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Une impasse historiographique 

: Érasme
contre Luther, une opposition de
tempéraments
Matthieu Arnold
p. 65-76
https://doi.org/10.4000/rsr.1981

Abstracts
Since Johann Huizinga (1924), many biographies of Erasmus and Luther have defined their
Controversy concerning the Bondage of the Will (1524-1525) as a dispute based on
differences of personal character. Popularised by Stefan Zweig, this unproductive caricature
endured until G. Chantraine (1981) re-situated the conflict on literary and theological ground.
His theory was pursued as much by Luther scholars (H.A. Oberman, M. Lienhard, V. Leppin)
as by Erasmus scholars (L.E. Halkin, J.C. Margolin), although we still see some historians
who embroider tales of Erasmus’ “fearful” and “touchy” character (R. Schwarz).

Outline
1. Érasme contre Luther : l’antagonisme de deux natures ?
2. Des jugements plus nuancés : l’opposition entre deux types de théologie
2.1. Les biographes de Luther
2.2. Les biographes d’Érasme
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 1 Signalons, parmi les dernières études en date, R. KOLB, Bound Choice, Election,
and Wittenberg Theo (...)
 2 Dans le cadre restreint de cet article, nous n’avons nulle prétention d’être exhaustif ;
c’est ains (...)

1Le débat entre Érasme et Luther, marqué en particulier par la publication de la Diatribè sur
le libre arbitre (1524) et du traité sur Le Serf arbitre (1525), n’a pas seulement passionné les
contemporains des deux grandes figures du XVIe siècle : il a aussi donné naissance à une
longue tradition historiographique1. Toutefois, même si, au cours des décennies passées, notre
connaissance des enjeux du débat s’est affinée, les biographes de l’humaniste comme ceux du
Réformateur ont eu de la peine à s’affranchir d’une opposition que nous jugeons stérile :
l’antagonisme entre deux « natures », deux « caractères » ou deux « tempéraments ». À partir
de travaux importants consacrés à Érasme et à Luther2, à commencer par la biographie du
Néerlandais par son compatriote Johann Huizinga (1924), nous présenterons cette vision de la
querelle, en établirons les limites et montrerons comment des études récentes tentent, avec
bonheur, de dépasser cette approche psychologique du conflit.
1. Érasme contre Luther : l’antagonisme de
deux natures ?
 3 M. ARNOLD, « Érasme et Luther selon Stefan Zweig : un antagonisme irréductible »,
Revue d’Histoire (...)
 4 J. HUIZINGA, Érasme. Traduit du néerlandais par V. Bruncel. Préface de Lucien
Febvre, Paris, Gallim (...)

2Johann Huizinga occupe une place de choix parmi les biographes d’Érasme : non seulement
parce qu’il a influencé le portrait, extrêmement populaire, brossé par Stefan Zweig quelques
années plus tard3, mais encore parce qu’il a utilisé avec bonheur l’édition, alors en cours, de
la correspondance d’Érasme par P. S. Allen et qu’il a porté un regard sans complaisance sur
l’humaniste. Parue en 1924, sa biographie fut traduite en allemand dès 1928 ; mais il fallut
attendre plus longtemps pour qu’elle soit diffusée en français, aux éditions Gallimard4.

3Plutôt que de se concentrer sur les enjeux théologiques du débat qui a opposé Érasme et
Luther, Huizinga préfère présenter, en des formules tranchées, l’antagonisme entre leurs
« natures ». Le choix d’Érasme ne porte-t-il pas précisément, selon son biographe, sur une
question qui manifeste cette opposition ?

 5 HUIZINGA, Érasme, p. 263.

C’est ainsi qu’il [Érasme] aborda tout naturellement le point où s’accusait le mieux la
profonde séparation entre leurs deux natures, entre leur conscience de l’essence de la religion,
à savoir le problème central et éternel du bien et du mal, de la culpabilité ou de la contrainte,
de la liberté ou de la servitude, de Dieu et de l’homme5.

 6 HUIZINGA, Érasme, p. 235.


 7 Voir HUIZINGA, Érasme, p. 273.
 8 HUIZINGA, Érasme, p. 264.

4Huizinga n’est pas avare de critiques envers la « pusillanimité » et l’ « ambiguïté » qu’il


prête à Érasme6, il souligne aussi sa profonde susceptibilité7. Toutefois, ces défauts sont bien
peu de choses, comparés aux outrances qu’il trouve dans la personnalité de Luther. Lorsque
Huizinga analyse, brièvement, le De servo arbitrio, c’est pour donner de cet écrit une
interprétation qui se fonde sur le caractère – et les origines – du Réformateur : « Son
véhément esprit paysan tira ici, avec plus de violence qu’il ne l’avait jamais fait auparavant,
les surprenantes conséquences de sa foi brûlante8 ».

 9 HUIZINGA, Érasme, p. 265-266.


 10 HUIZINGA, Érasme, p. 302.

5Aussi, pour Huizinga, l’opposition entre les deux hommes ne se résume-t-elle pas seulement
au conflit entre « Érasme, l’homme de la nuance » et « Luther, l’homme de l’accent démesuré
sur toutes choses9 ». Plus fondamentalement, elle met aux prises la « dureté de chêne » du
Réformateur et la « douceur de velours10 » de l’humaniste. Que Luther a passé, sa vie durant,
par des moments de doute, et qu’Érasme a su, en bien des cas, faire preuve de fermeté voire
d’intransigeance, Huizinga n’en a cure : omettant tous les faits qui pourraient contredire son
opposition outrée, il brosse le cadre de bien des portraits ultérieurs.

