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ste1,
ur J can-Pierre Babelon
et André Chastel
Histoire du retable italien, 1995, rééd. 2005

Le Geste dans l'art, 2001, rééd. 2008 La notion


Léonard ou les sciences de la peinture, 2002 de patrimoine

Liana Levi

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Sommai re

I. Le fait religieux.................................. 13

II. Le fait monarchique ............................. 27

Ill. Le fait familial .................................... 49


rv. Le fait national ................................... 57

V. Lefaitadministratif ............................. 71

VI. Le fait scientifique ............................... 87

Notes .................................................... 113


Annexes ................................................. 129

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I

Le patrimoine, au sens où on l'entend aujourd'hui


dans le langage officiel et dans l'usage commun, est
une notion toute récente, qui couvre de façon néces-
sairement vague tous [es biens, tous les « trésors »
du passé. En fait, cette notion comporte un certain
nombre de couches superposées qu'il peut être utile
de distinguer. Car elle intervient au terme d'une
longue et chaotique histoire du domaine français,
des biens français, de la sensibilité française au
passé. Nous nous proposons ici d'en explorer les ori-
gines, les fondements, les implications, à l'aide de
textes et de références historiques parfois connues,
souvent oubliées. Des citations et des « encadrés »
rappelleront des épisodes plus ou moins rassurants
ou irritants de ce développement qui, à partir de
faits ancestraux, nous a paru se prolonger jusqu'à
maintenant.
Dans toute société, dès la préhistoire, comme
l'indique la belle étude d'André Leroi-Gourhan, le
sens du sacré intervient en invitant à traiter certains

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I

objets, certains lieux,


certains biens matériels, fait religieux
comme échappant à la loi de
l'utilité immédiate.
L'existence des lares familiaux, celle
du palladi,.m de
la cité doivent
probablement être replacées à l'ori-
gifle ou au fond du problème
du patrimoine. Il faut
en rapprocher le sort de
certains objets usuels, armes
et bijoux, et même d'édifices,
qui, pour des raisons
diverses, ont échappé à
l'obsolescence et à la destruc-
tion fatale pour se voir doter
d'un prestige particu-
lier, susciter un attachement
passionné, voire un véri-
table culte. L'histoire du
développement humain est on doit demander si, dans une civilisation
se
liée aux comportements à
l'égard des morts, dont chrétienne, l'idée de patrimoine culturel n'a pas
nous n'avons pas à traiter ici,
sinon par rapport aux pris ses racines, OU du moins SeS modèles, dans le
sépultures mais il est lié aussi à
;
des attitudes, à des concept chrétien de l'héritage sacré de la Foi.
règles concernant des objets
privilégiés qui méritent « Conservatrice » dans son essence même, lÉghise
a
d'échapper aux fatalités naturelles.
C'est à partir de défini le culte d'objets privilégiés. La loi mosaïque
ces phénomènes généraux,
plutôt que de définitions avait déjà matérialisé l'alliance divine par les tables
juridiques, qu'il fàudmit envisager
une perspective de la Loi iuis par l'arche gardée dans le temple de
historique. Elle comporterait six
moments qui sont Jémsalem. i.e souvenir ne s'en est jamais perdu,
autant de composants de cette
réalité complexe. mais la chrétienté a donné a son tour un formidable
développement aux implications matérielles de
l'Incarnation qui la fondait tous les témoignages
:

possibles du passage du Christ sur la terre, depuis


les langes de la crèche usqu'à la couronne d'épines,
devaient nécessairement être recherchés et vénérés,
constituant un fonds immense, répétitifs souvent
contradictoire et légendaire - la question n'est pas
là- d'objets périssables mais jalousement conser-
vés par les générations. Et plus encore, la religion
enseigne qu'il y a une présence, un « mémorial » sans

