Sommaire :
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Droit du financement – M1 Finance 2020/2021
Introduction
Le capital social est la valeur d’origine des éléments mis à la disposition de l’entreprise par
les associés sous forme d’apports en espèces ou en nature. Les apports en industrie (c’est-à-
dire l’activité, les relations, les connaissances professionnelles et l’expérience qu’une
personne met à la disposition de la société) n’entrent cependant pas dans le capital car leur
valeur est indéterminée et leur caractère de biens non saisissables ne permettent pas de les
faire figurer au bilan.
Dans les sociétés où les créances des tiers contre la société ne peuvent normalement être
recouvrées sur les patrimoines personnels des associés (SARL et les sociétés par actions), le
capital social est considéré comme la garantie desdits tiers, c’est-à-dire comme le « gage des
créanciers »1. Il ne faut toutefois pas se laisser abuser par cette terminologie courante mais
peu significative. En effet, seul l’actif social (c’est-à-dire l’ensemble des biens et valeurs qui
figurent à l’actif du bilan d’une société et dont l’entreprise dispose) constitue le gage effectif
des créanciers puisque seul il représente les biens et valeurs saisissables.
Le capital social est divisé, selon le type de société, en parts ou actions, réparties
généralement en proportion des apports, et qui déterminent les droits des associés sur l’actif
net et les bénéfices. L’ensemble des parts ou actions détenues par un même associé a reçu le
nom de « participation » au capital. Le capital n’est entièrement souscrit que lorsque toutes
les parts ou actions ont été souscrites, ce qui ne signifie pas qu’il soit pour autant libéré.
Le capital n’est entièrement libéré que lorsque tous les apports ont été effectués. A la
constitution de la société, la loi exige une libération minimale des apports en numéraire à
hauteur de moitié pour les sociétés par actions, (C. com., art. L. 225-3). Pour les
augmentations de capital en numéraire, la proportion à libérer est d’au moins un quart dans
les sociétés par actions (C. com., art. L. 225-144). La libération du surplus doit intervenir
dans les cinq ans, sur appel de fonds des dirigeants. Dans tous les cas, les apports en nature
doivent être intégralement libérés.
- Dans les sociétés anonymes, le capital social minimum est de 37 000 euros (C. com.,
art. L. 224-2) ;
- Le capital social doit être réel : il faut entendre le fait que les apports ont bien été
réellement effectués et qu’ils ne représentent pas de simples jeux d’écritures. En ce
sens, Le capital est fictif lorsque les associés établissent une fausse déclaration de
versement ou de libération d’apports ainsi que lorsqu’ils reprennent ceux-ci après la
constitution.
- Le capital social doit respecter une règle de fixité : il faut entendre le fait que le départ
ou l’entrée de nouveaux associés par mutation des titres n’entraîne ni augmentation ni
réduction de capital. La modification du capital n’est possible qu’à la condition de
1
Cette notion est quelque peu mise à mal par la suppression de l’exigence d’un capital
minimum dans les SARL et les SAS. Si la suppression du capital minimum donne
l’impression d’une plus grande facilité pour lancer une activité, les risques en cas de
défaillance de l’entreprise ne sont pas à négliger : insuffisance des ressources de l’entreprise
par rapport à son activité, frilosité des établissements de crédit face à une absence de garantie
sur les fonds prêtés, etc.
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remplir les formalités prescrites pour la modification des statuts (cf. l’étude ci après
de l’augmentation et de la réduction de capital). Cette règle ne joue cependant pas
dans les sociétés à capital variable.
