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Revue Philosophique de Louvain

Jean Pépin, Mythe et allégorie. Les origines grecques et les


contestations judéo-chrétiennes
Georges Van Riet

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Van Riet Georges. Jean Pépin, Mythe et allégorie. Les origines grecques et les contestations judéo-chrétiennes. In: Revue
Philosophique de Louvain. Troisième série, tome 58, n°58, 1960. pp. 293-294;

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COMPTES RENDUS

Ouvrages d'histoire

Jean PÉPIN, Mythe et allégorie. Les origines grecques et les


contestations judéo-chrétiennes (Coll. « Philosophie de l'esprit »).
Un vol. 22,5x14 de 522 pp. Paris, Aubier, Ed. Montaigne, 1958.
Il s'agit d'une vaste enquête historique sur l'exégèse
allégorique, dans la période qui s'étend des origines de la philosophie
grecque jusqu'au quatrième siècle de notre ère.
Le corps de l'ouvrage comporte trois parties. Dans la première,
on étudie comment les Grecs ont interprété les oeuvres d'Homère
et d'Hésiode (pp. 83-214). La deuxième fournit quelques repères
sur la manière dont les Juifs ont apprécié l'allégorisme grec (pp. 215-
244). Dans l'intention de l'auteur, ces deux premières parties ne
figurent qu'à titre de prolégomènes ; elles servent à faire comprendre
la troisième partie, qui constitue l'essentiel de l'ouvrage (pp. 245-
474) ; on y examine, « souvent dans le détail, les réactions des
théologiens chrétiens des premiers siècles mis en présence de
l'interprétation allégorique par laquelle le paganisme classique espérait
sauver ses mythes » (p. 5). Ces théologiens chrétiens se répartissent
en quatre groupes : certains sont hostiles à tout allégorisme ; d'autres
pratiquent l'allégorie dans leur interprétation de la Bible, sans rien
devoir à l'allégorisme grec ; une troisième catégorie utilise les
procédés de l'allégorisme grec pour comprendre la Bible ; un dernier
groupe, enfin, pratique l'allégorisme biblique, mais disqualifie ce
procédé d'exégèse dès que ce sont les païens qui l'appliquent à
leurs propres textes.
M. Pépin nous fournit ainsi un véritable « dictionnaire » de
l'allégorie. Pour une très large période, il cite, analyse, commente,
classe des centaines de textes épars. Des tables, un index des termes
techniques grecs et latins, une précieuse bibliographie viennent
parachever ce vaste travail d'érudition.
Nous ne songerions pas à formuler la moindre critique à cet
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ouvrage, si l'auteur n'avait encadré son enquête historique d'une


assez longue introduction (pp. 33-81) et d'une conclusion (pp. 475-
485) qui ouvrent de tout autres perspectives. L'introduction
s'intitule « La philosophie de la mythologie » ; la conclusion, « La
mythologie de la philosophie ». Dans la première, on s'interroge sur
la vérité de la mythologie ; on classe quelques théories modernes
et contemporaines, en suivant la division tripartite de Schelling: la
mythologie peut être considérée comme une erreur, comme dotée
d'une vérité indirecte (allégorique), ou comme possédant une vérité
immédiate et intrinsèque (tautégorique). On ajoute qu'il importe
de délimiter les concepts, de distinguer expression et interprétation
allégorique, comme aussi symbole, signe, mythe, allégorie. Bien
qu'un peu floues, ces distinctions énoncées dans l'introduction
faisaient espérer que l'enquête historique en soit pénétrée, valorisée,
élevée sur un autre plan ; au lieu d'une histoire simplement
documentaire, positiviste, on s'attendait à une histoire éclairante,
intelligible, pleine de a sens » ; au lieu de matériaux bruts, on espérait
une mise en forme. La conclusion ne répond pas davantage à notre
attente ; on y signale les bienfaits qu'un retour aux mythes procure
à la philosophie: « bienfaits objectifs: le mythe respecte le mystère
de la vérité religieuse ; par ses multiples interprétations possibles,
il en traduit la richesse ; il en facilite, au prix de certaines
précautions, l'analyse et l'exposé ; son domaine propre est l'inexprimable
selon la raison ; — bienfaits subjectifs: le mythe agrémente la
philosophie ; il stimule le philosophe, spécialement par son
absurdité ; il sélectionne ceux à qui la vérité doit être livrée » (p. 522).
Nous avouons ne pas voir comment cette « conclusion » se dégage
de l'enquête historique qui précède ; pour qu'elle soit convaincante,
il faudrait au moins qu'on ait précisé avec soin le sens de plusieurs
termes qui y interviennent, tels que raison, mystère, inexprimable,
religion, et surtout philosophie, mythe ; une fois ces précisions
apportées, on saisirait peut-être les « bienfaits qu'un retour aux
mythes procure à la philosophie ».
Nous formons le vœu qu'un jour prochain M. Pépin puisse
rééditer son ouvrage, soit en l'amputant de l'introduction et de la
conclusion qui y figurent actuellement, soit plutôt en maintenant
ces pages d'introduction et de conclusion, mais en réinter prêtant,
à la lumière des idées philosophiques fécondes qui s'y trouvent,
le riche matériel historique qu'il a si patiemment exploré.
G. Van Riet.

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