières pour comprendre les relations qui existent entre la spiritualité
d’identification avec le Christ et la vie mystique sous les deux angles de l’action et de
la contemplation. Cette spiritualité de l’identification avec Jésus a un caractère assez
défini de vie unitive ; mais avant d’arriver à celle-ci, il faut passer par la vie mystique
d’action. Le but de la perfection chrétienne est le mariage spirituel c'est-à-dire,
l’union transformatrice entre le Christ et l’âme, union qui christifie l’âme, réalisant ce
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qui se passe par la communion sacramentelle, à savoir, que le divin aliment ne devient
pas la substance du communiant, mais que ce dernier devient Christ, se christifie peu à
peu’’ (vous me pardonnerez le terme). Ainsi, l’âme continuellement unie à notre
Seigneur s’exerçant à cette spiritualité d’identification avec Lui, finit par atteindre
l’oraison mystique, c’est à dire la contemplation, la fixité de l’âme en Dieu, mène au
cœur des occupations les plus absorbantes.
Il convient ici, de remarquer que souvent l’âme reste dans la simple vie
mystique à travers l’action et l’exercice des dons de conseil, force, science, crainte et
piété sans arriver à la contemplation mystique grâce aux dons de sagesse et de
discernement. Les cinq premiers se développent plus dans les âmes consacrées à
l’action ; les deux derniers se manifestent, plus dans celles qui se consacrent à la vie
contemplative. Mais bien que tous les dons se développent de la même manière dans
l’âme, en agissant, les unes s’adaptent mieux que les autres selon les conditions
personnelles de celui qui les reçoit de Dieu.
Ajoutons que « la vie contemplative (oraison et vie mystique), tend de plus en plus
à provoquer l’action de Dieu en nous aussi bien dans la contemplation que dans
l’action. L’influence de Dieu se laisse sentir de façon infuse, de plus en plus
perceptible, tandis que l’âme se comporte de plus en plus passivement. Dieu devient le
principal acteur et le rôle de l’âme se réduit à suivre les impulsions divines et à leur
obéir. Dieu cherche à la transformer, substituant sa vie et son activité divine à la vie et
activité de l’âme. Elle veut être tout pour l’âme, être son seul maître, pour lui
communiquer les grâces mystiques de plus en plus précieuses, grâce aux quelles sa vie
et son activité se font sentir de plus en plus pénétrantes. » (p Jaeguer S.J. - p 98).
C’est ce que recherche l’âme identifiée avec Jésus ou qui au moins met en lui tout son
engagement, et c’est ce que Dieu cherche aussi. L’âme alors s’exclame avec le
Baptiste : « Oportet illum crescere, me autem minui ».Il faut qu’Il croisse en moi,
tandis que je diminue. C’est l’idéal Paulinien : « ce n’est pas moi qui vit c’est le Christ
qui vit en moi » (gal 2 ; 20)
52
Pour ce que nous avons vu jusqu’à maintenant, toute votre vie spirituelle se
résume à l’attention et à la docilité à l’action de Dieu et à suivre ses divines directions
jusqu’à ce que vous disparaissiez et fassiez qu’il soit tout en vous. On peut nous
comparer à l’argile que ses mains divines pétrissent pour faire de nous son image
parfaite, d’autres christs ; mais une argile qui jouit de liberté et coopère à la divine
conformation par l’exercice de toutes les vertus qu’elles quelles soient, dont
l’épicentre est l’amour, une amoureuse docilité coopérant puisque l’action de Dieu,
action mystique, coïncide avec l’action de l’âme. Ainsi, l’âme n’ira jamais par des
chemins tordus, mais elle ira tout droit, par les chemins de la perfection.
Je vous ai dit que Jésus n’exerce pas sa divine activité en notre âme pour l’âme
seule mais Il œuvre en elle aussi pour les autres âmes. Comme le soleil qui irradie sur
la lune pour que celle-ci s’enveloppe de lampes de lumière argentée et dissipe ensuite
les ténèbres qui enveloppent la terre. C’est ce qui arrive à toute âme qui puisse résumer
sa en ces mots : vivre pour Jésus, laisser Jésus vivre en moi. Alors l’âme ne prie pas, ne
travaille pas, ne souffre pas par son propre et seul compte mais par le compte de Jésus,
pour celle-ci, sa prière, son travail et sa peine étant par conséquent plus de Jésus que
d’elle ; c’est Jésus qui souffre, travaille et prie en elle, activités qui l’identifient avec lui
et la transforme en un autre Jésus qui allume les âmes, les incendie et les sauve.
Ainsi l’âme se transforme et c’est Jésus qui en son propre nom adore le Père en
elle ; au nom de l’âme possédée par lui, et au nom de toutes les âmes ; c’est Jésus qui
rend grâce au Père en elle et avec elle ; c’est Jésus qui aime le Père avec elle au nom
de tous ceux qui ne l’aiment pas.
Dans cet état, l’âme ne se préoccupe plus tant de la correction de ses défauts et à
demander des grâces pour elle et pour les autres ; que de contempler et savourer la
sainteté de son bien- aimé qui habite en elle et ses perfections infinies, dans lesquelles
elle se plonge amoureusement, transformant la terre en ciel, en sachant que ses défauts
et imperfections se détruirons d’eux-mêmes sous l’influence du divin amour ; et les
grâces et toutes les autres aides, même d’ordre temporel, viendront de surcroît .
Le Seigneur et le Père de qui vient tout don parfait l’a enrichie jusqu’à
l’infinie de Jésus qui habite en elle. “quo modo non etiam cum illo omnia nobis
donavit” (rom 8,32). Ne nous a-t-il pas donné avec Lui tous les dons, toutes les
richesses ? Oui la richesse de cette âme est Jésus et elle peut bien dire avec Saint Paul :
« omnia Christus » ; « pour moi, le Christ est tout » ; ou avec Saint François
D’assise : « Deus vaeus et omnia » « Mon Dieu et mon tout » ; ou comme les sœurs de
la Présentation selon la devise de leur fondatrice : ‘’Dieu seul’’ ou la mère
Thérèse : « Dieu me suffit» ou comme Ignace de Loyola : « ton amour et ta grâce sont
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ma richesse». Et Jésus dans l’âme est amour ; Deus caritas est, la source de la grâce et
en même temps tout pour l’âme.
Quand l’âme est arrivée à ce point dans sa vie union et d’identité avec Jésus, sa
vie toute entière se transforme en prière, se réalisant en elle le désir de son époux de
vivre l’oraison de tout instant. Bien sûr, parce qu’elle sait que Jésus est présent en
elle et agit sans cesse avec elle, et cette connaissance la tient dans un souvenir continuel
et amoureux de son doux Seigneur ; elle ne veut plus vivre sa propre vie mais la vie de
Celui que son âme aime. Et elle s’exclame avec saint-Paul : «mihi vivere chritus es» ;
pour moi, vivre c’est le christ ; mes actions sont du Christ, et par conséquent mon
souvenir continuel c’est le Christ. Oh ! Quelle intimité alors, quelle tendresse dans cette
intimité, quel ciel dès la terre !
Je veux que vous remarquiez dès lors, que ce n’est pas avec Jésus seulement que
l’âme vit, parle, travaille et se recrée : elle se fait aussi avec les deux autres personnes
adorables de la très Sainte trinité, le Père et l’Esprit Saint. Rappelez-vous cette phrase
là sortie des lèvres de Jésus : « si quelqu’un m’aime, je l’aimerai ; nous irons à lui et
chez lui, nous établirons notre demeure» (Jn 12;23). C’est pour cela que la petite
Thérèse parlait à l’Auguste Trinité avec cette douce simplicité qui la caractérisait et
dans le silence profond de son cœur amoureux, sans le bruit des mots et avec la sérénité
des nuits silencieuses. La Divinité se reflétait dans son âme comme dans les eaux
calmes d’un lac et elle à son tour regardait le ciel, recevant en son sein les lueurs du
soleil divin et le rayonnement des étoiles. Comme elle, regardez vers le haut, tournez
votre esprit et votre cœur vers Dieu et la lumière de Dieu brillera alors en votre
intérieur comme le reflet lumineux du soleil et des étoiles dans les lacs. Mais tout avec
Jésus et par Jésus.
Observez, mes chères filles, que pour vous faciliter ces très hautes relations
avec l’Auguste Trinité, le Fils s’est fait homme, Il a visité notre humanité, se faisant
notre semblable, afin que nous puissions monter vers le Père sans trop de difficultés et
communiquer avec le Saint Esprit. La très sainte humanité de Jésus nous sert donc de
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point de contact avec les trois personnes Divines. Voici le pourquoi de la mission du
pontife et médiateur donnée à Jésus par le Père, Jésus qui par son humanité adorable a
été constitué en Pont entre les hommes et dieu, Médiateur entre la terre et le ciel.
Une d’entre vous me demandait un jour pourquoi elle parlait très facilement
avec Jésus mais quand elle voulait communiquer avec le Père et le Saint-Esprit, elle se
voyait comme empêchée par la Majesté du Père et la splendeur éblouissante de l’océan
de lumière dans laquelle demeure l’Esprit-Saint.
Ma fille, lui ai-je répondu : parce que Dieu demeure dans une lumière
inaccessible ; pour cela précisément le Verbe, son adorable verbe, s’est vêtu
d’humanité comme la vôtre pour monter avec vous au Père, jusqu’au trône de son
immense gloire, jusqu’aux demeures de clartés où scintille le divin Esprit brillant
comme un soleil. C’est ainsi que l’âme et Jésus vont jusqu’au Père, vivent toujours
tournés vers Dieu et dans un silence profond de vénération parlent cependant à Dieu.
C’est ainsi que l’âme offre au Père les actions, les prières, les souffrances, les
aspirations amoureuses et enfin, les désirs que Jésus vive en elle pour aimer le Père et
l’Esprit Paraclet avec Lui.
a) Pour vous offrir au Père et au Saint Esprit Unies à Jésus : offrande de votre
intelligence, de votre volonté, de votre cœur, de vos sentiments, de tout ce que vous
avez et possédez. Mais vous voyez très bien, que même unies à Jésus, ce que vous avez
vaut peu ou rien, vous vous appropriez tout ce que Jésus a et vous dites au Père : reçois
Seigneur, l’amour sans limites de Jésus, sa profonde humilité, sa pureté incomparable,
son abnégation héroïque, ses perfections infinies, son sacrifice sur la croix, ses douleurs
et sa mort, ses pénitences pour le pardon de mes péchés, son eucharistie et pour finir,
son intercession pour moi et pour toutes les âmes, lui qui est assis à votre droite. Par-
dessus tout, mon Père, avec l’âme pleine de confiance et de sainte émotion, je vous dis,
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serrant le crucifix sur lma poitrine : « Père voici mon Jésus mourant pour vous ! Je vous
le remets. Etes-vous satisfait, Seigneur ? Cet amour est-il suffisant ? regardez comme il
vous supplie pour le monde entier. Pouvez-vous rejeter son amour sans l’écouter ? »
Voici l’offrande : ma part, toute petite et sans valeur mais valorisée avec Jésus et avec
toute la part de Jésus.
b) Pour aimer en union avec Jésus le Père et le Saint-Esprit. Mais pour un amour sans
égoïsme, n’aimant rien en propre, rendant semblable son amour à l’amour de Jésus.
Parce que, remarquez-le bien : Jésus n’aime que son Père en toutes choses ; pour cela,
ton amour ne peut être semblable au sien si tu consacres une partie de cet amour à toi-
même ou à une autre créature sans voir Dieu en elle. Je te le répète sœur, ton amour
sera semblable à celui de Jésus pour le Père si tu n’aimes que le Père dans toutes les
choses. Si tu aimes avec l’amour de Jésus, tu verras tes imperfections et tes misères
personnelles ne rencontrant que vide en toi-même, vide dans les créatures et tu
reviendras vers ton seigneur comme une colombe, tu entreras dans son cœur et là tu
aimeras avec son amour et tu vivras son amour.
c) Pour vivre l’amour de Jésus ce concept vous étonne mes sœurs ? Vivre l’amour de
Jésus ? Malgré votre étonnement, vous devez cependant vivre l’amour de Jésus. Et
comment ? En ne pensant, en ne désirant et en aimant que ce que Lui pense, désire et
aime ; en n’œuvrant que comme Lui, comme il nous a donné l’exemple et ensuite nous
a dit : « je vous ai donné un exemple pour que vous agissiez comme moi» (Jean 13,15).
Et comment Jésus a-t-il procédé ? « Ce qui plaît à mon Père, je l’ai toujours fait. » (Jn
8,29) Et cela est amour : conformer la volonté à celle de l’Etre Aimé, faire ce qui Lui
plaît.
Et si c’est avec la volonté de Jésus que nous adhérons à la volonté du Père pour
accomplir ses vouloirs, et si nous aimons le Père avec le cœur du Verbe fait chair, quel
type d’amour sera le notre ? Oh mes sœurs, ce sera un amour divin parce que c’est
l’amour même de Jésus qui est Dieu. Que votre vie soit unie à Jésus, uniquement pour
le Père ; que votre cœur en union avec Jésus aime uniquement le Père et vos œuvres
unies à celles de Jésus prouvent cet amour. Ainsi soit-il !
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IV. LES MOYENS D’INCORPORATION AU CHRIST
Une d’entre vous me demandait un jour de quel moyen elle pourrait se servir
pour s’incorporer au Christ.