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t

cesse renouvelé et pourtant


identique, « conservé » tions, les vols et les achats. . Ni saint Augustin, ni
.
dans les « saintes espèces » avec plus
de soin encore Les papes, ni les conciles n'eurent en cette matière
que les reliques de la vie terrestre du
Fils de Dieu. une doctrine cohérente, signe que les intérêts de la
Ces realia de la foi encrent sans
transition dans le religion étaient Souvent contradictoires. Fallait-il
patrimoine de l'humanité, dans le sens où
ils sont permettre aux particuliers de posséder des reliques,
considérés comme sa propriété collective,
transmis de Les honorer privément, de les porter sur eux dans
de génération en génération,
conservés pour leur ces capsellae si communes, par exemple, chez les ans-
seule valeur religieuse.
rocrates des Ive et ve siècles ? Pouvait-on les acheter
comme une marchandise, les débiter comme un lin-
Les reliques
got d'or ? Ou fallait-il les considérer exclusivement
comme les biens de la con-irnunauté chrétienne,
Les problèmes juridiques que réservés aux lieux de culte et, bien entendu, inalié-
posent leur recon- nables? Jamais les canons des conciles ne se pronon-
naissance et le culte qui leur fut rendu
correspon- cèrent catégoriquement pour l'une ou l'autre de ces
dent parfaitement à la connotation,
juridique elle doctrines; les usages les plus contradictoires furent
aussi, du mot
Cette forme première du patrimoine est tolérés, voire recommandés aux mêmes moments.
paradoxa- qui reste permanent, c'est l'attachement de la foule
lement celle qui tend aujourd'hui à
disparaître de chrétienne aux reliques; saint Augustin les compa-
notre civilisation, les reliques étant
progressivement rait déjà, selon une notion toute patrimoniale, aux
retirées du culte, de « l'ostension»,
cachées, parfois souvenirs des ancêtres:
reniées, selon un processus entamé déjà
au xvi siècle « Il ne faut pas mépriser et rejeter sans honneurs
par les réformes protestante et
catholique. Le statut les corps des défunts et surtout des justes et des
des reliques se définissait déjà en
termes de propriété. fidèles, ces corps dont l'Esprit saint usa comme
L'Église, ayant hérité des lieux de culte
qui avaient d'organes et d'instruments pour les bonnes oeuvres.
aux origines appartenu aux laïcs
(le droit de « patro- En effet, le vêtement d'un père, son anneau, d'autres
nage » en était le dernier souvenir), a
tenté bien des objets du même genre, sont d'autant plus chers aux
fois de définir le statut juridique
des reliques, soit au enfants que ceux-ci avaient pour leur père une plus
moment de leur plus grande expansion (1VeXIe
siècle), grande affection. » (Cité de Diei, 1. 1, c. 13).
soit plus tard, au moment où leur
« pénurie » a Comme de grands historiens l'ont démontré avec
entraîné toutes les concupiscences, les
fragmenta- toute la précision souhaitable2, sans le culte des
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reliques au haut Moyen Âge, on ne peut
comprendre négociations de Saint Louis et de Baudouin II de
la création, la disposition et
l'évolution des sanc- Constantinople pour la possession de la Couronne
tuaires, ainsi que léveil des pèlerinages.
Trésor spi- d'épines et du bois de la Croix.
rituel, la relique devient source de
richesse maté- Dévotion sans cesse aux bornes de l'idolâtrie et
nelle, elle sanctifie l'église locale,
elle assure sa de la superstition, que les théologiens tentent en
renommée. Tous les moyens sont bons
nr puisqu'ils sont finalement
alors la doctrine des canonisces
-- pour l'acqué-
quelle que soit
justifiés par le
vain de réduire à la stricte contemplation des
mérites des saints et à un appel à leur intercession,
les reliques deviennent vite par la force mame de la
bien spirituel des fidèles. Bien
plus, les moyens les piété populaire le patrimoine le plus précieux de la
plus frauduleux sont considérés par
les amateurs les communauté laïque paroisse, ville, principauté,
plus difficiles comme les meilleurs :