 11 L. FEBVRE, Martin Luther, un destin, Paris, Presses Universitaires de France


(Quadrige), 1988 (1ère (...)
 12 Voir M. MANN PHILLIPS, « Visages d’Érasme », dans : Colloque érasmien de
Liège, éd. J.-P. Massaut, (...)
 13 FEBVRE, Martin Luther, un destin, p. 172.

6En 1928, en des pages trop brèves11 de sa biographie stimulante – mais à maints égards
assez superficielle – de Luther, Lucien Febvre se garde bien de prendre le parti de son héros,
même s’il le préfère au « semi-rationaliste » Érasme12 : il fait état la « haine furieuse » de
Luther, de sa « haine atroce, […] une de ces haines recuites et hallucinantes dont les hommes
de Dieu ont le secret » ; cette haine est dirigée contre Érasme, mais, plus largement, contre la
« raison ennemie du mystère et de toutes ces choses obscures que perçoit l’intuition13 ».

 14 S. ZWEIG, Triumph und Tragik des Erasmus von Rotterdam, 1934 (cité d’après
Fischer-Verlag, 1982). L (...)
 15 Voir ARNOLD, « Érasme et Luther … », Revue d’Histoire et de Philosophie
religieuses 82 (2002), p. 1 (...)
 16 Huizinga n’avait pas qualifié Luther de fanatique ; par contre, vingt-cinq ans avant
Zweig, A. Meye (...)
 17 Voir ZWEIG, Triumph und Tragik…, 1982, p. 27-28.

7Dans son essai biographique de 1934, destiné au grand public et qui connut un succès large
autant que durable, Triomphe et tragique d’Érasme de Rotterdam14, l’écrivain Stefan Zweig
reprit, en la poussant à son paroxysme, l’opposition qu’il avait trouvée chez Huizinga15. Au
contraire de Huizinga, qui n’avait accordé à la querelle sur le libre et le serf arbitre que la
place, somme toute mineure, qu’elle méritait au sein de l’œuvre littéraire foisonnante
d’Érasme, Zweig fait de ce conflit la trame de son ouvrage. Le contexte dans lequel il a rédigé
son essai explique ce choix : un an après l’avènement de Hitler (qui se profile derrière le
portrait de Luther), Zweig revêt les traits d’Érasme pour excuser son silence face aux
exactions du régime nazi. C’est pourquoi, avec brio mais de manière caricaturale, l’écrivain
campe d’un côté l’Européen, le pacifiste, l’ennemi du fanatisme, l’intellectuel impartial, le
conciliateur, le partisan d’une réforme en douceur, le penseur et le rationnel, et, de l’autre, le
tribun du peuple allemand, le pugnace, le fanatique16, le coléreux, le révolutionnaire et
l’homme de l’action. Mais, pour Zweig, Luther n’est pas seulement une figure inquiétante, ni
Érasme un homme purement vertueux : ce dernier est aussi, à lire l’essayiste, un être
superficiel, dissimulateur, soucieux de sa quiétude, hésitant voire craintif, tandis que Luther,
homme profond et courageux, n’hésite pas à risquer sa vie pour la vérité. Aussi, à la suite de
Huizinga, Zweig peut-il estimer que le robuste Luther est bien mieux taillé que le fragile
Érasme pour le contexte d’hommes rudes du XVIe siècle17. Car pour Zweig, des
dissemblances physiques sous-tendent l’opposition des caractères :

 18 Zweig brosse ainsi le portrait du « vieux Luther » ; mais il oublie (ou


ignore) celui du Luther éma (...)
 19 ZWEIG, Triumph und Tragik…, p. 104-105 ; traduction d’après ZWEIG,
Érasme, p. 1086.
Si nous mettons Luther, cet homme corpulent18, solidement charpenté, charnu, sanguin, au
front bas où saillent, menaçantes, ces bosses de la volonté qui rappellent les cornes du Moïse
de Michel-Ange, si nous mettons cette “motte de terre” en face de l’intellectuel qu’est
Érasme, de cet être mince, fragile, délicat, craintif, à la peau fine, couleur de parchemin, et si
nous ne les considérons que physiquement, nos sens, plus prompts que notre pensée,
perçoivent qu’entre des individus si différents il ne pourra jamais exister d’amitié ou même
d’entente19.

8Malgré ses outrances – ou, peut-être, à cause précisément de ses excès –, la présentation de
Zweig offre au lecteur la vivante synthèse des différences que longtemps les interprètes
d’Érasme et de Luther ont cru discerner entre les deux hommes ; de son fait, son essai résume
les termes dans lesquels on a posé durablement le débat.

 20 « Il était donc loin d’être le sceptique que certains ont voulu voir en lui, mais sa
religion, éloi (...)
 21 « Et maintenant paraît un homme doué de qualités et de défauts extraordinaires,
savant, éloquent, i (...)
 22 H. DENIFLE, Luther und das Luthertum in der ersten Entwicklung quellenmässig
dargestellt, 2 t., May (...)
 23 L. GAUTIER VIGNAL, Érasme 1466-1536, Paris, Payot, 1936, p. 191.
 24 GAUTIER VIGNAL, Érasme…, p. 191.
 25 GAUTIER VIGNAL, Érasme…, p. 197.

