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Chapitre 18 La transition démocratique (1975-1982) Dés le 17 novembre 1975, 'hebdomadaire dopposition Cambio 16 faisait sa une sur la « transition ». Si 'agonie du général Franco ne laissait que peu de doutes sur limminence de grands bouleversements dans le pays, les interroge. tions étaient nombreuses sur la nature, les modalités et la finalité du changement, Le 20 novembre, jour de la mort du dictateur, bien que quelques manifestations d'une joie libératrice se fussent emparées de certains foyers, dominait un senti- ment d'inquiétude : et aprés? La période de la transition 4 la démocratie s’étend de la mort du général Franco, le 20 novembre 1975, a la victoire des socialistes aux élections législa- tives doctobre 1982. Des débats sur ses bornes chronologiques ont néanmoins partagé les spécialistes. Certains, suivant une vision restrictive de la période comme transition institutionnelle entre deux régimes, estiment quielle ne commence qu’avec le démantélement des institutions du régime antérieur, initié par Adolfo Suarez a partir de été 1976, et se termine en décembre 1978 avec Tapprobation de la nouvelle Constitution qui consacre la naissance de nouvelles institutions démocratiques. Mais la transition dépasse ce simple aspect institu- tionnel, cest un processus historique politico-social de gestation, de construc tion et de consolidation du nouveau régime démocratique. A l'inverse, dautres considérent donc que la transition a commencé avant la mort de Franco, Yassassinat de !'amiral Carrero Blanco par ETA en décembre 1973 marquant le signal de la crise du régime, de la libéralisation politique et de la préparation de l'avenir post-franquiste. Néanmoins ne nous leurrons pas : le général Ea est mort dans son lit a ge de 83 ans des suites d'une Jongue maladie, ec! Cette disparition qui a ouvert la possibilité concréte d'un changement de tégi™ os de Bourbon était intronisé roi selon les va | La transition ion dg, “sique (1975-1982) Vv 243 « 23-F », le 23 février 1981, 1 victor} de 1982 cl6t symboliquement la transite TSE deg eal i s ire contemporaine de | aux éh —_ * TEspagne, celle de espa nouvelle ane ocratique, Les forces en présence 4 Franco Ala mort de Franco, les forces en présence ne yes tement bipolaire, franquistes / anti Fetes Prenaient pas la forme di dan schéma triangulaire, auistes, mais adoptaientplutée ae la mort du général Jes « immobilistes », la « vieille Ss contrdlai : institutic i : i a A pales institutions franquistes : les Cortes, le Mouvement national ae du royaume et surtout, 'armée. En faisaient partie la majorité des én ra avaient combattu aux cotés de Franco pendant la Guerre civile, les veut Politiques affiliées A fextréme ‘omés du joug et des fléches). Elle était néanmoins concurrencée par la puissante Confédération nationale des anciens combatants, créée en 1974 pour regrouper les différentes Hermandades ou confréries, sous l'égide de José Antonio Girén. de Velasco, qui disposait d'une arme de poids, le quotidien El Alcazar, qui faisait ‘office de journal officiel dans les casernes. Mais c'est Fuerza Nueva, le groupe ondé en 1966 par le charismatique Blas Piftar, qui allait devenir le parti domi- ant de lextréme droite espagnole pendant la transition. ; Au centre se situaient les « réformistes », issus de lélite du régime antérieur, 244 A Histoire de Espagne contemporaine de 1808 a nos jours — ou bien des cadres issus de administration franquiste, te, Ee aa Fear politique au sein du Mouvement national wane directeur de RTVE de 196981973. : A gauche enfin se situait !opposition dite « démocratique », antifranquiste héritiére des républicains vaincus en 1939 qui tentaient de survivre Sous le franquisme, clandestinement ou en exil. Elle-méme était divisée entre qs nombreuses tendances, dont on peut dégager quatre principales. Les Socia- listes tout d'abord, oit dominait le PSOE, dirigé par le jeune Felipe Gongale, depuis qu'au Congres de Suresnes en 1974, les socialistes dits de « Tintérieur, avaient renversé la direction « historique » du parti, située en exil en France, et infléchi sa ligne idéologique vers l'acceptation d’un pluralisme plus en accord avec les aspirations des nouvelles classes moyennes. Parmi les socialistes un autre parti, plus modéré, concurrencait le PSOE : le PSP, Pati socialiste popu, laire, dirigé par le professeur de droit Enrique Tierno Galvén, futur maire de Madrid. Venaient ensuite les communistes du PCE, les plus actifs dans la lutte contre le franquisme, dont le leader historique était toujours Santiago Carrillo et qui étaient épaulés par les puissantes Commissions ouvriéres, Lextréme gauche était pour sa part composée d'une multitude de groupuscules marxistes nés & la fin des années 1960 et au début des années 1970 pour mener la lutte armée contre le franquisme. Certains activistes avaient fait parler deux a la fin du franquisme comme ceux du FRAP, Front révolutionnaire antifasciste patriotique, dont trois militants avaient été exécutés en septembre 1975, Les anarchistes en revanche avaient été anéantis aprés la Guerre et les tentatives successives pour relever la CNT échoueérent. Enfin, les forces nationalistes, qui revendiquaient lautonomie voire lindépendance de leur région, étaient en pleine expansion. En Catalogne, la CDC, Convergéncia Democratica de Catalunya laissa place 4 CiU, Convergencia i Unié, dirigée par Jordi Pujol. Au Pays basque, les modérés du Parti nationaliste basque (PNY) coexistaient avec les radicaux indépendantistes de ETA. Cette opposition multiple cherchait & s'unifier aux débuts de la transition, donnant lieu & deux organisations unitaires autour des deux mouvances domi- nantes, les communistes et les socialistes. La Junte démocratique d’'Espagne fut créée en juillet 1974 autour des premiers, suivie de la Plateforme de la Convergence démocratique en juin 1! en mars 1976 dans la Coordination cours devant les Cortes témoj prometait détre fidéle & Parmé, eens Sil © et au souveni, weme Prudence; di arait re le « roi de tous les Espagnols yc général Francs, fe neee et la « participation de tous » cette nouvelle, a ter la « cone nara il ap nae » ede Thistolee de Espagne », Les temps de l’incertitude pimmobilisme (novembre 1975-juillet 1976) Cest pourquoi le roi renouvela Ca, e vernement. Si quelques gece Navatro A son poste de chef du Ioiadoptée en mai 1976 qui libéralisa le droit de ven ne & bien, comme la second gouvernement Arias fut celui de immobile niet oe Manifestation, le ché dans la défense de la mémoire du général, gone ate: Celui-ct, retran- _tisation, son projet politique se réduisant & une proudo dann eoue cemocra- rvait 'essence du régime antérieur, Ains{ o-démocratie limitée qui litiques, & travers la loi sur les associations poli eee échec : sila loi fut finalement approuvée par 4 aléloquence de Suarez, alors ministre cation fut trés limitée car elle excluait de fait anarchiste et nationaliste. Les mois qui suivirent la mort de Franco furent également ceux d'une forte conflictualité sociale et politique, qui laissa planer une lourde incertitude sur Tavenir du pays. D'un c6té, l'extréme droite se mobilisa pour empécher toute yelléité de réforme : les actes de violence commis par les activistes de la Phalange ou de Fuerza Nueva furent nombreux, attentats contre les locaux des partis ou syndicats de l'opposition ou contre les librairies progressistes, agressions de mili- ‘de gauche, gestes d'intimidation comme lirruption brutale et fréquente de agitateurs en uniforme de la Phalange dans des lieux publics, obligeant présentes & faire le salut fasciste, & crier Viva Franco! et & chanter les usines et de “chaud » de 1976. Les conflits du comme la métallur; lurgie et lindustrie Ee ‘A Mad 246 A Histoire de Espagne contemporaine de 1808 a nos jours particuli@rement tendu se solda en une tragédie. Ce jour-la la dlvacue des millers ouvrersréunis dans ne lise pour une sees rale tira. ballesréelles et provoqua la mort de 5 ouvtiers. Le devil ee BEN dimension nationale et la foule rassembiée a Yenterrement frappa tt the plus que jamais le changement apparaissait comme nécessaire. “SPrits Durant ces mois de tension et