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REPUBLIQUE DU BENIN

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UNIVERSITE D’ABOMEY-CALAVI (UAC)
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FACULTE DE DROIT ET SCIENCES POLITIQUES (FADESP)

LICENCE 1

SUPPROT DE COURS DE DROIT CONSTITUTIONNEL

SECOND SEMESTRE

MATIÈRE : RÉGIMES POLITIQUES

Professeur Ibrahim David SALAMI


Agrégé des facultés de droit
Professeur titulaire de droit public
Avocat au Barreau du Bénin

Assisté de Dr Josué CHABI KPDANDE

Mai 2020
2020
Objectifs du cours

Objectif général : Appropriation et connaissance de la Constitution béninoise du 11 décembre


1990 modifiée par la loi n°2019-40 du 7 novembre 2019

Objectif spécifique : identification des régimes politiques à partir des cas suisse et béninois

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TABLE

INTRODUCTION P. 6

PREMIERE PARTIE : LA THEORIE DES REGIMES POLITIQUES P. 10

Chapitre 1 : Les régimes d’équilibre des pouvoirs P. 11

SECTION I : Le régime parlementaire P. 11

SECTION II : Le régime présidentiel P. 11

Chapitre 2 : Les régimes mixtes et déséquilibrés P. 16

SECTION I : Le régime semi-présidentiel P. 16

SECTION II : Le régime d’assemblée P. 16

DEUXIEME PARTIE : LES REGIMES POLITIQUES CONTEMPORAINS :


LE CAS DE LA SUISSE ET DU BENIN P.17
Chapitre 1 : LE REGIME POLITIQUE SUISSE P. 18

SECTION I : Les caractéristiques des institutions fédérales P. 19

SECTION II : Le rapport entre les institutions politiques et une conception


particulière de la démocratie P. 23
Chapitre 2 : Le régime politique béninois P. 26

SECTION I : Le pouvoir exécutif P. 26

SECTION II : Le parlement P. 35

SECTION III : La Cour constitutionnelle P. 44

SECTION IV : L’émergence d’un contre poids ignoré :


Les autorités administratives indépendantes (AAI) P. 58

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BIBLIOGRAPHIE

I- Ouvrages sur le Bénin

1) SALAMI I. D., La Constitution béninoise commentée (à jour de la loi n°2019-40 du 7


novembre 2019 portant révision de la Constitution), 2è édition, CeDAT, mars 2020,
Collection de poche.
2) SALAM, I. D., et GANDONOU D. O. M., Droit constitutionnel et institutions du Bénin,
Cotonou, Edition Cedat, 2014.
3) Commentaire de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990, Cotonou 2010, Édition
Konrad Adenauer.

II) Manuels de droit constitutionnel français

1) FAVOREU Louis et autres, Droit constitutionnel, Dalloz, 21è éd. 2019


2) Gicquel Jean et Jean-Eric GICQUEL, Droit constitutionnel et institutions
politiques, LGDJ, 33è éd., 2019-2020.
III-Webographie

http://www.cour-constitutionnelle-benin.org/ : site de la Cour constitutionnelle du Bénin.

http://www.accpuf.org/: site de l’Association des cours constitutionnelles ayant en

partage l’usage du français.

http://www.venice.coe.int/site/main/Constitutional_Justice_F.asp: site de la Commission


européenne pour la démocratie par le droit, page sur la justice constitutionnelle.

http://www.la-constitution-en-afrique.org/ : Blog du professeur Stéphane BOLLE, dédié à

l’actualité et à l’analyse du droit constitutionnel en œuvre en Afrique.

www.cedatuac.org : site du Centre de Droit Administratif et de l’Administration


Territoriale dédiée à l’analyse du droit public béninois et au droit public comparé

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INTRODUCTION

Voici le schéma : le système politique est un mode d’organisation de la société. Il


comprend le régime politique, la structure économique, l’organisation sociale… le régime
politique est la composante du système politique et qui est relatif à l’organisation du
pouvoir au sein d’un Etat en fonction du système politique adopté.

La structure économique est un schéma d’organisation sociétal de la production, de la


distribution à la consommation des biens et services. Le système économique influence le
niveau de vie des habitants, sur le niveau des inégalités, sur les relations avec les Etats, sur la
puissance économique. La structure économique est relative à la manière avec laquelle une
économie produit ou crée une richesse. Elle varie en fonction des régions et des époques. Les
pays occidentaux suivent une organisation fondée sur le libéralisme. Le système économique
des pays de l’ex-bloc de l’est est fondé sur le principe de l’économie communiste. L’on obverse
aussi le système économique qualifié d’économie dirigiste pratiqué par la Chine jusqu’à un
passé rescent. La structure économique a donc un effet sur le développement économique car
elle conditionne l’affectation des ressources : c’est un mode de répartition des ressources.

L’organisation sociale est un processus de formation des structures sociales, ayant tendance à
réguler, ordonner les interactions sociales entre entités sociales. Cette organisation comporte
ses propres normes sociales, formes de hierarchisation et sa propre culture.

Une organisation sociale, au sens de structure sociale, est une forme organisée et relativement
stable observable à laquelle peut lui attribuer du sens. Usuellement, on fait référence aux
collectifs, aux sociétés, aux entreprises, aux institutions sociales.

Une norme sociale réfère à une façon de faire ou d’agir, une règle de conduite tacite ou écrite,
qui a prévalence dans une société ou un groupe social donné. Elle est légitimée par des
habitudes, des valeurs, des croyances partagées au sein d’un collectif donné, ainsi que par le
contrôle social exercé.

Les normes sociales définissent ce qui est socialement acceptable de faire et d’être en
distinguant les comportements et les attitudes, qui sont conformes aux attentes, des
comportements et attitudes qui sont jugés déviants. Elles traduisent les valeurs et les idéaux
dominants d’une société ou d’un groupe. Il n’est pas obligatoire que tous les groupes d’une
même société donnée partagent les mêmes normes, c’est même rarement le cas. Ces

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divergences entre les normes apportent des conflits sur les façons adéquates de se comporter,
dans diverses situations.

Il existe des normes formelles (écrites : lois, différents codes et règlements). Il existe
également des normes informelles qui constituent en fait les mœurs, les habitudes, les coutumes,
etc. (ex. politesse, rythme de repas). Le non-respect de ces normes est soit toléré soit rejeté et
sanctionné. Dans le cas de normes formelles, les sanctions consisteront en de la prison, des
amendes, licenciements, etc. Sinon, il s’agira principalement de sanctions morales telles que
des brimades, allant jusqu’à l’exclusion d’un individu. La plupart des membres de la société ou
du groupe accordent une valeur au respect des normes sociales. Le respect de ces normes
contribue à la cohésion sociale, mais l’application de sanctions sociales peut aussi mener à
l’exclusion sociale.

Un système politique est donc une catégorie plus générale qui prend en compte des éléments
d’ordre idéologique ou socio-économique (le système démocratique, par exemple, comprend
plusieurs types de régime : parlementaire, présidentiel, etc. ; de modèles économiques :
libéralisme, capitalisme ; de d’organisation sociale : individualiste : promotion de l’individu,
…). Il existe plusieurs systèmes politiques. Les principaux sont la démocratie, l’autoritarisme,
le totalitarisme, le monarchisme ou le féodalisme.

Les systèmes autoritaires sont, tout comme les systèmes totalitaires, des organisations
arbitraires de la société qui ne laissent pas de place à la société civile. Par contre, si dans un
système totalitaire on assiste à une fusion de la sphère publique et de la sphère privée, les
systèmes autoritaires sont caractérisés par une exclusion des citoyens à la participation
publique. Bien que l’élément de la violence ne soit pas une composante systématique dans les
systèmes autocratiques, souvent les deux vont de pairs.

Exemples de régimes politiques autoritaires : Dictature militaire ; Oligarchie raciale ;


Stratocratie (Gouvernement militaire dont les chefs sont des guerriers de profession).

Système théocratique

La théocratie est un système politique où la légitimité politique découle de la divinité. La


souveraineté y est exercée par la classe sacerdotale, qui cumule pouvoir temporel et religieux.

Système féodal

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La féodalité est un système politique dont l’autorité centrale a été affaiblie ; le pouvoir souverain
est attribué à des principautés, des fiefs ou des fédérations gouvernés par des seigneurs et
destinés à stabiliser la région et/ou le peuple.

Cette organisation de la société se développa en Europe entre le Vème et le VIIIème siècle,


après le démembrement de l’Empire romain. Elle fut également mise en œuvre au Japon de
1192 à 1868, lorsque le Shogun déléguait son pouvoir sur les provinces à des chefs de clans :
les daimyos. Le féodalisme (du latin feudum, fief) est souvent assimilé à la féodalité.

Toutefois, si les deux termes ont été créés par les historiens, et employés un temps pour marquer
le mépris d’une période antérieure, le terme « féodalisme » est plus récent. Il apparaît au
XIXème siècle et désigne chez les historiens marxistes le mode de production qui succède à
l’esclavagisme de l’Antiquité et précède l’économie capitaliste.

La monarchie

Le monarchisme est une doctrine politique qui prône la monarchie, c’est-à-dire une forme de
gouvernement dans laquelle l’État est dirigé par une seule personne qui représente ou exerce
l’ensemble des pouvoirs. On peut distinguer plusieurs monarchismes : La monarchie de droit
divin (par exemple l’Ancien Régime en France) ; La monarchie absolue ; La monarchie
constitutionnelle (le Royaume-Uni, la Belgique, le Canada, le Maroc…).

Systèmes composites ou intermédiaires

Corporatisme, doctrine économique et sociale basée sur le regroupement de différents corps de


métier au sein d’institutions défendant leurs intérêts.

Jacobinisme, doctrine politique qui défend la souveraineté populaire et l’indivisibilité de la


République française. Il tient son nom du club des Jacobins parisien où ses membres, issus du
mouvement du jansénisme parlementaire, s’étaient établis pendant la Révolution française,
dans l’ancien couvent des Jacobins.

Les régimes politiques

Le mot régime vient du latin « regimen » qui signifie action de diriger ou de conduire. Appliqué
au droit constitutionnel, le régime politique est donc un mode d’organisation d’un État.

Le régime politique fait référence à la manière dont le pouvoir est organisé et exercé au sein
d’une entité politique donnée. Il renvoie à la forme institutionnelle du pouvoir mais également

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à la pratique découlant de cette forme. Il est distingué du système politique qui est l’étude des
acteurs et des actions.

La première partie du cours de droit constitutionnel est un rappel en ce qu’il porte sur la théorie
de la séparation des pouvoirs et la typologie des régimes politiques. Dans la seconde partie, il
sera procédé à l’étude du fonctionnement des régimes contemporains, un de type occidental et
l’autre africain :

- 1 ère Partie : La théorie des régimes politiques


- 2 ème Partie : Les régimes politiques contemporains : le cas de la Suisse et du Bénin.

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PREMIERE PARTIE : LA THEORIE DES REGIMES POLITIQUES

Depuis l’Antiquité, s’est posée la question de la distinction des différentes formes de


gouvernement. PLATON et ARISTOTE ont établi une classification des gouvernements selon
l’origine de la souveraineté. On retrouve la forme aboutie de cette théorie chez Aristote. Le
disciple de Platon définit ainsi trois types de gouvernement normaux : la royauté, l’aristocratie,
et la démocratie ; et trois types de gouvernements corrompus : la tyrannie ; l’oligarchie et la
démagogie.

Dans son opuscule Vers la paix perpétuelle, KANT divise les formes d’un État en fonction des
personnes qui détiennent le pouvoir suprême (autocratie, aristocratie et démocratie), puis
suivant la manière dont le chef gouverne le peuple (républicanisme ou despotisme). Les formes
de gouvernement se distinguent suivant que l’État mette à exécution de son propre chef les lois
qu’il a lui-même faites (c’est le despotisme) ou qu’il existe un principe politique : celui de la
séparation du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif (c’est le républicanisme). Ensuite,
MADISON allègue dans Le Fédéraliste que l’accumulation de tous les pouvoirs – législatif,
exécutif et judiciaire – dans les mêmes mains, est « la véritable définition de la tyrannie ».

La royauté est un régime politique dans lequel le chef de l’État est roi. L’aristocratie est un
régime politique dans lequel le pouvoir souverain est exercé par les meilleurs, les plus méritants
ou les plus aptes. Il peut s’agir d’une caste, d’une famille ou de quelques individus. La
démocratie est un régime politique dans lequel le pouvoir est détenu ou contrôlé par le peuple
sans qu’il y ait de distinctions dues à la naissance, la richesse, la compétence, etc.

La tyrannie est un pouvoir absolu conquis et exercé par la force et illégalement après un coup
d’État. Dans un régime oligarchique, la plupart des pouvoirs sont entre les mains d’un petit
nombre d’individus, de quelques familles ou d’une partie de la population. Il peut s’agir d’une
classe sociale ou d’une caste. La démagogie est une attitude politique et rhétorique visant à
essayer de dominer le peuple en recourant à l’art de séduire le peuple, en vue de bénéficier de
son soutien et en feignant de soutenir ses intérêts. C’est l’art de conduire le peuple en sachant
lui parler et le charmer.

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A partir du XVIIIe siècle, la doctrine a commencé à fonder la typologie des régimes sur la
manière dont le pouvoir est réellement exercé. S’appuyant sur MONTESQUIEU, on a pu
distinguer les régimes de confusion des pouvoirs des régimes de séparation de pouvoir.

CHAPITRE 1 : LES RÉGIMES D’ÉQUILIBRE DES POUVOIRS : LE RÉGIME


PARLEMENTAIRE ET LE RÉGIME PRÉSIDENTIEL

Il est une fausse idée de considérer la séparation des pouvoirs comme le critère unique et absolu
de distinction des régimes politiques. En effet, les régimes parlementaire et présidentiel sont
marqués par un certain équilibre de pouvoirs. Cet équilibre empêche un pouvoir de dominer
durablement et continuellement les autres. Il n’y a donc en réalité pas de corrélation directe et
absolue entre la séparation des pouvoirs et la définition des régimes politiques. L’erreur repose
sur le fait qu’une partie de la doctrine considère le régime parlementaire comme celui de la
séparation souple alors que le régime présidentiel serait celui de la séparation rigide. La
collaboration serait donc plus affirmée en régime parlementaire qu’en régime présidentiel.

SECTION I : LE RÉGIME PARLEMENTAIRE

Dans sa version la plus courante, on y trouve trois organes : d’abord, un parlement


monocaméral ou bicaméral ; ensuite, un chef d’État qui peut être roi ou président de la
République et enfin, un gouvernement appelé Cabinet dirigé par un chef. Mais avant même de
déterminer les critères fondamentaux du régime parlementaire, il importe de commencer par le
caractériser.

PARAGRAPHE I : LES CARACTÉRISTIQUES

Le régime parlementaire est très souvent caractérisé par le bicéphalisme de l’exécutif et la


collaboration entre ce dernier et le législatif.