- Le capital social est soumis à la règle d’intangibilité : l’actif social ne peut être
inférieur au capital social. Toutefois, de mauvaises affaires peuvent réduire l’actif à
une valeur inférieure au capital social contre le gré des associés et sans fraude de leur
part. Si, du fait de pertes constatées dans les documents comptables, les capitaux
propres2 d’une société anonyme deviennent inférieurs à la moitié du capital social, les
associés doivent décider s’il y a lieu ou non à dissolution anticipée de la société (C.
com., art. L. 225-248, al. 1). Si les associés ou les actionnaires estiment que la
situation financière de la société ne justifie pas sa dissolution, ils peuvent l’éviter en
prenant l’une des mesures que la loi leur offre à cet effet, et qui ont toutes pour
résultat de ramener les capitaux propres à une valeur supérieure à la moitié du capital
social, soit en réduisant celui-ci, soit, au contraire, en l’augmentant. Il est également
possible d’atteindre ce résultat en réalisant des bénéfices suffisants, ou en procédant à
une réévaluation d’actif.
Pour développer son activité, l’entreprise sociétaire peut procéder à l’augmentation de son
capital. Elle peut également envisager une réduction de capital, laquelle n’est pas toujours
motivée par des pertes.
I- Le régime juridique des opérations sur le capital dans les sociétés anonymes
L’augmentation du capital social répond à des besoins qui sont loin d’être négligeables.
L’augmentation du capital social offre en effet aux sociétés de renforcer leurs fonds propres,
notamment si elles ont besoin d’argent frais pour financer des opérations de grande envergure
(fusion-acquisition, développement de marchés…).
L’augmentation du capital social se justifie encore alors que le groupement est prospère ; elle
permet aux actionnaires de faire jouer leur droit préférentiel de souscription et de renforcer
ainsi leur position dans la société.
Par ailleurs, l’augmentation du capital social permet également de répondre à une volonté de
mieux associer les salariés au processus décisionnel, en leur offrant de devenir actionnaires.
L’augmentation peut être réalisée par diverses voies selon que l’on augmente le capital par de
nouveaux apports ou par des actifs que détient déjà la société.
Par exemple on peut citer les apports en numéraire, apports en nature, l’incorporation des
réserves, ou encore, depuis 2004, par l’exercice de droits attachés aux valeurs mobilières
donnant accès au capital.
2
Les capitaux propres sont constitués par la somme algébrique des postes suivants : capital social, primes
d’émission, de fusion ou d’apport, écarts de réévaluation, réserves (légale, statutaires, contractuelles,
réglementées ou libres), report à nouveau (créditeur ou débiteur, c’est-à-dire positif ou négatif), résultat de
l’exercice (bénéfice ou perte), subventions d’investissement, provisions réglementées (C. com., art. R. 123-191).
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L’augmentation de capital doit être réalisée dans le délai de 5 ans à compter de la décision de
l’assemblée ou de la délégation4. Ce délai ne s’applique pas aux augmentations à réaliser à la
suite de l’exercice d’un droit attaché à une valeur mobilière donnant accès au capital ou à la
suite des levées d’options de souscriptions d’actions. Le délai est de 18 mois dans le cas où
l’augmentation est réservée à des personnes dénommées ou à une catégorie de personnes
répondant à des caractéristiques déterminées5.
Le capital souscrit doit être entièrement libéré, ce qui permet de vérifier que la société
dispose bien du capital souscrit, avant de procéder à une nouvelle augmentation et en résumé
de s’assurer de la réalité du capital6.
La société peut exiger que soit versée une prime d’émission, qui serait un droit d’entrée
servant à compenser la différence entre la valeur nominale de l’action et sa valeur réelle. Les
actions nouvelles émises en contrepartie des apports sont émises pour leur valeur nominale –
bien que le plus souvent la valeur nominale ne correspond pas à la valeur réelle des actions
(au regard de l’accumulation des réserves).
La prime d’émission est un supplément de prix qui vient s’ajouter au montant du capital
souscrit par l’actionnaire et correspondant à la différence entre la valeur nominale et la valeur
réelle de l’action tenant notamment à l’existence des réserves accumulées par la société mais
plus largement à la valeur globale conférée à la société.
3
En vertu de l’article L. 225-129-1 du code de commerce.
4
Il ne faut pas confondre le délai de 26 mois durant lequel la délégation d’augmenter le capital peut être utilisée
et celui de 5 ans pour la réalisation effective de l’opération.
5
En vertu de l’article L. 225-138 du code de commerce.
6
En vertu de l’article L. 225-131 du code de commerce.
