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Traitement des infections
respiratoires basses et hautes
Béatrice Demoré, Alexandre Charmillon1
PLAN DU CHAPITRE
Infections respiratoires basses . . . . . . . . . . . . . . . 802 Infections respiratoires hautes . . . . . . . . . . . . . . 808
Bronchite aiguë de l'adulte sain . . . . . . . . . . . 802 Rhinopharyngite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 808
Broncho-pneumopathie chronique obstructive 802 Otite moyenne aiguë de l'enfant . . . . . . . . . . 808
Pneumonie aiguë communautaire de l'adulte . 803 Otite moyenne aiguë de l'adulte . . . . . . . . . . . 809
Pneumonies nosocomiales . . . . . . . . . . . . . . . . 804 Sinusite aiguë de l'adulte et de l'enfant . . . . . 810
Infections respiratoires basses Angine aiguë à streptocoque du groupe A . . 811
de l'enfant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 806 Optimisation thérapeutique. . . . . . . . . . . . . . . 813
pneumothorax, etc.), l'origine infectieuse de l'exacerbation, en si elle survient avant la 48e heure d'hospitalisation. Il s'agit
cause dans environ 50 % des cas, doit être recherchée. La fièvre d'une affection potentiellement grave pouvant engager le
est inconstante et ne permet pas de distinguer une origine virale pronostic vital.
d'une origine bactérienne. La présence de signes ORL associés
(rhinorrhée, odynophagie, etc.) oriente vers une infection virale.
Actuellement, l'argument clinique prépondérant pour une étio- Épidémiologie
logie bactérienne de l'exacerbation de la BPCO est la mise en Les pneumonies aiguës communautaires (PAC) représentent
évidence d'une purulence verdâtre franche des crachats. moins de 5 % des infections respiratoires basses aiguës, mais
c'est la 1re cause de mortalité par maladie infectieuse dans
les pays industrialisés. En France, leur prévalence est de
Stratégie thérapeutique 400 000 à 600 000 cas par an. Les sujets âgés sont plus tou-
Seule l'exacerbation d'origine bactérienne est traitée par chés que les sujets jeunes (40 % de sujets âgés contre 2 % de
des antibiotiques et en fonction du stade de la BPCO sujets jeunes admis à l'hôpital).
(tableau 44.1).
La durée de traitement est de 5 jours. Étiologie
Il est fréquent de trouver les conseils et traitements asso-
Streptococcus pneumoniae est la bactérie la plus fréquem-
ciés suivants : arrêt du tabac, bronchodilatateur en aérosol-
ment en cause (30 à 47 % des cas) et la plus souvent respon-
doseur en cas d'obstruction bronchique franche, chez un
sable de décès précoce, suivie par les virus (20 à 25 % des cas
patient apte à les inhaler, courte corticothérapie par voie
documentés), les intracellulaires et apparentés (Mycoplasma
générale à discuter au cas par cas (< 7 jours), kinésithérapie
pneumoniae, Chlamydia pneumoniae, Legionella pneumo-
respiratoire en cas d'encombrement, contre-indication des
phila) et les bacilles à Gram négatif.
antitussifs, vaccins antigrippal et antipneumococcique.
L'implication d'Haemophilus influenzae reste imprécise et
faible.
Chez les personnes âgées de plus de 75 ans dépendantes,
Pneumonie aiguë communautaire institutionnalisées ou non et/ou atteintes d'affections chro-
de l'adulte niques, Staphylococcus aureus et les entérobactéries repré-
La pneumonie aiguë, définie comme une infection du sentent 10 à 20 % des cas.
parenchyme pulmonaire d'évolution aiguë, est dite com- En cas de pneumonie d'inhalation, les germes anaérobies
munautaire si elle est acquise en milieu extrahospitalier ou sont à prendre en compte quel que soit l'âge.
un délai supplémentaire pour confirmer la bonne évolu- L'aspect purulent ou mucopurulent des sécrétions
tion sous antibiotique. La réévaluation peut donc avoir lieu nasales n'a pas valeur de surinfection bactérienne justifiant
48 heures plus tard en dehors de tout signe d'aggravation ; une antibiothérapie.