A : LA DISSOCIATION DES ORGANES EXÉCUTIFS

Le régime parlementaire est marqué par la dissociation des fonctions de chef d’État et de chef
de gouvernement. C’est pour cela qu’on dit du régime parlementaire qu’il est un ménage à trois
(chef de l’État, chef de gouvernement et parlement). Mais le chef de l’État ne participe plus en
réalité ou alors ne participe que très peu à l’exercice du pouvoir. Le centre névralgique du
pouvoir se trouve au sein du cabinet, lequel répond de l’exercice du pouvoir. Dans la mesure

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où le chef de l’Etat dans un régime parlementaire classique n’exerce pas le pouvoir, il est tout
autant irresponsable. La responsabilité allant de pair avec l’exercice du pouvoir, c’est le cabinet
qui assume la responsabilité politique. D’où l’irresponsabilité politique du premier et la
nécessité du contreseing. Ainsi, tout acte du chef de l’État doit être contresigné par le chef de
cabinet (ou le ministre concerné) qui en devient ainsi responsable devant le parlement.

B : LA COLLABORATION DES POUVOIRS

Dans le régime parlementaire, le gouvernement et la majorité parlementaire sont en principe


étroitement soudés. Les ministres peuvent être choisis parmi les parlementaires, ils ont accès
au parlement. Les deux institutions disposent de moyens d’action réciproques ; ce qui les oblige
à collaborer. Ainsi par exemple, l’exécutif a l’initiative des lois concurremment avec le
parlement et celui-ci a le droit de poser des questions aux ministres (interpeller le
gouvernement) afin de s’informer, soutenir ou combattre.

L’existence de moyens d’action réciproque se traduit de la façon suivante :

- Le parlement ou l’une au moins de ses chambres peut renverser le gouvernement ;

- Le chef de l’État ou le chef de gouvernement peut dissoudre le parlement ou l’une de


ses chambres.

Ces deux deniers moyens constituent les critères fondamentaux du régime parlementaire.

PARAGRAPHE II : LES CRITÈRES

Le critère principal est celui de la responsabilité politique, le droit de dissolution (2 ndcritère)


n’est que le pendant ou la contrepartie du premier.

A : LA RESPONSABILITÉ POLITIQUE DU CABINET

En droit, de façon générale, la responsabilité est le fait de supporter les conséquences de certains
actes. Rapportée à la situation des ministres dans un régime parlementaire, on en distingue trois
sortes : la pénale, la civile et la politique.

La distinction ne tient pas à la nature proprement dite des actes qui donnent lieu à la
responsabilité ou au but dans lequel elle peut être engagée. En effet, les actes posés par les
ministres ont toujours une connotation politique ainsi que leurs buts. Par ailleurs, le même acte
peut conduire à chacune des trois responsabilités. La distinction s’attache simplement à la
procédure employée et au type de sanction.

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La responsabilité pénale est celle qui est engagée devant une juridiction répressive (juge pénal)
qui donne lieu à une sanction pénale, généralement une peine. La responsabilité civile est
engagée devant une juridiction civile ordinaire selon une procédure civile et qui donne lieu à
une sanction civile c'est-à-dire la condamnation à dommages-intérêts par exemple.

Quant à la responsabilité politique, elle est engagée selon une procédure purement politique et
passe par un vote au sein d’une assemblée politique. La sanction est elle-même politique :
l’obligation de démissionner. Par conséquent, la responsabilité politique est le pouvoir qu’a une
assemblée de contraindre un ministre ou un gouvernement à démissionner. Il s’agit d’un
pouvoir de révocation qui peut être individuel ou collectif.

La responsabilité politique peut être mise en jeu soit à l’initiative des parlementaires (1er cas)
soit à l’initiative du gouvernement (2nd cas). Dans le 1er cas, on parle de motion de censure et
dans le 2nd cas, on parle de question de confiance. La confiance s’apprécie à l’aune d’un vote
sanctionnant le gouvernement à une majorité renforcée. Le vote négatif signifie que le
gouvernement a perdu la confiance du parlement et qu’il doit démissionner. Certains auteurs
considèrent que le seul critère d’identification du régime parlementaire est la responsabilité
politique du gouvernement. Par conséquent, même en l’absence du droit de dissolution, le
régime peut toujours être qualifié de parlementaire. Le droit de dissolution doit-il être préservé
à tout prix ?

B : LE DROIT DE DISSOLUTION

La dissolution est la décision par laquelle un terme est mis à l’existence d’une assemblée avant
l’expiration du mandat de ses membres.

Le droit de dissolution appartient soit au chef de l’État, soit au chef de gouvernement. La


dissolution s’applique soit à une seule chambre et c’est le cas le plus fréquent, soit aux deux
chambres comme c’est le cas en Italie. Loin d’être inutile, la dissolution permet de compenser
la responsabilité politique et donc d’équilibrer le régime parlementaire.

En son absence ou en cas de désuétude, le régime est déséquilibré en faveur du parlement. En


effet, la dissolution n’est pas prévue pour être toujours utilisée en ce sens que la seule menace
d’y recourir permet de dénouer les crises politiques et il en est de même d’ailleurs pour la
responsabilité politique. Les deux allants de pair, elles constituent les deux faces d’une même
réalité. Ce sont avant tout, les moyens de pression et d’équilibre du régime parlementaire.

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SECTION II : LE RÉGIME PRÉSIDENTIEL

Une partie de la doctrine considère le régime présidentiel comme un régime de séparation


rigide. En réalité, le régime présidentiel est un régime de non confusion des pouvoirs marqué
par l’absence du droit de récusation réciproque entre le gouvernement et le parlement, par le
système des poids et des contrepoids et par une collaboration fonctionnelle entre les pouvoirs.

Le régime présidentiel est apparu à la fin du XVIIIe siècle avec la Constitution des États-Unis
de 1787 c'est-à-dire un peu plus d’un demi-siècle après la formation du régime parlementaire
en Grande Bretagne.

Né dans des conditions différentes, il s’inscrit dans une double négation, par rapport au régime
parlementaire et par rapport à la monarchie. Il s’agit d’un régime de non confusion des pouvoirs,
d’un régime bi-représentatif et d’équilibre des pouvoirs.

Le régime américain est considéré par la doctrine occidentale comme le seul authentiquement
présidentiel. C’est pour cela que Jean GICQUEL parle de « réussite solitaire ». En d’autres
termes, ce régime serait hors de portée des imitateurs. Souvent présenté par une certaine
doctrine comme un régime de séparation stricte des pouvoirs, la réalité du régime américain
contraint à la nuance. Même au sein du régime présidentiel américain, on note une collaboration
à la fois organique et fonctionnelle entre les pouvoirs.

En effet, le président peut arrêter le congrès (parlement) en recourant à son droit de veto alors
que le congrès peut inversement anéantir la politique gouvernementale en refusant de voter le
budget. Les pouvoirs sont donc distingués et différenciés afin qu’ils soient obligés d’aller de
concert. Dans ces conditions, la séparation stricte des pouvoirs ne peut rester qu’au stade de la
théorie ou de la légende. Il ne peut pas y avoir de régime qui fonctionne sans collaboration.

Deux éléments fondamentaux caractérisent le régime présidentiel : un exécutif monocéphal et


l’indépendance réciproque entre les pouvoirs exécutifs et législatif.

PARAGRAPHE I : LE MONOCÉPHALISME DE L’EXÉCUTIF

En régime présidentiel, le pouvoir exécutif est concentré entre les mains d’un organe qui cumule
les fonctions de chef d’État et de chef de gouvernement. Le Chef de l’État assume ainsi
l’entièreté du pouvoir exécutif. Le chef de l’Etat dispose d’une autorité considérable justifiée
par son caractère largement représentatif. Le chef de l’Etat exerce pleinement le pouvoir
exécutif soit directement, soit par l’intermédiaire de ses ministres.

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Contrairement à la situation des ministres dans un régime parlementaire, le chef de l’État choisit
les ministres en dehors du parlement et les révoque de façon discrétionnaire. Les ministres ne
forment pas en principe un véritable gouvernement c’est-à-dire un organe collégial et solidaire
ayant des tâches et une responsabilité propres. Ce qui veut dire que dans un régime présidentiel,
le gouvernement n’existe pas en dehors du chef de l’État.

Les pouvoirs considérables de cet organe trouvent leur justification dans l’élection au suffrage
universel par tout le corps électoral. C’est en cela qu’il est l’élu de toute la nation.

PARAGRAPHE II : L’INDÉPENDANCE RÉCIPROQUE DE L’EXÉCUTIF ET DU


LÉGISLATIF

Cette indépendance est caractérisée par le fait que la désignation, l’existence et la disparition
de l’un ne dépendent pas de l’autre. L’organe exécutif c’est-à-dire le chef de l’Etat assisté de
ses ministres dispose pleinement du pouvoir exécutif. Le législatif exerce pleinement la
fonction législative. L’un et l’autre, pour toute la durée de leurs mandats respectifs, exercent
pleinement et entièrement sa fonction ; d’où deux conséquences importantes :

- Premièrement, un organe ne doit en principe jamais interférer dans l’exercice des


fonctions dévolues à l’autre. Le chef de l’Etat ne peut pas participer à la fonction
législative et le parlement ne peut pas intervenir dans le fonctionnement de l’exécutif.
Mais en réalité, tel n’est pas le cas. Le chef de l’Etat, par des voies détournées, introduit
ses projets de loi, de sorte qu’il est appelé « chief legislator ».

- Deuxièmement, un organe ne peut exercer des pressions sur l’autre jusqu’à obtenir sa
démission ou sa disparition. Il n’y a donc ni responsabilité politique ni dissolution. Mais
il y a une collaboration organique : le vice-président américain est en même temps
président du Sénat. La nomination de magistrats Cour suprême américaine est soumise
à l’avis conforme du Sénat, etc.

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CHAPITRE 2 : LES REGIMES MIXTES ET DÉSÉQUILIBRÉS

Un régime mixte procède de la juxtaposition des éléments du régime parlementaire et du régime


présidentiel. Un régime déséquilibré est un régime dans lequel, bien souvent, la confusion des
pouvoirs bénéficie à un seul organe, lequel domine les autres.

SECTION I : LE RÉGIME SEMI PRÉSIDENTIEL

Il est un exemple classique de régime mixte. En effet, il emprunte les éléments suivants aux
deux types de régimes. D’abord au régime parlementaire, l’existence d’un gouvernement
collégial, solidaire et responsable devant l’Assemblée élue au suffrage universel direct. Ensuite,
au régime présidentiel, un chef de l’Etat élu lui aussi au suffrage universel direct et disposant
non seulement de l’autorité et la légitimité populaire que confère ce mode de désignation mais
aussi d’un pouvoir considérable.

SECTION II : LE RÉGIME D’ASSEMBLÉE

Le régime d’assemblée est un régime dans lequel une assemblée unique et souveraine détient
la totalité ou l’essentiel du pouvoir politique. Les pouvoirs exécutif et judiciaire sont
subordonnés au pouvoir législatif. L’exécutif est donc une autorité subordonnée à une
assemblée qui domine tous les autres pouvoirs. Il y a confusion du pouvoir au profit du
législatif.

Bien souvent, le régime parlementaire, notamment en l’absence d’une seconde chambre


parlementaire capable de compenser la concentration des pouvoirs, peut aboutir au régime
d’assemblée. Néanmoins, une simple inégalité entre les pouvoirs ne suffit pas à caractériser un
tel régime. Il faut, pour qu’il y ait un régime d’assemblée, que l’exécutif ne préserve aucune
indépendance vis-à-vis du parlement.

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DEUXIEME PARTIE : LES REGIMES POLITIQUES CONTEMPORAINS : LE CAS
DE LA SUISSE ET DU BENIN

L’étude des régimes politiques contemporains ne saurait être exhaustive. Il s’agit dans le cadre
de ce cours, d’illustrer ce que pourrait avoir de trop abstraite la théorie des régimes politiques
en ayant recours à des cas concrets, par l’étude de deux régimes politiques actuellement
pratiqués.

A cet égard, deux régimes ont été choisis, celui de la Suisse parce qu’il est un prototype de la
catégorie des régimes parlementaires qui illustre parfaitement la confusion des pouvoirs dans
une démocratie (Chapitre 1). Le deuxième porte sur le régime de séparation des pouvoirs. C’est
le régime présidentiel béninois, qui retiendra l’attention comme l’on pourrait s’en douter
(Chapitre 2).

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CHAPITRE 1 : LE REGIME POLITIQUE SUISSE

John Locke et Montesquieu sont les premiers à donner une première expression théorique du
principe de la séparation des pouvoirs. Ces derniers ont toujours combattu la confusion des
pouvoirs au profit de la séparation des pouvoirs.

C’est en Angleterre, aux Etats-Unis et en France que s’est développé progressivement ce


principe de la séparation des pouvoirs avec notamment une division tripartite ou bipartite des
pouvoirs. Ces pouvoirs sont l’exécutif, le législatif et le judiciaire, comme l’a relevé
Montesquieu.

Selon le principe de la séparation des pouvoirs, les trois pouvoirs identifiés à savoir l’exécutif,
le législatif et le judiciaire doivent être confiés à trois organes séparés et indépendants. Ce qui
n’est pas le cas de la confusion des pouvoirs où un seul organe détient la réalité des trois
pouvoirs. Le cas de la Suisse fait beaucoup réfléchir.

Beaucoup d’auteurs affirment que ce régime entretient la confusion des pouvoirs. D’autres,
non. Une chose est sure, le Parlement suisse domine et contrôle tous les autres pouvoirs.
L’Assemblée suisse dispose évidemment du pouvoir législatif, mais est également
juridiquement titulaire de l’exécutif, même si pour la division du travail elle délègue cet exécutif
à un conseil qui reste placé sous sa dépendance.

Quelles sont les caractéristiques du régime politique suisse et comment sont organisés les
pouvoirs dans un tel régime ?

Etudier le régime politique suisse revient essentiellement à mettre en lumière le régime de


confusion des pouvoirs et avec la singularité suisse.

Il nous permettra d’analyser la nature des pouvoirs avec leur organisation ainsi que leur rapport,
surtout que depuis 1848, la Suisse est un État fédéral (art. 3 de la Constitution), appelé aussi
Confédération (art. 1er de la Constitution). Cette confédération est composée de 26 cantons,

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chaque canton ayant son propre parlement, son propre gouvernement, ses propres tribunaux,
mais aussi sa propre Constitution, qui ne doit pas être contraire à la Constitution fédérale.

Après avoir relevé les caractéristiques des pouvoirs peuplant le paysage institutionnel de cet
Etat (Section 1), il sera souligné ensuite le rapport qu’entretiennent ces pouvoirs entre eux
(Section 2).

SECTION I : Des caractéristiques des institutions fédérales

La prédominance du parlement (Paragraphe 1), la dépendance de l’Exécutif et le rôle


important du parlement dans la nomination des juges du tribunal fédéral (Paragraphe 2) seront
analysés.

