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La lecture financière
de la comptabilité
Dans les deux chapitres qui suivent, le lecteur deviendra un peu plus
savant et découvrira la logique qui sous-tend les principes comptables, le
mode d’établissement des comptes consolidés et les spécificités de leur
lecture, sans oublier les points complexes des comptes que doit maîtriser
tout bon financier.
Aussi bien en France que dans les pays anglo-saxons, trois autorités influencent la
législation en matière de comptabilité :
l’autorité fiscale (plus particulièrement en France, Italie, Espagne) ;
les associations professionnelles comptables ;
les autorités boursières pour les sociétés faisant appel public à l’épargne.
En France, l’Autorité des normes comptables (ANC) est l’entité unique chargée
d’établir les règlements comptables généraux et sectoriels de la comptabilité privée, en
particulier le Plan comptable général (PCG) qui s’impose à toutes les entreprises
françaises, a minima pour leurs comptes sociaux, et de prendre position sur les normes
comptables internationales (IFRS).
Aux États-Unis, les normes comptables 1 sont fixées par le Financial Accounting
Standards Board (FASB).
Les impératifs de publication des comptes peuvent varier d’un pays à l’autre.
Cependant, on retrouve des constantes dans la présentation des états financiers.
L’information comptable se compose en effet au minimum des éléments suivants :
le compte de résultat, qui analyse le résultat de l’activité de l’entreprise
pendant une certaine période (l’exercice). Les normes IFRS laissent l’option
entre présenter un compte de résultat, mais qui doit alors être complété par un
tableau permettant d’appréhender les autres écritures comptables ayant eu un
impact sur les capitaux propres (other comprehensive income), ou substituer
au compte de résultat un tableau de comprehensive income (état du résultat
global) dans lequel le résultat net n’est qu’un solde intermédiaire ;
le bilan, qui présente la situation de l’entreprise à un moment donné (à la date
de clôture de l’exercice). Il est parfois appelé en normes IFRS « État de la
situation financière » ;
l’annexe, qui complète et commente l’information donnée par le bilan et le
compte de résultat. Elle met en évidence les principes comptables et les faits
pouvant avoir une incidence significative sur le jugement du lecteur.
En France, le Plan comptable général impose, en particulier aux sociétés par actions
(SA, SAS et SARL), la publication de 3 documents sous des formes bien définies : le
compte de résultat, le bilan et l’annexe. La présentation des comptes est assez
strictement définie et la liasse fiscale sert souvent de référence pour les sociétés ne
présentant pas de comptes consolidés.
Les commissaires aux comptes sont nommés pour 6 exercices avec pour objectif
principal de vérifier la régularité, la sincérité et l’image fidèle des comptes qu’ils
attestent dans un rapport soumis aux actionnaires ou associés qui approuvent les
comptes en assemblée générale.
Les sociétés cotées sont tenues de publier leurs comptes annuels, en France, dans
les 4 mois suivant la clôture de l’exercice et de les mettre à la disposition des
actionnaires. Leurs comptes semestriels doivent être publiés dans les 2 mois suivant la
fin du premier semestre. Le chiffre d’affaires trimestriel doit être publié dans les 45
jours suivant chacun des trimestres. Enfin, bon nombre de groupes cotés publient des
résultats trimestriels détaillés même si ceci n’est pas une obligation.
Les sociétés par actions et les SARL cotées ou non cotées ont l’obligation de déposer
leurs comptes au greffe du tribunal de commerce dont elles dépendent dans le mois
La régularité est obtenue en suivant les règles et les principes détaillés dans le
paragraphe suivant.
La sincérité est, selon le Plan comptable, « l’application de bonne foi de ces règles
et procédures en fonction de la connaissance que les responsables des comptes doivent
normalement avoir de la réalité et de l’importance des opérations, événements et
situations ». Des comptes sincères résultent donc d’une parfaite connaissance des
règles et de leur application, de la situation de l’entreprise et de la perception extérieure
des comptes ainsi présentés, afin que leur contenu ne soit pas perçu de manière
déformée.
La notion d’image fidèle n’a donc pour objet que de servir de référence à ceux qui
établissent les comptes de la société.
