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MICHON

Anthony

LE RESSENTI DE L’INFIRMIER
DU SERVICE MOBILE D’URGENCE ET DE REANIMATION
FACE A UNE FAMILLE CONFRONTEE
A LA MORT SUBITE DU NOURRISSON

Travail écrit de fin d’études présenté pour l’obtention


du diplôme d’Etat d’infirmier

Promotion 2003/2006

INSTITUT DE FORMATION
EN SOINS INFIRMIERS
C.H.S. ALLONNES
BP 4 – Route de Spay
72703 ALLONNES CEDEX

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SOMMAIRE

INTRODUCTION .................................................................................................... page 4

CADRE CONCEPTUEL ....................................................................................... page 7


1 – LA MORT SUBITE DU NOURRISSON ..................................................... page 7
1.1 – DEFINITIONS ........................................................................................................ page 7
1.2 – LES SIGNES ........................................................................................................... page 7
1.3 – CAUSES ET MECANISMES ................................................................................. page 8

2 – L’INFIRMIER SU SERVICE MOBILE D’URGENCE ET DE


REANIMATION (S.M.U.R.) FACE A LA MORT ........................................... page 8
2.1 – LE S.M.U.R. ............................................................................................................ page 8
2.1.1 – DEFINITION – LEGISLATION ......................................................................... page 8
2.1.2 – MISSIONS DU S.M.U.R. .................................................................................... page 9
2.2 – L’INFIRMIER DU S.M.U.R. .................................................................................. page 9
2.2.1 – DEFINITION – LEGISLATION ......................................................................... page 9
2.2.2 – RÔLE ET MISSIONS DE L’INFIRMIER FACE A LA MORT LORS D’UNE
INTERVENTION DU S.M.U.R. .................................................................................. page 10

3 – LA RELATION SOIGNANT/FAMILLE ET PRISE EN CHARGE DE LA


FAMILLE LORS DE L’INTERVENTION EN S.M.U.R. ............................. page 10
3.1 – LA RELATION SOIGNANT/FAMILLE ............................................................. page 10
3.1.1 – DEFINITION ..................................................................................................... page 10
3.1.2 – ATTITUDES FAVORISANTES DE L’AIDE .................................................. page 11
3.1.3 – APTITUDES DE COMMUNICATION DANS LA RELATION D’AIDE ...... page 11
3.2 – PRISE EN CHARGE DE LA FAMILLE ............................................................. page 12
3.2.1. – PENDANT LA REANIMATION ..................................................................... page 12
3.2.2 – L’ANNONCE DE LA MORT ............................................................................ page 13
3.2.3 – L’APRES DE L’ANNONCE ............................................................................. page 15

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4 – EVALUATION ET PRISE EN CHARGE DU RETENTISSEMENT
PSYCHOLOGIQUE POUR L’INFIRMIER DU S.M.U.R. ........................... page 17
4.1 – LES EMOTIONS EPROUVEES .......................................................................... page 17
4.2 – PRISE EN CHARGE DU RETENTISSEMENT PSYCHOLOGIQUE ............... page 18

CONCLUSION ........................................................................................................ page 19

BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................. page 21

ANNEXES .................................................................................................................. page 23


ANNEXE I : RETRANSCRIPTION ET ANALYSE DU PREMIER ENTRETIEN AVEC
L’INFIRMIER ................................................................................................................ page 24
ANNEXE II : RETRANSCRIPTION ET ANALYSE DU DEUXIEME ENTRETIEN AVEC
L’INFIRMIER ................................................................................................................ page 38

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INTRODUCTION

« Celui qui sauve un Homme, sauve l’humanité toute entière »


Talmud de Babylone

Sapeur-pompier depuis plus de huit ans, j’ai toujours été passionné par le domaine de
l’urgence. En choisissant d’exercer le métier d’infirmier, mon objectif principal à l’obtention
de mon diplôme d’Etat d’infirmier, est d’intégrer un service des urgences, voire une équipe du
Service Mobile d’Urgence et de Réanimation (S.M.U.R.). Dans ces services, les soignants
sont confrontés à la mort de tous types de populations (de la plus jeune à la plus âgée). Pour
mon travail écrit de fin d’études, j’ai donc décidé de travailler sur le thème de la mort du plus
jeune en intervention du S.M.U.R. Dans le cadre de la fonction de sapeurs-pompier, j’ai vécu
deux situations qui m’ont particulièrement interpellé.

Ma première situation est un suicide par pendaison. Cela faisait à peine dix mois que
j’étais engagé chez les Sapeurs-pompiers. J’avais dix-sept ans passés de deux mois. Arrivé sur
le lieu de l’intervention, la femme de la victime nous informa que son mari était enfermé dans
son garage et que celui-ci ne répondait pas aux appels. Avec un collègue, nous avons donc
forcé la porte du garage et là, nous avons découvert la victime pendue à une poutre du garage.
Sa femme, qui était à une quinzaine de mètres de nous, nous a demandé s’il était mort et mon
collègue lui a fait comprendre que oui. Elle est partie en pleurs dans sa cuisine et moi, je suis
resté dehors, en retrait. Je connaissais bien cette famille et en particulier les trois enfants qui,
pour l’un, était un grand copain de mon frère, et pour l’autre, une camarade de classe de mon
autre frère. Je voulais aller les voir mais je n’y arrivais pas. Qu’aurais-je pu leur dire ?
Qu’aurait-il fallu faire pour les réconforter ? Comment réagir ? Je me suis senti totalement
impuissant.

Ma deuxième situation est un accident de la voie publique impliquant une voiture et un


scooter. Lorsque nous sommes arrivés sur les lieux, la jeune fille de dix-sept ans, qui était sur
le scooter, était en arrêt cardio-respiratoire. Une infirmière en civil était sur les lieux à notre
arrivée et avait déjà débuté une réanimation cardio-pulmonaire. Nous avons donc pris le relais

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mais malheureusement sans résultat malgré l’arrivée du Service Mobile d’Urgence et de
Réanimation. J’ai mal vécu cette situation car la jeune fille avait l’âge de mon petit frère et
j’ai imaginé que ça aurait pu être lui qui était à sa place. Puis, les parents de la jeune fille
décédée sont arrivés sur les lieux de l’accident. Ils criaient et c’était vraiment une situation
difficile à gérer. Une fois de plus, je suis resté à l’écart, laissant le médecin urgentiste et mon
supérieur hiérarchique gérer cette situation.

Suite à ces interventions, je me suis alors posé beaucoup de questions :


- Que peut-on dire à ces familles ?
- Comment réagir face à de telles situations ? Face à la mort d’un proche ?
- Comment vivre de telles situations ?
- Comment les soignants peuvent-ils vivre de telles épreuves ? Peuvent-ils les
surmonter ?
- Comment annoncer la mort d’un jeune à sa famille ?
- Les soignants finissent-ils par expérience par savoir comment réagir et quoi faire ?

Cependant, ces questions étant trop dans la recherche de solutions, je suis allé
interroger un infirmier anesthésiste diplômé d’Etat travaillant dans un service mobile
d’urgence et de réanimation depuis une trentaine d’années, et travaillant également dans une
maternité. Suite à cet entretien, il en est ressorti quelques grandes idées à savoir :
- La prise en charge de la famille par l’infirmier du S.M.U.R. face à la mort,
- Le rôle de l’infirmier face à la mort en intervention du S.M.U.R.,
- Le ressenti de l’infirmier du S.M.U.R., en particulier lors de la mort d’un nourrisson.

Selon moi, la mort d’un enfant, et plus particulièrement celle d’un nourrisson est
encore plus difficile à vivre que celle d’un adulte, j’ai donc décidé d’orienter mon travail écrit
de fin d’études sur la mort subite du nourrisson. Ainsi, suite à ces situations et à cet entretien,
je me suis posé la question suivante :
En quoi le ressenti de l’infirmier du service mobile d’urgence et de réanimation
influence-t-il la relation avec une famille confrontée à la mort subite du nourrisson ?

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Dans un premier temps, je vais donc développer la mort subite du nourrisson puis,
dans un deuxième temps, je travaillerais sur l’infirmier du service mobile d’urgence et de
réanimation. Une troisième partie traitera de la relation soignant/famille et la prise en charge
de la famille en intervention S.M.U.R. et enfin, une dernière partie sera consacrée au
retentissement psychologique pour l’infirmier du S.M.U.R.

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CADRE CONCEPTUEL

1 – LA MORT SUBITE DU NOURRISSON

1.1 – DEFINITIONS
La mort subite du nourrisson est le « décès brutal et imprévu, généralement pendant le
sommeil, d’un nourrisson en apparence bien portant ou présentant des signes considérés
comme banals » (QUEVAUVILLIERS J. – PERLEMUTER L. et PERLEMUTER G.,
2004, Dictionnaire médical de l’infirmière Encyclopédie pratique, 7ème édition, Issy-les-
Moulineaux, MASSON éditeur)

Il existe deux types de mort subite du nourrisson :


- La mort subite du nourrisson qui est le décès brutal et inattendu d’un bébé considéré
jusque là comme parfaitement bien portant mais chez qui une ou plusieurs causes sont
retrouvées avec plus ou moins de probabilité et qui présentait des signes qui auraient
pu inquiéter au préalable.
- La mort subite inexpliquée du nourrisson qui est le décès brutal d’un nourrisson qui
survient de façon inattendue compte tenu des antécédents et pour lequel des examens
complets post-mortem ne peuvent révéler de cause précise de la mort.
(URL : www.doctissimo.fr, « Encyclopédie médicale », 26/06/2006)

1.2 – LES SIGNES


Il s’agit souvent d’un nourrisson ayant deux à quatre mois retrouvé mort dans son
berceau. A l’arrivée des secours, les parents ont souvent déjà tenté des gestes de réanimation
mais sans résultat. Les circonstances peuvent être différentes mais le décès peut survenir
n’importe où.

A ce stade, le rapport entre la mère et l’enfant est très fusionnel. Quelles sont alors les
conséquences psychologiques pour la mère ? Je pense que le fait que le décès soit brutal fait
que le choc des parents à l’annonce du décès peut être d’autant plus grand. En effet, je pense

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qu’il est déjà difficile de pouvoir accepter l’idée que nos proches peuvent décéder et il en est
donc d’autant plus pour un bébé en bonne santé. Les parents ne se préparent pas au décès de
leur enfant, d’autant plus que la naissance entre le bébé et ses parents est souvent représenté
comme un passage de la vie très heureux.

1.3 – CAUSES ET MECANISMES


La mort subite du nourrisson est difficilement explicable. En effet, peu, voire pas
de symptômes permettent de comprendre le pourquoi de la mort. Cependant, l’hypothèse de
certaines causes est posée. En effet, il semblerait que le fait de coucher le nourrisson sur le
dos diviserait par trois, voire par quatre, le risque de mort subite (0,49‰ en 1997 contre
1,93‰ en 1991) (QUEVAUVILLIERS J. – PERLEMUTER L. et PERLEMUTER G.,
2004, Dictionnaire médical de l’infirmière Encyclopédie pratique, 7ème édition, Issy-les-
Moulineaux, MASSON éditeur). Je pense donc que la place de la prévention et de
l’information à ce sujet est primordiale.

2 – L’INFIRMIER DU SERVICE MOBILE D’URGENCE ET DE


REANIMATION (S.M.U.R.) FACE A LA MORT

2.1 – LE S.M.U.R.

2.1.1 – DEFINITION – LEGISLATION


Le S.M.U.R. est un service public, institué en France en 1965, dans le but de porter
secours aux accidentés de la route et d’effectuer le transfert de malades. Leur activité est
coordonnée par le S.A.M.U. (Service d’Aide Médicale Urgente) (MANUILA L. et al., 2004,
Dictionnaire Médical Manuila, 10ème édition, Issy-les-Moulineaux, MASSON éditeur)

Bien que mis en place en 1965, le ministère chargé de la santé publie le 27 juillet
1960 une circulaire autorisant la création expérimentale d’antennes de réanimation routière.
Cette circulaire permettra aux équipes des urgences de pouvoir sortir des murs de l’hôpital.
Suite à plusieurs essais concluants, deux décrets seront promulgués :

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- le décret du 2 décembre 1965 oblige certains centres hospitaliers à se doter de moyens
mobiles de secours et de soins d’urgence,
- le décret du 31 décembre 1965 déclare que « l’hôpital se doit de sortir de ses murs
pour porter une assistance médicale à toute personne qui en a besoin » (naissance des
S.M.U.R.)

2.1.2 – MISSIONS DU S.M.U.R.


Selon le décret n°2006-576 du 22 mai 2006 relatif à la médecine d’urgence et
modifiant le code de la santé publique (dispositions réglementaires), l’article R.6123-15
stipule que le S.M.U.R. a pour mission :
« 1°- D’assurer, en permanence, en tous lieux et prioritairement hors de
l’établissement de santé auquel il est rattaché, la prise en charge d’un patient dont l’état
requiert de façon urgente une prise en charge médicale et de réanimation, et, le cas échéant, et
après régulation par le S.A.M.U., le transport de ce patient vers un établissement de santé.
2° - D’assurer le transfert entre deux établissements de santé d’un patient
nécessitant une prise en charge médicale pendant le trajet. »

2.2 – L’INFIRMIER DU S.M.U.R.