Paragraphe 1 : Une prédominance poussée du Parlement

Le Parlement suisse est bicaméral (art. 148.2 de la Constitution), c’est-à-dire, composé de deux
chambres qui sont relativement dotées des mêmes compétences. Il s’agit du Conseil national
encore appelé chambre basse qui rassemble les représentants du peuple et le Conseil des États
également appelé chambre haute qui réunit les représentants des cantons. Ce sont ces deux
chambres réunies qui forment l’Assemblée fédérale, constituée de 246 députés.

Le Conseil national ou la chambre basse est composé de 200 membres (art. 149.1 de la
Constitution). Ces membres représentent l’ensemble de la population, soit environ 8 millions
d’habitants que compte la Suisse. Comme la Constitution fédérale prévoit que chaque canton a
droit à au moins un siège au Conseil national, un canton comme Appenzell Rhodes-Intérieures,
qui compte un peu moins de 16 000 habitants, délègue un représentant du peuple à Berne.

Quant au Conseil des États, encore appelé chambre haute, il est composé de 46 membres qui
représentent chacun leur canton, à raison de deux députés par canton (art. 150. 1 de la
Constitution). Cette règle connaît toutefois une exception. Les cantons d’Obwald, de Nidwald,
de Bâle-Ville, de Bâle-Campagne, d’Appenzell Rhodes-Intérieures et d’Appenzell Rhodes-
Extérieures, en tant qu’anciens demi-cantons, n’ont droit qu’à un représentant chacun à la
chambre haute (art. 150. 2 de la Constitution). Les députés au Conseil des États sont tous élus
au suffrage direct.

Le Conseil national et le Conseil des États siègent en principe séparément. Cependant, il est des
cas où ils se réunissent pour examiner en commun certaines questions parlementaires. Ainsi,

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c’est l’Assemblée fédérale (les deux chambres réunies) qui élit notamment les membres du
Conseil fédéral et des tribunaux fédéraux.

Elle est l’autorité suprême de la Confédération (art. 148. 1 de la Constitution), sous réserve des
droits du peuple et des cantons. Il s’agit là d’une particularité tout helvétique. À la différence
d’autres États, c’est le Parlement qui élit le Gouvernement et l’instance judiciaire suprême. De
plus, les décisions du Parlement, sont insusceptibles de tout contrôle juridictionnel. Par ailleurs,
il ne peut être dissous avant la fin d’une législature.

Si la mission première du Parlement est bien évidemment d’élaborer des lois, il remplit
également les tâches suivantes :

– débloquer des ressources financières (budget) et approuver le compte d’État ;

– exercer une surveillance sur le Conseil fédéral, l’administration fédérale et les tribunaux
fédéraux ;

– élire les membres du Conseil fédéral et des tribunaux fédéraux ainsi que le chancelier de la

Confédération ;

– approuver les traités internationaux dont la conclusion ne relève pas de la compétence du

Conseil fédéral ;

– entretenir des relations suivies avec les parlements étrangers.

Les deux conseils sont dotés des mêmes compétences, ils examinent les mêmes objets en
procédant de manière identique ; cela vaut également pour les questions budgétaires.

La priorité d’examen d’un objet revient à chacune des deux chambres à tour de rôle. Les
décisions prises doivent être concordantes pour être valables. Les membres du Conseil des États
et ceux du Conseil national sont eux aussi investis des mêmes droits : chacun d’eux peut déposer
des projets de loi ou confier des mandats au Conseil fédéral.

Paragraphe 2 : Un exécutif commis

Le Gouvernement suisse est appelé le Conseil fédéral. Mais à vrai dire, il est beaucoup plus un
Directoire (art. 174 de la Constitution). Il est élu par le parlement pour un mandat de quatre (04)
ans, renouvelable indéfiniment. Chacun de ces membres est individuellement élu. Ce Conseil
fédéral est élu après le renouvellement du Conseil national tous les quatre (04) ans. Le 11
19
décembre 2019, l’Assemblée fédérale a élu, conformément à aux dispositions de la Constitution
sept (07) membres (art. 175 de la Constitution) pour siéger au Conseil fédéral pendant 4 ans
(2020-2023).

En Suisse, ce sont les quatre premiers partis politiques qui remportent les élections législatives
qui désignent les membres du Gouvernement. Les trois premiers partis désignent chacun deux
(02) membres et le quatrième parti désigne un (01) membre. Ce qui fait que les membres du
Gouvernement font au total sept (07). Comme le veut la Constitution, les sept membres élus
représentent les différentes régions et communautés linguistiques.

Contrairement aux autres Etats qui disposent de plusieurs dizaines de ministres, la Suisse, quant
à elle, ne dispose que de sept ministres et ce, depuis 1848. Ce sont ces sept (7) membres du
Conseil fédéral qui dirigent chacun des départements administratifs (ou ministériels).

Il faut souligner qu’il n’y a pas en Suisse, la fonction instituée de chef de l’Etat, comme l’on
observe dans les autres Etats. Ainsi, il est désigné parmi les sept ministres et ce pour une année,
le président de la Confédération, mais qui n’a pas un rôle de Chef de l’Etat, ni de Gouvernement.
Il n’est pas rééligible à la fin de l’année. Il n’a qu’un rôle protocolaire. Il dirige les réunions du
Conseil fédéral, représente la Suisse à l’extérieur. Il accrédite les ambassadeurs et les
organisations internationales et prononce le discours de l’indépendance et de fin d’année. Bien
qu’étant président de la Confédération pour le compte d’une année, il demeure toujours un
ministre. Ce qui fait qu’il n’a pas de réel pouvoir sur ses pairs. Dès que l’année finit, il cesse
d’être président et un autre ministre est désigné par l’Assemblée fédérale.

Le Conseil fédéral est responsable de l’activité gouvernementale (187. 1. b de la Constitution).


Il se réunit en règle générale une fois par semaine pour une séance ordinaire. Il examine les
dossiers particulièrement complexes lors de séances spéciales. Le Conseil fédéral planifie et
coordonne l’activité gouvernementale (art. 180. 1 de la Constitution). Il fixe à cet effet des
stratégies et des objectifs sur la base desquels il prépare des projets de loi (art. 181 de la
Constitution). Par le biais de procédures de consultation, il recueille l’avis de larges cercles de
la population et de l’économie. Il soumet ensuite les projets au Parlement afin que ce dernier
délibère sur eux.

Il gère les finances de la Confédération au moyen du budget et du compte d’État (art. 183 de la
Constitution). Les décisions finales à ce sujet relèvent du Parlement. Pour cette raison, les
membres du collège proviennent de divers cantons.

20
Le Conseil fédéral prend ses décisions de façon collégiale, à savoir par consensus, afin que sa
politique soit susceptible de rallier une majorité d’opinions favorables. Vis-à-vis de l’extérieur,
les conseillers fédéraux défendent la position du collège, même si leur parti la désapprouve ou
s’ils sont personnellement d’un autre avis.

A la différence des systèmes pratiqués à l’étranger, la Suisse ne connaît pas de séparation


distincte entre le Gouvernement et l’opposition.

Hormis les institutions politiques, comment est organisée l’institution juridictionnelle ?

Paragraphe 3 : Le Tribunal fédéral

Le Tribunal fédéral constitue la plus haute autorité judiciaire de la Suisse (art. 188. 1 de la
Constitution). Il statue en dernière instance sur tous les recours dirigés contre les décisions des
tribunaux suprêmes cantonaux, du Tribunal pénal fédéral, du Tribunal administratif fédéral et
du Tribunal fédéral des brevets. Par ses décisions, le Tribunal fédéral veille à l’application
correcte du droit fédéral dans les cas d’espèce et à la protection des droits constitutionnels du
citoyen (art. 189 de la Constitution).

En tant qu’autorité de dernière instance, le Tribunal fédéral est appelé à statuer dans presque
tous les domaines du droit. Sur recours des personnes concernées, il examine si le droit a été
correctement appliqué dans la décision attaquée. Contrairement à d’autre pays, le Tribunal
fédéral n’a pas le pouvoir de contrôler la conformité des lois fédérales avec la Constitution (art.
189. 4 de la Constitution).

Par ses décisions, le Tribunal fédéral garantit l’application uniforme du droit fédéral dans tout
le pays. Ses décisions contribuent au développement du droit et à son adaptation aux situations
nouvelles. Les autres tribunaux ainsi que les autorités administratives se conforment à sa
jurisprudence et en reprennent les principes.

Le Tribunal fédéral a son siège à Lausanne et possède sept cours compétentes, chacune dans
des domaines juridiques spécifiques ; il existe ainsi deux cours de droit public, deux cours de
droit civil, une cour de droit pénal et deux cours de droit social. Les deux dernières Cours se
trouvent sur le site de Lucerne.

21
Les 38 juges du Tribunal fédéral sont élus pour 6 ans par l’Assemblée fédérale (Conseil national
et Conseil des États) sur proposition de la Commission judiciaire du Parlement.

Cette élection suit des critères de compétence et de représentation équitable des langues, des
régions et des partis politiques. Les juges fédéraux peuvent se représenter indéfiniment ; la
limite d’âge est fixée à 68 ans. L’Assemblée fédérale élit le président et le vice-président du
Tribunal fédéral parmi les juges ordinaires. S’y ajoutent 19 juges suppléants, également actifs
au Tribunal fédéral.

SECTION II : Le rapport entre les institutions politiques et une conception particulière


de la démocratie

Le rapport entre les deux pouvoirs politiques à savoir l’Assemblée fédérale et le Conseil fédéral,
d’une part (Paragraphe 1) et la pratique exceptionnelle du référendum et du consensus
démontre la conception particulière de la démocratie en Suisse (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Le rapport entre les institutions politiques

La Suisse est un Etat fédéral qualifié de régime d’Assemblée par bien d’auteurs. Dans ce régime
il y a les pouvoirs législatif, exécutif et le judiciaire, bien séparés l’un de l’autre. Cependant,
c’est le pouvoir législatif qui contrôle et domine les autres. Dans ce sens, il est bien légitime de
penser à une confusion des pouvoirs au profit de l’Assemblée.

En revanche, il faudra souligner que cette Assemblée est aussi faible qu’elle est puissante.
Comme souligné plus haut, il y a un bicamérisme avec à la fois le Conseil National composé
de 200 membres élus pour 4 ans à la représentation proportionnelle et le Conseil des Etats
composés de 46 membres qui représentent les cantons. C’est l’ensemble de ces deux chambres
qui va élire l’exécutif.

Comme dans un régime parlementaire, l’exécutif doit exécuter la volonté du Parlement. Mais
contrairement à ce qui se passe dans un régime parlementaire, il y a absence de la mise en jeu
réciproque des responsabilités. Les moyens d’actions réciproques en vue d’engager la
responsabilité de l’un ou de l’autre sont absents. Ainsi, l’Exécutif ne peut pas être renversé par
22
le Parlement. Quand les parlementaires ne sont pas contents, ils votent une interpellation et ils
doivent respecter la volonté de l’Assemblée. Donc, on note une irresponsabilité du Comité
fédéral. En pratique, malgré cette irresponsabilité, l’Exécutif fédéral se soumet à la volonté de
l’Assemblée.

Par ailleurs, le Comité fédéral qui dépend fortement de l’Assemblée, ne peut en aucun cas,
dissoudre, aucune des chambres du Parlement, encore moins ce dernier.

Paragraphe 2 : Un pays de référendum et de consensus.

Le régime politique suisse est celui qui a le plus développé les procédés de démocratie semi
directe à savoir le référendum, les initiatives populaires. De même, le consensus y joue un rôle
essentiel.

D’abord, le référendum.

La Suisse a développé le référendum en matière constitutionnelle et en matière législative.

En ce qui concerne le référendum constitutionnel, il faut noter que le Conseil fédéral a


l’obligation d’organiser un référendum sur tout projet de révision de la Constitution qui doit
recevoir la double majorité du peuple et des cantons (art. 140 de la Constitution). Le référendum
est donc obligatoire en matière constitutionnelle. Il en est de même pour les lois fédérales
déclarées urgentes alors qu’elles sont dépourvues de base constitutionnelle et dont la durée de
validité n’excède pas une année (art. 140.1.c de la Constitution). Aussi, il peut être organisé
pour ratifier certains textes, dont les traités internationaux.

En ce qui concerne le référendum législatif, il est facultatif (art. 141 de la Constitution). En


principe, il n’y a pas de démocratie semi-directe en matière de législation ordinaire. Pourtant,
la Constitution fédérale prévoit deux procédures qui permettent l’organisation d’un
référendum :

– soit par la voie de l’initiative populaire (mais uniquement dans le sens abrogatif, et avec 50
000 signatures requises) ;

– soit par l’Exécutif, sur un certain nombre de textes énumérés par la Constitution (certaines
lois, certains traités internationaux, des arrêtés fédéraux).

Ensuite l’initiative populaire.

23
Un certain nombre de citoyens peut demander l’organisation d’un référendum. Le projet est
soumis à l’Assemblée fédérale, qui peut accepter ou non le texte et le modifier. Elle transmet
alors celui-ci au Conseil fédéral, qui organise le référendum. Le Tribunal fédéral doit se
prononcer sur la recevabilité de l’initiative populaire.

En matière constitutionnelle, il faut recueillir 100 000 signatures pour demander l’organisation
d’un référendum. L’initiative populaire peut alors être en faveur d’une révision complète de la
Constitution (ce qui ne s’est jamais produit) ou être présentée avec un projet rédigé ; celui-ci
doit alors être soumis à l’Assemblée fédérale, qui statuera dessus. L’Assemblée peut le refuser
et rédiger un contre-projet ; le référendum organisé portera alors sur le texte de l’initiative
populaire et sur celui de l’Assemblée fédérale. Une troisième question invite les électeurs à se
prononcer par préférence sur l’un ou l’autre des textes pour le cas où il y aurait égalité des voix.

En matière législative ordinaire, il faut recueillir 50 000 voix pour que l’initiative populaire
puisse prospérer.

À l’examen, le régime suisse n’apparaît vraiment pas comme un authentique régime


d’assemblée, car les pouvoirs de l’assemblée fédérale sont contrebalancés par les procédures
de démocratie semi-directe précédemment évoquées.

Le consens joue un rôle fondamental dans ce régime politique.

Enfin, le consensus.

En Suisse, depuis le 20ème siècle, l’habitude a été prise d’instaurer un Gouvernement de


concordance. Et c’est donc au sein de l’Exécutif que ce consensus est réalisé. Pour composer
l’Exécutif, les sept (7) membres sont élus individuellement en tenant compte des considérations
politiques, linguistiques et religieuses.

Sur le plan politique, les sièges sont répartis par rapport aux partis politiques. Les plus grands
partis ont deux sièges et le petit en a 1.

En ce qui concerne les langues, il y en a quatre (04) germanophones, deux (02) francophones
et un (1) italophone.