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Les juges se sont penchés sur l’existence et le montant de la prime d’émission. La Cour de
cassation n’y voit rien d’illégal, sous réserve de l’abus et de la fraude7.
En effet, le DPS est attaché à l’action mais peut aussi être supprimé.
Les actionnaires bénéficient d’un DPS sur les actions émises lors de l’augmentation de
capital8 ; ils ont donc, proportionnellement au montant de leurs actions un droit de
préférence à la souscription des actions nouvelles émises pour réaliser l’augmentation
de capital. Ce droit donne la possibilité à l’actionnaire de conserver le même niveau
de participation dans le capital, le même pouvoir et les mêmes droits antérieurement
et ultérieurement à l’opération d’augmentation. Les actionnaires sont en droit de céder
leur DPS ou y renoncer.
Le DPS peut également être supprimé par l’AGE9, pour permettre l’ouverture du capital
social de la société à des partenaires extérieurs. C’est à l’AGE uniquement de décider
de cette suppression, même en cas de délégation de sa compétence.
Il en ressort que tous les trois ans, l’AGE sera convoquée afin de se prononcer sur un projet
de résolution qui réalisera une augmentation de capital dans les conditions qui sont prévues
dans le code du travail10 si les actions détenues par le personnel de la société représentent
moins de 3% du capital, au vu du rapport du CA ou du directoire11.
Certaines sociétés, à capital variable, peuvent cependant augmenter leur capital sans
recourir à l’AGE. En effet, lorsque cette augmentation concerne le capital souscrit,
elle ne représente en règle générale qu’une mise en œuvre de la clause de variabilité
du capital.
Dans les SA dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, le
conseil d’administration peut, dans les limites qu’il aura préalablement fixées,
subdéléguer au directeur général ou, en accord avec ce dernier, à un ou plusieurs
directeurs généraux délégués, le pouvoir de décider la réalisation de l’émission. Il en
va de même du directoire qui peut déléguer à son président ou, en accord avec celui-
ci, à l’un de ses membres le pouvoir de décider la réalisation de l’émission (art.
7
En ce sens, Cass., Com., 22 mai 2001, n° 98-19086.
8
En vertu de l’article L. 225-132 du code de commerce.
9
En vertu de l’article L. 225-135 du code de commerce.
10
Voir la section 4 du chapitre II du titre III du livre III de la troisième partie du code du travail.
11
En vertu de l’article L. 225-129-6 du code de commerce.
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Les modalités des augmentations de capital diffèrent selon que des apports nouveaux sont
réalisés ou que des sommes déjà détenues par la société sont intégrées dans le capital social.
Les apports nouveaux peuvent correspondre à du numéraire ou à un actif (immeuble, brevet,
etc.).
Cette augmentation est généralement plus avantageuse que le recours à des emprunts car elle
augmente les fonds propres et permet de ne pas verser des intérêts.
On observera une parfaite réalisation de l’augmentation lorsque les deux conditions suivantes
seront cumulativement réalisées :
2) L’augmentation a fait l’objet d’un contrat de placement et d’une garantie conclue avec
une ou plusieurs banques, dans le cas d’émission par offre au public de titres
financiers.
Remarque : Si l’augmentation n’a pas été réalisée dans les 6 mois qui ont suivi la
décision, les personnes qui y auraient souscrit peuvent demander la restitution des
fonds versés au dépositaire des fonds.
Si une augmentation de capital par offre au public est réalisée moins de 2 ans après
la constitution de la société, il est procédé à une vérification de l’actif et du passif
ainsi que, le cas échéant, des avantages particuliers (art. L. 225-131, C. com).
12
Le texte s’applique également aux associés dont les titres sont admis aux négociations sur un système
multilatéral de négociation qui se soumet aux dispositions législatives ou réglementaires visant à protéger les
investisseurs contre les opérations d’initiés, les manipulations de cours et la diffusion de fausses informations
(dit « SMN organisé »).
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Dans une SARL, un DPS ne peut résulter au profit des associés que d’une stipulation
statutaire ou d’une décision particulière de l’assemblée.
