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VII Géométrie des nombres, réseaux

VII.1 Caractérisations des réseaux


On se place dans un espace euclidien E de dimension n. Par exemple, on pense à Rn muni
du produit scalaire usuel.

Définition VII.1. Soit Γ ⊂ E un sous-groupe discret de (E, +).


On dit que Γ est un réseau (lattice en anglais) si c’est un sous-groupe de E tel que Γ est un
sous-ensemble discret de E et Vect(Γ) = E.

Rappel : un sous-ensemble Γ d’un espace topologique est discret si la topologie induite est
la topologie discrete, i.e. si tout point x ∈ Γ possède un voisinage x ∈ U ⊂ E tq U ∩ Γ = {x}.
Un ensemble discret et fermé intersecte tout compact en un ensemble fini. Attention E =
{1/n|n ∈ N \ {0}} est discret (mais pas fermé), E ∩ [−1, 1] est infini. L’adhérence Ē contient 0
et Ē n’est pas discret. On note B(x, r) la boule ouverte de centre x et de rayon r dans E.

Proposition VII.2. Soit Γ un sous-groupe de E. LESSE :


1. Γ est discret dans E
2. il existe r > 0 tel que Γ ∩ B(0, r) = {0}
3. pour tout R, Γ ∩ B(0, R) est fini

Remarque VII.3. En particulier, d’après 3, Γ est automatiquement fermé s’il est discret.

Preuve. 1 ⇒ 2 car 0 ∈ Γ, et par la définition de discret.


2 ⇒ 3 : supposons 2 et soit r tq B(0, r) ∩ Γ = {0}. Alors pour tout x ̸= x′ ∈ Γ, on a
B(x, r/2) ∩ B(x′ , r/2) = ∅. En effet, sinon, d(x′ , x) < r, donc ||x′ − x|| < r, avec x′ − x ∈
Γ \ {0}, contradiction. Si B(0, R) ∩ Γ contenait une infinité de points xi distincts, alors les boules
B(xi , r/2) seraient disjointes, et contenues dans B(0, R + r/2), ce qui contredit que la mesure
de Lebesgue de B(0, R + r/2) est finie.
3 ⇒ 1. En prenant R = 1, on a que B(0, 1) ∩ Γ est fini. Soit r > 0 la norme minimale d’un
élément non nul de B(0, 1)∩Γ s’il en existe, r = 1 sinon. On a alors que B(0, r/2)∩Γ = {0}. Pour
x ∈ Γ quelconque, on a que Γ ∩ B(x, r/2) = {x} : si y ∈ Γ ∩ B(x, r/2) alors y − x ∈ Γ ∩ B(0, r/2)
donc y = x.

Théorème VII.4. Γ est un sous-groupe discret ssi il existe une base v1 , . . . , vn de E et r ≤ n tq


Γ = Zv1 + · · · + Zvr .
Γ est un réseau ssi r = n.

Définition VII.5. On dit que v1 , . . . , vr est une base de Γ (c’est en particulier une base en tant
que Z-module libre !). En particulier, Γ ≃ Zr , et on appelle r le rang de Γ (c’est son rang en
tant que Z-module libre).

Remarque VII.6. C’est la généralisation du fait bien connu qu’un sous-groupe de R est soit de
la forme aZ, soit dense.

Preuve. ⇐ : Soit Γ = Zv1 + · · · + Zvr . On introduit la norme || ai vi ||′ = max(ai ). Clairement,


P
pour cette norme, B ′ (0, 1/2)∩Γ = {0}. Puisque toutes les normes de E sont équivalentes, il existe
C > 0 tq pour tout x ∈ E, ||x||′ ≤ C||x|| donc B(0, 1/2C) ⊂ B ′ (0, 1/2), donc B(0, 1/2C) ∩ Γ =
{0} donc Γ est discret.
L’implication ⇒ est l’implication non triviale. Soit r = dim Vect(Γ). On va consruire par
récurrence sur s une famille libre de vecteurs v1 , . . . , vs tq Γ ∩ Vect(v1 , . . . vs ) = Zv1 + · · · + Zvs .
Pour s = 0, la famille vide convient...
Passage de s à s+1. Supposons construite une famille libre v1 , . . . , vs telle que Γ∩Vect(v1 , . . . , vs ) =
Zv1 + · · · + Zvs . Notons V0 = Vect{v1 , . . . , vs }, et supposons Γ ̸⊂ V0 , sinon, on a fini.