2.2.1 – DEFINITIONS – LEGISLATION


Selon l’article L4311-1 du code de la santé publique, « est considérée comme
exerçant la profession d’infirmière ou infirmier toute personne qui donne habituellement des
soins infirmiers sur prescription ou conseil médical, ou en application du rôle propre qui lui
est dévolu. L’infirmière ou l’infirmier participe à différentes actions, notamment en matière
de prévention, d’éducation de la santé et de formation ou d’encadrement. »

L’article R4311-1 du code de la santé publique précise que « l’exercice de la


profession d’infirmier ou d’infirmière comporte l’analyse, l’organisation, la réalisation de
soins infirmiers et leur évaluation, la contribution au recueil de données cliniques et
épidémiologiques et la participation à des actions de prévention, de dépistage, de formation et
d’éducation à la santé. Dans l’ensemble de ces activités, les infirmiers ou infirmières sont
soumis au respect des règles professionnelles et notamment du secret professionnel. Ils

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exercent leur activité en relation avec les autres professionnels du secteur de la santé, du
secteur social et médico-social et du secteur éducatif. »

2.2.2 – ROLE ET MISSIONS DE L’INFIRMIER FACE A LA MORT LORS D’UNE


INTERVENTION DU S.M.U.R.
Face à la mort, l’intervention en S.M.U.R. se déroulera principalement en trois temps.

En effet, le premier temps, qui sera l’urgence vitale, sera consacré à la réanimation de
la victime, la prise en charge de la victime. C’est à ce moment-là que l’équipe médicale va
pratiquer les gestes techniques purs.
Dans un deuxième temps, après constat de la mort lorsque la réanimation n’a pu être
efficace, il s’agira de prendre en charge la famille. En effet, l’infirmier entamera un
relationnel qui sera d’une très grande importance.

Enfin, le troisième temps sera l’après de l’intervention : le débriefing. Celui-ci peut se


dérouler dès le retour d’intervention mais aussi le lendemain. Ce moment sera dédié à
exprimer ses difficultés lors de l’intervention, de faire le bilan. C’est un « entretien qui suit
immédiatement une action concertée, ou une mission complétée, au cours duquel les
exécutants rendent compte succinctement du déroulement de celle-ci pour en faire le bilan »
(URL : www.debriefing.org).

3 – LA RELATION SOIGNANT/FAMILLE ET PRISE EN CHARGE DE


LA FAMILLE LORS DE L’INTERVENTION EN S.M.U.R.

3.1 – LA RELATION SOIGNANT/FAMILLE

3.1.1 – DEFINITION
La relation d’aide apparaît comme le moyen par excellence pour accroître la
compréhension des problèmes qui se posent et elle doit être utile aussi bien à celui qui mène
l’entretien qu’à la personne aidée. L’entretien d’aide est fondé sur une relation professionnelle
dans laquelle une personne doit être aidée à opérer son réajustement à une situation à laquelle

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elle ne parvient pas à s’adapter (MUCCHIELLI Roger, L’entretien de face à face dans la
relation d’aide, 2002, Paris, édition ESF).

Le soignant doit donc être capable :


- de comprendre le ou les problèmes posés pour la personne aidée au moment de
l’entretien,
- d’aider cette personne à trouver des ressources et des stratégies en vue d’une meilleure
adaptation. De fait, il faut favoriser l’écoute et faciliter l’expression de l’individu.
Pour aider ces personnes, plusieurs attitudes vont favoriser cette aide et des aptitudes
de communication vont être nécessaires.

3.1.2. ATTITUDES FAVORISANTES DE L’AIDE


Une attitude est une conduite que l’on adopte dans des circonstances déterminées. Sept
attitudes sont retenues dans la relation d’aide :
- l’enquête, l’investigation : l’aidant interroge pour préparer une évaluation, un conseil
pour établir un diagnostic
- l’évaluation ou le jugement de valeur : l’aidant évalue ce qui est dit
- l’interprétation : l’aidant propose une explication à la personne
- le conseil : l’aidant dit ce qui doit être fait
- de la dédramatisation à la banalisation : l’écoutant juge que l’émotion de la personne
est excessive et lui conseille d’en sortir. Cependant, cette attitude me paraît être
difficile à mettre en place du fait que nous avons chacun notre version de ce qui peut
être grave en fonction de notre cadre de référence.
- la reformulation : c’est une intervention qui consiste à redire avec d’autres termes et
de façon concise et explicite ce qui vient d’être dit, ce qui permet donc au soignant de
se décaler par rapport à son ressenti et donc être au plus près de ce que veut dire la
personne.
- la centration : la personne est invitée à se centrer sur ce qu’elle vit ici et maintenant

3.1.3 – APTITUDES DE COMMUNICATION DANS LA RELATION D’AIDE


Une aptitude est une disposition naturelle ou acquise de quelqu’un à faire quelque
chose. Sept principales sont retenues :

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- l’écoute : dans la pratique de la relation d’aide, elle représente une habileté, un outil
essentiel que l’infirmier devra développer. C’est par sa façon d’être totalement présent
et attentif à la personne endeuillée que l’infirmier lui montrera sa volonté de le
comprendre, à travers ses communications tant verbales que non verbales. Ecouter
n’est pas le synonyme d’entendre mais écouter signifie une réelle implication de
l’aidant dans ce procédé thérapeutique. Elle est indispensable dans l’établissement
d’une relation de confiance.
- la clarté : la relation d’aide a pour objectifs de clarifier une situation, d’identifier les
problèmes et de favoriser l’expression de la personne en souffrance. L’infirmier doit
s’exprimer de manière claire plutôt que confuse, précise plutôt que vague, concrète
plutôt qu’abstraite, spécifique plutôt que générale. La relation d’aide est bine plus
qu’une simple discussion : c’est un réel outil thérapeutique.
- le respect : l’infirmier faisant preuve de respect, pratique une écoute attentive,
s’abstient de porter des jugements et tente de comprendre le point de vue de la
personne aidée. Il identifie avec elle les ressources qu’elle possède et l’incite à les
exploiter, tout en lui manifestant chaleur et soutien.
- la compréhension empathique : la principale attente de la famille endeuillée est d’être
comprise, écoutée par l’infirmier. Il est nécessaire qu’il comprenne la signification des
mots pour la personne afin de pouvoir les reformuler. L’individu désire non seulement
que l’infirmier comprenne ce qu’il lui dit mais aussi qu’il reconnaisse ce qu’il ressent
et ce qu’il vit.
- l’authenticité : c’est la correspondance entre ce que le soignant sent et pense et ce qu’il
communique à la personne aidée. Ce qu’il exprime devra au plus correspondre à ce
qu’il ressent intérieurement. Le soignant doit être en accord avec ce qu’il pense car la
qualité de ce soin en dépend. L’individu ressent très facilement un manque
d’authenticité, pouvant avoir comme effet de casser la relation.
- l’immédiateté : c’est l’aptitude de l’infirmier à aider l’individu à vivre le moment
présent. En effet, la personne endeuillée est souvent incapable de vivre le moment
présent. C’est aussi l’aptitude de l’infirmier à parler de sa relation avec la personne
aidée afin de résoudre les difficultés pouvant exister.

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- la confrontation : elle consiste d’abord à relever les contradictions, les déformations
que la personne exprime consciemment ou non pour empêcher les autres de voir ses
difficultés et ses ressources inexploitées.

Tous ces points sont selon moi indispensable à l’établissement d’une relation de
confiance. Je pense que la confiance est la clé de la relation soignant/soigné. Montrer à la
famille que le soignant est prêt à écouter, notamment lors d’un décès, fait que la colère, le
sentiment d’injustice, d’incompréhension… que peuvent ressentir les familles à ce moment-
là, facilite la relation soignant/soigné. Je me demande également si cette étape ne pourrait pas
être aidant dans le deuil de la famille dans le sens où ils pourraient avoir compris à ce moment
que des professionnels peuvent être à leur écoute et donc que la démarche d’aller voir un
psychologue pourrait être plus facile. A l’inverse, je me demande quelles conséquences il
pourrait y avoir dans le cas ou au contraire, les familles n’auraient pas eu ce sentiment-là ?

3.2 – PRISE EN CHARGE DE LA FAMILLE

3.2.1 – PENDANT LA REANIMATION


Lors des gestes techniques, l’équipe médicale commencera d’abord par isoler la
famille dans une pièce voisine. En effet, la réalisation des gestes techniques, et en particulier
l’intubation lors de la réanimation, est agressive pour le patient mais également pour
l’entourage. L’équipe tentera de sécuriser la famille et d’être franche. Elle ne cachera pas les
évènements et informera cette dernière que la situation est grave.

3.2.2 – L’ANNONCE DE LA MORT


Suite au décès, l’équipe s’isolera avec les parents. Elle confirmera l’identité et l’âge de
l’enfant et celle des personnes présentes. Le prénom de l’enfant sera utilisé. Elle se placera au
niveau de son interlocuteur, le regardera et établira éventuellement un contact physique. Selon
l’infirmier que j’ai interrogé, suite à la mort du nourrisson, le côté relationnel représente les
neuf dixième de l’intervention, ce qui montre quand même le caractère important de ce côté
de l’intervention.

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Lors de l’annonce, il s’agira de faire un bref rappel des évènements et de dire ce qui a
été fait en utilisant des mots simples, c'est-à-dire en évitant d’utiliser du vocabulaire trop
médical. Il s’agira d’employer le mot mort : « x est mort ». Il faudra tenter de susciter des
questions de la part de la famille. Il faudra donc être disponible car ce temps de parole est très
important. L’équipe ne peut pas se permettre de réaliser juste une réanimation et de partir
aussitôt après. Il faut donc être à l’écoute, exprimer une empathie modérée, sans débordement
émotionnel ni indifférence. Ce moment de parole devra se dérouler dans un espace relationnel
adapté, c’est-à-dire qu’il ne s’agira pas de réaliser cet entretien dans la rue, à la vue de tout le
monde mais plutôt de s’isoler afin de permettre à la famille de s’exprimer. Il faudra tenir
compte du sentiment de culpabilité des témoins, sans pour autant déculpabiliser
intempestivement. Il faudra inciter les parents à être mis en présence de l’enfant, de le prendre
dans leurs bras, le caresser, lui parler… afin de permettre à ces derniers de pouvoir
commencer un travail de deuil. L’équipe prendra acte de la souffrance actuelle des témoins
sans prédiction avancée sur leur évolution. En effet, il ne s’agira pas d’employer l’expression
« avec le temps».

Une personne qui vient de perdre un être cher traverse une épreuve difficile tant sur le
plan psychologique que physique. Afin de pouvoir surmonter cette situation, elle va devoir
répondre à un certain nombre de besoins et pour cela, il sera nécessaire qu’elle soit
accompagnée, entourée par des professionnels mais aussi par son entourage. Trois besoins
vont entrer en jeu :
- le besoin d’explications : la famille a besoin de comprendre ce qui vient de se passer
alors qu’aucun signe ne laissait transparaître ce qui est arrivé. Ainsi, le corps médical
et paramédical occupe une grande place dans ce moment. Se pose alors souvent la
question : « Comment est-ce possible ? » et un sentiment de culpabilité surgit, le
sentiment de n’avoir rien pu faire pour sauver cet être cher. Par conséquent, il est
indispensable d’avoir un discours clair et de ne rien cacher à la famille.
- le besoin spirituel : il représente l’intimité des gens. Ce sont leurs valeurs, leur culture
et leurs croyances. Ils sont très importants car ils font l’identité de la personne. Le
temps qui suit l’annonce de la mort voit apparaître certains rituels mis en place par la
famille. Les soignants ne peuvent intervenir directement dans cette phase mais
peuvent la faciliter.

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- le besoin psychoaffectif : dans cette situation, l’individu a besoin de rester en relation,
de ne pas être seul. Il s’agira pour le soignant d’être vigilant car à l’annonce de la
mort, certains vont extérioriser leurs émotions, et d’autres auront tendance à se replier
sur eux-mêmes. Cependant, ces deux cas sont aussi importants l’un que l’autre et
nécessitent le besoin d’être écouté et le besoin d’être entouré.

3.2.3 – L’APRES DE L’ANNONCE


Le décès annoncé, l’équipe accompagnera la famille dans ce dur moment. Elle incitera
les parents à rester en présence de l’enfant. Un soignant accompagnera également les frères et
sœurs qui pourraient être là. Il faudra conseiller à la famille d’appeler le médecin traitant qui
connaît bien cette dernière et avec qui la famille pourra dialoguer plus ouvertement. Le
recours au psychiatre n’est pas systématique. Cependant, tout état de stress dépassé devra être
médicalisé. De plus, la mobilisation des ressources personnelles de la famille est très
importante. Elle permet d’être plus fort face à la mort et de commencer le travail de deuil.