-Ma sœur, lui ai-je répondu ; vous êtes incorporée par la possession de la grâce,
comme vous l’avez déjà entendu plusieurs fois. Mais je vais élargir cette connaissance
et vous indiquer les moyens pour cette incorporation quand on ne l’a pas et pour la
rendre plus intense si on peut parler de cette façon, quand on l’a, puisque une fois
l’union réalisée et le contact entre l’âme et le Christ, l’incorporation se développe,
s’alimente et se fortifie. A ce sujet, Saint Thomas affirme : c’est sûr que l’effet des
sacrements est l’incorporation au Christ ». (3.q.62a.1) Jésus a donc institué les
sacrements pour fonder et développer le corps mystique.
Et vous me demandez maintenant, sœur, parmi ces sept sacrements, quels sont
les plus importants en relation avec le corps mystique ? Je veux satisfaire votre sainte
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curiosité : ce sont le Baptême et l’Eucharistie. Le Baptême, que les théologiens
appellent toujours la porte d’entrée aux sacrements et au sein de la sainte Eglise, où
naissent, grandissent, se comblent de fleurs et fructifient les Saints, c’est-à- dire les
membres du corps mystique ; le baptême qui nous greffe au Christ, fait de nous des
membres de son corps mystique et nous incorpore au Sauveur. L’Eucharistie, qui est’’
l’union suprême’’ de la tête divine et du membre heureux qui prend en nourriture le
chef même et tête du corps mystique qui, le nourrit, le fait croître, lui communique des
forces et lui fait produire des fruits de vie éternelle.
Vous avez entendu que par le baptême nous sommes arrachés à l’ancien Adam
pour être incorporés, greffés au nouveau. Deux faits se réalisent selon ceci : le baptême
nous sépare et nous unit. Il nous sépare du pécheur Adam et unit au rédempteur Jésus.
Ainsi, il reste la greffe. Saint Paul dit que « que par le baptême nous sommes ensevelis
avec le Christ dans sa mort » (rom.6,4). Le baptême d’immersion utilisé dans les débuts
de l’Eglise est image d’une sépulture, par l’immersion même, d’où on sort déjà lavé.
Cette sortie, Paul la compare à la résurrection de Jésus-Christ, pour cela il dit : « si nous
sommes morts avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi unis avec Lui ;
sachant que le Christ une fois ressuscité d’entre les morts ne meurt plus.» (rom.6, 8-9).
Nous vivrons en même temps que le Christ, par la greffe en Lui. Cette greffe se vérifie,
selon le même Paul, grâce à la représentation de sa mort, selon ce texte là : « puisque
nous avons été totalement unis, assimilés à sa mort, nous le serons aussi à sa
résurrection » (rom.6,5).
Si cette obligation est pour tout chrétien ordinaire, « vivre déjà pour Dieu en Jésus-
Christ notre Seigneur », que dirons-nous des âmes consacrées à Dieu dans la vie
religieuse ?
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Mais comment rendre dense cette incorporation, la développer, la nourrir et la
rendre plus fructueuse ? Vous l’avez déjà entendu : grâce aux autres sacrements qui
augmentent la grâce sanctifiante et communiquent la grâce spécifique de chaque
sacrement. Mais, parmi eux tous quel est le plus efficace pour cette fin ? Vous le
devinez mes sœurs sans le moindre effort : l’Eucharistie. Oui, l’Eucharistie, établie
précisément comme aliment du membre privilégié du corps mystique, pour le nourrir
dès son incorporation. D’où la nécessité de l’Eucharistie pour tous les greffés au
Christ. Si le nouveau-né ne s’alimente pas, il meurt d’inanition. Par l’Eucharistie, l’âme
se conserve, grandit en sainteté et se fortifie pour les batailles contre autant
d’adversaires qu’elle a pour conserver la vie surnaturelle. Saint Thomas affirme : « il
fallait un sacrement dans lequel Christ même est contenu, afin que l’union du membre à
la tête soit parfaite ». L’Eucharistie, chaque jour, incorpore de plus en plus le membre à
la tête, par ce contacte divin, « intime et ineffable » qui chaque jour communique à
l’âme avec une très grande intensité la vie même du Christ.
«Ton sang divin court déjà dans mes veines, dans mon âme, tu demeures déjà,
très doux Jésus ».
Qu’elles, comme les prêtres, doivent vivre déjà pour Dieu, pas n’importe quelle vie
mais une vie supérieure, parce qu’elles ne peuvent pas se contenter d’une sainteté
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commune et ordinaire mais qu’elles sont obligées d’atteindre une sainteté supérieure
et extraordinaire, puisque ce sont des âmes élues.
Pour celle-ci, trois choses suffisent : l’état de grâce, droiture d’intention et l’exercice
des bonnes œuvres.
Pour cette sainteté, le Seigneur nous demande les trois mêmes conditions, mais avec
des caractères extraordinaires qui sont :
c) une ferveur et une décision beaucoup plus ardentes dans l’exercice des
bonnes œuvres.
1°) Pourquoi cette union plus intime avec notre Seigneur ? Parce que notre état
de perfection, notre profession de sainteté et notre vocation même qui est l’amour nous
y obligent. Jésus est l’auteur de toute sainteté, source d’amour, la racine de nos mérites
et la tête du corps mystique dont nous sommes les membres très nobles et, plus que les
autres, proches de son cœur. Plus étroite sera notre union avec l’auteur et la source de
toute sainteté, nous la recevons avec la plus grande abondance ; plus nous serons
proches de la tête divine, plus nous participerons de sa vie et de son mouvement.
Si le Christ influe sans cesse et avec une très grande force dans notre vie,
combien sera l’abondance de sainteté et de vie divine que nous atteindrons ! Lui la
vigne qui nous inonde de sève divine, nous les sarments liés au tronc ; lui la tête qui
diffuse une sainteté toujours croissante, nous, les membres plus proches, qui la
recevons dans toute son abondance.
2°) Pourquoi exige-t-on de nous les prêtres et les religieuses une droiture et une
pureté d’intension beaucoup plus parfaite ? Parce que nous sommes les guides et les
modèles des autres âmes qui s’orientent souvent par notre conduite. Et le Seigneur dit :
« si tes yeux sont simples ou lumineux, lumineuse sera ton action ; si tes yeux sont
ténébreux ou malveillants, malveillante sera ton action. » Tes yeux sont ton intention.
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Et comment mon intention sera pure ? a) en agissant toujours par amour pour Dieu et
pour mon prochain : c’est le secret pour que tout se transforme en amour ; b) en
rapportant toutes nos intentions à l’amour ; obéir, se mortifier, prier, s’humilier, se
vaincre, travailler par amour ; c) en renouvelant fréquemment nos intentions
surnaturelles, comme le volant d’une voiture se redresse au fur et à mesure qu’on
avance sur le chemin vers le but.
3°) Une plus grande ferveur : « maudit soit celui qui accomplit l’œuvre de Dieu
avec négligence», dit la Sainte Ecriture. La négligence, le laisser -aller, l’inattention, la
routine réduisent le mérite. Il faut agir avec une énergie toujours renouvelée, avec
acharnement, avec toutes les grâces actuelles que le ciel nous offre et qui, si nous ne les
utilisons pas à temps, restent sans fruits, et nous pensons que nous servons Dieu. Les
choses saintes doivent se faire saintement et les choses divines d’une façon digne de
Dieu. La difficulté de l’œuvre accroît le mérite ; mais la facilité acquise par la
répétition des actes l’augmente aussi.
Je vous ai dit que votre sainteté ne peut être une sainteté commune et
ordinaire mais supérieure et extraordinaire. Aux raisons que je vous ai exposées, je
veux en ajouter une puissante à savoir ; que votre mission, comme celle des prêtres, est
de faire grandir le corps mystique du Christ en lui attirant de plus en plus de membres
qui participent de la même vie divine de l’adorable tête, Jésus-Christ notre Seigneur.
Quelle mission si sublime est la vôtre !
Le champ où se trouvent ces futurs membres que vous gagnerez pour le Christ est le
monde des infidèles et la multitude foule de pécheurs. Mais pour cela, vous devez être
saintes si vous voulez communiquer la sainteté aux âmes puisque vous savez que
personne ne donne ce qu’il n’a pas. Même pour aider les bons, pour qu’ils restent unis
à la tête divine, vous devez être saintes.
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Pour que vous compreniez l’immensité de votre champ d’action, je veux vous
faire voir les différentes étapes où se trouvent les chrétiens catholiques, pour ne pas
nous occuper maintenant des païens, les hérétiques et les schismatiques.
2-Il y a des chrétiens de simple apparence. Ils vivent comme les premiers dans
le péché habituel, ce qu’ils reconnaissent mais n’y accordent pas la moindre importance
et s’arrangent avec la tentation ou le besoin. Ils prient rarement et ceci par intérêt, par
pure habitude ou par obligations sociales. Ils sont moins loin de Dieu que les premiers,
mais eux non plus ne font pas partie de l’âme de l’Eglise. Pour eux vous êtes également
tenues à l’oraison et à la pénitence.
3-Il y a des chrétiens du milieu qui combattent mollement le péché mortel et quand
l’occasion arrive, ils y tombent ; quant au péché véniel, ils le boivent comme l’assoiffé
s’abreuvant d’eau. Ceux-ci prient, mais seulement quand ils sont harcelés par le besoin.
Ajoutez à la prière et la pénitence quelques oraisons jaculatoires fréquentes pour que
ces pauvres tentés ne tombent pas et que s’ils tombent ils se relèvent sans tarder.
4-Il y a des chrétiens de vie chrétienne ordinaire. Ils commettent rarement le péché
mortel et s’en repentent avec sincérité, ils commettent moins le véniel, leurs oraisons
sont les prières ordinaires, avec une attention moyenne, sans que l’oraison mentale ne
les préoccupe beaucoup, celle à laquelle ils ne s’adonnent que de temps en temps. Ils
sont tièdes. Dites en leur faveur : « Seigneur rends fervents ceux qui sont dans la
tiédeur ».
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6- Il y a des chrétiens fervents qui avancent sans cesse dans la vie spirituelle. Ils ne
tombent jamais dans le péché mortel, et s’ils tombent dans le péché véniel, ce n’est pas
délibéré et pour cela même, ce n’est pas un péché. Ils combattent les imperfections
avec générosité. Ils sont constants dans la prière et généreux, ils sont habitués à la
présence de Dieu et ils sont détachés d’eux-mêmes et de toutes les choses terrestres ; ils
persévèrent avec générosité dans la pratique de toutes les vertus.
7- Il y a enfin, des chrétiens saints. Ils ont seulement des imperfections qu’ils
combattent sans cesse, raison pour laquelle elles sont rares. Leur prière est constante,
souvent elle est contemplation. Ils aspirent à ardemment la vie cachée, ils aiment les
humiliations et la douleur atteignant le véritable héroïsme, signe de la véritable sainteté.
L’Eglise ne canonise pas s’il n’y a pas d’héroïsme dans les vertus.
Nous avons vu sur notre petite feuille antérieure les sept stades différents où les
chrétiens peuvent être et je vous demandais à quel stade se trouve chacune de vous, selon
ce stade vous avez besoin de la direction spirituelle d’un confesseur selon le cœur de
Dieu. Mais combien de fois vous serez privées de ce bénéfice extraordinaire dans les
missions !
Pour cela et parce que malheureusement il y a des prêtres qui ne donnent aucune
importance à la direction spirituelle des âmes, ou ce qui est pire, ils la rejettent
positivement, je veux vous tracer quelques petites normes sur cette humble page, pour
les jours, les mois et même les années où vous vous trouveriez privées de cette direction,
en attendant que quelque prêtre selon l’esprit de Paul qui a pu dire aux Evêques
d’Asie : « Pendant trois ans je n’ai pas cessé de jour et de nuit de conseiller
personnellement chacun de vous »(Act 20 ;31), vous tende la main et vous aide à monter
les difficiles échelons qui conduisent à la montagne de la sainteté.
4- Soyez sacrifiées. Immolez-vous sans cesse, ne concédant pas dans les plus
petites choses aux exigences du moi, sacrifiant tout pour l’Epoux adoré qui s’immola
lui-même pour vous. Et souvenez-vous que chaque minute qui passe doit être un
nouvel acte de générosité, de détachement, de remise.
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48. LE SACERDOCE, CŒUR DU CORPS MYSTIQUE DU CHRIST.
2° L’époux de l’Eglise, la tête du corps mystique ; il est celui qui nous sanctifie,
celui qui vit en nous.
Dans le premier sens, le Christ naturel a son cœur adorable qui bat dans sa
poitrine : ce cœur de chair, doux et humble, palpitant d’amour et symbole sensible de
ce même amour, « vase sacré dans lequel s’élabore le sang rédempteur et que le fer et
la lance ont ouvert sur le calvaire »
Je veux vous faire cette remarque : si un corps est privé de sa tête ou de son
cœur il meurt inévitablement ; mais d’autres membres peuvent disparaître sans que le
corps succombe. Le Christ, roi immortel, tête divine, ne peut pas périr : le sacerdoce du
Christ, éternel selon l’ordre Melkicedec, cœur du corps mystique, ne peut pas mourir
non plus ; mais tous les deux, la tête divine et le coeur de ce corps mystique ont souvent
la douleur immense de voir mourir tant de membres, et même des fibres délicates du
cœur même par l’apostasie de plusieurs prêtres, ceux dont nous devons souffrir d’un
profond chagrin et travailler sans cesse pour attirer de nouveau les prêtres infidèles,
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soigner les membres malades, ressusciter ceux qui sont morts et incorporer les millions
de païens qui n’ont pas pu encre adhérer à ce corps mystique.