■ dans de rares cas (non-spécificité des manifestations
cliniques et/ou absence d'amélioration d'une monothé- Traitement
rapie), la bithérapie amoxicilline + macrolide peut être
utilisée. Une nouvelle évaluation, faite vers le 5e jour, doit Aucune rhinopharyngite ne justifie la prescription d'un trai-
faire hospitaliser l'enfant en l'absence d'amélioration ou tement antibiotique, que ce soit chez l'adulte ou chez l'enfant.
en cas d'aggravation. Son efficacité n'est démontrée ni sur la durée des symptômes
Il est recommandé de traiter une pneumonie à pneu- ni pour la prévention des complications (sinusites et OMA
mocoque pendant 5 à 7 jours et une pneumonie à bactérie purulentes), même en présence de facteur de risque.
atypique au moins pendant 10 à 14 jours, en fonction du La rhinopharyngite est une affection bénigne, d'évolution
macrolide utilisé. spontanément favorable. La fièvre, quand elle est présente,
Il n'est pas justifié d'utiliser en traitement associé les anti- dure 2 à 3 jours, rarement plus de 4 jours. La rhinorrhée, la
inflammatoires non stéroïdiens ou une corticothérapie. toux, l'obstruction nasale évoluent sur une durée plus pro-
longée, parfois sur 7 à 10 jours.
La prise en charge d'une rhinopharyngite non compliquée
peut justifier un traitement symptomatique (antipyrétiques
Infections respiratoires en cas de fièvre, lavage des fosses nasales) pour améliorer le
confort. Cependant, les vasoconstricteurs par voie générale,
hautes comme par voie nasale, ne sont pas recommandés avant
15 ans et les anti-inflammatoires non stéroïdiens ainsi que
Rhinopharyngite les corticoïdes par voie générale ne sont pas indiqués.
La rhinopharyngite est une atteinte inflammatoire du pha-
rynx et des fosses nasales.
Otite moyenne aiguë de l'enfant
L'otite moyenne aiguë (OMA) correspond à la surinfection
Épidémiologie bactérienne de l'oreille moyenne, avec présence d'un épan-
Elle représente la première maladie infectieuse de l'en- chement purulent ou mucopurulent dans la cavité tympa-
fant. Elle touche le plus souvent les enfants de moins de nique. Il est important de faire la distinction entre l'otite
6 ans, avec 5 à 8 épisodes/an. Elle est beaucoup plus rare congestive, l'otite séromuqueuse (OSM) et l'otite moyenne
ensuite, probablement du fait de l'acquisition de défenses aiguë purulente (OMAP) afin d'utiliser à bon escient les
immunitaires locales ou générales (maladie d'adapta- antibiotiques.
tion). Il existe des facteurs favorisants comme la vie en Les infections virales, très fréquentes dans la petite
collectivité et le froid. Les rhinopharyngites sont plus fré- enfance, touchent aussi bien la muqueuse nasale ou pha-
quentes pendant la saison froide que pendant la saison ryngée (rhinopharyngites) que la muqueuse de l'oreille
chaude. moyenne. Ainsi, des tympans congestifs lors d'une rhino-
pharyngite correspondent à une inflammation bénigne
le plus souvent d'origine virale, otite moyenne aiguë dite
Étiologie congestive, spontanément résolutive.
Les virus sont les principaux agents responsables des rhi- L'agression virale de l'épithélium respiratoire qui tapisse
nopharyngites : rhinovirus, coronavirus, virus respiratoire les fosses nasales, le pharynx et la cavité tympanique entraîne
syncytial (VRS), virus influenza, adénovirus, entérovirus, une modification des rapports entre les bactéries résidentes
cytomégalovirus (CMV), etc. (pneumocoque, Haemophilus influenzae, Branhamella
Certains virus sont saisonniers (entérovirus, virus catarrhalis) et la muqueuse. La disparition du mouvement
influenza) alors que d'autres sévissent tout au long de l'année mucociliaire contribue à l'adhérence des bactéries et à l'ap-
(adénovirus). Adénovirus, entérovirus et CMV sont surtout parition d'une inflammation entraînant la fermeture de la
fréquents chez les nourrissons, alors qu'après 5 ans, il s'agit trompe auditive. Ces mécanismes favorisent la prolifération
essentiellement du virus influenza. Plus de 200 virus sont bactérienne dans l'oreille moyenne, entraînant une OMAP.
susceptibles d'induire une rhinopharyngite.