Le travail de deuil est « le processus intrapsychique consécutif à la perte d’un objet


attachant et par lequel le sujet réussit progressivement à se détacher de celui-ci » (L’infirmier
(e) et les soins palliatifs, 3ème édition, 2005, Paris, Editions MASSON). Ce travail va se
dérouler en sept étapes :
- L’annonce de la mort, le choc : le choc est une « émotion violente et brusque, une
blessure morale » (Le Petit Larousse illustré 1999, 1998, Paris, Editions Larousse).
Elle représente le premier stade du processus de deuil. Elle suscite d’abord un état de
choc, qui permet l’autoprotection face à l’envahissement d’un sentiment de perte
soudaine. La notion de temps n’existe plus. L’individu est littéralement submergé par
ses émotions : sentiment d’impuissance, d’irréel, de colère due à la perte. Lors de mort
brutale, le travail de deuil est beaucoup plus difficile à enclencher car la famille n’a
pas eu le temps de s’y préparer. C’est un moment de paralysie, on reste sans voix, sans
raisonnement, figé.
- Le déni, le refus : le déni est un « mécanisme de défense qui consiste à nier une
perception traumatisante de la réalité extérieure » (Le Petit Larousse illustré 1999,
1998, Paris, Editions Larousse). C’est l’incapacité à reconnaître en vérité la mort, on
ne veut pas entendre, pas comprendre, on refuse d’admettre. C’est un mécanisme de

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défense contre l’angoisse. Certains l’adoptent au début, d’autres à la fin, d’autres tout
le temps, d’autres jamais. Accompagner, c’est comprendre les mécanismes de défense
du patient. Je pense que respecter le fait que la famille soit dans ce sentiment-là, c’est
respecter la personne elle-même. Il me paraît inutile, voire dangereux, de forcer la
famille à réaliser la perte de leur bébé. Cependant, une relation d’aide me paraît être
difficile dans ce cas-là.
- La colère et l’agressivité : la colère est un « état violent et passager résultant du
sentiment d’avoir été agressé ou offensé » (Le Petit Larousse illustré 1999, 1998,
Paris, Editions Larousse). C’est le signe d’une profonde révolte contre l’injustice du
sort, d’une frustration insupportable par rapport à la maladie, au vieillissement. C’est
le signe d’un désir de vie. C’est une façon de ne pas s’effondrer.
- La tristesse : c’est un « état naturel ou accidentel de chagrin, de mélancolie » (Le Petit
Larousse illustré 1999, 1998, Paris, Editions Larousse). Tout ce qui est perte,
rupture, aggravation entraîne tristesse. La tristesse marque que le sujet est attristé par
la nouvelle. L’enjeux est de donner un sens à ce qui reste à vivre, à la vie vécue. La
tristesse fait partie de l’humanité. Elle est essentielle pour se construire. La tristesse
peut être contagieuse.
- Le marchandage (ou négociation) : c’est « l’action de marchander pour obtenir
quelque chose » (Le Petit Larousse illustré 1999, 1998, Paris, Editions Larousse).
La famille a un espoir. Le soignant est mis à contribution : « promettez-moi que… ».
- La résignation : c’est « l’absence de combativité, le renoncement, le fatalisme » (Le
Petit Larousse illustré 1999, 1998, Paris, Editions Larousse). C’est l’indifférence.
Il n’y a plus d’échanges, plus de réactions aux actions des soignants.
- L’acceptation : c’est le « fait d’accepter quelque chose, d’y consentir » (Le Petit
Larousse illustré 1999, 1998, Paris, Editions Larousse). C’est un aller-retour entre
lucidité et espoir.

De même, le travail de deuil peut aussi se faire en passant par d’autres moyens. En
effet, l’orientation vers des associations spécialisées dans ce domaine telles que l’association
nationale « Naître et Vivre » reconnue d’utilité publique qui a pour but « l’accompagnement,
le soutien, l’information aux parents qui ont perdu un petit avant, au moment et/ou après la
naissance, jusqu’à trois ans » permet aux parents de ne pas rester seuls face à ces situations et

16
de pouvoir exprimer leurs émotions et ressentis avec d’autres parents qui ont
malheureusement vécu une situation similaire. Selon la psychanalyste Arlette GARIH, plus la
prise en charge des parents est précoce, meilleure seront les possibilités de prévention.

Puis viendra le moment où il faudra remplir les formalités administratives avec la


famille. L’équipe du S.M.U.R. quittera la famille en s’étant assuré qu’elle soit sécurisée, que
d’autres membres de la famille soient arrivés et qu’une structure s’organise donc autour de
cette famille endeuillée.

4 – EVALUATION ET PRISE EN CHARGE DU RETENTISSEMENT


PSYCHOLOGIQUE POUR L’INFIRMIER DU S.M.U.R.
Face à de telles situations, il faut aussi penser au personnel soignant qui subit ces
évènements qui ne leur sont également pas faciles à gérer. Beaucoup d’émotions surgissent,
ainsi que de la compassion, et il convient donc de tout mettre en place pour prévenir et faire
face à ce genre d’évènement même si l’on n’est jamais prêts pour ça.

4.1 – LES EMOTIONS EPROUVEES


Une émotion est un trouble subit, une agitation passagère causés par un sentiment vif
de peur, de surprise, de joie, de colère, etc… (Le Petit Larousse illustré 1999, 1998, Paris,
Editions Larousse).

Face à la mort, l’infirmier du S.M.U.R. ressent beaucoup d’émotions. Ces émotions


sont souvent fortes et il convient donc de les repérer précocement et de les exprimer afin de
pouvoir les contrôler au mieux. Dans des situations de mort, les situations de deuil personnel
peuvent être réactivées et donc faire remonter à la surface de mauvais souvenirs risquant de
provoquer un phénomène de transfert et d’entraîner l’infirmier du S.M.U.R. à ne pouvoir
accomplir son rôle, sa mission. De même, la répétition de situations éprouvantes sur le plan
émotionnel favorise le burn out.

Les émotions étant fortes pour la famille, le sont également pour les personnels des
S.M.U.R. qui, face aux familles, ont tendance à dissimuler, à cacher leurs émotions, et à

17
donner l’apparence d’être fort. Ils ne sont cependant pas indifférents aux évènements qui se
produisent et font preuve d’empathie, de compassion.

Suite à ces émotions du soignant, un travail autour de cela va être mis en place.

4.2 – PRISE EN CHARGE DU RETENTISSEMENT PSYCHOLOGIQUE


Après une intervention, les personnels réalisent un débriefing. Il s’agit de dialoguer
avec ses collègues et de verbaliser son ressenti afin de ne pas tomber dans le burn out.

Le burn out est une expression (qui nous vient du domaine aérospatial et qui signifie
« le moteur est brûlé ») qui indique un état d’épuisement, à la fois physique et mental, lié à un
stress professionnel intense (www.e-sante.fr).

Pour lutter contre ces risques, des formations spécifiques sont mises en place pour
l’ensemble des professionnels. Ces formations abordent les thèmes du psychotraumatisme, la
gestion du stress et de la mort, la gestion des situations de crise, etc…

Chaque année, le S.A.M.U. de France organise des journées scientifiques. En octobre


2005, à Lille, ces journées traitaient de « L’urgence et la mort ». Trois grands points sont
ressortis en conclusion de ces journées :
- L’annonce du décès est une mission du S.M.U.R. qui nécessite une formation
spécifique,
- Il faut apprendre à verbaliser son ressenti,
- Il faut favoriser les débriefings techniques.

18
CONCLUSION

J’ai pu remarquer tout au long de mon travail que l’exercice de la fonction d’infirmier
au sein d’une équipe du service mobile d’urgence et de réanimation est bien complexe, tant
sur le plan technique que sur le plan relationnel face à des familles endeuillées.

J’ai pu mettre en évidence à quel point la relation soignant/famille est primordiale.


Malgré que ce service soit considéré comme un service très technique, les qualités
relationnelles des soignants sont indispensables.

L’infirmier doit donc faire preuve d’une grande capacité d’adaptation et doit réaliser
ses gestes techniques en un minimum de temps. Le côté relationnel lors de l’échec de la
réanimation est quant à lui fort indispensable pour la famille, c’est pourquoi il convient d’être
suffisamment formé pour réaliser ce genre d’intervention. Cependant, je pense que les trois
années de formation passées à l’institut de formation en soins infirmiers et sur les différents
lieux de stages permettent à chaque nouvel infirmier d’acquérir les connaissances et les
compétences nécessaires pour réaliser un soin de qualité, qu’il soit technique ou relationnel.

En revanche, l’exposition répétée face à des situations violentes où la mort de l’enfant


est présente, peut avoir des conséquences lourdes tant sur le plan professionnel que sur le plan
personnel. La mort d’un enfant n’est jamais facile à accepter et comme le remarquait
l’infirmier que j’ai interrogé, tous les décès impliquant des enfants marquent les soignants et
le fait d’intervenir sur un enfant n’est jamais facile et entraîne une appréhension importante.

Comme l’écrit Thomas MANN, écrivain allemand de la fin du dix-neuvième siècle et


du début du vingtième siècle, il faut « prendre l’habitude de ne pas s’habituer ». En effet,
s’habituer à ce genre de situation révèlerait pour moi une lassitude et risquerait de
compromettre le travail de l’équipe. De fait, il me paraît important que face au décès d’un
enfant, l’équipe qui s’est déplacée sur cette intervention et qui n’a pu réanimer l’enfant, puisse
en discuter ouvertement, faire part de son ressenti. Il me semble que le fait de verbaliser ses
émotions peut améliorer la prise en charge dispensée par chaque équipe. De plus, le fait d’en

19
discuter permet à chacun d’avoir le ressenti de l’autre et sa vision des choses, et donc sa façon
de travailler, ce qui ne peut être que bénéfique.

Ce travail de recherche m’a permis de mieux comprendre le rôle de l’infirmier face à


la mort, et en particulier celle du nourrisson, et m’a conforté dans mon souhait de travailler au
sein d’une équipe du S.M.U.R. J’ai compris que l’équipe du S.M.U.R. n’est malheureusement
pas toujours victorieuse et que le décès d’un patient est vécu comme un sentiment
d’impuissance parfois important pour l’équipe. Il me paraît donc nécessaire de réaliser des
formations continues pour être sans cesse à la recherche d’éléments nouveaux qui pourraient
nous permettre d’avoir plus de recul à chaque fois et nous permettraient également une remise
en question.

Quant au relationnel avec les familles, la théorie ne peut pas tout nous apprendre. En
effet, on ne s’habitue pas à la mort en intervention mais l’expérience permet de comprendre
plus de choses. De même, la collaboration avec les médecins urgentistes est nécessaire pour
comprendre certains mécanismes. Je pense en effet que les techniques relationnelles sont plus
difficiles à apprendre que les soins techniques, d’autant plus que chaque situation est unique
et donc la relation aussi.

J’en suis donc arrivé à me poser la question suivante :


En quoi la verbalisation des émotions des soignants confrontés au décès brutal
des patients influence-t-elle les prises en charges ultérieures des familles dans ces
situations ?

20
BIBLIOGRAPHIE

1 – OUVRAGES
- RUSZNIEWSKI M., 1995, Face à la maladie grave, Paris, Dunod
- L’infirmier (e) et les soins palliatifs, 3ème édition, 2005, Paris, Editions MASSON
- Nouveaux cahiers de l’infirmière, Sciences Humaines, 2ème édition, 2004, Paris,
Editions MASSON
- MUCCHIELLI R., L’entretien de face à face dans la relation d’aide, 2002, Paris,
édition ESF

2 - DICTIONNAIRES
- Le Petit Larousse illustré 1999, 1998, Paris, Editions Larousse
- MANUILA L. et al., 2004, Dictionnaire Médical Manuila, 10ème édition, Issy-les-
Moulineaux, MASSON éditeur
- QUEVAUVILLIERS J. – PERLEMUTER L. et PERLEMUTER G., 2004,
Dictionnaire médical de l’infirmière Encyclopédie pratique, 7ème édition, Issy-les-
Moulineaux, MASSON éditeur

3 – TEXTES OFFICIELS
- Code de la Santé Publique, Livre III, Titre 1er relatif à la profession d’infirmier ou
d’infirmière
- Décret n° 2006-576 du 22 mai 2006 relatif à la médecine d’urgence et modifiant le
code de la santé publique

4 - RESSOURCES EN LIGNE
- URL : www.doctissimo.fr, « Encyclopédie médicale »
- URL : www.e-sante.fr
- URL : www.infirmiers.com
- URL : www.infirmiers.fr
- URL : www.naitre-et-vivre.org
- URL : www.samu.org

21
- URL : www.samu-de-france.fr
- URL : www.secourisme.info

5 – AUTRES SOURCES DOCUMENTAIRES


- Cours sur « La relation d’aide », janvier 2005
- Module optionnel « Soins Palliatifs », mai 2005

22
ANNEXES

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ANNEXE I :
RETRANSCRIPTION ET ANALYSE DU PREMIER ENTRETIEN
AVEC L’INFIRMIER

Interviewer : Donc, en fait, je veux travailler sur l’infirmier de S.M.U.R. face au… à la mort
violente, la mort brutale en fait d’une famille qui est confrontée à ça en fait et euh… qu’est-ce
qui faut faire en fait… enfin qu’est-ce qu’on peut faire devant une famille qui est confrontée à
ça ?