2 Bien que l’amende (1 500 € et 3 000 € en cas de récidive) imposée aux dirigeants ne déposant pas leurs comptes
reste faible, la possibilité d’y ajouter une astreinte fixée par le tribunal de commerce incite plus de sociétés à ne pas
courir le risque de la confidentialité…
Les règles comptables peuvent varier d’un pays à l’autre ; cependant, certains principes
comptables sont internationaux et ont été repris par l’IASB.
Par rapport aux principes français, les principes des IFRS se traduisent par :
une préférence accordée au point de vue des actionnaires. L’IASB estime en effet
que puisque les actionnaires apportent les capitaux à risque de l’entreprise, la
production d’états financiers qui satisfont leurs besoins satisfait de ce fait ceux
de la plupart des autres utilisateurs des comptes ;
une information plus économique avec l’application plus systématique du
principe de prééminence de la réalité sur l’apparence, et une orientation nette
vers la mesure de la performance ;
une information plus transparente par la réduction des choix comptables
possibles, par l’inscription quasi systématique au bilan d’éléments figurant en
hors-bilan et par une information plus détaillée.
Les principes français et internationaux (pour certains d’entre eux) sont les
suivants :
Ce principe veut que, pour l’établissement des comptes, l’entreprise soit considérée
comme devant poursuivre normalement son activité dans un avenir prévisible. On se
place donc dans la perspective d’une continuité de l’exploitation et non d’une
liquidation, sauf bien entendu pour les éléments du patrimoine qu’il a été décidé de
liquider, ou si l’arrêt ou la réduction de l’activité est prévisible, qu’elle résulte d’un
choix ou d’une obligation.
Ce principe veut que les biens acquis par l’entreprise soient inscrits à son bilan pour
leur coût d’acquisition appelé valeur historique et qu’ils soient maintenus à ce prix
au cours du temps, sauf à être amortis ou dépréciés. Le nominalisme est également
appliqué pour la comptabilisation des dettes.
Ce principe est appliqué assez strictement dans les comptes sociaux où les
réévaluations sont rares. En comptes consolidés en revanche, les actifs peuvent être
réestimés, notamment lors de la première consolidation d’une filiale, pour aboutir à
une valeur économique qui reflète la durée de vie résiduelle des actifs.
d) Le principe de prudence
C’est un grand principe de la comptabilité qui veut que les charges soient prises en
compte dès que leur réalisation est probable, voire éventuelle, mais que les produits ne
soient comptabilisés que lorsqu’ils sont réalisés. Le principe de prudence conduit à
déprécier, mais à ne pas faire apparaître les plus-values latentes. Il est destiné à
protéger en particulier les prêteurs contre des comptes établis avec trop d’optimisme.
Ce principe veut que les mêmes règles et procédures comptables soient appliquées
chaque année afin que les informations comptables soient comparables.
Toute exception à cette règle doit être justifiée par la recherche d’une meilleure
information, les modifications devant alors être décrites et justifiées dans l’annexe. Les
entreprises retraitent alors les comptes de l’exercice précédent pour les rendre
comparables aux comptes de l’exercice durant lequel a eu lieu le changement de
méthode.
Ce principe indique que face à une opération complexe, il ne faut pas s'arrêter à la seule
lecture superficielle ou juridique de cette transaction mais rechercher sa réalité
économique. Il correspond au principe international de substance over form.
Ce principe a pour objet d’apporter aux utilisateurs des documents comptables une
information suffisante et significative pour interpréter ceux-ci. On retrouve la notion
de true and fair view des comptes anglo-saxons.
i) Le principe de non-compensation
En normes IFRS, les comptes d’une filiale sont consolidés par intégration globale
lorsque la maison mère contrôle sa filiale. Le contrôle est défini, de facto, comme la
capacité de déterminer la politique stratégique, financière et opérationnelle d’une
société pour en retirer un bénéfice.
Une filiale détenue à moins de 50 % peut donc très bien être consolidée par
intégration globale puisque le critère pertinent n’est pas un seuil de droit de vote mais
l’exercice réel ou potentiel d’un pouvoir exclusif.