d’incertitude, le roi ne resta pas inactif. ne sit a placer ses hommes a des postes clefs, en particulier Torcuato Ponees Miranda, son ancien précepteur et conseiller le plus intime, du es Cortes et du Conseil du royaume. Juan Carlos sefforca par ailleurs dagen la légitimité populaire en voyageant dans le pays, notamment en Catalogne en février 1976 oi il s'adressa au peuple en catalan, provoquant Tenthousiasme da le foul. I rechercha également le soutien de la communauté internat © Particulier des Etats-Unis. Il sy rendit en mai et juin 1976 et, dans un discos devant le Congres et le Sénat réunis pour loccasion, se pronona sane détoures fayeur de la démocratie parlementaire. II s'agit dés lors de se détuire Arias, dont il se démarqua progressivement et qu'il qualifia de « désastre sans Palliatif » dang une interview accordée au journal américain Newsweek, Juan Carlos obtint enfin sa démission ala fin du mois de juin 1976, La réorme Pouvait commencer. Adolfo Suarez ou l’essor de la réforme (1976-1977) Lanomination d’Adolfo Sudrez fut une surprise pour tous, Suarez était peu connu, Jeune, sans appartenance partisane claire et ne semblait pas avoir lenvergure Pour le poste. Pour lopposition démocratique, il était homme du Mouvement national, un phalangiste sans scrupule et en rien réformiste : « Quelle erreut, quelle immense erreur! » titrait un chroniqueur d’E/ Pais, le journal créé en mai 1976 pour soutenir la réforme démocratique, Pourtant, Sudrez mit toute son énergie dans la réforme et s'avéra étre l'homme de la transition, L’Espagne i sa mort en mars 2014, en dépit de sa disparition précoce dans les années 1990, il fut célébré comme un héros par “A transit ion démocratique (1975-1982) v 247 fatur soient le résultat dj eee soniptemidnadte Sr volonté de ta m: déoret du 30 juillet prononcait Tamnistie nen dont 300 environ purent quitter le gs de Carabanchel & Madrid o - ymouvantes scénes de retrouyai “ Barcelone furs eeale avait permis a des cettines deneoues velibrehiaye ae oe piers de droit commun dlétre libérés, mais {| nt U8 nombre de beson Jes barreaux. Si bien qu’au cours de année 1976, et ener beaucoup sous revendication populaire fortement mobilisatrice gene “tat devene une du nouveau gouvernement, elle représentait aussie ee Hetormiste ciliation nationale. © premier pas vers la récon- Sle projet politique de Juan Carlos et de son is clair, savoir forger une démocrati : Bes eon delPiropetrestatt Ades Sur le modéle des monar- choisie résulta d'un compromis entre les forces en eat yee een pouvoir suffisant pour siimposer aux autres: ce fut la « éferme patée une «rupture pactée », voie intermédiaire entre la réforme limitée voulue par héritiers du régime antérieur et la rupture radicale souhaitée par ronpastivi Les négociations, menées par le gouvernement, se déroulérent en dewx temps. Il gagit tout d'abord de convaincre la vieille garde de la nécessité d’une réforme et de impossible survie d'un franquisme sans Franco. Aprds des tractations diffi Giles, les Cortes adoptérent en novembre 1976 la Loi pour la réforme politique (LRP), dans un acte connu comme le « hara-kiti » des Cortes : celles-ci approu- yerent leur propre dissolution par 435 voix pour, 59 contre, 13 abstentions et ajorité des Es fe agnols ». nistie partielle der natee SYMbolique : le 5 Gedles fava’ 1° Prisomniers politiques, tt Modelo» wen atistes ~ les sorties des pris. gouvernement semblait désor- 531 absents. La LRP signa la fin du régime franquiste : elle convoquait des élec- tions pour élire au suffrage universel un parlement bicaméral qui serait chargé délaborer une nouvelle Constitution. La loi fut ensuite massivement approuvée par référendum le 15 décembre 1976 (94% de oui pour une forte participation de plus de 77%), malgré la position ambivalente de opposition démocratique. En effet d'un cété celle-ci ne pouvait aller Yencontre d'un projet qui constituait de {fait le premier pas vers un démantélement du régime antérieur, de l'autre elle ne i i i (elle pronait pouvait soutenir un projet qui ne proposait pas la rupture franche qu P depuis des années. wile ft donc une molle campagne pour abstention, bien pale i e gouvernementale. Bedi st stn cnr ne amd tie fois entre le gouvernement et Yopposition démocratique ois ‘Commission de négociation » plus "du fait des neuf leaders de la 248 A Histoire de Espagne contemporaine de 1808 a nos jours en construction. De fait, si le PSOE put tenir publiquement 4 Madtig XXVIII Congras en décembre 1976, pour la premiére fois depuis la Guy Santiago Carrillo, présent clandestinement sur le territoire péninsulaire esa le début de lannée, était arrété par la police fin décembre, incaroéyé, avant dae’ relaché une semaine plus tard sous la pression Populaire et internationale, Parti communiste ne fut légalisé que quelques mois plus tard, en avril 1977 échange de sa renonciation & la République et de son acceptation dela rnc chie : le drapeau sang et or flotta alors aux cotés du drapeau Touge orné de ja faucille et du marteau. Suarez parvint a désamorcer la crise annoncée en off. cialisant la légalisation du Parti le samedi de la Semaine sainte, quand toute TEspagne était en vacances. Les réactions de Protestation furent limitées 4 des manifestations verbales dans les milieux ultras et militaires — un communiqué du Conseil supérieur de larmée exprima son désaveu profond et Tamiral Pita da Veiga démissionna de son portefeuille de la Marine - mais troupes et officiers absorbérent l’événement avec discipline. Parallélement, durant le premier semestre de 1977, le pays connut une éman- cipation progressive des libertés : la liberté de sexprimer librement, la censure se faisant moins oppressante; la liberté de manifester et de se réunir en toute Legalité; la liberté de se syndiquer depuis qu’au printemps 1977 le Syndicat vert. cal avait été démantelé et les syndicats clandestins progressivement légalisés; Ja liberté de faire de la Politique puisque, suite a la légalisation du PCE, tous les partis avaient obtenu leurs statuts officiels — A lexception notoire des partis deextréme gauche et des mouvements ouvertement républicains, Les institutions franquistes les plus emblématiques furent démantelées : le Mouvement national, son, mais aussi le Tribunal de ordre public (le TOP) chargé de juger les délits pol. tiques et la Brigade politico-sociale, police politique du régime. LEspagne connut alors une véritable éclosion sociale et politique: les Partis politiques poussaient comme des petits pains (on compte pas moins de 200 partis créés entre 1976 et 1977, dans une profusion de sigles qui en deve- nait inintelligible), les réunions et les manifestations s multipliaient et se dérou- laient de plus en plus sereinement pendant que les particularismes régionaux La transitio, ” démocratique (1975-1982) ¥ 249 En outre, la période fut marquée sées par trois groupes protestataires Princiy ne lech: a PaUx : Next ieatin cours fidvioa Weteunréni lution; et les stOUpes national Ter, 4en modifier le Tindépe leur région—'ETA en téte ane nalistes qui souhaitaient ur Tautodétermination et Vindépendance de mera" © MPAIAC, Mouvement Par d “ Rombreuses actions violentes réali- mee 4 contre le licier faisait preuve d'une complicité Pattie ef Jaction déstabilisatrice des groupes ultras dont li = , mpunité étai En janvier 1977, lors de ladite « semaine noire ewe cee , yiolences dans la capitale poussa méme |e Pays au bord de la oe © €sident du Conseil d’Etat, Antonio Maria risme. Tandis que Yappareil Parfois, active, a légard de de lordre ou les personnalités du régime antérieur. Le 23 cree ant était ensuite tae) par des extrémistes de droite pea ee de Cristo Rey, lors dune manifestation en faveur de lamnistie. Le lendemain, le lieutenant général Emilio Villaescusa, président duu Conseil supréme de la justice militaire, ex-chef d’Etat-major central, fut a son tour enlevé par les GRAPO et rejoignit Oriol en captivité. Une jeune fille décéda par ailleurs des suites d'une blessure a la téte causée par un fumigéne lancé par les forces de Yordre dans une manifestation de protestation contre la mort de I’étudiant tué la veille. Et le méme soir, le « massacre d’Atocha » se solda