Le DPS est représenté par un coupon, qui sera détaché du titre au moment de la souscription.
Il a une valeur propre et il est négociable comme valeur mobilière.
Les actionnaires doivent exercer leur DPS dans un délai d’au moins 5 jours de Bourse à partir
de l’ouverture de la souscription (art. L. 225-141, C. com).
Si certains actionnaires n’exercent pas leur droit et ne souscrivent pas, l’assemblée peut
prévoir une souscription à titre réductible, où les volontaires se partagent les titres non
souscrits (art. L. 225-133, C. com).
L’assemblée qui décide ou autorise une augmentation de capital peut supprimer le DPS pour
la totalité de l’augmentation de capital ou pour une ou plusieurs tranches de cette
augmentation. Elle statue sur le rapport du conseil d’administration ou du directoire (art.
L. 225-135, C. com). Tel est le cas lorsqu’un créancier important accepte de convertir sa
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créance en actions. L’Assemblée peut aussi supprimer le DPS pour réserver l’émission à une
personne dénommée (des investisseurs acceptent de renflouer la société) ou des catégories de
personnes répondant à des caractéristiques déterminées (une catégorie de salariés,
d’investisseurs, d’actionnaires)13. Si les personnes nommément désignées sont déjà
actionnaires, il leur est interdit de participer au vote.
▪ si toutes les actions émises ont été souscrites ou si un établissement de crédit garantit
la bonne fin de l’opération, aucune difficulté ne se présente,
Toutefois, le conseil d’administration (ou le directoire) peut, d’office et dans tous les cas,
limiter l’augmentation de capital au montant atteint lorsque les actions non souscrites
représentent moins de 3 % de l’augmentation de capital.
Pour l’augmentation de capital en numéraire, les règles applicables lors de la constitution sont
adoptées avec la possibilité de ne libérer les apports que du quart (et non de la moitié pour la
constitution) à la souscription, le reste devant être appelé dans un délai maximum de 5 ans
(art. L. 225-144, al. 1er, C. com). La libération d’actions est possible par compensation de
créances liquides et exigibles sur la société. Elle est constatée par un certificat du CAC (ou
d’un notaire) (art. L. 225-146, C. com).
13
Le texte prévoit trois types d’émission :
- les émissions en faveur d’une ou plusieurs personnes nommément désignées ou d’une catégorie de
personnes répondant à des caractéristiques déterminées (dites « émissions réservées »),
- les émissions sans DPS par « offre au public »,
- les émissions sans DPS par placement privé : il s’agit des offres de titres à des investisseurs qualifiés,
à des gestionnaires de compte de tiers ou à un cercle restreint d’investisseurs (art. L. 411-2, C. mon.
fin.) Les émissions sont limitées à 20 % du capital social par an.
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Le but de l’opération n’est pas le même que celui exposé précédemment. Il ne s’agit plus
seulement d’augmenter les capacités financières de la société, mais surtout de faire entrer
dans le patrimoine social un bien déterminé, tel un fonds de commerce, un brevet d’invention
ou un immeuble.
Il n’est pas nécessaire que le capital soit intégralement libéré pour procéder à une
augmentation de capital par apport en nature.
(ii) Etapes
Les apporteurs signent dans un premier temps un « traité d’apport » précisant la consistance
du ou des biens apportés, son évaluation, le nombre d’actions à émettre, la prime d’apport
(c’est la prime d’émission) et des avantages particuliers éventuellement prévus. Le traité
d’apport doit être autorisé par le conseil d’administration (ou le directoire), mais la société
n’est engagée que sous réserve de l’approbation du traité d’apport par l’AGE.
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une réévaluation de l’apport en nature composé d’éléments d’actifs autres que les
valeurs mobilières ou instruments de marché monétaire (art. L. 225-147-1, C. com).
S’il est actionnaire, l’apporteur en nature ne peut prendre part au vote sur l’évaluation du bien
qu’il apporte et ses actions ne sont pas prises en compte pour le calcul de la majorité.
