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République du Bénin Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit (GTZ) GmbH

___________________________________________________________________________________________________________

08 B.P. 0733 Cotonou République du Bénin Tél. – Fax (229) 30 70 08 E-mail : pgtrn@leland.bj

Rapport de stage au PGTRN

A
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mppaacctt
ddeess CCooddeess L Looccaauuxx dduu
PROGRAMME DE GESTION DES TERROIRS ET
DES RESSOURCES NATURELLES

édité par
Moritz HELDMANN
Table des matières
Abréviations et Liste des Figures et Tableaux

Introduction

I) Les Codes Locaux du PGTRN: De l'élaboration à l'application. Expériences et


Résultats

1) Les méthodes d'élaboration

a) Les méthodes d'information sur le projet de Code Local et le moment


d'intervention*
b) Les participants et la méthode de travail

2) Contenu, concertation et structure des Codes Locaux

a) Espaces concernés et structure


b) Contenu

3) Le dispositif organisationnel - qui surveille, qui sanctionne et à qui sont destinés les
paiements?

a) Le dispositif organisationnel
b) Qui surveille, qui sanctionne et à qui sont destinés les paiements

4) Visualisation et sensibilisation

a) Les traductions
b) Les pictogrammes
c) La collaboration avec les radios locales
d) Les visualisations sur plaque

5) Respect et suivi des codes

a) Le respect des règles des codes locaux


b) Le suivi des procédures dans le cas de non respect des règles

II) Problèmes principaux et perspectives à la veille de la décentralisation

1) Les codes locaux entre légalité et légitimité


a) La valeur juridique des codes locaux
b) Légitimité et crédibilité
c) Entre légalité et légitimité

2) Les liens de parenté, la jalousie et la peur, un obstacle au suivi des règles et sanctions?
3) Financement et fonctionnement des comités
4) L'importance de l'implication de toute la population
5) Questions ouvertes à la veille de la décentralisation

Conclusion
Annexes

1
Abréviations
AFD Agence Française de Développement
APIC Action pour la Promotion des Initiatives Communautaires
CARDER Centre d'Action Régionale pour le Développement Rural
CL Code Local
GERAM Groupe d'Expertise Régionale d'Appui Méthodes et Conseils
d'Afrique
GRAIB Groupe de Recherche et d'Appui aux Initiatives de Base pour
un Développement Durable
GTZ Gemeinschaft für technische Zusammenarbeit
IAMD Institut Africain d'Application des Méthodes de
Développement
PAT Plan d'Aménagement du Territoire
PGTRN: Programme de Gestion des Terroirs et des Ressources
Naturelles
PRRF: Projet de Restauration des Ressources Forestières de Bassila
SDAC Schéma Directeur d'Aménagement de la Commune
UIGREN Union Inter-Villageoise pour la Gestion des Ressources
Naturelles

Liste des Figures et Tableaux


Figure 1 : L'approche systémique du PGTRN page 3
Figure 2 : Carte des sites visités au cours du stage:
Le PGTRN et le PRRF de Bassila page 4
Figure 3 : Durée d'élaboration des CL et lrapport hommes/jours page 6
Figure 4 : Les niveaux spatiaux des CL du PGTRN
Figure 5a.- 5b: Cahier de gestion de compte villageois de Yaoui. Ouèssè. page 16
Figure 6 : Extrait du code local de Lissègazoun. Allada. Page 17
Figure 7 : Convention sur les contributions concernant
l'exploitation de bois. Lonkly. Aplahoué page 18
Figure 8: Traduction du CL de Yaoui en Tschabè (Nagot) page 21
Figure 9 : Pictogramme du CL du village de Sonaholou, Ouaké page 22
Figure 10: Plaque du CL d'Odougba. Ouèssè page 24
Figure 11: Plaque du forêt d'Aveganmy à Aplahoué page 24
Figure 12: Plaque du PRRF de Bassila
concernant la forêt privée du village M'Boroko page 25
Figure 13 : Plaques installés autour de la forêt de Tomey. Sinendé page 25

Tableau 1 : Les Codes Locaux du PGTRN page 9


Tableau 2 : Résultat des travaux du comité préparatoire,
Arrondissement de Natta. Boukoumbé page 11
Tableau 3: Comparaison des règles de gestion page 12
Tableau 4: Loi N° 93-009. Portant Régime des Forêts en R.B. page 18
Tableau 5: Exemples des procédures de sanction page 19
Tableau 6: Les facteurs importants en ce qui concerne le respect des règles page 26
Tableau 7 a-c: Extrait des lois sur la décentralisation page 33-35
Tableau 8: Extrait de l'analyse juridique des codes locaux du PRRF Bassila
(annexes) page 37
Tableau 9a -b : Durée d'élaboration des CL et rapport hommes/jours page 38-39

2
Introduction
Le Programme de Gestion des Terroirs et des Ressources Naturelles ayant son siège à Cotonou
intervient sur six sites au Bénin. La mise en œuvre du programme est effectuée par des ONG
partenaires:

Commune d'Allada et Commune de Kpomasse: IAMD


Commune d'Aplahoué: GRAIB
Commune de Ouessè: GERAM Conseils
Commune de Ouaké + Djougou rural: Alpha Omega Environnement
Commune de Boukoumbé: Alpha Omega Environnement
Commune de Sinende: APIC

L'objectif du PGTRN est de permettre aux structures villageoises ou intervillageoises de gérer leurs
ressources naturelles afin de les préserver durablement. Le processus d'apprentissage est organisé à
travers "l'approche systémique" qui représente la méthodologie et les outils à appliquer sur le terrain.

Figure 1

La cinquième étape de cette approche est nommée "Elaboration d'un code local". Dans l'esprit de
l'approche systémique un Code Local est définit comme "un ensemble des normes et de règles
déterminant l'utilisation des ressources naturelles dans un terroir ainsi que les sanctions retenues en
cas de leur abus". Le moment d'élaboration du Code dans la suite des autres étapes ne suit pas un
ordre chronologique mais devrait dépendre des conditions locales et du choix de stratégie par le
prestataire concerné.

Le but du stage et de ce rapport était de mesurer les nivaux d'application de cet outil dans les
différents sites et de comparer les méthodologies des prestataires. Il fallait aussi souligner d'une part

3
les difficultés rencontrées et d'autre part évoquer des éventuelles solutions apportées. Ensuite, ce
rapport devait évoquer les perspectives ainsi que les contraintes qui pourraient naître suite à la
décentralisation prévue pour le mois de décembre 2002.
Une enquête de terrain sur tous les sites du PGTRN d'une durée moyenne de quatre jours par site a
précédé la rédaction du rapport. Pour élargir l'horizon de réflexion sur les Codes Locaux, nous avons
aussi visité le Projet de Restauration des Ressources Forestières (PRRF) dans la Commune de
Bassila, où l'on expérimente également l'outil Code Local.

Figure 2: Carte des sites visités au cours du stage: Le PGTRN et le PRRF de Bassila

4
I) Les Codes Locaux du PGTRN: De l'élaboration à
l'application. Expériences et Résultats
1) Les méthodes d'élaboration
a) Les méthodes d'information sur le projet de Code Local et le moment d'intervention

L'élaboration d'un code local ne marque jamais le début de l'intervention du PGTRN dans un
village. Même si le moment de l'élaboration varie par rapport aux autres étapes de l'approche
systémique, on constate que l'ONG collabore déjà avec quelques personnes clés ou même
des structures villageoises. Dans certains cas le code est élaboré en même temps que le PAT.
Dans d'autres cas le moment d'intervention est choisi après la réalisation du PAT et même
après la mise en place des comités de gestion.
En général l'équipe du prestataire informe les personnes clés, -c'est à dire les personnes
considérées importantes pour le processus d'élaboration- ou le comité déjà mis en place.
Ensuite la population est avertie lors d'une réunion au village. Les animateurs de l'ONG
informent donc la population sur l'offre de l'élaboration d'un code. Si la population accepte,
une stratégie d'élaboration est choisie.