9Deux ans après Zweig, en 1936, à l’occasion du 400e anniversaire de la mort d’Érasme, L.
Gautier Vignal a publié, dans la réputée « Bibliothèque historique » des éditions Payot, une
biographie, qui, sans reprendre le cliché de l’Érasme pleutre ou indifférent en matière de
religion20, ne présente pas moins l’opposition entre Érasme et Luther – malgré quelques
jugements positifs sur le premier21 – comme une confrontation de deux tempéraments.
L’auteur reprend les jugements de Heinrich Denifle22, dont l’œuvre fut traduite en France à
partir de 1910, sur l’orgueil de Luther : « Frère Martin, qui aurait pu être un saint, est bientôt
rempli d’un immense orgueil. Il veut être écouté comme un prophète et commander en
chef23 ». Il juge aussi que c’est en raison de ses basses origines (« appartenant au petit
peuple ») que le Réformateur peut s’appuyer sur les « passions populaires24 » et, au moins au
début de son activité publique, « affirm[er] des sentiments populaires et révolutionnaires25 ».
Plus loin, il brosse une opposition tranchée qui n’est pas sans rappeler celle de Zweig :

 26 C’est oublier que, comme Érasme, Luther a exalté la paix en de nombreux


écrits. Voir M. ARNOLD, « G (...)
 27 GAUTIER VIGNAL, Érasme…, p. 202-203.

À cause du profond antagonisme de leur caractère, des différences d’esprit qui résultaient de
leur formation et de la vie qu’ils avaient menée, on aurait pu, dès cette époque [1518], prévoir
qu’ils n’étaient point faits pour s’entendre. Sans entreprendre de tracer entre les deux hommes
un parallèle, on ne peut négliger d’indiquer l’éloignement de leur nature et de leur
intelligence. Celle d’Érasme était faite de nuances, et les qualités dominantes de son esprit
étaient la souplesse et la mesure. À son opposé, Luther était un caractère entier, intolérant,
fanatique. L’un est pacifiste26, internationaliste ; l’autre ardemment nationaliste. Si Érasme
exprime la raison, le contrôle de soi-même, Luther, avec ses excès, ses colères, ses crises
nerveuses, révèle parfois un génie proche de l’état pathologique. Érasme est un esprit
aristocratique qui n’est à son aise que parmi une élite. Chez Luther, l’instinct populaire
domine et il ne craint pas, comme l’humaniste, le contact des foules. Luther a une foi ardente,
enthousiaste, tandis que la piété d’Érasme est infiniment nuancée27.

 28 GAUTIER VIGNAL, Érasme…, p. 230.


 29 GAUTIER VIGNAL, Érasme…, p. 236.

10Pour ce qui est du débat théologique proprement dit, l’auteur reconnaît qu’Érasme l’a porté
« sur des hauteurs interdites au profane28 », mais se refuse « d’apprécier la valeur de ces deux
ouvrages, qui, en outre, relèvent de la théologie. D’ailleurs, en dehors de la question du
dogme, le jugement qu’on portera sur eux dépend en définitive du choix que l’on aura fait de
l’une ou l’autre thèse, et l’on sait que sur ce problème capital de la philosophie et de la
religion le débat est loin d’être clos29 ».

2. Des jugements plus nuancés : l’opposition


entre deux types de théologie
 30 M. BATAILLON, Érasme et l’Espagne. Recherches sur l’histoire spirituelle du XVIe
siècle, Paris, Dro (...)
 31 C. AUGUSTIJN, Erasmus en de Reformatie, Amsterdam, 1962.
 32 E.-W. KOHLS, Die Theologie des Erasmus, 2 t., Bâle, Friedrich Reinhardt, 1966.
 33 L. E. HALKIN, Érasme et l’humanisme chrétien, Paris, Éditions universitaires,
1969.
 34 C. BENÉ, Érasme et saint Augustin ou l’influence de saint Augustin sur
l’humanisme d’Érasme, Genève (...)
 35 A. GODIN, Érasme, lecteur d’Origène, Genève, Droz, 1982.
 36 G. CHANTRAINE, Érasme et Luther. Libre et serf arbitre. Étude historique et
théologique, Paris, Let (...)

11Dès 1937, Marcel Bataillon faisait œuvre de précurseur, en découvrant une théologie et une
spiritualité propres à Érasme, marquée par la « philosophia Christi30 ». Plus tard, dans les
années 1960, les travaux de Cornelis Augustijn31, d’Ernst-W. Kohls32, de Léon E. Halkin33
et de Charles Bené34 ont prolongé ces recherches, insistant notamment sur l’influence que les
Pères de l’Église ont exercée sur l’humaniste. André Godin s’est également inséré dans la
lignée de ces études35, alors que, dans un ouvrage fouillé, Georges Chantraine s’attachait à
étudier les différences théologiques et littéraires entre la diatribè d’Érasme sur le libre arbitre
et l’assertio de Luther sur le serf arbitre36.

12Ces progrès des études érasmiennes, qui ont déplacé l’opposition psychologique sur le
terrain propre à une recherche féconde, celui de l’histoire, de la théologie et de la rhétorique,
ont-ils affecté les présentations du débat entre Érasme et Luther dans les biographies des deux
hommes ?

