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LE BOSSU, VERSION MARIE PILA, 8 DECEMBRE 2018

ACTE I : NEVERS AUX COMMANDES


SCENE 1 : SALLE D’ARME (COCARDASSE, LAGARDERE, NEVERS)

Cocardasse En garde Messieurs ! Les fers se croisent. L'escrime est une conversation entre les
armes. 1, 2, 3, 4, 5. Et ne vous faites pas mal! 6, 7, 8, Ici, on apprend à survivre! 9,10, Pour tuer,
c'est dehors. 11, 12. (Entre Nevers).

Lagardère Hé, l'oncle! Hé, Cocardasse ! C'est le moment de me présenter.

Cocardasse Halte Messieurs ! (Tous s’arrêtent) Monsieur le duc, puis-je vous présenter mon
neveu ? Mon neveu, Lagardère.

Nevers N'était-il pas engagé soldat?

Lagardère Dégagé.

Nevers N'était-ce pas pour 7 ans?

Lagardère J'ai tué un colonel.

Nevers Compliments.

Lagardère euh…mon colonel…

Nevers Aïe!

Lagardère Pour une femme.

Nevers Excusable.

Lagardère sa femme.

Nevers Aïe, aïe, aïe! Puis-je quelque chose?

Lagardère Me dévoiler votre secret.


Nevers Mon secret?

Lagardère La botte de Nevers. Me combattriez-vous?

Nevers Ta présomption m'agace.


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Lagardère Acceptez-vous?

Nevers Allez, en garde.

Cocardasse Faites place, messieurs.

Nevers Regardez bien, tous. Je compte 5, et il est mort. Parade, 1.riposte. 2. Enveloppement
de quarte. 3. Battement. 4. Prise de fer en changeant de main. 5. Désarmement et au front.

Lagardère Mais au front, ça ne peut pas entrer!

Nevers Si. Juste là. Cette botte te rendra invincible. Vas-y, à toi, attaque. (Lagardère refait la
botte et le touche au front) Ouch! Touché ! (Applaudissements. Ils rient et s’étreignent.) Frère de
sang !

Lagardère Vous m'avez rendu immortel. À présent, je peux tenir contre une armée! Immortel!

Nevers Tu me plais. Demain, à l’hôtel de Nevers.


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SCENE 2 HOTEL DE NEVERS (NEVERS, LAGARDERE, GONZAGUE)


Nevers entre chez lui et enlève son chapeau. Lagardère est sur ses talons. Gonzague épie la scène.

Lagardère Me voici Monseigneur.

Valet Pierre (se mettant entre eux) Une lettre pour vous Monseigneur.

Lagardère Donnez à Gonzague.

Valet Pierre De la part d’Isabelle de Caylus.

Nevers Isabelle de Caylus? Donne. (Il tente de lire…) Toi, lis-tu ?

Lagardère Je me débrouille. « Mon tendre amour, avez-vous reçu mes précédentes lettres? »

Nevers Lesquelles?
Lagardère « C'est la 12e en 12 mois ».

Nevers Où sont passées ses lettres? (Gonzague sort une liasse de lettres de sa poche et la déchire)
vite ! Continue !

Lagardère « Pourtant, vous m'aviez promis un amour éternel. Promesse que vous avez tenue
sans le vouloir. Votre éternel amour pèse 8 livres et a des yeux d'émeraude. »

Nevers Quoi?

Lagardère « Votre éternel amour pèse 8 livres et a des yeux d'émeraude » : c'est un bébé!
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Nevers Ah. Ensuite?

Lagardère « Mon père est fou de rage. Il m'a enfermée et me promet le couvent. Je vous
conjure de sauver au moins notre enfant. Votre désespérée, Isabelle de Caylus. »

Nevers Moi, j'ai un fils?

Lagardère Ou une fille. peut-être.

Nevers Les Nevers, de père en fils, n'ont eu que des fils. Je croyais qu'elle m'avait oublié.
Comme elle, j'étais désespéré.

Lagardère Ça ne se voyait guère!

Nevers Je n'étale pas mes sentiments. Je pars pour Caylus, je veux ramener ici ce fils.
A son valet : Mon bon Pierre, faites tout tapisser en bleu.
A Lagardère : Merci pour ce fils que tu m'as donné. Je t'engage. Tu seras mon escorte à Caylus. File,
dire adieu à ton oncle ! Rendez-vous ce soir, à l’auberge de la Pomme d’Adam ! Gonzague sort de
sa cachette…

Nevers Ah, cousin ! Grande nouvelle : elle m’a fait un fils !