par la mort de cing personnes: un commando de trois individus liés 4 lextréme droite, armés de mitraillettes, fit irruption dans un cabinet d’avocats du travail proches du Parti communiste et tira de sang-froid, 4 bout portant, sur la dizaine d’avocats présents. Le choc fut immense : le 26, une journée de protestation fut convoquée par les syndicats de opposition & laquelle répondit un demi-million de travailleurs, sous la forme de gréves partielles, tandis qu'une manifestation silencieuse et pacifique, convo- 250 A Histoire de l’Espagne contemporaine de 1808 a nos jours peur des extrémistes, peur enfin d’une répétition de la tragédie de 1936. Néanmoins ces menaces, bien réelles, nlempécherent pas la réforme dah, Le 15 juin 1977, conformément au calendrier prévu par la LRP, se dé les premiéres élections législatives libres depuis celles de février 1936, pat 200 partis politiques se présentérent, dans une atmosphere deuphorie, se 34% des voix, le grand vainqueur fut !'UCD, ! Union du centre démoers le parti de Sudrez créé ex nihilo pour les besoins de Yélection, coalition hétéro.. clite de centre-droit qui rassemblait les partisans de la réforme gouvernem, tale. Le PSOE le talonnait avec 29% des suffrages exprimés, confirmant af son statut de grand parti de opposition. Suivaient le PCE, avec 9% des Voix, et TAlliance populaire (AP), le parti de droite mené par Manuel Fraga, avee 840 suffrages. Ces deux partis furent les grands décus des élections : d'un cdtéle Pan communiste, qui était le parti antifranquiste par antonomase et possédait une importante capacité de mobilisation, espérait concurrencer le PSOE; de Vautre le maigre score de I'AP témoignait de la faible résistance des secteurs Nostalgiques du régime antérieur. Ce furent donc les groupes les plus modérés qui triom- phérent, lextréme droite comme lextréme gauche étant totalement discréditées (elles n'obtinrent aucun député). Enfin, les partis nationalistes confirmérent quil fallait désormais compter sur eux au niveau national ; CiU obtint 6% des voix et le PNV 5%, ce qui représentait plusieurs députés au Parlement. Par ces élections libres et compétitives, les dirigeants avaient démontré au monde leur yolonté de démocratiser le pays. Don Juan de Bourbon avait bien compris quand, le 14 mai 1977, il avait solennellement renoncé a ses droits dynastiques en faveur de son fils, Juan Carlos, dont les capacités & conduire le changement ne faisaient désormais aucun doute. Et c'est aprés les élections que lEspagne, pleine despoir, renouvela sa demande d’adhésion a la Communauté européenne. Le 13 juillet 1977 le nouveau parlement constituant se réunit pours Ppremiére session ; le travail de rédaction de la Constitution pouvait commence 1939, Outi, la transitio " démocratique (1975-1982) ¥ 251 de 40 ans aprés la fin officielle des hosti . Ee pactedoubli de a transition, Tammie een ae Pour étre & Lorigine condition eee ‘aboration sereine de Yavenir : les ie Percue comme la solontairement _ oe de cdté les crimes du paseé ee déciderent alors ble favenir démocratique. A partir de i commen ne oevoH construire phistoire de I'Espagne et le parlement Pouvait commencer une nouvelle étape de Le second est la signature des Pactes de la Moncloa, ar travail constituant, Je gouvernement et les partis de Yopposition parlem nile psa 1977, entre pases de la politique économique des futurs gouvernements (co cord posa les monétaire, bancaire, éducative, sociales etc.) et chercha ar oe caak fiscale, jes lourds problémes économiques qui se posaient, puisque la tran: ie ‘urgence sitavec un cycle de grave crise économique (hauss ion coincid- choc de 1973, inflation générale, essor du chomag on prix du pétrole depuis le Crwures de restriction, comme le gel des salaires en ae peep ae séforme politique. Enclins au consensus, ils acceptérent de mettre entre ed theses les conflits économiques et sociaux le temps de forger le nouveau cadre olitique et institutionnel. Enfin, il fallut rapidement donner satisfaction aux fortes aspirations autono- mistes des régions. La pression populaire était croissante; le terrorisme de ETA ne faiblissait pas, bien au contraire, et lon était alors convaincu que loctroi de Jautonomie mettrait fin a la violence; enfin 'UCD avait besoin du soutien des députés nationalistes basques et catalans pour obtenir la majorité absolue au parlement. En septembre 1977, le gouvernement rétablit symboliquement la Généralité catalane, ce gouvernement autonome restauré en 1931 par la Seconde République, avec a sa téte Josep Taradellas, le dernier Président de la Généralité enexil, qui fut accueilli triomphalement a Barcelone. En janvier 1978, fut créé le Conseil général basque, organe pré-autonomique, sans aucun pouvoir législatif niexécutif, mais chargé de préparer le futur statut dautonomie du Pays basque, Dés lors, le parlement put se consacrer ala pe du ey seed %y si Une commission parlementaire spécifique fut cré eaecs (cae se Ee des diverses tendances politiques au parlems sae TUCD, puis un groupe parlementaire : PSOE, AP, PCE et CIU, le PNV rejelant Riise) appela ares de la Constitution». Le travail de la ' Loe oe dut faire des concessions accor- _ Commission fut long et complexe, aoa att que débattues sur lesbancs de deanna ; as réuni en séance pléniére le : ¢ 14 abstentions). IL 252 A Histoire de Espagne contemporaine de 1808 Anos jours phase de la transition proprement dite et commence celle de la conso}j, ? : , _ nso] ic la démocratie: si les institutions étaient désormais formellemen: dered étaient encore & mettre en place dans fordre juridique, administratifer pc jeu politique devait sajuster a Yexercice quotidien de la démocratie erie ee ités ainsi que les comportements devaient sadapter au nouveau cadre struc La Constitution de 1978 Le texte constitutionnel comprend 11 titres et 169 articles. II débute Parun brer préambule de présentation de ses principes fondateurs (Ia démocratie, Pe de droit, le respect des droits de l'homme et des libertés, un ordre économique et social juste), développés dans le titre préliminaire qui énonce ls principe fondamentaux de I’Etat, de la nation espagnole, de ses structures Politiques, Economiques, sociales et territoriales. Le titre | décline les droits et libertés dy, citoyen, qui témoignent de la volonté progressiste des constituants - la peine de mort par exemple est abolie. Les titres I &VI deéfinissent les différents pou- voirs - la Couronne, le législatif, Vexécutif et lejudiciaire. Espagne devient une monarchie parlementaire dans laquelle le roi apparait comme un arbitre sans responsabilité politique concréte, tout en restant le chef des armées, La démo. cratie repose sur un parlement bicaméral (Congrés des Députés et Sénat) éluau suffrage universel, d’oU est issu l’exécutif. Le texte constitutionnel propose éa- lement un cadre de développement de l'économie sociale de marché (tre Vil), ainsi que d’une nouvelle structure territoriale, |’Etat des autonomies (titre Vill). Ce dernier titre est un fidéle reflet des ambivalences de la Constitution de 1978. Celle-ci est une constitution de consensus qui résulte de compromis successifs donnant lieu a des formulations parfois ambigués qui laissent certaines ques: tions en suspens, comme le droit a l’avortement, la place de l’Eglise catholique (dont le réle prépondérant est suggéré alors que I'Etat est défini comme non fessionnel) re territoriale de I’Etat. Si le droit a l'autonomie des inu, dans le cadre de l'unité indivisible de la yriale, la configuration finale . II stagit en ce — ston démocratique (1975-1982) ¥ 253 apa ies tendances peor islature de la démocrati la composi: suivit c en juin 1977: 'UCD ene 7 = avec 35% des woix et 168 députés, suit du Pos estait le parti majori- pl députés, tandis que le PCE améliora avec BOS des et ‘son ¢é 3 Tinverse de I'AP qui paya son rejet du tent eet des voix et 23 dépu- Constitutionnel, avec seule- ment 6% des suffrages et 9 députés. Cit et le Py is 2 Set 7 dépatés, pendant que lextréme droite fairy corent Fespectivement Parmi les questions laissées en suspens par la Constitution, celle de VEgli catholique fat résolue sans remous par des accords signés dis le mole ates 1979 