Les titres de capital émis en rémunération d’un apport en nature sont intégralement libérés
dès leur émission (art. L. 225-147, al. 5, C. com).
La décision d’émettre des valeurs mobilières donnant accès au capital emporte également
renonciation des actionnaires à leur DPS aux titres de capital auxquels les valeurs mobilières
émises donnent droit.
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Si les statuts de la société le prévoient, l’assemblée qui statue sur les comptes peut
offrir aux actionnaires, pour tout ou partie du dividende mis en distribution ou des
acomptes sur dividendes, une opération entre un paiement en numéraire ou un
paiement en actions (art. L. 232-18, C. com). Afin d’inciter les actionnaires à
investir leur dividende, le prix de souscription fixé par l’assemblée est généralement
inférieur à la valeur vénale ou boursière de l’action.
L’augmentation de capital peut être réalisée à l’aide de fonds dont dispose déjà la société, à
l’aide d’un simple jeu d’écritures :
- des réserves (légales ou statutaires) ;
- des bénéfices ;
- des primes d’émission antérieures.
Elle ne se traduit pas par un accroissement du patrimoine de la société car les fonds propres
demeurent inchangés.
▪ soit par une distribution d’actions nouvelles gratuites qui augmentent le nombre d’actions
détenues par chaque actionnaire au prorata de ses actions.
14
En vertu de l’article L. 225-130 du même code précédemment cité.
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Toute réduction de capital réduit inévitablement la protection des créanciers : en effet, elle
constate ou provoque, suivant le cas, une diminution des valeurs d’actif correspondant au
capital.
Néanmoins, la réduction de capital n’est pas interdite ; il s’agit d’une modification des statuts
au même titre que d’autres aménagements apportés en cours de vie sociale, et elle peut
intervenir dans toutes les formes sociales.
Lorsqu’elle est motivée par des pertes, la réduction de capital ne fait que constater une
atteinte déjà subie par la substance patrimoniale. Elle a alors pour but l’assainissement
financier de la société, et tout en étant regrettable, elle est souvent inévitable, ne serait-ce que
pour attirer de nouveaux capitaux. C’est un moyen d’apurer les pertes.
L’opération est donc grave, pour trois raisons : d’une part, elle s’effectue par prélèvement sur
des sommes en principe indisponibles et affectées à la garantie des créanciers, d’autre part,
elle a pour conséquence de diminuer le montant des sommes bloquées à l’avenir à l’actif du
bilan et, enfin, elle est délibérée, c’est-à-dire décidée alors même que la société n’a pas de
passif à apurer. Cela explique que la réglementation ne soit pas rigoureusement identique
pour l’une et l’autre modalité de réduction du capital.
Nous verrons dans un premier temps les règles communes à toutes les réductions de capital,
qu’elles soient motivées ou non par des pertes (1). En effet, qu’elle qu’en soit la motivation,
la réduction de capital implique toujours une modification du pacte social. Mais des
dispositions spécifiques permettent d’en mieux cerner les contours selon la raison qui
l’inspire (2 et 3). Nous verrons enfin les modalités et les effets de la réduction de capital (4).
1) Règles communes
L’AGE est seule compétente pour autoriser ou décider la réduction du capital social. Elle
peut également déléguer au conseil d’administration (ou au directoire), selon le cas, tous les
pouvoirs pour la réaliser.
Un rapport établi par les CAC sur l’opération envisagée est communiqué aux actionnaires de
la société. Ce rapport précise les causes et les conditions de la réduction.
Le capital ne peut être réduit au dessous du minimum légal (37 000 euros pour les sociétés
par actions) que sous la condition suspensive de le porter ultérieurement à un montant au
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moins égal à ce minimum, ou d’une transformation de la société en société d’une autre forme
(art. L. 224-2, C. com).
Cette réduction de CS peut être appelée mesure d’assainissement financier ; puisque les
pertes viennent en diminution des capitaux propres, l’intérêt sera alors de diminuer le capital
pour absorber les pertes de la société.