Gonzague Qui ?

Nevers Isabelle de Caylus !

Gonzague Isabelle !

Nevers Vous l'aimez toujours? Oubliez-la. Vous n'êtes plus mon héritier. Mais je double
votre pension. Cet enfant, vous l'aimerez. Vous devez l'aimer. Cher cousin, puis-je compter sur
votre discrétion ? (lui tendant la lettre) Je vous donne cette lettre. Cherchez ce que sont devenues
les autres.

Gonzague Soyez assuré que je ferai tout mon possible pour les retrouver ...

Nevers A vous, je peux le dire. Je suis marié à Isabelle de Caylus. Vous connaissez la haine
qui sépare les Caylus de la maison de Nevers. Nous ne pouvions nous aimer au grand jour, Isabelle
et moi ; aussi avons-nous profité d'une longue absence de son père pour faire célébrer à son insu
notre mariage.

Gonzague Un mariage secret ?

Nevers Oui et de notre union vient de naître un fils !

Gonzague Je crains fort que le Roi ne considère comme injurieux que vous ayez fait célébrer ce
mariage sans le consulter et que vous ayez, qui plus est, un héritier. C’est fâcheux…

Nevers Je sais. Et alors ?


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Gonzague Je vous promets de vous aider dans cette affaire.

Nevers Merci, cher cousin, du fond du coeur. Rendez-vous chez le marquis de Caylus et
avertissez Isabelle que je l'attendrai près de la poterne nord du château. Qu’elle avertisse la
nourrice et vienne avec l’enfant.

Gonzague N'ayez crainte, vous pouvez compter sur moi. Je serai le plus parfait des confidents.
Soyez assuré que personne n'apprendra de moi l'existence de votre union et de cet enfant.

Nevers Merci cousin ! Que ferais-je sans vous ? Je vais de ce pas prendre mes dispositions
pour ce soir. (Sortie de Nevers.)

SCENE 3 : PEYROLLES, GONZAGUE


Gonzague Il m'a volé l'amour d’Isabelle. Il me déshérite. Il croit s'en tirer par une aumône?
Peyrolles !

Peyrolles Monseigneur ?

Gonzague Nevers s'est enfin confié ! Décidément, il m'aura tout pris. Plus beau, plus riche, que
moi, je pouvais le supporter…. mais qu'il me prive de la femme que j'aime et de la fortune du vieux
Caylus ! …… Nevers ne doit pas atteindre Caylus. Je le veux mort dans les 2 jours.
Peyrolles Mais, il ne suffit plus de le tuer, Monseigneur ! Son enfant héritera de sa fortune. Si
l’enfant disparaissait en même temps que son père...

Gonzague …L'héritage de Nevers me reviendrait de droit ! Bien vu ! Et qui de mieux que le


confident de Nevers, pour consoler Isabelle, son épouse éplorée …. Elle m’aimera !

Peyrolles Vous seriez alors le prince le plus puissant du royaume.

Gonzague Après le Roi...

Peyrolles Je sors recruter une armée à l'auberge de la Pomme-d'Adam, de l'autre côté des
douves, maître Cocardasse et frère Passepoil ne suffiront pas cette fois.

Gonzague Je compte sur toi pour les placer en embuscade autour du château de Caylus ….

Peyrolles Comptez sur moi, Monseigneur. (En s'inclinant, il recule et sort.)


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SCENE 4 : AUBERGE / 5 Tueurs – Cocardasse – Passepoil


Tueur 1 A boire ! A boire ! Oh Cocardasse ! Qui tuerons nous à Caylus ?

Cocardasse Passepoil et moi, ne suffiront pas ce coup-ci.


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Tueur 2 Carajo ! Une bande armée ?


Tueur 3 Une armée entière d’espagnols ?
Cocardasse Non, un seul cavalier, selon M. de Peyrolles .
Tueur 4 Et quel est donc le nom de ce géant qui combattra contre 7 hommes ?
Tueur 5 Dont chacun, sandiéou ! vaut une demi-douzaine de bons drilles.
Cocardasse (baissant la voix. Tous s’approchent de lui) Peyrolles m’a interdit …mais vaut mieux
le savoir…C’est Philippe de Nevers. On sait sa botte invincible ! J’ai été touché dans ma propre
école d'escrime… Touché en plein front, entre les deux yeux, et trois fois de suite…
Tueur 6 ( se signe ) Alors, ce n’est pas une botte secrète, c’est un maléfice.
Cocardasse Vous parliez d’armée… j’aimerais mieux une armée… Il n’y a, croyez-moi,
qu’un seul homme au monde capable de tenir tête à Philippe de Nevers, l’épée à la main.
Tueurs Et cet homme ?
Cocardasse Lagardère, mon neveu ! (Lagardère entre dans la même auberge avec armes
et bagages)
Passepoil Tiens, Henri ! La Chance nous sourit !
Lagardère Passepoil ! Cocardasse ! Mes bons maîtres ! Je vous cherchais, adieu !
(entre Peyrolles entre avec un énorme sac d'argent qu'il jette sur la table. )
Peyrolles À la bonne heure, vous voilà tous au grand complet !… Je vais vous dire en
peu de mots ce que vous avez à faire.
(à Lagardère) Et, toi aussi ! Combien vaut ton bras à l'épée?
Lagardère Ce soir, impossible, je suis sur le départ.