Sur le plan religieux, traditionnellement, il y a un protestant et trois (03) catholiques.

24
CHAPITRE 2 : LE REGIME POLITIQUE BENINOIS

La Constitution de 1990, onzième de l’histoire du Bénin et celle de la cinquième


République, a apporté au pays la stabilité politique et institutionnelle ainsi que la
liberté.

Elle établit un régime présidentiel inspiré du modèle américain tout en s’imprégnant


de l’histoire et des réalités béninoises. Dans ce régime, une distribution équilibrée des
pouvoirs est organisée entre le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir
juridictionnel.

Il sera donc étudié, les principales institutions mises en place par la Constitution du 11
décembre 1990 et de sa pratique, tel qu’il suit :

- L’exécutif ;

- Le parlement ;

- La Cour Constitutionnelle ;

- Les autorités administratives indépendantes.

25
SECTION I : LE POUVOIR EXECUTIF

« Bien qu’il soit l’élu de la Nation, le Président de la République n’est pas libre
d’exercer comme il l’entend ses prérogatives. Non seulement il est politiquement tenu
par la satisfaction de l’intérêt général, fondement de sa propre légitimité, mais encore,
il est juridiquement encadré dans l’exercice de son autorité par la Constitution » 1. Il y
a lieu de penser que bien souvent, l’exercice du pouvoir présidentiel au Bénin laisse
penser à un pouvoir solitaire.

Le pouvoir exécutif (encore appelé simplement l'exécutif) est l'un des trois pouvoirs
constituant l'État dans un régime respectant la séparation des pouvoirs. Il est chargé
de déterminer et/ou de conduire la politique de l'État et d'appliquer la loi élaborée par
le pouvoir législatif. Il est souvent confondu avec l’Etat dont il n’est qu’une branche. Il
a un statut dérogatoire et dispose de vastes attributions.

Le pouvoir exécutif est incarné au Bénin par le chef de l’État : il est donc monocéphal.
Les constituants béninois de 1990 ont tiré leçon de l’histoire pour confier l’exclusivité
du pouvoir exécutif à un seul organe.

En effet, l’histoire politique et constitutionnelle du Dahomey enseigne que le


bicéphalisme (mode d'organisation du pouvoir exécutif dans lequel les compétences
attribuées à l'organe exécutif sont exercées par le chef d'État et son gouvernement) ou
la dyarchie (forme de gouvernement où deux dirigeants règnent en position égale sur
une société) au sommet du pouvoir exécutif a toujours conduit au blocage, aux crises
institutionnelles et aux coups d’État.

La révision du 1er novembre a institué un duo à la tête de l’exécutif dont l’élection (le
président de la République et son Vice-président) se fait sur un ticket. Mais la réalité
du pouvoir exécutif est détenu par le Chef de l’Etat alors que le Vice-président n’est
qu’un éventuel successeur.

Paragraphe I : Le duo présidentiel

1
Th. HOLO, Communication, Journée de réflexion sur la Constitution du 11 décembre 1990, Institut des Droits
de l’Homme, août 2006.
26
Le Président de la République (PR) est à la fois chef de l’État et chef du gouvernement.
Il est à la fois le premier organe constitutionnel, le premier pouvoir public et la plus
haute autorité administrative du Bénin. Il tire son autorité et sa légitimité de son
élection par l’ensemble du corps électoral.

L’article 41 décline la perception qu’a le pouvoir constituant du chef de l’État : « Le


Président de la République est le chef de l’État. Il est l’élu de la Nation et incarne l’unité
nationale. Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité territoriale et du respect de
la Constitution, des traités et accords internationaux ».

L’alinéa 3 dudit article prévoit un vice-président de la République pour assurer la


vacance de la présidence de la République. Il est élu en même temps que le Président
de la République sur le même ticket.

I- LE MANDAT PRÉSIDENTIEL
A. LE MODE DE SCRUTIN

Le duo présidentiel est élu au suffrage universel direct. Il, le duo est élu, par le même ticket par
un scrutin majoritaire à deux tours (article 43 nouveau). Le duo, président de la République et
vice-président de la République, est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés. Si cette
majorité n’est pas obtenue au premier tour, on organise un second tour auquel seuls les deux
duos de candidats ayant recueilli le plus grand nombre de suffrages au premier tour se
présentent. En cas de retrait d’un duo, les duos suivants retenus dans l’ordre de leur classement
après le premier tour sont retenu. Le désistement, l’empêchement ou le décès d’un candidat aux
fonctions de président de la République invalide la candidature du duo. Mais lorsque ces cas de
figure concernent le candidat aux fonctions de vice-président, la candidature reste valide et en
cas de victoire, le président de la République après sa prestation de serment désigne son vice-
président dans les quarante-huit heures qui suivent. Cette désignation se fait après avis
consultatif du bureau de l’Assemblée nationale. La désignation doit respecter les conditions
d’éligibilité tel que prévu à l’article 44 de la Constitution.

B. LA DURÉE DU MANDAT

Le mandat est de 5 ans. Selon l’article 42 alinéa 1, le mandat est renouvelable une seule
fois. Le second alinéa de l’article 42 indique qu’en aucun cas, nul ne peut exercer plus

27
de deux mandats présidentiels. La précision apportée par l’alinéa 2 de l’article 42 n’est
pas redondante. Elle exclut en toutes hypothèses, l’exercice de plus de deux mandats
présidentiels, que ce soit de façon continue ou discontinue en apportant la précision
suivant laquelle les deux mandats concernent l’éventuel candidat qui aurait déjà
exercé les fonctions présidentielles de sa vie.

II- L’ELIGIBILITE
L’élection présidentielle n’est pas ouverte à tous les citoyens. La recevabilité de la
candidature est soumise aux conditions constitutionnelle et légale.

A. LES CONDITIONS D’ELIGIBILITE

Conformément à l’article 44 de la Constitution, le candidat doit :

- être béninois de naissance ou avoir acquis la nationalité depuis au moins une


décennie ;

- être d’une bonne moralité et d’une grande probité ;

- jouir de ses droits civils et politiques ;

- avoir entre 40 et 70 ans au jour du dépôt de la candidature ;

- ne pas avoir été élu deux fois président de la République et exercé comme tel
deux mandats ;

- résider sur le territoire béninois au moment du dépôt de sa candidature ;

- jouir d’un état complet de bien-être physique et mental ;

- être dûment parrainé par des élus (16 députés ou 16 maires ou encore 16
députés et maires).

B. LES INCOMPATIBILITÉS

Il y a lieu de distinguer l’inéligibilité de l’incompatibilité. L’inéligibilité rend la


candidature irrecevable. Elle s’applique a priori c’est-à-dire avant l’élection.

En revanche, l’incompatibilité joue après l’élection. L’incompatibilité ne s’oppose pas


à l’élection du candidat. Seulement, le candidat élu doit opter c’est-à-dire choisir entre
cette qualité et une autre fonction. D’après l’article 51 de la Constitution béninoise, la
28
fonction présidentielle est incompatible avec l’exercice de tout autre mandat électif, de
tout emploi public, civil ou militaire et de toute autre activité professionnelle. C’est
l’une des déclinaisons du caractère exclusif de la fonction présidentielle.

PARAGRAPHE II : Le président de la République ou la réalité du pouvoir exécutif

Le président de la République est le véritable détenteur du pouvoir exécutif. Ses


attributions le mettent bien en exergue.

L’accent sera mis sur les trois points suivants :

- le pouvoir normatif du Chef de l’État ;

- le pouvoir de nomination ;

- la participation du Chef de l’État aux autres fonctions.

I : LE POUVOIR NORMATIF DU CHEF DE L’ETAT

Conformément à l’article 54 de la Constitution, le Président de la République est le


détenteur exclusif du pouvoir exécutif et du pouvoir réglementaire. Il détermine et
conduit la politique de la Nation.

En tant que Chef de l’État et Chef du Gouvernement, le Président de la République


exerce les deux fonctions afférentes. Il dispose d’une palette importante de pouvoirs.

A. LES POUVOIRS DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE ET L’USAGE DE


L’ARTICLE 68 DE LA CONSTITUTION

- Les pouvoirs du Président de la République

Le Chef de l’État peut prendre des décisions importantes en Conseil des ministres,
notamment celles relatives à la politique générale de l’État, adopter des projets de loi,
prendre des ordonnances, des décrets et des mesures exceptionnelles.

Il existe plusieurs catégories d’ordonnances. Les ordonnances de l’article 68 de la


Constitution qui sont en fait des mesures exceptionnelles ; les ordonnances de l’article
102 de la Constitution et celles de l’article 110 de la Constitution.

- L’article 68 de la Constitution : la solution aux périls institutionnels ?


29
A l’image de l’article 16 de la Constitution française2 du 04 octobre 1958, l’article 68 de
la Constitution béninoise organise la dictature présidentielle. Une telle dictature n’est
concevable que dans un régime non dictatorial, venant ainsi déroger au
fonctionnement normal du système politique. A l’origine des pouvoirs exceptionnels,
se trouve l’idée qu’il peut y avoir nécessité dans certaines circonstances, de suspendre
la légalité des temps normaux afin d’assurer la survie ou le salut de l’État. Lorsqu’en
effet, les circonstances deviennent exceptionnelles, le droit s’adapte et devient lui-
même exceptionnel.

Conditions : l’usage de l’article 68 nécessite deux conditions cumulatives dont la


première comporte des critères alternatifs :

1. il faut une menace grave et immédiate sur :

a. les institutions de la République ;

b. ou l’indépendance de la Nation ;

c. ou l’intégrité du territoire national ;

d. ou enfin sur l’exécution des engagements internationaux ;

2. et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et constitutionnels soit


interrompu ou menacé de l’être.

Modalités : lorsque ces conditions sont remplies, le Président de la République doit :

1. consulter une autorité politique (le Président de l’Assemblée nationale) et une


autorité juridictionnelle (Président de la Cour constitutionnelle). Ces deux avis
politique et juridique sont obligatoires mais purement consultatifs. Autrement
dit, leurs contenus ne lient pas le chef de l’État. Dès lors, doivent-ils être écrits,
oraux, donnés en audience, séparément ou simultanément ? La Constitution n’a
pas précisé la forme ni le mode de demande d’avis, laissant ainsi une liberté
d’action à son titulaire ;

2
On peut relever une utilisation abusive de cet article 16 de la Constitution française par le général de GAULLE
en 1961. En effet, évoqué pour résoudre une crise qui n’a duré qu’une semaine, l’article a été appliqué pendant
environ 5 mois.
30
2. prendre en Conseil des ministres, les mesures exceptionnelles que
recommandent les circonstances en question ;

3. informer la Nation par un message. La nature du message n’est pas précisée


par la Constitution. La tradition s’est instaurée de délivrer un message
radiotélévisé dans lequel le Président République explique le bien-fondé du
recours à l’article 68.

Bien qu’il s’agisse des mesures exceptionnelles, elles font l’objet de deux limites
fondamentales :

1. le premier garde-fou a trait à l’état de droit substantiel et réside dans le fait


que la prise des mesures exceptionnelles ne doit pas remettre en cause les droits
et libertés garantis par la Constitution;

2. le second garde-fou est temporel et réside dans le fait que l’Assemblée


nationale se réunit de plein droit en session extraordinaire, fixe le délai au terme
duquel le Président de la République ne peut plus prendre des mesures
exceptionnelles.

B. LA PRISE DES ORDONNANCES

Les ordonnances constituent une catégorie hydride de normes. Organiquement, elles


relèvent du pouvoir exécutif alors que matériellement, elles interviennent dans le
domaine législatif. Elles constituent une exception à une certaine conception de la
séparation stricte des fonctions entre l’exécutif et le législatif.

Deux catégories d’ordonnances peuvent être prises par le Chef de l’État : celles de
l’article 102 et celles de l’article 110 de la Constitution béninoise.

- Les ordonnances de l’article 102 de la Constitution ou le dessaisissement volontaire


de la fonction législative.

Selon l’article 102 de la Constitution, le Gouvernement a la possibilité de demander à


l’Assemblée nationale de voter une loi qui l’autorise à légiférer par ordonnances : c’est
la loi d’habilitation.

31
Cette demande doit s’inscrire dans le cadre de l’exécution de son programme. L’autorisation
doit porter sur un objet déterminé dans un délai limité et fixé par la loi d’autorisation. Pour être
adoptée, ladite autorisation doit être votée à la majorité des 2/3 des membres composant
l’Assemblée nationale.

Ces ordonnances sont prises en Conseil des ministres après avis de la Cour constitutionnelle.
Elles entrent en vigueur dès leur publication. Mais le Gouvernement a l’obligation de déposer
un projet de loi de ratification desdites ordonnances avant la date fixée par la loi d’habilitation.

A défaut, les ordonnances deviennent caduques. Le dessaisissement temporaire et limité est


réalisé sous le contrôle du Parlement qui en est l’alpha et l’oméga.

- Les ordonnances de l’article 110 de la Constitution ou l’évocation punitive de la fonction


législative.

L’Assemblée nationale a l’obligation de voter le budget en équilibre, en recettes et en dépenses.


Le Gouvernement doit en principe déposer son projet de loi de finances à l’Assemblée nationale
avant l’ouverture de la session budgétaire (du mois d’octobre). Si le projet de loi de finances
est déposé à bonne date et que l’Assemblée nationale ne s’est pas prononcée à la date du 31
décembre, les dispositions du projet de loi de finances peuvent être mises en vigueur par
ordonnance.

Le Gouvernement saisit l’Assemblée nationale convoquée en session extraordinaire, dans un


délai de 15 jours après la prise de l’ordonnance, pour ratification de ladite ordonnance. Si à
l’occasion de cette session extraordinaire, l’Assemblée nationale ne vote pas (ne ratifie pas)
ledit projet, il est considéré comme définitivement adopté. Le fait que l’autorisation
parlementaire ne soit pas requise et que le budget pris par ordonnance soit considéré comme
adopté même si l’Assemblée nationale ne l’a pas voté, fait penser que l’article 110 de la
Constitution donne au Gouvernement un pouvoir d’évocation punitive qui s’analyse en une
sanction politique de son inaction ou de sa négligence.

II : LE POUVOIR DE NOMINATION ET LES AUTRES POUVOIRS DU CHEF DE


L’ETAT

Si le pouvoir de nomination concerne les plus hautes fonctions de l’État, les autres pouvoirs
eux, se déclinent en participation aux autres fonctions de la République.

A. LE POUVOIR PRESIDENTIEL DE NOMINATION


32
Le Président de la République détient le plus important pouvoir de nomination de la nation. Il
nomme les ministres, les hauts fonctionnaires, les magistrats, les cadres de l’armée, les
ambassadeurs, le Grand Chancelier de l’Ordre National, trois des sept membres de la Cour
constitutionnelle, le président de la HAAC, le président de la Cour suprême, le Médiateur de la
République, etc. (articles 54 à 56 de la Constitution).