Pour les faire disparaître, on peut les imputer sur les réserves, y compris sur la réserve
légale15. Mais, lorsque les réserves sont épuisées et les pertes demeurent dans le « haut de
bilan », les capitaux propres deviennent inférieurs au montant du capital et pour faire
concorder, il convient de procéder à une réduction de ce dernier.
Les actionnaires doivent être traités de façon égale. En réalité, il s’agit de respecter une
égalité entre les actions de même catégorie (art. L. 225-204, C. com).
Cependant, si la réduction est votée par l’AG des actionnaires au vu d’une information loyale
et complète, elle peut être suivie d’une augmentation réservée à certains actionnaires. Elle est
souvent utilisée pour préparer l’arrivée d’un nouvel actionnaire qui reprend l’entreprise en
difficulté en consentant à lui apporter de l’argent frais. Elle réduit alors la part des anciens
actionnaires.
▪ dans un premier temps, les pertes sont imputées sur le capital ; la réduction du capital à
zéro ou à un montant déterminé entrainera une annulation des actions existantes ou d’un
certain nombre d’entre elles,
▪ dans un second temps, le capital est augmenté par émission d’actions nouvelles en
numéraire réservées à un nouveau partenaire.
La réduction du capital peut être obligatoire lorsque les capitaux propres deviennent
inférieurs à la moitié du capital social à la suite de pertes16.
Cela requiert :
- Une consultation des actionnaires à l’effet de statuer sur la dissolution éventuelle de la
société ;
- Si la dissolution est écartée, l’obligation de reconstituer les capitaux propres de la
société dans un délai de deux ans.
Le CA ou le directoire seront tenus, dans les 4 mois qui suivent l’approbation des comptes
ayant fait apparaitre cette perte, de convoquer l’AGE afin de décider si dissolution anticipée
de la société il y aura. Autrement, la demande se fera devant les tribunaux.
Dans le cas où la dissolution serait écartée, la société régularise la situation au plus tard à la
clôture du deuxième exercice suivant celui au cours duquel la constatation des pertes est
intervenue.
15
L’imputation des pertes sur les réserves relèverait simplement de la compétence de l’AGO, puisqu’il n’y a pas
alors modification du capital social.
16
En vertu de l’article L. 225-248 du code de commerce.
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En l’absence de reconstitution des capitaux propres de la société en deux ans, tout intéressé
peut alors demander au tribunal de commerce de prononcer la dissolution de la société – il
peut être, à la discrétion des juges, accordé un délai pour procéder à une régularisation.
1) Les pertes sont imputées sur le capital social et le capital est réduit d’autant. Ce
capital peut même être réduit à 0 pour pouvoir apurer toutes les pertes17. Ainsi,
l’opération va causer une annulation de toutes les actions existantes.
2) Le capital est augmenté grâce à l’émission d’actions nouvelles en numéraire, qui
représente un apport d’argent frais.
Cette action permet de recapitaliser la société.
Cependant, elle a pour effet d’éliminer les actionnaires anciens, exceptés
s’ils participent à l’augmentation de capital.
Les juges ont admis cette pratique au motif que l’opération ne constituait ni une
expropriation illicite, ni une exclusion des actionnaires, ni une augmentation de leur
engagement18. Il en est de même dans l’hypothèse d’une suppression de DPS19.
Il est cependant important de souligner que cette opération doit respecter l’intérêt
social et se justifie uniquement si la survie de la société en dépendait. Dans le cas
contraire toute opération souffrira de nullité pour fraude au droit des actionnaires
minoritaires20.
Dans les sociétés prospères, la réduction de capital est rare. Mais lorsque le capital social est
reconnu trop important par rapport au volume d’activités ou aux besoins de trésorerie, il peut
être envisagé de le réduire.
17
En vertu de l’article L. 224-2 alinéa 2 du code de commerce.
18
Voir en ce sens Cass. Com. 17 mai 1994, arrêt « Usinor ».
19
Voir en ce sens, Cass. Com. 18 juin 2002 « L’Amy ».
20
Voir en ce sens, Cass. Com. 10 janvier 1995, n° 92-20214.