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On va montrer le fait suivant : il existe un vecteur u ∈ Γ \ V0 tq d(u, V0 ) soit minimale parmi
les éléments de Γ \ V0 .
Si on connaı̂t le fait, on conclut en montrant que vs+1 = u convient : on a bien sûr Zv1 +· · ·+
Zvs+1 ⊂ Γ ∩ Vect(v1 , . . . , vs+1 ), on veut montrer l’autre inclusion. Soit x ∈ Γ ∩ Vect(v1 , . . . vs+1 ).
On écrit x = a1 v1 + · · · + as+1 vs+1 avec ai ∈ R. Soit x′ = x − ⌊as+1 ⌋vs+1 , c’est un élément de Γ.
Il suffit de montrer que x′ ∈ Zv1 + · · · + Zvs . On a

d(x′ , V0 ) = d((as+1 − ⌊as+1 ⌋)vs+1 , V0 ) = |as+1 − ⌊as+1 ⌋| × d(vs+1 , V0 )

et comme (as+1 − ⌊as+1 ⌋) ∈ [0, 1[, d(x′ , V0 ) < d(vs+1 , V0 ) donc x′ ∈ V0 par minimalité de vs+1 .
En particulier, as+1 − ⌊as+1 ⌋ = 0, ie as+1 ∈ Z. D’autre part, x′ ∈ Γ ∩ V0 = Γ ∩ Vect(v1 , . . . , vs )
donc par hypothèse de récurrence, x′ ∈ Zv1 + · · · + Zvs , cqfd.
Reste à montrer le fait qu’on a utilisé ci-dessus, autrement dit, en notant

δ = inf{d(x, V0 )|x ∈ Γ \ V0 },

on va montrer qu’il existe un vecteur u ∈ Γ \ V0 tq

d(u, V0 ) = δ.

Soit p : E → V0 la projection orthogonale sur V0 .P Soit P ⊂ V0 le parallélotope porté par


v1 , . . . vs c’est à dire l’ensemble des points de la forme si=1 ai vi , avec
Pasi ∈ [0, 1].
EtantP donné x ∈ E \ V0 , on décompose sa projection p(x) = i=1 ai vi , et on considère
′ s ′ ′ ′
x = x − i=1 ⌊ai ⌋vi . Le point x vérifie d(x, V0 ) = d(x , V0 ) et p(x ) ∈ P . Ceci montre que l’inf
est atteint par les points qui se projettent dans P :

δ = inf{d(x, V0 )|x ∈ Γ \ V0 avec p(x) ∈ P }

Or pour tout R, l’ensemble des vecteurs x tq d(x, V0 ) < R et p(x) ∈ P est borné (il est
contenu dans la boule centrée en 0 et de rayon R + diam(P )). Son intersection avec Γ est donc
finie, et il existe donc un u ∈ Γ \ V0 qui minimise la distance à V0 parmi les u ∈ p−1 (P ). Ce u
marche.

Corollaire VII.7. Soit Γ un sous-groupe discret de E. Γ est un réseau ssi il est cocompact, i.e.
ssi il existe un compact K tq Γ + K = E.

Preuve. Si Γ est de rang < n, alors il existe une base e1 , . . . , en de E tq Γ soit engendré par
e1 . . . er . La n-ième coordonnée des points de K est bornée, disons par C. Il en est donc de même
des points de Γ + K, donc Γ + K ̸= E.
Si Γ est de rang n, il est engendré par une base e1 , . . . en , et le parallélotope porté par
e1 , . . . , en (i.e. le compact K des points a coordonnées dans [0, 1] dans cette base) marche.

On a la généralisation suivante (admise) :

Proposition VII.8. Pour tout sous-groupe fermé Γ de E, il existe une base e1 , . . . , en , et r ≤ r′ ≤


n tq Γ = Re1 + . . . Rer + Zer+1 + . . . Zer′ .

La preuve est similaire.

VII.2 Volumes, et indices


Notation : on note le parallélotope
nX o nX o
Pv1 ,...,vn = ai vi |0 ≤ ai < 1 , et P̄v1 ,...,vn = ai vi |0 ≤ ai ≤ 1 .