Les critères en normes françaises sont similaires. Il n’en est pas de même des
critères des normes américaines qui se fondent essentiellement sur la détention de la
majorité des droits de vote4.
3 Souvent présumée si la société mère détient au moins 20 % des droits de vote, mais cela n’a rien d’obligatoire
puisqu’il est possible de consolider des sociétés dans lesquelles la participation est plus faible, voire nulle dès lors
qu’il y a influence notable.
4 Ce critère est en cours de révision par le FASB américain qui prévoit une définition plus large du contrôle comme
le pouvoir de prendre des décisions pour diriger la politique et la gestion d’une entreprise en vue d’accroître ses
propres bénéfices ou de limiter ses pertes.
Au bilan :
L’actif et le passif exigible de la filiale sont ajoutés, poste par poste, au bilan de
la société mère. Le prix de revient comptable des titres de participation dans la filiale
consolidée est éliminé de l’actif du bilan de la maison mère et soustrait, pour le même
montant, de ses réserves.
Les capitaux propres (résultats inclus) de la filiale sont ajoutés aux capitaux propres
de la société mère et ensuite éclatés entre :
la part correspondant aux intérêts de la société mère (qui est ajoutée à ses
réserves),
et, si la société mère ne détient pas 100% du capital de la filiale, la part
correspondant aux intérêts des tiers, qui est ajoutée sur une ligne particulière :
« intérêts minoritaires sur les capitaux propres, ou intérêts hors groupe
sur les capitaux propres… », qui se situe en dessous des capitaux propres de la
société mère.
Au compte de résultat :
Tous les postes de charges et de produits de la filiale sont ajoutés, poste par poste, aux
postes du compte de résultat de la société mère. Le résultat net de la filiale est éclaté
entre :
la part qui correspond aux intérêts de la société mère, qui est ajoutée au résultat
net de la société mère, à la fois au compte de résultat et au bilan ;
et, si la société mère ne détient pas 100% du capital de la filiale, la part qui
correspond aux intérêts des tiers, qui est isolée sur une ligne : « intérêts
minoritaires » ou intérêts des tiers, ou intérêts hors groupe dans le résultat
net.
Lorsque la société mère exerce une influence notable sur la gestion et la politique
financière de sa filiale, celle-ci est consolidée par mise en équivalence. L’influence
notable sur la gestion et sur la politique financière d’une entreprise est présumée
lorsqu’une société dispose, directement ou indirectement, d’une fraction au moins
Il est très rare qu’une société fasse l’acquisition d’une autre société en payant cette
dernière pour le montant exact de ses capitaux propres comptables. Il y a fréquemment
un écart.
Pourquoi accepter de payer les actions d’une entreprise pour un prix supérieur au
montant de ses capitaux propres comptables ? On peut penser à plusieurs raisons :
les actifs au bilan de la société acquise ont une valeur supérieure aux montants
comptables pour lesquels ils sont inscrits ; c’est la conséquence du principe de
prudence qui conduit à provisionner les moins-values latentes, mais à ne pas
constater les plus-values latentes ;
des actifs peuvent très bien ne pas apparaître au bilan surtout si l’entreprise est
très rentable : marques, brevets, parts de marché que la société a constitués au
cours du temps sans vouloir ou pouvoir les comptabiliser ;
L’écart entre le prix payé et la quote-part des capitaux propres de la nouvelle filiale
(l'écart de première consolidation) est ventilé en deux parties :
• la première correspond aux plus-values latentes des actifs et des passifs
consolidés pour la première fois et qui sont intégrées pour leur valorisation au
bilan consolidé ;
• la seconde, qui n’est attribuée à aucun élément particulier du bilan, est le solde.
Elle apparaît à l’actif du bilan du nouveau groupe en immobilisations
incorporelles sous le nom d’écart d’acquisition ou de goodwill ou de survaleur.
Cet écart d’acquisition est évalué chaque année pour vérifier que sa valeur
correspond au moins à son montant net comptable pour lequel il figure à l’actif du bilan
du groupe. Si tel n’est pas le cas, une perte de valeur est alors passée dans les comptes.
C’est le test de dépréciation ou impairment test.