Peyrolles 100 louis!

Lagardère Pour 100 louis, oui. (bas) Tant pis pour Nevers ! Je suis votre homme

Cocardasse Quoi, mon neveu? Tu vends tes services pour rien?

Passepoil Quel gâchis! À 200, tu brades.

Cocardasse 300, au moins!

Lagardère 300 maintenant, 200 à livraison de la carcasse !

Peyrolles 500 ! Je paye, tu m'obéis.

Lagardère Comment résister …à tant d'élégance? Et qui allons-nous égorger?

Peyrolles On ne te paie pas pour savoir.

Cocardasse Allons-y! ( Tous prennent l'argent : large éclat de rire)


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Lagardère Quoi ? Un combat à huit contre un ! Lâches !! Je reste ! (Il rend l’argent. Tous
sortent sauf Lagardère qui se rassoit).

SCENE 5 : NEVERS ENTRE DANS L’ AUBERGE ; NEVERS-LAGARDERE


Lagardère M. le duc! Je suis votre homme ! Les chevaux sont prêts !

Nevers Non, la nuit n’est pas encore tombée…attendons. (à l’aubergiste : à boire !)


C’est une nuit semblable à celle-ci que j'ai rencontré Isabelle. Belle à croquer,
gracieuse. Une nuit de bal ! Je n'ai jamais vu Gonzague si séduit. Bien sûr, je l'ai battu. On
danse. Je la fais rire. La nuit était superbe. … Mais dites-moi, où êtes-vous né?
Lagardère On m'a trouvé dans les ruines du château de Lagardère.

Nevers Enfant perdu?

Lagardère Plutôt "trouvé". Par Cocardasse et Passepoil. Ils m'ont appris le métier des armes. M.
le duc. Vous avez remarqué que... depuis que vous êtes entré, vous me vouvoyez?

Nevers Ah, peut-être. Nous serons à Caylus demain. Je ferai mon fils marquis de l'Escalette.
C'est joli, non?

Lagardère C’est superbe. Il a bien de la chance.

Nevers Oui. Vous me plaisez, mon ami. Ça vous amuserait d'être anobli? Si je vous faisais
chevalier de Lagardère ?

Lagardère Mais Monseigneur !

Nevers Tu es noble de cœur, mais "Lagardère", ça fait peuple. À genoux, Lagardère ! Un seul
genou. (L'adoubement.) Je te fais chevalier de Lagardère ! (ils se relèvent, s’étreignent et sortent)
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ACTE II CHATEAU DE CAYLUS

SCENE 1 INTERIEUR : ISABELLE, SON PERE ; UN VALET.

Narratrice 1 : Le lendemain, dans le château de Caylus, le marquis parle avec son valet lorsque
Gonzague et Peyrolles se présentent à la porte du château.

Valet M. le baron, des hommes demandent à vous voir.

Le marquis Je ne reçois jamais le matin, jamais le midi, encore moins le soir.

Valet Je le leur ai dit, mais...

Gonzague (entrant avec Peyrolles) Baron.


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Valet Monseigneur le Prince de Gonzague et Monsieur de Peyrol.

Le marquis Soyez le bienvenu Monsieur de Gonzague. Et vous aussi, Monsieur.

Gonzague Monseigneur. Isabelle. (Il s'incline.) (Gonzague se tourne vers Isabelle. Le Marquis
invite Peyrol à s'asseoir et à jouer aux échecs.)

Le marquis (lui montrant une chaise) Je vous en prie.

Gonzague (à part à Isabelle) Je suis content de vous revoir Isabelle. Ne soyez pas triste. Votre mari,
mon cher cousin, le Duc de Nevers, arrive cette nuit. Il passera par la poterne nord. Soyez prête à
fuir avec l’enfant !

Isabelle Que Dieu nous protège ! Je vais chez la nourrice.