B. LA PARTICIPATION PRÉSIDENTIELLE AUX AUTRES FONCTIONS

Grâce aux ordonnances, aux projets de loi, à la promulgation de la loi et à la demande d’une
seconde délibération, le Président de la République participe à la fonction législative.

La promulgation est l’acte par lequel le Chef de l’État atteste que la loi a été votée de façon
régulière et ordonne aux autorités publiques de l’observer et de la faire respecter.

Conformément à l’article 57 alinéa 3 de la Constitution, le Président de la République peut,


avant l’expiration du délai de promulgation (5 jours en cas d’urgence ou 15 jours délai
ordinaire) demander à l’Assemblée nationale une seconde délibération qui ne peut être refusée.
La seconde délibération porte sur la loi ou certains de ses articles.

La seconde lecture permet au Président de la République d’influer ou de faire modifier la


volonté exprimée par le Parlement à travers une loi qu’elle a adoptée. C’est un vote ultime et il
ne saurait y avoir de troisième délibération.

Après ce dernier vote, le Président de la République est tenu de promulguer la loi, dans un
nouveau délai qui commence à courir à compter de la transmission qui lui a été faite par le
Président de l’Assemblée nationale. Si le Président de la République ne s’exécute pas, la Cour
constitutionnelle saisie par le Président de l’Assemblée nationale rend la loi exécutoire. Dans
ce cas, la loi est annexée à la décision de la Cour et porte la signature du Président de la Cour.

Grâce au pouvoir de nomination des magistrats, du président du Conseil Supérieur de la


Magistrature (CSM) et à l’utilisation du droit de grâce, le Président de la République participe
à la fonction de juger.

L’article 60 de la Constitution renvoie à l’article 130, les modalités d’exercice du droit de grâce
par le président de la République : « le Conseil Supérieur de la Magistrature étudie les dossiers
de grâce et les transmet avec son avis motivé au président de la République ».

Quoiqu’il en soit, on se rend à l’évidence que malgré la séparation organique des


pouvoirs, la Constitution du 11 décembre 1990 organise une distribution des fonctions
entre les pouvoirs.
33
Paragraphe III : Le vice-président, la succession éventuelle

La nouveauté de la constitution béninoise, après la révision du 1er novembre 2019, c’est le poste
de vice-président (vp) qui a été créé. Le vice-président n’est même pas reconnu par la
Constitution comme un élu de la nation. Contrairement au vice-président ivoirien non élu, le vp
béninois (co-élu) est institutionnellement insignifiant (tant qu’il est vice-président) : « Il est là
en attendant que malheur arrive pour son bonheur. Il n’a pas le pouvoir du dernier des
ministres. C’est un élu national oisif ».

Bien qu’il tire sa légitimité des urnes, la loi fondamentale dit clairement que le chef de l’Etat,
est l’élu de la nation. Néanmoins, il « peut exercer une magistrature d’influence ». (Pour un
approfondissement de la question, il est recommandé de se référer aux commentaires du
Professeur Ibrahim David SALAMI de l’ouvrage La Constitution béninoise commentée,
notamment les pages 18 à 24).

SECTION II : LE PARLEMENT

Le pouvoir législatif est détenu au Bénin par le Parlement, aux termes de l’article 79 de la
Constitution.

De façon plus technique, on peut définir le « Parlement » comme un organe collégial, issu du
suffrage universel, direct ou indirect, et associé, selon la constitution nationale, à l’édiction des
normes générale et abstraite.

Disposant à la fois d’une autonomie administrative et financière, l’AN béninoise fixe


sa propre organisation et son fonctionnement à travers son Règlement intérieur qu’elle
élabore librement mais en conformité avec la Constitution.

PARAGRAPHE I : L’ORGANISATION ET LA VIE ARLEMENTAIRE

Comment l’Assemblée nationale est-elle organisée ? Et comment se déroule la vie


parlementaire ?

I : L’ORGANISATION DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE

L’Assemblée nationale béninoise, qui siège au Palais des Gouverneurs à Porto-Novo, est
monocamérale. Ses membres, au nombre de 83 3, portent le nom de députés. Ils sont élus pour

3
Configuration de la 8ème législature de l’Assemblée nationale : UP : 46 députés et BR : 37.
34
un mandat de 5 ans renouvelable deux fois, depuis la révision constitutionnelle de novembre
2019.

Désormais, le mandat du député est non seulement de cinq années, ce qui traduit un alignement
sur les autres mandats prévus par la constitution pour les aux autres fonctions électives, mais
aussi une limitation du nombre de mandats qui ne peut excéder trois (03).

A : LE PRÉSIDENT DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE ET LE BUREAU


1/ Le Président de l’Assemblée Nationale
C’est un député élu par ses pairs. Pendant la durée de la législature, il est la deuxième
personnalité de l’Etat.

En ce qui concerne ses attributions, le président est le chef de l’administration de


l’Assemblée nationale et l’ordonnateur du budget de l’institution. Il dirige l’Assemblée
nationale, la représente dans la vie politique nationale et internationale, préside les
séances plénières, les réunions du bureau et de la conférence des présidents et a la
haute direction des débats.

Jouissant de l’autonomie financière, l’Assemblée nationale établit en conséquence son


budget, conformément aux articles 141, 144 et 150 de son Règlement intérieur (RI).
L’autonomie financière doit donc être comprise ici comme une autonomie de gestion.

2/ LE BUREAU DE L’ASSEMBLEE NATIONALE


C’est un organe de 7 membres élus, poste par poste, dans les mêmes conditions, et au cours de
la même séance, que le Président du parlement (art. 15 du Règlement intérieur). Les autres
membres du Bureau assistent le Président dans sa fonction de direction de l’Assemblée
nationale (art. 17 du Règlement intérieur). En ce qui concerne sa composition, le Bureau de
l’Assemblée nationale comprend :

- le Président ;
- un Premier Vice-président ;
- un Deuxième Vice-président ;
- un Premier Questeur ;
- un Deuxième Questeur ;
- un Premier Secrétaire parlementaire ;
- et un Deuxième Secrétaire parlementaire.

35
Le Bureau de l’Assemblée nationale a une attribution unique : assister le président dans sa
fonction de direction de l’Assemblée nationale.

B : LE STATUT DU DÉPUTÉ BÉNINOIS


Il se décline en immunité (article 90), incompatibilité (articles 92 nouveau) et indemnités
(article 91, Constitution béninoise). Le député béninois jouit de trois types d’avantages :
financiers, matériels et juridiques.

Les avantages financiers sont censés mettre le député à l’abri des besoins ; ce qui devrait le
prémunir contre toute récupération ou autre transhumance politique. Il s’agit entre autres de :

- une indemnité de base ;


- une indemnité d’électricité et d’eau ;
- une indemnité de téléphone ;
- une indemnité compensatrice de fonctionnement de cabinet particulier ;
- une indemnité de logement ;
- des frais de transport ;
- des frais de carburant.
Quant aux avantages matériels, il s’agit d’un (01) insigne distinctif, d’une (1) écharpe, de deux
(02) cocardes, d’un (01) passeport diplomatique, d’une (01) assurance maladie et d’une
assurance automobile. Le port de l’insigne distinctif ou de l’écharpe et le fait d’arborer une
cocarde à son véhicule confère au député une certaine préséance par rapport au commun des
citoyens.

Sur le plan judiciaire, le député jouit d’une immunité parlementaire conformément aux
dispositions de l’article 90 de la Constitution précisé par les articles 69 à 71 du règlement de
l’Assemblée. L’immunité parlementaire peut être entendue comme un ensemble de « privilèges
dont l’objet est de permettre au parlementaire le libre exercice de sa fonction en lui assurant
une protection contre les actions judiciaires intentées contre lui par les particuliers ou par
l’autorité publique »4. Elle s’analyse en irresponsabilité parlementaire (pas d’action judiciaire
contre lui quant aux opinions ou votes émis dans l’exercice de la fonction) et en inviolabilité
parlementaire (autorisation nécessaire du Bureau de l’Assemblée nationale avant son
arrestation sauf cas de crime ou flagrant délit ou de condamnation définitive). De façon
pratique, dans la participation au travail parlementaire, certaines obligations sont à la charge

4
G. CORNU, Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 2013.
36
des députés alors même que certains droits leur sont reconnus. Les obligations du député sont
entre autres :

- l’appartenance à une et une seule commission permanente ;


- la participation effective aux travaux en commission ;
- l’interdiction de fumer dans la salle de délibération ;
- l’interdiction de toute attaque personnelle, de toute irruption ou de manifestation
troublant l’ordre ;
- l’interdiction de prendre la parole sans l’avoir demandée et obtenue du Président de
séance.
Quant à ses droits, il peut initier des propositions de lois ou de résolution. Il a également le droit
de réponse pour fait personnel, de contester le compte rendu sommaire des séances plénières et
d’en demander la modification (art. 47) et enfin de contester, dans un délai de quatre (04) jours
ouvrables, le procès-verbal de séance (art. 47).

II : LA VIE PARLEMENTAIRE
L’organisation et le fonctionnement du Parlement sont consignés dans le Règlement intérieur
(RI) de l’Assemblée nationale. Ce Règlement regroupe l’ensemble des règles qui régissent les
travaux parlementaires (cf. art. 89 de la Constitution). Le Règlement intérieur actuel a été
adopté par la première législature et révisé au début de la troisième.

Le travail parlementaire se fait par session (2 sessions ordinaires, article 87 et des sessions
extraordinaires, article 88). À part le Bureau de l’Assemblée nationale, d’autres organes existent
dans l’Assemblée nationale au sein desquels se déroule le travail parlementaire. Ce sont :

- la plénière ;
- les groupes parlementaires ;
- les commissions permanentes ;
- la Conférence des présidents.
A : LA PLÉNIÈRE ET LES COMMISSIONS PERMANENTES
1/ La plénière
C’est la réunion de l’ensemble des députés. Elle vote les lois et contrôle l’action du
Gouvernement. Les débats y sont consignés sous deux (2) formes : soit un compte rendu
sommaire qui est établi après chaque séance et présenté à l’ouverture de la séance suivante et
qui contient l’énoncé des affaires discutées, les noms des intervenants, les amendements

37
proposés et adoptés, les résultats des scrutins et les décisions prises ; soit un procès-verbal, qui
est une transcription intégrale des débats, établi et tenu à la disposition des députés.

2/ Les commissions permanentes


Groupes restreints de travail, elles sont des organes à caractère purement technique créés au
sein du parlement pour l’étude des affaires dont il doit connaître. Chaque commission
permanente comprend au moins 13 députés (art. 29 du Règlement intérieur). Les commissions
permanentes sont au nombre de cinq (5) :

- la commission des lois, de l’administration et des droits de l’homme ;


- la commission des finances et des échanges ;
- la commission du plan, de l’équipement et de la production ;
- la commission de l’éducation, de la culture, de l’emploi et des affaires sociales ;
- la commission des relations extérieures, de la coopération au développement, de
la défense et de la sécurité
Pour constituer une commission permanente, chaque groupe parlementaire présente au Bureau
la liste de ses candidats aux différentes commissions en veillant à ce qu’elle soit proportionnelle
à la représentativité du groupe au sein de l’Assemblée. Les députés non-inscrits présentent au
Bureau leurs candidatures à la commission de leur choix. Le Bureau établit la liste définitive
après consultation des présidents de groupes.

La commission ainsi constituée élit en son sein un bureau composé d’un président, d’un vice-
président, d’un premier et d’un deuxième rapporteurs, et d’un secrétaire. Cette élection doit
également se faire conformément au respect de la configuration politique et du principe de la
représentation proportionnelle majorité/minorité 5. Les débats en commissions ne sont pas
publics. Toutefois, des personnes-ressources peuvent y être conviées selon les cas alors même
que le plus souvent le Gouvernement se fait représenter. Les travaux en commission sont
sanctionnés par un rapport présenté en plénière.

En ce qui concerne leurs domaines de compétences, la dénomination de chaque commission


reflète son domaine de compétence (art. 29 du Règlement intérieur).

Il faut noter que l’Assemblée nationale peut, pour un objet déterminé, constituer en son sein des
commissions spéciale et temporaire. Elles cessent d’exister dès lors que leur objet a été satisfait,
retiré ou rejeté (art. 30 du Règlement intérieur). Elle peut aussi autoriser les commissions à

5
Décision DCC11-047 du 21 juillet 2011 de la Cour constitutionnelle du Bénin.
38
effectuer des missions d’information sur les questions relevant de leur compétence (art. 37 du
Règlement intérieur).

PARAGRAPHE II : LES FONCTIONS DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE

Trois catégories de fonctions sont dévolues à l’Assemblée nationale :

- assurer la représentation nationale ;


- voter les lois, c’est la fonction législative et
- contrôler l’action du gouvernement.
Si les deux dernières fonctions avaient été mises en veilleuse au temps de la Révolution
béninoise, cela ne semble plus le cas aujourd’hui où, depuis 1991, l’on assiste plutôt à leur
restauration. Au Bénin, le domaine législatif est délimité par la Constitution. En effet, l’article
98 de celle-ci énumère de façon limitative les matières dans lesquelles le parlement est autorisé
à légiférer. C’est à l’intérieur de ces matières que l’Assemblée nationale vote les lois selon une
procédure particulière. Par la suite, les articles 100 et 104 de la Constitution tirent la
conséquence de cette énumération limitative.

Selon l’article 100 de la Constitution, les matières non citées relèvent du domaine du pouvoir
réglementaire. Si les textes législatifs sont intervenus dans le domaine réservé au pouvoir
réglementaire, le titulaire du pouvoir exécutif peut les modifier par décret. Cette procédure
s’appelle la délégalisation. Quant à l’article 104, il dispose que les propositions, projets, ou
amendements qui ne sont pas du domaine législatif, sont irrecevables.

I : LA FONCTION LÉGISLATIVE
La fonction législative fait l’objet d’un exercice limité.

A : L’EXERCICE DE LA FONCTION LÉGISLATIVE


Il constitue l’essentiel des compétences de l’Assemblée nationale conformément à l’article 79,
alinéa 2 de la Constitution qui dispose que l’Assemblée nationale exerce le pouvoir législatif.
D’après l’article 96 de la Constitution, l’Assemblée nationale vote la loi et consent l’impôt. Elle
exerce donc cette fonction par la proposition de loi et par l’amendement.

L’article 103 fait de l’amendement un droit exclusivement parlementaire; ce qui exclut les
amendements gouvernementaux. Les députés décident du contenu final de la proposition ou du
projet de loi. L’amendement comprend le droit de modification partielle ou totale ainsi que le
droit d’initiative. Cependant, le droit d’amendement est limité à trois points de vue :

39
- l’amendement doit être du domaine de la loi (article 104 de la Constitution) sans
contrarier une habilitation accordée au Gouvernement (article 102 de la Constitution) ;
- l’amendement ne doit pas conduire à la réduction des ressources de l’État ;
- il ne doit ni créer ni accroître les charges de l’État sauf proposition d’augmentation de
recettes ou d’économies équivalentes (article 107 de la Constitution).