2.1. Les biographes de Luther


 37 E.-W. KOHLS, Luther oder Erasmus, 2 t., Bâle, Friedrich Reinhardt, 1972 et 1978.
 38 H. BORNKAMM, Martin Luther in der Mitte seines Lebens. Das Jahrzehnt zwischen
dem Wormser und dem A (...)
 39 « Daß es zwischen den beiden geistigen Königen einer Epoche, wenn sie sich nicht
miteinander verbin (...)

13Alors que Ernst-W. Kohls continuait d’exhorter les chercheurs à choisir entre Érasme et
Luther37, paraissait, à titre posthume, la biographie de Luther rédigée par Heinrich
Bornkamm, qui consacrait deux importants chapitres à « L’attaque d’Érasme (Der Angriff des
Erasmus) » et au « Conflit au sujet du libre arbitre (Der Streit um den freien Willen)38 ».
Dans le second chapitre, Bornkamm présente, de manière objective et détaillée, les thèses
exposées par les deux hommes ; par contre, les pages consacrées à « L’attaque d’Érasme »
débutent par des jugements bien plus contestables ; la différence psychologique que
Bornkamm pense trouver entre les deux hommes fonde une vision téléologique de leur
histoire commune : il était inévitable que deux tempéraments aussi opposés en vinssent à se
séparer39 ! En reprenant l’opposition entre d’une part un Érasme craintif, soucieux de
préserver sa tranquillité en ne critiquant les abus dans l’Église que du bout des lèvres, avec
ironie, et d’autre part un Luther qui, par amour de la vérité et avec courage, consent à être
arraché à son couvent et à ses études, Bornkamm se contente de faire écho au contraste forgé
par Luther 450 ans auparavant !

 40 H. A. OBERMAN, Luther. Mensch zwischen Gott und Teufel, Berlin, Severin und
Siedler, 19832 (19821), (...)
 41 « Luther und Erasmus – zwei Wirklichkeiten : Nicht Mittelalter hier und Neuzeit
dort, sondern Mensc (...)

14Heiko A. Oberman, auteur d’une biographie suggestive expliquant toute l’existence de


Luther par sa conscience de mener, aux côtés de Dieu, un combat eschatologique contre le
diable, n’est pas tombé dans le même travers. Certes, il évoque la timidité et la susceptibilité
d’Érasme40, comme si Luther, quant à lui, avait été insensible à la critique… Mais il ne
s’attarde guère sur ces traits, préférant s’attacher à la portée et à l’actualité théologiques du
débat. Ce faisant, il évite soigneusement toute évaluation tranchée, qui donnerait la couronne
du vainqueur à l’un ou l’autre des protagonistes41.

 42 M. LIENHARD, Martin Luther. Un temps, une vie, un message, Genève, Labor et


Fides, 41998 (Paris, Le (...)

15Un an après la première édition de l’ouvrage de Oberman, Marc Lienhard a consacré à


Luther une biographie plusieurs fois rééditée depuis lors42 . Plutôt que de s’aventurer sur le
terrain de la psychologie, Lienhard s’efforce de présenter les intentions – certes divergentes –
d’Érasme et de Luther :

Le premier [Érasme] s’attache à la pédagogie (tout n’est pas utile à dire), à la morale (il faut
faire place à la volonté de l’homme…), au mystère impliqué par le témoignage biblique et par
les limites de notre entendement. Le Dieu auquel il croit est un Dieu bon qui aide l’homme à
avancer, tout en le laissant agir comme être libre.

 43 LIENHARD, Martin Luther…, p. 158-159. Dans sa biographie, Lienhard se


refuse explicitement, à plusi (...)

Pour Luther, au contraire, les mots-clefs sont Jésus-Christ, grâce, certitude. Dieu n’entre pas
dans nos catégories, mais par son action salvatrice, il fonde notre certitude. Parce qu’elle est
tout entière témoignage centré autour de Jésus-Christ, la Bible est claire. Parce que notre salut
repose tout entier sur Jésus-Christ et sur l’œuvre de Dieu, notre assurance est inébranlable. Et
cela, il faut le proclamer contre les objections de la raison ou le poids d’une tradition43.

 44 M. BRECHT, Martin Luther, t. 2 : Ordnung und Abgrenzung der Reformation 1521-


1532, Stuttgart, Calwe (...)
 45 Voir notre présentation critique : M. ARNOLD, « Écrire la biographie du
Réformateur : le Martin Lut (...)
 46 Martin Luther, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 2006, p. 249. Dans
les pages qu’il co (...)

16Tant du côté français que du côté allemand, les interprètes de Luther semblent donc avoir
abandonné les termes dans lesquels leurs prédécesseurs avaient présenté le débat entre Érasme
et Luther. Ainsi, la volumineuse biographie de Martin Brecht, qui reste à ce jour l’ouvrage de
référence sur le Réformateur, expose-t-elle la « querelle avec Érasme44 » en se bornant à une
analyse théologique très détaillée. Plus récemment, dans la dernière grande biographie
consacrée à Luther45, Volker Leppin a souligné – à juste titre –, dans les pages qu’il a
consacrées au débat46, que ce dernier roulait non seulement sur le libre arbitre, mais aussi sur
l’herméneutique de la Bible.