Épidémiologie
Clinique – Diagnostic L'OMA touche surtout l'enfant et le pic d'incidence se situe
Le tableau clinique associe de façon variable les symptômes à 9 mois. Elle est beaucoup moins fréquente après 6 ans et
suivants : rhinorrhée, éternuements, obstruction nasale, chez l'adulte. La prédominance hivernale est nette.
fièvre et toux. L'examen clinique est pauvre : il peut retrou-
ver un aspect inflammatoire plus ou moins important du
rhinopharynx, une rhinorrhée antérieure et/ou postérieure Étiologie
qui peut être muqueuse (visqueuse et claire), purulente L'otite congestive est le plus souvent d'origine virale.
(colorée, plus ou moins épaisse) ou mucopurulente (vis- La cause déclenchante la plus fréquente des OMAP est
queuse et colorée). une infection virale du rhinopharynx. En cas d'origine bac-
Elle est presque toujours probabiliste (tableau 44.7). ■ tableau de rhinopharyngite se prolongeant au-delà de
Les antalgiques, en association avec des vasoconstric- 10 jours sans signe d'amélioration ou se réaggravant
teurs locaux (durée maximale : 5 jours) et des lavages de nez secondairement.
peuvent être proposés. Les corticoïdes par voie orale peuvent Il s'agit de l'amoxicilline 80–100 mg/kg/j en 2 à 3 prises
être utiles en cure courte (durée maximale : 7 jours), en trai- quotidiennes pendant 8 à 10 jours ou du cefpodoxime proxé-
tement adjuvant à une antibiothérapie efficace uniquement til 8 mg/kg/j en 2 prises. La durée du traitement est de 8 jours.
dans les sinusites aiguës hyperalgiques. Un traitement antalgique – antipyrétique est recom-
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens à dose anti- mandé en fonction des symptômes. L'utilisation des corti-
inflammatoire ne sont pas recommandés ainsi que les anti- coïdes peut cependant être discutée au cas par cas dans les
biotiques locaux par instillation nasale, endosinusienne ou sinusites hyperalgiques.
par aérosol.
D'autres bactéries, en particulier d'autres streptocoques Les complications des angines érythémateuses et érythé-
bêtahémolytiques (notamment C et G) peuvent être en matopultacées sont essentiellement dues au SGA. Elles sont
cause mais de façon plus rare ; ils ne partagent pas le risque rares mais potentiellement graves : scarlatine, complications
de rhumatisme articulaire aigu (RAA) du SGA. Il existe suppurées locales ou locorégionales (phlegmon périamyg-
d'autres causes d'angine bactérienne exceptionnelles (bacille dalien, abcès, cellulites cervicales, etc.), RAA, atteinte rénale
diphtérique, gonocoque et bactéries anaérobies). (glomérulonéphrite aiguë post-streptococcique) et cutanée
(érythème noueux).
L'utilisation de scores cliniques destinés à optimiser le
Clinique – Diagnostic diagnostic d'angine à SGA a un intérêt modéré puisque les
meilleurs d'entre eux ont une sensibilité de 50 à 75 % en pré-
Les signes, d'installation rapide, associent une fièvre d'inten-
sence de tous les critères (score de Mac Isaac : fièvre > 38 °C,
sité variable, une gêne douloureuse à la déglutition (odyno-
présence d'exsudat amygdalien, d'adénopathies cervicales
phagie) et des modifications de l'aspect de l'oropharynx.
antérieures douloureuses, absence de toux).
D'autres symptômes sont parfois associés : douleurs abdo-
Cette difficulté clinique justifie l'utilisation de test de diag
minales, éruption, signes respiratoires (rhinorrhée, toux,
nostic rapide (TDR) du SGA pour toute angine érythéma-
enrouement, gêne respiratoire). Ces symptômes sont variables
teuse et/ou érythématopultacée, chez l'enfant de plus de 3 ans
en fonction de l'agent étiologique et de l'âge du patient.
