Vous êtes sur la page 1sur 6

Vague épidémique de Covid-19

chez les non vaccinés :


attention aux chiffres
Le vacci’bus : une des méthodes pour atteindre les populations non
vaccinéesPr Dominique Baudon, Professeur du Val-De-Grâce

Une nouvelle fois, le Professeur Dominique Baudon nous


apporte des précisions et remets en quelque sorte « les pendules
à l’heure » sur certaines définitions et données chiffrées en
matière de couverture vaccinale, de taux d’incidence et de
contagiosité du variant delta. Et bien sûr, il revient sur les
stratégies qui lui semblent s’imposer.

Redéfinir la couverture vaccinale


La couverture vaccinale (CV) est la proportion de la population vaccinée
contre la Covid-19.

A partir des statistiques de l’Insee (1), et à partir des données de Santé


Publique France (SPF du 17 août 2021), nous pouvons avancer les chiffres
suivants : 

(Les sujets dits « vaccinés » étant ceux qui ont reçu les deux doses du
vaccin / M=million) :

 Parmi les sujets de 50 ans et plus, 16 % ne sont pas vaccinés (2,9 M) et


23,8 M sont vaccinés, soit une couverture vaccinale (CV) de 84 %.
 Chez les sujets de 18 à 49 ans, 40 % ne sont pas vaccinés (9,6 M) et 14,4
M sont vaccinés (CV de 60 %).
 Enfin, 78 % des 12 à 17 ans ne sont pas vaccinés, soit 4,6 M ; 1,3 M sont
vaccinés (CV de 22 %).

Au total, au 17 août 2021, dans la population cible de la vaccination (56,6


M de sujets de 12 ans et plus), nous estimons à 39,5 M le nombre de sujets
vaccinés et à 17,1 M les sujets non vaccinés.

A noter que nos calculs aboutissent, sur la population de sujets vaccinés, au


même nombre que celui publié par SPF le même jour (39,4 M).

Par contre la proportion de sujets vaccinés calculée par SPF, soit 59 % de la


population (39,4M /67 M) ne nous paraît pas pertinente. Le pourcentage
devrait être donné par rapport à la population cible définie dans
la stratégie de vaccination, celle de 12 ans et plus (56,6 M) ; on
obtient alors une couverture vaccinale de 69,8 % (39,4 / 56,6)
Le taux d’incidence des cas n’est pas ce qu’il
semble être
Le taux d’incidence TDI est défini, selon SPF, comme le nombre de cas
positif (RT PCR ou tests antigéniques) sur 7 jours pour 100 000. Il était
pour la période 10-16 août de 242,3 p 100 000 (162 338 cas + pour 67 M)

J’ai déjà critiqué l’utilisation de ce taux pour suivre la dynamique de


l’épidémie dans une précédente tribune (1), car il est lié au nombre de tests
réalisés ; ce TDI englobe à la fois les malades de la Covid-19 mais aussi les
porteurs asymptomatiques du virus.

Avec la stratégie du Passe sanitaire, le nombre de tests réalisés


quotidiennement a explosé faisant ainsi « artificiellement » augmenter le
TDI. Je donne un exemple : le 15 août 2021, 27 498 tests positifs ont été
déclarés (806 401 tests réalisés dont 3,41 % de positifs). Le 17 juillet, 17 151
tests positifs avaient été déclarés (410 312 tests dont 4,18 % de positifs). Si
le 15 août, il n’avait été pratiqué que 410 312 tests r (comme le 17 juillet),
avec 3,41 % de tests positifs, le nombre de cas déclarés aurait été de 13 991,
soit une baisse de 42 % par rapport au nombre déclaré le 17 juillet !

Pour juger de l’évolution de l’épidémie avec un variant delta très


contagieux, il faut rapporter le nombre de cas, non pas à la population
totale (67 M), mais à la population susceptible d’être infectée.

Je propose la formule simple suivante pour estimer l’importance de cette


population :

Population à risque d’être infectée = Population totale - population


immunisée par la maladie ou par l’infection

Nous connaissons le nombre de sujets vaccinés (39,4 M ayant reçu 2 doses)


; sachant que le taux d’efficacité des vaccins utilisés en France est de l’ordre
de 95 %, on peut estimer le nombre de sujets immunisés par la vaccination
à 37,5 M. Il est très difficile d’estimer le nombre de sujets immunisés par
l’infection à SARS-CoV2. Selon SPF, 6,5 M de personnes ont été infectées
(cas positif à la RT PCR ou au test antigénique) ; il y en a probablement
beaucoup plus mais nous garderons ce chiffre pour notre formule. Nous
pouvons donc estimer la population immunisée à 44 M (37,5 + 6,5) et en
conséquence la population à risque d’être infectée à 23 M (67 M - 44 M)

Ainsi, le TDI, rapporté à la population à risque d’être infectée,


n’est pas de 243,3 p 100 000, mais de 691 p 100 000 (162 338
cas+/ 23M), soit presque 3 fois supérieur. Cela confirme
l’extrême contagiosité du variant delta.

Des conséquences en termes de stratégie de lutte


Les objectifs de la campagne de vaccination avaient été rappelés par le
Premier Ministre lors de sa conférence de presse du 7 janvier 2021 : « faire
baisser la mortalité et les formes graves dues à la Covid 19, protéger les
français et notre système de santé, cela en toute sécurité ». L’objectif
principal était de « vacciner d’abord les plus vulnérables » (3).

Avec le variant delta, la population vulnérable, à risque d’être hospitalisée


et/ou de décéder, reste toujours la même (population de plus de 50 ans
avec comorbidité(s), population avec comorbidité(s) quel que soit l’âge). La
stratégie de vaccination qui a aussi pour objectif de diminuer la circulation
du virus permettra certes d’atteindre cet objectif, et il faut la soutenir. Mais
elle doit être mieux modulée et mieux ciblée.

Selon nos calculs, il y a encore 23 M de sujets non immunisés (chiffre


probablement sous estimé) ; parmi eux, comme calculé plus haut, près de 3
millions de sujets de 50 ans et plus ne sont pas encore vaccinés, dont près
de 1 M chez les plus de 70 ans.

Le 22 juillet l’assurance maladie estimait que « Plus de cinq millions de


personnes souffrant de comorbidités n’étaient pas encore vaccinés contre
la Covid-19 dont "près d’un million de plus de 75 ans" ».

Ainsi, la priorité devrait être celle de vacciner les sujets à risque


susceptibles de saturer les services de réanimation, avant d’envisager,
comme certains le demandent, la vaccination des enfants.

L’objectif ne doit pas être de vacciner la population pour


protéger les sujets à risque non vaccinés, mais d’abord de
vacciner tous les sujets à risque.

Pour cela, il faut « aller au devant » des personnes qui ont des difficultés à
se déplacer, particulièrement les personnes âgées, les personnes en
situation précaire, les personnes isolées...

L’assurance maladie doit être le moteur pour identifier les personnes à


risque, et, à la demande des médecins, leurs fournir la liste de leurs
patients à risque non encore vaccinés.
Le gouvernement réfléchirait à une vaccination obligatoire ; cela
ne devrait alors concerner que les sujets de 50 ans et plus (par
exemple) et toutes les personnes à risque.

Vous aimerez peut-être aussi