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TD d’Evaluation des Politiques Publiques – Master 1 – Université Paris 1 Panthéon Sorbonne – Année

2012-2013

SEANCE 6
CONDUIRE UNE POLITIQUE PUBLIQUE DE SECOND RANG

Question 6.1. Dans quels cas apparaît un problème de second rang ?

Quand l’une des conditions nécessaires à l’établissement d’un optimum de Pareto n’est pas
remplie.
Idée que la réalité n’est pas parfaite et qu’il peut exister des distorsions sur certains marchés.
D’une manière très générale, l’existence d’une distorsion signifie que la tarification ne se fait pas
au coût marginal (comme c’est le cas en CPP)
Si on reprend le texte de Lipsey et Lancaster (T8), les distorsions ou contraintes peuvent être
« nature-dictated » ou « policy created » :
- distorsions « naturelles » => essentiellement des caractéristiques particulières de fonctions
de production. Ex typique : industries de réseaux avec coûts fixes importants =>
monopole naturel – tarification de 1er rang possible mais impose un profit négatif pour
l’entreprise – généralement, on recommande une tarification de second rang :
maximisation du surplus collectif sous contrainte d’équilibre budgétaire (cf séance 9)
- distorsions générées par les politiques publiques : essentiellement taxes et subventions
(taxes : séance 11 – en théorie il existe des taxes non distorsives – forfaitaires – théorie de
l’impôt optimal dont il est aussi fait question dans le texte 8 où on explique que ce type de
transfert est difficile à mettre en place en pratique du fait d’un problème d’information
généralement on se contente de solutions de second rang en matière de taxation => on y
reviendra dans la séance 11) => exercice sur ce point

on parle parfois de contraintes « exogènes » pour dire qu’il s’agit de contraintes supplémentaires
par rapport au modèle de référence.

Dans le raisonnement mathématique et graphique qui avait permis de définir l’optimum de 1er
rang (conditions de Pareto), on va définir l’optimum de second rang en ajoutant une contrainte
qui va réduire le domaine des possibles (l’ensemble des points atteignables) et de ce fait on va se
retrouver sur une courbe d’indifférence plus basse et donc la satisfaction retirée de cet état sera
plus faible qu’en premier rang.

Exemple : dans le cas du monopole naturel, on obtient la solution de 1er rang en cherchant
simplement à maximiser le surplus total et on obtient la solution de 2nd rang en maximisant le
surplus total sous contrainte de profit nul (non négatif).
X2

A


B

X1

B = OPTIMUM DE SECOND RANG = second best en anglais


Définition : l’optimum de second rang est la meilleure situation économique qu’il est possible
d’atteindre, lorsque l’optimum de Pareto (premier rang - A) ne peut pas être atteint.
Idée de « faute de mieux » => on ne peut pas atteindre l’optimum de 1er rang, on va quand même
essayer de faire du mieux possible => 2nd rang

Question 6.2. Quels sont les principaux enseignements de la théorie du second rang telle que formulée par
Lipsey et Lancaster ?
Théorème formulé en 1956
Puisque nous vivons dans un monde imparfait : que se passe-t-il lorsqu’une des hypothèses
nécessaire à la réalisation de l’optimum paretien n’est pas remplie ?
T8 : Le théorème général du second rang mentionne que si l’une des conditions de l’optimum
paretien n’est pas atteinte, une situation d’optimum de second rang peut seulement être atteinte
en se démarquant de toutes les autres conditions de l’optimum.

Autrement dit, on ne peut pas aller pas à pas vers l’efficacité. Les conditions nécessaires pour
l'attribution optimale des ressources économiques doivent se tenir dans leur intégralité ; si l'une
d'entre elles est altérée, toutes les autres conditions sont modifiées.

Complément : S’il y a une distorsion sur un marché, on ne peut rien dire a priori et de manière
générale sur le type de déviations nécessaires à appliquer aux conditions restantes du fait de la
déviation originelle d’une des conditions. En tout cas, il n’y aucune raison pour que le maintien
de l’absence de distorsion dans les autres secteurs soit optimal.
Exemple dans le texte : existence d’une taxe sur un bien qui est à l’origine d’une distorsion, pour
atteindre l’optimum de second rang, il faut mettre en place un système de taxes et subventions
sur les autres biens. => autrement dit, il faut introduire d’autres distorsions.

On parle parfois de paradoxe car c’est un résultat contraire au bon sens.