 47 R. SCHWARZ, Luther, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht (« Die Kirche in ihrer


Geschichte »), 1986, p (...)
 48 SCHWARZ, Luther…, p. 156

17Dans ce contexte, on regrettera que le manuel de Reinhard Schwarz, au demeurant bien


informé, reprenne le poncif de l’ « humaniste extrêmement susceptible (äußerst empfindliche
Humanist)47 » pour expliquer que des critiques épistolaires de Luther, dans des lettres à des
tiers, avaient poussé Érasme à prendre la plume. Pour le reste, Schwarz se refuse
expressément à établir ce qui, dans la polémique entre les deux hommes, relève de l’affectif et
ce qui ressortit au jugement de valeur théologique48.

2.2. Les biographes d’Érasme


18Chez les exégètes de Luther, l’interprétation de type psychologique semble donc presque
éteinte. Mais qu’en est-il chez les récents biographes d’Érasme ?

 49 L. E. HALKIN, Érasme parmi nous, Paris, Fayard, 1987, p. 219-238.

19Interprète reconnu et pondéré de l’humaniste, Léon E. Halkin a, tout naturellement, rédigé


la vie d’Érasme dans la prestigieuse collection des biographies paraissant aux éditions Fayard.
À lui seul, le titre du chapitre traitant des deux géants du XVIe siècle, Érasme et Luther. Le
choc de deux réformes49, témoigne de la volonté de faire droit aux intentions réformatrices de
l’un comme de l’autre : Luther n’est pas caricaturé en « révolutionnaire », et Érasme n’est pas
stigmatisé comme ayant reculé devant la Réforme de l’Église.

 50 HALKIN, Érasme parmi nous, p. 224.


 51 « La nécessité, nouant ensemble mille raisons, l’oblige à se déclarer. Afin de ne
point passer pour (...)
 52 HALKIN, Érasme parmi nous…, p. 235. 53. Ibid., p. 236.
20Halkin signale avec objectivité les points communs entre les deux hommes – notamment
leur opposition à la scolastique –, mais aussi les différences – « Érasme […] craint le schisme
autant qu’il abhorre la violence50 ». Après avoir évoqué, brièvement, les raisons qui ont
poussé Érasme à rédiger sa diatribè sur le libre arbitre51, l’auteur présente l’ouvrage puis
expose avec clarté les différences théologiques entre les deux hommes : « Luther continue
d’opposer à la théologie de la gloire sa théologie de la croix : Dieu fait mourir pour faire
vivre ; il condamne pour libérer. Quant à Érasme, il développe, non une théologie de la gloire,
mais une théologie de la liberté52 ».

 53 Ibid., p. 236.

21Au terme de cet exposé, où Halkin a reconnu « la foi […] profonde chez ces deux hommes
de prière53 », il fait sien le thème de l’opposition des tempéraments, mais tout en se gardant
de forcer les considérations de type psychologique :

 54 Ibid., p. 237.

Entre Luther et Érasme, l’opposition des tempéraments s’est manifestée avec éclat […].
Luther est un prophète et ses trouvailles sont des éclairs. Érasme est un homme de science à
l’esprit critique toujours en alerte. Luther a le sens du tragique, Érasme le sens de l’humour.
Les prophètes n’ont que faire de l’humour, ils en seraient paralysés. Les esprits critiques
parlent de leurs recherches plus volontiers que de leurs certitudes. La théologie d’Érasme est
une théologie ouverte qui s’oppose à la théologie tranchante de Luther54.

 55 Voir par ex. A. LEXUTT, « Humor und Theologie bei Erasmus und Luther »,
Luther. Zeitschrift der Lut (...)
 56 HALKIN, Érasme parmi nous…, p. 237.

22On souscrira sans peine à cette dernière phrase, qui résume bien l’opposition entre le genre
de la diatribè, choisi par Érasme, et celui de l’assertio, qui a les faveurs de Luther ; par
contre, il suffit de considérer l’abondante littérature consacrée à l’humour de Luther55 (et de
relever les accents tragiques de maints écrits d’Érasme, surtout lorsqu’il déplore la discorde)
pour invalider l’opposition défendue quelques lignes plus haut. Tout à son désir de mettre en
évidence le « désaccord fondamental56 » entre les deux hommes, même un interprète aussi
fin que Halkin ne parvient pas toujours à éviter les simplifications.

 57 J.-C. MARGOLIN, Érasme, précepteur de l’Europe, Paris, Julliard, 1995, p. 220 et


233.
 58 J.-C. MARGOLIN, « Érasme et Luther ? Érasme ou Luther ? Une problématique
toujours ouverte », dans (...)
 59 MARGOLIN, « Érasme et Luther ?… », p. 209-210.
 60 Ibid., p. 215.
 61 Ibid., p. 217-218.

23En 1995, Jean-Claude Margolin, autre grand exégète d’Érasme, avait adressé quelques
piques à Luther57. Six ans plus tard, dans un ouvrage collectif consacré au théologien de
Wittenberg, il a rédigé une contribution remarquée : « Érasme et Luther ? Érasme ou Luther ?
Une problématique toujours ouverte58 ». Certes, l’étude commente les premiers échanges
épistolaires entre les deux hommes en ces termes : « On aura noté – mais aucun historien
contemporain ne sera en désaccord sur ce point [sic !] – qu’entre les deux hommes, la
différence de tempérament et de style est un fait patent59 ». Mais la suite du propos est
beaucoup plus novatrice. En effet, Margolin appelle les historiens à tenir compte de
« l’évolution60 » des deux hommes. Il relève aussi que certaines oppositions, comme celle
entre le théologien et l’humaniste, contribuent à obscurcir le problème plus qu’à l’éclairer61.