b) Les participants et la méthode de travail

Premièrement il y a bien sûr l'animateur de l'ONG qui organise les réunions et qui sert de
modérateur.
Au niveau du village c'est généralement toute la population qui est invitée à participer à
l'élaboration du Code Local. Mais il est rare que tout le processus d'élaboration ait pu être
achevé en plénière. Le plus souvent des groupes de réflexion sont constitués après une
séance en assemblée générale. Partout on a essayé d'y intégrer toutes les couches
socioculturelles et professionnelles ainsi que les femmes.
Si les comités villageois ont été mis en place avant l'élaboration du code, ils ont pour tâche
de faire des propositions.
Au niveau intervillageois, le travail ne peut pas être effectué entièrement en séance plénière.
Le travail en groupes est nécessaire. Souvent un certain nombre de "députés" sont choisis,
comme c'était par exemple le cas pour le Code Local de Lonkly à Aplahoué (Code Local
regroupant 3 arrondissements et 19 villages). Une fois que le code est proposé au cours d'un
atelier, il doit être adopté par les assemblées générales de chaque village.
Le GERAM Conseil à Ouessè a développé la stratégie de travailler en groupes spécialisés
par ressource, c'est à dire que selon la ressource naturelle un groupe est formé avec les
usagers concernés. Ainsi il existe par exemple un groupe de réflexion sur les conflits
éleveurs-agriculteurs; composé d'éleveurs et d'agriculteurs; un groupement des femmes
réfléchit sur les ressources utilisées par celles-ci et un groupe de féticheurs propose des
règles concernant les forêts sacrées etc. Les propositions finales sont présentées et discutées
en assemblée.
En plus de faire participer toute la population, les ONG doivent tenir compte des autorités
concernées : l'administration forestière, les autorités territoriales, comme le délégué, le maire
ou même le sous-préfet, les autorités traditionnelles comme les chefs de terre, les féticheurs,
les rois et les sages. L'implication des autorités varie selon la largeur de l'espace concerné,
les réalités socioculturelles, la stratégie d'élaboration de l'ONG et leur volonté de
collaboration. Dans le PRRF de Bassila par exemple, les diverses autorités travaillent en
étroite collaboration. Ainsi tous les codes locaux de Bassila sont signés par le chef de village,
le délégué, le maire, le sous-préfet et par le chef de cantonnement. Dans le PGTRN la

5
collaboration avec les autorités n'atteint pas ce niveau. Dans plusieurs sites certains sous-
préfets n'ont pas (encore) répondu aux invitations de collaboration de la part des prestataires
privés, ou n'ont pas signé les documents.
Dans tous les cas, les propositions de code sont adoptées par toute la population en séance
plénière. Des signatures "formelles" comme c'est le cas du PRRF par contre sont plutôt rares,
la plupart des codes ne sont pas signés. L'accord sur la zone de pâturage de l'arrondissement
d'Odougba à Ouessè est une exception.
La durée totale de l'élaboration et l'investissement hommes/jours varient. L'investissement
est plus grand lorsqu'il s'agit de codes intervillageois. La Figure 3 et les Tableaux 9a et 9b
démontrent cette variété.

Figure 3 : Durée d'élaboration des CL et rapport hommes/jours. Il s'agit de deux


exemples dont un villageois et un intervillageois pris de façon exemplaire dans quelques
sites. Les Tableaux 9a et 9b dans l'annexe précisent le graphique.

Total hommes/jours pour l'élaboration d'un CL (Investissement en hommes multiplié avec


l'investissement en jours. Deux exemples par site.)
25

20

code villageois h/j


15
Facteur h/j

code intervillageois
h/j
10

0
Allada: Aplahoué Ouaké

Sites du PGTRN

6
2) Contenu, concertation et structure des Codes Locaux
a) Espaces concernés et structure
La majorité des codes locaux du PGTRN s'appliquent au niveau villageois. Seul l'IAMD
d'Allada fait développer tous ses (six) codes locaux au niveau de l'arrondissement. Dans les
autres sites la mise en place de codes intervillageois est soit en cours soit déjà appliquée dans
une partie du territoire, lorsque les populations ou les réalités du terrain ont rendu nécessaire
cette approche intervillageoise : Aplahoué et Ouaké disposent chacune d'un code
intervillageois (trois arrondissements regroupés pour Aplahoué, 1 arrondissement à Ouaké),
à Ouessè on a établi 3 codes intervillageois (avec 2-3 villages regroupés). A Boukoumbé un
code au niveau de l'arrondissement est en cours de finalisation.
On réfléchit aussi sur la création de codes locaux au niveau de la commune décentralisée.
Cela ne pourrait être réalisé qu'après la transformation des sous-préfectures en communes
lors de la décentralisation.
Les différents niveaux spatiaux concernés par les codes sont démontrés dans la Figure 4.

7
Figure 4

8
Tableau 1
Les codes locaux du PGTRN

Prestataire Codes Observations Codes inter- Observations


privé et site villageois villageois
concerné Finalisés- Finalisés -
oui/non oui/non
plusieurs Anciens codes Agbanou: 4 codes
villageois sont juin 2000 finalisés et
intégrés dans Agonkanmè: améliorés, 1
les codes inter- juin 2000 code finalisé
villageois Dedomé: non amélioré
Allada/ Au moins deux mai 2000
Kpomasse: anciens CL Dekanmé:
IAMD villageois à la août 2001
base du code Lissegazoun:
intervillageois juin 2001
Tokpa-Ami A améliorer
A améliorer avant la
finalisation
11 Code Local de la Finalisé en
entre 1999 et forêt de Lanta 1999
2002
6 Zone de Lonkly Non finalisé
Aplahoué/
Non finalisés regroupant 3 Document
Klouékamè:
arrondissements validé par la
GRAIB
(19 villages): population,
Atomey, Lonkly, mais non pas
Godohou encore par le
Sous-préfet
4 projets de Ressemblances Arrondissement Version
code des codes ont de Natta avec 11 provisoire
Boukoumbé:
non finalisés mené à villages: disponible
Alpha Omega
l'élaboration Non finalisé dans le PAT
Environnement
d'un code
intervillageois
17 codes 6 sur17 font Code de
villageois partie du code l'arrondissement
Ouaké finalisés entre intervillageois de Ouaké,
Alpha Omega 1999 et 2002 regroupant 11
Environnement 4 codes villages
villageois non février 2002
finalisés

9
9 codes Kèmon/Ado L'association
villageois Odélakoun (2 villageoise
finalisés entre villages UIGREN
1999 et 2002 regroupés) s'occupe de la
février 2001 gestion des
Odougba/ ressources
Ouessè:
Tschedjinnagnon: naturelles et
GERAM
(2 villages des conflits
Conseils
regroupés) dans la zone
nov. 2000 Mahi, à savoir
1 code non Djègbé (trois 22 villages à
finalisé villages l'ouest de la
(Kilibo-Gare) concernés) Commune de
Non finalisé Ouessè
5 codes
villageois
Sinende: finalisés entre
APIC 2001 et 2002
4 codes non
finalisés

Tous les codes comportent des règles de gestion et des indications pour le cas de non respect
de celles-ci, appelées soit sanctions, soit amendes , soit contributions. La structure et la
forme des codes diffèrent: A Aplahoué, Boukoumbé et à Ouessè les codes sont présentés
pour la plupart sous forme de tableau, pendant qu'à Allada, à Sinendé, ainsi qu'au PRRF de
Bassila la structure des codes est plus complexe, souvent dotée d'informations qui vont au
delà des règles et des sanctions, évoquant parfois le caractère d'un véritable texte législatif.
Les règles de gestion sont classées selon les différentes ressources de l'espace, comme les
terres, les forêts etc. Les codes comportent aussi les procédures à suivre en cas de non
respect. Dans d'autres cas on a préféré de classer les règles selon les différents "modes
d'exploitation" tels que les feux de brousse, le pâturage, la coupe de bois etc.
Dans presque tous les sites on a élaboré des codes généraux, c'est à dire un document
s'appliquant à toutes les ressources. Parfois on a choisi des documents supplémentaires pour
une partie de la gestion. A Ouessè (Odougba) et à Sinendé (Sikki) les réflexions sur une
meilleure gestion des conflits entre éleveurs et agriculteurs et la délimitation des zones de
pâturages ont donné suite à l'élaboration de documents destinés uniquement à ceux-ci. A
Aplahoué on a fait un CL intervillageois concernant les ressources forestières de la forêt de
Lanta.

b) Contenu
Les comités de gestion ainsi que les prestataires privés affirment avoir considéré toutes les
ressources naturelles lors de l'élaboration du code. De plus les terres agricoles, les pâturages
et d'autres types de terroirs sont pris en compte. Dans certains cas la gestion des pâturages n'a
pas pu être intégrée faute de délimitation, comme à Dedomè dans la commune de Kpomassè
par exemple.
Les règles des codes locaux contiennent des interdictions, des obligations et des
recommandations qui ont pour but d'assurer une gestion durable des terroirs et des ressources
naturelles menacées ou dont on abuse déjà. Les ressources et terroirs le plus souvent
mentionnés sont:

Les Forêts naturelles et améliorées, les galeries forestières (soit l'exploitation de bois)
Les Forêts sacrées

10
Les Savanes
Les Bas-fonds
Les cours d'eau
Les mares, les étangs et sources
Les terres agricoles de toutes sortes
Les plantations
Les jachères
Les bassins versants
Les zones de pâturage et les couloirs de passages
La faune, (soit la pêche et la chasse)

Lors de l'élaboration des règles de gestion, les populations et les animateurs discutent des
réglementations traditionnelles concernant les ressources et des lois en vigueur. Ces
discussions devaient permettre d'aboutir à une synthèse entre législation nationale, coutumes
et nécessités du terrain. Normalement déjà élaborée, "l'analyse des dysfonctionnements" peut
être une base de discussion.
Le document "résultat des travaux du comité préparatoire" fait à Boukoumbé au cours de
l'élaboration du code de l'arrondissement de Natta permet de retracer ces réflexions:

Tableau 2: Résultat des travaux du comité préparatoire, Arrondissement de Natta.