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Définition VII.9. Soit
P Γ un réseau de E, et v1 , . . . , vn une base de Γ. On dit que le parallélotope
P = Pv1 ,...,vn = { λi vi |0 ≤ λi < 1} est un domaine fondamental de Γ (associé à la base
v1 , . . . , vn de Γ).
Il vérifie que pour tout x ∈ E, il existe un unique γ ∈ Γ et un unique x0 ∈ P tel que
x = γ + x0 .

Dans la figure ci-dessous, on a représenté un réseau de R2 , et deux domaines fondamentaux

Preuve. Si les coordonnées de x dans la base (v1 , . . . , vn ) sont (a1 , . . . , an ), alors γ = (⌊a1 ⌋, . . . , ⌊an ⌋)
et x0 = x − γ convient. S’il y avait une autre écriture x = γ ′ + x′0 , alors x0 − x′0 ∈ Γ, mais ses
coordonnées sont dans ] − 1, 1[ (car différence de deux réels dans [0, 1[), donc la seule possibilité
est x0 − x′0 = 0 et donc γ = γ ′ .

Remarque VII.10. Le quotient E/Γ est isomorphe (en tant que groupe abélien) et homéomorphe
à un tore (R/Z)n , et l’application quotient réalise une bijection entre le parallélotope P et E/Γ.

VII.3 Volumes
Pour calculer les volumes il faut normaliser la mesure de Lebesgue de E, autrement dit,
se donner une unité de volume. Ici E est euclidien, ce qui permet de définir l’unité de volume
comme le volume de n’importe quel parallélotope porté par une base orthonormée B0 . Ce volume
est indépendant du choix de la base orthonormée puisque la matrice de passage entre 2 bases
orthonormées est de déterminant ±1. Le volume (= la mesure de Lebesgue) d’un parallélotope
Pv1 ,...,vn vaut alors
Vol(Pv1 ,...,vn ) = | detB0 (v1 , . . . vn )| = | det(P )|
où P est la matrice de passage de B0 à (v1 , . . . vn ).

Définition VII.11 (Lemme et définition). Soit Γ un réseau de E, et (v1 , . . . , vn ) une base de Γ.


Alors, Vol(Pv1 ,...,vn ) ne dépend pas du choix de la base de Γ.
On l’appelle le covolume de Γ, et on le note coVol(Γ).

Exemple, dans E = Rn muni du produit scalaire standard, coVol(Zn ) = 1.

Preuve du lemme-et-définition. Soit B ′ = (v1′ , . . . vn′ ) une autre base. La matrice de passage entre
B = (v1 , . . . , vn ) et B ′ est une matrice de passage entre deux Z-bases de Γ, donc une matrice
dans GLn (Z), donc de déterminant ±1. ( 43 ). Du coup,

Vol(Pv1′ ,...,vn′ ) = | detB0 (v1 , . . . , vn ). detv1 ,...,vn (v1′ , . . . , vn′ )| = Vol(Pv1 ,...,vn ) × 1.

Remarque VII.12. On peut en fait penser à coVol(Γ) comme au volume du quotient E/Γ. C’est
de là que vient le nom covolume.
43. Les vi′ sont dans Γ donc à coordonnées entières dans la base (vi ). Ceci dit que la matrice de passage P de vi a
vi′ est à coefficients entiers. L’argument symétrique dit que P −1 est aussi à coefficients entiers : donc P ∈ GLn (Z).