 62 Ibid., p. 220.
 63 Voir M. ARNOLD, « Martin Luther, Theologe der Nächstenliebe », Lutherjahrbuch
75 (2008), p. 67-90.
 64 MARGOLIN, « Érasme et Luther ?… », p. 225.

24Sans doute faudrait-il nuancer l’affirmation selon laquelle que « la théologie luthérienne
n’a rien à voir avec l’éthique62 » : dès 1520, par son traité Des bonnes œuvres, Luther a
affirmé sans ambiguïté l’importance qu’il accordait aux fruits de la foi (les œuvres, comme
conséquence de la justification) ; dans la suite de son œuvre, jamais il n’a cessé de s’intéresser
aux questions éthiques63. Il n’empêche : l’étude de Margolin, qui insiste surtout sur les
différences théologiques entre Érasme et Luther, refuse les alternatives stériles, et elle conclut
avec éclat : « […] vouloir choisir entre Érasme et Luther n’a aucun sens pour l’historien des
idées de notre époque ; et je me demande même si ce prétendu dilemme a, de nos jours, une
signification réelle pour le chrétien à la fois croyant et pratiquant au sein de l’une ou de l’autre
des Églises auxquelles ont appartenu le chrétien Érasme et le chrétien Luther64 ».

**

25Des siècles durant et jusqu’à une époque récente, les jugements, très dépréciatifs,
qu’Érasme et Luther portèrent l’un sur l’autre, ont marqué l’histoire de l’interprétation.
Exégètes de Luther et interprètes d’Érasme se sont, la plupart du temps, engagés aux côtés de
leur héros respectif. À la volonté de défendre une confession a succédé, plus insidieusement,
la sympathie que tout historien éprouve pour son objet d’étude ; mais l’une comme l’autre ont
contribué à la permanence d’oppositions tranchées, nécessairement caricaturales. Sans doute
l’ampleur des corpus luthérien et érasmien a-t-elle favorisé la réitération de ces jugements
erronés : quel interprète pourrait prétendre connaître, avec une égale compétence, la pensée de
l’une et l’autre de deux figures majeures de l’histoire littéraire et religieuse ?

 65 MARGOLIN, « Érasme et Luther ?… ».

26Cette dernière constatation n’en rend que plus nécessaire le décloisonnement des études sur
Érasme et sur Luther. À cet égard, la contribution de Jean-Claude Margolin aux travaux sur
« Luther et la Réforme65 » est exemplaire. D’autres collaborations sont souhaitables, qui
permettront aux historiens de mieux mesurer (et, partant, de mieux présenter à leurs lecteurs)
la passionnante complexité d’Érasme et de Luther.

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Notes
1 Signalons, parmi les dernières études en date, R. KOLB, Bound Choice, Election, and
Wittenberg Theological Method. From Martin Luther to the Formula of Concord, Grand
Rapids / Cambridge, Eerdmans, 2005, notamment p. 11-66.
2 Dans le cadre restreint de cet article, nous n’avons nulle prétention d’être exhaustif ; c’est
ainsi que nous avons privilégié les travaux parus en français et en allemand. Les biographies
parues en anglais mériteraient, à elles seules, une recherche spécifique : songeons, par
exemple, que R. BAINTON a été le biographe d’Érasme comme de Luther.

3 M. ARNOLD, « Érasme et Luther selon Stefan Zweig : un antagonisme irréductible », Revue


d’Histoire et de Philosophie religieuses 82 (2002), p. 138-141 (123-145).

4 J. HUIZINGA, Érasme. Traduit du néerlandais par V. Bruncel. Préface de Lucien Febvre,


Paris, Gallimard, 1955 (2e éd.).

5 HUIZINGA, Érasme, p. 263.

6 HUIZINGA, Érasme, p. 235.

7 Voir HUIZINGA, Érasme, p. 273.

8 HUIZINGA, Érasme, p. 264.

9 HUIZINGA, Érasme, p. 265-266.

10 HUIZINGA, Érasme, p. 302.

11 L. FEBVRE, Martin Luther, un destin, Paris, Presses Universitaires de France (Quadrige),


1988 (1ère éd., 1928), p. 172-174.

12 Voir M. MANN PHILLIPS, « Visages d’Érasme », dans : Colloque érasmien de Liège, éd. J.-
P. Massaut, Paris, Les Belles Lettres, 1987, p. 20 (17-29).

13 FEBVRE, Martin Luther, un destin, p. 172.

14 S. ZWEIG, Triumph und Tragik des Erasmus von Rotterdam, 1934 (cité d’après Fischer-
Verlag, 1982). Lorsque nous donnons des citations, nous le faisons d’après la traduction
française : S. ZWEIG, Érasme, dans : Essais, Paris, La Pochothèque, 1996.

15 Voir ARNOLD, « Érasme et Luther … », Revue d’Histoire et de Philosophie religieuses 82


(2002), p. 123-145.

16 Huizinga n’avait pas qualifié Luther de fanatique ; par contre, vingt-cinq ans avant Zweig,
A. Meyer avait portraituré le Réformateur comme « un homme d’action animé de tout le
fanatisme que peut donner la certitude de la vérité ». (A. MEYER, Étude critique sur les
relations d’Érasme et de Luther, Paris, Alcan, 1909).