Exemple 1 (=> schéma) :


- si dans un pays A, il y a trois monopoles,
- et dans un pays B, autre 2 monopoles et un marché concurrentiel
dire que le pays B est plus proche de la concurrence et donc de l’optimum de 1er rang que le
premier pays est probablement faux (en tout cas, il n’y a aucune raison de le penser).

2
Exemple 2 :
Situation dans laquelle il existe une distorsion à laquelle on ne peut pas remédier – ex : monopole
naturel
Une source additionnelle de distorsion => externalités liées à la pollution
Idée du théorème de Lipsey et Lancaster : le fait d’introduire une taxe correctrice des externalités
n’est pas forcément une bonne idée car peut amener à un équilibre inférieur à l’équilibre qui
existait sans intervention de l’Etat.

A des implications très importantes :


- d’un point de vue théorique : rejet d’une approche fragmentaire (piecemeal policy) => rejet
de l’analyse en équilibre partiel (si il y a une distorsion sur un autre marché, la meilleure manière
de se rapprocher de l’optimum n’est peut-être pas de supprimer les distorsions sur ce marché =>
on est obligé de tenir compte de tous les marchés simultanément => analyse en équilibre général)

en même temps, on voit bien qu’on se trouve dans une impasse dans ce cas => il est impossible
/ très difficile de tenir compte de toutes les distorsions sur tous les marchés en même temps

=> pragmatisme de Davis et Winston (10 ans après L and L) => relativisent critique de
l’approche fragmentaire : appropriée lorsque certains marchés ou secteurs ont peu d’impact sur
d’autres => en pratique, on fait des analyses en équilibre partiel

- en termes de politique économique : a été très discuté.


Par exemple, la politique concurrentielle de l’Europe à travers la direction de la concurrence (tout
pas vers un peu plus de concurrence est un mieux pour l’Europe) va complètement à l’encontre
de ce théorème.

Question 6.4. Second rang.

Soit une économie comportant un seul consommateur dont les préférences sont données par :
U = log( x1 ) + log( x2 ) − l
x1 et x2 donnent les niveaux de consommation des biens 1 et 2.
l est le temps consacré au travail.
On suppose que les 2 biens sont produits à partir du travail uniquement.
Les unités sont choisies de telle manière que les prix du producteur pour les 2 biens (q1 et q2) et le
taux de rémunération (w) sont égaux à 1.

a. Ecrivez le programme de maximisation du consommateur et déterminez sa demande de biens et son offre de


travail.

Le consommateur tire son revenu du temps qu’il passe à travailler (wl) et le dépense entièrement
pour acheter des biens ( q1 x1 + q 2 x 2 ).
Sa contrainte budgétaire peut donc s’écrire : q1 x1 + q 2 x 2 = wl
Comme q1 = q2 = w = 1 , on obtient : x1 + x 2 = l

Le programme du consommateur s’écrit donc :


Max. U = log( x1 ) + log( x 2 ) − l
s.c. x1 + x2 = l

Le problème peut se résoudre à :

3
Max. U = log( x1 ) + log( x2 ) − x1 − x 2

∂U 1
La condition nécessaire pour le bien i (i=1,2) est : = −1 = 0 soit : xi = 1
∂xi xi

Ainsi, les demandes de biens du consommateur sont : x1 = x2 = 1 et son offre de travail est :
l = x1 + x2 = 2
Le gouvernement souhaite prélever un montant T=1 au consommateur pour financer ses activités. Pour cela, il
envisage deux systèmes de taxation différents : la taxation des biens d'une part et la taxation du revenu d'autre
part.

b. On se place dans le cas où le gouvernement choisit de taxer les biens.


Ecrivez le programme de maximisation du consommateur adapté à ce nouveau contexte.
Déterminez ses fonctions de demande pour les deux biens.
Appliquez la règle de l'élasticité inverse pour montrer que les deux biens doivent être taxés de la même manière.
Calculez le montant de la taxe permettant d’obtenir un niveau de revenu T=1.
Déduisez-en la demande pour chaque bien et l'offre de travail.