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Le volume peut aussi se calculer à partir de la matrice de Gram de (v1 , . . . , vn ), qui est un
autre nom pour la matrice du produit scalaire ⟨·, ·⟩ dans la base (v1 , . . . , vn ) : c’est la matrice
G = (⟨vi , vj ⟩)i,j dont les coefficients sont les produits scalaires ⟨vi , vj ⟩. Alors Vol(Pv1 ,...,vn )2 =
det(G). En effet, si P est la matrice de passage de B0 à (v1 , . . . , vn ), G = t P P . Donc det(G) =
(det P )2 = Vol(Pv1 ,..,vn )2 .
Pour résumer :
Lemme VII.13. Si v1 , . . . vn est une base de Γ,
coVol(Γ) = | det(P )| et coVol(Γ)2 = det G
où P la matrice de passage d’une base orthonormée vers (v1 , . . . , vn ), et G = (⟨vi , vj ⟩)i,j≤n =t P P
est la matrice de Gram de v1 , . . . , vn .
Définition VII.14. Soit Γ ⊂ E un réseau. Un sous-réseau Γ′ ⊂ Γ est un sous-groupe de Γ qui est
encore un réseau de E.
Lemme VII.15. Soit Γ un réseau, et Γ′ ⊂ Γ un sous-réseau.
Alors coVol(Γ′ ) = [Γ : Γ′ ] × coVol(Γ).
De plus, si B est une base de Γ et B ′ une base de Γ′ , alors [Γ : Γ′ ] = | det P |, où P est la
matrice de passage de B a B ′ (c’est une matrice à coefficients entiers !).
Preuve. On a coVol(Γ) = | detB0 (B)| et coVol(Γ′ ) = | detB0 (B ′ )|. Mais detB0 (B ′ ) = detB0 (B) ×
detB (B ′ ) = detB0 (B) × det P . Ceci démontre que coVol(Γ′ )/coVol(Γ) = det P .
Reste à voir que | det(P )| = [Γ : Γ′ ]. On utilise le théorème de la base adaptée pour les sous
Z-modules du Z-module libre Γ : il existe une base e1 , . . . en de Γ telle que Γ′ = ⟨d1 e1 , . . . dr er ⟩
avec des entiers di ∈ N \ {0} tels que d1 |d2 | . . . |dr .
Si r < n, alors Γ′ n’est pas un réseau (et [Γ : Γ′ ] = ∞). Donc r = n, la matrice de
passage entre les 2 bases adaptées est diagonale, de déterminant d1 . . . dn . Mais d’autre part,
Γ/Γ′ ≃ Z/d1 Z ⊕ · · · ⊕ Z/dn Z donc [Γ : Γ′ ] = d1 . . . dn .

VII.4 Hermite et Minkowski


Théorème VII.16 (Inégalité de Hadamard). Soit Pv1 ,...,vn un parallélotope de E. Alors Vol(P ) ≤
||v1 || . . . ||vn ||.
Il y a égalite ssi la base est orthogonale.
Preuve : exo. Géométriquement : on a une formule « base × hauteur » pour le volume : le
volume (n-dimensionnel) d’un parallélotope est égal au volume (n − 1-dimensionnel) de sa
base Pv1 ,...,vn−1 , multiplié par sa hauteur. En effet, si on note vn′ la projection orthogonale
de vn sur l’orthogonal de Vect(v1 , . . . , vn−1 ), (||vn′ || est la « hauteur » de P), on a ||vn′ || ≤
||vn || (avec égalité ssi vn orthogonal à Vect(v1 , . . . , vn−1 )), et puisque l’application linéaire

envoyant v1 , . . . , vn−1 , vn sur v1 , . . . , vn−1 , vn−1 est de déterminant 1 (c’est une transvection),

Vol(Pv1 ,...,vn = Vol(Pv1 ,...,vn−1 ,vn′ = ||vn || × Voln−1 (Pv1 ,...,vn−1 ), et on conclut par récurrence sur
n.
En termes de déterminant, on prend B0 = (e1 , . . . , en ) une base orthonormée de E obtenue
en prenant (e1 , . . . , en−1 ) une base orthonormée de Vect(v1 , . . . , vn−1 ), complétée par un vecteur
en unitaire, orthogonal à cet hyperplan.  La matrice P de  (v1 , . . . , vn ) dans la base B0 est donnée
P’ ∗
par les ⟨vi , ei ⟩ et est de la forme P = où P ′ est la matrice de (v1 , . . . , vn−1 )
0 ⟨vn , en
dans la base (e1 , . . . , en−1 ), et det(P ) = ⟨vn , en ⟩ × det(P ′ ). Puisque |⟨vn , en ⟩| ≤ ||vn ||, on a
| det(P )| ≤ ||vn || det(P ′ ) et on conclut par récurrence.

Matriciellement : cette inégalité dit que pour toute matrice M ∈ GLn (R)Q(représentant la
matrice de passage d’une base orthonormée à la base v1 , . . . , vn ), | det M | ≤ ||Ci ||2 (où ||.||2
est la norme euclidienne standard de Rn ).
Pour un réseau, cela se traduit de la façon suivante :

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Théorème VII.17 (Inégalité de Hadamard). Soit Γ un réseau dans un espace euclidien de di-
mension n, engendré par une base v1 , . . . , vn . Alors coVol(Γ) ≤ ||v1 || . . . ||vn ||.
Le Th de Hermite dit que tout réseau a une base raisonablement orthogonale au sens où on
a une inégalité dans l’autre sens, mais avec une constante qui dépend de la dimension.
Par exemple, le domaine fondamental bleu correspond a une base presque orthogonale, mais
pas le rouge :

Théorème VII.18 (Théorème de Hermite). Soit Γ un réseau dans un espace euclidien de dimen-
sion n. Alors, il existe une base u1 . . . , un de Γ telle que

||u1 || . . . ||un || ≤ (2/ 3)n(n−1)/2 coVol(Γ).