C’est dans le dessein de Dieu que le sacerdoce soit le cœur du Corps mystique,
comme le Christ en est la tête et l’Esprit Saint, son âme ; par conséquent, sans le
sacerdoce les grâces de Dieu et sa vie divine n’arriveraient pas aux âmes, comme sans
le cœur, le sang n’arriverait pas aux membres du corps, même les plus éloignés. Le
cœur du Corps Mystique du Christ est le seul organe ; mais il se compose à son tour de
plusieurs parties : les évêques, les prêtres, les ordres de la hiérarchie, et de façon
accidentelle les religieuses, épouses de Dieu, qui par l’oraison, le sacrifice et l’amour
favorisent, fortifient les pulsations divines du sacerdoce. A accomplir donc avec fidélité
oh religieuses, votre mission de sainteté aidant à la sanctification des prêtres.
Je vous ai dit que vous formez avec les prêtres le Coeur du Corps mystique du
Christ. Je me représente les communautés religieuses comme cette délicate enveloppe
qui entoure le cœur, le soutient dans la cavité de la poitrine, lui conserve la chaleur et
sert de cuirasse tendre et forte en même temps aux pulsations rythmées et à la pulsion
du sang vers les extrémités et autres membres du corps. Vous faites partie par
conséquent très principalement du cœur.
Cela dit, le sacerdoce doit toujours être robuste avec la force de Dieu, et la
chasteté communique cette forteresse-là ; il doit être libre et fougueux avec la liberté
des enfants de Dieu et le feu de la divine charité ; il doit être plein dans ses pulsations,
toujours rythmé, sans interruption.
Ces qualités et vertus du sacerdoce doivent apparaître et briller de la même façon chez
vous religieuses, qui avec le sacerdoce formez le Cœur du Corps mystique.
1-Vous devez être robustes par la chasteté. Pour cela vous avez été séparées du
monde, innocentes, non contaminées, pures de la pureté des anges. Parce que les restes
du monde et des passions de la chair ne seraient pas bons pour faire partie du cœur
mystique. La religieuse pure et chaste est forte contre elle-même et contre les ennemis
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intérieurs et extérieurs qui voudraient la séduire. Par sa pureté, la religieuse s’élève
gracieuse au-dessus des autres femmes, comme le lys royal au-dessus des autres fleurs,
sur sa tige verte et vigoureuse, pour s’ouvrir en corolles blanches comme la neige et
parfumées par l’arôme des anges ; par sa pureté, elle éteint les feux de la
concupiscence héritée d’Adam et Eve, les transformant par le feu de l’amour de ce
Divin Epoux qui paît entre les lys.
2- Vous devez être libres aussi de tout ce qui pourra vous empêcher de monter,
de toujours voler dans les ascensions divines : libres des ambitions terrestres des liens
humains de l’attachement aux créatures ;libres des flatteries de la sensualité, des
attraits, de la douceur et du bien-être ; libres des désirs d’indépendance, des pièges de
l’égoïsme. Sans cette liberté de l’âme, la religieuse ne peut pas accomplir l’œuvre du
Christ, elle ne peut pas battre à l’unisson de son Cœur mystique.
Je vous ai déjà expliqué les conditions pour bien accomplir votre rôle dans le
Corps mystique du Christ : être fortes, être libres et ardentes, être toutes comblées. Pour
atteindre parfaitement ces trois dons, nous avons l’Eucharistie dans le ministère de la
communion sacramentelle, puisque communier, c’est s’incorporer au Christ.
Je veux vous exposer sur cette petite feuille trois choses : la nécessité de
communier pour être membres du Corps mystique du Christ ; comment l’Eucharistie
nous incorpore au Christ ; union entre les membres du Christ par l’Eucharistie.
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1- Sans l’Eucharistie, il ne peut y avoir incorporation au Christ. « Celui qui
mange ma chair demeure en moi » (Jn 6,57). "Si vous ne mangez pas ma chair et si
vous ne buvez pas mon sang, vous n’aurez pas la vie en vous" (Jn 6, 54) " Celui qui ne
demeure pas en moi, sera jeté dehors comme le sarment … on le ramasse et on le jette
et il brûle" (Jn 15,6)
Mais comme les jeunes enfants qui n’ont pas l’usage de la raison, par exemple,
ne peuvent pas communier – il en est de même pour les autres cas- le Saint dit qu’il y a
deux façons de communier : spirituellement et sacramentellement ; la communion
spirituelle étant suffisante quand on ne peut pas recevoir la communion sacramentelle,
pour l’incorporation au Christ. C’est ainsi que les saints de l’Ancien Testament ont été
sauvés, parce qu’en désirant le Rédempteur, ils désiraient ce qu’Il établirait pour leur
ouvrir le Ciel. Et parmi ses mystères d’amour, l’Eucharistie. Saint Thomas ajoute : "
Tous les fidèles deviennent participants du Corps et du Sang du Seigneur, depuis le
moment où ils se sont convertis en membres du Christ par le Baptême et il leur revient
d’avoir part à ce pain et à ce calice puisqu’ils appartiennent à l’unité du Corps
mystique" (Q,73 a 1)
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3-La communion est un lien d’unité entre les membres du corps mystique. Ainsi
comme mes membres sont unis à ma tête, tous les fidèles sont unis au Christ. Le sang
en mouvement constant vivifie et entrecroise tous mes membres entre eux et avec ma
tête ; le sang du Christ en circulant dans l’immense communauté des fidèles, les
entrecroise et les étreint intimement entre eux et avec la divine tête. Ainsi s’accomplit
ce que dit Saint Paul : « parce que tous ceux qui participent au même pain, bien que
nous soyons nombreux, nous sommes devenus un seul corps » (1cor 10 ; 17)
Cette étroite et vivifiante union qui est votre avec la divine tête, comme
membres que vous êtes du corps mystique peut se rompre, ce qui malheureusement
arrive sans cesse, non parce que le Christ le veut ou le fait, mais parce que l’âme se
défait à cause du péché mortel et dans ce cas, il ne reçoit pas l’influence de la vie
divine.
Le Christ ne le veut pas car il a dit : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues
de la maison d’Israël » (Mt 15,24), et aime profondément ses membres selon ce qui a
été dit par Saint Paul ;(éph 5,29-30) : « personne n’a jamais détesté son corps. Au
contraire, on le nourrit, on en prend soin, comme le Christ le fait pour son Eglise ;
parce que nous sommes membres de son corps, de sa chair et de ses os. » C’est l’âme,
c’est le membre du corps mystique qui rompt la communication de la vie avec la
blessure décisive du péché mortel, comme l’a fait Judas, celui dont notre Seigneur
disait en s’adressant au Père : « j’ai gardé ceux que tu m’as donnés et aucun ne s’est
perdu sauf le fils de perdition, accomplissant ainsi l’Ecriture » (Jn 17,12). Judas s’est
détaché brutalement de la divine tête et des autres membres très Saints, les apôtres
parce qu’il a voulu, parce que sa volonté a lâché et il a livré le Maître.
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Saint Paul, dans sa lettre au Colossiens (2,19) parle de ceux qui
s’enorgueillissent du sentiment de la chair et qui n’ont pas de tête, de l’union de
laquelle, grâce aux nerfs et les articulations, le corps tout entier reçoit la vie et croit ‘’in
augmentum dei’’, par la croissance que communique la Divinité.
Mes Sœurs : après une foi vive et une espérance ardente, ayez un amour brûlant,
charité sans laquelle vous n’êtes rien. ‘’ Si je n’ai pas la charité, je ne suis rien’’ (1cor
13,2). « Entretenez la charité, qui est le lien de la perfection » (col3, 14).
Mais, qu’est-ce qui se passe avec l’immense majorité des membres du corps
mystique mort à cause du péché mortel ? C’est que, même s’ils restent accrochés aux
côtés du corps mystique, vidés de leur sang et sans vie, ils ne se préoccupent pas de leur
réintégration et la décomposition vient inévitablement. Leur intelligence ne pense plus
avec le Christ, leur volonté s’écarte du vouloir du Christ, leurs passions se sont dressées
comme des reines hautaines, ses sens sont leurs guides, conséquence : ils se sont
asservis au péché et au démon, laissant de côté le roi adorable, la tête divine.
Malgré tout, il ne faut pas désespérer, mes sœurs, à la vue du tableau affligeant
de tant de millions de membres du corps mystique du Christ morts du péché mortel. La
miséricorde de Dieu est infinie et la prière des membres sains, les justes, est d’une telle
valeur que ces membres, bien que pourris, pourraient participer de nouveau de la vie de
Dieu. En pardonnant, Dieu peut déployer un pouvoir plus grand que lorsqu’il créait les
mondes et ressusciter tant de morts par le péché à la vie de grâce, comme il est récité
par l’Eglise.
72
Vous avez entendu le malheur indicible du membre du Christ séparé de la vie de
la tête divine par le péché mortel, c’est-à-dire la perte de la vie et la corruption
inévitable. Le péché véniel ne cause pas cet effet désastreux mais il déplait à Dieu et
nous prive de la douce sympathie du visage du Christ, non plus souriant, mais fâché et
avec les signes d’une certaine colère et quelque répugnance. C’est comme la mère qui
en voyant sont enfant échevelé, crasseux et barbouillé a de la peine pour le visiteur et se
dépêche de nettoyer l’enfant, ou qui le voit malade ou blessé par des coups ou des
chutes : l’enfant n’est pas mort mais il souffre.
Que de saletés spirituelles souffre la majorité des gens, même des prêtres et des
religieuses, victimes de péchés véniels délibérés, sans avancer sur les chemins de Dieu
parce que ces indispositions, souillures et péchés volontaires les maintiennent dans une
lamentable inaction pour travailler à leur sanctification. C’est pour cela qu’il n’y a
presque pas de prêtres et religieuses véritablement saints ; pour cela la cargaison
d’âmes vulgaires qui remplissent les couvents sans que brille en elles la sainteté,
enveloppées comme elles vivent dans les brumes de leurs imperfections et péchés
véniels volontaires ; d’où ce dégoût pour le service de Dieu, cette paresse spirituelle
pour l’accomplissement du devoir ; d’où le relâchement dans diverses maisons
religieuses, la perte du premier esprit de la communauté, l’inévitable invasion de la
tiédeur, l’affaiblissement général et le retrait de Dieu de l’âme qui perd sa vocation et
de la communauté entière qui peut s’éteindre d’elle-même ou être éliminée par
l’autorité de l’Eglise.
N’oubliez pas que le péché véniel peut conduire au péché mortel et par là à la
mort surnaturelle et à la condamnation éternelle, de la même façon qu’une maladie
corporelle peut conduire à la mort matérielle, au sépulcre et à la corruption. D’où cet
enseignement de l’ecclésiastique (19,1) : « celui qui méprise les petites chutes, peu à
peu périt entièrement. » Et cet avertissement de Saint Luc (16,10) : « qui est
malhonnête dans les petites choses est aussi malhonnête dans les grandes choses».
73
Evitez donc les petites fautes volontaires qui produisent de tels effets et
n’oubliez pas que le péché véniel, qu’en soi n’est pas mortel, a eu besoin cependant du
sang de la divine tête et de sa mort sur la croix pour être pardonné.
Le péché mortel, comme une terrible feuille d’acier tue d’une coupure le
membre qui était uni à la divine Tête par grâce, lui arrache la participation de la vie
divine et le rend incapable de produire des fruits pour la vie éternelle, le précipitant
pour finir en enfer. C’est ce que nous enseigne notre Seigneur dans la parabole de la
vigne, quand il dit : « celui qui ne demeure pas en moi est jeté dehors comme le
sarment et il se dessèche ; on les ramasse et on les jette dans le feu pour qu’ils brûlent »
(Jn15, 6)
Conséquence terrible, mes sœurs, que nous devons éviter avec la plus grande
vigueur, car les religieuses comme les prêtres peuvent pécher mortellement, s’arracher
du corps mystique du Christ et se précipiter dans la géhenne pour toujours. Pour cela,
l’Esprit Saint nous avertit en disant : « que celui qui est debout, se garde de tomber »
(1cor10, 12). Parce que la rupture éternelle peut suivre la rupture temporelle.
Et que fera celui qui pendant un temps a participé de la sève divine et avec elle
de la paix et la joie de Dieu ? Que fera ce membre, heureux quand il était uni à son
Dieu, séparé maintenant de lui pour toujours et précipité « dans le puits de l’abîme ? »
(Apoc 9,1). Il devra souffrir éternellement le tourment du feu qui brûle toujours et ne
s’éteint jamais ; ce feu dont parle le Seigneur dans la parabole du riche avare « je suis
tourmenté dans ces flammes » (Luc 16,24). Et quand il annonce la sentence terrible
qu’il prononcera contre les sarments desséchés, membres qui se sont séparés de Lui, la
tête adorable : « allez, maudits, au feu éternel ».