Boukoumbé

Toutes les règles de gestion ne peuvent pas être comparées ici. Evidement les règles varient
selon la présences des différentes ressources, des pratiques agricoles et selon les réalités du
terrain. Certaines règles correspondent à celles des lois nationales, d'autres répondent
uniquement aux demandes des populations et du terrain.
Mais lorsqu'il s'agit des mêmes ressources, on constate aussi de grandes ressemblances entre
les règles.

11
Ressources Tableau 3:
concernées Comparaison des Règles de gestion
Allada Aplahoué Bokoumbé Ouaké Ouessè Sinendé Bassila
(Lissegazoun) (Atomey) (Natta) (Anoum) (Odougba, (Sekere) (Frignioun)
Tschedji.)
Terres, Eviter la Contrôler les Généraliser le Faire des pare-feu Faire les billons en Ne pas abattre tous Contrôler les
sols et monoculture défrichements, billonnage suivant les courbes les arbres lors du défrichements
laisser des arbres perpendiculaire à la Interdiction du de niveau défrichement,
versants Associer les Laisser un arbre par pente labour dans le sens laisser 40/ha Ne pas couper les
cultures abowo [= échelle de la pente Recommandation Ne pas couper les Karités et les Nérés
locale] Interdiction du d'utiliser des arbres protégés par
Planter des plantes billonnage dans le Pratiquer la jachère plantes la loi Laisser 25
fertilisantes Faire la rotation, sens de la pente après 4 ans de améliorantes espèces/ha des
jachère etc. culture Matérialiser les arbres exploitables
Faire des pare-feu Respecter les droits Sensibilisation sur Interdiction limites de parcelle protégés (par la loi)
fonciers et régler la renforcement des d'installation Ne pas couper les
vente au CVDL billonnages par les anarchique pour les plantes tuteur dans Pratiquer au
ados végétalisés migrants agricoles les champs minimum 3 ans de
Contrôler la
superficie de coton d'igname comme le jachère
Interdiction de faire gliricidia
à emblaver pâturer sur les Pratiquer la rotation
Contrôler l'érosion terres de culture Ne pas brûler les des cultures et
et restaurer les résidus de récolte l'association des
terrains en pente Planter des arbres cultures
au moment de la
mise en jachère +
entretien
Forêts Protéger les forêts Interdiction d'y (règles concernent Forêts restaurées: L'exploitation
naturelles par l'apiculture installer des la savane frauduleuse du bois
Contrôler et champs seulement) Activité agricole est interdite
ou interdite
améliorées délimiter les zones
en défens Interdiction de la Avoir l'autorisation
et galeries coupe anarchique Pâturage interdit du forestier, de la
forestières Mettre en terre au du bois d'œuvre SVGT (structure
moins 150 plants Feux de brousse villageoise) et du
par campagne interdits chef de village
limiter la vente de avant toute
serpents et Exploitation du exploitation de bois
sauvegarder la bois interdite
faune
Créer de pare-feu
Réglementer la
coupe de bois
Contrôler les feux
de brousse
Forêts Ne pas couper des Seuls les chefs
sacrées arbres féticheurs sont
autorisés à y mettre
Ne pas entrer pour les feux contrôlés
non initiés en octobre et
novembre
Ne pas jeter des seulement
mégots
Colonisation
Faire des pare-feu agricole interdite
autour
Bas-fonds Ne pas couper des Faire des cultures La riziculture sur Interdiction de la Interdiction d'y Réservation à la
gros arbres de bas-fonds les planches dans le coupe du bois cultiver l'igname riziculture, les
sens de cultures
Ne pas faire des Faire des semis l'écoulement des Casser les buttes maraîchères et aux
feux tardifs précoces eaux est interdite immédiatement plantations
après la récolte
Recevoir des Interdiction de
formations destruction des
d'exploitation aménagements
pour cause de
chasse

13
A la suite des règles, les codes comportent une partie sur les procédures en cas de non respect.
Cette partie est appelée "Sanctions", "pénalités", "amendes" ou "contributions". Ces différentes
dénominations indiquent le problème omniprésent de la valeur juridique redoutable de ces
sanctions.
Celles-ci ont deux fonctions principales :
Il s'agit d'une part de réparer un éventuel dégât, et d'autre part de décourager par avance la
violation du code conclu. La sanction appliquée le plus souvent est un paiement, appelé
amende ou contribution. Par ailleurs il existe une grande variété de procédures : Un
avertissement simple, des travaux d'intérêt général ou de réparation, comme la plantation
d'arbres. Ensuite on y trouve la conduite aux gendarmes, chez le forestier ou chez le chef de
village, les sacrifices, le renvoi du territoire, mais aussi l'emprisonnement ou le châtiment.
Comme pour le règlement, certaines sanctions sont issues uniquement des propositions de la
population, pendant que d'autres correspondent plus ou moins aux lois nationales.
3) Le dispositif organisationnel - qui surveille, qui sanctionne
et à qui sont destinés les paiements?
a) Le dispositif organisationnel
L'approche systémique du PGTRN prévoit la mise en place d'un dispositif organisationnel.
C'est la sixième étape qui vient au plus tard après l'élaboration du code local. Dans le PRRF de
Bassila il y a également des comités villageois de gestion des ressources.
S'il existe déjà une structure villageoise capable de s'occuper de la gestion des ressources, la
création d'un nouveau groupe est superflue.
Il est important que toutes les couches socioculturelles, ainsi que les femmes soient
représentées dans le comité. De plus, il faut que les responsabilités et les rôles des différents
membres soient clairement définis. Dans le cas de groupements intervillageois, des
(sous)structures villageoises y sont représentées par quelques députés.
Dans les sites visités pendant le stage, les comités villageois ou intervillageois étaient déjà mis
en place. Ils regroupent très souvent des commissions chargées de la gestion des différentes
ressources. Ainsi il existe souvent des commissions de gestion de conflits entre éleveurs et
agriculteurs, constituées par des émissaires peuls et des émissaires agriculteurs.
En ce qui concerne les femmes, leur implication n'est pas toujours satisfaisante. Très souvent il
n y a guère plus qu'une ou deux femmes dans le comité. Parfois celles-ci n'ont même pas
assisté aux entretiens de cette enquête. Les femmes qui étaient présentes ont rarement participé
à la discussion sans que nous ne leur ayons adressé la parole au paravent. Par ailleurs, les
femmes occupent fréquemment des postes de "chargée des affaires féminines" et non pas des
postes de responsabilité comme trésorière, présidente etc. Parfois leur tâche est alors réduite à
une fonction plutôt symbolique que décisive. Nous allons revenir à cette question dans la
deuxième partie du rapport.
Généralement le dispositif organisationnel villageois ou intervillageois gère un espace doté
d'un PAT et d'un code. L'UIGREN de Ouessè, qui regroupe 22 villages dont plusieurs dotés
d'un code local, est une exception. Reconnue comme association par le Ministère de l'Intérieur,
l'UIGREN a pour but de lutter contre la dégradation des ressources sur un échelon plus grand
que celui du village, tout en gardant plusieurs codes villageois.
D'une manière générale on peut dire que l'élargissement de l'espace de concertation amène
d'une part des possibilités de gestion plus vastes, et d'autre part des difficultés
organisationnelles et financières.

b) Qui surveille, qui sanctionne et à qui sont destinés les paiements


Deux instances différentes sont chargées de surveiller la gestion des ressources naturelles. Le
comité doit veiller sur l'application du code local, l'agent forestier doit veiller sur l'application
des lois nationales. Si le code local a été élaboré avec la Direction des Eaux et Forêts, celle-ci
devrait contribuer aussi à l'application du code.

Lors des entretiens, les comités ont évoqué les fondements de leurs travail. Il serait
indispensable que la population les informent d'abord sur leur soupçons. C'est seulement après
la vérification de cela, que le comité doit donner suite aux procédures prévues dans le
document: Soit le comité se charge lui-même de la condamnation, soit le fautif est conduit
devant d'autres instances qui appliqueront la sanction prévue. Dans le premier cas le comité
peut condamner le fautif au paiement d'une amende, qui sera par exemple versée sur un compte
villageois, géré par le trésorier du comité.
Le cahier de gestion de compte à Yaoui (commune de Ouessè) est un exemple pour cette
démarche.

15
Figure 5 a et b : Cahier de gestion de compte villageois de Yaoui. Ouèssè

Deux obstacles ont amené plusieurs villages à ne pas charger les comités de l'application des
sanctions. Premièrement les comités ne sont pas habilités à exercer une quelconque sanction et
deuxièmement ils ne disposent parfois pas de suffisamment d'autorité pour punir quelqu'un.
La question de l'autorité juridique, touche à un problème fondamental des codes locaux qui
sera abordé dans la deuxième partie de ce rapport. Pour répondre à cette difficulté juridique,
plusieurs codes prévoient que le fautif soit conduit devant les autorités locales responsables,
notamment chez l'agent forestier, mais aussi la gendarmerie ou la mairie. Ensuite les autorités
exécutent les peines prévues par la loi et gardent l'argent. En renonçant à cet argent qui
pourraient les financer, les comités s'assurent la reconnaissance de ces autorités. Bien sur ce
n'est pas très encourageant pour les populations de veiller sur l'application du code si l'argent
payé disparaît dans la profondeur des structures administratives sans avoir un impact local.