Gonzague Ayez confiance !

Isabelle Comment vous remercier ?

Gonzague Vous pouvez compter sur moi, je suis prêt à sacrifier ma vie pour votre bonheur.

Isabelle Mon père, il est tard. Voulez-vous m'accorder la permission de me retirer ?

Le marquis Bonne nuit Isabelle ! Échec et mat Peyrolles. Vous avez perdu. (Il se lève.)

Peyrolles Bonne nuit Monseigneur ! (Ils quittent tous les trois la scène.)
Nos hommes sont prêts, ce soir Philippe de Nevers ne sera plus.

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SCENE 2 : CHATEAU DE CAYLUS - LE PAS DE LA PORTE

Narratrice 2 : Isabelle arrive avec la petite Aurore, fruit de son union avec Philippe de Nevers. Elle
est accompagnée de la nourrice.

Isabelle Philippe ! Ce doit être un signal, sauve-toi, Philippe, sauve-toi !

Philippe Isabelle !

Isabelle (tend l'enfant à Nevers) Emmenez cet enfant loin des périls qui la menacent. Vous
trouverez dans sa couverture la page arrachée au registre de la chapelle, preuve de notre mariage
et de son identité.

Philippe Du courage Isabelle, le destin ne peut nous être éternellement contraire.


(Entrée précipitée de Lagardère.)

Lagardère Monseigneur, une troupe armée et masquée se dirige vers nous. Peyrolles et ses
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sbires. La mort. Courez, je les retiens.

Isabelle Nourrice, prends le bébé. Philippe, emmène-les!


(Des tueurs arrivent ; combat, pleurs du bébé, cris de la nourrice. Aux cris, une servante accourt
avec son panier de linge). (Un sbire empoigne Isabelle et la pousse en direction des coulisses)
Isabelle Philippe! Sauve l'enfant! Lâchez-moi! (le sbire entraîne Isabelle dans les coulisses)

Philippe Adieu mon amour. (Ils s’apprêtent à fuir mais sont arrêtés par des sbires dont
Cocardasse et Passepoil. Cris de la nourrice et du bébé)

Passepoil Des pleurs de bébé, les cris d’une femme ?

Cocardasse On s'est joué de nous. Hors de question de tuer femme et enfant !

Servante (à la nourrice) Vite, vite!

Nourrice Quoi?

Servante La cape de l’enfant! Vite des chiffons. (Elle prend les chiffons et en fait une poupée.)
Nourrice, ta lanterne, adieu, fuis avec le bébé et que Dieu vous protège !

Passepoil et Cocardasse Qu'y a-t-il?

Servante Messieurs, c’est le ciel qui vous envoie…

Passepoil et Cocardasse …Non, l’enfer ! Peyrolles ! Traître ! Infâme !

Servante Je vous en supplie, sauvez l’enfant ! Protégez-les…


Je couvrirai votre fuite. Vite, Passez par les douves. Par là, en bas !

Cocardasse C’est le moins qu’on puisse faire, ma petite dame ! Vite ! Venez !

Servante Traitres ! Assassins ! Vous ne l’aurez pas ! Non ! A moi !

Elle meurt sur le pas de la porte avec le faux bébé ; Nourrice, Passepoil, Cocardasse s’approchent du
devant de la scène. Lagardère et Nevers se battent au bord. Arrivée de Gonzague, visage masqué.
Nevers saute et poursuit un sbire au bas de la scène. Ils se battent. Gonzague saute pour frapper
Nevers par derrière.
SCENE 3 : CHATEAU DE CAYLUS - LES FOSSES

Narratrice 4 : Notre chère servante succombe sous les coups avec le faux bébé dans les bras.
Lagardère et Nevers se battent lorsque Gonzague arrive, visage masqué.

Lagardère Philippe, là derrière, prenez garde !

Philippe (reconnaissant Gonzague) Toi! J'aurais donné ma vie 10 fois pour toi!

Gonzague Je te la prends qu'une seule fois, cousin. (Nevers tombe.)


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Lagardère (sautant à son tour ) Ignoble ! lâche ! Assassin ! (Gonzague se retourne, Lagardère le
blesse à la main.) Traître, qui que tu sois, je te retrouverai. Je t'ai marqué! Si tu ne viens pas à
Lagardère, Lagardère ira à toi ! (Gonzague s'enfuit. La nourrice, Passepoil, Cocardasse se penchent
au chevet du mourant, de la scène)

Nevers (mourant dans les bras de Lagardère) Ils ont pris ma femme. Il reste mon enfant,
Chevalier, sauve-le, prends soin de lui...Emmène-le très loin d'ici. ... venge-moi. Dans 1 an, 10, 20
ans, venge-moi. (mort de Nevers)

Lagardère Philippe, dans 1, 10, 20 ans, je vous vengerai. Je veillerai sur lui, je vous le jure.

