Les paires de mots qui ne diffèrent que par un seul phonème sont appelées « paires
minimales ». Nous pouvons avancer que l’objectif dans une analyse phonologique est
d’identifier les sons qui créent des distinctions de sens. Pour parvenir à un tel résultat, il faut
mettre en relation la forme et le signifié des formes. En d’autres mots, nous cherchons à
déterminer si les différences sémantiques sont causées par des différences phonétiques. Les
paires minimales sont exigées pour que l’on puisse parler de l’existence d’une opposition
phonologique donnée.
Le phonème, plus petite unité sonore de la langue peut être figuré par une lettre ou un
ensemble de lettre (bateau est constitué de quatre phonèmes /b/- /a/ -/t/- /o/.
Par commutation, le phonème, contribue à produire un changement de sens pour des unités
de rang supérieur, les « mots ». Il a une fonction distinctive.
La prononciation des mots de la langue française repose sur 36 phonèmes.
Le graphème transcrit à l’écrit un phonème. Un graphème peut être une lettre ou un groupe
de lettres. La lettre /b/ transcrit le phonème /b/, le groupe de lettre « eau » transcrit le
phonème /o/ dans le cas du mot « bateau ».1
L'identification des phonèmes d'une langue donnée se fait au moyen de deux opérations
distinctes, mais complémentaires :
La phonématique :
C’est la branche de la phonologie qui étudie les phonèmes qui sont en nombre limité dans une
langue. Elle étudie les traits distinctifs qui opposent les phonèmes d’une même langue.
L’objectif de la phonématique est d’étudier leurs combinaisons. Elle étudie aussi les règles
qui président à l’agencement des phonèmes dans la chaine parlée. 2
La segmentation permet de dégager les différentes productions vocales. C’est une procédure
qui consiste à segmenter l’énoncé, c'est-à-dire à le diviser en morphèmes, qui seront à leur
tour segmentés en unités constituantes, les phonèmes.
Cette opération précise la classification des unités selon les rapports syntagmatiques qu’elles
entretiennent.
c- La commutation :
La commutation est le moyen qui permet d’identifier les phonèmes qui composent un énoncé,
par le remplacement et la substitution d’un son par un autre sur l’axe paradigmatique.
Elle permet d’attribuer une valeur fonctionnelle aux productions vocales. Elle est l’un des
outils fondamentaux du fonctionnalisme chez André Martinet car elle consiste à commuter un
son avec un autre qui permet de distinguer des unités significatives, c’est-à-dire des paires
minimales.
Nous pouvons avancer que quand un phonème sonore est suivi d’un phonème sourd, le
premier s’assourdit au contact du phonème sourd et tend vers le phonème sourd qui lui
correspond. Phonème sonore + phonème sourd = phonème assourdi + phonème sourd
Exemple : abstrait- /ap.stʁɛ\ [b] est suivi de [s] ; le phonème sonore [b] tend vers le
phonème sourd [p].
Trait de voisement
/p, b/ (p. ex. poule/boule), débit/ dépit, praire/braire, palais/balai
/t, d/ (p. ex. thé/dé), tard/dard
/k, g/ (p. ex. camp/gant), comme/gomme
/f, v/ (p. ex. fer/verre), bien/vient
/s, z/ (p. ex. poisson/poison), Seine / zen
/ʃ, ʒ/ (p. ex. chou/joue)
Trait de nasalité
/a, ɑ̃/ (ex. bas/banc),
/o, ɔ̃/ ex. pot/pont)
/ɛ, ɛ/̃ (ex. trait/train)
Lieu d’articulation
/t, k/ (ex. toucher/coucher)
/f, s/ (ex. fou/sou)
/j, l/ (ex. fille/fil)
/ʃ, s/ (ex. chaise/seize)
/ʒ, z/ (ex. jaune/zone)
/b, d/ (ex. beau/dos)
/g, d/ (ex. gout/doux)
/s, t/ (ex. sou/toux)
/z, d/ (ex. onze/onde)
/ ʁ, l/ (ex. riz/lit)
/f, p/ (ex. fil/pile)
Voyelles orales :
- /e, / (ex. épis //épées).
- /o, u, / (ex. faux/fou).
- /?, ?, u/ (ex. bas/boue).
- /ø, o, u/ (ex. deux/dos).
« On peut dire qu’une paire minimale est « composée de deux termes dont la différence de
sens est due à un seul trait de phonème. Ce trait est dit pertinent ou phonologique. »3
En effet, la paire minimale est formée de deux mots de son différent et dont la signification
est différente aussi : à un changement de prononciation correspond un changement de
signification dans les trois positions).
D'après les paires minimales au-dessous /p/ et /b/ sont deux phonèmes distincts.
Ainsi, la paire minimale montre que les phonèmes d'une langue n'ont pas une signification en
eux même mais qu’ils ont une fonction purement distinctive : /p/ se distingue de /b/ et c'est
cette fonction distinctive qui entraîne une distinction entre /paʁ/ et
bar / /a.pɔʁ/ et /a.bɔʁ/ /kʁɑ̃p/ et /kʁɑ̃b/
On peut dire que dans une paire minimale les deux mots ne se distinguent sur le plan
phonique que par un seul son, les autres sons restent identiques.