avec le Vatican afin de mettre le Concordat de 1953 en conformité avec le nouveau cadre juridique. L’Eglise conservait nombre de priviléges économiques ~ une dotation annuelle versée par I'Etat tandis que ses biens fonciers restaient exemptés dimpots — et culturels, en particulier a l'égard de lenseignement reli- gieux protégé et subventionné. Ces accords restreignaient donc grandement le caractére laic de |'Etat, garanti a priori par la Constitution. Au niveau régional, la mise en place de I'Etat des autonomies s‘avéra autre- ment plus complexe et délicate. Suivant le titre VIII de la Constitution, il existait deux voies pour que les provinces accédent a l'autonomie. La voie rapide, selon article 151, était pensée pour les « nationalités historiques », cest-d-dire le Pays basque, la Catalogne et la Galice, qui avaient déja bénéficié d’un statut dautonomie sous la Seconde République. La voie lente, selon article 143, était -destinée aux autres régions, avec 4 la clef un degré d’autonomie inférieur a celui des « i 254 & Histoire de "Espagne contemporaine de 1808 anos jours nnel, bien que tasuna, |e a Ou président, Carlog e officielle, ay méme la Galice fut adopté en décembre 1980, Une fois le sort des trois « nationalités historiques » scellé, le gouverne ‘ment tenta d'imposer une rationalisation du processus dautonomisation par le biais de la voie dite « lente ». Mais il se heurta 4 !Andalousie, qui souhaitait s‘aligner sup les modéles basque et catalan et obtenir autant d’autonomie. Laffaire se solda par un référendum en janvier 1980, formulé de telle sorte que le gouvernement appe- lait paradoxalement a abstention. Le résultat fut un échec cinglant pour Sudrez; 887% les Andalous choisissent la voie « rapide » et le nouveau statut dautonomie fut approuvé par un nouveau référendum en octobre 1981, Les élections région- ales de mai 1982 donnérent une victoire écrasante au PSOE tandis que 'UCD fut Jaminée (elle nobtint que 15 siéges de députés contre 66 au Parti socialiste), Cette difficile institutionnalisation de I'Etat des autonomies, ainsi que la poli- tique vacillante du gouvernement en la matiére contribuérent a la crise globale dont souffrit 'Espagne entre 1979 et 1981 et qui menaca la légitimité de la jeune démocratie. Le « désenchantement » désigne la désillusion qui suivit les attentes engen- drées par la mort de Franco, une certaine apathie civico-sociale ayant remplacé ise, comme si les Espagnols décou- e la démocratie ne résolvait pas cela . Une enquéte de 1980 affirme que pour : la mort de Franco les choses sétaient ‘contre 18% mieux et 26% plus ou ae me or Medterrante Carte 14 1979, 40% aux municipales, 71% au référendum galicien de décembre 1980), témoignant de la lassitude d’accourir aux urnes et d'un désintérét croissant pour lapolitique, Apres le boom des années 1977-1978; le taux daffiliation syndicale retomba & l'un des niveaux les plus bas d'Europe (34% en 1980) pendant que i sérodaient @ leur tour. Néanmoins Ja population se “manifestations de masse convoguées & Drapes des VY 255 256 A Histoire de Espagne contemporaine de 1808 & nos jours LUCD, parti hybride né de la nécessité de présenter une coalitio solide autour de Suarez en juin 1977 et qui regroupa alors dans une opti Centre et de gouvernement des tendances diverses voireantagoniques joa” des secteurs phalangistes et réformistes de lancien régime que de Toppan monarchiste conservatrice, libérale, démocrate-chrétienne ou méme a démocrate, était en proie A une crise aigué. Un courant critique se develope en son sein, qui teprochait & Suarez sa conception personnelle du pouvei, ie mépris pour la vie parlementaire et sa passivité face a leffritement du soutien populaire. Pour y faire face Suarez créa en mars 1980 une « commission perms nente » qui regroupait les « barons » du parti, c’est-a-dire les leaders des diverses familles qui composaient l'UCD, exclus du gouvernement. Cette commission mena la critique interne et entraina le remaniement de septembre, aprés une réunion dite de la « casa de la Pradera » ott le leadership de Suérer fut dure. ment remis en cause par ses pairs. Le souffle rénovateur envahit le parlement, en octobre Miguel Herrero de Mifién, représentant la tendance droitiste du parti, fut élu président du groupe parlementaire centriste. Par ailleurs, le débat parlementaire occasionné en mai 1980 par la motion de censure déposée par le PSOE affaiblit encore le chef du gouvernement et conforta la stature de Felipe Gonzalez qui, de leader de Yopposition devint un potentiel chef de gouverne- ment. A partir de l’été 1980, le PSOE passa devant 'UCD dans les sondages ject U ‘i ie dt fe ffensive terroriste qui béné- En outre, l’Espagne était la proie d’une forte offensi ficiait d'un écho amplifié dans ce contexte délétére. es années 1979 et 1980 furent des années records en termes d/attentats et d’assassinats a nett tion politique. Les GRAPO assassinérent plus de 30 personnes en a aan etre décapités par la police, la violence étant ds lors polarisée parle cont basque. L’'ETA atteint le pic mortifére de son histoire en 1980, eat ae 100 personnes tuées, dans des attentats de plus en plus spectacul coe Bataillon basque espagnol (BVE), spécialis¢ dans le cents ea aa fut lui aussi au sommet de son activité meurtriére en 1980 (plus de ati qui aiguisa la tension au Pays basque. Or He is en premier lieu les forces de lordre (polit irmée, encore nostalgique du ae eae Tune des principales victimes sedan t ale de la nation espagn Forces titution avait assignée aux gu envait re lectorae eaique (1975-1982) W 25% gue au-dela des casernes, nourrie veconomique et sociale, le désencha cf voir, l'inefficacité gouvernement Pegna a présenter sa démission au Par la tension terroriste croissante, la intement politique, le marasme du parti tale. Accablé de cri itiques, Adolfo Sudrez toi le 29 janvier 198 Du 23-F a V’alternance socialiste (1981-1 982) ier, le parlement s‘apprétait & voter linvestiture du Successeur de Bi saeoplda Calvo-Sotelo, quand des gardes civils firent irruption dans Thémicycle du Congres des députés, sous Végide du lieutenant-colonel Tejero, align dans lopération Galaxie de 1978. Brandissant son pistolet-mitrail- ce ais tira quelques rafales en l’air et ordonna a tous de se jeter au ae is senisGiebouls défianblattiques santiagh Garis) Adolfo Suarez et Sp jesastigénéral Gutiérrez Mellado, ministre de a Defonse qui exhortait, en I erea fobéisstnice dueiizon rang, Les gatdes cvs affimantagiratsnom ct it en otage les parlementaires ainsi que le gouvernement pr me ee rat ittendant Varrivée du général Alfonso Armada, un procl a Bence a dre les rénes de la situation, Parallélement, le MR ee accra yenéralideilatidsion deivalen@statealee’ ati lccsas ct piodara' leak durgencelet Ica tre teu Pending i sarc seoer detec ctaheenfeana tO Taxmée, en partic eet : i multiplia les appels t ines généraux des autres provinces, le roi mt ai aan Gee ——— 7 cate ces mémes officiers de lui a coe Fi Danan = element mle de lm posbanie del décnvationep iGo Ce Ja Constitution e dans lequel, Bea sa loyauté inébranlable ae %e ue fat putschistes, itsch se éfendve la lépstimite Meee enero ceetid ‘it a Il échoua aussi faute de so Rati ation du monarque. + si Armada espérait apparaitre cor fi sur les objectifs & i et doveni le chef autoriaize ‘un ¢ vouloir it crize! pays, Tejero sobstinait 24 février, 17 heures aprés avoir 258 A Histoire de I'Espagne contemporaine de 1808 A nos jours du « désenchantement ». Les Espagnols, désormais conscients du prix ql démocratie, émoignaient par leur mobilisation tre préts & la déhrn te serait-ce qu'une fois le danger passé. me Leopoldo Calvo-Sotelo fut finalement investi le 25 février, de la tendance catholique du régime antérieur, titulaire de ministériels dans les gouvernements Suarez, baron de I'UC] Técart des factions, Calvo-Sotelo était apparu comme un c la succession de Suarez. Son mot diordre en ces temps post-23-F était la « normalisation », En premier lieu, il s'agissait de mettre au pas les militaires. Le procés des Protagonistes du 23. se déroula en deux étapes. Une trentaine dofficiers fut inculpée par la juridiction militaire, mais pas les gardes