Passepoil (tendant la main à Lagardère pour le hisser sur la scène) Vite ! Fuyons en Espagne.
Nous vous escorterons jusqu’à la frontière.

Lagardère (Prend le bébé des bras de la nourrice et le lève au ciel) Toi, je te ramènerai à...

Nourrice À qui? Ils sont tous morts. (Sortie de tous.)

SCENE 4 : CHATEAU DE CAYLUS - INTERIEUR


Narratrice 2 : Gonzague réapparaît et constate la mort de la servante et de l’enfant.

Gonzague Chère cousine, j'ai aimé le père, j'aurais aimé l'enfant. Dieu nous les ont repris. Mais
la vie est forte.

Isabelle Je suis lasse de vivre.

Gonzague Madame, vous n'êtes pas aussi seule que vous l'imaginez.

Isabelle Désormais veuve et surtout mère déchirée, je suis morte.

Gonzague Vous m'aimerez, madame, puisque moi, je vous aime.

Isabelle (le repoussant) Jamais!

Gonzague Je comprends. Cependant... Pardonnez-moi d'aborder ce sujet, mais vous aller


hériter de biens énormes que, pour la mémoire de Nevers, vous vous devez de protéger de la
convoitise et de l'aventure. Je prends soin de vous et vous emmène à Paris.

Le marquis La mort de Nevers te laisse en effet, ma fille, à la tête d'une fortune…


Isabelle dont je ne sais que faire.

Le marquis Monseigneur pourrait gérer tes biens. Monsieur de Gonzague, en mémoire du duc
de Nevers, prenez soin de ma fille.

Isabelle Adieu père ! (embrasse son père et suit Gonzague vers le devant de la scène)
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Gonzague Je sais que c'est une maigre consolation à vos malheurs, mais sachez que l'assassin
de votre époux, Lagardère, a péri. Justice est donc faite. (Ils passent devant l’enfant)

Isabelle Mais mon enfant ? Pourquoi ? Pourquoi ? … "Aurore"… !

Gonzague (s’adressant au public) Aurore ? C’était donc une fille ? (Ils sortent)

Acte III ESPAGNE

Narratrice 3 : Après une longue fuite, Lagardère, Aurore et sa nourrice arrivent en Espagne. La
scène qui suit se déroule sur la place d’un marché.

SCENE 1 : SCENE DE MARCHE


Marchand 1: Allons-y! Allons-y ! Ils sont frais mes produits! Ils sont frais !

Marchand 2 : Approchez Señoras y Señores , J´ai tout ce que vous cherchez.

Marchand 3 : Achetez, amigos, achetez ! Vous allez faire une magnifique affaire.

Marchand 1 : Messieurs, nous sommes des croquants de marchands et nous avons des écus jusque
dans nos bottes. En nous associant, nous pouvons tenir le marché aujourd'hui et faire un coup de
partie.

Marchand 2 : Associons-nous, associons-nous.

Marchand 3 : Sí, ensemble nous ferons davantage d’affaires.

Lagardère Aurore ! Aurore ! Aujourd’hui tu as 16 ans, viens, voilà ton cadeau! Ouvre-le ! Lis !

Aurore (s’assoit à califourchon sur une chaise) "Le maniement du fleuret, par la Perche Du
Coudray." "Ledit Prévost tourne la garde en septique."

Lagardère Non, "en septime". Épelle." S, E, P, T, l, M, E."

Aurore Ah oui, "septime".

La nourrice (arrivant avec un panier et se tournant vers Lagardère) Lui apprendre à lire, c’est
entendu, mais un manuel d’escrime ? Vous voulez lui apprendre à se battre ? Comme un homme ?
(se tournant vers Aurore) Aurore, tiens-toi bien!

Aurore Je m'en fous.

La nourrice Ne parle pas comme ça. Je passe mon temps à essayer de t'enseigner le
savoir vivre, de faire mon devoir de nourrice, du matin au soir.

Aurore Maintenant, la pratique ! Henri, apprends-moi ta botte secrète.


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Lagardère Tiens prends ce bâton ! En garde ! D'abord, tu déstabilises ton adversaire.


Comme ça! Tac, tac! Ensuite, tout est dans la fin. Fléchis. Au front! Il y a une faiblesse, là. Entre les
yeux.
La nourrice Aurore arrête tout de suite ! Ce n'est pas un jeu de filles.