Si le Gouvernement n’est pas satisfait, il lui reste la possibilité de demander une deuxième
délibération.
Il existe plusieurs catégories de lois :
- les lois organiques dont la fonction première est de compléter et de préciser les
dispositions constitutionnelles. Pour la plupart, elles portent sur l’organisation et le
fonctionnement des institutions. Elles obéissent à un régime juridique particulier. Elles
sont en effet votées et modifiées dans des conditions différentes de celles des lois
ordinaires. D’abord, le projet de la loi organique ne peut pas être voté aussitôt déposé
sur le Bureau de l’Assemblée nationale. Il faut au préalable observer un délai de 15 jours
avant de soumettre le texte à la délibération. Ensuite, contrairement à la loi ordinaire
adoptée à la majorité simple, la loi organique ne peut être adoptée qu’à une majorité
qualifiée c’est-à-dire à la majorité absolue des membres composant l’Assemblée
nationale. Enfin, les lois organiques ne peuvent entrer en vigueur sans avoir été
soumises au contrôle préalable de constitutionnalité ;
- les lois ordinaires qui ont la caractéristique d’être votées à la majorité simple. Leur
contrôle de constitutionnalité a priori est facultatif ;
- les lois de finances qui ont pour objet de déterminer les recettes et les dépenses de l’Etat.
A ce propos, il convient de relever la grande difficulté des gouvernements successifs à
faire voter les lois de finances à temps. De fait, ils sont obligés de recourir soit au
douzième provisoire, soit à l’article 68 de la Constitution. Mais pour la première fois
dans l’histoire du Renouveau démocratique, une loi de finances a été adoptée à temps
par l’Assemblée nationale, il s’agit de celle relative à la gestion 2013 de l’Etat6 ;

- les lois de règlement dont l’objet est de contrôler l’exécution des lois de finances ;

- les lois de programme qui fixent les objectifs économiques et sociaux du


Gouvernement ;

6
Adoptée le 18 décembre à une majorité écrasante de 71 voix pour, 11 contre et 1 abstention.
40
- les lois d’habilitation qui visent à autoriser le gouvernement à légiférer en lieu et place
du parlement.

B : LES LIMITES À LA FONCTION LÉGISLATIVE


Selon l’article 107 de la Constitution béninoise, « Les propositions et amendements déposés
par les députés ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une
diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique,
à moins qu'ils ne soient accompagnés d'une proposition d'augmentation de recettes ou
d'économies équivalentes ».

Équivalent de l’article 40 de la Constitution française de 1958, cette disposition complétée par


l’article 74.5 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale s’analyse comme une limite à
l’exercice de la fonction législative. Le Parlement est libre de toute initiative. Mais ses
propositions ou amendements ne doivent pas avoir une incidence financière tendant soit à
diminuer des ressources publiques, soit à créer ou aggraver des charges publiques. Cette
interdiction n’est levée que si la proposition ou l’amendement est accompagné d’une
proposition de compensation financière.

II : LA FONCTION DE CONTRÔLE
Le contrôle est l’une des fonctions fondamentales d’un parlement dans un État de droit
démocratique. En régime présidentiel, les moyens de contrôle ne débouchent pas sur la
destitution du Président de la République ou de son Gouvernement. Ces moyens de contrôle
sont de plusieurs ordres : les questions, l’interpellation et les commissions d’enquête.

A : LES QUESTIONS ET LES COMMISSIONS D’ENQUÊTE

Si les questions procèdent d’une technique individuelle de contrôle, il n’en est pas de même des
commissions qui, elles, relèvent d’une technique collective de contrôle.

1/ Les questions
Il existe plusieurs types de questions (voir des illustrations en annexe II) :

- les questions orales sans débat ;


- les questions orales avec débat ;
- les questions d’actualité ;
- et les questions écrites qui obéissent à un régime particulier.

41
Les questions orales sont posées au Gouvernement par un député sur sa politique générale ou
sur les dossiers ou affaires relevant d’un département ministériel. Elles sont soit avec débat soit
sans débat (article 113 de la Constitution). La procédure est assez simple : lorsqu’un député
désire poser une question orale au gouvernement, il lui suffit de remettre le texte de sa question
au Président de l’Assemblée nationale qui le notifie au Gouvernement. Elle apparaît comme
une sorte de dialogue entre le député auteur de la question et le ministre visé par la question.
Une séance est réservée chaque semaine en priorité aux questions et aux réponses.

La question orale avec débat est appelée par le Président de l’Assemblée nationale qui peut
fixer le temps de parole imparti à son auteur. Le ministre compétent y répond ou alors renvoie
carrément sa réponse qui sera présentée sous forme de communication à un autre jour de séance
plénière ; ce qui interrompt le débat (art. 108 Règlement intérieur). Dans ce cas, la
communication du Gouvernement est inscrite d’office en tête de l’ordre du jour de la séance
choisie par le Gouvernement. Elle est suivie de débats où plusieurs orateurs peuvent s’inscrire
mais l’auteur de la question a la priorité d’intervention. Elle ne débouche en aucune façon sur
un vote.

Les questions d’actualité quant à elles, sont déposées à la Présidence de l’Assemblée


nationale. Mais c’est le Bureau de l’Assemblée nationale qui décide de les inscrire à l’ordre du
jour de la séance de questions orales en fonction de leur caractère d’actualité et d’intérêt général
et après consultation de la Conférence des Présidents. Dès que la question est appelée, c’est la
même procédure que pour la question orale. Si l’auteur de la question est absent, la question
n’est pas appelée.

Enfin, la question écrite est définie par le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale
comme une demande de renseignement ou de consultation adressée à un ministre par un député.
Tout député qui désire interroger par écrit les membres du Gouvernement doit remettre le texte
de sa question au président de l’Assemblée nationale qui se charge de le transmettre au Président
de la République.

La particularité de la question écrite est qu’elle n’est soumise à aucune publicité. Ni d’ailleurs
la réponse qu’elle appelle qui est également transmise au député par le Président de l’Assemblée
nationale.

42
2/ Les commissions d’enquête
Ce sont les moyens d’investigation parlementaire, des techniques collectives de contrôle
prévues par la Constitution (art. 113). Il faut distinguer les commissions d’enquêtes
permanentes des commissions ad hoc.

Les commissions d’enquête sont créées par l’Assemblée nationale afin de fournir des
informations à celle-ci sur une activité du gouvernement dont la gestion ne leur paraît pas
orthodoxe. Dans ce cadre, elles peuvent examiner des documents et procéder à des auditions.
Procédant de la sorte, elles permettent l’exercice d’un réel contrôle sur le gouvernement par
leur effet dissuasif et apparaissent alors comme des instruments privilégiés du contrôle
parlementaire.

B : L’INTERPELLATION DU GOUVERNEMENT
La procédure d’interpellation prévue par l’article 71 de la Constitution constitue le plus haut
niveau du contrôle de l’action gouvernementale. L’Assemblée nationale peut interpeller c’est-
à-dire convoquer pour explication le Président de la République ou tout membre de son
gouvernement dans l’exercice de leur fonction. Selon l’article 71 alinéa 2, le Président de la
République n’est pas tenu de déférer personnellement à la convocation des parlementaires. Il
peut choisir de se faire représenter par un ministre spécialement délégué.

C : LES AUTRES MOYENS DE CONTRÔLE


Outre les questions et l’interpellation, le Parlement qui vote le budget en contrôle également
l’exécution. Le contrôle parlementaire boucle la chaîne du contrôle des finances publiques. Au
niveau de l’Assemblée nationale, au pouvoir de légiférer, s’ajoute donc la compétence de
contrôle et d’évaluation. Cette mission de contrôle et d’évaluation s’exerce aussi bien en cours
d’exécution du budget qu’a posteriori.

En cours d’exécution, elle s’effectue soit à travers la procédure des commissions d’enquêtes
parlementaires, soit par des questions orales ou écrites adressées au gouvernement sur des
aspects concernant l’utilisation des deniers publics. A cela, il faut ajouter les contrôles effectués
par les commissions parlementaires dans le cadre du suivi de l’exécution du budget.

Après l’exécution du budget, le contrôle parlementaire s’exerce à travers le vote de la loi de


règlement qui apparaît comme une reddition des comptes de la part de l’exécutif qui doit ainsi
justifier d’une gestion transparente des finances publiques.

43
En plus de ce contrôle budgétaire du gouvernement, la Constitution a organisé un contrôle du
Président de l’Assemblée nationale par les députés (article 21 du Règlement intérieur de
l’Assemblée nationale). C’est une véritable reddition des comptes à laquelle le Président de
l’Assemblée nationale est soumis. Sans véritable enjeu juridique, il n’en a pas moins une portée
symboliquement politique.

SECTION III : LA COUR CONSTITUTIONNELLE

Il y a plus de deux siècles, Sieyès s’adressait en ces termes à la Convention : « Une constitution
est un corps de lois obligatoires, ou ce n’est rien ; si c’est un corps de lois, on se demande où
sera le gardien, où sera la magistrature de ce code. Il faut pouvoir répondre. Un oubli de ce
genre serait inconcevable autant que ridicule dans l’ordre civil ; pourquoi le souffririez-vous
dans l’ordre politique ? Des lois, quelles qu’elles soient, supposent la possibilité de leur
infraction, avec un besoin réel de les faire observer. Il m’est donc permis de le demander : qui
avez-vous nommé pour recevoir la plainte contre les infractions à la Constitution ? »7.

Le constituant béninois de 1990 répond à cette importante question : la Cour constitutionnelle.


Mais, le gardien n’est-il pas en passe de se muer en pouvoir ?

Une cour constitutionnelle est une juridiction spécialisée dans le règlement des contentieux liés
à la Constitution et indépendante des pouvoirs politique et judiciaire.

Le statut, le fonctionnement et les organes de la Cour Constitutionnelle font d’elle une


juridiction constitutionnelle des plus modernes.

Afin d’assurer réellement sa fonction de gardienne des principes inscrits dans la Constitution,
une Cour constitutionnelle doit être indépendante non seulement des autorités étatiques mais
aussi du pouvoir judiciaire. La condition de cette indépendance est l’existence d’un statut
constitutionnel de la Cour définissant sa composition, son organisation, son fonctionnement,
ses attributions, et la mettant hors d’atteinte des pouvoirs publics qu'elle est chargée de
contrôler.

Elle fait l’objet du Titre V de la Constitution avant même le pouvoir judiciaire qui, lui, n’est
abordé qu’au titre VI ; ce qui montre l’importance que le constituant de 1990 lui accorde. Elle

7
Discours du 18 thermidor an III, Réimpression de l’ancien Moniteur, H. Plon, 1862, t. XXV, p. 442.
44
est la plus haute juridiction de l’Etat en matière constitutionnelle. Elle est à la fois seule et
suprême8.

Tantôt adulée, tantôt clouée au pilori, la Cour constitutionnelle du Bénin dérange la classe
politique dont les décisions sont déclarées contraires à la Constitution.

Paragraphe I : LE STATUT DE LA COUR

Si la nomination des membres de la Cour constitutionnelle demeure hautement politique, la


Cour n’en est pas pour moins un organe juridictionnel composé de juges dotés de droits et
d’obligations clairement définis.

I : Des désignations réservées aux politiques

Le constituant béninois de 1990 s’est inspiré du conseil de Hans KELSEN selon lequel le
nombre de juges constitutionnels ne devrait pas être trop élevé, étant donné que ce sont sur
des questions de droit qu’une telle Cour est appelée essentiellement à se prononcer, et qu’elle
doit remplir une mission purement juridique d’interprétation de la Constitution 9.

L’article 115 de la Constitution béninoise précise que la Cour constitutionnelle est composée
de sept membres alors que la Cour autrichienne par exemple, est composée de quatorze
membres titulaires et de six suppléants10.

Sur les sept membres de la Cour béninoise, quatre sont nommés par le Bureau de l’Assemblée
nationale et trois par le Président de la République pour un mandat de cinq ans renouvelable
une seule fois.

Outre le fait qu’un tel déséquilibre traduit la méfiance du constituant à l’égard de toute
tentative de présidentialisme, les autorités en charge de la désignation des membres de la Cour
constitutionnelle ne sont pas totalement libres dans leur choix. En effet, leur marge de
manœuvre est réduite par l’article 115 de la Constitution qui pose des conditions de
compétences professionnelles et de bonne moralité au pouvoir de nomination.

Ainsi, la Cour constitutionnelle comprend :

8
Voir le quotidien « La Nouvelle Tribune » du mardi 14 septembre 2010.
9
H. KELSEN, La garantie juridictionnelle de la Constitution (La justice constitutionnelle), R.D.P.1928, p. 226.
10
Les juges constitutionnels sont au nombre de dix au Burkina Faso (1991, art 153) ; onze au Cameroun (1991,
art 81) ; quinze en Italie, douze en Belgique. Voir I. SALAMI, « La justice constitutionnelle au Bénin », Mémoire
DEA Droit Public, Université de Tours, 1999.
45
- trois (03) magistrats ayant une expérience de quinze années au moins dont deux sont
nommés par le Bureau de l’Assemblée nationale et un par le président de la
République ;

- deux (02) juristes de haut niveau, professeurs ou praticiens du droit, ayant une
expérience de quinze années au moins nommés l’un par le Bureau de l’Assemblée
nationale et l’autre par le président de la République ;

- deux (02) personnalités de grande réputation professionnelle nommées l’une par le


Bureau de l’Assemblée nationale et l’autre par le président de la République.

Cet article traduit deux exigences :

- celle de la présence prépondérante des juristes hautement qualifiés et expérimentés.


Ce faisant, le constituant béninois accorde dans la composition de la juridiction
constitutionnelle une « place adéquate aux juristes »11. Cette place adéquate (et donc non
exclusive) laisse la possibilité aux non-juristes de siéger à la Cour et évite d’en faire une
assemblée de légistes incapables d’apprécier les retombées politiques et sociales des décisions
qu’elle prend12 ;

- celle de faire en sorte que les autorités en charge de la désignation des membres de la Cour
constitutionnelle reflètent autant que possible le paysage politique béninois. Le fait de confier
ces pouvoirs de nomination au Président de la République et au Bureau de l’Assemblée amène
ces autorités à tenir compte de la force relative des partis politiques. Ce faisant, le constituant
béninois a pris le parti de politiser ces nominations qui de toute façon, ne sauraient être neutres.
Si le quota des membres de la Cour à la nomination du Président de la République, est plus
élevé que celui réservé au pouvoir exécutif en France, en Italie ou en Espagne, il ne lui permet
pas, comme le Gouvernement fédéral en Autriche, de pourvoir à la majorité absolue des postes.
Le fait d’avoir aligné le mandat des juges constitutionnels sur celui du Président de la
République ajoute à cette politisation et aurait pu amener les candidats aux fonctions de juges
constitutionnels à entrer en campagne en même temps que le chef de l’État.