civils considérés comme de simples exécutants nj les participants a la supposée « trame civile », jamais élucidée. La sentence, qui tomba en juin 1982, parut si indulgente que le chef du gouvernement Iui-méme présenta un recours devant le Tribunal supréme, qui condamna en avtil 1983 Milans del Bosch, Tejero et Armada a trente ans de réclusion criminelle, Le dernier ‘mot était ainsi revenu au pouvoir civil, qui réaffirmait son ascendant sur larmée. Symboliquement Calvo-Sotelo forma le premier gouvernement dépourvu de mili taires depuis la Guerre civile. De plus, il initia le processus d’intégration del'Espagne ATOTAN qui, mené tambour battant, aboutit le 9 juin 1982. LEspagne devint le seizitme membre de 'Alliance Atlantique, malgré une farouche opposition de la gauche qui mena une campagne virulente contre le gouvernement, accusé d’avoir vendu a bas prix lindépendance nationale. Les forces armées entamérent alors un processus irréversible de professionnalisation, que méme les deux conspirations postérieures connues jusqu’a ce jour ne purent entamer. La premiere, prévue pour le 27 octobre 1982, veille des élections législatives, visait 4 empécher la victoire des socialistes. Déjouée 4 temps, elle se solda par des arrestations et sanctions mineu- res, le gouvernement sefforgant de ménager la susceptibilité des militaires et de limiter limpact public de Vaffaire en ces temps délicats d’élections et de proche passation de pouvoir. Quant a la seconde, elle planifiait de faire exploser la tribune officielle, avec Felipe Gonzalez mais aussi le roi, le jour de la féte des Forces armées, Je 2 juin 1985 & La Corogne. Le projet avorta et resta occulté pendant des années, Monarchiste Proche divers portefeilieg 'D ayant su Tester i a andidat Consensue| La transiti "on démocratique (1975-1982) ¥ 259 Une Pie juillet 1982 poe er mentate centriste,Sudrer lui-méme ae (cbs). wie irbiicelbetnealtrte oe iene Centre démocratique et soerctobre 1981 'UCD perdit la Galice au profit de von sg nes cinelantes ren mai 1982 elle fut reléguée en Andalousie ala troig pela aan psOE et — cn ‘oisiéme place derriére le ce A cette spirale, Calvo-Sotelo déci peers et de convoquer des cae Son 1962) deddissoudceile yg octobre ae ar historiques par bien des ase jonatteignit les 80%, record de l'histoire me fEurope depuis 1968, reléguant & un Seo Seen “iste des années précédentes. Ensuite, si les sondages annoneaient le victolne tn PSOE, ce fut un véritable un raz-de-marée: le Parti socialist obtint ols de $a%des voix et, avec 202 députés, acquit la majorité absolue au Congrés Enfin, | jepparti au pouvoir fut anéanti: !UCD recueillit moins de 7% des suffrages, soit 14 députés. LUCD, coalition hétéroclite au service de Suarez et de la transition, maura pas su entrer dans le jeu politique démocratique et fut dissoute année suivante, Le Parti communiste poursuivit sans surprise son déclin : avec moins de 5% des voix et seulement 4 sigges, il n'apparaissait plus comme une alterna- tive politique crédible. En 1986, il intégra la coalition de la Gauche unie (IU). Le grand parti d’opposition était désormais Alliance populaire, qui obtint 26% des Voix et 106 siéges de députés, grace a une coalition avec les chrétiens démocrates issus de l'UCD, réunis dans le Parti démocratique populaire (PDP). Ces élections, suivies de la nomination de Felipe Gonzalez a la téte de lexécutif fut investi le 1° décembre 1982 et préta serment le lendemain devant le toi ~ témoignérent de la consolidation du systéme démocratique. Lalternance politique ainsi que le bon déroulement de la passation de pouvoir étaient une ‘preuve de la solidité des institutions. De plus la victoire des socialistes avait de fortes résonances historiques : c’était aussi celle, au moins sur le plan symbol- ique, des héritiers des vaincus de la Guerre civile, exclus du pouvoir depuis plus de quarante ans. Elle scellait la réconciliation nationale, cloturait la longue péri- daffrontement entre les « deux Espagne » et inaugurait une nouvelle étape de Espagne, celle de la démocratie proprement dite. Les élections législatives du ects. Tout d'abord la partici- Chapitre 19 La décade socialiste (1982-1996) LA PERIODE DE GOUVERNEMENT SOCIALISTE sétend sur prés de quatorze ans, doctobre 1982 & mars 1996, le PSOE ayant gagné quatre convocations électora- es nationales successives, dont les trois premiéres & la majorité absolue. Cette longévité exceptionnelle en démocratie, inédite depuis, témoigne autant de la profonde aspiration rénovatrice de la société espagnole, ankylosée aprés 40 ans de franquisme, que de la popularité de Felipe Gonzalez, leader charismatique en symbiose avec son époque. La figure et la personnalité du chef du gouvernement sont si intimement liées a la période qu’on parle de « félipisme » pour la désigner. £n 1982, Felipe Gonzalez était un homme jeune (a peine 40 ans), moderne, qui vivait 4 la mode de son temps — les cheveux longs, il portait des pantalons pattes d'éléphant et rarement de cravate. Avocat de formation, il dirigeait le parti socialiste depuis huit ans et avait su s‘entourer d'un solide aréopage de fidéles, au premier rang desquels figurait Alfonso Guerra, ami sévillan de toujours, second du PSOE et du gouvernement aux postes de vice-secrétaire général et de vice- Président, Son leadership était tel qu’il ne fut pas sérieusement remis en cause au sein de son propre parti avant la déroute électorale de 1996. Idéologiquement, le PSOE avait renoncé dés son XXVIII° Congrés de 1979 au marxisme et a la lutte des classes et avait opté pourila social-démocratie: de la transition, Loin des discours révolutionnaires des débuts de la orientation prise 262 4 Histoire de FEspagne contemporaine de 1808 a nos jours et qui, associés a un retournement de la conjoncture économi: lui, associés que, conduisi la victoire de lopposition de droite en 1996 a 1982-1986 : consolider la démocratie et lutter contre la crise économique Pour entreprendre la rénovation du pays, le gouvernement socialiste put compter Sur une majorité confortable au Parlement ainsi que sur le soutien des collecti- vités locales, Les élections municipales et autonomiques qui suivirent les légis- latives confirmérent en effet la tendance nationale; le parti obtint 42% des voix dans les premiéres et la majorité dans 14 Communautés autonomes, Les socialistes avaient pour premiére ambition de consolider lerégime récem- ment instauré et d’élargir encore lespace démocratique. II sagissait tout dabord détendre les droits civils et sociaux des citoyens et de consolider les libertés indi- viduelles. Le droit de se réunir et de manifester fut conforté par une nouvelle loi en 1983. Lémancipation de la femme Passa par la loi sur l'interruption volo- ntaire de grossesse approuvée en 1985 malgré une virulente campagne menée | droite et l'Eglise catholique pour mae 4 la vie ». La loi restreignait ' droit a lavortement aux cas de viols, de i lus Pr La décade socialiste (1982-1996) ¥ 263 ge, fut assujettie au ministére de I'Intérieur dans exercice de ses fone- la main ‘a ‘tice enfin, n’échappa pas a la réforme. La loi organique sur le pouvoir fons.” ire de 1985 visa a moderniser un systéme judiciaire directement hérité enguisme et & neutraliser lidéologie conservatrice régnante. Ainsi les unbres du Conseil général du pouvoir judiciaire étaient désormais tous élus le Parlement. r " 7 = Le nouveau modéle dorganisation territoriale, t Etat des autonomies, fut rachevé malgré la sentence du Tribunal Constitutionnel d’aodt 1983 qui javalidait une partie de la LOAPA. Les derniers statuts d’autonomie furent ings en 1983, des élections régionales eurent iew pour la premiére fois dans a Communautés autonomes dites «de voie lente», non encore dotées d'un arlement, tandis que le transfert des compétences et des moyens financiers ie ftat vers les régions s'accomplit progressivement. L'Espagne passa ainsi en quelques années d'une configuration étatique centralisée & une structure parti fesplus décentralisées d'Europe, proche d'un Etat fédéral. Malgré ces avancées substantielles en faveur de lautonomie des régions, les nationalistes basques les plus radicaux ne renoncérent pas a leurs actions