Feu réel, mes sœurs, flamme allumée par la justice de Dieu dans sa fureur,
« Ignio succenous est in furore meo », feu qui enferme en lui tous les tourments
proportionnels aux offenses occasionnées à Dieu, feu de remords, feu de douleurs
infinies, feu de désespoir, feu qui embrasse, brûle et pénètre de sa substance ardente
jusqu’aux entrailles, feu qui grille sans consumer l’âme parce qu’elle est un Esprit
74
immortel, ni le corps après la résurrection parce que celui-ci sera comme d’amiant qui
se transforme en feu sans se fondre ni se volatiliser ; feu qui torturera le malheureux
réprouvé proportionnellement au nombre et à la gravité de ses péchés, selon ce
texte : « il sera donné à chacun selon ses oeuvres » (Mt16, 27), et cette autre parole de
l’écriture selon laquelle Dieu ordonne au feu de punir éternellement en proportion du
plaisir tiré contre le commandement divin :
« À la mesure de son faste et de son luxe, donnez-lui tourments et malheurs » (Ap18, 7)
Le même Saint nous apporte une nouvelle idée qui doit vous faire réfléchir
profondément : qu’il y a deux corps mystiques dans le monde, le Corps mystique du
Christ et le Corps mystique du diable. Je vous ai montré avec la plus grande clarté qui
fait partie du Corps mystique du Christ, et il est important que vous sachiez qui forme
le corps mystique du diable.
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Le corps mystique du Christ est la Sainte Eglise fondée par Lui et les âmes en
grâce sont ses membres vivants. C’est la doctrine de ST Paul quand il dit : " Vous êtes
le Corps du Christ et chacun de vous est une partie de ce Corps" (1 cor 12, 27). Le
corps mystique du diable est l’universalité des mauvais, la grande prostituée de
l’Apocalypse, mère adultère qui les nourrit et dont elle est la tête abominable. Ainsi le
même ST Paul le montre quand il dit : "Ne savez-vous pas que vos corps sont des
membres du Christ ? " " Et j’irai prendre les membres du Christ pour en faire des
membres de la prostituée ? " (1 cor 6,15).
Le Christ est venu du Ciel, il est mort sur la Croix et continue à travers ses
apôtres et prêtres l’œuvre d’arracher ses membres au diable et de les incorporer à Lui ;
par contre le diable travaille avec toutes ses légions à amputer les membres du Corps
mystique du Christ et à les incorporer au sien qui, comme vous l’avez entendu, est la
grande prostituée.
Et votre mission, mes sœurs, est celle d’aider le Christ contre le malin dans
l’œuvre salvatrice d’arracher au diable le plus grand nombre de membres de
malédiction parmi les païens et les pécheurs, pour les acquérir au Corps mystique du
Christ, les transformant en membres de bénédiction. Mais pour la réussite brillante de
votre sublime vocation, vous devez vous efforcer d’atteindre une grande sainteté.
Au moment actuel, mes sœurs, où le monde est plus éloigné de Dieu et où les
membres du corps mystique du diable se multiplient de façon terrifiante, nous devons
raviver notre foi, multiplier nos prières et pénitences et briller dans une ferveur
renouvelée pour aider Notre Seigneur dans son divin engagement à augmenter les
membres de son corps mystique. Mission sublime la vôtre et la mienne : « mener contre
Satan les bons combats de la foi », pour augmenter encore plus, le corps mystique de
Celui que nous aimons.
2-Les tourments qu’elles souffrent sont ceux même de l’enfer, avec la seule
différence qu’il n’y a pas de désespoir ni de haine, mais espérance et amour, et que le
Purgatoire est temporel tandis que l’enfer est éternel. Par conséquent, ils supportent la
peine du mal commis et la peine du regret. Quant à la peine de dommage commis, nous
ne pouvons même pas en pressentir l’intensité, car elle se mesure par un racloir divin
qui est l’amour qu’on a pour Dieu. Quelles angoisses sont les leurs ! Quelles
impulsions vers Dieu, quels ardents désirs de le voir, de le posséder, de jouir de Lui
éternellement. Ce tourment est, si on veut, plus poignant que le tourment même de
l’enfer, parce que dans l’âme bénie du Purgatoire, le stimulant, l’aiguillon est l’amour,
dont les réprouvés sont dépossédés ; par cette faim et soif de Dieu qui les oppriment
jusqu’à l’infini.
Pour ce qui concerne la peine du regret, un feu réel et véritable les tourmente, et
toutes les douleurs réunies, plus acerbes qu’on puisse s’imaginer, selon cette phrase de
Saint Augustin : « ce feu est plus pénible que tout ce que l’homme peut souffrir dans
cette vie, plus dur et plus acerbe que toutes les peines qu’on peut voir, imaginer ou
sentir dans ce siècle ». Saint Anselme nous que « la peine la plus petite qu’on souffre
là-bas excède la peine la plus grande qu’on puisse imaginer dans cette vie » Saint
Thomas pour sa part nous enseigne : « les mêmes flammes tourmentent les condamnés
dans l’enfer et les justes dans le purgatoire ». Entendons la clameur de ces membres
tourmentés du Corps mystique : « ayez pitié de nous, au moins vous nos amis car la
main du Seigneur nous a blessés » (Job 19,21) parmi les tourments, le plus cruel est le
remord.
3-Ils ne peuvent rien faire par eux-mêmes pour rompre ces chaînes, se libérer
des tourments et entreprendre le vol vers ce nid divin des amours célestes où Dieu
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demeure et où les attendent leurs frères, élus. Pour cela, ils attendent la rosée de notre
charité, de nos sacrifices, de nos prières. Ayons pitié d’elles, pauvres petites, qui pour
nous encourager à les faire sortir du purgatoire, semblent nous dire : « ce que vous êtes,
des passants nous l’avons été, ce que nous sommes, des souffrants, vous le serez.
Je veux vous rappeler les terribles leçons que les âmes bénies, comme membres
du corps mystique du Christ, nous donnent depuis le purgatoire. Ces leçons vous
concernent particulièrement, vous qui faites profession de Sainteté :
1-Pureté de conscience
1-La pureté de votre conscience, c’est-à-dire, une propreté de l’âme autant que
possible absolue, sans péché mortel ni véniel et sans aucune imperfection volontaire.
Voici la première leçon. Cette pureté de conscience demande la Sainte crainte de
déplaire à Dieu, la fuite des occasions, le désir et la soif de mortification, l’Esprit de
pénitence et enfin, éviter tout ce qui, en salissant l’âme d’une quelconque manière,
serait la cause de tourments dans les flammes du purgatoire.
Sachez mes sœurs que aussitôt que l’âme se détache du corps, elle se retrouve
devant Dieu, pureté infinie et très parfaite ; l’âme, voyant qu’elle a encore des tâches,
devant cette pureté par essence, éprouve une telle horreur d’elle-même et un désir si
intense de propreté infinie pour pouvoir s’unir à son Dieu, que sans tarder, elle se lance
vers les flammes qui doivent la purifier pour que, entièrement purifiée, elle puisse se
jeter dans les bras de son Dieu. Pour que la soif de l’union avec le bien-aimé ne soit pas
reportée d’un instant. Cherchez une pureté parfaite de conscience.
78
2-La seconde leçon est une ‘véritable correction’ de vos fautes quotidiennes.
Sainte Brigitte raconte qu’un jour elle a vu une âme tremblante de douleur et peinant
dans le purgatoire, confondue et tremblante devant le souverain juge ; elle criait d’une
voix déchirante : « pauvre de moi ! Pauvre de moi !». Tout en pleurant, elle énumérait
les fautes qui sans être mortelles tourmentaient son âme comme des vers rongeurs.
Enumérez les ainsi et, débarrassez vous d’elles et amendez votre vie. Ce sont entre
autres la perte de votre temps que vous devez employer à la destruction de vos défauts
et à l’exercice des vertus religieuses ; paroles et conversations inutiles, frivolités,
oisiveté, murmures contre les supérieurs ; amour propre, envies, manque de respect à
Dieu et à ceux qu’on vous envoie ; esprit d’orgueil, vanité, et susceptibilité ; simagrées
et exigences dans la nourriture et la boisson, paresse pour se lever ; tiédeur et paresse
dans la prière, la méditation et le travail ; amies de la mollesse et de la tiédeur, du
confort et de la bonne chair ; crainte exagérée de la chaleur, du froid, des douleurs, des
maladies ; soif d’être aimées et louées ; affects désordonnés ; manque de mortification
dans le regard et dans les autres sens du corps, en un mot, beaucoup de remplissage
spirituel, peu d’or de charité, d’amour et de sainteté. Mes sœurs, étudiez votre âme et
amendez-vous de tous ces défauts.
3-La troisième leçon que le purgatoire vous donne c’est de vous faire connaître
la gravité du péché véniel. Les peines que les membres du corps mystique souffrent
pour le péché véniel sont inconcevables. Donc ne dites pas « ceci n’est pas grave ce
n’est qu’un péché véniel. » Mes sœurs, oubliez vous que le péché véniel ne s’efface que
par le sang du Christ ? Et vous l’appelez véniel ? Pouvez-vous regarder les flammes qui
entourent la pauvre âme, crépitantes, furibondes, et qui châtient des années ce péché
véniel, obligeant l’âme à être séparée de la divine tête jusqu’à ce qu’elle ait payé le
dernier carat ? Fuyez le péché véniel !
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Je vous répète ce qu’est l’amour : conformer sa volonté à celle de l’être aimé.
Mais je veux que vous connaissiez le processus de ce consentement à la volonté de
Dieu.
2-Revenir résolument à Lui avec son âme, sa vie et son cœur, et s’approcher de
Lui avec une Sainte liberté d’Esprit, le cherchant jusqu’à le trouver. « Cherchez le
Seigneur et soyez conformes à Lui ; cherchez toujours sa face » (ps 104,4).
3-L’aimer dans son infinie valeur, ne pensant pas trop à nous-même mais en
sortant de soi-même et en se mettant tranquillement et avec sûreté entre ses mains
providentielles.
4-S’unir à Lui, marcher avec Lui qui est le Chemin, la Vérité et la Vie, et la
Lumière qui éclaire tout homme qui vient à ce monde, raison pour laquelle celui qui
marche avec Lui ne marche pas dans les ténèbres.
5-Agir selon sa volonté, se référer à Lui pour tout et s’ajuster à ce divin vouloir
autant dans les bonnes choses que dans les choses difficiles.
8-Qu’ainsi Dieu soit tout pour nous selon le langage de Saint Paul :’’omnio
Christus’’ et comme le sentent les saints :’’Mon Dieu et mon tout’’, disait Saint
François D’Assise.
9-Avoir en nous les mêmes sentiments que le Christ, comme l’enseigne Saint
Paul : « Ayez ente vous les mêmes sentiments qui sont dans le Christ Jésus. » (PH
2,5) ; et comme le livre de la Sagesse l’avait déjà dit : « que vos sentiments soient de
bonté comme ceux de Dieu et cherchez-Le avec simplicité de cœur. »(sag1, 1)
12- S’enraciner en Lui, de telle façon que ni les tentations, ni les tempêtes
furieuses de l’âme, ni les contradictions, ni les difficultés, ni les souffrances, ni les
maladies, ni mille autres épreuves et les peines ne puissent nous séparer de Lui. C’est
Saint Paul qui nous le dit : « qui donc nous séparera de l’amour du Christ ? La
tribulation peut-être ? L’angoisse, la faim, la nudité, le danger, la persécution ou le
glaive ? J’en ai l’assurance, ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les principautés, ni les
vertus, ni le présent, ni l’avenir, ni la force… ni aucune créature ne pourra jamais nous
séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ notre Seigneur » (rom8,35-38).
a) Ne serait-il pas juste d’accorder notre volonté à celle de Dieu, puisqu’il est
notre commencement, notre fin ultime et notre divin centre ?
L’aimer tant que nous vivons et nous préparer ainsi à nous plonger dans l’océan de son
amour éternel doit être notre unique aspiration, puisque notre vocation, c’est l’amour.
Mais comment la réaliser si nous n’accordons pas notre volonté à la volonté divine ? Si
Lui est mon Seigneur et moi son serviteur, qu’est-ce que la justice me dit ? Que je
donne à mon Seigneur ce qui lui revient, c’est-à-dire ma soumission complète et
absolue à ses volontés, puisque si Lui comme Seigneur a le droit de commander, moi
comme serviteur j’ai le devoir d’obéir. C’est pour cela que nous devons nous exclamer
avec Elie : « il est le Seigneur : qu’il advienne selon sa volonté ». (1 rois 3,18)
81
D’autre part, je ne risque pas de me tromper en adhérant en tout à la volonté de
Dieu, parce qu’Il est la Sagesse infinie et ne se trompe pas, pendant que mon âme
habite dans les ténèbres de l’ignorance et que je suis dans l’erreur ; il est la bonté sans
limites et ne cherche que mon bien pendant que je peux bien juger ce qui est mauvais
en soi ou adhérer à ce que je considère comme bon pour moi quand Dieu sait que cela
est nocif pour moi, même si cela est bon en soi. Pour cela je dois me conformer à son
adorable volonté.
Pour cela, ils déforment la sublime prière du notre Père en disant : ‘’faites ma volonté
sur terre comme au ciel’’. Quelle monstruosité donc mes filles de ne pas vouloir se
conformer à la volonté divine et combien la justice réclame cette conformité-là.
b) En plus du fait que ce soit juste, il n’y a rien de plus excellent et honorable
pour moi que d’accomplir en tout la volonté de Dieu.
(MTE n. 59)
Je vous répète, mes enfants, qu'il n'y a rien de plus juste ni de plus élevé que de
conformer notre volonté à celle de Dieu.