Dans la mesure où le gouvernement taxe les 2 biens, les prix pour le consommateur s’écrivent
désormais : (q1+t1) et (q2+t2) et la contrainte budgétaire devient :
(q1 + t1 ) x1 + (q 2 + t 2 ) x 2 = wl
Comme on a toujours q1 = q2 = w = 1, on en déduit : (1 + t1 ) x1 + (1 + t 2 ) x 2 = l

Le programme du consommateur s’écrit donc :


Max. U = log( x1 ) + log( x 2 ) − l
s.c. (1 + t1 ) x1 + (1 + t 2 ) x 2 = l

Le problème peut se résoudre à :


Max. U = log( x1 ) + log( x 2 ) − (1 + t1 ) x1 − (1 + t 2 ) x 2

∂U 1
La condition nécessaire pour le bien i (i=1,2) est : = − (1 + t i ) = 0
∂xi xi
1
soit : xi =
1 + ti
1 1
Les fonctions de demande pour les deux biens s'écrivent donc : x1 = et x 2 =
1 + t1 1 + t2
t1 ε 2d
La règle de l’élasticité inverse indique que : =
t 2 ε 1d
Dans la mesure où les fonctions de demande pour les 2 biens sont identiques, on a : ε 1d = ε 2d ,
ε 2d
soit : = 1.
ε 1d

[Remarque, si on voulait vérifier que les deux biens ont la même élasticité prix, on procéderait de la manière
suivante :

4
qi dxi
ε id =
xi dqi
1 + t i dxi
Dans notre cas, avec un prix égal à 1 et une taxe ti sur chaque bien, on a : ε id =
xi d (1 + t i )
1 + ti 1
En utilisant la fonction de demande qu’on a calculé en b, on obtient : ε id = × (− ) = −1
1 (1 + t i ) 2
1 + ti
Les 2 biens ont donc une élasticité de -1.]

t1
Ainsi, la règle de l’élasticité inverse indique que : = 1 et donc : t 1 = t 2 = t .
t2

Le revenu du gouvernement est défini par :


1 1 2t
T = t1 x1 + t 2 x 2 = t +t =
1+ t 1+ t 1+ t

2t
T = 1 implique donc : =1 soit t = 1 .
1+ t
1
Avec t = 1, la demande pour les deux biens vaut : x1 = x 2 = et l'offre de travail :
2
l = (1 + t1 ) x1 + (1 + t 2 ) x 2 = 2

c. On se place maintenant dans le cas où le gouvernement choisit de taxer le revenu de l'individu.


Ecrivez le programme de maximisation du consommateur adapté à ce nouveau contexte.
Déterminez la demande du consommateur pour les deux biens et son offre de travail.

La contrainte budgétaire du consommateur s’écrit désormais : x1 + x 2 = l − 1


Et le programme de maximisation du consommateur devient :
Max. U = log( x1 ) + log( x 2 ) − l
s.c. x1 + x 2 = l − 1

Le problème peut se résoudre à :


Max. U = log( x1 ) + log( x 2 ) − x1 − x 2 − 1

La condition nécessaire pour le bien i (i=1,2) est :


∂U 1
= −1 = 0 soit : x1 = x 2 = 1 et l = 3
∂xi xi

d. Montrez que la taxation des biens est une taxation de second rang.

Le niveau d’utilité du consommateur en cas de taxation des biens est :


1 1 1
U = log( x1 ) + log( x 2 ) − l = log( ) + log( ) − 2 = 2 log( ) − 2 soit U = −3.39
2 2 2

5
Le niveau d’utilité du consommateur en cas de taxation du revenu est :
U = log( x1 ) + log( x2 ) − l = log(1) + log(1) − 3 soit U = −3

La taxation du revenu est donc plus efficace que la taxation des biens (même montant prélevé et
utilité du consommateur supérieure). Comme on le reverra dans le TD 11, la plupart des taxes
sont distortives, au sens où elles génèrent des effets de substitution qui sont à l’origine de pertes
de bien-être. La taxation du revenu utilisée dans cet exercice est une taxation idéale, non
distorsive (dite "forfaitaire"). On peut montrer qu'une taxe proportionnelle sur tous les biens
d'une économie est parfaitement efficace et équivalente à la taxation du revenu. Lorsque le temps
de travail est endogène, le loisir doit cependant impérativement être inclus dans les biens à taxer.
La difficulté à taxer le loisir est à l'origine des distorsions qui font des taxations de biens des
taxations de second rang. C'est précisément ce qui se passe dans l'exercice : la taxation ne porte
que sur deux des trois prix de l'économie (le salaire, qui peut être considéré comme le prix du
loisir, est exclu du système de taxation), ce qui change le prix relatif entre consommation et loisir
et génère des effets de substitution.

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