Interviewé : Donc, ce que je veux d’abord te dire, c’est la façon dont est organisé le S.A.M.U.
au niveau du Mans. On est une équipe d’intervention. Une équipe d’intervention se compose
si tu veux d’un médecin urgentiste, d’un infirmier ou d’une infirmière anesthésiste et d’un
ambulancier. Voilà. Donc c’est l’équipe… primaire qu’on appelle donc c’est une équipe qui
va donc aller directement chez les patients, rencontrer les difficultés donc au domicile et
également sur les voies publiques…

Interviewer : Ouais…

Interviewé : Enfin je pense que pour toi, c’qui t’intéresse le plus, c’est à domicile !

Interviewer : Heu… ben heu… domicile oui mais aussi la voie publique…

Interviewé : Egalement voie publique ?

Interviewer : … quand c’est la mort violente, brutale quoi… d’un jeune ou…

Interviewé : Donc ça peut être également voie publique dans laquelle heu… un incident très
grave se passe et la famille peut arriver là…

Interviewer : Oui voilà.

Interviewé : … et on est confronté en effet à ce genre de problème. C’est… c’est très


difficile… enfin à mon avis, c’est très difficile de gérer ce genre de situation. C’qui est pas
très compliqué, c’est d’intervenir directement heu… sur le blessé ou heu… malheureusement
sur le type qui peut mourir parce que là on s’engage à cent pour cent dans ce phénomène…,
phénomène qui est purement technique, qui n’est pas forcément relationnel… On est très
technique, c'est-à-dire qu’on a quelqu’un à sauver donc on est très professionnel, c'est-à-dire
qu’on cherche pas trop à… à discuter. Chacun sait dans l’équipe, puisqu’on est trois,… On
sait exactement ce qu’on doit faire et finalement heu… les choses sont très rapides, c'est-à-
dire que quand c’est des cas très très grave heu… on s’oriente tout de suite vers une intubation
heu… donc là c’est rapidement fait, heu… c’est la voie veineuse périphérique ou voie centrale
mais souvent voie périphérique parce que dans les cas très graves, il faut être très rapide, on
n’a pas le temps de faire… on peut le faire secondairement, des sous-clavières ou des
jugulaires internes mais dans les grosses voies d’abord mais périphériques… c’est les mêmes
au pli du coude, c’est pas grave pourvu qu’on puisse avoir une voie d’abord rapide, dans

24
lesquelles on puisse injecter des produits tels que l’adrénaline ou faire un remplissage. Ça
c’est évident que c’est les premières choses qu’on doit faire : l’oxygénation, l’intubation, la
perfusion, le massage cardiaque quand il le faut. Donc ça on s’organise si tu veux… on
cherche pas trop à savoir dans un premier temps heu… comment ça c’est passé, c’est après si
tu veux, quand on a fait tous ces gestes-là, ça prend parfois quelques minutes,… trois-quatre
minutes on est pratiquement O.K. et heu… là on va commencer à lever la tête et puis on va
commencer à voir l’environnement et là parfois, c’est vrai que l’on se retrouve confronté à…
parfois, à des familles qui sont présentes et alors là bon… heu… il faut aller voir heu…
prévenir heu… les familles des difficultés heu… du patient auquel on travaille et parfois
malheureusement heu… soucis négatifs ou fatals… donc heu… qu'est-ce qu’on fait dans ces
cas-là ? Alors souvent, les… les heu… les… on isole souvent les… les proches hein…
souvent quand on est chez un particulier, quand on commence à travailler comme ça dans une
chambre, moi je dis tout de suite à la famille : on travaille, mettez-vous dans une chambre ou
à côté, dans la cuisine, on va venir vous revoir après ! Même si c’est très difficile, très délicat,
j’préfère les voir un p’tit peu en retrait, sachant qu’on va les voir secondairement mais heu…
faut avouer que nos gestes sont parfois un p’tit peu agressifs et heu… la vue de la famille qui
n’est pas habituée heu… moi j’préfère que heu… ces proches soient un p’tit peu en retrait, de
façon à ce qu’on puisse nous, travailler sereinement et après heu… une fois que tout est mis
en place heu… après des massages cardiaques parce que ça on y va, on sait très bien quand on
commence, on en a pour une demi-heure hein ? à peu près ?...

Interviewer : Oui, oui…

Interviewé : … même s’il n’y a pas de reprises heu… de complexes cardiaques, il n’empêche
qu’on continue jusqu’à temps que le médecin nous dise d’arrêter. Mais parfois, quand tout est
bien démarrer comme ça, le médecin quitte un p’tit peu le… le polytraumatisé ou le… la
personne qui est en grande difficulté et peut voir la famille. J’crois qu’c’est important qu’ils
aient un message rapide…

Interviewer : Oui, que eux ils sachent un peu…

Interviewé : … parce que d’une part il faut leur dire que c’est grave, faut pas non plus cacher
heu… cacher des choses. Faut souvent dire que c’est grave, que là on est actuellement… on
essaye de réanimer mais heu… que… ben on n’est pas sûr du tout que… le cœur puisse
reprendre, que la conscience va revenir. Faut informer, faut être clair, faut être heu… faut pas
avoir de scrupules à dire la vérité. Faut pas trop donner d’espoir et parfois heu… moi j’ai vu,
la semaine dernière par exemple,… une réanimation qui a… qui a marché entre guillemets
parce que si tu veux le cœur chez quelqu’un de jeune… le cœur sous adrénaline est repartit…
donc ce qui est rassurant. D’un autre côté si tu veux, y’avait un manque d’oxygène pendant un
certain temps puisqu’au moment de l’arrêt cardiaque donc heu… le manque d’oxygénation
heu… pendant quelques minutes est souvent un peu fatal pour les organes nobles, en
particulier neurologiques. Donc certes il y a un rythme cardiaque qui est pris, qui est parti, qui
était tout à fait régulier, une tension qui est revenue, une saturation qui est revenue,
secondairement parce que l’adrénaline est vasoconstricteur donc finalement heu… pour
vérifier on n’a pas toujours les bonnes saturations et heu… dans ces cas-là si tu veux, on… il
faut quand même dire à la famille : on va à l’hôpital mais c’est grave et… c’est très grave,

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c’est quelqu’un qui restera inconscient malgré un cœur qui continu. Après c’est… c’est le
problème des greffes, des dons d’organes…

Interviewer : D’accord.

Interviewé : … donc ça, il faut dire tout ça. Faut pas… faut pas faire croire aux gens que tout
est gagné, même si y’a un rythme cardiaque qui repart. C’est… c’est parfois caché la face.
C’est… c’est grave. C’est pas parce qu’il y a un rythme cardiaque qui redémarre que c’est
pour autant sauvé.

Interviewer : D’accord.

Interviewé : Donc ça c’est le cas si tu veux donc de… d’un polytraumatisé heu… de la voie
publique, c’est un peu comme ça aussi hein… quelqu’un qu’est grave, qu’est en gros coma,
qu’il y a toujours un rythme mais on s’apercevait qu’il y avait une mydriase bilatérale, que la
ventilation n’existe plus mais on a un respirateur pour qu’il y ait la ventilation. Y’a une vie
mais… qui est tellement précaire, ça peut être très fatal. Faut surtout dire à la famille que
finalement c’est un cas très compliqué. Ça peut… on peut pas se prononcer quoi. Faut aller à
l’hôpital, faire des examens complémentaires d’entrée. Alors ça… ça c’est un cas… un cas
d’adulte avec les familles autour. Y’a le cas aussi de l’enfant. D’abord, la mort du nouveau
né : donc ça aussi, c’est pareil. C’est une situation très délicate. Là on intervient toujours
pareil. On sait que quand on part pour un enfant, moi qui ai beaucoup d’expériences, je sais
que ça va être difficile. Quand il nous annonce un enfant, une difficulté, arrêt respiratoire ou
autre, on sait que ça va être compliqué. Donc on y va, toujours pareil, on est très
professionnel. D’emblée, on met sur une table, on écarte les familles et heu… souvent y’a…
si tu veux, souvent y’a parfois un voisin parce que hein, dans l’affolement, quelque chose
comme ça, y’a toujours un voisin qui est là donc on prend un peu ce… ce témoin qui se voit
être là pour dire ben… allez avec la famille et puis on ira vous voir. Donc souvent heu… le
voisin accompagne la famille dans une pièce et puis… et puis nous attend.

Interviewer : Hum hum…

Interviewé : … et là pour un enfant c’est vrai que c’est délicat parce que si c’est par exemple
un arrêt heu… cardiorespiratoire, en général c’est fatal chez les jeunes enfants… et ça c’est
heu… c’est difficile à supporter. Donc là heu… secondairement, faut aller voir la famille.
Donc moi j’ai été un peu formé à cela parce que je travaille à la maternité, donc j’avais
beaucoup travaillé sur la mort du bébé. C’est très difficile à supporter parce que… il va falloir
que la maman, le papa reprennent le bébé hein… heu… avec eux, lui parlent, le caressent
pour faire le deuil et ça c’est… il faut absolument le faire parce que souvent les enfants qui
meurent comme ça… sont souvent pris en charge après pour un prélèvement où heu… à
Angers donc souvent y’a une rupture. Les parents sont pas sûrs de revoir l’enfant et… ça, ça
doit être fait rapidement. Donc, aussitôt qu’il y a la constatation du décès, il faut voir la
famille, faut leur parler, faut discuter et ensuite, faut les… moi j’insiste à ce qu’ils reviennent
avec moi, ils vont reprendre le bébé, ils vont le recaresser, ils vont lui parler et voilà. Il faut
absolument qu’ils le fassent. S’ils le font pas, je crois que c’est quelque chose qu’ils vont…
c’est déjà très compliqué pour eux, c’est sûr qu’ils vont garder ça toujours en tête dans leur
vie mais ça va les aider quand même…

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Interviewer : D’accord.

Interviewé : C’est une démarche qui est intéressante mais pour nous, c’est épuisant. Le
problème si tu veux, c’est que quand on est un p’tit peu habitué à cela, on… on supporte mais
on a des… des gens qui travaillent avec nous, des ambulanciers, des médecins, parfois des
étudiants en soins infirmiers qui sont aussi avec nous et là, il faut heu… à tout prix heu…
restaffer un p’tit peu… après l’intervention ou le lendemain, revoir ces gens-là, rediscuter
avec eux parce que c’est heu… c’est… c’est indispensable, non seulement pour la famille
mais également pour certains du corps… du corps médical et paramédical.

Interviewer : Vous avez besoin d’en parler…

Interviewé : Ouais. J’ai un autre exemple, sur le circuit aussi. C’était heu… c’était le heu…
attends, est-ce que c’était l’an dernier ?... L’an dernier ou y’a deux ans ? J’me souviens plus…
Y’a deux ans ! C’était une jeune femme en essais privés qui est morte… elle aussi
malheureusement mais heu… donc on a fait une grosse réanimation et nous avions des… des
commissaires de pistes qui… j’leur avais demandé, qui heu… qui isolaient avec des draps si
tu veux… une couverture pour pas que la presse et autres voient ce jour-là quoi. Donc on a
fait un travail assez heu… assez difficile parce que… l’intubation comme j’te dis qui ne sont
pas des gestes évidents, des massages cardiaques, avec les ciseaux on ouvre les vêtements
rapidement tu sais… c’est… et on avait des spectateurs, entre guillemets ces spectateurs, ces
commissaires qui étaient là et heu… on les a repris le lendemain, le surlendemain, pour eux ça
a été…

Interviewer : Dur ?...

Interviewé : Très très dur… très très dur hein… donc ça c’est des épreuves. Faut avouer que
quand… c’est des épreuves très difficiles à gérer. Mais moi, ça fait plus d’trente ans que j’fais
ça et tous les souvenirs de gamins, autant les adultes… on n’oublie pas mais si tu veux c’est
supportable… heu… à moyen terme mais les enfants, c’est quequ’chose qui nous reste.
Moi… tous les enfants dans lesquels je suis tombé dans cette situation-là, heu… j’m’en
souviens comme si c’était hier, ça restera toujours. Ça c’est difficile hein…

Interviewer : C’est marquant les enfants ?

Interviewé : Les enfants, c’est l’pire… ça c’est… c’est pour ça, quand on sait qu’on part en
S.A.M.U. pour des enfants, ben je sais que j’vais l’faire parce que techniquement j’suis
capable hein…

Interviewer : Ouais…

Interviewé : … j’suis capable d’intuber, de perfuser, tout ça… au contraire, en anesthésie, on


a cette facilité là mais heu… du travail de la gest… à gérer quoi. Comme tu dis heu… gérer
l’entourage, la famille… heu non seulement la famille mais les témoins qui sont comme ça…
présents… On s’rend pas compte : y’a des gens qui… qui après flanchent le lendemain ou le

27
surlendemain à la vue de c’qui… de c’qu’ils ont remarqué quoi si tu veux. C’est tellement…
difficile à supporter. Enfin voilà, c’est quelques exemples auxquels… on peut être confrontés.