meur- triéres, Si les autres acteurs de la violence politique avaient abandonné le recours alaviolence aprés le 23-F et la victoire de la gauche, y compris la branche politico- militaire de "ETA qui avait rendu les armes en 1981, ETA militaire continua de tuer et de semer la terreur. Face & ce fléau qui menacait la stabilité dela démocra- tie, le gouvernement socialiste agit dans la continuité des politiques prises par ses prédécesseurs. Sous la pression de lopinion publique, fortement choquée par Jenlévement puis I'assassinat du capitaine Martin Barrios en octobre 1983, José Barrionuevo, ministre de I'Intérieur, fit adopter une loi antiterroriste qui, loin de revenir sur lempiétement des libertés publiques établi par les législations précé- dentes et qui avait été fortement critiqué par opposition démocratique pendant la transition, en approfondit et en élargit encore le champ d’application — ainsi la garde a vue et la mise au secret des interpellés pouvaient désormais se prolon- ger jusqu’a dix jours. Le caractére répressif de la loi fut d’ailleurs reconnu par le Tribunal constitutionnel qui, dans une sentence de 1987, invalida certaines de ses dispositions, décision qui conduisit alors les socialistes @ Yabroger dans sa 264 A Histoire de l’Espagne contemporaine de 1808 a nos jours investigations espagnoles. Entre 1983 et 1986, date de la disparition du groy 4 ils commirent des dizaines d’attentats et tuérent 27 personnes, nombre dentrg elles étant des civils sans aucun lien avec la nébuleuse nationaliste, Assassinég par erreur, Certes le gouvernement francais commenga & collaborer dans la lutte contre ETA a partir de 1984, date des premiéres expulsions du Nord vers le Suq des Pyrénées, et cette collaboration siintensifia en 1986 avec l'arrivée du gouyer. nement Chirac. Néanmoins, la « guerre sale » ne mit pas fin aux activités meyy. tridres de I'ETA, qui réalisa méme Iattentat le plus sanglant de son histoire en, 1987 quand, a Barcelone, explosion d'une voiture piégée dans un hypermarch¢ Hipercor tua 21 civils. Il fallut attendre 1988 pour que les soup¢ons autour des GAL rencontrent une réponse judiciaire, avec linculpation de deux officiers de police accusés d8tre impliqués dans Yenlévement de Segundo Marey en 1983, premier acte signé par les GAL. Ainsi paradoxalement les socialistes, en voulant défendre la démocratie contre le péril séparatiste, employérent des méthodes antidémocratiques et contraires & toutes les valeurs quis prétendaient défendre par ailleurs (droits de l'homme et libertés publiques). Parallélement aux efforts consacrés & la modernisation sociale et & la lutte contre le terrorisme, le gouvernement dut faire face a une crise économique sans précédent. Alors méme que la focalisation des gouvernements de la transition sur la réforme politique avait retardé la mise en oeuvre de mesures efficaces pour lutter contre la crise, le second choc pétrolier de 1979 avait encore aggravé les difficultés, Linflation galopante, la crise industrielle, 'augmentation du chomage, le creusement des déficits publics et de la dette extérieure minaient l'économie. Si la campagne électorale de 1982 avait été marquée par la promesse irréaliste de créer 800000 emplois, une fois au gouvernement les socialistes, confrontés A la dureté de la crise, menérent une politique de rigueur inspirée de la ligne définie par les Pactes de la Moncloa de 1977. Ce sont d’ailleurs deux technocrates modérés qui dirigérent la politique économique socialiste : Miguel Boyer, minis- tre de Economie et des Finances jusqu’en 1985, et Carlos Solchaga, ministre de Industrie et de I'Energie jusqu’en 1985 avant de remplacer Boyer & !'Economie jusqu’en 1993, “Il fallut d’'abord lutter contre l'inflation, ce mal endémique de l'économie p » qui dépassait les 24% en 1977. Une politique de modération salariale les s étant désindexés des prix, ce qui aboutit & une réduc- i on qui passa sous la barre des 10% en 1985, et se de 1987. Le prix 4 payer fut néanmoins t des salariés. I fallut ensuite relancet s publics, d'une part par In dévalu: d'une réforme fiscale, Pe La décade Socialiste (1982-1996) Y 265 erdsorber le déficit budgétaire qui se maintint a des nivea lieu des années 1990. . En outre la production industrielle, aux structures archaiques héritées du uisme, était urement atteinte, Le gouvernement langa un plan de restruc- jon de lappareil productif axé autour des secteurs de énergie le Plan énen ue national de 1983 visait 4 réduire la facture pétrolidre et diversifier les sees énergie ~ et de 'industrie ~ Ia loi de Reconversion industrielle de 1984, qHtataida les entreprises en difficulté A amorcer leur modernisation par une forte reduction des effectifs, accompagnée d'une aide la réinsertion des travailleurs et deplans de retraite anticipée, par une incitation a l'investissement technologique ainsi que par une réorientation de la spécialisation productive, Les secteurs les touchés, le charbon, la métallurgie, la sidérurgie, la construction navale et Je textile, affectaient les régions industrielles du nord de Espagne et les villes rtuaires ot de durs conflits opposaient parfois travailleurs et forces de Vordre, Ainsi les travailleurs de la construction navale connurent une chute drastique de leurs effectifs, passant de plus de 28000 en 1984.4 10000 en 1994, Le gouverne- ment socialiste s‘attaqua parallélement aux pesanteurs des entreprises publiques héritées de l'Institut national de l'industrie (INI) franquiste, II fallut néanmoins attendre 1995 pour qu'il renonce a tenter de sauver les entreprises déficitaires des secteurs évoqués plus haut et appelle le capital privé a venir massivement relayer Tentreprise publique. L'INI fut alors dissous et une loi facilita les privatisations, qui seront menées tambour battant par le gouvernement suivant. Le systéme bancaire, en crise aigué, fut lui aussi assaini et libéralisé. Un tel effort de restructuration n/a pu étre possible que grace au soutien des syndicats qui, conscients de la nécessité de faire face a la crise, maintinrent depuis les Pactes de la Moncloa un climat de dialogue et de concertation sociale favorable aux réformes. La flexibilisation du marché du travail s'imposait: un nouveau statut du travailleur, adopté en 1980, redéfinit ainsi le cadre des relations au travail pendant qu'une des premitres mesures du gouvernement socialiste fut, en décembre 1982, de décréter la semaine de 40 heures et 30 jours congés Payés, Mais les besoins de la ‘amenerent peu apres & facilit Procédures de licenciement ‘4 ux élevés. jusqu'au turati 266 A Histoire de I’Espagne contemporaine de 1808 A nos jours atlantique et s’étaient engagés, pendant la campagne électorale, 4 press référendum sur la question, Or en 1984, a la surprise générale, Gonzélernc* tn devant le Congrés la nécessité de rester dans le systéme de défense ect, Tentrée dans la Communauté européenne ~ alors en pleine négociation ¢*Mal, issant comme indissociable du maintien de 'Espagne dans !OTAN, Ce eb. Positionnement de Espagne sur la scéne internationale devint un enjey qa" tique intérieure, Le leader du PSOE dut convainere son patti, qui renonga P"° une ligne idéologique antiaméricaine maintenue de longue date, certains co les Jeunesses socialistes et I'UGT persistant dans leur refus. Le référen, ee finalement lieu le 12 mars 1986. Il requit le maintien dans FOTAN sous gt conditions: la non-intégration dans sa structure militaire, la non-ingste® darmes nucléaires sur le terrtoire et la réduction de la présence militaie américaine. Le oui lemporta de justesse, 52,5% des voix contre pris de doay faveur du non. oe Avec Ientrée officielle de Espagne dans la Communanté européenne g 1 janvier 1986, suivie en 1988 de entrée dans Union européenne occidentale TEspagne sortit de son isolement séculaire sur la scéne internationale et intégra pleinement le camp des nations occidentales. 