En particulier, 44 il existe un vecteur u ∈ Γ \ {0} de norme ||u|| ≤ (2/ 3)(n−1)/2 coVol(Γ)1/n .
Idée de preuve. Cf Cohen, Number Theory Vol 1, p53. En dimension 1, c’est clair : on prend un
vecteur le plus court.
En dimension 2, on a vu qu’il existait une base forme du vecteur u1 le plus court, et d’un
vecteur u2 qui minimise la distance a Ru1 , et dont la projection orthogonale sur Vect(u1 ) est
de longueur ≤ 1/2||u1 ||. Notons α la longueur de la projection orthogonale de u2 sur Ru1 , et β
la longueur de la projection sur Vect(u1 )⊥ . Le covolume de Γ est égal a coVol(Γ) = ||u1 ||.β, et
pythagore donne ||u2 ||2 = α2 + β 2 . On veut donc minorer
1 1
β 2 = ||u2 ||2 − α2 ≥ ||u2 ||2 − ||u1 ||2 (car α ≤ ||u1 ||)
4 2
1
≥ ||u2 ||2 − ||u2 ||2 (car ||u2 || ≥ ||u1 ||
4
≥ 3/4||u2 ||2
p
Ainsi coVol(Γ) ≥ ||u1 |||u2 || 3/4.
En général, on regarde la projection Γ′ de Γ sur u⊥ 1 , et on raisonne par récurrence.
Détails : On sait que Γ′ est un réseau de u⊥ 1 car il existe une base de Γ contenant u1 . On trouve par
recurrence sur la dimension une base u′2 , . . . u′n de Γ′ tq ||u′2 || . . . ||u′n || ≤ ( √23 )(n−1)(n−2)/2 coVol(Γ′ ). Soient
ui ∈ Γ dont la projection est u′i , et dont la projection sur Ru1 est de la forme xu1 avec x ∈ [−1/2, 1/2].
On vérifie facilement que u1 , ...un est une base de Γ : tout vecteur v de Γ se projecte sur un vecteur de
Γ′ , et en modifiant v par une CL des u′i , OPS que v ∈ Ru1 , et la c’est clair.
On a que coVol(Γ) = coVol(Γ′ ).||u1 || car det(u1 , u2 , . . . , un ) = det(u1 , u′2 , . . . u′n ) = ||u1 ||coVol(Γ′ ) (la
matrice de passage de u1 , u2 , .., un a u1 , u′2 , . . . u′n est l’identité plus des coefficients réels sur la première
ligne, donc de déterminant 1).
On a aussi par Pythagore que ||ui ||2 = 41 ||u1 ||2 + ||u′i ||2 donc ||u′i ||2 ≥ 34 ||ui ||2 . Ainsi
r r
′ ′ 4 n−1 2 (n−1)(n−2)/2 ′ 4 n−1 2
||u1 || . . . ||un || ≤ ||u1 ||.||u2 || . . . ||un ||( ) ≤ ||u1 ||( √ ) coVol(Γ )( ) ≤ coVol(Γ)( √ )n(n−1)/2
3 3 3 3

√ √
Exemple VII.19. Le réseau hexagonal de R2 engendré par e1 , et 21 e1 + 23 e2 est de covolume 2
3

et de norme minimale 1. La constante √23 est donc optimale en dimension 2.

44. Pour démontrer le « en particulier », prendre pour u le vecteur ui de norme minimale parmi les vecteurs
u1 , . . . , u n .

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En fait, on a de meilleures constantes pour n grand avec le Théorème de Minkowski.

Théorème VII.20 (Minkowski). Considérons un réseau Γ dans un espace euclidien E de dimen-


sion n et C ⊂ E un convexe symétrique C (i.e. tq C = −C).
Si Vol(C) > 2n coVol(Γ) alors, C ∩ Γ \ {0} =
̸ ∅. Autrement dit, C contient un vecteur non
nul de Γ.