Interviewer : Et heu… justement après heu… donc heu… quand… quand ça se présente, y’a
la mort de… d’une personne, c’est qui qui décide heu… de revoir la famille, enfin d’aller voir
la famille ? C’est heu… soit l’infirmier ? Soit c’est l’médecin ? Ou…

Interviewé : Oui, tout à fait… Disons heu… les médecins je sais pas heu… je pense pas qu’ils
sont heu… ils ont pas une formation qui leur ait donné pour aborder heu… les familles heu…,
c’est mon avis personnel, heu… pour aborder des familles qui heu… justement… perdent
leurs proches heu… J’pense que l’infirmier, en particulier l’infirmier anesthésiste un peu
comme nous, on a été formé à beaucoup de… On approche beaucoup les patients en
anesthésie. On est capable de les toucher, de les comprendre, de les… de les… de les aider
parce que c’est notre boulot en anesthésie, en bloc opératoire, tout ça, les gens sont en grande
difficulté. On a l’habitude de les préparer avant l’anesthésie, après l’anesthésie, on a
l’habitude de les prendre en charge aussi, et j’pense que… que le contact est beaucoup plus
facile pour nous parce qu’on est plus habitués. C’est un peu notre formation et on… on sait
tous un peu… enfin pas tous mais une grande partie de mes collègues, certains sont intéressés
justement par ce… cette relation humaine. On fait des formations parallèles quoi… pour
aborder un p’tit peu heu… ces situations difficiles et j’pense qu’on a un contact heu… En
général, c’est souvent nous qui l’faisons hein… le médecin est plus souvent orienté sur la
gestion de son… de son… certificat de décès heu… heu… enfin tu vois un p’tit peu heu…
cette gestion de la mort heu… parce qu’il a des responsabilités lui, en tant qu’médecin mais
en ce qui concerne les relations humaines qui est importante pour les gens qui sont heu… qui
sont justement dans ces situations d’angoisse, de peur et heu… de douleur. Finalement,
j’pense que c’est un infirmier ou un infirmier anesthésiste qui est… est plus à même de
pouvoir répondre à cela…

Interviewer : D’accord… heu… Vous, qu’est-ce qui vous à motiver à… à vous exposer à des
situations comme ça ?

Interviewé : Alors d’une part heu… ces situations-là, on les choisit pas parce que nous, on
est… on fait partie de… de… Enfin, je l’ai choisi parce que je fais du S.A.M.U.. Je pourrais
très bien ne pas faire de S.A.M.U., c’est un choix. Nous, en anesthésie au Mans, on a disons 3
grands secteurs qu’est l’anesthésie du bloc opératoire au Fontenoy dans lequel on endort
autant les petits que les grands, enfin de la chirurgie classique on peut dire. On a une
maternité qui est très particulière aussi à laquelle on est confronté parfois aussi a de grandes
difficultés. Il peut y avoir des mamans qui décèdent pendant l’accouchement, qui perdent leur
utérus parce que finalement y’a des… des hémorragies heu… cataclysmiques. Y’a des
situations qui sont pas faciles à gérer donc certains ont choisi la maternité, d’autres le
S.A.M.U. parce que ben… y’a peut-être aussi dans le S.A.M.U. les situations qui sont aussi
angoissante mais heu… je suis persuadé que l’infirmier anesthésiste a son… a sa place heu…
en S.A.M.U. par d’une part ces compétences heu… professionnelles, c'est-à-dire heu…
techniques. J’crois qu’c’est… c’est important de pouvoir maîtriser ces gestes techniques mais
rapidement, c'est-à-dire pouvoir intuber, abords veineux, tout ça, quelque chose qui soit très
très rapide. C’est un plus pour les blessés, les polytraumatisés,… heu voilà. Autrement heu…
je sais qu’au niveau relationnel, moi ça me plaît parce qu’on… on rentre un p’tit peu heu…

28
enfin c’est surtout le fait que… on travaille pas forcément heu… pas vraiment dans le confort
parce que hein… au bloc opératoire, c’est l’confort. Heu… sur la route, sous les voitures
heu… dans les incarcérés heu… qu’il faut travailler heu… heu… chez le particulier où y’a
pas beaucoup de lumière, où heu parfois on rencontre des situations qui sont pas… l’hygiène
n’est pas parfaite heu… Y’a la famille, y’a du monde, on est heu… on est vus, on est
remarqués, on est yeutés. C’est vrai que c’est… c’est très particulier. C’est… ça peut être
angoissant mais c’est très enrichissant mais moi j’aime bien parce que ça nous permet aussi de
voir un p’tit peu heu... la médecine ! C’est pareil : les infarctus à gérer, les infarctus du
myocarde, à gérer les oedèmes du poumons, à faire des accouchements parce qu’on fait des
accouchements… Heu, y’a beaucoup de choses qu’on fait et… heu avec nos p’tits moyens.
Hein, on est qu’trois et faut qu’on s’débrouille. Y’a un médecin, un infirmier anesthésiste, un
ambulancier donc y faut se démerder. On n’a pas l’choix. Donc ça, c’est intéressant…
intéressant. C’est ça qui m’intéresse. Y’a des gens qui n’osent pas le faire parce que justement
c’est tellement…

Interviewer : C’est la peur…

Interviewé : Oui c’est la peur de se retrouver dans une situation où y’a la difficulté et puis ne
pas avoir… ne pas être entouré quoi. On peut pas compter sur d’autres. On peut pas compter
sur d’autres : c’est nous qu’allons le faire.

Interviewer : D’accord…

Interviewé : Et ça je crois que c’est… c’est… moi ça m’intéresse… Ça m’intéresse parce que,
d’une part heu… moi j’fais un peu d’humanitaire, j’m’en intéresse beaucoup et je… j’vais en
faire pas très loin de la retraite, beaucoup plus qu’avant mais c’est vrai que ça me permettra
justement de pouvoir heu… travailler aussi avec peu de moyens et d’être efficace.

Interviewer : D’accord…

Interviewé : Moi c’que j’peux dire, c’est vrai… c’est les situations auxquelles parfois on est…
on est… dans des situations de gravité, c’est vrai. C’est pas facile à gérer… et ça demande en
général des démarches personnelles, c’est pas heu… le service qui va forcément mettre en
œuvre heu… un enseignement… entre guillemets, pour pouvoir aborder tout cela. Souvent
c’est des entreprises personnelles des uns et des autres qui ont travaillé pour pouvoir supporter
tout ça. C’est nous personnellement qu’avons heu… chercher à… à répondre à ces exigences
en s’formant quoi. Donc heu… déjà à gérer son stress, ça peut être par déjà des techniques de
sophrologie qu’on a l’habitude de faire…

Interviewer : Ouais…

Interviewé : … j’pense que c’est important déjà de pouvoir gérer. Ensuite heu... vis-à-vis des
familles, c’est pareil : c’est important aussi de pouvoir heu… savoir quoi dire…

Interviewer : Ben oui, surtout ça…

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Interviewé : … savoir quoi dire heu… ça peut être aussi tenir une main, savoir aussi
accompagner cette personne, à s’asseoir avec elle, s’mettre à côté. Moi je sais que très
souvent… quand j’prends un bébé par exemple pour heu… dans lequel il va falloir que le
papa et la maman fassent le deuil, moi je m’assoies avec eux. Il faut faire… il faut… être
d’une grande simplicité, oublier un peu le… tout l’côté technique qu’on a fait jusque avant
quoi. Ça on l’oublie et puis après on devient… humain quoi, on est comme les autres, ça
pourrait nous arriver à nous aussi donc il faut… Et puis, il faut surtout heu… ne pas se
précipiter et partir quand on a considéré qu’c’était bien. J’pense qu’au S.A.M.U., à la
régulation, faut pas hésiter à dire heu… : on a constaté le décès, on est disponible pour une
autre intervention… il faut savoir dire non. Y’a encore une autre équipe. On travaille… on
travaille avec deux équipes. Bon, c’est vrai qu’une deuxième équipe peut être partie en
secondaire à Paris ou ailleurs mais je pense que ça serait dommage de… de… de saboter entre
guillemets moment-là…

Interviewer : Ben oui, ça fait un peu partie en fait…

Interviewé : … parce que… Moi je pense que les… la famille, les voisins qui nous ont vu
travailler heu… d’une façon un peu agressive parce que… Moi j’dis qu’c’est agressif parce
qu’on fait les massages cardiaques, les abords veineux, l’intubation, tout ça c’est quand même
des choses un peu agressives et après on a besoin de… de quiétude heu… Y’a des gens qui
sont bouleversés parce que ça, ils s’attendent pas ces gens-là. Souvent, c’est la personne…
elle est bien quelques minutes avant et subitement, paf, elle fait son arrêt, elle s’attend pas du
tout et… à chaque fois heu… il a regardé la télé hier soir, tout allait bien. A chaque fois, ça
revient toujours. Y’a toujours quelque chose qui dit que ben tout allait bien…

Interviewer : Qu’y avait aucune raison ?...

Interviewé : Qu’ça s’passe… Y’a des gens… Donc il faut les aider ces gens-là. On est là pour
les aider… mais j’pense que on doit partir uniquement quand on a un climat de quiétude qui
revient, c'est-à-dire que ces personnes… on attendue que la famille soit prévenue. Il peut y
avoir un fils, une fille au loin… que ces proches soient appelés, qu’ils arrivent, qu’on… qu’on
voit ces… ces gens qui sont dans la malheur, sont entourés par… par des voisins, d’la famille.
A ce moment-là, ben j’pense qu’on pourra partir et se rendre disponible mais tant qu’y a pas
cet entourage qui va aider ces gens malheureux, ben faut pas… faut qu’on reste, on va pas…

Interviewer : Faut pas les laisser tout seul…

Interviewé : Non et ça j’pense que c’est pareil, j’insiste beaucoup… pour ça…

Interviewer : Et vous heu… quand y’a des coups durs comme ça, que ça a été dur pour
l’équipe médicale, vous avez quelque chose derrière ?

Interviewé : Heu oui… on essaye heu… moi j’essaye de toute façon au retour de
l’intervention de discuter… c'est-à-dire qu’on va se retrouver en… soit en salle de
restauration qui fait partie du S.A.M.U. heu… on va… prendre un verre, un café et puis on va
discuter. On va discuter, en général c’est pas de dire est-ce qu’on a bien fait, est-ce qu’on n’a
pas bien fait, j’pense que sur le plan technique… j’pense que…

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Interviewer : Y’a pas de remise en question ?...

Interviewé : Y’a pas d’remise en question à c’niveau-là, j’pense pas.

Interviewer : Vous parlez en fait de comment chacun a vécu en fait…

Interviewé : Voilà, c’est ça qui est important, d’en parler entre nous… Tu sais, y’a des choses
qui choquent. Moi je sais, des gens de l’I.F.S.I. de troisième année pourtant, la semaine
dernière, bon y’a eu un jeune qui s’était pendu donc c’est vrai que… l’étudiante ça l’a
vraiment choqué. Après l’a fallu heu… la revoir heu… discuter le lendemain, le
surlendemain… L’autre qui a vu avec moi un arrêt cardiorespiratoire heu… donc j’l’ai forcé
aussi à…

Interviewer : En parler un peu ?...

Interviewé : Oui et puis de travailler avec nous ! Hein… parce que c’était une occasion aussi
de… de pouvoir masser aussi… de masser, de voir… de pouvoir ventiler avec un… avec un
ballon heu… et tout ça si tu veux, elle l’a fait et puis à un moment donné heu… dans
l’camion… elle s’est mise à pleurer quoi parce que c’était les nerfs… Dis heu… dis c’qui
s’est passé, est-ce que… comment tu t’es sentie ? Et avant de commencer à parler, on sentait
qu’elle avait une grosse angoisse quoi. Elle dit j’ai massé. Elle avait jamais massé, elle avait
toujours massé un mannequin, elle avait jamais massé quelqu’un et pourtant c’est important
d’le faire parce que… quand on est… quand on est dans le domaine paramédical, il faut savoir
masser parce que moi, quand j’donne des cours chez vous, quand j’donne des cours chez
vous, j’dis toujours que finalement heu… pour sauver, c’est la première personne qu’est sur
place qui fait les premiers gestes et qui va sauver. C’est pas le S.A.M.U. qui va arriver dix
minutes un quart d’heure après qui va l’sauver. Lui il va prendre en charge après mais la
première personne qu’est témoin d’un incident, d’un accident, devant un arrêt cardiaque,
c’est… c’est elle qui va sauver…

Interviewer : Qui va essayer de l’réanimer ?...