De plus le comité n'est parfois pas capable d'exécuter les sanctions faute de reconnaissance par
la population. En particulier s'il existe des mécanismes traditionnels de gestion de conflits les
comités n'arrivent pas à s'imposer. Souvent c'est au chef de village ou au conseil des sages
d'exercer (et de négocier) une punition.

16
Dans certains cas on implique alors ces mécanismes dans les modalités du code. Par exemple,
l'argent de chaque amende peut être partagé entre le comité et l'autorité traditionnelle. Un tel
clé existe dans le code de l'arrondissement de Lissègazoun à Allada:

Figure 6 Extrait du code local de Lissègazoun, Commune d'Allada (voir les "clés"sous la
colonne "procédures")

A Aplahoué dans la zone de Lonkly, un accord supplémentaire au code général a été établi
avec la Direction des Eaux et Forêts concernée. Il s’agit d’un document qui fixe des
contributions pour l’exploitation commerciale du bois. Tous les exploitants doivent payer une
somme spécifique en fonction avec les espèces coupées. L'agent forestier et la population se
partagent cette argent conformément à la loi n° 93-009. Ainsi les deux parties profitent de leur
collaboration et assurent un meilleur suivi des règles de gestion.

17
Fig7: Convention sur les contributions concernant l'exploitation de bois. Lonkly.
Aplahoué

Tableau 4
Loi N° 93-009 du 2 Juillet 1993
Portant Régime des Forets en République du Benin
Article 108: Les vingt pour cent (20%) du produit des transactions, amendes,
confiscations, restitutions, frais de fourrière et de contraventions seront attribués aux
agents forestier chargés de la recherche, de la constatation et de la répression des
infractions forestières et le cas échéant, aux agents des autres services habilités à
verbaliser en matière forestière conformément aux dispositions en vigueur ainsi
qu’aux autorités des collectivités locales associées à la recherche et à la constatation
desdites infractions
Un texte d’application précisera les modalités de répartition de ces primes
(Décret N° 96-271) du 2 Juillet 1996:
Article 90: Conformément aux dispositions de l’article 108 de la loi 93_009, les
modalités de repartition des primes de vingt pour cent (20%) du produit des
transactions, amendes, confiscations et restitutions se présentent comme suit :
1- Indicateur (agent forestier ou non)…………………...35%
2- Constatateur…………………………………………..25%
3- Verbalisateur………………………………………….15%
4- Poursuiveur…………………………………………...15%
5- Contentieux……………………………………………10%

• Malheureusement dans les autres sites les agents forestiers n'informent pas la
population sur ces articles. Sur ce point la collaboration devrait être améliorée.

Le tableau suivant démontre la variété des procédures de sanction.

18
Tableau 5:
Exemples des procédures de sanction
Concernant des règles de gestion des feux de brousse et des ressources sacrées
Espace concerné Règle et ressource Procédure en cas de non respect
concernées
Allada: commune Feux de brousse: interdit (pas de sanction)
d'Agbanou après le 15 décembre
Ouaké: village de (ou fin décembre) Dans le cas de dégâts: réparation du
Sonaholou dégât + amende de 5000 CFA
Si le dégât n'est pas quantifiable amende
de 10.000 CFA/ha
Sans dégât: amende de 350 CFA au
CVDL
Ouessè: village de Amende de 100.000 CFA par ha au
Yaoui CVDL
Ceux qui refusent d'aider à éteindre un
feux subiront un châtiment corporel
public
Sinende: village de Conduite devant l'administration
Sekere forestière
PRRF Bassila: Exercer pénalités prévues par les textes
village de Nioro en vigueur + amende de 20.000 CFA au
compte villageois
Allada: commune de Règles concernant les Amende de 300 CFA (dont 3/4 destiné
Lissegazoun forêts sacrées: au féticheur, 1/4 destiné à la caisse
interdictions d'y entrer commu-nale) + obligation d'un travail de
si non-initié sarclage d'une longueur de 20m du
pourtour de la forêt
Aplahoué: Aglali Exposition du délinquant à la sanction du
(forêt sacrée de fétiche
Ioezoun)
Ouaké: village de interdiction de la Punition conforme aux prescriptions du
Bandessar recherche de bois mort chef coutumier
sans autori-sation du
chef coutumier
Ouessè:village de Interdiction d'accès aux Disparition
Kemon Yoruba dans la forêt
sacrée
Boukombé: Interdiction de mettre le Faire un sacrifice au fétiche
commune de Natta feu aux forêts sacrées
PRRF de Bassila: Offrir une chèvre noire en sacrifice pour
village de Mborko l'apaisement de la divinité
Sinendé: village de Interdiction du Faire une cérémonie d'en-terrement
Sèkèrè braconnage d'un caïman comme l'enter-rement d'un homme.
sacré Ache-ter un mouton et un pagne blanc.
Amende de 20.000 CFA. Châtiment
public

Rappelons que l'Etat seul a le droit de prélever des taxes et d'imposer des sanctions. Plusieurs
prestataires ont donc choisit d'appeler les "amendes et taxes locales" "contributions", pour
dissimuler le caractère parafiscal des codes locaux.

19
4) Visualisation et sensibilisation
Malgré les séances en plénière lors de l'élaboration des codes il reste toujours un travail de
sensibilisation à accomplir. D'une part cela a été affirmé par des comités villageois et par les
prestataires privés. D'autre part nous avons remarqué que les populations connaissent parfois
mal certaines parties du code. De plus, la sensibilisation est nécessaire pour informer des
nouveaux arrivés, les exploitants venant de l'extérieur et les transhumants.
Enfin le code local est un document fait par les villageois pour les villageois. Ainsi il devrait
être compris par tout le monde.
Plusieurs stratégies ont été choisies par les ONG : Les traductions en langues locales, les
pictogrammes, les émissions sur radio local et la visualisation sur des plaques.

a) Les traductions
La majorité de la population rurale du Bénin ne parle pas français. Or, les codes locaux sont
écrit dans cette langue officielle au Bénin. Même si les séances d'élaboration ont été menées en
langue locale, le document final est toujours en français et donc incompréhensible pour la
grande majorité des usagers des ressources.
De plus il existe parfois plusieurs langues locales au même endroit.

Fig 8: Traduction d'un CL en langue Tschabè/Nagot. Faite à Yaoui, commune de Ouèssè

Une part importante de la population est également illettrée et ne pourrait pas lire le code
même s'il était écrit en langue locale. Mais très souvent il y a quelques personnes alphabétisées
qui pourraient informer les autres.

20
Une traduction sert aussi à clarifier le contenu du code. Surtout si la version française utilise un
langage juridique et administratif, une traduction est souhaitable afin d'éviter des malentendus.

b) Les pictogrammes
Il existe encore une autre manière de faire connaître le contenu du code local: Il s'agit d'une
illustration des codes avec des icônes, c'est à dire un pictogramme. L'avantage du pictogramme
par rapport à la traduction est d'une part son faible coût et d'autre part qu'il peut être compris
par tous: Par les illettrés, par différents groupes linguistiques etc.
Le pictogramme est utilisé par la plupart des prestataires privés. Le plus souvent il s'agit de
documents sous forme de tableaux. Parfois cette version illustrée est en quelque sorte un
résumé de la version écrite. Pour assurer une bonne compréhension des icônes, il est utile soit
de les élaborer avec les populations, soit de les évaluer avec elles avant la publication.
Certaines règles ou sanctions ne peuvent être facilement illustrées. Il faudrait alors mieux
joindre une version écrite aux images. Cela se fait déjà dans les différentes sites (voir figure 5
et figure9).

Figure 9: Pictogramme du CL du village de Sonaholou, Commune de Ouaké

A Sinendé les versions illustrées complètes de plusieurs codes sont actuellement en cours de
finalisation. Il s'agit ici non pas de tableaux, mais de cahiers plus complexes qui correspondent
aux documents français.

c) La collaboration avec les radios locales


Dans plusieurs sites, les radios locales ont diffusé toutes sortes d'information autour les codes
locaux.
En fait, la radio est un outil particulièrement efficace surtout lorsqu'un code dépasse le niveau
villageois.

21
La radio permet de diffuser à grande échelle l'information sur l'élaboration du code. De plus
des cassettes enregistrées pendant les séances d'élaboration peuvent être retransmises pour
informer les villageois qui n'ont pas pu assister aux réunions. Ainsi ceux-ci disposent d'une
information plus claire et précise que le seul rapport oral des représentants. La diffusion dans
plusieurs langues permet aussi d'impliquer dans le processus les minorités ou les étrangers.
Après la validation du code, cela est diffusé sans que personne ne puisse dire qu'elle n'est pas
au courant. Le contenu du code peut être enregistré et diffusé à plusieurs reprises. Ainsi les
illettrés ne sont pas exclus mais davantage impliqués.
Après la mise en application du code, des émissions peuvent être rediffusées pour mémoire.