Preuve du th de Minkowski.
— Etape 1 (indépendante de la géométrie de C ′ ) : Soit C ′ un ensemble mesurable de volume
> coVol(Γ). Alors il existe x ̸= y ∈ K tq x − y ∈ Γ \ {0}.
— Etape 2 : Utiliser la géométrie de C, et appliquer l’etape 1 a C ′ = 12 C.
1ère preuve de l’étape 1. Le tore quotient E/Γ est de volume coVol(Γ) car il s’identifie
au domaine fondamental. Comme Vol(C ′ ) > Vol(E/Γ) l’application quotient ne peut pas etre
injective, donc il existe x ̸= y tq x − y ∈ Γ.
2ème preuve de la 1ère étape, sans parler du quotient et de la mesure sur le quotient. Soit
P = Pv1 ,...,vn un domaine fondamental associé à une base v1 , . . . , vn de Γ. Pour tout γ ∈ Γ, on
note Dγ = γ + P le translaté de P par le vecteur γ. Ces translatés forment une partition de E.
En particulier, pour la mesure de Lebesgue µ,
X
µ(C ′ ) = µ(C ′ ∩ Dγ ).
γ∈Γ

On translate chacun de ces morceaux dans P : on définit

Cγ′ := −γ + C ′ ∩ Dγ = − γ + C ′ ∩ P
 

qui a donc la même mesure que C ′ ∩ Dγ . Puisque µ(C ′ ) > coVol(Γ) = µ(P), les Cγ′ ne sont pas
disjoints : il existe γ ̸= γ ′ ∈ Γ tels que Cγ′ ∩ Cγ′ ′ ̸= ∅, donc

− γ + C ′ ∩ − γ ′ + C ′ ̸= ∅
 

donc il existe x, y ∈ C ′ tels que −γ + x = −γ ′ + y, donc x − y = γ − γ ′ ∈ Γ \ {0}.


Pour la 2ème étape, on applique la 1ère étape à C ′ = 12 C. On a Vol(C ′ ) = 21n Vol(C). Puisque
par hypothèse sur C, Vol(C ′ ) > coVol(Γ), C ′ contient deux points x ̸= y ∈ C ′ tq x − y ∈ Γ \ {0}.
On a x ∈ C ′ , −y ∈ C ′ car C ′ est symétrique, et donc leur milieu x−y ′
2 appartient à C car C

convexe. Donc x − y ∈ C. On conclut que C ∩ Γ \ {0} contient x − y, et est donc non vide ce qui
conclut la preuve.

Exemple : si Γ = Zn et C est le parallélotope C =] − 1, 1[n , on a Vol(C) = 2n et pourtant


Γ∩C = {0}. Donc l’inégalité stricte est nécessaire pour que le théorème fonctionne. Une inégalité
large suffit si on suppose en plus que C est compact :

Théorème VII.21 (Variante pour un compact convexe symétrique). Si C est un un convexe


symétrique compact, et si V ol(C) ≥ 2n V ol(Γ), alors C ∩ Γ \ {0} =
̸ ∅.

Preuve. Exercice. Indication : prendre n ∈ N et appliquer le théorème de Minkowski à C+B(0, n1 )


qui est encore un convexe symétrique mais dont le volume vérifie l’inégalité stricte. C + B(0, n1 )
contient donc un élément γn ∈ (C + B(0, n1 )) ∩ Γ \ {0}. Utiliser la compacité de C et la discrétude
de Γ pour montrer que toute valeur d’adhérence de γn est bien dans C ∩ Γ \ {0}.

On applique alors ça à C la boule de rayon r :

Corollaire VII.22. Considérons un réseau Γ dans un espace euclidien E de dimension n.


 1/n
Alors Γ \ {0} contient un vecteur de longueur ≤ 2 coVol(Γ)
Vol(Bn ) où Vol(Bn ) est le volume de
la boule unité de dimension n.

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 1/n
Preuve. Soit r = 2 coVol(Γ)
Vol(Bn ) ; il vérifie rn = 2n (coVol(Γ)/Vol(Bn )). Soit C la boule fermée
centrée en 0 de rayon r. Son volume est Vol(C) = Vol(Bn )rn = 2n Vol(Γ) par choix de r. C
satisfait donc les hypothèses de la variante de Minkowski. Donc il y a un vecteur dans Γ \ {0}
de norme ≤ r.