Interviewé : Hein… par sa ventilation assistée, par le massage cardiaque… donc elle, elle l’a
fait donc j’lui ai dis : c’est bien ce que tu as fait, tu sauras maintenant comment faire parce
que entre le mannequin…

Interviewer : Ben oui, c’est différent…

Interviewé : … et puis un corps humain, c’est différent. C’est un corps humain. Donc elle a eu
beaucoup de… Mais ça lui a… j’crois qu’c’est… c’est une expérience pour elle. C’est vrai
qu’c’est difficile le métier, un métier difficile. La maturité, tout ça, ça vient pas tout d’suite.
Faut du temps, faut du temps et puis bon faut faire et puis faut en discuter et puis heu...
multiplier heu… multiplier tous les exemples qu’on peut rencontrer parce qu’ils sont
nombreux hein… Moi j’sais qu’ça fait longtemps mais bon, j’me souviens d’mes débuts :
c’était pas facile !

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Interviewer : C’est vrai que quand on commence et qu’on connaît pas trop comment qu’ça
s’passe…

Interviewé : Ben oui mais là on a bien évolué si tu veux dans le… par rapport à ce qu’on
faisait autrefois où on était purement techniques, purement techniques mais avant l’anesthésie,
moi quand j’ai commencé à apprendre l’anesthésie, c’était purement technique. On n’avait
pas l’relationnel et p’tit à p’tit heu… c’est venu mais c’est récent hein… ça date de dix-quinze
ans à peu près que le relationnel est vraiment arrivé, c'est-à-dire de pouvoir… apprendre aux
gens à respirer, à chasser leur angoisse, leur stress, enfin bon, à les aider quoi, et ça, faut déjà
être au clair avec soi-même mais bon, c’est tout un travail mais j’pense que c’est… D’ailleurs
les I.F.S.I. maintenant on parle de sophrologie, j’pense que c’est des choses que vous abordez
un p’tit peu quand même alors qu’avant ça n’se faisait pas. Donc toutes ces relations
humaines qu’on a maintenant, c’est… c’est nous qui les avons provoqué j’crois… je crois,
j’en suis persuadé… c’est pas… c’est pas inné…

Interviewer : C’est vrai que la relation d’aide, c’est pas… c’est pas inné. Y’a des gens…
enfin, je sais que moi personnellement, j’ai un tempérament assez réservé donc j’ai pas… j’ai
pas tendance à aller comme ça heu… discuter avec les personnes et heu…

Interviewé : Mais tu sais heu… moi j’ai vu heu… au réveil ou avant une anesthésie, moi je
prends, je touche toujours les gens… j’les touche. C’est très rassurant pour quelqu’un qui
s’endort, qui s’réveille ou qui a mal… On touche quelqu’un avec une main et y’a des dois des
gens qui m’disent heu… : gardez votre main, elle est chaude. Gardez, gardez, ça m’fait du
bien. Tu vois ? Une main… et… Y’a des choses simples et ça faut pas… faut passer ce cap-là.
Faut s’habituer à toucher, tenir une main, un front. C’est pareil : c’est important de tenir un
front parce que finalement le front peut être chaud, y peut être froid, y peut être en sueurs, y
peut être heu… on peut deviner plein de choses… donc c’est pareil, il faut travailler ça le
toucher… Quelqu’un qui est aussi soit disant dans le coma, on est obligé des fois de
transporter des personnes dans l’coma et autres et le fait de les toucher, on a l’impression qu’y
a un p’tit truc qui passe souvent… On s’rend pas compte parce que c’est personnel… Donc
ça, le fait de toucher, de… même de parler hein… c’est pas parce que quelqu’un est dans
l’coma, on peut très bien lui parler…

Interviewer : Oui, c’est rassurant pour lui !

Interviewé : C’est le rassurer même si y’a pas de… de réflexes ni quoiqu’ce soit parce qu’il
est pas capable de respirer, il est pas capable de bouger mais il n’empêche que tenir une main,
lui parler heu… ça peut… ça peut rendre service.

Interviewer : D’accord…

Interviewé : Mais c’est un peu difficile à comprendre ça parce que…

Interviewer : Ben heu… j’pense qu’avec le temps…


Interviewé : Mais avec le temps, tu t’en apercevras… devant ce genre de situation… de
situation grave… de situation grave parce que même les gens qui sont presques… dans la
douleur… C’est pour ça que j’te dis une personne qu’a été témoin de… d’une mort d’un mari

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ou autre, faut savoir prendre cette dame, faut savoir l’asseoir, faut savoir s’asseoir à côté
d’elle, essayer de… de lui parler, de… Puis avec elle, l’aider pour appeler la famille et tout ça,
c’est vrai qu’c’est…

Interviewer : Y’a vraiment deux temps… dans l’intervention, y’a vraiment une partie
technique et une partie…

Interviewé : Oui voilà et on peut pas faire les deux en même temps. On peut pas parce que le
côté technique, y doit être rapide… rapide… Faut vraiment qu’tous les gestes soient précis…
faut en très peu de temps, parce que la… la survie dépend de ça. J’veux dire que plus on est
rapide dans ces gestes d’urgence… dans les cas très graves hein… les arrêts cardiaques ou
autres, plus la chance, minime soit elle, ben elle est saisie.

Interviewer : D’accord…

Interviewé : Enfin, je crois… je sais pas, dans les arrêts cardiaques, j’pense qu’il y a trois pour
cent qui s’en sortent et encore… C’est très peu déjà d’emblée. Tu vois… donc faut tout mettre
en œuvre pour qu’on rentre dans ce créneau des trois pour cent… mais c’est… puis après on
discute, on relate un p’tit peu la situation, la gravité, l’espoir… mais jamais minimiser la
situation…

Interviewer : Oui, pas chercher à… pas chercher à cacher quelque chose alors que…

Interviewé : Ah non non.

Interviewer : Pas donner de faux espoir !

Interviewé : Non… mais d’un autre côté si tu veux, il faut aussi heu… moi j’ai vu interrompre
rapidement heu… une… une réanimation parce que y faut savoir aussi, c’qu’on appelle le
terrain, y’a parfois des terrains néo… néo, enfin des gens qui ont des cancers importants et…
faut être raisonnable… faut pas forcément s’engager dans des réanimations qui…
n’apporteront rien… J’pense que la mort fait partie d’la vie aussi, j’veux dire qu’y faut
l’accepter et parfois, faut savoir s’arrêter mais bon… ou ne pas entreprendre…

Interviewer : Oui, pas repousser quelque chose qui va revenir heu…


Interviewé : Non parce que j’te dis, avec l’agressivité qu’on amène, il y a des corps qui
n’attendent qu’une chose, c’est d’mourir… Des gens qui sont au stade avancé parfois
d’cancers ou autres… d’ailleurs tu vois, on les voit mourir, ils ont des visages beaucoup plus
soulagés donc heu… ils attendaient que ça donc c’est pas à nous de… qui allons entreprendre
des trucs heu… qui sont agressifs. J’te dis : moi je… je maintiens ce… c’qu’on fait est
agressif donc on peut l’envisager vraiment que quand y’a d’l’espoir…

Interviewer : Et en S.M.U.R. en fait heu… parce que moi j’ai fais un stage aux Urgences
heu… en Vendée…

Interviewé : Oui…

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Interviewer : … et par contre l’infirmier, c’est un… c’est un infirmier normal, c’est pas un
infirmier anesthésiste…

Interviewé : Oui c’est ça…

Interviewer : … par contre, vous, quand… quand vous partez en S.M.U.R., c’est vous qui
intubez ?

Interviewé : Ben disons que parfois si l’médecin veut l’faire, y peut mais moi j’veux qu’il
l’intube rapidement si tu veux parce que souvent c’est des estomacs pleins hein… dans les…
c’est c’qu’on appelle des estomacs pleins donc faut être rapide donc heu… moi j’veux bien
leur laisser parce que bon, faut qu’ils apprennent… Nous, en anesthésie, on intube… On fait
dix intubations par jour donc l’intubation ça n’a plus de secret pour moi… Depuis trente ans
qu’on fait ça, c’est quelque chose qu’est très rapidement fait… Maintenant, s’ils veulent
apprendre, moi j’veux bien les aider hein… J’ai fais un transfert hier ou avant-hier sur Tours,
j’étais avec un médecin qu’avait pas du tout l’habitude… Il l’avait fait un p’tit peu en bloc
mais sans plus donc j’me suis permis de dire : voilà, je… j’vais t’injecter les drogues pour
pouvoir intuber, c'est-à-dire la xylo mais la xylo a une durée d’action très courte donc heu…
tu exposes et tu passes ! Si… si t’as une difficulté, je r’prends et j’le fais. Donc il l’a fait, il a
pris son temps, j’lui avais bien exposé tout ça donc il l’a fait. Mais heu… sinon c’est nous qui
l’faisons devant toute intubation. On a beaucoup plus l’habitude…

Interviewer : D’accord…

Interviewé : Ça s’rait encore des médecins anesthésistes parce qu’autrefois le S.A.M.U.


comme au Mans, c’était des médecins anesthésistes qui travaillaient…
Interviewer : Ah oui ?...

Interviewé : … hein, y’avait des médecins anesthésistes et des infirmiers. Après heu… parce
que nous on était peu nombreux hein… on était cinq-six donc on était au bloc et après, p’tit à
p’tit, les médecins anesthésistes étaient peu nombreux, se sont retirés un p’tit peu du
S.A.M.U. et nous on a… on est intervenus donc dans le S.A.M.U…

Interviewer : D’accord…

Interviewé : …parce que la S.F.A.R. qui est une heu… la S.F.A.R. si tu veux… c’est la
science heu… de l’anesthésie en France et en Europe heu… Ils ont un but de s’réunir, les
colloques, et cætera… et heu… ils n’obligent pas l’infirmier anesthésiste à être au S.A.M.U.
mais on souhaite vivement que les infirmiers anesthésistes soient au S.A.M.U…

Interviewer : C’est vrai que le S.A.M.U., souvent quand il se déplace, il y a une intubation…

Interviewé : Oui… l’intubation… l’habitude des abords veineux aussi, rapides et tout, c’est
notre truc…

Interviewer : Plus expérimentés ?

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Interviewé : Oui, c’est ça… et puis bon souvent après y’a des gens qui sont mis… même
quand on fait des transfert de patient d’un hôpital vers un autre hôpital, souvent ils sont
anesthésiés ces gens-là, ils sont polytraumatisés, c’est d’la grosse chirurgie, c’est des gens qui
sont anesthésiés donc il faut continuer l’anesthésie pour les emmener dans l’autre hôpital don
ça c’est notre job de tous les jours donc on st relativement pas heu… Ça nous gêne pas du
tout, on est habitués à ça.

Interviewer : Oui, c’est l’habitude…

Interviewé : Ouais donc c’est pour ça qu’il est souhaitable mais bon on n’est pas très
nombreux en France et heu… c’est vrai que… heu… dans les CHU par exemple, j’pense que
c’est p’t-être des internes en anesthésie qui heu… qui interviennent, enfin bon la gestion est
un peu différente. Nous au Mans, c’est un grand hôpital, c’est un centre hospitalier mais qui
n’est pas CHU donc c’est pour ça qu’on est en nombre assez important heu… pratiquement
quarante pour couvrir ben heu… le Fontenoy heu… le grand hôpital, plus la maternité, plus le
S.A.M.U., plus la radio et la salle de réveil heu… Donc maintenant on est aidés aussi par des
infirmiers parce que heu… on peut pas tout couvrir… puis voilà quoi. Donc c’est important.

Interviewer : Ça fait… pas mal de postes…

Interviewé : Ouais… mais c’est une spécialité intéressante… surtout que maintenant si tu
veux, c’est plus que du technique. Il faut savoir aussi… Alors on a du mal à faire comprendre
ça heu… à des cadres heu… qui sont heu… qui gèrent l’hôpital. On a du mal à leur faire
comprendre que nous finalement on ne fait pas que de l’anesthésie. On sait aussi aborder des
patients. Maintenant ils le savent un p’tit peu mais c’est vrai qu’au début, ils le savaient pas
du tout : c’était bloc opératoire et terminé ! Y’a pas que ça, heureusement !...

Interviewer : D’accord… Et bien, je vous remercie…

 Analyse :
 Catégorie 1 : La prise en charge de la famille par l’infirmier de S.M.U.R. face la
mort
 Item 1 : Isoler la famille lors des gestes techniques, de la réanimation
 Item 2 : Informer la famille du déroulement de l’intervention
 Item 3 : Accompagner la famille
 Commentaire : Face à la mort, l’infirmier de S.M.U.R. commencera par
isoler la famille puis, suite à la réanimation, l’informera et l’accompagnera
dans cette période de deuil.
 Illustrations :
- « on isole souvent les… les proches hein… souvent quand
on est chez un particulier, quand on commence à travailler
comme ça dans une chambre, moi je dis tout de suite à la
famille : on travaille, mettez-vous dans une chambre ou à
côté, dans la cuisine, on va venir vous revoir après ! »
- « j’préfère les voir un p’tit peu en retrait, sachant qu’on va
les voir secondairement »

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- « Faut informer, faut être clair, faut être heu… faut pas avoir
de scrupules à dire la vérité. Faut pas trop donner d’espoir »
- « Faut surtout dire à la famille que finalement c’est un cas
très compliqué »
- « faut savoir prendre cette dame, faut savoir l’asseoir, faut
savoir s’asseoir à côté d’elle, essayer de… de lui parler,
de… Puis avec elle, l’aider pour appeler la famille »
- « y’a parfois un voisin parce que hein, dans l’affolement,
quelque chose comme ça, y’a toujours un voisin qui est là
donc on prend un peu ce… ce témoin qui se voit être là pour
dire ben… allez avec la famille et puis on ira vous voir. »
- « j’insiste à ce qu’ils reviennent avec moi, ils vont reprendre
le bébé, ils vont le recaresser, ils vont lui parler et voilà. Il
faut absolument qu’ils le fassent. »
- « revoir ces gens-là, rediscuter avec eux parce que c’est
heu… c’est… c’est indispensable »

 Catégorie 2 : Le rôle de l’infirmier face à la mort en intervention du S.M.U.R.