II : les garanties de la fonction du juge constitutionnel

11
Kelsen, op. cit. p. 227.
12
Il n’existe pas de membres de droit parmi les juges constitutionnels même si l’ancien Président de la
République (H. MAGA) et le Professeur AHANHANZO-GLELE ont été nommés à deux reprises respectivement en
tant que personnalité de grande réputation professionnelle et juriste de haut niveau. Cela va dans la logique
résolument républicaine et méritoire que le constituant béninois a voulu imprimer au régime.
46
Elles sont fondées sur certains principes :

- leur inamovibilité pendant leur mandat13 ;

- l’incompatibilité de leur fonction avec certaines autres telles celles d’élu, de membre du
Gouvernement, d’employé public civil ou militaire et de toute autre activité
professionnelle ou fonction de représentation nationale, une règle de non cumul en
définitive ;

- l’autorisation préalable de la Cour constitutionnelle et du bureau de la Cour suprême


siégeant en session conjointe avant toute poursuite ou arrêt, sauf en cas de flagrant
délit 14. Cette règle interdit à une autorité nommante de révoquer, de suspendre ou de
sanctionner un juge prévenu d’un comportement qu’elle jugerait répréhensible. Le
principe de l’autonomie disciplinaire implique que la Cour constitutionnelle exerce elle-
même le pouvoir disciplinaire à l’égard de leurs membres : elle est seule juge du non-
respect des obligations qui incombent à ceux-ci ;
- un traitement salarial au moins égal à celui des membres du Gouvernement ainsi que
des avantages et indemnités qui ne sauraient être inférieurs à ceux des membres du
gouvernement. En effet, au Bénin, la recherche de l'indépendance du juge
constitutionnel passe par un statut financier exorbitant de celui des juges ordinaires.
Dans un pays où l'administration est gangrenée par la corruption, le constituant béninois
a jugé bon de mettre le juge constitutionnel à l'abri des tentations en lui accordant ce
traitement trois fois supérieur à celui du juge ordinaire (article 10 de la Loi Organique
n° 91-009 du 4 mars 1991 sur la Cour constitutionnelle) ;
- et un avancement d'échelon et de grade automatique s'ils sont « fonctionnaires publics »
(article 9 al 2 de la loi organique sur la Cour). La formule « fonctionnaire public » est
un contresens juridique car sous-entend qu'il y aurait des fonctionnaires privés : elle
doit être comprise comme agents permanents de l'État ou agents publics. En
contrepartie, les juges constitutionnels jurent lors de leur prestation de serment devant
les autorités nommantes de bien et fidèlement remplir leurs fonctions, et de les exercer
en toute impartialité dans le respect de la Constitution, de garder le secret des
délibérations et des votes, de ne prendre aucune position publique, de ne donner aucune
consultation sur les questions relevant de la compétence de la Cour 15. Se trouve ainsi

13
Nous avons préféré l'expression pendant leur mandat au pléonasme de l'article 115 al 4 de la Constitution
selon lequel les membres de la Cour Constitutionnelle sont inamovibles pendant la durée de leur mandat.
14
Article 115 de la Constitution al 4.
15
Article 7 de la loi organique du 4 mars 1991 sur la Cour constitutionnelle.
47
interdite comme en Autriche, la possibilité d'exprimer des opinions dissidentes ou
individuelles afin d'assurer la bonne marche et le bon fonctionnement de l'institution16.
Reste toutefois la question de l’autonomie budgétaire de la Cour constitutionnelle qui n’est
toujours pas réglée. En effet, la loi organique qui devait conférer à la Cour constitutionnelle
son autonomie budgétaire, n’a pu obtenir, au cours du vote à l’Assemblée nationale en juin
1994, la majorité absolue des suffrages tel que requis par l’article 97 de la Constitution 17.

Paragraphe II : L’ORGANISATION ET LES COMPÉTENCES DE LA COUR


CONSTITUTIONNELLE

L’organisation est définie par une loi organique et par le Règlement intérieur de la Cour
constitutionnelle alors que les compétences sont celles qui lui sont attribuées dans la
Constitution.

I : l’organisation
La Cour constitutionnelle ne statue qu'en formation plénière. Elle n'a pas de chambres en son
sein et ne siège pas en permanence. Le constituant béninois s'est largement inspiré de
l'organisation du Conseil constitutionnel français. Ce traitement réservé à la Cour béninoise
paraît inconséquent compte tenu du rôle crucial qu'est le sien dans le dispositif constitutionnel
béninois ; d’autant plus que l'organisation du Conseil constitutionnel français est «
parfaitement révélatrice du rôle limité que les constituants de 1958 pensaient lui avoir attribué
et le voir jouer dans l'avenir de la vie constitutionnelle »18.

Elle est dirigée par un président assisté d’un Cabinet et d’un Secrétariat général.

A : La présidence de la Cour

Pour l'indépendance d'un tribunal constitutionnel, celle de son président a, valeur de symbole
et souvent de fonction stratégiquement politique.

Lorsque sa désignation appartient aux autorités nommantes et non au tribunal lui-même,


l'indépendance du président n'est pas a priori garantie19. Par contre, l'élection du président par

16
Voir tableau n°1 pour le régime des incompatibilités.
17
Le Gouvernement a déposé sur le Bureau de l’Assemblée nationale un nouveau projet de loi organique qui
réglerait s’il était voté, la question de l’autonomie budgétaire.
18
D. ROUSSEAU, Droit du contentieux constitutionnel, Paris, Montchrestien, 2011, p. 35.
19
C'est pourtant ce système de désignation, par une main extérieure, qui a été retenu en France où le
président est nommé par le Chef de l'Etat, en Allemagne où il est désigné alternativement par le Bundestag et
le Bundesrat et en Autriche où il est nommé par le Chef de l'Etat sur proposition du Gouvernement.
48
ses collègues est toujours a priori favorable à l'indépendance de la cour même si aucun système
ne constitue une garantie certaine de l'impartialité des membres d'une cour constitutionnelle.

Le constituant béninois a mis en place un système de désignation du président de la Cour par


ses pairs. L'article 116 de la Constitution précise que le Président de la Cour est élu par ses
pairs pour une durée de cinq ans. Mais le même article exige que seuls les magistrats et les
juristes membres de la Cour puissent prétendre à ce poste. C'est dire que les deux personnalités
de grande réputation ne peuvent pas prétendre à ce privilège. Dans ces conditions, deux
questions deviennent inévitables :

- les autorités nommantes peuvent-elles désigner des juristes et magistrats au titre de


personnalités de grande réputation ?

- Si oui, ces membres pourront-ils se faire élire président de la Cour ?

Rien ne semble s'opposer à ce que les autorités nommantes désignent des juristes et des
magistrats au titre de personnalités de grande réputation même si cette désignation peut
paraître contraire à l'esprit de la Constitution qui témoigne du souci de diversifier et de
catégoriser les membres de la Cour. Cette désignation probable aboutirait à la mise en place
d'une cour composée uniquement de légistes. En vérité, la formule les magistrats et les juristes
membres de la Cour devrait, pour plus de clarté, être remplacée par : les magistrats et les
juristes membres de la Cour nommés en tant que tels.

Les nombreuses prérogatives personnelles conférées au président de la Cour font de lui, « un


acteur influent du système institutionnel, particulièrement en cas d’événéments
exceptionnels»20 : il est le troisième personnage de la République, assure l’intérim du président
de la République mis en accusation devant la Haute Cour de Justice (art. 50 al. 3), reçoit le
serment du Président de la République (art. 53 al. 2), et est consulté par le Président de la
République préalablement à tout recours au référendum (art. 58) et aux pouvoirs de crise (art.
68 al. 1). Et c’est sans doute pour éviter que le président de la Cour soit à la fois juge et partie
que tous les juges constitutionnels sont membres d’office de la Haute Cour de justice excepté
la clé de voûte de cette institution.

Le président de la Cour se fait assister par un vice-président, il dispose également d’un Cabinet
de trois membres et surtout du Sécrétariat général de la Cour21.

20
Stéphane BOLLE, op. cit.; p. 601.
21
Le personnel de la cour comprend actuellement trente-deux agents dont dix-huit permanents et vingt-quatre
contractuels. Le Service Juridique et de la Documentation ne compte que trois agents : ce qui est parfaitement
insignifiant au regard des attributions dudit service.
49
B : Le rôle essentiel du secrétariat général

Le secrétariat général de la Cour est dirigé, sous l’autorité du président, par un Secrétaire
général22 nommé par décret en Conseil des ministres, sur proposition du président de la Cour.

Le Secrétariat général, organe central de l’organisation administrative de la Cour


constitutionnelle, n’offre pas toujours aux membres de la Cour une assistance juridique
nombreuse et compétente. Il ne faut pas s’étonner de voir des assistants de la Cour arpenter
les couloirs des bibliothèques de la Chaire Unesco ou de l’École Nationale d’Administration
et de Magistrature (ENAM/Université d’Abomey-Calavi).

Cheville ouvrière de la juridiction, le Secrétaire général intervient aussi en amont du processus


juridictionnel dans le filtrage des saisines en enregistrant les requêtes selon leur date d’arrivée.

Le secrétariat général comprend trois services :

- un service administratif et financier ;


- un service juridique, de la documentation et des publications ;
- un service central du courrier.
II : LES COMPÉTENCES DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE

Ce sont des compétences d’attribution. Les articles 114, 117 et 118 en sont les sièges. Elles
concernent à la fois le contrôle des lois et règlements ; la sauvegarde des droits fondamentaux
et des libertés publiques ; la régulation du fonctionnement des institutions étatiques ainsi que le
contentieux électoral.

A : La régulation de l’activité des pouvoirs publics

Dans le cadre de la régulation de l’activité des pouvoirs publics, la Cour exerce d’une part, une
compétence juridictionnelle et, d’autre part, une compétence consultative.

Sa compétence juridictionnelle s’étend au contrôle de constitutionnalité de toutes sortes de


normes :

- les lois constitutionnelles ;


- les engagements internationaux ;
- les lois organiques avant leur promulgation ;

22
M. Jean-Baptiste MONSI a été nommé par décret n° 94-220 du 12 juillet 1994 Secrétaire Général de la Cour,
soit plus d’un an après l’installation de la Cour. Mme Marcelline AFOUDA, M. Sylvain NOUWATIN puis M. Gilles
BADET lui succèderont à ce poste.
50
- les lois ordinaires avant ou après leur promulgation ;
- les lois de finances;
- Règlements intérieurs des institutions constitutionnelles avant leur mise en application :
Assemblée nationale, Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication, Conseil
Economique et Social ;
- actes administratifs (réglementaires ou individuels) censés porter atteinte aux droits
fondamentaux de la personne humaine et aux libertés publiques.
- tous actes exécutoires.
La Cour constitutionnelle bénéficie du monopole de la constitutionnalité des lois (attribution
centrale) c’est à dire « la soumission de la volonté du Parlement au respect de la règle de droit
qu’il s’agisse d’ailleurs d’une règle formelle ou d’une règle de fond »23. A cela s’ajoutent
d’autres attributions secondaires telles que le contentieux électoral par exemple.

Ainsi, la compétence juridictionnelle de la Cour constitutionnelle béninoise s’étend-elle


également aux contentieux électoraux (contentieux relatif aux listes électorales, aux
candidatures à la campagne électorale, aux opérations de vote et aux résultats) et référendaire.
En effet, c’est la Cour constitutionnelle qui veille à la régularité de l’élection du Président de la
République (PR), en examinant les réclamations, en statuant sur les irrégularités qu’elle aurait
pu par elle-même relever et en proclamant les résultats. Elle statue en cas de contestation sur la
régularité des élections législatives. De même, elle statue sur la régularité du référendum et en
proclame les résultats. Ce faisant, elle exerce à la fois un contrôle a priori, concomitant et a
posteriori.

Quant à sa compétence consultative, elle apparaît notamment à travers son président dont l’avis
est requis par le Président de la République sur toute initiative de référendum en matière de
promotion et de renforcement des droits de l’Homme, de l’intégration sous régionale ou
régionale et sur la prise des mesures exceptionnelles de l’article 68.

B : La régulation du fonctionnement des institutions et la sauvegarde des droits


fondamentaux et des libertés publiques

À propos de la régulation du fonctionnement des institutions, la Cour statue sur les conflits
d’attribution entre les institutions de l’État et peut intervenir en cas de blocage de celles-ci, en
censurant l’un ou l’autre organe. Ainsi, en cas de refus du président de la République de
promulguer une loi, la Cour constitutionnelle, saisie par le président de l’Assemblée nationale,

23
L. FAVOREU, Les Cours Constitutionnelles, op. cit. p. 23.
51
déclare la loi exécutoire si elle est conforme à la Constitution (article 57). Par ailleurs, ses
décisions ayant une autorité absolue de la chose jugée y contribuent fortement (article 122).

Pour la sauvegarde des droits fondamentaux et des libertés publiques, voir les décisions de la
cour.

PARAGRAPHE III : LA SAISINE ET LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR


CONSTITUTIONNELLE

La saisine ouverte à tout citoyen s’accompagne d’une procédure simplifiée qui fait de la Cour
constitutionnelle béninoise une institution très réactive.

I : LES MODES DE SAISINE


En Autriche, en Allemagne, en Espagne et au Bénin, le prétoire de la justice constitutionnelle
n’est pas réservé aux gouvernants, il est aussi ouvert aux particuliers.

Au Bénin particulièrement, on remarque deux sortes de saisines :

- la saisine d’office par la Cour constitutionnelle elle-même ;


- et la saisine par des personnes extérieures à la Cour constitutionnelle. Ainsi,
peuvent saisir la Cour constitutionnelle :
o le Président de la République ;
o le Président de l’Assemblée nationale, celui de la Haute Autorité de
l’Audiovisuel et de la Communication et celui du Conseil Economique
et Social ;
o toute association y compris celles non gouvernementales de défense des
droits de l’Homme ;
o tout citoyen ou justiciable, par action directe ou par voie d’exception.
La Cour béninoise effectue toutes sortes de contrôles c’est-à-dire le contrôle a priori comme
celui a posteriori, le contrôle abstrait ainsi que le concret. Mais alors que la France et
l’Espagne ont prévu un contrôle uniquement sur les règlements intérieurs des assemblées
parlementaires, le constituant béninois a confié à la Cour constitutionnelle le contrôle des
Règlements intérieurs de toutes les institutions de l’État. Par contre, le Règlement intérieur de
la Cour constitutionnelle elle-même échappe à tout contrôle.

De façon beaucoup plus spécifique, il convient de retenir quatre techniques sophistiquées de


justice constitutionnelle que l’on retrouve dans le corpus juridique béninois, avec une mention
spéciale pour la plainte.

52
A : La saisine par tout citoyen et la saisine d’office

1/ L’article 3 de la Constitution, une disposition « balai »

L’article 3 de la Constitution dispose : « La souveraineté nationale appartient au peuple.