Plusieurs ONG du PGTRN se servent déjà de cet outil : Le GRAIB d'Aplahoué a collaboré
avec trois stations de radio différentes dont une au Togo lors de l'élaboration du code
intervillageois de la zone de Lonkly. Toute la population de ce vaste espace sur trois
arrondissements a pu être informée sur le travail de ses représentants et sur leurs résultats.
L'APIC de Sinendé diffuse régulièrement des émissions sur des parties de codes déjà
appliquées pendant la saison concernée : Ainsi on diffuse des émissions sur les défrichements
contrôlés en septembre, des informations sur les règles de pêche pendant la saison de pêche etc.
Les informations sont diffusées en Bariba et en Fulfuldé, les deux langues principales du
secteur.

A l'exception de l'IAMD d'Allada et de l'Alpha & Omega de Boukoumbé tous les prestataires
privés du PGTRN ont diffusé leurs codes sur une radio. A Boukoumbé il n y a pas de radio
rural. L'ONG organise alors des journées de sensibilisation: On réunit les populations le jour
du marché dans un cadre festive pour faire passer les informations.

d) Les visualisations sur plaque


Partout dans les sites du PGTRN la visualisation sur plaque se fait ou est en projet. Cette
visualisation des règles de gestion sur plaques a plusieurs avantages:
D'abord une plaque, soit en bois soit en métal, est plus visible et se conserve plus longtemps
qu'une version papier souvent "cachée" dans une paillote. Une plaque est accessible par tous,
autochtones ou étrangers.
Indiquant le code dans son ensemble, la plaque peut-être installée sur une place centrale du
village. Indiquant un extrait seulement, elle peut-être posée devant la ressource concernée.
La visualisation sur une plaque s'adresse aussi aux illettrés puisqu'il s'agit généralement de
pictogrammes.

A Allada, on hésite à mettre en place des plaques par crainte d'éventuels changements des
codes suite à la décentralisation. On ne veut donc pas risquer de dépenser des sommes et un
travail considérables qui pourraient être perdus en cas de grands changements.
La plupart des ONG, ainsi que les responsables du PRRF de Bassila, ont choisi de mettre en
place des plaques selon la ressource concernée. Seul dans le village d'Odougba à Ouessè le
code entier a été illustré et implanté sur la place du village.

Les photos témoignent des différentes formes de visualisation rencontrées sur le terrain:

22
Figure 10: Code d'Odougba à Ouèssè, plaque installée sur la place du village

Figure 11:
Plaque du forêt d'Aveganmy à Aplahoué

23
Figure 12
Plaque du PRRF de Bassila concernant la forêt privée du village M'Boroko

Fig. 13:
Plaques installées autour de la forêt de Toemey dans la commune de Sinendé

24
5) Respect et suivi des codes
"Est-ce que le code est respecté par la population?" était une question posée à tous les comités
(inter)villageois rencontrés pendant l'enquête. La réponse était pratiquement partout un "oui"
franc et dans de rares cas un "oui, on commence à le respecter".

Ces réponses témoignent à la fois de l'optimisme des comités et de la difficulté à évaluer le


respect des codes. Après cette question des entretiens approfondis ont fait apparaître des
réponses plus nuancées. Mais il nous a toujours été difficile de savoir si le code était respecté
ou pas.
D'une part nous avions parfois l'impression que les villageois disaient surtout ce qu'ils
croyaient que nous voulions entendre. D'autre part la notion de "respect" reste à définir : Cela
veut-il dire que les règles sont respectées entièrement et que les sanctions soient suivies mot
par mot, ou cela veut-il dire que les comportements ont évolué dans le sens des principes, sans
que le code ne soit toujours suivi au sens strict?

a) Le respect des règles des codes locaux


En ce qui concerne le respect des règles spécifiques, le bilan est plus mitigé. Très souvent
certaines règles sont mieux respectées que d'autres. A nôtre avis, les règles concernant par
exemple les feux de brousse tardifs ont du mal à s'imposer, pendant que les règles sur
l'apiculture sont bien acceptées. Mais on peut difficilement généraliser cela. Ce sont avant tout
des facteurs locaux qui déterminent l'application ou non des règles.
Mais certains points favorisent ou au contraire découragent le suivi des règles:

Tableau 6
Les facteurs importants en ce qui concerne le respect des règles
Facteurs favorisant le suivi des règles Facteurs n'incitant pas au suivi des
règles
Les sanctions sont rigoureusement Les sanctions ne sont pas ou mal
appliquées appliquées
(sans doute le facteur le plus important) (sans doute le facteur le plus important)
La règle a été élaborée par toute la Une partie de la population n'a pas été
population et est équitable impliquée dans le processus d'élaboration
et/ou la règle défavorise une certaine
partie de la population
(par exemple à Wannou, Bassila, où une
partie des jeunes n'a pas été impliquée
dans l'élaboration, [voir II 4])
La règle reflète les propositions faites par La règle ne reflète pas les propositions de
la population lors de son élaboration la population, mais elle a été ajoutée au
code parce qu'elle correspond aux lois
nationales
La règle correspond plus ou moins à des La règle introduit un comportement/une
pratiques traditionnelles pratique complètement nouvelle, peut-être
(par exemple les règles concernant les opposée même aux pratiques
forêts sacrées) traditionnelles
(par exemple l'interdiction des feux
tardifs)
Le suivi de la règle engendre des La population ne tire pas de profit
améliorations financières à court ou financier ou autre en respectant la règle à

25
moyen terme court et moyen termes
(par exemple des règles concernant (par exemple l'interdiction des feux
l'apiculture améliorée liée à la gestion tardifs)
des forêts)
Le suivi de la règle ne conduit pas à des Une partie des usagers/toute la population
énormes pertes financières doit supporter des pertes financières
considérables
(par exemple à Wannou, Bassila, ou une
partie des jeunes profitent de la coupe de
bois[voir II 4])
Les pouvoirs locaux ont un avis positif, Les pouvoirs locaux font tout pour
sinon au moins neutre par rapport à cette empêcher le suivi de la règle
règle
(par exemple dans la zone de Lonkly,
Aplahoué, en ce qui concerne la
collaboration entre agent forestier et
population en matière des règles sur la
coupe de bois [voir ci-dessus sous I 3 b])

Pour vraiment pouvoir évaluer en détail le respect des règles dans les différents endroits, cette
étude reste trop limitée : Souvent les villageois disent qu'il n'y aurait pas eu une seule violation
du code, alors ni sanction ni avertissement. Bien sur il est très souhaitable que les règles soient
respectées entièrement. Mais ce serait tout de même un peu étonnant que cela se passe sans le
moindre conflit, sans la moindre entorse. Il faudrait alors approfondir l'enquête dans ces cas, ce
que nous ne pouvions pas faire.

• Il faudrait donc développer des instruments pour pouvoir constater et quantifier le


respect ou non de certaines règles. Est-ce que les feux de brousse tardifs ont vraiment
diminué? Est-ce que l'exploitation anarchique du bois a cessé? Ainsi de suite.

b) Le suivi des procédures dans le cas de non respect des règles


L'application des pénalités en cas de non respect des règles est fondamentale pour la "réussite"
d'un code. La règle ne sera respectée qu'à cette condition.
Si les sanctions sont appliquées mot par mot ou non, nous apparaît moins important L'essentiel
est que l'abus soit pénalisé d'une manière ou d'une autre.

Lorsqu'on les interroge sur l'application concrète des pénalités, dans certains cas les villageois
répondent que les sanctions n'étaient pas encore appliquées. (C'est d'ailleurs après avoir affirmé
que le code serait respecté.)
D'autres comités ont tenté d'imposer les sanctions et ont échoué pour des raisons multiples: Les
liens de parenté et la peur de la sorcellerie, le manque d'autorité du comité, le blocage par les
autorités locales, l'incapacité du comité d'attraper le fautif etc. Ces problèmes principaux seront
abordés dans la deuxième partie du rapport.
Malgré cela, nous avons vu un certain nombre de cas où les sanctions ont pu être imposées et
avoir les conséquences positives sur le suivi des règles. Cela se fait même si les sanctions et
amendes ne sont pas toujours appliquées à la lettre. La somme prévue est plutôt une base de
réflexion sur laquelle le montant définitif est négocié.