Remarque sur le volume de la boule unité de dimension n. En dimension n, le volume d’une


boule de rayon r vaut rn Vol(Bn ). Pour calculer Vol(Bn ), on utilise qu’il vérifie la relation de
récurrence 45

Vol(Bn ) = Vol(Bn−2 )
n
d’où on déduit
πn
Vol(B2n ) =
n!
2n+1 π n 22n+2 π n (n + 1)!
Vol(B2n+1 ) = = .
1.3.5.7 . . . (2n + 1) (2n + 2)!
On a aussi une formule qui marche pour tout n avec la fonction Γ :
n
π2
Vol(Bn ) = .
Γ(1 + n2 )

VII.5 Théorèmes des 2 et 4 carrés


VII.5.a Théorème des 2 carrés
Théorème VII.23. Tout nombre premier p ∈ N est somme de deux carrés ssi p = 2 ou p = 1
mod 4.

Exemple : 5 = 12 + 22 , 29 = 25 + 4 = 22 + 52 , mais 7, 31 ne sont pas somme de deux carrés.

Preuve. On commence par le sens facile : si p est somme de deux carrés, p = x2 + y 2 , on regarde
modulo 4. Les seuls carrés de Z/4Z sont 0 et 1, donc x2 et y 2 sont égaux à 0 ou 1 mod 4, donc
x2 + y 2 est égal à 0, 1, ou 2 modulo 4. Comme p est premier, il ne peut pas être divisible par 4,
et si p ≡ 2 mod 4, alors p est pair donc p = 2.
Réciproquement, supposons que p = 2 ou p = 1 mod 4 et donc que −1 est un carré modulo
p. Soit a ∈ Z tel que a2 = −1 (mod p). On regarde le réseau Z2 ⊂ R2 . La norme des points du
réseau est x2 + y 2 , il faut montrer qu’il y a un point de norme p. Soit Γ ⊂ Z2 l’ensemble des
(x, y) ∈ Z2 tq y = ax (mod p). C’est un sous-réseau d’indice p car c’est le noyau de φ : (x, y) ∈
Z2 7→ ȳ − ax̄Z/pZ. Donc Γ est de covolume p. Les normes d’éléments de Γ sont toutes égales a
0 mod p : x2 + y 2 = x2 + a2 x2 = x2 − x2 = 0 (mod p). Ce sont donc des multiples de p.
Cherchons un vecteur court dans Γ. Le théorème de Hermite dit qu’il existe u = (x, y) de

norme ≤ ( √23 )1/2 p. ||u||2 = x2 + y 2 ≤ √23 p < 2p. Pour résumer, ||u||2 est un multiple de p
strictement inférieur à 2p, donc ||u||2 = p. Donc p = x2 + y 2 est une somme de deux carrés.

Proposition VII.24. Si n, m sont sommes de deux carrés, nm aussi.

Preuve. On considère l’anneau Z[i] = {x + yi|x, y ∈ Z}. Si z = x + iy, |z|2 = x2 + y 2 . Donc n


est somme de 2 carrés ssi n = |z|2 pour un certain z ∈ Z[i].
Mais si n = |z|2 et m = |z ′ |2 avec z, z ′ ∈ Z[i], alors nm = |z|2 |z ′ |2 = |zz ′ |2 , et zz ′ ∈ Z[i].
Donc nm est somme de deux carrés.

Théorème VII.25.
Q αi Un nombre est somme de 2 carrés ssi dans sa décomposition en facteurs
premiers n = pi , pour chaque i tq pi ≡ −1 mod 4, αi est pair.

( 1 − r2 )n Vol(Bn )rdrdθ...
R
45. vient du calcul du volume en coordonnées polaires Vol(Bn+2 ) = r,θ

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Preuve. Si n est de cette forme, chacun des pαi i est somme de 2 carrés : soit parce que pi l’est,
soit parce que αi est pair. Donc n est somme de 2 carrés.
Réciproquement, montrons que si αi est impair avec pi = −1 mod 4, on ne peut pas avoir
n = x2 + y 2 . On raisonne par l’absurde : on suppose qu’il existe un contrexemple n ∈ N \ {0} à
cet énoncé. On choisit n un contrexemple minimal, c’est à dire le plus petit entier n ≥ 1 qui est
somme de deux carrés et tel qu’il a un facteur premier p d’exposant impair congru à −1 mod 4.
On regarde modulo p : on obtient 0 = x̄2 + ȳ 2 . On ne peut pas avoir x̄, ȳ ̸= 0, car −1 n’est pas
un carré mod p. Donc x̄ = 0 ou ȳ, et du coup, x̄ = ȳ = 0. Donc p divise x et y. On peut donc
diviser n par p2 et x, y par p, on obtient n′ = pn2 = ( xp )2 + ( yp )2 , qui est un contrexemple plus
petit car l’exposant de p dans n′ est encore impair. C’est une contradiction.