1986-1993 : la prospérité Les socialistes conservérent la majorité absolue au Congres des députes jusquen 1993, méme si les résultats aux législatives de 1986 et de 1989 témoignent d'une lente érosion de la confiance qui leur était accordée — en 1986, les tensions consé- quentes au référendum sur 'OTAN leur firent perdre 1 million de voix; en 1989 Ja gréve générale du 14-D (14 décembre 1988) leur en cotta encore 800000, La popularité du leader du PSOE ainsi que l’absence d’une alternative politique de poids compensérent néanmoins l'usure du pouvoir. _En effet face au poids lourd socialiste, peinait a émerger un parti de droite, démocratique et rénoyé. Le centre-droit ne parvint pas a se structurer durable- n an éphémére succés en 1986 (19 députés, ce qui le plaga en troisiéme }), le Centre démocratique et social (CDS) d’Adolfo Suarez 1989 (14 députés) avant de séeffondrer aux élections retrait définitif de Suarez de la compétition jui regroupait en 1986 Alliance cD, Pe Yégide de Manuel Frag’ Acette Stagnation Fraga, on - leadership nation: ial et <- fen 2005, Anse lt ti se i ta décade socialiste (1982-1996) y 267 Jaissa également peu de marge de mani 7 Leader historique du Parti ‘communist, avait sehen es Saege coil giant de 1982 et en avril 1986, le PCE intégra lzquierda Taian leche nie, coalition hétéroclite qui regroupait les opposants au séferenye Gave AN et cecucilit & peine 5% des suffrages. Autour du Parti commarrs etsous la houlette de Gerardo Iglesias, la coalition se structura en véritable force litique aut cours des années suivantes et doubla pratiquement ses voix en 1989, gevenant la troisieme force nationale du parlement. " Enfin, les partis nationalistes restérent stables, a l'exception d’Herri Batasuna, ipbras politique de 'ETA, qui effectua une remarquable peroée parlementaire en 1986, obtenant 5 députés, au détriment du PNV. Le gouvernement socialite, conforté dans sa légitimité populaire, poursuivit igs réformes de modernisation sociale initiées lors de la législature précédente, Un effort remarquable fut fourni du cété de l'éducation, dont le budget connut ane hausse considérable de 10 milliards de pesetas en 1985 a 34 milliards en 1995, pour atteindre 4,8% du PIB, ce qui restait malgré tout encore inférieur & lamoyenne de OCDE (5,4%). Les réformes, qui touchérent tous les niveaux de Jenseignement, se prolongérent jusqu’en 1995. Une premiére loi organique en 1985 régula le droit 4 ’éducation : elle affirmait que lécole était gratuite et obliga- toire pour tous au niveau du primaire et réformait l'enseignement privé afin de Ialigner sur le systéme public, ce qui n'a pas manqué de provoquer, au nom dela liberté de lenseignement, une levée de boucliers parmi la droite catholique qui présenta méme, en vain, un recours auprés du Tribunal Constitutionnel. En 1990 la LOGSE, loi organique générale sur le systéme éducatif, étendit lenseignement obligatoire et gratuit jusqu’a 16 ans et encouragea la scolarisation des moins de 6 ans (en 1992, 97% des 4-5 ans et des 14-15 ans étaient scolarisés, contre 86 et 77% respectivement en 1982). Elle transféra également aux Communautés auto- nomes des compétences élargies en termes d’éducation. Enfin en 1995, la LOPEG, loi sur la participation, lévaluation et la gouver- nance des centres denseignement, favorisa la scolarisation des handicapés, promut la formation professionnelle dés le secondaire et renforga les modali- tés dévaluation et de contréle de Yenseignement. La modernisation toucha également lenseignement supérieur. En 1983, la loi sur la réforme universitaire renforca lautonomie des universités et en démocratisa les instances de gouver, . En dépit des efforts réalisé économique @ la fin des ae er meestcrinal connu pan PE Ptgng ne bénéficia pas du contexte éconc io ok realise I “rope des Glorieuses, qui avait permis de concevoir et réaliser le modele de Ve seen mca, Ce dernier resta notamment fragilisé par la hausse constante at rrpmage, extension de Tallocation due aux demandeurs dlemplot Pesan gc” ee, am evicse, [Espagne profita du retournement de la conjoney, Berk t entra dans une phase de croissance supérieure ala ™Moyenne euro. éenne, prés de 4% par an de 1986 8 1991, contre moins de 2% pour les grand économies européennes, ce différentiel temoignant du caractére de rattrapage de féconomie espagnole. Linvestissement public fut &Yorigine de gros chants laneés pour moderniser et multiplier les équipements sociaux et les infrastruc. tures de transport, routes, autoroutes, voies ferrées, aéroports. La Production industrielle se redressa,& limage de lindustrie automobile qui ne cessa de roe tre: le parc de voitures passa de 9 & 14 millions entre 1985 et 1992, et Espagne devint le troisieme producteur européen de véhicules de tourisme. Les Capitanx étrangers affluérent grace au maintien de taux d'intérét élevés. Ils contribuérent au rachat des entreprises espagnoles défaillantes et & leur restructuration plus guia la création de nouvelles entreprises. Lafflux de capitaux favorisa égale. ment la spéculation, a lorigine d’une nouvelle culture de Yenrichissement facile, «el pelotazo », et d’un nouveau groupe social, les « beautifil people ». Sila croissance, accompagnée de la relance de l'investissement public et privé, permit damorcer une réduction significative du chémage qui, de 21,7% de la Population active en 1985 redescendit & moins de 16% en 1991, ce taux restait parmiles plus élevés d'Europe (la moyenne de OCDE était alors de 6%), En outre, la politique économique libérale des gouvernements socialistes ne se traduisit Pas par une redistribution suffisante des bénéfices de Ja croissance. Apres les 8ros sacrifices consentis dans la période précédente, les salariés continuérent 4 voir baisser leur pouvoir d’achat alors que le pays était en pleine croissance. Les syndicats, qui avaient accepté les efforts exigés par le gouvernement en temps de crise, séloignérent alors de la ligne gouvernementale, y compris 'UGT, jusque-ld indéfectible du PSOE, qui se rapprocha des Commissions ouvridres pout paane ‘ d achat des salariés. vail, par le biais des « contrats- 14-D, le eens 1 La décade socialiste (1982-1 996) ¥ 269 ure neutralisant la créativité. Le ministére de la eT viait entre les mains de personnalités de Se [77 Ba Sa gs Jorge Sempriin de 1988 31991, érivain etintllectel ex de 198 8 Try avait été au premier plan de la lutte antifranquiste, Les ministres en a t faccés & la culture en instaurant la gratuité dans les musées publics Pr eles Espagnols: ils développérent un réseau de théatres, musées, auditoriums, Le de spectacle; ils légiférérent pour protéger le patrimoine national et enco- sls de Piberté et lindépendance des médias en prvatisant ceux qui apparte- raient & Etat, héritage du Mouvement national, et en autorisant la création de traines de télévision et de radio privées. année 1992 en particulier, est celle qui ermit a !Espagne de montrer ce nouveau visage aux yeux du monde. Cette année-la en effet coincidérent quatre événements culturels majeurs : les jeux Olympiques de Barcelone, YExposition universelle de Séville, Madrid capi- vepearopéenne de a culture, et le V" centenaire de la découverte de YAmérique. Les premiers offrirent une vitrine de la modernité de IEspagne et se soldérent var un succes inédit du sport espagnol, qui termina sixiéme du classement avec 32 médailles, dont 13 dor. Un tel résultat, conséquence d'un phénoméne récent de professionnalisation du sport, était un signe supplémentaire du décollage de IEspagne, capable désormais de rivaliser sur le terrain sportif avec les plus andes nations. Exposition universelle, avec sa centaine de pavillons nationaux et ses 18 millions de visiteurs en quelques mois, fut un franc succés. Elle généra dimportants investissements en termes d'infrastructures, le plus spectacu- laire étant la premiére ligne du train a grande vitesse (AVE) reliant Madrid a Séville, inangurée pour Yoccasion. Madrid s'affirma pour sa part comme capitale culturelle d’envergure mondiale avec la rénovation du musée dart moderne de la Reine Sophie et 'aménagement du musée Thyssen. Aprés les années dorées de la Movida, pendant lesquelles le « vieux professeur » Enrique Tierno Galvin, maire dela ville, avait favorisé le développement de centres et de productions culturels davant-garde, Madrid confirma sa vocation douverture sur Vart et la tion. Enfin, le V° centenaire de la découverte de Amérique, préparé nombreuses années, fut Yoccasion de promouvoir les nouvelles