26
II) Problèmes principaux et perspectives à la veille de la
décentralisation
1) Les codes locaux entre légalité et légitimité
Le principal problème de tous les codes, c'est le dilemme d'être pris entre deux principes
souvent opposés l'un à l'autre: les codes devraient être à la fois conformes à la loi, de même
qu'ils devraient être applicables, légitimes et adaptés aux conditions locales.
Nous constatons que le mariage de ces deux principes est difficile. Au contraire il faut avouer
que plus on applique les lois nationales, moins le code apparaît légitime et applicable.

a) La valeur juridique des codes locaux


Tout d'abord il faut dire que la valeur juridique des codes peut varier entre les différents types
de code. Certains semblent plus ou moins conformes à la loi. Les principaux textes sur la
gestion de ressources naturelles y sont respectés, et les autorités de l'Etat collaborent à
l'application du code. D'autres codes sont visiblement en contradiction avec des droits parfois
fondamentaux, par exemple en ce qui concerne des sanctions comme "châtiment corporel
public" etc.
Néanmoins, aucun code n'est vraiment doté d'une forte valeur juridique. Cette dernière reste
floue, fréquemment on ne la connaît pas, espérant que les règles soient respectées sans qu'il n'y
ait de problèmes qui pourraient nécessiter une intervention juridique.
Un code "officialisé" par une forte valeur juridique serait pourtant important: Cela aboutirait à
leurs meilleure reconnaissance par les institutions nationales. On pourrait porter plainte sur la
base du document devant un tribunal. Le code serait valable pour les tiers et un blocage par
n'importe quelle puissance serait moins probable.

Le PRRF de Bassila a fait examiner ses codes par un avocat pour éclaircir la situation
juridique. Les observations faites par Maître Abdou Waïdi MOUSTAPHA (voir tableau 8,
Annexes) révèlent les principaux problèmes juridiques des codes, que nous résumons ainsi:
D'abord les codes ne sont valables que pour les parties contractantes. Ensuite toutes les
sanctions et "lois locales" sont illégales. Toute forme de sanction est exclusivement du
domaine de l'Etat, qui l'applique par ses services policiers. De plus une condamnation ne peut-
être prononcée que par la juridiction ou dans certains cas par des agents publics. Enfin les
prélèvements "parafiscaux" sont interdits.

Les observations de l'avocat s'appliquent aussi bien au PGTRN qu'au PRRF.


Certes, les solutions qu'il propose sont en partie difficilement réalisables, sans détruire "l'âme"
des codes. Car, si nous comprenons le CL comme un outil de synthèse entre "loi et tradition" et
entre "Etat et population" il ne serait guère favorable de déresponsabiliser complètement les
comités villageois, d'enlever toutes les propositions faites par les habitants, et d'annuler toutes
les sanctions prévues par eux.
Mais certaines observations de l'avocat peuvent mener à des améliorations simples:

• Il faut d'abord s'assurer de l'accord de tous les usagers des ressources lors de
l'élaboration du code, afin que le droit privé soit la source juridique à consulter en cas
de besoin. Ainsi il est souhaitable d'impliquer aussi les usagers temporaires. La
validation du code suppose la signature de tous les représentants.
• Il faudrait réfléchir sur la possible harmonisation de certaines règles des codes avec les
textes de loi en vigueur.

27
• Dans le cadre de la décentralisation, il faudrait envisager des possibilités d'implication
de la commune afin de résoudre les questions juridiques concernant le prélèvement des
"taxes", des "sanctions" et de la "poursuite des pénalités".

A notre avis, la notion de code local est d'ailleurs inadaptée. Il ne s'agit pas de codes, mais
plutôt de conventions ou d'accords. L'expression "code" est démesurée, elle peut susciter une
certaine méfiance chez les organes de l'Etat qui seuls décident des lois. On ferait peut-être
mieux de parler de "conventions locales" au lieu de "codes locaux".

b) Légitimité et crédibilité
Naturellement un code local est plus qu'une simple extension du code forestier.
D'une part les lois nationales ne suffisent souvent pas à garantir une gestion durable des
ressources naturelles. Les lois ne sont pas adaptées aux conditions locales, marquées par une
grande diversité à travers le pays. En situation de manque de personnel et de moyens, les
services de l'Etat ne peuvent pas toujours exercer leur devoir.
D'autre part il existe une variété de règles traditionnelles fondées sur les cultures des
populations qui ignorent l'existence des lois nationales. C'est donc une situation de "dualité
juridique" qui règne dans ces régions rurales du Bénin. Les lois nationales sont soit inconnues,
soit perçues comme quelque chose d'étranger et de non légitime, au profit des services de l'Etat
et qui ne concernent pas la population.
Si on veut donc que les codes locaux ne connaissent pas le même échec que le code forestier, il
faut qu'ils soient considérés comme quelque chose de légitime. Il faut que la population
participe, il faut qu'elle puisse se reconnaître dans le document. Ainsi il faut impliquer les
propositions des usagers de ressources pour que le document ne reste pas seulement lettre
morte.
La légitimité et la crédibilité sont alors des facteurs indispensables à l'application des codes.

• La population doit participer, non seulement à l'élaboration des règles, mais aussi au
suivi et aux éventuels bénéfices issus des contributions et amendes.

c) Entre légalité et légitimité


Il existe donc deux principes clés pour le "succès durable" d'un code local: la légalité et la
légitimité. Malheureusement ces principes s'opposent parfois de telle sorte que le suivi de l'un
conduit à la négligence de l'autre.
Dans certains cas une solution à ce dilemme ne pourrait être envisagée qu'au niveau national,
avec une nouvelle approche législative plus souple par rapport aux conditions locales afin de
mieux impliquer les populations. Cela dépasse les compétences du PGTRN.

• Dans les conditions actuelles il faudrait analyser le dilemme sur le terrain afin de
trouver une voie entre légalité et légitimité qui intègre les deux principes le mieux
possible.

28
2) Les liens de parenté, la jalousie et la peur, un obstacle au
suivi des règles et sanctions?
Au village, il existe des liens de parenté, des puissances traditionnelles et des relations
complexes entre les habitants qui sont difficiles à comprendre de l'extérieur mais qui sont des
facteurs essentiels concernant le respect des règles et surtout le suivi des sanctions.
Les relations de famille demandent le respect, parfois la soumission, ou d'autres règles de
conduite entre ses membres. Il existe des hiérarchies, des pouvoirs, des interdits et des
obligations. La sorcellerie, la jalousie et la peur jouent un rôle majeur concernant le respect des
codes. Evidemment il s'agit de phénomènes qui sont traités avec discrétion et qui font partie de
la sphère privée des villageois. Ce n'est donc pas facile de connaître ces facteurs.
Même si le sujet est sensible, plusieurs comités villageois en ont discuté et avoué avoir des
problèmes par rapport à cela. Il s'agit surtout de l'influence de ces facteurs sur le
fonctionnement des pénalités :

"Est-ce qu'on peut punir son propre beau-frère? Est-ce qu'on peut pénaliser un membre
de la famille du chef coutumier? Quelles seraient les conséquences sur les membres du
comité exécutant? Le fautif va dire: tu m'as vendu! Comment pourras-tu faire face à ta
famille après? On pourra te jeter des mauvais sorts et le malheur va s'installer chez toi"

De telles réflexions évoquées par les habitants de plusieurs villages et de la part des animateurs
démontrent l'importance de ces phénomènes. Il est possible qu'un code ne soit plus suivi à
cause de processus de ce type.
C'est par exemple le cas du village de Yara à Sinendé. La peur des mauvais sorts a empêché
ici la poursuite des pénalités. Mais le problème est répandu dans de nombreux sites du
PGTRN, ainsi qu'au PRRF de Bassila.

A Allada, l'IAMD a aussi connu des tels problèmes avant d'avoir élargi les espaces de
concertation du village à l'arrondissement. Ici les liens de parenté sont moins étroits et la
"liberté d'action" est plus grande.

Que peut-on faire pour répondre à ces difficultés?

• Il faudrait d'abord essayer de constater s'il existe de tels problèmes ou non. Ensuite seul
une réunion des grandes familles, des sages et des puissants pourrait -le cas échéant-
être capable de changer les comportements.
• L'élargissement de l'espace de concertation peut aussi sous certaines conditions
contribuer à résoudre ces problèmes.

29
3) Financement et fonctionnement des comités
Dans plusieurs villages les comités chargés des codes se sont plaints d'avoir des problèmes
d'organisation ou de financement.
Sans doute, l'organisation d'un comité dépend d'abord de l'engagement de ses membres. Une
bonne organisation demande aussi une répartition claire des différentes tâches et fonctions.
Mais ce sont surtout dans les espaces intervillageois que de tels problèmes se sont présentés.
Cela semble logique : plus un espace de concertation est large, plus il faut sophistiquer
l'organisation et plus cette organisation devient coûteuse.
Premièrement une bonne organisation exige que les comités, ou les commissions concernées
puissent se réunir en cas de besoin. Il faut donc pouvoir communiquer, il faut se déplacer et
sacrifier le temps aux enquêtes et réunions. Il faut également surveiller un espace plus large, ce
qui exige qu'un grand nombre de personnes collabore directement ou indirectement avec le
comité de gestion.
Deuxièmement, cet élargissement spatial et organisationnel engendre des frais supérieurs. Il
faut payer les déplacements, il faut éventuellement récompenser les actifs ou acheter du
matériel de bureau, des motos ou d'autres formes d'équipement.