Enfin, il peut arriver que l’écart d’acquisition soit négatif, on parlera de badwill en
anglais. Les normes IFRS prévoient que l’écart d’acquisition négatif soit comptabilisé
comme un profit dans le compte de résultat l’année de la première consolidation. Il est
naturellement non récurrent.
En normes françaises, qui ne peuvent s’appliquer qu’à des groupes non cotés,
l’écart d’acquisition est traité comme en normes IFRS s'il n'y a pas de limite prévisible
à sa durée d'utilisation. S'il y a une durée prévisible, il est amorti linéairement 5 sur
cette durée ou sur 10 ans s'il n'est pas possible de déterminer avec fiabilité cette
durée. Il n'est plus possible d'imputer le goodwill sur les capitaux propres. La
méthode de la mise en commun d'intérêts 6 (pooling of interest en anglais) qui
consiste à ne pas réévaluer les actifs et les passifs de la filiale et à ne pas faire
apparaître de goodwill n'est possible que lors de restructurations internes portant au
moins sur 90% du capital de la filiale.
La survaleur, ou écart d’acquisition, est un actif comme un autre qui peut subir des
pertes de valeur brutales constatées par la technique de la dépréciation. Ce sont alors
des charges non récurrentes qui doivent être traitées comme telles. Nous lui
16
5 EnFrance, cet amortissement n'est pas fiscal mais purement comptable et ne génère aucune économie d'impôt
6 Qui a été aboli en 2001 en normes américaines et en 2004 en normes IFRS
conseillons de raisonner avant dépréciation (ou amortissement) de la
survaleur, tant dans le compte de résultat qu’au bilan pour le calcul des rentabilités
(voir Chapitre 12).
Les règles comptables qui s’appliquent aux comptes consolidés peuvent ne pas être les
mêmes que celles qui s’appliquent aux comptes sociaux. Il est donc nécessaire de
reprendre les comptes sociaux, qui peuvent d’ailleurs avoir été établis selon des normes
différentes si l’entreprise est implantée dans plusieurs pays, et de les traduire dans une
norme unique qui est celle choisie pour produire les comptes consolidés.
Souvent, au niveau social, les méthodes d’évaluation des frais d’établissement, des
provisions, des amortissements, des immobilisations, des stocks et des en-cours, des
charges à répartir sur plusieurs exercices, des capitaux propres… répondent à des
préoccupations fiscales et comptables propres à chaque filiale. Ces incidences sont
éliminées dans les comptes consolidés et ceci est d’autant plus aisé que ceux-ci ne sont
pas établis dans la perspective de déterminer un résultat fiscal soumis à l’impôt.
Ayant homogénéisé les données de base, il est alors possible de les agréger en vue
de produire des comptes consolidés sous réserve d’élimination des opérations
intragroupe.
La consolidation n’est pas une simple addition de comptes. Il est en effet nécessaire,
avant de procéder aux opérations de consolidation proprement dites, d’éliminer des
comptes de la société mère et de ceux des filiales les opérations réciproques et les effets
de ces opérations internes sur les résultats.
a) Le problème
Pour dresser une image de l’évolution de la situation d’une filiale étrangère, il faut
donc à la fois :
tenir compte de l’incidence sur les comptes consolidés de la conversion de la
monnaie de la filiale dans la monnaie de la société mère ;
et tenir compte de la correction qui résulterait de la traduction en monnaie
locale des actifs immobilisés de la filiale étrangère.
b) Les méthodes
Il existe plusieurs méthodes de conversion des états financiers des filiales étrangères,
qui peuvent prévoir de convertir différemment les éléments du bilan et ceux du compte
de résultat :
si la filiale est autonome économiquement et financièrement par rapport à sa
maison mère, la méthode de conversion alors utilisée est la méthode du cours
de clôture ;
si la filiale n’est pas autonome, parce que son exploitation fait partie intégrante
des activités d’une autre entreprise du groupe, alors la méthode de conversion
est la méthode du cours historique ;
enfin si la filiale est située dans un pays à forte inflation, la méthode du cours
historique sera utilisée aux USA, possible en France et interdite en normes IFRS
6 Dus au fait que les actifs / passifs et les charges / produits sont convertis à des taux de change différents.