tales privilégiées et égalitaires que Espagne entendait entre latino-américaines, loin du paternalisme fran LEspagne revendiquait désormais a 270 & Histoire de Espagne contemporaine de 1808 4 nos jours dela Communauté européenne au premier sem, Se cence: anticipa a nouveau les Iégislatives pour le oe os 1993, Néanmoins, le climat n’était plus au beau fixe pour léquipe sociale Espagnols étaient las de Varrogance dun PD ee cen ui contr toutes les arcanes du pouvoir. Lappareil du PSOE avait en effet la maj mise sur la composition du gouvernement tout comme des listes électorales, sur ie travail Iégislatif et parlementaire et sur toutes les instances exécutives an niveas national. Noublions pas que Felipe Gonzalez était secrétaire général gy pet en méme temps que chef du gouvernement, de méme quAlfonso Guerra a vice-secrétaire général du parti et vice-président du gouvernement jusqy, i 1991, Lopposition politique était, on la vu, en mauvaise posture jusqu’ay dey, des années 1990, lopposition parlementaire était réduite au silence devant Técrasante majorité socialiste, les lois étaient toutes d'initiative gouvernemen. tale et la seule opposition de poids pendant cette décade fut représentée < les syndicats. Mais ce contrdle absolu se fissura a la fin de la troisiéme legis. lature quand commencerent & se multiplier les scandales pour corruption a mirent en cause des personnalités socialistes. C’est pourquoi les élections dg 1993 furent des plus incertaines. 1993-1996 : la « législature de la crispation » Pour la premiere fois depuis avénement de la démocratie en Espagne, la comps. tition électorale était telle qu'il était impossible de prédire lissue du scrutin, Pour la premiére fois également eurent lieu des face-d-face télévisés entre les leaders des deux principaux partis en lice, Felipe Gonzalez et José Maria Aznar. Ces caractéristiques motivérent la participation électorale qui atteignit les 76%. Le Parti populaire connut un essor spectaculaire puisque son parti recueillit 3 millions de voix supplémentaires, mais les 35% de voix et les 141 sieges de députés obtenus parurent bien maigres au regard de la victoire attendue. En effet Je PSOE, sil perdit la majorité absolue au Parlement, maintint sa part relative des suffrages (39%) et gagna méme 1 million dlecteurs par rapport & 1989. Mais le profil de son électorat avait changé : 'électorat urbain, jeune et éduqué, avait fait défection (comme Tayaient déja montré les élections municipales de 1991 aul avaient fait perdre au PSOE prés de la moitié des grandes villes, dont Séville et Valence) tandis que se renforca le soutien des classes populaires, ret -Turaux, femmes s ‘i ciale au foyer, chdmeurs, grace a la politique so ‘troisiéme Unie maintint son score et sa place de ent stables les partis nationalistes: s. Jordi Pujol obtint axe 1 La décade socialiste (1982-1996) ¥ 277 e d{affaiblissement politique, le gouvernement de Felipe Ps ee a des difficultés grandissantes : le retour de la crise dut faire s scandales de corruption qui visaient des splez tiplication de: eigee e MULUD ari socaiste et une nouvelle escalade teroriste qui jités PI Oe encore plus: jedi pusiewrs années Ap! incida avec un de forte croissance, la quatriéme et derniére législa- retour de la récession. Le retournement mondial e500 ce sconomique, consécutif a la guerre du Golfe de 1991, toucha jx conlonctor ot se transforma en veritable récession en 1993, avant qulune eee ee ee fasse sentir 8 partir de 1994, La crise fut bréve mais se agne fut plus durement affectée que ses voisins européens, ce it cs ceil fragilité de ses structures économiques et le caractére encore mit an jou" page de son économie, Sy adjoint une crise monétaire en incertain oe par les mesures imposées par le Traité de Maastricht, qui toucha tarope Gu aibles aux monnaies fortes, dont!'Espagne. La peseta futvictime suutles Po ives favorisées parla ibéralisaton totale des flux de capita, Enc st le gouvernement & des valuations en cascade entre septembre 1992 et mars 1995. a La récession eut pour principale conséquence une hausse spectaculaire du chomage, qui était descendu & moins de 16% de la population active en 1991 ane remonta dés année suivante pout atteindre le record historique de 24% 1994, soit le triple de la moyenne des pays de !OCDE (7,8%). Le nombre ¢e demandeurs d'emploi atteignit des chiffres inédits, le seuil des 3 millions de chomeurs étant franchi en 1993 — ce nest qu’en 1999 que ce chiffre rede- scendit sous la barre des 3 millions. Cet essor était lié des destructions nettes demplois dans le secteur industriel, comme dans le secteur automobile ott Seat licencia prés de $000 travailleurs pour la seule année 1993. S'accompagnant dune hausse du coat de Vallocation-chémage, il eut pour conséquence de creuser fortement les déficits publics. C’est pourquoi le gouvernement, peu apres avoir accepté une augmentation de cette indemnisation, imposa une nouvelle réduction de son montant et de sa durée en 1992, provoquant une ee grave générale le 28 mai. Face a I’intensité de la crise et a la pres- m de ses alliés catalanistes, le gouvernement adopta de nouvelles m ngolibérales sans concertation avec les syndicats, visant 4 f i du travail et a réduire les déficits p : now forent mis sur la table, pendat assouplies et Vallocation-chém 272 A Histoire de ’Espagne contemporaine de 1808 a nos jours ‘ , mettant en cause des entrepreneur: cos Fetes eon En 1992 surgit le scandale Tercorp reac - i undo, afaire de spéculation boursiére ph grande Schell a proaiaaa’ neur de la Banque d’Espagne, Manuel Rubio, et de la banque Ibercorp, En 199 et 1994 éclatérent deux autres scandales qui mettaient en cause Mario Co, président de la banque Banesto, destitué par le gouvernement, et un entrepre’ neur catalan proche de la Généralité, Javier de la Rosa, qui se révéla étre un escroc d'envergure. ; ; a Le second type daffaires de corruption touchait au bien public — fausses factures, trafics dinfluence, pots-de-vin & Toceasion de Vattribution de marche publics, financements occultes des partis. Elles eurent d’autant plus de reten. tissement qu’elles mettaient en cause des hommes politiques de premier plan, Le premier scandale concernait le frére du vice-président du gouvernement et du PSOE, Juan Guerra, accusé d'utiliser & son profit personnel un bureau off, ciel — et les services afférents — de l'administration centrale a Séville. Le PSOE, refusa la création d'une commission denquéte parlementaire, mais devant Yampleur des réactions indignées de opinion publique, Alfonso Guerra fut contraint de démissionner de son poste au gouvernement. Juan Guerra ne fut finalement condamné qu’ régler une forte amende pour fraude fiscale. En 1992 éclatait 'affaire Filesa, révélée par El Mundo: trois entreprises fictives étaient accusées de recueillir abusivement des fonds destinés au PSOE et de bénéficier de Vattribution de marchés publics a hauteur d'un demi-milliard de pesetas, La méme année surgirent d'autres affaires de trafic d’influence et de commissions illégales percues dans l'attribution de contrats publics en Andalousie, comme dans le cas de lentreprise ferroviaire RENFE accusée de spéculation immobilidre sur des terrains lui appartenant, au moment de la construction de AVE. Julién Garcfa Valverde, éphémére ministre de la Santé et de la Consommation, mis en cause du temps oi il était président de RENFE, entre 1985 et 1991, fut contraint de démissionner. Enfin en 1994 éclatait le scandale qui fit le plus de bruit depuis Yaffaire Guerra: Luis Roldan, directeur de la Garde civile depuis 1987, était accusé davoir détourné des sommes considérables provenant des fonds secrets du ministére de I'Intérieur destinés & la lutte antiterroriste, de sétre approprié de Targent récolté au titre de limpdt révolutionnaire par |'ETA et d’avoir pergu des ‘commissions illégales dans I'attribution de marchés publics. Sa fortune déposée sur des comptes l’étranger était estimée 45 milliards de pesetas, Inculpéet desti- tué de ses fonctions en décembre 1993, Roldan s‘enfuit en avril 1994, Sa fugue donna liew & une cou t ibolesque qui dura un an, jusqu’ so?

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