17 Voir ZWEIG, Triumph und Tragik…, 1982, p. 27-28.

18 Zweig brosse ainsi le portrait du « vieux Luther » ; mais il oublie (ou ignore) celui du
Luther émacié, tel que l’ont dépeint par exemple ceux qui assistèrent, en 1518, à la Dispute de
Heidelberg.

19 ZWEIG, Triumph und Tragik…, p. 104-105 ; traduction d’après ZWEIG, Érasme, p. 1086.
20 « Il était donc loin d’être le sceptique que certains ont voulu voir en lui, mais sa religion,
éloignée de tout formalisme, était principalement morale et l’Église avait surtout à ses yeux
une valeur sociale » (p. 203). « On n’a pas suffisamment rendu justice à Érasme de ce qu’il
n’a jamais varié dans son opinion à l’égard de Luther. […] Cette attitude, qui éveillera tant de
suspicion, qui permettra de douter de sa sincérité et le fera passer pour un esprit pusillanime,
hésitant, craintif, est d’une admirable logique et d’une grande noblesse » (p. 204).

21 « Et maintenant paraît un homme doué de qualités et de défauts extraordinaires, savant,


éloquent, infatigable [on reconnaît là l’idée de Zweig, démentie par les faits, de
l’extraordinaire vitalité de Luther !], admirable polémiste, courageux, d’une énergie
exceptionnelle, tantôt maître de soi, tantôt emporté et capable alors de violences qui vont
jusqu’à la grossièreté. […] Parmi les vertus chrétiennes, il a fait un choix. Sa piété est grande,
mais il ignore l’humilité » (p. 191). « Les deux hommes, qui vont s’affronter, ne représentent
l’un et l’autre que des valeurs spirituelles : chez Luther la passion religieuse et un grand
souffle de foi nouvelle et d’exaltation ; chez Érasme, le prestige de l’érudition et la
souveraineté exercée sur les lettrés de l’Europe entière » (p. 206).

22 H. DENIFLE, Luther und das Luthertum in der ersten Entwicklung quellenmässig


dargestellt, 2 t., Mayence, 1904 et 1909.

23 L. GAUTIER VIGNAL, Érasme 1466-1536, Paris, Payot, 1936, p. 191.

24 GAUTIER VIGNAL, Érasme…, p. 191.

25 GAUTIER VIGNAL, Érasme…, p. 197.

26 C’est oublier que, comme Érasme, Luther a exalté la paix en de nombreux écrits. Voir M.
ARNOLD, « Guerre et paix dans les écrits de Luther relatifs aux autorités temporelles », dans :
Martin Luther 1517-1526, éd. F. Hartweg, Strasbourg, 2001, Presses Universitaires de
Strasbourg, p. 253-276.

27 GAUTIER VIGNAL, Érasme…, p. 202-203.

28 GAUTIER VIGNAL, Érasme…, p. 230.

29 GAUTIER VIGNAL, Érasme…, p. 236.

30 M. BATAILLON, Érasme et l’Espagne. Recherches sur l’histoire spirituelle du XVIe siècle,


Paris, Droz, 1937 (rééd. Genève, Droz, 1988).

31 C. AUGUSTIJN, Erasmus en de Reformatie, Amsterdam, 1962.

32 E.-W. KOHLS, Die Theologie des Erasmus, 2 t., Bâle, Friedrich Reinhardt, 1966.

33 L. E. HALKIN, Érasme et l’humanisme chrétien, Paris, Éditions universitaires, 1969.

34 C. BENÉ, Érasme et saint Augustin ou l’influence de saint Augustin sur l’humanisme


d’Érasme, Genève, Droz, 1969.

35 A. GODIN, Érasme, lecteur d’Origène, Genève, Droz, 1982.


36 G. CHANTRAINE, Érasme et Luther. Libre et serf arbitre. Étude historique et théologique,
Paris, Lethielleux / Namur, Presses Universitaires, 1981.

37 E.-W. KOHLS, Luther oder Erasmus, 2 t., Bâle, Friedrich Reinhardt, 1972 et 1978.

38 H. BORNKAMM, Martin Luther in der Mitte seines Lebens. Das Jahrzehnt zwischen dem
Wormser und dem Augsburger Reichstag, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1979, p. 299-
313 et 368-405.

39 « Daß es zwischen den beiden geistigen Königen einer Epoche, wenn sie sich nicht
miteinander verbinden konnten, einmal zu einer Scheidung kommen mußte, war freilich
vorauszusehen. Für ein Bündnis waren sie zu verschiedene Naturen : der ständig mit sich
beschäftigte, seinen Stilkünsten hingegebene Stubenfreund Erasmus, Mönch der Wissenschaft
und Weltmann in einer Person, von den politischen Händeln zugleich fasziniert und geängstet,
der gegen die Mängel der Kirche und der Gesellschaft nur mit wohlgemeinten moralischen
Ermahnungen und ironischer Kritik anging, – und der leidenschaftliche, wortmächtige, vor
keiner noch so radikalen Wahrheit und keinem Widerstand zurückschreckende Luther, der
sich durch die Nöte der Zeit aus der Klosterzelle und Studierstube in den Kampf hatte
hinausrufen lassen und der Kirche wie dem einzelnen die Schwere der Glaubensentscheidung
zumutete. » (BORNKAMM, Martin Luther…, p. 299-300.)