VII.5.b Théorème des 4 carrés


Théorème VII.26. Tout nombre entier s’écrit comme somme de 4 carrés.

Preuve. Il suffit de le faire pour n sans facteur carré, i.e. n = p1 . . . pr .


La méthode pour montrer que p est somme de 2 carrés, était de trouver un réseau de covolume
assez petit dont l’ensemble des normes est un multiple de p, et de trouver un vecteur de norme
< 2p dans ce réseau. Ici on va faire pareil : trouver un réseau de Z4 de covolume assez petit dont
tous les éléments ont une norme multiple de n, et trouver un élément de norme < 2n.
Fait : Pour tout nombre premier p, tout élément a ∈ Z/pZ (en particulier −1) est somme de
deux carrés mod p. C’est évident pour p = 2, on suppose donc p ≥ 3. Les nombres u2 prennent
p+1 2
2 valeurs lorsque u varie dans Z/pZ, les nombres a − v aussi, donc il existe u, v ∈ Z/pZ tq
2 2
u = a − v , donc a est somme de deux carrés. Ceci démontre le fait.
On fixe donc αi , βi tq αi2 + βi2 = −1 mod pi . On regarde

Γ = {(a, b, c, d) ∈ Z4 | ∀i ≤ r, c ≡ aαi + bβi mod pi , et d ≡ aβi − bαi mod pi }.

Montrons que pour tout u = (a, b, c, d) ∈ Γ, ||u||2 ≡ 0 mod n. Il suffit de voir que ||u||2 ≡ 0
mod pi pour tout i. Modulo pi , on a :

||u||2 ≡ a2 + b2 + (aαi + bβi )2 + (aβi − bαi )2

= a2 + b2 + (a2 αi2 + b2 βi2 + 2αi βi ab) + (a2 βi2 + b2 αi2 − 2αi βi ab)
= a2 (1 + αi2 + βi2 ) + b2 (1 + αi2 + βi2 ) ≡ 0 (mod pi )
donc n divise ||u||2 .
Γ est de covolume ≤ p2i = n2 . En effet :
Q

Lemme VII.27. Considérons des morphismes (de groupes additifs) f1 , . . . fk : Zn → Z/dk Z, et


soit N l’intersection des noyaux des fi .
Alors l’indice de N dans Zn vérifie [Zn : N ] ≤ d1 d2 . . . dk .

Preuve. On considère F : Zn → Z/d1 Z×· · ·×Z/dk Z le morphisme défini par F (x) = (f1 (x), . . . , fk (x)).
Le noyau de F est exactement N , l’intersection des noyaux des fi . L’image de F est de cardinal
≤ d1 . . . dk . Donc [Zn : N ] = # Im F ≤ d1 . . . dk .

Ici on a deux morphismes vers Z/pi Z pour chaque i ≤ r :

(a, b, c, d) 7→ aαi + bβi − c

et (a, b, c, d) 7→ aβi − bαi − d

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et
Q Γ est défini comme l’intersection des noyaux de ces 2r morphismes. On a donc [Zn : Γ] ≤
2 2 2
i≤r pi = n , donc le covolume de Γ est ≤ n . Par le théorème de Minkowski, Γ contient un
vecteur non nul u de norme
1/4
n2

4n
||u|| ≤ 2 × i.e. ||u||2 ≤ p .
Vol(B4 ) Vol(B4 )
√ √
4 2 4 2 5,65
Or Vol(B4 ) = 2π 2 2 2
4 Vol(B2 ) = π /2, donc ||u|| ≤ π .n. Or π ≃ 3,14 < 2 donc ||u|| < 2n. Or n
divise ||u2 ||, donc n = ||u2 ||. Conclusion : n est une somme de quatre carrés. cqfd.

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