L'exemple le plus frappant est celui de l'UIGREN de Ouèssè. Association reconnue par le
Ministère de l'Intérieur, elle regroupe 22 villages. Elle dispose d'un bureau aménagé à Ouèssè,
et de deux motos. L'UIGREN emploie une secrétaire. Malgré le respect de la population et
malgré des succès considérables, cette association se retrouve actuellement confrontée à de
graves difficultés. Les "amendes" et "contributions" payées par les fautifs étaient au début
suffisantes pour couvrir les frais. Aujourd'hui l'UIGREN est devenue victime de son propre
succès: A cause du respect des codes, de moins en moins d'argent rentre dans la caisse
commune. La secrétaire ne peut plus être payée et les motos sont en panne. Maintenant on ne
sait plus comment financier l'organisation. Jusque là, on n' a pas su développer un fonds de
fonctionnement endogène. Les représentants de l'UIGREN demandent alors un appui financier
extérieur.

L'élargissement des codes et des comités n'est donc pas sans risque. Il faudrait:

• Analyser les avantages et les risques d'un élargissement pour le fonctionnement des
comités
• Chercher des possibilités d'un autofinancement durable
• Chercher la reconnaissance juridique du comité auprès du Ministère de l'Intérieur.

30
4) L'importance de l'implication de toute la population
Cet aspect a déjà été évoqué plusieurs fois dans ce rapport. Si nous y revenons c'est pour
souligner son importance à la fois pour l'élaboration des codes ainsi que pour les comités.
D'abord nous constatons que tous les participants parlent d'une implication équitable des
personnes concernées. C'est souvent par une voie indirecte que des doutes se présentent.
Ainsi nous avons appris que l'implication des femmes ne va pas toujours très loin. Dans
certains comités elles sont à peine représentées. Fréquemment elles s'occupent seulement des
affaires féminines. Elles étaient d'ailleurs souvent absentes lors des rencontres que nous avons
eues avec les comités. Dans un village de Bassila la représentante des femmes, expliquait que
son principal travail était de cuisiner pour ses collègues masculins lors des réunions.

Un deuxième groupe parfois sous-représenté est celui des éleveurs Peuls. La coopération entre
éleveurs et agriculteurs est souvent difficile. Elle peut échouer bien que l'ONG ait fait de
grands efforts dans ce domaine. Mais il faudrait donc davantage insister sur cette collaboration
indispensable pour le fonctionnement du code.

Dans un autre village, (Wannou à Bassila) les jeunes se sentaient exclus du processus
d'élaboration. Ils étaient alors opposés au projet et ont finalement précipité sa fin en
recommençant la coupe anarchique du bois.

Il serait donc souhaitable:


• D'insister sur la participation de toutes les couches socioculturelles lors de l'élaboration
et lorsqu'il s'agit de créer des comités de gestion.
• D'analyser si les femmes sont vraiment impliquées dans le travail des comités et si elles
occupent plus qu'une place symbolique au sein de la structure

31
5) Questions ouvertes à la veille de la décentralisation
La décentralisation prévue pour le mois de décembre 2002 sera sans doute un événement
historique pour le Bénin.
Un changement d'une telle ampleur va modifier aussi les conditions qui encadrent les codes
locaux. De quel type seront alors ces changements ? Quelles chances et quels risques naîtront
pour notre outil? De quelle manière faudra-t-il l'adapter à ces nouvelles conditions?

Toutes ces questions préoccupent actuellement les collaborateurs du PGTRN. Tous ceux qui y
réfléchissent s'accordent sur le fait qu'il y aura des changements. Cette décentralisation ne
pourra être effective sans affecter l'état actuel des codes locaux. Mais on ne sait guère ni où ils
seront affectés, ni de quel type seront les changements, ni comment il faudra réagir face à cela.
Une grande partie de ce projet n'est pas encore précisée à l'heure actuelle: Les décrets
d'application ne sont pas encore sortis, et le contenu des lois ne nous informe pas sur tous les
détails importants.
D'une manière générale il est difficile de faire un pronostic pertinent sur ce processus. On y
verra plus clair lors de la reforme, et par les expériences avec l'Etat décentralisé.

Nous devons alors nous contenter de quelques observations sur les perspectives vis à vis de cet
événement.
Pour cela, nous allons citer des extraits des lois qui nous paraissent importants par rapport à
l'objectif:

Tableau 7 a: Extrait des lois sur la décentralisation

Loi N° 97-028 Article 34: La commune est divisée en arrondissements, sans


du 15 janvier personnalité juridique ni autonomie financière
1999 Portant Article 39: Le chef d'arrondissements est assisté d'un secrétaire
organisation de administratif nommé par le maire
l'administration Article 41: L'arrondissement est divisé en ..villages en zones rurales
territoriale de la Article 44: Le village…ne jouit ni de la personnalité juridique ni de
République du l'autonomie financière
Bénin

On s' aperçoit très vite que les arrondissements et villages sont des unités administratives avec
très peu de compétences. Elles ne disposent ni de personnalité juridique, ni d'autonomie
financière. Il n'y a donc pas de budget. Ces deux unités dépendent largement de la commune.
Selon les orientations juridiques, l'arrondissement et le village ne seront pas l'interlocuteur
privilégié en matière de codes de gestion de ressources naturelles.

Tableau 7 b: Extrait des lois sur la décentralisation


Loi N° 97-029 Article 67: Le maire est chargé, sous le contrôle du conseil
du 15 janvier communal de:………(11).: d'une manière générale, exécuter les
1999 Portant décisions du conseil communal
Organisation Article 74: Les arrêtés du maire, lorsqu'ils contiennent des
des Communes dispositions générales, sont exécutoires dès qu'ils sont portés à la
en République connaissance des populations par affichage ou toute autre voie de
du Bénin publication……..

32
Article 84: La commune élabore et adopte son plan de
développement. Elle veille à son exécution en harmonie avec les
orientations nationales en vue d'assurer les meilleures conditions de
vie à l'ensemble de la population.
Dans ce cadre:
elle élabore les documents de planification nécessaires:
-le schéma directeur d'aménagement de la commune
-le plan de développement économique et social
-les règles relatives à l'usage et à l'affectation des sols

Article 94: La commune a la charge de la création de l'entretien des


plantations des espaces verts et de tout aménagement public visant à
l'amélioration du cadre de vie. Elle veille à la protection des
ressources naturelles, notamment des forêts, des sols, de la faune,
des ressources hydrauliques, des nappes phréatiques et contribue à
leur meilleure utilisation.
Elle est consultée sur tout aménagement relatif aux sites miniers se
trouvant sur son territoire.
Article 108: …..Elle peut, dans ce cadre, solliciter en cas de besoin,
le concours des services techniques de l'Etat. La commune peut créer
ses propres services techniques.

La Loi N° 97-029 nous permet de faire les observations suivantes.


D'abord nous voyons que le maire est contrôlé par le conseil communal. Cela pourrait
permettre aux électeurs engagés dans la gestion des ressources naturelles, d'élire un conseil qui
prendrait en charge leurs préoccupations. Si donc des membres d'un comité de gestion étaient
élus dans un conseil communal, leurs objectifs seraient mieux pris en compte. L'UIGREN de
Ouèssè envisage déjà une participation aux élections communales.
D'un autre côté, le risque est la politisation des comités. Leur fonctionnement et leurs objectifs
pourraient partir de l'influence des enjeux politiques. Ce risque a amené d'autres acteurs du
PGTRN à rejeter une telle démarche.

Nous apprenons ensuite que le maire disposera de l'outil de "l'arrêté communal". Ces arrêtés
doivent être conformes aux lois nationales. Dans ce cadr,e ils seront un outil pour imposer la
politique choisie par la commune et le maire, qui est chargé de faire connaître ces arrêtés à la
population.
Les articles ne précisent ni la nature exacte ni l'ampleur d'un arrêté communal. Eventuellement
il y aura des possibilités de valider certaines règles de gestion par arrêté. Mais il ne s'agit pas
d'un droit de législation complexe. Le maire ne pourrait certainement pas officialiser les codes
locaux actuels, puisqu'ils ne sont pas conformes au droit national. Il reste à étudier dans quelle
mésure les arrêtés pourront servir à la gestion des ressources naturelles.
Il est d'ailleurs également possible que le contraire se produise. Si le maire et son conseil
s'opposent à un code, l'arrêté pourrait être un moyen de blocage.

L'Article 84 traite le plan de développement de la commune. Il y est prévu l'élaboration d'un


Schéma Directeur d'Aménagement de la Commune (SDAC) que la commune doit financer
(voir ci-dessous Article 17). Ici aussi, nous ne connaissons pas encore les détails concernant le
SDAC. Certains objectifs seront probablement partagés avec ceux du PGTRN. Cela est
souligné par l'Article 94 : La commune est chargée de la préservation des ressources naturelles.
Si nous ajoutons à cela l'Article 108 -et donc la possibilité de création des services techniques-
nous ne pouvons pas négliger de nouvelles possibilités.