On peut dire qu'il y a des traits qui se répètent totalement (occlusive + orale) et d'autres qui se
répètent partiellement (sourde, sonore, apico-dentale et vélaire).
Occlusive et orale sont des traits redondants. En revanche les traits : sourde, sonore, apico-
dentale et vélaire sont pertinents car ils servent à différencier les consonnes les unes des
autres.
3
Béatrice Pothier, contribution de la linguistique à l’enseignement du français. PUQ, 2000. P.28.
sourdes p t k
sonores b d g
Variantes conditionnées (combinatoires): [ ] sourd (très), [R] sonore (droit) • dépend des sons
avoisinants 2. Variantes libres: [r] alvéolaire, [R] vélaire • différence régionale ou sociale4
Un phonème est "une unité minimale distinctive" selon André Martinet, ce qui veut dire qu'il
s'agit d'un son qui change le sens d'un mot. Par exemple, le son [p] substitué au son [b] dans
le mot bon créerait une distinction de sens en français et constituerait, par le fait même, un
phonème.5
Chute des sons : Par chute ou élision d’un son nous entendons sa disparition complète.
L’élision est souvent due à une sorte de paresse articulatoire qui fait que le locuteur « omet »
volontairement l’articulation d’un son.
Exemple : La chute du /t/ dans « maintenant » /mɛñ ã/
Pour un son donné, une seule variante est possible dans un contexte précis et toujours
identique, une autre variante se produit dans un autre contexte tout aussi précis et identique.
Ces variantes combinatoires se produisent en un point précis de la chaîne, elles s’excluent
mutuellement, ce sont les allophones d’un phonème.
Selon les règles d’assimilation, un son assimile un autre, il le rend semblable à lui. On dit
qu’un son est assimilé lorsqu’il devient identique au son voisin.
sonore + sourde devient sourde: vodka se prononce
[votka], médecin [mɛtsɛ]̃ , obscur [opskyʁ]; absent \ap.sɑ̃\ obtenir [ɔptəniʁ]
sourde + sonore devient sonore: examen se prononce [ɛgzamɛ]̃ , adjudication [adʒydikasjɔ̃]
✔︎la coarticulation explique pourquoi le point d’articulation de /k/ est plus antérieur quand
suivi de [i] ou [e] et davantage reculé avec [u] ou [o].6
On peut dire qu’un phonème se réalise concrètement par diverses variantes comme indiqué
supra :
libres: elles sont individuelles et dépendent du locuteur; la même personne employant
indifféremment l’apicale ou l’uvulaire à l’initiale du mot repos par exemple.
combinatoires: elles dépendent du contexte linguistique.
4
http://languesweb.blogspot.com/2014/03/pairs-minimales-et-identification-des.html
5
http://www.sfu.ca/fren270/Phonetique/PhontExerc/corrige3.htm
6
https://www.verbotonale-phonetique.com/phonetique-phonologie/
Traits pertinents (ou traits distinctifs)
À strictement parlé, un trait pertinent serait tout trait phonique ou articulatoire qui permet de
remplir une fonction distinctive dans une langue donnée. Le trait pertinent désigne un trait
phonique dont la présence ou l'absence dans un phonème entraîne un changement de sens du
mot.
Par exemple le trait nasal est un trait pertinent car il est présent dans /m/ et absent dans /p/, et
c'est lui qui distingue mort /mɔʁ/ de port /pɔʁ/.
Ce sont les traits pertinents qui sont importants à la phonologie et ce n'est pas l’ensemble des
traits phoniques. Les traits pertinents jouent un rôle phonologique, ils sont distinctifs : ils
distinguent les phonèmes les uns des autres. De même se sont ces traits qui rendent le son un
phonème.
Trait complexe
En français, les phonèmes /p/ et /f/ dans la paire four /fuʁ/ et pour /puʁ/, se distinguent par les
traits suivants :
P : occlusive + bilabiale
F : fricative + labiodentale
Donc occlusive + bilabiale est un trait complexe; de même fricative + labiodentale est un trait
complexe.
Mais si on compare /p/ aux autres phonèmes consonantiques du français on constatera ceci :
toutes les consonnes bilabiales sont occlusives, En revanche, les occlusives ne sont pas toutes
bilabiales. Par conséquent c'est le trait de bilabialité qui est pertinent.
Applications
1 Transcrivez phonétiquement les paires de mots suivantes. Ensuite, dites s’il s’agit à chaque
fois d’une paire minimale.
Mon –-lit – pain- faire- port- mange- mort- poison- pain-brin- bon-
Lu- bon- pour- range- poisson- meurt-brun- pin- pont
2 Associez chaque transcription phonologique à sa représentation orthographique :
Mule /mil/
Mal /mul/
Mille /myl/
Moule \mɔl\
Molle /mal/
3 Transcrivez le phonème consonantique qui correspond à la graphie en caractère gras :
Majorité
Candidat
Citoyen
Président
Election
Bibliographie
André Martinet, 1956, la description phonologique, avec application au parler franco-
provençal d’Hauteville, Savoie. Librairie DROZ.
Béatrice Pothier, contribution de la linguistique à l’enseignement du français. PUQ, 2000.
Jean –Marie Pierret, Phonétique historique du français et notions de phonétique générale.
Peeters Publishers, 1994.
Maryline Lambert, 1997, sur le bout de la langue : introduction au phonétisme du français.
Canadian Scholars’.