Eh bien, en plus d'être excellent et juste, c'est un honneur et une gloire de n'avoir plus
de volonté que la volonté du Seigneur bien-aimé, cela nous élève au niveau des anges,
nous plaçant dans leur catégorie la plus élevée. Ma vie sera alors angélique et mes
procédures angéliques. C'est ainsi que le psaume le chante lorsqu'il dit: «Bénissez le
Seigneur tous ses anges, puissants en force, qui font ce qu'Il dit et sont prêts à écouter la
voix de ses commandements. Bénissez le Seigneur toutes les vertus: ministres du
Seigneur qui font sa volonté ». (Ps. 102, 20).
Ainsi, vous, comme les anges, ayez une motivation exclusive dans votre vie:
l'approbation divine. L'adorer et se consumer d'amour à côté de son trône comme les
séraphins; pénétrer les abîmes insondables de la Science de Dieu comme les chérubins;
gouverner les mondes, les nations et les peuples, comme les trônes, les dominions et les
puissances; gouverner les sphères sidérales comme les vertus des cieux, pour accomplir
devant les hommes les commandements divins comme le font les archanges et les
anges, qui en sont heureux, et à la voix de Dieu ils volent sur les ailes des vents pour
accomplir sa volonté .
83
Si, à mon tour, j'accompli à la hâte les désirs divins, je m'élève à la catégorie angélique.
De plus, Frères: je ressemble et je me fais l'égal du Roi des anges, le Verbe incarné,
mon Seigneur bien-aimé. Il est descendu sur terre, Il a vécu parmi nous, Il a subi les
tourments de sa passion et Il est mort sur la croix pour accorder sa volonté à celle de
son Père. Son Père céleste l'a envoyé et Il est venu. (Jn. 5,37). Jésus n'a pas fait sa
propre volonté mais la sienne: «Je fais toujours ce qu'Il veut (Jn 8,29). "Je ne cherche
pas à accomplir ma volonté mais celle de Celui qui m'a envoyé." (Jn. 5,30). Et ses
souhaits et ses désirs n'étaient d'autres que d'accomplir toujours la volonté de son Père:
«Que ta volonté soit faite non pas la mienne» (Lc 22, 42), dit-il en parlant avec son
Père. Et à sa mort, il s'est exclamé: «Tout est accompli» (Jn 19, 30). J'ai accompli la
volonté de mon Père jusqu'à la fin et je l'ai accomplie à tout moment; «Et en baissant la
tête, il expira» pour plaire à son Père, mourant pour les hommes.
Telle doit être votre conduite, Frères: accomplir la volonté du Père en tout temps
jusqu'à ce que vous incliniez la tête et vous mouriez: de cette manière vous serez
semblables à Jésus, du même rang que Lui, comme vous êtes dans la catégorie des
anges. Comme Jésus, ils se nourrissent de la volonté du Père. «Ma nourriture et ma
boisson, dit-Il, sont d'accomplir la volonté de celui qui m'a envoyé» (Jn 4, 34); et cela
est aussi la nourriture et la boisson des esprits angéliques.
Enfin, Frères, accomplir la volonté de Dieu, c'est d'être frère de Jésus, c'est d'être la
mère de Jésus: «Car quiconque fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, c'est mon
frère et ma sœur et ma mère »(Mt 12,50). Y a-t-il un plus grand honneur que d'être
frère, sœur et même mère de Jésus? Oh frères, vous voyez, vous pouvez être chacun la
mère de Jésus si vous accordez votre volonté à celle de Dieu.
Deux grands biens recevrons vos âmes par la conformité de leur volonté avec celle de
Dieu: être des saints parfaits et avoir une joie parfaite.
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Parce que, pensez à ceci. Qu'est-ce que la sainteté? La sainteté est la conformité de
notre volonté avec celle de Dieu; la sainteté parfaite sera donc la conformité parfaite
avec la volonté de Dieu, norme et règle de toute sainteté.
C'est aux saints auxquels se réfère le texte: «Ceux que d'avance il a connus, il les a
aussi prédestiné à être conformes à l'image de son fils. (Rom. 8.29). Le Fils est la
perfection même et c'est pourquoi la volonté du Fils était de faire celle du Père: "Il faut
que je sois dans les choses de mon Père". Jésus est le modèle, plus l'âme se conforme à
ce modèle, plus grande est sa sainteté.
Il faut donc pratiquer ce que Dieu veut, à savoir toutes les vertus: la foi qui nous fait
voir Dieu en toutes choses et en tout événement; la confiance qui nous amène à nous
jeter dans ses bras comme l'ont fait sainte Thérèse et tous les saints ; l'abnégation, la
mortification, l'humilité, la patience, la chasteté, le zèle, la douceur; en un mot, toutes
les vertus, couronnées par l'amour, qui est comme un pot de fleurs qui les rassemble.
Enfin, pensez au bonheur que la conformité de notre volonté avec celle de Dieu nous
apporte. Alors il n'y aura pas de péché, qui est le mal moral; et la douleur, les peines,
les souffrances seront transformées en biens pour moi, puisque je les accepte car ils me
rend semblable à mon Maître, retable des douleurs. D'où la douce paix qui est un
paradis sur terre. Les passions se calment, le monde et la richesse perdent leur attrait,
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l'orgueil de la vie disparaît, car il n'y a plus de moi, il n'y a pas de propre volonté, il n'y
a pas d'égoïsme; pour l'âme, il n'y a rien de plus que la volonté du Bien-Aimé. C'est
pourquoi saint Augustin disait: «Quand je serai complètement uni à Toi, mon Dieu,
alors je ne ressentirai ni peine ni douleur; alors ma vie sera heureuse, car je me
reposerai en toi ».
Je vous ai parlé des biens ineffables que la conformité à la volonté de Dieu apporte: la
sainteté parfaite et le bonheur accompli. Et c'est clair, car cette conformité reproduit
Jésus dans l'âme. Reproduire Jésus doit être le seul effort du religieux dès sa rentrée
aux cloîtres sacrés; être l'image parfaite de Jésus doit être son seul idéal. Dieu le veut
ainsi: il a créé l'homme à son image et à sa ressemblance et dès le début Il a voulu que
l'homme reproduise en lui les traits de Jésus. «Ceux que d'avance il a connus, il les a
aussi prédestinés à être conformes à l'image de son Fils» (Rom. 8:29). Mais cette image
de Jésus doit apparaître d'abord dans l'âme du religieux, puis dans son corps.
Tirons maintenant, Frères, les conséquences spirituelles. Jésus habite dans vos âmes par
grâce; vous êtes co-corporel, vous êtes consanguin de Jésus; vous êtes de la même
famille que Jésus; alors vous devez être l'image parfaite de Jésus.
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Pénétrez maintenant l'intelligence de Jésus et sondez-la. Il est en contemplation
continue de son Père. Quels doux regards intérieurs; quelle élévation de ses pensées et
de ses intentions; quel détachement de tout ce qui est terrestre: biens, sens, volonté
propre! En quoi votre intelligence s'occupe-t-elle? Vos regards intérieurs s'élèvent-ils
toujours vers le Père? Pensez-vous à Lui sans cesse? Êtes-vous comme Jésus détaché
de vous-même et de tout ce qui est terrestre?
Pénétrez son cœur. Voyez comment brûle d'amour pour Dieu et les hommes. Cet amour
l'a conduit aux héroïsmes de l'Incarnation et de la Rédemption et à son ciel. Comme lui,
frères, vous devez brûler et être consumés d'amour pour le Père et les âmes, jusqu'à ce
que vous vous donniez totalement comme Jésus pour sa gloire et pour le salut du
monde. «Il nous a aimés et s'est livré pour nous» (Ep 5,2).
Pénétrez sa volonté. Ne voyez-vous pas quel abandon parfait à la volonté de son Père?
Voyez quelle force pour tout faire et tout souffrir, quelle patience, quelle sérénité,
quelle douceur, quelle humilité, quelle obéissance, quel esprit de sacrifice. "Il endura la
croix au mépris de la honte." (Hb. 12,2). Et vous? Votre volonté est-elle comme la
sienne?
Vous avez pénétré avec moi, à travers les considérations de ma dernière page, dans le
doux intérieur de Jésus, vous avez pénétré son intelligence divine, son cœur, sa
volonté et vous avez pu voir quel genre de vie intérieure Jésus menait. Cet intérieur de
Jésus se manifestait à l'extérieur dans l'état général de son corps tout entier: quelle paix
et quelle douceur rayonnait son visage, quelle joie, quelle luminosité éblouissante dans
ses yeux divins pleins de la placidité qui découlait de l'union de son humanité avec la
divinité et de toute sa personne divine avec le Père.
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D'où l'hommage le plus parfait et le plus sublime à Dieu. Il y a un concert si admirable
dans l'univers qu'il laisse les sages surpris: en haut, les étoiles majestueusement
ordonnées, répandent leur lumière à travers des espaces sans fin; dans l'air les oiseaux
chantent la gloire de Dieu et ornent la création de l'éclat de leurs ailes; en bas, la terre
tapissée de plantes et de fleurs et la mer, miroir divin de la voûte étoilée: Dans une
chaîne uniforme et concertée, tous les êtres accomplissent leur mission de glorifier le
Créateur et de chanter sa grandeur. "Les cieux chantent la gloire de Dieu."
Mais le concert du Verbe unie à la très sainte humanité, âme et corps, pouvoirs et sens
de Jésus est incomparablement plus parfait. Pendant 19 siècles, les prêtres du Seigneur,
les vierges pures du jardin du Christ et tous les vrais fidèles, prient et élèvent leur âme à
Dieu dans de sublimes exaltations de prière: cette élévation est beaucoup plus sublime
en Jésus, car elle est comme la floraison divine de toutes les prières. Considérez, mes
enfants, sur quelle imposante pyramide votre Seigneur est assis: l'univers matériel
comme fondement, ensuite le monde des âmes, après le collège des anges, et au-dessus
d'eux, comme la couronne de la beauté ravissante, Lui, Jésus, le dernier lien de
création, qui est intégré dans la divinité, qui est la divinité elle-même.
À genoux, mes enfants, adorons-le, levons les mains suppliantes vers lui, louons-le,
offrons-lui nos adorations, donnons-lui tout notre amour, depuis le lieu qui nous a été
assigné dans le concert des êtres.
Mais cela ne suffit pas, il faut reproduire Jésus, parce qu'Il le veut ainsi, parce qu'Il le
commande: vous êtes ses amis proches et vous devez être comme Lui, vous devez être
Jésus. Et ce n'est pas impossible: vous avez la grâce comme Il a la divinité. Écoutez
saint Cyrille d'Alexandrie: "Le chrétien en grâce est un être composé de corps, d'âme et
de grâce." Si Jésus s'est donné à vous, donnez-vous à lui par le don de tout votre être,
donnez-vous à Dieu le Père; regardez Dieu par la prière comme le regardait Jésus.
«Mes yeux sont toujours levés vers le Seigneur» (Ps. 24:15), comme disait David à
propos de Jésus; immolez-vous comme Jésus s'est immolé. De là résultera pour vous la
force divine, la vie surnaturelle, la fécondité spirituelle, la gloire sans fin. Ainsi soit-il.
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64. LA PERSONNE CONSACREE, IMAGE DE JESUS A L'EXTERIEUR DE SOI.
Préoccupez-vous avant tout de la vie intérieure de vos âmes, imitant l'intérieur de Jésus;
car sans vie intérieure vous ne pouvez y avoir de sainteté. Mais cette vie intérieure se
manifeste à l'extérieur par des mots, des gestes, des regards, des mouvements, des
actions, etc. en tout, la personne consacrée doit aussi être, comme à l'intérieur, l'image
de Jésus. Pour ce faire, étudions la vie extérieure de Jésus.
Quelle majesté dans ces yeux où brille la divinité, dans ces lèvres qui sourient toujours
avec une douceur attrayante, dans cette adorable physionomie où les anges veulent se
voir! Quelle majesté dans ses mouvements, dans toutes ses actions! Oh! Quel bonheur,
Frères, de l'avoir rencontré, de l'avoir vu, de l'avoir entendu, de l'avoir contemplé.
Sa beauté était incomparable, dit le Prophète, «le plus beau des enfants des hommes»
(Ps. 44,3), sans la moindre déformation physique ou morale. Sainte Thérèse le vit un
jour et se leva aussitôt en extase. Les foules le suivaient captivées par sa parole
magique et sa ravissante beauté dans laquelle il ne savait plus quoi admirer, si sa
dignité, sa force, sa sérénité, sa modestie ou sa bonté, qualités qui le rendaient
irrésistiblement séduisant. Le voir et tomber amoureux de lui, tout était un.
Quelle beauté, quels mouvements, quelle attitude, quel regard, quelle voix douce,
quelle modération dans tous les gestes! Toujours en possession de lui-même et de son
attitude toujours religieuse! Bien sûr, car le regard intérieur de son âme contemplait
constamment le Père. D'où la dignité sur tout son contenant.
Et qui peut décrire son auguste sérénité? Aucune agitation, aucune impulsion
précipitée, aucune hâte ou agitation. Ni la tristesse ne le déprimait, ni la joie ne
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l'exaltait. De cette sérénité imperturbable est née la modestie qui a toujours distingué le
divin Maître et qui a tellement ému saint Paul qu'il a exhorté les premiers chrétiens à la
sainteté en utilisant la modestie de Jésus comme argument. "Par la douceur et la
modestie du Christ, je vous prie d'agir de telle manière que je ne sois pas obligé de
procéder avec l'audace qui m'est attribuée" (2 Cor. 10,1).
Quelle discrétion en Jésus! Comme il mesure ses paroles, ses gestes, ses attitudes!