 Item 1 : La prise en charge de la victime
 Item 2 : La prise en charge de la famille
 Item 3 : Le « débriefing »
 Commentaires : Face à la mort en intervention du S.M.U.R., l’infirmier
prendra en charge la victime, puis la famille. Un débriefing clôturera
l’intervention.
 Illustrations :
- « les premières choses qu’on doit faire : l’oxygénation,
l’intubation, la perfusion, le massage cardiaque quand il le
faut »
- « D’emblée, on met sur une table, on écarte les familles »
- « faut être raisonnable… faut pas forcément s’engager dans
des réanimations qui… n’apporteront rien »
- « On est capable de les toucher, de les comprendre, de les…
de les… de les aider parce que c’est notre boulot en
anesthésie, en bloc opératoire, tout ça, les gens sont en
grande difficulté »
- « il faut les aider ces gens-là. On est là pour les aider… mais
j’pense que on doit partir uniquement quand on a un climat
de quiétude qui revient »
- « tant qu’y a pas cet entourage qui va aider ces gens
malheureux, ben faut pas… faut qu’on reste »
- « puis après on discute, on relate un p’tit peu la situation, la
gravité, l’espoir… mais jamais minimiser la situation… »
- « j’essaye de toute façon au retour de l’intervention de
discuter »
- « On va discuter, en général c’est pas de dire est-ce qu’on a
bien fait, est-ce qu’on n’a pas bien fait »

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- « sur le plan technique […] Y’a pas d’remise en question à
c’niveau-là, j’pense pas »
- « c’est ça qui est important, d’en parler entre nous… Tu
sais, y’a des choses qui choquent. »

 Catégorie 3 : Le travail de l’infirmier face à son ressenti


 Item 1 : Le ressenti de l’infirmier
 Item 2 : Travail de soi-même
 Commentaires : Suite à son ressenti, l’infirmier réalise un travail sur lui-
même et sur les situations durement vécues afin d’augmenter ses
connaissances et modifier son comportement lors de situations similaires.
 Illustrations :
- « c’est difficile à supporter »
- « c’est des épreuves très difficiles à gérer »
- « on n’oublie pas mais si tu veux c’est supportable… heu…
à moyen terme »
- « les enfants, c’est quequ’chose qui nous reste. »
- « j’m’en souviens comme si c’était hier, ça restera toujours.
Ça c’est difficile »
- « C’est tellement… difficile à supporter. »
- « c’est la peur de se retrouver dans une situation où y’a la
difficulté »
- « c’est difficile le métier, un métier difficile »
- « j’me souviens d’mes débuts : c’était pas facile ! »
- « Souvent c’est des entreprises personnelles des uns et des
autres qui ont travaillé pour pouvoir supporter tout ça. »
- « C’est nous personnellement qu’avons heu… chercher à…
à répondre à ces exigences en s’formant »
- « déjà à gérer son stress, ça peut être par déjà des techniques
de sophrologie qu’on a l’habitude de faire »
- « La maturité, tout ça, ça vient pas tout d’suite. Faut du
temps, faut du temps et puis bon faut faire et puis faut en
discuter et puis heu... multiplier heu… multiplier tous les
exemples qu’on peut rencontrer parce qu’ils sont
nombreux »
- « apprendre aux gens à respirer, à chasser leur angoisse, leur
stress »
- « être au clair avec soi-même »
- « Faut s’habituer à toucher, tenir une main, un front »

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ANNEXE II :
RETRANSCRIPTION ET ANALYSE DU DEUXIEME ENTRETIEN
AVEC L’INFIRMIER

Interviewer : Quels sont vos rôles et missions d’infirmier en intervention S.M.U.R. ?

Interviewé : Les rôles d’infirmiers anesthésistes ? ou… parce qu’à l’hôpital du Mans, c’est
des infirmiers anesthésistes donc j’pourrais t’en parler en tant qu’infirmier anesthésiste…
mais éventuellement commencer qu’au niveau des… du S.A.M.U.. Il peut y avoir aussi des
infirmiers qui sont formés éventuellement aux gestes d’urgence donc j’vais être global
finalement…

Interviewer : Oui voilà…

Interviewé : … donc tu répètes la question…

Interviewer : Donc en fait vos... les rôles et missions de l’infirmier en intervention S.M.U.R. ?

Interviewé : Voilà. Donc le rôle heu... si tu veux, c’est... Y’a deux choses : y’a un rôle heu…
purement technique… c'est-à-dire de pouvoir mettre en œuvre heu… tout c’qui concerne
heu… les... les gestes d’urgence. Ça concerne donc heu… les abords veineux, l’oxygénation,
l’intubation heu… les drogues à injecter heu… les protocoles à mettre en route, en particulier
pour les infarctus du myocarde par exemple, heu… les traumas crâniens, heu… également en
c’qui concerne les transferts de patients d’un hôpital vers un autre hôpital, d’une structure
hospitalière vers une autre, c’est de poursuivre heu… de poursuivre c’qui a été mis en place.
Heu… très souvent, ce sont des patients qui sont intubés, sédatés donc on continue un p’tit
peu heu… cette sédation, ces analgésies heu… qui sont en général sur seringues électriques
lesquelles on manipule relativement facilement l’anesthésie…

Interviewer : Oui…

Interviewé : … donc ça pose aucun problème. Pour les infirmiers qui n’sont pas anesthésistes,
ce sera p’t-être un p’tit peu plus de soucis surtout si y’a des médecins urgentistes qui ne sont
pas anesthésistes donc là si tu veux, c’est le côté purement technique auquel il faut être
rapide…

Interviewer : D’accord…

Interviewé : Heu… à mon avis, c’est une efficacité qui doit être à cent pour cent par rapport à
ça parce que les urgences, c’est quelque chose qui doit être rapide, que chacun doit savoir
c’qu’il doit faire et nous, en tant qu’infirmier anesthésiste, c’ et nous, en tant qu’infirmier
anesthésiste, c’est vrai qu’on a heu… on a des possibilités pour pouvoir heu… faire tous ces
gestes rapidement… heu… Ça c’est le côté purement technique.

Interviewer : D’accord…

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Interviewé : Heu… on aide également heu… l’équipe parce qu’on travaille à trois, on aide
l’équipe, c'est-à-dire heu… au niveau ambulancier. On va l’aider par exemple pour heu…
porter l’patient heu… d’un lit dans un matelas coquille, ou d’un polytraumatisé qui est sur la
route, un motard, de le mettre sur un matelas coquille et de le retransférer en ambulance. Donc
là c’est pareil : le côté relationnel avec heu… avec l’ambulancier et également avec heu… le
médecin heu… J’pense que c’est surtout un travail d’équipe qui se fait en général très bien et
puis y’a tout l’ d’équipe qui se fait en général très bien et puis y’a tout l’côté relationnel. On
peut donc s’orienter vers le blessé, vers le patient et là donc c’est une prise en charge heu…
une prise en charge d’une part par rapport à son identité, son passé, son adresse, heu… ses
coutumes, heu… les… la possibilité de pouvoir prévenir les familles… Si les familles sont là
heu… on f’ra une démarche au niveau des familles pour expliquer ce que l’on fait après avoir
traité l’urgence parce que c’est sûr que ce côté relationnel avec les familles, voire même avec
le patient heu… est fait secondairement parce que moi, à mon avis, quand on est en urgence
comme ça, il faut… il faut intervenir rapidement, bien implanté c’qu’on doit faire et une fois
qu’tout est fait, quand on est en… en sécurité, enfin qu’on n’a plus rien à faire de façon très
urgente, à c’moment-là, on se tourne vers l’patient, on se tourne aussi vers lui mais là, on
prend l’temps de lui expliquer…

Interviewer : D’accord…

Interviewé : … parce que le patient, faut lui expliquer aussi. Ça va l’déstresser par rapport à
tout c’qui s’est passé, parce qu’une équipe S.A.M.U. qui arrive chez un particulier, ça
impressionne toujours…

Interviewer : Ben oui…

Interviewé : … beaucoup d’matériels, des gens en blanc et tout ça, ça impressionne !

Interviewer : ça va vite…

Interviewé : ça va vite… Alors une fois qu’on a fait tout… heu tout cette heu… tous ces
gestes d’urgence, et bien on prend le temps… le temps de… de parler avec le patient, de lui
expliquer et de le sécuriser, heu… de lui demander aussi là où il veut aller parce que le
S.A.M.U. finalement heu…, c’est une structure heu… dont la base est hospitalière mais on
peut aller en clinique et heu… c’est le patient qui décide hein… Quand c’est d’la cardio au
Mans, ça peut être l’hôpital ou la clinique… Donc là il y a une relation. Et puis y’a également
une relation avec la famille parce que quand l’patient est un p’tit peu en difficulté au niveau
de sa santé, il a parfois des problèmes relationnels, ce qui est normal… donc on s’oriente vers
la famille et c’est eux-mêmes qui… qui se prononcent par rapport à cela. Mais j’crois qu’là
c’est vrai, ce… ce côté relationnel a une grande importance parce que… ça nous… enfin,
c’est un peu osé d’ma part mais c’est… ça donne une bonne image du S.A.M.U. … J’crois
qu’y faut y penser et puis heu… Puis bon, c’est important de pouvoir dire aux gens : on va à
tel endroit, heu… ne cherchez pas à nous suivre parce que nous on passe les rouges, ne prenez
pas de risques à nous suivre, prenez votre temps, rassurez-vous, tout s’passe bien… On essaye
de sécuriser, on essaye aussi de dire la vérité hein… parce que parfois on dit qu’c’est grave et

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heu… le transport va peut-être être difficile et heu… on connaît pas l’aboutissement heu… de
cette prise en charge hein… Faut savoir être franc…

Interviewer : Oui…

Interviewé : On n’est pas non plus là pour cacher des choses. J’crois qu’c’est des missions.
C’est une mission primordiale, une mission technique qui doit être parfaite à mon avis. C’est
quelque chose qui est très très important, qui va rassurer toute l’équipe d’ailleurs, ça va être
très très bien et puis heu… ce côté relationnel avec les patients qui est indispensable…

Interviewer : Quels sont vos rôles et missions d’infirmier face à la mort du nourrisson en
intervention S.M.U.R. ?

Interviewé : Alors ça c’est très compliqué. C’est la pire des choses. Moi je sais que ça fait x
temps heu… trente ans que j’fais ça… c’est la chose la plus difficile à supporter… Heu…
Quand on travaille, on est concentré dans notre travail et… dans nos gestes techniques. On
sait qu’on a un enfant, il faut faire les choses bien, rapidement, heu… Donc si y’a un décès,
c’est c’que tu veux dire ? Hein, si y’a un décès de l’enfant ?...