Aurore Ce n’est pas un jeu.

Nourrice Pourquoi n'obéis-tu jamais? Pourquoi me tiens-tu tête comme un garçon?

Aurore Je n'ai pas eu de mère pour m’apprendre à être une fille.

Nourrice C'est moi qui te tient lieu de mère. Alors, maintenant, jette ce bâton !

Aurore (se réfugiant dans les bras de son père) Mais toi au moins, tu es mon père !

Lagardère Ecoute, Aurore, je vais te confier un secret. Mais un secret de famille. Ce que
tu as vu, c'était la botte de Nevers.

Aurore C'est qui, Nevers?

Lagardère Nevers, c'est un... un grand seigneur. (Des hommes en noir arrivent.)

SCENE 2 : LES TUEURS


Tueur 1 (fort) Attenzione! Un brigand !

Tueur 2 Un brigand du nom de Lagardère est ici! Lagardère en garde !

Tueur 1 Voleur d'enfant ! Dis ta dernière prière.

Nourrice (bas et protégeant Aurore) Sauveur d'enfant.

Tueur 3 Qu’est-ce que tu dis ? (il empoigne la nourrice) Il te reste une minute à vivre,
coquine.

Aurore prenant l’épée de Lagardère pour défendre la nourrice Déstabilisation. Septime,


riposte, quarte, enveloppe. Passe de bras. Mort! Fulgurant ! Cris horrifiés de la
nourrice. Lagardère récupère son épée et tue les autres.

Lagardère : Vite ! Fuyons !

Aurore : Lagardère ? Henri, qui sont ces hommes ? Qu’avez-vous fait ?

Nourrice Aurore, allez, viens !


Aurore Et le secret de famille ?

La nourrice Le moment viendra où il te dira tout. Allez ! Vite !


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ACTE IV PARIS
SCENE 1 : DEVANT L’HOTEL DE GONZAGUE. LE VRAI BOSSU-LAGUARDERE

Narratrice 1 : À la majorité d’ Aurore, Lagardère décide de ramener la jeune fille à Paris pour
qu’elle fasse la connaissance de sa mère.

Narratrice 2 : La scène se déroule devant l’hôtel de Gonzague. Lagardère attend la sortie du Bossu,
l’attrape et le menace de mort.

Le Bossu (étranglé par Lagardère) Que voulez-vous?

Lagardère Savoir.

Le Bossu Quoi?

Lagardère Tout.

Le Bossu Sur ?

Lagardère Peyrolles. Gonzague.

Le Bossu Demandé comme ça, ça ne se refuse pas. Dangereux, cruels.

Lagardère On le dit riche, ce Gonzague.

Le Bossu Crésus!

Lagardère L'origine?

Le Bossu L'héritage de Nevers.

Lagardère L’épouse de Nevers est morte ?

Le Bossu Tout comme. Isabelle ne mange plus, ne parle plus. C'est triste, une femme triste.
Là-haut, emmurée dans sa chambre.

Lagardère Elle vit chez Gonzague?

Le Bossu Depuis 16 ans, mon maître gémit devant sa porte.

Lagardère Je veux la voir. Arrange-moi un rendez-vous.


Le Bossu Impossible. Vous seriez pris. Il y a toujours 10 épées qui rodent.

Lagardère Dis-lui que je viens à 8h demain et tu as la vie sauve ! (Le bossu dit oui de la tête, il
le lâche) Peyrolles entre.
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Peyrolles Avec qui parlais-tu?

Le Bossu Un voisin.

Peyrolles Tu mens. Sac à venin, charogne! Le profil ne s'oublie pas, hein! Lagardère !

Le Bossu Oui. (Peyrolles le tue)


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SCENE 2 : INTERIEUR DE L’HOTEL DE GONZAGUE File de bossus

Narratrice 1 : Lagardère déguisé en bossu est reçu par Gonzague à l’intérieur de l’hôtel.

Gonzague Tournez-vous. Tournez-vous. Ah non, trop droit. Et vous, tournez-vous.


Elles sont vraies, tes bosses? Et toi, Es-tu bon comptable?

Lagardère Pour votre fortune que l'on dit immense,

Gonzague Flatteur.

Lagardère À vivre courbé, on prend le pli, n'est-ce pas? (il rit)

Gonzague De l'esprit, voyez-vous ça.

Le bossu (Lagardère) Si je suis bossu, vous en êtes un autre.

Gonzague Qu'oses-tu dire ?

Le bossu Monseigneur n'a-t-il pas la bosse des affaires ?