Quelle bonté en somme. Bien sûr, si c'était essentiellement de la bonté habillée en
homme. Pas étonnant que l'Église chante le 25 décembre: "J'apprécie la bonté et
l'humanité de Dieu notre Sauveur" (Tite 3,4). Les enfants de Nazareth ont couru vers
lui quand il était petit. Allons voir la douceur, disaient-ils. Et ils ont aussi couru quand
Il prêchait, et les caressait et les défendait. «Venez à moi, vous tous» (Mt 11, 28),
disait-il à la foule. «Si quelqu'un a soif, qu'il vienne me voir et boive» (Jn 7, 37). «Je
suis le bon berger» (Jn 10,14), «Il n'éteint pas la mèche qui fume encore, ni ne brise le
roseau froissé» (Mt 12,20). Voici, mes enfants, votre modèle: reproduisez-le en vous.
La vie extérieure, comprise et pratiquée telle que Jésus l'a pratiquée, apporte avec elle
les résultats les plus consolateurs:
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précieuse chaîne d'actes d'amour. Qui pourrait mesurer les mérites acquis et donc
l'accroissement de la sainteté par la persévérance dans le bien?
2 ° Le deuxième bien est de renforcer de plus en plus l'union avec Dieu. Cette âme qui
a pénétré en Jésus, qui a sondé l'intelligence, le cœur et la volonté du Seigneur bien-
aimé et qu'en y habitant accumule des charbons d'amour bien allumés à chaque instant
de sa vie, son union d'amour ne sera-t-elle pas à chaque instant rétrécie avec le bien-
aimé? Ces deux âmes, l'âme de l'amant et l'âme du bien-aimé, finissent inévitablement
par fusionner en une seule âme, dans un sublime et arcane mariage divin et spirituel qui
transcende le corps de celui que tel Epoux a choisi, un corps informé par une âme si
enflammée dans la flamme ardente, qu'elle illumine et brûle tout autour.
3 ° Le troisième bienfait de cette vie ainsi comprise est qu'elle édifie les autres âmes.
En effet, elle illumine et brûle, comme nous venons de le laisser entendre. Ainsi le
commandement de Notre Seigneur est accompli: "Que votre lumière brille aux yeux
des hommes, pour qu'en voyant vos bonnes oeuvres ils glorifient à votre Père qui est
aux cieux" (Mt 5,16). Oui, que les autres voient votre sainteté, non pour que vous soyez
loués, mais pour que Dieu soit honoré. Ainsi vos bons exemples pourront attirer les
âmes selon ce sage adage: «Les paroles tirent, mais les exemples emportent».
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Ainsi votre configuration extérieur avec Jésus convertira les âmes.
a). La raison me dit que je dois être fidèle à mes constitutions parce que j'ai embrassé
un état de perfection et que je dois progresser, et si je ne suis pas observateur en tout
temps et même dans les moindres détails, je ne pourrai pas avancer. «Ma plus grande
pénitence est la vie communautaire»; Disait Saint Jean Berchmans, c'est-à-dire, fidélité
dans l'accomplissement de ses règles: la raison me dit aussi que les constitutions
m'unissent à Dieu, elles me font vivre Dieu. Et bien sûr, si dans la communauté tout est
bien combiné et arrangé: méditations, prières vocales, lectures, examens, travail, repos:
tout cela élève l'âme vers Dieu sans cesse. Sans rien d'extraordinaire, mais pour
l'accomplissement fidèle de son règne, Saint Jean Berchmans a été canonisé.
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b). Mon cœur me dit que je dois être fidèle par gratitude à mon Dieu qui me permet de
vivre avec une telle sécurité dans ma Communauté, sans soucis majeurs, puisque je suis
sous les Constitutions, essayant de lui plaire: avec une telle tranquillité de conscience
sachant qu'en vivant des constitutions je vis de Dieu. Mon cœur me dit que la
délicatesse de l'amour m'oblige à être fidèle. Si mon amour est délicat, comment puis-je
déplaire à mon divin Seigneur Jésus?
c). Mon intérêt personnel me dit que je dois être fidèle à mes constitutions, car de cette
manière j'acquerrai continuellement de nouveaux mérites pour le Ciel. Celui qui vit
selon son caprice perd son temps; Celui qui vit selon la volonté de Dieu soumis à sa
règle mérite à chaque instant de sa vie. En plus d'acquérir des mérites continus, je vivrai
heureux, sans perturbations, sans inquiétude, contrairement à ceux qui vivent sans
règles, qui ne jouiront jamais de paix ni de sérénité, fruits de l'ordre. Cette âme
bienheureuse est pleine de grâce et de douce onction. Dieu la comble parce que sa
générosité n'a pas de limites. Elle savoure les choses de Dieu: la méditation est comme
un moment du ciel, la communion le sature de Dieu, les pratiques pieuses lui apportent
de délice et de la douceur, le travail lui est doux parce qu'elle y plaît à son Seigneur.
La fidélité aux Constitutions est une union des esprits et des cœurs, la charité, l'amour,
un paradis sur terre.
Je vais vous montrer un moyen efficace pour produire Jésus en vous: il s'agit de la
perfection de vos œuvres ordinaires, telles que pratiquées par Jésus. L'Évangile dit à
son sujet: «Il a bien fait toute chose» (Mc 7,37). Dans sa vie cachée, trente ans de
travaux vulgaires, mais bien faits, une vie commune très sainte, sans rien
d'extraordinaire, sans miracles, comme il était l'humble fils d'un charpentier. Il
mangeait, buvait, travaillait dans les tâches les plus humbles en aidant Marie et Joseph,
accomplissant ainsi la volonté du Père.
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Au cours de sa vie publique, il prêchait, parcourait les villes, les villages, les champs,
les montagnes, les vallées et les bords des rivières et des mers en évangélisant les
pauvres. Si dans cette dernière étape de sa vie il accomplit des miracles, c'était pour
prouver la divinité de sa mission. Les esprits angéliques qui savaient qu'Il était Dieu
parce que le Père leur avait ordonné de l'adorer, «et adorez-le tous les anges de Dieu»
(Héb. 1,6), le contemplent en extase dans ces humbles travaux et l'adorent en disant:
"Saint, saint, saint Seigneur Dieu des armées". Ainsi, comme Jésus, nous devons faire
nos œuvres ordinaires avec la plus grande perfection possible, si nous voulons atteindre
la perfection de la vie surnaturelle.
1 ° Qu'on parte d'un commencement surnaturel, c'est-à-dire que nous soyons en grâce.
2 ° Que nous les dirigions vers une fin surnaturelle : plaire à Dieu.
3 ° Que nous faisons de notre mieux. Et qu'on puisse dire avec vérité comme Notre
Seigneur: "Je fais toujours ce qui lui plaît et rien d'autre" (Jn 8, 29).
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(1 Th 4,3). Devenez-vous saints par des œuvres ordinaires comme Lui, comme la
Sainte Vierge, comme Saint Joseph, comme tous les saints.
Et comment? écoutez: chaque action, aussi petite soit-elle, peut avoir un prix infini.
Dieu ne cherche pas, Frères, l'action elle-même, mais le principe qui l'inspire, la fin
vers laquelle elle est dirigée et l'amour qui l'anime. Si la grâce imprègne cette action de
son origine à sa fin, Dieu la reçoit avec amour. Un caprice refoulé, une parole réprimée,
une petite action faite par amour, «opère en nous un poids éternel de gloire (2 Cor.
4:17). Écoutez, frères, Dieu a créé les anges et les vers, les cèdres du Liban et le
pourpier, les étoiles et la fleur: en chacun d'eux brillent son amour et sa puissance. Nos
actes sont si divins, qu'ils soient grands ou petits et aussi agréables à Dieu les uns que
les autres.
Je vous ai dit que la perfection de vos œuvres exige trois conditions: un commencement
surnaturel, une fin surnaturelle et faire de votre mieux. Ainsi les œuvres ordinaires vous
sanctifieront et vous enrichiront d'une manière inconcevable par l'union avec Dieu. Et
qui pourrait même imaginer la beauté de cet ensemble de vos petites œuvres ainsi
réalisées? Chaque minute de votre vie, chaque heure de la journée, chaque jour de
l'année et de nombreuses années! Frères, si à chaque minute vous collectionnez une
précieuse marguerite, une émeraude, un rubis, un saphir, une topaze, quel monument
vous allez dresser, quelle richesse de beauté éblouissante, menant pourtant une
existence inconnue!
Mais il faut ajouter les suivantes dispositions d'esprit et de cœur, que je résume en cinq,
à savoir:
2º Il est nécessaire une générosité constante, sacrifiant tout ce que nous sommes et tout
ce que nous avons, sans rien garder pour nous . Quand il y a de l'égoïsme, c'est-à-dire
quand on se cherche soi-même, notre générosité a déjà échoué.
3º Il faut une ferveur toujours enflammée et toujours en hausse. On croit parfois que la
ferveur doit accompagner l'âme qui recherche la perfection seulement dans la
méditation, la sainte messe et la communion et d'autres exercices de piété; mais non:
cette ferveur, cet enthousiasme et cet amour doivent aussi animer ses œuvres, ses
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études, ses travaux si humbles soient-ils, pensant pendant son exécution qu'on travaille
pour Lui; et nous savons déjà que ce qui est fait pour Lui doit être fait d'une manière
digne de Lui. "les choses saintes (et dans l'âme juste tout est saint) se font saintement et
les choses de Dieu (et tout ce qui le juste fait est de Dieu) doivent être faites d'une
manière digne de Dieu."
4. Une attention continue est requise pour fixer notre esprit et notre cœur sur Dieu, pour
couronner l'œuvre de notre perfection: «Je dors mais mon cœur veille», c'est être
attentif.
La présence de Jésus dans notre âme est appelée «grâce incréée». Je me réfère ici à
«Jésus», bien qu'il soit sous-entendu que c'est la Trinité d'Augusta qui habite en nous,
afin que votre relation soit plus intime avec Lui, et à travers Lui avec votre Dieu
Unique et Trinitaire. Cette présence vous aidera et vous stimulera à vivre dans une
prière continue, mettant en scène cette adorable présence. Une âme intérieure est une
âme qui revient du dehors pour se divertir à l'intérieur avec l'hôte divin. Voici le
meilleur moyen d'avancer sur les chemins de la perfection. De plus, Dieu peut infuser
la prière passive et la vie mystique à l'âme qui se réjouit ainsi avec lui. Les mystiques
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appellent ainsi, la prière passive, car c'est un don gratuit de Dieu à ceux qui persévèrent
dans la prière continue et ne mettent pas d'obstacles au don de Dieu.
Alors, qu'est-ce que la prière passive ou «mystique»? Saint Jean de la Croix dit que
c'est ce souvenir affectueux que certaines âmes ont de Dieu, fréquent, vague, provoqué
intérieurement par Dieu lui-même et que, contrairement à d'autres dons extraordinaires,
il peut être désiré et même demandé.
L'âme qui essaie fréquemment de se souvenir de son Dieu présent dans son âme, avec
un souvenir aimant et actif, finit par atteindre la prière passive et infusée, ce que Dieu
seul peut faire, pour la seule raison qu'elle est infusée. Mais Dieu le fait souvent avec
ces âmes qui persévèrent dans la prière surnaturelle commune, c'est-à-dire dans la
conversation aimante de l'âme avec Jésus.
Que parle donc vos âmes d'une manière aimante, continue et pleine d'efforts avec le
Dieu qui habite dans votre sein, et Lui, riche en dons innommables, se laissera enfin
vaincre et accordera à votre âme persévérante, la prière infuse.
Mais écoutez: il faut lutter contre la dissipation de l'esprit et du cœur, non seulement
pendant la méditation, l'office divin et autres exercices de piété, mais en tout temps et
en tout lieu, en toutes circonstances de la vie, en recherchant un souvenir continu. c'est
comme une caractéristique spéciale de l'âme qui regarde sans cesse et avec attention
vers l'intérieur, là où réside l'hôte bien-aimé.
Pour cela, il faut se détacher de toutes les créatures, diriger les trois facultés ou
pouvoirs de l'âme, les obligeant à s'appliquer de manière ordonnée à leurs travaux, ne
pas se laisser entraîner par l'activité naturelle et se tourner continuellement et avec
amour, comme je vous l'ai dit à une autre occasion, de l'extérieur vers l'intérieur, là où
Il est, Unité et Trinité. La continuité dans cette sainte entreprise détachera
progressivement l'âme de tout ce qui est terrestre et extérieur et d'elle-même et la
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spiritualisera chaque jour jusqu'à ce qu'elle la purifie et rende digne que Dieu se tourne
plutôt vers elle et l'élève à des hauteurs inconcevables de perfection mystique.
Dans cette page, je veux vous parler d'autres avantages qui résultent de ce retour
continu et aimant de l'âme vers le Dieu qui l'habite. Outre le détachement des créatures
et la purification des sens; ainsi que la sensation délicieuse qu'elle éprouve en entendant
la voix intime de Dieu qui lui parle et en exerçant son influence divine sur l'âme par sa
présence et sa prière passive, l'âme va enfin acquérir l'habitude de converser facilement
et avec amour avec le Bien-Aimé. L’âme aura aussi une perception immédiate et de
plus en plus parfaite de la présence de Dieu et de son influence.