(origine virale avant 3 ans) et seulement si au moins deux des
L'examen de l'oropharynx fait le diagnostic clinique d'an-
critères ci-dessus sont présents chez l'adulte avant 50 ans.
gine. Plusieurs aspects sont possibles :
Les TDR permettent, à partir d'un prélèvement oropha-
■ dans la grande majorité des cas, les amygdales et le pha-
rynx sont congestifs : angine érythémateuse ; ryngé et après extraction, de mettre en évidence les anti-
gènes de paroi (polysaccharide C) de Streptococcus pyogenes
■ il peut s'y associer un enduit purulent parfois très
(nom taxonomique du SGA) présent sur un prélèvement
abondant recouvrant la surface de l'amygdale : angine
de gorge. Les TDR actuels sont simples de réalisation, ne
érythématopultacée ;
nécessitent qu'un bref apprentissage et sont réalisables en
■ le pharynx peut présenter des vésicules : angine vésicu-
5 minutes environ par le praticien. Dans les études cliniques
leuse ou herpangine (due à un entérovirus ou coxsackie),
d'évaluation, ils ont une spécificité voisine de 95 %, leur sen-
gingivostomatite herpétiforme.
sibilité varie de 80 à 98 % selon la technique de culture à
D'autres formes d'angine sont plus rares :
laquelle ils sont confrontés.
■ une angine ulcéreuse évoque une angine de Vincent (plu-
tôt chez l'adulte tabagique), unilatérale ; ce tableau est
rare mais potentiellement gravissime ; Stratégie thérapeutique
■ une angine pseudo-membraneuse doit faire évoquer une Seuls les patients atteints d'angine à SGA relèvent d'un trai-
mononucléose infectieuse ou une diphtérie. Des adéno- tement antibiotique (tableau 44.8). Il faut toutefois noter
pathies satellites sensibles sont souvent présentes. que :
Sont en faveur des angines à SGA : le caractère épi- ■ le risque de RAA est actuellement extrêmement faible
démique (hiver et début du printemps surtout) chez des dans les pays industrialisés (mais reste préoccupant dans
enfants et adolescents entre 5 et 15 ans, la survenue brusque, les pays en voie de développement) ;
l'intensité de la douleur pharyngée, de l'odynophagie, le ■ la réduction du risque de RAA a débuté avant l'appari-
purpura du voile du palais, les douleurs abdominales, le rash tion des antibiotiques dans tous les pays industrialisés ;
scarlatiniforme. elle est le reflet de modifications environnementales et
sociales autant que thérapeutiques, et peut-être d'une Vincent, angine de Ludwig) justifient d'un traitement anti-
évolution des souches ; biotique adapté :
■ les glomérulonéphrites aiguës post-streptococciques ont ■ amoxicilline-acide clavulanique 3 g/j pendant 8 jours
rarement un point de départ pharyngé (cutané le plus chez l'adulte et 80 mg/kg/j chez l'enfant ;
souvent). Il n'est pas démontré que les antibiotiques pré- ■ alternative : métronidazole par voie orale 500 mg × 3/j
viennent leur survenue. pendant 10 jours.
En cas d'allergie vraie aux pénicillines sans allergie aux Des traitements symptomatiques visant à améliorer le
céphalosporines (situation la plus fréquente), l'antibiothé- confort, notamment antalgiques – antipyrétiques, sont
rapie repose sur l'utilisation de céphalosporines de 2e et recommandés. Ni les anti-inflammatoires non stéroïdiens à
3e générations par voie orale : dose anti-inflammatoire, ni les corticoïdes par voie générale
■ chez l'enfant : cefpodoxime (du fait d'une mauvaise ne sont recommandés, en l'absence de données permettant
acceptabilité et d'une mauvaise adhésion au traite- d'établir leur intérêt dans le traitement des angines.
ment, les suspensions de céfuroxime axétil ne sont plus
recommandées) ;
■ chez l'adulte : céfuroxime axétil ou cefpodoxime ou Optimisation thérapeutique
céfotiam. Les schémas et adaptations posologiques, les effets indési-
En dehors des angines à SGA, seules les angines diph- rables, contre-indications et interactions médicamenteuses
tériques, gonococciques ou ulcéronécrotiques (angine de sont traités dans le chapitre 42.