Interviewer : Oui voilà, si y’a un décès de l’enfant…

Interviewé : Donc après nos gestes techniques et autres heu… En général, on fait toujours des
gestes techniques, même un enfant qui manifestement est à un stade dépassé. Faut… faut… il
faut faire quelque chose même si y’a pas d’aboutissement mais pour la famille ou autres, il
faut faire… on doit intervenir. Donc là, c’est très délicat hein… Un enfant c’est très délicat.
Des enfants de bas âge, c’est pas facile. Déjà les voies d’abord sont difficiles, les intubations
sont comme les adultes, c’est pas plus compliqué mais y’a une prise en charge qu’est quand
même très particulière chez les petits donc on peut pas être nombreux. Y’a un des… un de
nous trois… enfin l’ambulancier est en retrait, c’est lui qui va nous apporter tout l’matériel, on
va être très exigeants, très très exigeants : passe-moi ça, passe-moi ci. Ça va être très directif.
Dans ces cas-là, c’est très directif. C’est une rapidité parce que l’oxygénation, le manque doit
être récupéré le plus rapidement possible… et puis une heu… une perfusion rapide qui nous
permettra d’injecter les produits donc ça c’est heu… c’est quelque chose qu’on va faire d’une
façon heu… comment dire ?... sans trop d’émotions parce que on a quand même l’habitude
malgré tout de pouvoir heu… heu… en anesthésie moi ça m’arrive souvent de faire
l’anesthésie chez des jeunes nourrissons, c’est pas… On va arriver à faire tout ça… hein… Et
puis après là ça va être la décompensation mais il… on va pas la montrer, c'est-à-dire que là
devant la famille, il faudra être fort aussi. Il faudra donc aller voir la famille pis… dire c’qui
s’est passé et là, le… le rôle que je fais et que… dont j’ai été formé à cela, c’est heu… de
pouvoir accompagner heu… les familles à la mort de l’enfant, c'est-à-dire que la famille, le
papa et la maman doivent reprendre l’enfant dans leurs bras, lui parler, il faut qu’ils fassent le
deuil. Il faut qu’il y ait un deuil qui soit fait à c’moment-là… Et ça c’est très difficile donc
nous on a beaucoup d’émotions, on retient nos émotions, on essaye de s’sentir fort. Faut aussi
vis-à-vis d’la famille maîtriser la situation, personne d’autre ne peut le faire après nous heu…
Une famille n’arrivera pas non plus à l’faire parce que y’a un climat de panique et… et
c’qu’est normal…

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Interviewer : Ben oui…

Interviewé : Donc c’est à nous d’maîtriser tout cela. Et souvent c’est vrai que moi, en
anesthésie, on a été formé un p’tit peu à cela donc j’espère que les infirmiers qui font aussi du
S.A.M.U., on leur a donné la possibilité aussi de… de s’former à ce… parce que c’est quand
même grave et quand ça arrive, faut aussi savoir maîtriser tout ça et nous, travaillant à la
maternité, c’est vrai on a un p’tit avantage quand même… Mais il faut absolument qu’les
parents reprennent l’enfant dans les bras, recaressent, lui reparlent et tout, parce que parfois
les enfants sont pris en charge directement par nous et… et ils partent en pédiatrie, ils sont
transférés à Angers par… pour donner… pour chercher les causes du décès…

Interviewer : D’accord…

Interviewé : … et souvent les familles ne le revoient pas de façon aussi sereine dans les jours
qui suivent. Donc il faut absolument qu’cela se fasse très rapidement…

Interviewer : Oui, c’est rapide… Donc juste avant qu’il parte sur une structure, les parents le
prennent dans leurs bras…

Interviewé : Voilà, c’est indispensable. Devant une mort, il faut absolument que… que les
parents heu… même… même en tant qu’adulte hein, j’veux dire ça… c’est… en tant
qu’adulte, pour un père ou une mère qui décède heu… c’est pas la même chose mais il faut
absolument que les démarches soient faites… il faut absolument qu’il y ait une démarche de
la famille vis-à-vis d’l’enfant… ou d’une famille vis-à-vis d’un père ou d’une mère. Ça c’est
absolument indispensable… Et c’est parfois difficile, faut prendre le temps, faut savoir
s’asseoir sur le lit, faut savoir s’asseoir avec la famille sur le lit, enfin… essayer… de les
accompagner heu… tranquillement, de pas… accélérer les choses, faut prendre le temps,
faut… Nous, en équipe S.A.M.U., moi je dis d’emblée au niveau de la régulation : « Nous
sommes indisponibles… Nous sommes indisponibles ». On cherche pas à aller sur une autre
intervention alors que là, c’est un travail totalement inachevé…

Interviewer : Ben oui parce que là, au niveau relationnel...

Interviewé : Oui, parce que chez un enfant, y’a p’t-être neuf dixième de relationnel et un
dixième de technique parce que le côté technique est assez rapide. On… on… mais après y’a
un travail fou… mais ça, faut aller jusqu’au bout. Il est hors de question… On ne part que si
vraiment heu… la famille se sent un peu sécurisée et que… un frère, une sœur arrive et puis
qu’ils vont accompagner également ces parents qui sont malheureusement très tristes mais il
faut qu’il y ait un… une structure qui s’organise autour de c’la et c’est nous qui devons heu…
la mettre en place…

Interviewer : D’accord...

Interviewé : Si c’est pas fait heu... c’est... c’est pas bien et... et ça s’ra très... très… ça s’ra
dommage pour les parents parce que j’pense qui sont… ils seront passés à côté de… d’une
chose primordiale. Alors nous après, quand on revient en S.A.M.U., on est… c’est la cata
parce que tout… tout l’effort heu… physique, psychologique qu’on a rapporté, ça nous a

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épuisé et finalement, il faut absolument qu’on se retrouve, l’équipe, pour en parler avec le
médecin régulateur, faut qu’on en parle nous aussi, faut qu’on… parce que si y’a pas de
dialogue, on va traîner ça heu…Pareil. Faut absolument heu… ne pas attendre le lendemain,
faut qu’ce soit fait tout de suite… faut s’retrouver, reparler…

Interviewer : Donc justement, après l’intervention, vous vous retrouvez et puis heu…

Interviewé : Oui voilà. Après l’intervention, au niveau du S.A.M.U., autour d’un café, peu
importe, peu importe… Faut en parler. Donc on en reparle entre nous… éventuellement des
collègues s’a heu… s’accompagnent des marges parce que tout le monde le sait qu’un enfant
heu… Moi, de toute façon, tous les… tous les décès qu’y a eut des enfants, j’m’en souviens
comme si c’était hier alors que ça fait plus de trente ans que j’travaille. J’veux dire que…
autant des décès d’adulte, je n’m’en souviendrais p’t-être pas, à moins que ce soit un truc qui
m’aie vraiment marqué mais tous les enfants, tous les enfants, tous, c’est dans ma tête.

Interviewer : Oui… ça reste quand même gravé…

Interviewé : Ha c’est gravé oui… parce que souvent y’a p’t-être un transfert en tant que père
aussi que je fais aussi par rapport à un enfant qui décède… Y’a p’t-être aussi un transfert…

Interviewer : D’accord. Donc justement heu… pour surmonter ces situations-là, qu’est-ce que
vous faites ? Est-ce qu’il y a quelque chose ? Ou heu…

Interviewé : Moi j’pense que le dialogue dans l’équipe heu… peut suffir. Il faut savoir qu’ça
nous a marqué et… et… et ça restera marqué. On peut pas…

Interviewer : On peut pas effacer ?...

Interviewé : Faut pas ! Ça n’s’efface pas ! Moi je… moi… on peut pas effacer parce que
j’pense que l’côté transfert heu… en tant qu’père par exemple… on peut toujours penser
qu’ça s’rait notre enfant donc… donc c’est quelque chose qui reste… En revanche, cette
heu…c’est pas, c’est pas se déculpabiliser mais devant la mort d’un enfant, c’est pas normal
qu’un enfant meurt heu… donc côté technique, on n’aura rien à s’reprocher mais faut malgré
tout être sûr que tout a bien été fait et ça, ça peut être fait que si y’a un dialogue… Mais
heureusement, c’est des cas qui sont… qui sont rares mais quand ça s’passe heu…Y’en a
hein ! On intervient quand même… Un enfant, ça peut être heu… un arrêt spontané d’une
ventilation. Comme ça, l’matin, ils retrouvent l’enfant, ou après un biberon ou heu… ou une
chute, un trauma crânien, ça arrive aussi… Ou les choses spontanées qui s’font : un enfant
écrasé, bousculé… et ça, c’est pas facile…

Interviewer : Donc, qu’est-ce que vous ressentez à la mort d’un nourrisson ?

Interviewé : Un malaise profond… Un malaise profond, une injustice… J’trouve que c’est…
parce que là vraiment on est … on est impliqué à cent pour cent, c'est-à-dire qu’on a l’enfant
dans nos bras, on a… on a fait tout c’qu’il fallait… et puis… ça paraît, c’est pas normal
qu’enfant aussi jeune décède… et… on… on peut pas le supporter ce genre de choses… Non,
c’est pas… c’est pas… Donc ça vraiment, nous… nous on est marqués, on est énormément

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marqués. Y’en a qui sont très marqués par les enfants… Et même, on a beau avoir heu…
comme moi par exemple, une maturité, une expérience de longue date, heu…c’est… c’est
comme si, c’est comme si j’étais un jeune gamin, c’est pareil… Rien n’a changé : c’est pas
l’expérience, c’est pas tout ça qui aura changé les choses… La maîtrise… peut-être qu’au
niveau d’la maîtrise, au niveau de la technique ou autre, l’expérience permettra de mieux
gérer, c’est évident. Moi j’ai pas, j’pense pas avoir trop de soucis pour heu… pour gérer tout
cela, j’ai l’expérience. En ce qui concerne les émotions ou autres, elles seront les mêmes…

Interviewer : On reste humains…

Interviewé :… Oui…

Interviewer : Hé bien je vous remercie…

 Analyse :
 Catégorie 1 : Le ressenti de l’infirmier S.M.U.R. face à la mort
 Item 1 : Le relationnel entre la famille et l’infirmier du S.M.U.R. est très
important
 Item 2 : Le ressenti d’émotions fortes par l’infirmier du S.M.U.R
 Item 3 : La dissimulation des émotions et l’apparence d’être fort
 Commentaire : Face à la mort, l’infirmier du S.M.U.R. considère que le
relationnel a une part très importante pour accompagner la famille malgré
de fortes émotions ressenties et cachées pour donner l’apparence d’être
fort.
 Illustrations :
- « on va pas la montrer, c'est-à-dire que là devant la famille,
il faudra être fort aussi. »
- « c’est à nous d’maîtriser tout cela »
- « faut aussi savoir maîtriser tout ça »
- « tous les décès qu’y a eut des enfants, j’m’en souviens
comme si c’était hier alors que ça fait plus de trente ans que
j’travaille. »
- « c’est gravé »
- « tous les enfants, tous les enfants, tous, c’est dans ma tête »
- « Un malaise profond… Un malaise profond, une
injustice… »
- « on peut pas le supporter ce genre de choses »
- « on est marqués, on est énormément marqués »
- « ce côté relationnel a une grande importance »
- « ce côté relationnel avec les patients qui est indispensable »
- « on a beaucoup d’émotions, on retient nos émotions, on
essaye de s’sentir fort »

 Catégorie 2 : Le rôle de l’infirmier face à la mort en intervention du S.M.U.R.


 Item 1 : L’infirmier effectue d’abord des gestes techniques
 Item 2 : L’infirmier entame un relationnel très important avec la famille
dans un second temps

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 Item 3 : L’importance du débriefing suite à l’intervention
 Commentaires : Face à la mort en intervention du S.M.U.R., l’infirmier
effectue des gestes techniques dans un premier temps puis, dans un second
temps, débute un relationnel très important avec la famille et enfin, au
retour de l’intervention, réalise un débriefing avec ses collègues.
 Illustrations :
- «y’a un rôle heu… purement technique… »
- « tout c’qui concerne heu… les... les gestes d’urgence »
- « une prise en charge d’une part par rapport à son identité,
son passé, son adresse, heu… ses coutumes »
- « parce que le patient, faut lui expliquer aussi. Ça va
l’déstresser par rapport à tout c’qui s’est passé »
- « prendre le temps, faut savoir s’asseoir sur le lit, faut savoir
s’asseoir avec la famille sur le lit, enfin… essayer… de les
accompagner heu… tranquillement, de pas… accélérer les
choses, faut prendre le temps »
- « il faut absolument qu’on se retrouve, l’équipe, pour en
parler avec le médecin régulateur, faut qu’on en parle nous
aussi, faut qu’on… parce que si y’a pas de dialogue, on va
traîner ça heu…Pareil. Faut absolument heu… ne pas
attendre le lendemain, faut qu’ce soit fait tout de suite… faut
s’retrouver, reparler »
- « Faut en parler »
- « donc côté technique, on n’aura rien à s’reprocher mais faut
malgré tout être sûr que tout a bien été fait et ça, ça peut être
fait que si y’a un dialogue »

 Catégorie 3 : Prise en charge de la famille confrontée à la mort


 Item 1 : Sécuriser la famille et être franc
 Item 2 : Accompagner la famille à affronter la mort
 Commentaires : Face à la mort en intervention S.M.U.R., l’infirmier
tentera de sécuriser la famille et de ne pas cacher les évènements qui se
déroulent. Il s’agira donc d’accompagner cette famille dans cette épreuve
qu’est la mort d’un proche.
 Illustrations :
- « de lui expliquer et de le sécuriser »
- « On essaye de sécuriser, on essaye aussi de dire la vérité »
- « Faut savoir être franc »
- « j’ai été formé à cela, c’est heu… de pouvoir accompagner
heu… les familles à la mort de l’enfant, c'est-à-dire que la
famille, le papa et la maman doivent reprendre l’enfant dans
leurs bras, lui parler, il faut qu’ils fassent le deuil »
- « il faut absolument qu’les parents reprennent l’enfant dans
les bras, recaressent, lui reparlent »
- « il faut absolument qu’il y ait une démarche de la famille
vis-à-vis d’l’enfant… ou d’une famille vis-à-vis d’un père
ou d’une mère »

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- « On ne part que si vraiment heu… la famille se sent un peu
sécurisée »
- « il faut qu’il y ait un… une structure qui s’organise autour
de c’la et c’est nous qui devons heu… la mettre en place »
- « Si c’est pas fait heu... c’est... c’est pas bien et... et ça s’ra
très... très… ça s’ra dommage pour les parents parce que
j’pense qui sont… ils seront passés à côté de… d’une chose
primordiale »

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