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actions pour les annuler (art. L. 225-206 et s. C. com). De manière pratique, l’opération
permet à la société de racheter un nombre déterminé d’actions pour ensuite les annuler.
Il faut relever que cette opération ne peut en aucun cas porter atteinte à l’égalité des
actionnaires21 car l’offre de rachat a l’obligation d’être proposée à tous les actionnaires. Cela
dit, les actionnaires peuvent renoncer, à l’unanimité, à cette procédure égalitaire de rachat en
vue de permettre ponctuellement à l’un d’entre eux de se retirer.
La réduction de capital peut être utilisée pour augmenter le dividende distribué (c’est-à-dire
qu’on distribue à un ou plusieurs actionnaires une partie de l’actif contre diminution en
corrélative du nominal de leurs actions) lors d’un exercice.
La réduction de capital peut être utilisée pour « descendre de la dette » (on réduit le capital
et la société emprunte pour payer le dividende versé).
Le texte prévoit le rachat d’actions en vue de favoriser la liquidité des titres de la société
cotée. Ainsi, l’AG d’une société cotée peut autoriser le conseil d’administration (ou le
directoire) à acheter un nombre d’actions représentant jusqu’à 10 % du capital de la société.
Ces actions peuvent être annulées dans la limite de 10 % du capital de la société par périodes
de 24 mois.
En cas d’annulation des actions achetées, la réduction de capital est autorisée ou décidée par
l’AGE qui peut déléguer au conseil d’administration (ou au directoire) tous pouvoirs pour la
réaliser (art. L. 225-209, C. com).
La réduction de capital s’opère soit par réduction de la valeur nominale des actions, soit par
diminution de leur nombre.
Décision de l’AGE – La décision de réduction est prise par l’AGE22 et se doit d’être publiée
au greffe - ainsi qu’au BALO23 si la société fait une offre au public de titres. A noter que les
possibilités de procéder à une délégation de l’opération sont plus restreintes car l’AGE
autorise la réduction et elle ne pourra déléguer uniquement que la compétence de réalisation
de l’opération. L’AGE vote au regard d’un rapport des CAC, qui sera par ailleurs mis à la
disposition des actionnaires au moins 15 jours avant la réunion de l’assemblée.
En cas de réduction de son capital motivée par des pertes et réalisée par la diminution du
montant nominal ou du nombre des titres composant le capital, les droits des titulaires des
21
En vertu de l’article L. 225-204 du code de commerce.
22
En vertu de l’article L. 225-204 du code de commerce.
23
Bulletin des annonces légales obligatoires.
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valeurs mobilières donnant accès au capital sont réduits en conséquence, comme s’ils les
avaient exercés avant la date à laquelle la réduction de capital est devenue définitive (art.
L. 228-98, der. al. C. com). Donc, il s’agit bien des AG des titulaires de ces valeurs
mobilières qui sont appelées à autoriser toutes modifications au contrat d’émission et à
statuer sur toute décision touchant aux conditions de souscription ou d’attribution de titres de
capital déterminées au moment de l’émission. Les délibérations ou stipulations prises en
violation de cette obligation sont nulles.
Principe d’égalité des actionnaires – La réduction ne peut porter atteinte à l’égalité des
actionnaires24 : tous seront affectés par la réduction à proportion de leur part dans le capital.
En pratique, la dilution des minoritaires est inévitable, surtout en cas de « coup d’accordéon »
avec suppression du DPS.
En tout état de cause, les opérations de réduction ne commencent pas tant que le délai
d’opposition ne s’est pas écoulé. En cas d’opposition, l’opération sera suspendue jusqu’à
l’intervention de la décision de première instance ou, si l’opposition est accueillie, jusqu’au
remboursement des créances ou de la constitution de garanties.
La décision de réduction de capital étant définitive dès que l’assemblée l’a adoptée, l’article
L. 225-205 empêche seulement la société de procéder aux opérations avant l’expiration du
délai d’opposition.
24
En vertu de l’article L. 225-204 du code de commerce.
25
En vertu de l’article L. 224-2 du code de commerce.
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