Lorsque l'âme atteint cet état, qu'elle se tourne vers un directeur spirituel sage pour
l'aider à s'élever chaque fois plus haut. Cette prière passive est mille fois plus efficace
que la prière active pour atteindre la sainteté. Le directeur leur dira de ne pas utiliser la
prière discursive, la changeant pour une attention aimante au Dieu qui parle dans leur
cœur, réalisant ainsi la «prière de la simple présence».
Combien d'entre vous le Seigneur a-t-il appelés à ce genre de prière passive! N'oubliez
pas que l'exercice de la mémoire et de la compréhension n'a d'autre but que de conduire
l'âme à une conversation aimante avec Dieu. Ensuite, si vous n'avez pas besoin d'un
discours, ou d'une activité proprement dite, parce que l'âme atteint Dieu directement et
lui parle, ne les utilisez plus, car c'est déjà la prière. Mais attention: que l'âme ne
cherche jamais Dieu en dehors d'elle-même; Cherchez-le en vous et vous ne tarderez
pas à atteindre la perfection de votre prière. Ma vieille phrase: vivre à l'intérieur.
Saint François de Sales conseille à l'âme d'agir comme l'abeille qui revient au nid
attirée par la douceur du miel. Ainsi l'âme revient toujours à Dieu attirée par l'infinie
douceur de son amour. Insistez pour que l'âme revienne une fois et à tout moment à son
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propre intérieur, sans oublier que la sainte Trinité est là, et elle atteindra enfin la
contemplation mystique.
Et n'oubliez pas que vous êtes par vocation xavériens, Teresitas actives et
contemplatives et Filles de la Miséricorde et donc des âmes de prière, c'est pourquoi
vous devez aspirer à la prière passive dont je vous ai parlé dans mes pages précédentes.
Chacun peut et doit aspirer à cette prière, dont sainte Thérèse a joui très tôt, sans autre
travail que de se tourner sans cesse vers le Dieu qui habitait dans son âme et de lui
parler avec amour, confiance, simplicité, en vivant dans son aimable présence.
Mes enfants: la grande Mère Teresa se plaignait à ses religieuses qu'il y avait tant
d'âmes de prière qui cherchaient Dieu loin d'elles, au lieu de le chercher et de le trouver
où il est, c'est-à-dire dans leur propre cœur. Alors cherchez-le dans votre "château
intérieur".
Les directeurs spirituels annoncent souvent à leurs âmes dirigées les grandes tempêtes
qui peuvent s'abattre sur eux dans leur vie spirituelle: ce sont les désolations, l'aridité et
les violentes tentations que Dieu permet et dont je vous ai parlé dans l'une de mes pages
précédentes. L'âme voit avec une clarté écrasante la multitude de ses péchés et des
imperfections qui la rend semblable à une lépreuse, et dans cet état répugnant elle pense
que son divin Seigneur ne pourrait pas l'aimer. Elle éprouve un désir infini de l'aimer
et pense néanmoins qu'elle est sans amour quand elle voit sa misère; la présence et la
vision horrible de sa culpabilité veulent la jeter dans la mer enragée du désespoir. Elle
souffre, pleure, se tait, sans trouver sa consolation, ni même dans la prière ni en
présence même de l'Eucharistie ou de son crucifix bien-aimé.
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Ah! c'est alors qu'elle doit s'assoir avec plus de détermination la table salvifique de la
confiance de celui qui, étant «une fournaise ardente d'amour», sait consommer les
pailles de nos imperfections et purifier les pestes qui nous accablent. C'est ainsi que
Santa Thérèse de l'enfant Jésus l'a compris et pratiqué quand elle a dit que même si elle
avait tous les péchés du monde, elle ne perdrait jamais confiance en son Bien-Aimé, car
c'est dans son cœur, fournaise d'amour, qu'elle les jetterait tous afin d'être consommés
par ce feu divin.
De plus, Jésus reste dans l'âme comme une ancre de salut; et parce qu'il est fidèle à ses
promesses, il ne peut abandonner l'âme qui lui fait confiance. "En Toi Seigneur j'ai mis
ma confiance, je ne serai jamais confus." En ces heures noires de la nuit obscure,
souvenez-vous des consolations d'autres temps, des affections, des paroles intérieures
pleines de tendresse des temps passés et appuyez-vous sur la bonté infinie, sur la
miséricorde sans limites, sur la fidélité de Jésus.
Lui si bon, si aimant, si doux, ne peut vous laisser enfoncés dans les abîmes ténébreux
sans vous tendre la main aimable et vous regarder avec le doux sourire de ses yeux
divins: c'était seulement qu'il était caché. C'est ainsi que l'ont expérimenté les âmes qui
lui ont fait confiance .
Observez aussi, enfants bien-aimés, que dans ces angoisses de la nuit de l'esprit, l'âme
qui a essayé d'être fidèle au Bien-aimé, ne trouve pas un défaut spécifique qui l'ait
précipitée dans cette angoisse, forçant l'Époux à la laisser abandonnée. Et on se
demande avec anxiété, mais qu'ai-je fait pour me retrouver couvert de plaies et de
pourriture qui ont chassé mon hôte divin? Et on ne trouve rien de particulier, car son
Seigneur bien-aimé ne lui fait pas de reproche spécifique. Alors pourquoi avoir peur,
pourquoi s'inquiéter et perdre le calme? «Il est caractéristique de la nuit de l'âme de ne
pas ressentir de reproches concrets au milieu de tant de misères", dit l'abbesse de
Solesmes dans son livre sur l'Écriture sainte et la contemplation ». Vous ne les sentez
pas? consolez-vous.
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72. LES GRACES ACTUELLES ET COMMENT LES UTILISER
Par la simple grâce habituelle, Jésus est en nous avec ses lumières, ses appels divins,
ses inspirations, ses miséricordes et son amour. Qu'allons nous faire? Répondre
toujours avec reconnaissance, travailler avec Jésus et passer par Jésus au Père.
Mais ne pensez pas que Jésus se contente de nous donner seulement la grâce habituelle
ou sanctifiante: Jésus nous donne à chaque instant des grâces réelles et se plaît à nous
prendre par la main comme une tendre mère à son petit pour lui apprendre à marcher, et
même nous lever dans ses bras aimants à fin de franchir les obstacles, parfois
insurmontables, qui s'opposent sur notre chemin vers la perfection. Je répète ce que je
vous ai dit tant de fois: si le Christ vit en vous, ne vivrez-vous pas en lui et avec lui?
Car il y a des âmes, même parmi celles qui se considèrent comme ses intimes, qui le
traitent comme un être lointain, dilué au loin et comme perdu dans les brumes qui
laissent à peine voir une figure floue et confuse. Dites-moi la vérité: cela ne vous
arrive-t-il pas toujours ou du moins fréquemment? Et pourtant il ne peut en être ainsi.
2º De même que le corps a besoin du bain vivifiant, l'âme en a plus besoin. Par
conséquent, prenez un bain surnaturel dans chacun des exercices pieux, prière du matin,
méditation, messe, communion, etc., jusqu'à la prière du soir.
3º Converser avec Lui avec amour comme l'on fait avec l'Ami divin. Même au milieu
des occupations les plus absorbantes, se tourner vers le cher ami. Pour ce faire, il faut
faire un effort au début, mais rapidement on prend l'habitude.
5º Tout cela dans un calme doux, sans courses ni précipitations, avec une tendresse
aimante.
6° Aimer Jésus. Ici s'applique ce de Saint Ignace: "Donnez-moi ton amour et cela me
suffit."
73. VEILLER
En méditant sur les considérations que je viens de faire, vous aurez pensé avec un
certain découragement intérieur: "C'est un très beau rêve, mais finalement un rêve!" Oh
les enfants, ne dites pas que c'est un pur rêve; Avec de la bonne volonté et de la
détermination et un grand cœur, ce qu'on appelle un rêve sera désormais une douce
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réalité. C'est à vous, frère, de réaliser votre rêve, votre beau rêve. Regardez: veillez sur
tout votre être et dans toutes vos activités, veillez sur votre âme avec votre intelligence
et votre volonté; surveillez votre mémoire, surveillez votre imagination; surveillez
votre corps, votre cœur, vos yeux et vos autres sens; surveillez votre sommeil, votre
repos; surveillez vos paroles, vos pensées, vos affections; surveillez jour et nuit, de près
et de loin; en un mot, soyez vigilants, pour ne pas vous laisser emprisonner par les
tâches matérielles du quotidien, ni par les fantasmes de l'imagination.
Cherchez à rencontrer de temps en temps votre Dieu, même si c'est en passant par sa
demeure en sortant de votre cellule au cloître, aux couloirs, au jardin, au bureau, à la
buanderie, à la salle à manger, à la cuisine, et dites-lui un mot aimant, tendre, généreux,
un mot de détachement du terrestre, d'abandon à son amour, un mot qui comme une
flèche, se détache allumée de votre cœur pour aller se cloué dans le sien. De cette
façon, vous lui prouverez votre amour et Il vous fera descendre l'abondance de ses
grâces, grandissant dans cette forme géométrique ⎯ oserais-je le dire? ⎯ votre grâce
et votre sainteté.
Voyez-vous, mes frères? Si des contacts fréquents et aimants avec un ami de la terre
augmentent et renforcent l'amitié, comment se fait-il que votre amour pour Jésus reste
dans le même état si à tout moment votre âme amoureuse lui est présente, pense à lui,
enflamme ses affections et s'approche de lui, l'embrasse avec amour et lui donne son
être? Ah! Frères, la poitrine se dilate, le cœur saute, le sang bout entre les veines, l'âme
se gonfle avec Jésus et traverse ces cloîtres et ces mondes avec les yeux mêmes du
visage chargé de divinité, avec tout son être saturé, imprégné de Dieu . Ainsi, la grâce
et la sainteté croissent sans cesse sous l'action de la divinité.
Construisez donc, frères, construisez-vous au fond de vos poitrines une cellule intime et
cachée où vos cœurs veilleront auprès du cœur du Christ, même pendant les heures de
travail extérieur, quand vous serez obligés de quitter Jésus pour aller chercher les âmes
dans l'une de vos activités. Ainsi vos esprits et vos corps seront absents, mais vos cœurs
seront vigilants. Et même dans le repos et les distractions saines, vous pouvez dire
comme lui: «Je dors mais mon cœur veille». Je veux mon bien-aimé, à chaque
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battement de mon cœur éveillé, vous renouveler mon offrande d'amour, pendant que je
vis, jusqu'à ce que je meure.
La personne consacrée qu'en se levant du sol reste en veille, le Christ l'illuminera et lui
apprendra, presque sans s'en rendre compte, l'exercice des vertus religieuses, qui sont
les vertus que Jésus a pratiquées. Il est votre modèle, et si vous l'aimez, vous l'imiterez
nécessairement; n'allez pas agir comme un grand nombre de chrétiens, de religieux et
même de prêtres, pour qui "Dieu continue d'être un être métaphysique, distant, froid,
terrible à bien des égards". (Mgr. Gay).
Non, mon fils: Dieu n'est rien de cela, et toi Jésus homme-Dieu, encore moins. Dans ce
cas, un être métaphysique serait un Dieu purement idéal, sans réalité tangible à l'esprit
et au cœur, un Dieu inaccessible, qui n'aurait pas ou n'admettrait pas de relations avec
sa créature préférée, "un Dieu lointain", un Dieu gelé , un Dieu sans cœur, un Dieu sans
amour, un Dieu qui instillerait toujours de la terreur, jamais de l'affection, jamais de la
tendresse, jamais de l'attrait. Mais non, ce n'est pas comme ça: sa providence aimante
nous enveloppe comme une mère dans ses bras et nous fait dormir sur ses genoux; il
prend soin de nous, nous chouchoute, nous aime et nous protège comme la pupille de
ses yeux; Il nous aime tellement qu'il nous a crée à son image et à sa ressemblance, il
nous a donné la vie surnaturelle, faisant de nous des participants de sa nature divine, et
il nous a donné son Fils pour nous racheter de la mort du péché. Et le Fils de Dieu, à
son tour, nous a tant aimés qu'il s'est revêtu de la très sainte humanité pour nous, il est
devenu un enfant aux attraits infinies, il est devenu jeune, nous a donné la richesse de
sa doctrine divine, nous a donné son sang, nous a donné sa vie au milieu des
ignominies et des douleurs indescriptibles, il nous a donné son Eucharistie, il nous a
donné son cœur et il nous donnera son ciel. «Il nous a aimés et s'est livré pour nous»
(Eph. 5,2).
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Et à vous, frères, qu'est-ce qu'il vous a donné d'autre? Écoutez-moi: à tous les cadeaux
que vous venez d'entendre, il a ajouté de vous avoir choisi de toute éternité pour faire
de vous ses élus, il vous a ouvert ses bras adorables, vous a serré amoureusement contre
sa poitrine divine, vous a oint avec l'huile de la joie et en vous montrant les vastes
champs de blé des âmes, il a fait de vous ses compagnons pour l'œuvre du salut du
monde. Ou peut-être l'avez-vous oublié si tôt? Ne vous souvenez vous pas quand il
vous a dit: "Ecoute, ma fille ! regarde et tends l’oreille : oublie ton peuple et ta famille ;
que le roi s’éprenne de ta beauté"? (Ps. 44,11). Si vite a été effacée de votre mémoire
cette douce voix: "Viens et suis-moi"? (Mt 8,22). Avez-vous oublié aussi la beauté de
ce passage qui allumait dans votre cœur la flamme de l'apostolat : "Levez les yeux et
contemplez ces champs déjà blancs pour la moisson"? (Jn. 4.35). Souvenez-vous bien:
dans la vaste plaine, palpitante de vie, sous le splendide ciel d'orient, les apôtres
admiraient l'opulence des épis mûres, ondulantes et pliées sous le souffle du vent. "allez
vous aussi récolter." (Mt 20,7)
Et qui est le compagnon de la moisson dans les champs de blé des âmes? Lui, Jésus, à
qui l'on voit peut-être comme un époux métaphysique, lointain, inaccessible, glacé et
terrible. ça suffi, les enfants, assez d'éloignement. «Approchez-vous de lui et vous serez
éclairés et vos visages ne seront pas confus» (Ps. 33,6). Ne pensez pas que Dieu et
votre Christ n'ont ni cœur, ni tendresse, ni amour. Ce Verbe divin incarné vous a un
jour donné son cœur et il a demandé le vôtre en échange. "Mon fils, donne-moi ton
cœur." (Pro. 23.26). A sainte Marguerite, il montra son cœur aimant et se plaignit en
disant: «Voici le cœur qui a tant aimé les hommes et dont il est si mal correspondu».