40 H. A. OBERMAN, Luther. Mensch zwischen Gott und Teufel, Berlin, Severin und Siedler,
19832 (19821), p. 227 et 231.

41 « Luther und Erasmus – zwei Wirklichkeiten : Nicht Mittelalter hier und Neuzeit dort,
sondern Menschen- und Geschichtsdeutungen mit unterschiedlichen Perspektiven und
Erfahrungen treten zu Tage, von denen keine eindeutig ‘überholt’ oder ‘fortschrittlich’ ist »
(OBERMAN, Luther…, p. 232).

42 M. LIENHARD, Martin Luther. Un temps, une vie, un message, Genève, Labor et Fides,
41998 (Paris, Le Centurion / Genève, Labor et Fides, 11983). Nous citons d’après l’édition de
1983.

43 LIENHARD, Martin Luther…, p. 158-159. Dans sa biographie, Lienhard se refuse


explicitement, à plusieurs reprises, de suivre Luther lorsque ce dernier qualifie Érasme de
sceptique (p. 153 et 155) ; il critique la distinction opérée par Luther entre Dieu révélé et Dieu
caché (« […] on peut se demander s’il [=Luther] ne risquait pas d’introduire un dangereux
dualisme en Dieu lui-même », p. 157) et conclut son propos sur le fait que, si « la controverse
entre Luther et Érasme a révélé des différences essentielles entre la Réformation et
l’humanisme », « […] elle n’a pas banni pour autant ce dernier de l’Église évangélique » (p.
159).

44 M. BRECHT, Martin Luther, t. 2 : Ordnung und Abgrenzung der Reformation 1521-1532,


Stuttgart, Calwer Verlag, 1986, p. 210-234.

45 Voir notre présentation critique : M. ARNOLD, « Écrire la biographie du Réformateur : le


Martin Luther de Volker Leppin », Revue d’Histoire et de Philosophie religieuses 88 (2008),
p. 315-337.
46 Martin Luther, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 2006, p. 249. Dans les
pages qu’il consacre à « la dispute avec Érasme » (« Der Streit mit Erasmus », p. 246-257),
jamais Leppin, qui qualifie Érasme de « philosophe et théologien sage et souverain » (p. 250),
n’émet de jugement dépréciatif sur l’humaniste. C’est à propos de Luther, l’objet de sa
biographie, qu’il déclare, après avoir présenté les positions des deux protagonistes : « Luther
war nicht mehr der gefeierte Held, dem nach dem Wormser Reichstag die deutsche
Öffentlichkeit zugejubelt hatte. Sein Charisma hatte zu verblassen begonnen » (p. 257).

47 R. SCHWARZ, Luther, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht (« Die Kirche in ihrer


Geschichte »), 1986, p. 153.

48 SCHWARZ, Luther…, p. 156

49 L. E. HALKIN, Érasme parmi nous, Paris, Fayard, 1987, p. 219-238.

50 HALKIN, Érasme parmi nous, p. 224.

51 « La nécessité, nouant ensemble mille raisons, l’oblige à se déclarer. Afin de ne point


passer pour un complice ou pour un poltron, Érasme prend enfin la plume contre Luther »
(HALKIN, Érasme parmi nous…, p. 231).

52 HALKIN, Érasme parmi nous…, p. 235. 53. Ibid., p. 236.

53 Ibid., p. 236.

54 Ibid., p. 237.

55 Voir par ex. A. LEXUTT, « Humor und Theologie bei Erasmus und Luther », Luther.
Zeitschrift der Luther-Gesellschaft 71 (2000), p. 4-20.

56 HALKIN, Érasme parmi nous…, p. 237.

57 J.-C. MARGOLIN, Érasme, précepteur de l’Europe, Paris, Julliard, 1995, p. 220 et 233.

58 J.-C. MARGOLIN, « Érasme et Luther ? Érasme ou Luther ? Une problématique toujours


ouverte », dans : Luther et la réforme. Du Commentaire de l’Épître aux Romains à la Messe
allemande, éd. J.-M. Valentin, Paris, Desjonquères, p. 207-228.

59 MARGOLIN, « Érasme et Luther ?… », p. 209-210.

60 Ibid., p. 215.

61 Ibid., p. 217-218.

62 Ibid., p. 220.

63 Voir M. ARNOLD, « Martin Luther, Theologe der Nächstenliebe », Lutherjahrbuch 75


(2008), p. 67-90.

64 MARGOLIN, « Érasme et Luther ?… », p. 225.


65 MARGOLIN, « Érasme et Luther ?… ».

References
Bibliographical reference

Matthieu Arnold, “Une impasse historiographique : Érasme contre Luther, une opposition de
tempéraments”, Revue des sciences religieuses, 85/1 | 2011, 65-76.

Electronic reference

Matthieu Arnold, “Une impasse historiographique : Érasme contre Luther, une opposition de
tempéraments”, Revue des sciences religieuses [Online], 85/1 | 2011, Online since 01 October
2015, connection on 03 April 2022. URL: http://journals.openedition.org/rsr/1981; DOI:
https://doi.org/10.4000/rsr.1981

Author
Matthieu Arnold

Groupe de Recherches sur les Non Conformistes Religieux des XVIe et XVIIe siècles et
l’Histoire des Protestantismes (GRENEP) - Faculté de Théologie protestante de l’Université
de Strasbourg

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