Aucune fraction du peuple, aucune communauté, aucune corporation, aucun parti ou
association politique, aucune organisation syndicale ni aucun individu ne peut s'en attribuer
l'exercice. La souveraineté s'exerce conformément à la présente Constitution qui est la Loi
Suprême de l'État. Toute loi, tout texte réglementaire et tout acte administratif contraires à ces
dispositions sont nuls et non avenus. En conséquence, tout citoyen a le droit de se pourvoir
devant la Cour constitutionnelle contre les lois, textes et actes présumés inconstitutionnels ».

Il faut remarquer que l’article 3 se situe dans le titre 1er de la Constitution relatif à l’Etat et à la
souveraineté. Le fait de prévoir une disposition de protection des droits dans ce titre, montre
l’importance capitale que le constituant accorde à la protection de la personne humaine. C’est
à croire que l’Etat béninois n’aurait pas pu exister, encore moins être souverain, si la personne
humaine n’était pas protégée.

L’aliéna 3 de cet article se montre le plus libéral et le plus général possible en matière de
protection des droits. A travers ce troisième alinéa, le constituant de 1990 assure une protection
maximale contre l’arbitraire législatif règlementaire ou administratif.

Il s’agit là d’une saisine directe, d’une action directe pour laquelle le saisissant n’a pas besoin
d’un intérêt à agir. Il n’a même pas besoin d’avoir à justifier qu’il est lui-même victime. C’est
en cela qu’il s’agit d’une saisine dans l’intérêt du droit, le seul intérêt est celui de protéger
l’ordre constitutionnel.

Par cette disposition, le constituant affiche sa volonté de nettoyer le corpus juridique béninois
de toute impureté constitutionnelle. Inspiré de l’Amparo, l’article 3 alinéa 3 crée dans le procès
constitutionnel au Bénin une action directe et à l’encontre des normes présumées contraires à
la Constitution. Il s’agit en fait d’un procès fait à un acte, un procès objectif.

L’intérêt majeur de cette procédure est que, contrairement au recours pour excès de pouvoir,
toutes les lois et tous les actes sont justiciables devant la Cour constitutionnelle de façon
indéterminée, sans avoir à justifier d’un intérêt à agir.

53
Contrairement à la formule utilisée par l’alinéa 3, la saisine de la Cour constitutionnelle n’est
pas réservée qu’aux nationaux. Son prétoire est ouvert à tout individu, toute personne physique
ou morale (article 39 de la Constitution béninoise).

Les normes déclarées contraires à la Constitution sont nulles et non avenues ; ce qui signifie
qu’elles sont censées disparaître de l’ordonnancement juridique, comme si elles n’ont jamais
existé. C’est le principe de l’effet rétroactif attaché aux déclarations d’inconstitutionnalité.

Cette fiction juridique butte toutefois sur une réalité : les normes annulées ont existé et ont été
exécutées ; ce qui pose le problème de la modulation dans le temps des effets des décisions
rendues par la Cour. L’annulation rétroactive conduit à une remise en cause du principe de la
stabilité et de la sécurité juridique ; ce qui peut constituer une pagaille insondable relativement
aux normes entrées en vigueur depuis des décennies.

C’est pourquoi, en réalité et de façon empirique, sauf dispositif exprès contraire, l’annulation
prend effet à compter du prononcé de la décision de la Cour constitutionnelle.

2/ L’art 121 alinéa 2 de la Constitution : la saisine d’office ou l’auto saisine


En principe, tout procès est l’affaire des parties. Mais au Bénin, la Cour constitutionnelle,
lorsqu’elle est informée d’une présomption de violation des droits de l’homme se saisit d’office,
que l’information vienne de la présidence de la République, des préfectures, des commissariats
ou des ONG.

La Cour a inauguré une autre variété de saisine d’office. En effet, lorsqu’elle est saisie d’une
requête qu’elle juge irrecevable, elle décide pourtant de poursuivre l’instance ouverte devant
elle, à condition que la requête fasse état de violation de droits et libertés. Après avoir déclaré
la requête irrecevable et constaté l’extinction de la procédure initiale, le juge constitutionnel
ouvre à nouveau son prétoire en se saisissant d’office. On passe alors d’un procès sur requête
du saisissant à un procès initié par le juge.

La possibilité pour la Cour constitutionnelle de se prononcer d’office sur la conformité à la


Constitution des lois et des actes règlementaires censés porter atteinte aux droits et libertés est
une arme à la fois sophistiquée et redoutable. Par cette procédure, le juge constitutionnel s’invite
dans un procès qui n’a été initié par personne. Cette intrusion dans un procès sans partie révèle
le caractère objectif du procès constitutionnel, procès fait à une norme. Le juge prend ainsi une
double casquette : celui du saisissant et celui de l’arbitre qui tranche le litige constitutionnel.

54
B : La question préjudicielle de constitutionnalité et la plainte

1/ L’article 122 de la Constitution : l’exception d’inconstitutionnalité ou la question


préjudicielle de constitutionnalité

Tout citoyen peut saisir la Cour constitutionnelle sur la constitutionnalité des lois, soit
directement soit par la procédure de l’exception d’inconstitutionnalité invoquée dans une affaire
qui le concerne devant une juridiction. Celle-ci doit surseoir à statuer jusqu’à la décision de la
Cour constitutionnelle qui doit intervenir dans un délai de 30 jours.

L’article 122 de la Constitution offre une alternative entre l’action directe et abstraite et l’action
indirecte et concrète. Le contrôle concret par voie d’exception permet l’examen d’un texte au
moment où il en est fait application. Cette procédure revêt un intérêt capital par rapport au
contrôle abstrait en ce sens qu’un texte jugé conforme à la Constitution peut par la suite se
révéler inconstitutionnel lors de ces multiples applications. Il est en effet possible qu’un texte
s’applique à des situations non prévues par les législations. Dans ces cas, seule l’exception
permet d’évacuer le doute en interrogeant le juge constitutionnel. Lorsque dans un procès surgit
un doute quant à la constitutionnalité des normes, celle-ci doit être levée avant que le juge
ordinaire puisse faire application de ladite norme. Le contrôle par voie d’exception peut être
ainsi déclenché à l’occasion de n’importe quelle affaire, devant n’importe quel juge et par
n’importe laquelle des parties. Lorsque le plaideur invoque ainsi des parties
d’inconstitutionnalité, il est nécessaire de statuer sur cette exception avant de se prononcer sur
le fond. C’est en cela qu’il s’agit d’une procédure incidente.

Il y a question préjudicielle lorsque le juge ne peut trancher lui-même la question incidente mais
est tenu de la renvoyer devant une autre juridiction ; c’est la procédure utilisée de la
centralisation du contrôle de constitutionnalité et surtout du monopole du procès fait aux lois.
Le juge devant lequel l’affaire est pendante est obligé dès que l’exception est soulevée de
surseoir à statuer en attendant la décision de la Cour constitutionnelle.

En France, la question préjudicielle de constitutionnalité porte l’appellation « question


prioritaire de constitutionnalité ».

2/ La plainte
La plainte trouve son origine dans l’article 120 de la Constitution : « La Cour constitutionnelle
doit statuer dans le délai de quinze jours après qu'elle a été saisie d'un texte de loi ou d'une
plainte en violation des droits de la personne humaine et des libertés publiques. Toutefois, à la

55
demande du Gouvernement, s'il y a urgence, ce délai est ramené à huit jours. Dans ce cas, la
saisine de la Cour constitutionnelle suspend le délai de promulgation de la loi ».

Le recours à la notion bien pénale de « plainte » en contentieux constitutionnel ouvre une voie
des plus libérales au prétoire de la Cour constitutionnelle. Elle peut en effet prendre toutes
formes, écrite comme celle adressée à un procureur ou sous forme de signalement.

II : LA PROCÉDURE
La Cour constitutionnelle est saisie par une simple requête et la procédure suivie devant elle est
écrite, gratuite, et contradictoire. Elle est publique, sauf décision contraire de la Cour. Les
parties peuvent se faire assister de toute personne physique ou morale compétente. Celle–ci
peut déposer des mémoires signés par les parties concernées. Nul ne peut demander à être
entendu dans les procédures pendantes dans la Cour.

L’examen préliminaire des recours est confié à un rapporteur désigné par le président de la
Cour24. Celui-ci procède à l’instruction de l’affaire en vue d’un rapport écrit à soumettre à la
cour. Il entend, le cas échéant les parties. Il peut également entendre toute personne dont
l’audition lui parait opportune ou solliciter par écrit des avis qu’il juge nécessaire. Il fixe aux
parties des délais pour produire leurs moyens et ordonne au besoin des enquêtes. Le rapport
analyse les moyens soulevés et énonce les points à trancher. Il est déposé au secrétariat général
qui le communique sans délai aux membres de la Cour. Il est lu à l’audience par le rapporteur.

Depuis l’avènement de la 6ème mandature de la Cour constitutionnelle, et pour une bonne


administration de la Cour, il est créé deux chambres de mise en été des dossiers aux fins de
rapports25. Chaque chambre de mise en état est composée d’un président et de deux conseillers,
sauf le Président de la Cour. Ce dernier préside, en tant que de besoin, l’une ou l’autre des deux
chambres.

Désormais, les audiences de mise en état ont lieu les 1er et 3èmè jeudis du mois pour la première
chambre et les 2ème et 4ème jeudis du mois pour la deuxième chambre, tandis que l’audience
plénière a lieu chaque mardi26.

24
Pour permettre à chaque conseiller de préparer l’audience et d’y prendre part utilement, un exemplaire du
dossier comportant le rapport et un projet de décision lui est communiqué plusieurs jours après la mise en état
de la procédure par le rapporteur.
25
Confère L’ORDONNANCE N° 2018-042/CC/SG du 13 juin 2018 portant création, attribution et composition
des chambres de mise en état aux fins de rapport.
26
ORDONNANCE N° 2018-074/CC/SG du 03 juillet 2018 portant fixation des dates d’audience à la Cour
constitutionnelle.
56
Pour délibérer valablement, la Cour constitutionnelle doit comprendre au moins cinq (5)
membres27. Les décisions sont prises par les membres en Assemblée plénière à la majorité des
2/3 des participants.

27
Si ce quorum n’est pas atteint, un procès-verbal est dressé pour en attester les circonstances.
57
SECTION IV : L’émergence d’un contre poids ignoré : Les autorités administratives
indépendantes (AAI)28

De la théorie de la séparation des pouvoirs héritée de MONTESQUIEU, le pouvoir est


traditionnellement réparti entre trois organes : l’exécutif, le législatif et le judiciaire 29. C’est sur
cet héritage que repose le modèle de démocratie en vigueur au Bénin. Elle implique une
dimension matérielle relative à la défense des droits et libertés individuels et collectifs qui
nécessitent la mise en œuvre de mécanismes institutionnels. A cet égard, l’on a assisté à
l’émergence de nouveaux organismes : les autorités administratives indépendantes. Elles
apparaissent comme les « nouveaux chiens de garde » d’une démocratie qui s’étiole30. Elles
sont chargées « d’agir au nom de l’Etat sans être subordonnées au gouvernement et bénéficient,
pour le bon exercice de leurs missions, de garanties qui leur permettent d’agir en pleine
autonomie sans que leurs actions puissent être orientées, si ce n’est par le juge. Elles disposent
de pouvoirs plus ou moins étendus qui, dans certains cas, combinent, à la fois, un pouvoir de
réglementation, d’autorisation individuelle, de contrôle, d’injonction, de sanction, voire même
de nomination, et se limitent, dans d’autres cas, à un simple pouvoir d’influence »31. La Cour
Constitutionnelle a considéré qu’elles « s’analyse[nt] comme une autorité administrative
autonome et indépendante du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif ; que [leur] création […]
est liée à la recherche d’une formule permettant d’isoler de l’administration de l’Etat un organe
disposant d’une réelle autonomie par rapport au gouvernement, aux départements ministériels
et au parlement, par l’exercice d’attributions concernant le domaine sensible des libertés
publiques… »32.

La première des Autorités Administratives Indépendantes (AAI) est prévue principalement par
la Constitution, les trois autres ont été créées ultérieurement par des lois ordinaires. Il s’agit :

- de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) ;

- de la Commission Electorale Nationale Autonome (CENA) ;

- du Médiateur de la République (MR) et

28
Pour avoir une compréhension plus approfondie sur le sujet, il est recommandé de consulter les travaux de
CHABI KPANDE Josué O., Les autorités administratives indépendantes et l’Etat de droit au Bénin, thèse de
Doctorat en droit public, UAC, 2020.
29
MONTESQUIEU (C. de), De l’esprit des lois, pp. 298 et s.
30
ADANDEDJAN (A. M.), les contrepoids dans le nouveau constitutionnalisme en Afrique noire francophone :
les exemples du Bénin, du Sénégal et du Togo, thèse de doctorat en droit public, UAC, p. 50.
31
CE, Les autorités administratives indépendantes, rapport précité, p. 305.
32
DCC 34-94 du 23 décembre 1994.
58
- de l’Autorité de Protection des Données à caractère Personnel.

Dans le cadre de l’Etat de droit, le principe constitutionnel fondamental est celui de la


soumission de l’administration au droit et le respect par cette dernière des libertés publiques
et des droits fondamentaux. Il ne faut pas pour autant oublier le rôle de l’administration
dans la protection des libertés publiques et des droits fondamentaux. C’est ce qui a conduit
à l’établissement des autorités administratives indépendantes considérées comme une
meilleure garantie contre les menaces nouvelles dérivant de l’évolution de la société et les
progrès scientifiques, techniques et technologiques.

Dès lors, le droit, bouleversé par l’avènement de ces organismes, a donné lieu à une
modification de la conception classique de la théorie de la séparation des pouvoirs. La
manifestation la plus visible de cette modification se traduit par le développement d’un
nouveau droit fondamental qualifié de droit à une bonne administration.

Toutefois, il faut souligner qu’au regard du droit constitutionnel, des interrogations


demeurent. La question se pose de savoir s’il existe un droit à la bonne administration de
nature constitutionnelle. A cet égard, l’on constate qu’il n’existe pas en tant que tel un droit
à la bonne administration de nature constitutionnelle dans la mesure où ce droit n’est pas
consacré expressément par des textes de rang constitutionnel. Mais l’on tire ce droit de
l’esprit du système juridique, à la manière des principes généraux du droit. En effet,
plusieurs aspects de ce droit à la bonne administration se rattachent directement aux
principes constitutionnels de l’Etat de droit.

Il faut ajouter à cela que la catégorie des autorités administratives indépendantes n’appartient
pas aux pouvoirs publics constitutionnels même si leur institutionnalisation est prévue, pour
certaines, par la Constitution. Il faut ajouter à cela, leur rattachement organique au pouvoir
exécutif (nature administrative de ces organismes), la soumission de leur existence ou de leur
pérennité au gré du législateur et leur inféodation par les acteurs politiques qui peut conditionner
l’efficacité de leur action.

59

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