Gonzague Tu es impertinent mais tu m’amuses ! Je te prends à mon service. Tu t’occuperas de


mes affaires. Tu écoutes la rue, tu m'informes, et tu vas sur le pavé orienter le
marché. Moi, j'encaisse.

Lagardère Bien... Et mes honoraires?

Gonzague Tout ce que tu voles est à toi. (Lagardère sort)

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SCENE 3 VENTE DE TITRES (DEVANT L’HOTEL) GONZAGUES-LE BOSSU-LES SPECULATEURS


Marchand 1: Allons-y ! Allons-y ! Ils sont frais mes produits! Ils sont frais !

Marchand 2 : Approchez Mesdames et messieurs, J´ai tout ce que vous cherchez.

Spéculateur 1 Je vends des titres ! Annoncez vos offres.

Spéculateur 2 Je vous en offre 50 !


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Spéculateur 3 Et moi encore plus, 150 !

Marchand 3 : Achetez, mes amis, achetez ! Vous allez faire une magnifique affaire.
Marchand 1 : Messieurs, nous sommes des croquants de marchands et nous avons des écus jusque dans
nos bottes. En nous associant, nous pouvons tenir le marché aujourd'hui et faire un coup de partie.
Spéculateur 2 Si vous en offrez 150 j’en offre 200

Spéculateur 3 : 250, essayez de faire mieux !

Marchand 2 : Associons-nous, associons-nous.


Marchand 3 : (s’adresse au marcand 2) J’aurais mieux fait de me dédier à la vente de titre...ça
rapporte plus !

Spéculateur 2 : 300, c’est ma dernière offre !

Le bossu Touchez ma bosse, monseigneur. Allez! Tout contrat signé sur ma bosse
garantit un fructueux négoce. Bonjour, messeigneurs! Ma bosse porte-bonheur ! Touchez–là !
Spéculateur 1 : Je signe mon titre sur ton dos !
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SCENE 4 : HOTEL DE GONZAGUE LAGARDERE- GONZAGUES-PEYROLLES ( CACHE)

Gonzague Bossu je suis content de tes services. Tu es aussi efficace en affaires que tu es laid !

Le bossu Hélas ! Monseigneur, je suis dévoué à un être charmant, une vraie duchesse.
N'ayant ni beauté, ni fortune pour la servir, il ne me reste que l'illusion...

Gonzague Que veux-tu de moi ?

Le bossu Monseigneur, si je pouvais obtenir de vous deux invitations au Bal du Régent, ce


soir. Ma duchesse en serait enchantée.

Gonzague Je ne puis vraiment rien refuser à ta si touchante amie. Tiens, voici les billets.

Le bossu Merci, Monseigneur, merci. (Sortie de Gonzague et Laguardère)

Peyrolle Ce maudit bossu a de plus en plus d’influence sur le Prince.


Il faut y mettre un terme ! Suivons–le
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SCENE 5 CHEZ LAGARDERE (PASSEPOIL, COCARDASSE, NOURRICE, AURORE, LAGUARDERE)
(En scène, le bossu se change en Lagardère. Peyrolle épie par la fenêtre)

Lagardère (apportant une robe) Aurore, ce soir c’est ton premier bal !

Nourrice N'est-il pas temps de lui parler?


Lagardère Oui. Mais du temps, je n'en ai pas. Alors je vais vous parler, mais vite. Et je vais vous
faire du mal. Écoutez-moi, Aurore. Aurore de Nevers, fille de duc. Héritière de 20 titres, de
châteaux, de comtats, de marquisats.
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Aurore Moi? Aurore comment? Aurore comme la botte?

Nourrice Vous pourriez être sérieuse !

Aurore Mais pourquoi tu me vouvoies?

Lagardère Je ne suis pas votre père. On m'accuse d'avoir tué un duc, mais c'est faux.

Aurore Mais pourquoi...

Lagardère Si je vous ai menti, c'était pour...

Aurore Mon bien, je sais.

Lagardère Non, non, tu ne sais rien. Je croyais votre mère morte.

Aurore J'ai donc une mère? Mais vous l'avez rencontrée?

Lagardère Elle vous aime. Elle vous espère. Vous retrouverez votre rang.

Aurore Mon rang ? Nous allons être riches!

Lagardère Non, vous allez être riche. (Il se remet en bossu)

Aurore Nous partagerons tout.

Lagardère Ce soir, devant tous les grands du Royaume, vous allez retrouver votre nom et votre
mère. Vous allez retrouver votre titre et votre place. Moi, la mienne.