Frère, ne donneras-tu pas ton cœur à celui qui te le demande en échange du sien?
N'allez-vous pas correspondre avec amour à celui qui a tant aimé le vôtre? Le Christ a
donc un Cœur et sa tendresse est infinie. Attiré par l'amour, rapprochez-vous de lui
pour que vous le connaissiez de mieux en mieux. Pensez que ce que vous devez faire
est son œuvre et qu'Il est en vous pour vous aider à le faire. Qu'il y ait entre vous et
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Jésus une amitié délicate et tendre , et comme celle de Teresita, pleine de simplicité et
de confiance, en se souvenant que votre Seigneur n'est pas un Dieu distant et froid et en
lui confiant tout ce qui vous appartient: chagrins et joies, défaites et triomphes, fautes et
regrets, besoins et désirs, ambitions et revers. Parlez-lui avec amour "à l'occasion de
tout et de rien"; ou est-ce que vous ne l'aimez pas?
L'âme aimante parle à son bien-aimé «pour tout et pour rien». Parlez-lui comme ça, si
vous l'aimez. «Associez-le à tous les actes de votre vie, sachant qu'Il veut être pour
vous ce que la racine est pour la plante et la sève pour le fruit.» (Mgr Gay).
Si vous, Frères, vous vous-approchez de Jésus avec ces dispositions, vous serez bientôt
une copie fidèle de ses vertus et vous pourrez le suivre en obéissant à sa volonté de
suivre ses traces, parfumées des arômes de sainteté ou teintées du sang de sacrifice. «Si
quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il renonce à lui même, qu'il prenne sa croix et qu'il
me suive» (Mt 16, 24).
Les auteurs spirituels nous disent que pour suivre le chemin de la perfection et gravir
son sommet, il faut «étudier chaque vertu dans sa nature, ses motifs, ses moyens, ses
degrés, sa pratique». En suite l'on commence l'exercice de chaque vertu et au moyen de
l'examen particulier on se rend compte de l'avancée ou du recul. Cette méthode est très
bonne et doit être mise en pratique; mais comme nous sommes souvent fatigués et
découragés, la chose la plus souhaitable à faire est d'inviter Jésus, modèle divin de
toutes les vertus et, en l'embrassant, lui dire: «Avec toi, mon Christ, avec toi, prends-toi
la direction de cette entreprise pour faire de moi un saint, moi seul je ne peux rien faire,
ces efforts me tuent, avec toi je triompherai, avec toi je pratiquerai toutes les vertus et
je serai un saint ».
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Un auteur commente délicieusement ce passage de l'Évangile, à côté du puits de
Sichem (après que la Samaritaine, déjà convertie, ait ému ses concitoyens et les a
excités à aller au puits pour voir le Prophète), disant que lorsque les voisins de Sichem
s'approchaient, habillés dans leurs longues robes blanches et la tête couverte de leurs
turbans également blancs, d'où pendaient des voiles vaporeux avec lesquels le vent
jouait, notre Seigneur montra aux apôtres la foule qui arrivait précipitamment: «Levez
les yeux et voyez les champs de blé déjà blancs pour la récolte »(Jn. 4,35).
C'étaient des turbans dont les voiles et les robes blanches ondulaient comme des
champs de blé mûrs ballottés par le vent. En réalité, notre Seigneur n'a pas montré de
vrais champs de blé à ses apôtres, mais plutôt les âmes mêmes qu'il venait évangéliser
et pour la conversion desquelles il les invitait vivement: «Levez les yeux ... contemplez
les vastes régions pleines de champs de blé mûrs. . " Le Seigneur vous adresse
également la même invitation, chers enfants: à être des apôtres.
Donner des âmes à Jésus: telle est votre vocation. Que vous ayez de la compassion
envers la foule qui se perd et que vous aidiez à la sauver; brûler de zèle comme lui,
semer Jésus dans les âmes qu'il vous confie et les lui donner, c'est-à-dire être des
apôtres. Il est donc nécessaire que vous soyez des disciples du Christ, non pour que
vous seuls puissiez jouir de son amour, mais pour faire part aux autres âmes de la joie
d'aimer.
Combien de personnes qui vivent à vos côtés sont loin de Dieu! Combien de millions
de personnes dispersées dans l'univers ne connaissent pas ou n'aiment pas Dieu, ils
vivent loin de Dieu et s'éloignent de lui chaque jour, à mesure que la corruption grandit
et que les péchés se multiplient. Et vous ne faites rien pour eux? vous diriez peut-être
comme Caïn: "Suis-je le gardien de mon frère?" Ah frères, je vais vous dire que oui,
vous êtes les gardiens de vos frères et c'est bien cela votre mission sur terre: sauver le
monde, sauver les âmes.
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Frères, vous êtes missionnaires et pourtant je dois vous demander, si vous n'avez pas la
foi, si votre poitrine ne brûle pas dans l'amour de Dieu et des âmes, si la flamme du zèle
ne monte pas de votre cœur avec inquiétude et sonorité, si vous ne connaissez pas le
prix d'une âme et la valeur du sang du Christ versé pour elle, puisque vous ne travaillez
pas comme il se doit pour elles, luttant de plus en plus pour leur propre sainteté.
L'apôtre ne s'enferme pas en lui-même mais il est animé par l'amour et le zèle qui est en
soi-même conquérant, inquiet, courageux, déterminé et généreux, capable de tous les
sacrifices, même celui de sa propre vie, pourvu que les âmes soient sauvées. Surtout
après avoir vu les champs de blé signalés par le doigt de Jésus lui-même, qui ne
voudrait pas aller au premier rang ramasser les gerbes pour les granges du Père bien-
aimé? Soyez donc des apôtres: généreux, sacrifiés, inquiets, aimants.
Dans ces pages, que j'appelle mon Testament, je veux faire quelques réflexions
spirituelles pour vous; je vous ai parlé de beaucoup de choses mélangées et répétées,
sans un grand ordre peut-être, mais avec une idée dominante, soyez d'autres Christs,
identifiés à Lui en tout, mais principalement dans la douleur, puisque nous sommes
membres de Son Corps mystique, et selon le sentiment de saint Paul, «nous devons
accomplir dans notre corps ce qui manquait à la passion du Rédempteur». (Col. 1,24).
Pour cette raison, je vous parlerai de vous-mêmes en tant que membres du Corps
mystique du Christ, vous qui formez un seul Christ avec lui selon la doctrine de ce
grand apôtre cloué sur la croix du Christ, l'apôtre Paul.
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Nous aspirons tous au bonheur par une inclination de même nature et nous le cherchons
anxieusement en toutes choses et à tout moment. Mais pour trouver le vrai bonheur qui
est seul dans la gloire éternelle, faisant partie du Corps mystique glorifié du Christ,
nous devons d'abord mourir avec lui, selon ces paroles de l'apôtre: «sans cesse nous
portons dans notre corps l'agonie de Jésus afin que la vie de Jésus soit elle aussi
manifestée dans notre corps »(2 Cor. 4,10). Sur ce texte, Saint Tomas commente:
« Exposés chaque jour à mille tourments et à la mort, nous représentons dans nos corps
l'image de Jésus-Christ, souffrant et mourant ». «Pour que nos corps, après avoir
participé à sa mort, puissent également être associés à sa vie glorieuse à travers la
résurrection» (Scio S. Bible Vol. 6, p. 102).
Ces paroles nous montrent que nous devons mourir avec le Christ si nous voulons
ressusciter à la vie glorieuse du Christ et avec cette vie atteindre le bonheur désiré. Il
convient de rappeler ici ce texte de saint Jean: «Si le grain de blé qui tombe en terre ne
meurt pas, il reste seul; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jn 12, 24). Ensuite,
nous devons mourir pour produire le fruit de bonnes œuvres et être glorifiés avec
Christ.
Pour le reste, nous avons été condamnés à mort depuis qu'Adam et Eve ont péché: «il
est décrété que les hommes ne meurent qu'une seule fois» (Héb. 9,27). Notre mort est
donc une punition; mais nous pouvons la changer comme notre Seigneur en un
hommage de réparation au Père pour le péché et en rédemption de notre propre âme et
de beaucoup d'autres, puisque la mort du Christ "sanctifie nos vies et nos morts",
comme le dit le P. Grimaud, ( Lui et nous, p. 191) et fait qu'en mourant nous
accomplissons en nous-mêmes, en tant que membres du Corps mystique du Christ, ce
qui manquait à la mort du Seigneur. C'est ce que nous déclare saint Paul quand il dit:
«Et de même qu'il est décrété que les hommes ne meurent qu'une seule fois, le Christ
fut offert une seul fois pour enlever les péchés de la multitude» (Héb. 9,28). Frères,
plongez-vous dans ce sublime consortium avec le Christ de pouvoir souffrir et mourir
avec lui pour les âmes.
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78. EN TANT QUE MEMBRES DU CORPS MYSTIQUE, NOUS DEVONS
MOURIR AVEC NOTRE TETE DIVINE
Dans le Credo de la Messe, nous récitons une phrase qui nous enseigne par qui ont été
faites toutes choses dans l'univers et l'univers lui-même. Par le Christ. Oui, le Père
éternel avait Jésus en tête quand il étalait le large firmament et sur la voûte bleue il
arrosait les millions d'étoiles comme s'il jouait, à la manière "comme un bijoutier jette
une poignée d'argent bruni sur un tissu bleu" ; il étendit les immenses mers pour servir
de miroir aux étoiles; il posa les sommets des montagnes et les revêtit de neige ou de
panaches volcaniques et de feu; il formait les vallées et les pentes qu'il ornait du vert
des arbres, de la polychromie des fleurs et des fils d'argent et d'or des ruisseaux et des
rivières; Il a peuplé l'air d'êtres ailés, les mers de poissons, et a donné la surface de la
terre aux animaux et à l'homme. Saint Jean nous dit que tout a été fait pour lui, pour la
Parole: «Tout a été fait pour lui» (Jn 1,3)
L'homme est appelé un microcosme, un petit monde, parce que c'est un précieux
résumé de la création; Jésus-Christ contient en lui toute l'humanité, dont il est la tête,
qui aurait pu ne pas mourir, mais qui l'a voulu, et même avec tant de douleurs et
d'ignominies, comme hommage de toute la création au Père, et comme enseignement
pour tous à savoir: qu'aucune créature, si élevée soit-elle, n'a le droit de subsister devant
le Divinité. Ainsi, Jésus a reconnu la domination souveraine de Dieu sur toutes les
créatures; ainsi Jésus a rendu à la Divinité les hommages d'une parfaite adoration,
réparation, supplication et action de grâces au nom de l'humanité déchue et régénérée
par ce sacrifice de l'Homme-Dieu.
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Cette Tête Divine, (Jésus, clouée sur sa Croix comme Rédempteur qui paie la dette du
premier péché qui a souillé l'humanité tout entière), totalement soumise en son nom a
réparée, par son obéissance jusqu'à la mort et la mort de la Croix, la désobéissance
primitive de Adam et Eva. De cette manière, Jésus, l'adorable Tête clouée à l'arbre,
souffrait et mourrait pour chacun de nous, (...)
Oh les enfants! Jésus mourant, continue en moi et en vous et dans tous les mortels sa
douleur et sa mort depuis le moment de l'expiration jusqu'au dernier jour du monde.
Oh! quel bonheur de pouvoir vivre dans la douleur et dans l'amour jusqu'à la mort.
79. UN CONTRASTE
Je veux souligner un contraste que je trouve dans ce texte: "Tout comme par la
désobéissance d'un homme beaucoup ont été rendus pécheurs, de la même manière par
l'obéissance d'un seul beaucoup ont été rendus justes" (Rom. 5,19). Par obéissance,
Jésus désirait mourir, après avoir accompli la volonté du Père, même dans le moindre
détaille : «Tout ce qu'il veut, je le fais» (Jn. 8, 29). C'était le moyen choisi par Lui pour
contrer la rébellion d'Adam et Eve et pour la réparer.
Le premier Adam, et voici le contraste, une créature sortie des mains de Dieu, s'est
exalté jusqu'à essayer de devenir Dieu, comme le serpent l'avait suggéré, et pour cela il
s'est enfoncé avec sa progéniture; Le second Adam, qui est Dieu vêtu d'humanité, remet
cette humanité au Père et l'humilie à des termes inconcevables et avec lui tout son corps
mystique pour l'exalter, le fessant sortir de l'abîme où le premier péché l'ava