33
• Il faudra donc suivre attentivement les décrets d'application précisant le SDAC. Il
faudrait aussi évoquer dans quelle mesure des comités de gestion pourront servir de
service technique à la commune (en matière de gestion des ressources naturelles).

Tableau 7 c: Extrait des lois sur la décentralisation


Article 8: La création des impôts et de taxes est du domaine de la loi.
Le conseil communal, par sa délibération, en fixe le taux dans la
limite du plafond déterminé par la loi de finances.

Loi°N 98-007
du 15 Janvier Article 10: Les recettes fiscales de la section de fonctionnement
1999 Portant comprennent:
Régime a) le produit des impôts directs suivants:
Financier des -la taxe de développement local basé sur les principales ressources
Communes en de la commune
République du ………
Bénin
Article 17: Les dépenses obligatoires…comprennent:……..
-les frais d'élaboration du schéma directeur d'aménagement de la
commune (SDAC)

A notre avis, la loi 98-007 modère les espoirs suscités par les extraits de lois précédents. Quant
au problème de l'illégalité du prélèvement parafiscal, nous craignons qu'il ne sera pas résolu
par la décentralisation. Au contraire, la "taxe de développement local" présente un grand risque
pour la gestion des ressources naturelles: Cette taxe parmi d'autres sert à alimenter la caisse
communale. Comment pourra-t-on résister aux tentatives d'une exploitation renforcée des
ressources afin de remplir cette caisse, en particulier dans les régions n'ayant pas d'autres
ressources que leurs réserves forestières ?
De plus, il est possible que la commune perçoive les codes locaux plutôt comme un
"instrument concurrent" que comme un instrument partenaire.
Il faudrait donc essayer d'éviter un tel scénario en cherchant une solution convenable.

Enfin les perspectives pour les codes locaux face à la décentralisation devraient être analysées
par des experts, dès que le processus commencera.

34
Conclusion
Le stage au PGTRN nous a laissé une impression nuancée sur l'instrument du code local. Nous avons
vu ses atouts ainsi que ses difficultés. Ces difficultés sont cause de quelques dysfonctionnements. Mais
l'engagement d'un grand nombre de comités reflète la responsabilité des populations et leur
appropriation des codes. Souvent les codes sont appliqués et respectés.

Résumant les expériences nous retenons les suggestions suivantes:

Il serait souhaitable :

• de continuer à informer, à sensibiliser les populations et à améliorer la visualisation des


codes
• de développer des outils pour évaluer le suivi des codes
• de trouver de meilleurs compromis entre légalité et légitimité
• de ne pas négliger les questions de parenté
• d'évoquer les questions d'organisation et de financement des comités
• d'insister sur l'implication de tous les usagers et surtout des femmes
• d'adapter les codes aux nouvelles conditions suite à la décentralisation

Après tout, il s'agit d'un outil relativement jeune au PGTRN qui va devoir faire ses preuves à plus long
terme. Il faudrait qu'il soit assez souple pour s'améliorer et pour s'adapter selon les besoins.
Finalement son succès ne pourra être constaté qu'après la fin de l'intervention du PGTRN. Si le
comportement proposé dans les codes perdure, leur but sera atteint.

35
Annexes

Tableau 8
Extrait de l'analyse juridique des codes locaux du PRRF Bassila,
fait par M. A.W. MOUSTAPHA, Avocat près la cours d'Appel

Première observation:
Les codes locaux ainsi conçus sont des conventions faites entre les habitants d'un village pour organiser l'exploitation
des ressources naturelles de leur terroir. Ils sont des actes de droit privé qui ne tiennent lieu de loi qu'a ceux qui les
ont faites (article 1134 du code civil). Ces conventions n'ont effet qu'entre les parties contractantes; elles ne nuisent
point au tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par la loi (article 1165 du code civil).

Deuxième observation
Dans notre droit, il n'y a pas d'infraction, ni de peine sans un texte légal "nullum crimen, nulla poena sine lege".
C'est le principe de la légalité des délits et des peines qui fait obstacle à ce que des particuliers créent des infractions
et en prescrivent les peines. L'Assemblée Nationale et les collectivités publiques ont seules compétence dans le
cadre de leurs attributions d'édicter des lois ou des règlements à caractère pénal.

Troisième observation:
Les actes de Police judiciaire, comme la recherche, la poursuite et la constatation des infractions relèvent de la
compétences exclusive de certains agents publics y habilités par les lois et règlements.

Quatrième observation:
La condamnation au paiement d'une amende, ne peut être prononcée que par la juridiction sauf exceptions
prévues par la loi et le cas échéant ce n'est que les agents publics assermentés qui ont alors pouvoir de verbaliser
(Forestier, Douanier, Gendarmes etc…) mais jamais des particuliers.

Cinquième observation:
La taxe, est comme l'impôt, un prélèvement opéré au moyen de la contrainte par puissance publique "dans un
intérêt économique ou social au profit de l'Etat, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics
administratifs". Même lorsqu'elle a un caractère parafiscal et se trouve être perçue au profit d'une personne morale
non publique, c'est toujours à l'initiative et par l'organe d'une collectivité publique.

C'est sous le bénéfice de ces observations que je propose:

1) Que toutes les stipulations relatives aux infractions soient réécrites pour viser si possible un texte répressif
existant.
2) Que toutes les stipulations attributives d'une compétence exorbitante du droit privé aux structures
villageoises soient corrigées pour être en harmonie avec la nature juridique du texte.
3) Que toutes énonciations génératrices de taxes et autres prélèvements forcés de la compétence des
collectivités publiques soient réexaminées pour être autrement reformulées sans empiétement dans le
domaine de la Puissance Publique.

La Gestion des Ressources Naturelles des villages concernés par les codes est somme toute d'une activité présentant
un intérêt public. Il y a lieu d'envisager ici la possibilité d'associer la commune à la solution des questions
relatives aux taxes et amendes

36
Tableau 9 a : La durée d'élaboration des CL et le rapport hommes/jours

Exemples pour

l'élaboration des CL villageois au PGTRN


Prestataires Codes-villageois Date du début de Date de la Remarques sur le processus et sur Nombre des Total Remarques/ Obstacles
privés et sites l'élaboration Finalisation la durée: (une séance continue, collaborateurs de hommes/jours
(production de plusieurs séances etc.) Brève l'ONG impliqués du PP investis
la version description des séances/ nombre dans ce travail pour
papier/ des jours l'élaboration
validation par la
population)
Allada : Kouffounou Septembre 99 Septembre 99 3 séances continues dans un 2 6 h/j
IAMD intervalle de 5 jours (jours des
marchés)

Aplahoué: Nigbogan 04/07/00 12/07/00 2 séances, 2 jours. Animateurs en 2 4 h/j


GRAIB commission puis amendements en
assemblée villageoise
Boukoumbé:
Alpha Omega
Environneme
nt
Ouaké : Sonaholou 10/03/00 13/05/00 4 jours: 3 12 h/j Entre élaboration et
Alpha Omega 2 jours pour apprêter les images (1 cadre, 1 validation il y a la
Environneme 1jour d'élaboration en séance animateur, 1 ventilation: diffusion à la
nt continue secrétaire) radio, discussions des
1jour validation en séance continue villageois etc.
Implication de quelques
acteurs extérieurs.
Ouessè :
GERAM
Conseils
Sinendé :
APIC

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Tableau 9b

Exemples pour

l'élaboration des CL intervillageois au PGTRN


Prestataires Codes inter- Date du début de Date de la Remarques sur le processus et sur Nombre des Total hommes Remarques/ Obstacles
privés et sites villageois l'élaboration Finalisation la durée: (une séance continue, collaborateurs de et jours du PP
(production de plusieurs séances etc.) Brève l'ONG impliqués investis pour
la version description des séances/ nombre dans ce travail l'élaboration
papier/ des jours
validation par la
population)
Allada : Arrondissement Mars 2001 Mars 2001 2 jours: 6 12 h/j
IAMD de Lissègazoun 1 journée d'élaboration en (3 cadre, 3
commission par ressource animateurs)
1 journée de restitution
Aplahoué: Zone de Lanta 28/08/99 15/10/99 7 rencontres discontinues: avec les 2 14 h/j Nombre h/j élevé à cause
GRAIB autorités locales, les représentants (responsable et des difficultés de
villageois, inventaire des pratiques animateur) représenter tous les
endogènes, lecture du code forestier, villages
travaux en groupe de restitution
Boukoumbé: Arrondissement
Alpha Omega de Natta
Environneme
nt
Ouaké : Arrondissement 29., 30. et 31. 27/02/2002 4 jours: 5 20 h/j Ventilation entre
Alpha Omega urbain de Ouaké août 2001 3 jours d'élaboration en atelier, (2 cadres, 2 élaboration et validation.
Environneme travail en groupes. Elaboration du animateurs, 1 Implication de quelques
nt PAT en même temps secrétaire) acteurs extérieurs
1 jour pour la validation
Ouessè :
GERAM
Conseils
Sinendé :
APIC

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