Aurore Personne ne me séparera de vous. Personne. Rien. Aurore finit de se préparer

Nourrice Que tu es charmante, Aurore, que tu es belle !

(Au fond Peyrolle chuchote à l’oreille de Gonzague fou de rage)

Lagardère Une litière passera prendre Aurore à 9 h pour aller chez le Régent. Vous deux,
attention. Veillez sur elle ! (il sort)

SCENE 6 DANS LA RUE AURORE PASSEPOIL COCARDASSE SORTENT CAR LA LITIERE EST ARRIVEE

Aurore (s’approchant de la litière) Alors, tout ça, ça serait à moi?

Passepoil La banque, l'hôtel...

Cocardasse On dit même toute la rue! (montant dans la litière)

Passepoil Amuse-toi bien Aurore ! ( Départ d’Aurore)


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bossu Où est Aurore? Regarde-moi, triple buse! Tu ne me reconnais pas?

Cocardasse Oh! C'est le pitchoun!

Passepoil Aurore ? Mais, mais, mais …..elle vient de partir. La litière….

Le bossu Mon Dieu ! une litière ? Ce n’est pas l’heure ! Par où ? (A la salle) Là ! Vite !

Cocardasse Pitchoun, mais où tu vas? Suivons-le ! (Combat dans les coulisses ; cris)
Cri de douleur. (voix d’Aurore) Lagardère, là derrière! Cri. (voix de Lagardère) Aurore!
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ACTE 5 A L’HOTEL DE GONZAGUE


Valet Son Altesse le Duc d'Orléans, régent du Royaume de France.

Orléans Bonjour mon cousin. Messieurs, soyez brefs, soyez rapides !

Secrétaire En ce jour 10ème du mois de mai 1717, sa majesté Louis XIV étant Roi de France sous
la tutelle de Monsieur le Duc d'Orléans, régent du Royaume, un conseil de famille est réuni à la
demande du Prince de Gonzague aux fins de statuer sur l'existence ou la non-existence de la
descendance du Duc de Nevers et l'attribution définitive de ses biens au Prince de Gonzague, son
unique héritier.

Orléans Oui, bien, bien. Allons, signons si nul n'y voit d'objection. (Entrent le bossu, Aurore.)

Bossu Si, moi.

Orléans Comment...... ?

Le Bossu J'ai l'honneur de vous présenter Mlle Aurore de Nevers !


dont le père a été assassiné par le Prince de Gonzague, ici présent…

Aurore (révérence) Aurore de Nevers. Pour vous servir, Votre Altesse.

Isabelle (s’approche vers Aurore avec émotion et l’embrasse) Mon enfant… Ma fille !

Gonzague C'est un menteur, il n'a ni témoins, ni preuves. (Au bossu) Rendez votre âme à Dieu !
Bossu Pas avant d’avoir rendu la tienne au diable ! Les preuves, les voilà : son certificat de
naissance et ta main que j'ai marquée dans les fossés de Caylus.

Orléans Pourrait-on connaître votre nom, bossu ?

Bossu Je suis, Votre Altesse, le chevalier de Lagardère! (à Gonzague) Je te l'avais dit! Si tu


ne viens pas à Lagardère, Lagardère ira à toi. En garde, traître ! (il lui lance une épée, mais
Gonzague ne la ramasse pas)
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Gonzague Traître, oui, mais un traître véritable...Un traître de goût...Un traître gourmand de
traîtrise, un Judas, au fond, c'est un artiste.

Orléans Prenez cette épée Gonzague et défendez-vous.

Gonzague J'ai confiance dans les lois de mon pays : le duel est interdit.

Orléans Je lève l'interdit pour l'heure et j'en appelle au jugement de Dieu.

Gonzague Dieu soutient toujours les plus forts. C'est un combat inégal. Il connaît la botte.

Aurore (se détachant de sa mère) Henri ! Attention ! Elle accompagne les mouvements en dictant
les passes ; Mort de Gonzagues. Laguardère se présente à Isabelle et met un genou à terre.

Lagardère Madame, je vous promets d’assurer votre protection et votre bonheur

Isabelle Le bonheur enfin...Chevalier, vous m’avez ramené ma fille, Merci. (elle relève
Lagardère et l’étreint)

De Caylus (père) Dieu bénisse votre union. Chevalier de Lagardère, ma fille, épouse de notre
regretté ami le Duc de Nevers ne pouvait choisir plus digne et plus loyal époux que vous.

Orléans Epoux que nous faisons aujourd’hui comte de Lagardère.

Aurore (au public) J’avais toujours pensé que ça finirait bien !

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