en ce qui nation. À Paris, dans les occasions solennelles, les


concerne les corps saints; on peut
toujours douter paroisses sortent en procession en portant leurs
de l'authenticité d'une relique
offerte à une église corps saints, tous s'inclinent devant sainte
par un grand de ce monde, roi ou
pape (pourquoi se Geneviève première patronne de la ville, qui a la
priverait-il d'une vraie relique ?), tandis
qu'une primauté. Parler de Sainte-Foy de Conques, de
relique dérobée dans un sanctuaire où
elle est tradi- Saint-Martin de Tours, de la sainte Larme de
tionnellement honorée présente des garanties
coup plus fortes. Ce raisonnement beau- Vendôme et de cent autres reliques aussi célèbres,
cynique mais c'est évoquer l'attachement jaloux d'une population
imparable fut tenu au xie siècle par un
abbé de pour un objet sacré et son reliquaire, qui dépasse le
Saint-Mihiel nommé Nanter qui, après avoir
refusé sentiment purement religieux pour offrir à la
lors d'un pèlerinage à Rome
d'acheter des reliques communauté le seul vrai symbole de son identité.
du pape Etienne, alla dérober aux
catacombes le La vénération fonde ainsi le patrimoine.
corps de saint Calixte qu'il ramena
à Verdun. On À côté des reliques, certaines images auxquelles
connaît les épisodes les plus fameux de
cette pieuse on se plaisait à donner l'origine la plus lointaine,
kleptomanie les marchands vénitiens
s'emparant à rattachant le temps présent à l'Antiquité et au pres-
Alexandrie du corps de l'évangéliste saint
Marc, les sentiment que celle-ci aurait eu du christianisme,
moines de Fleury-sur-Loire dérobant
à Rome le reçoivent une vénération aussi passionnée les
corps de saint Benoît. C'est :

dans un contexte vierges noires comme la Vierge de Chartres par


d'échanges bancaires internationaux, en
dépit de la exemple, qu'on croyait, du temps des druides, véné-
recommandation des conciles 3, que se déroulent
les rée dans la crypte jusqu'à ce qu'elle soit jetée au feu

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en 1793, ou celle de Clermont-Ferrand;
celle du ces objets. On observe constamment des traits de
Puy passait pour venir de saint Louis,
qui l'aurait comportement de ce genre à l'égard d'ouvrages pri-
reçue en cadeau du soudan d'Égypte,
ce qui expli- vilégiés. Ils ont profondément marqué la mentalité
quair, bien entendu, sa couleur basanée.
Le mer- commune. L'emprise sociale de l'Église a pu faiblir
veilleux et le bizarre comptent plus que le
familier. régulièrement, les usages disparaître, en devenant
On ne cessait d'accroître et de transformer
les matière à folklore, les superstitions formées autour
sanctuaires, mais souvent on cherchait à
conserver des objets sacrés se réduire à des anecdotes, la
les éléments sculptés des
sanctuaires précédents; déchristianisation des masses entraîner l'oubli des
cette attitude respectueuse est requise à
nouveau au traditions, le sentiment du merveilleux semble
concile de Trente: « On doit avoir et
conserver s'être déplacé plutôt qu'évanoui. Le prestige cultu-
principalement dans les Églises, les images de Jésus- rel n'en serait-il qu'un avatar?
Christ, de la Vierge Mère de Dieu, des
autres
Saints; et il faut leur rendre l'honneur et la
vénéra-
tion qui leur est due. » (Session 25, De
Sacris imagi- Liconoc1asme
nibus). Lorsqu'on détruisait
un portail, il était fré-
quent d'enterrer sur place certaines statues au
lieu Le vandalisme et les réactions qu'il suscite sont
de les briser. On a ainsi retrouvé en
1950 dans le peut-être ici une étape nécessaire7. Car rien ne met
sol de Saint-Germain-l'Auxerrois à
Paris la statue mieux en évidence la valeur symbolique de certains
du saint évêque qui ornait autrefois le
trumeau du objets.
portail4. Les éléments anciens des
portails pou- Un phénomène réapparaît périodiquement comme
vaient aussi être remontés dans les
nouvelles une résurgence: l'iconoclasme. L'épisode le plus vio-
façades. À Chartres, le portail royal
sculpté à la lent qu'il ait connu dans notre pays est certainement
façade occidentale en 1145 a été
conservé dans la celui des guerres de Religion. Après quelques atten-
nouvelle façade entre les tours,
cinquante ans tats dispersés, les huguenots se déchaînèrent dans les
après5. À Notre-Dame de
Paris, le portail Sainte- années 1562 et 1563. L'ampleur et la fureur des
Anne qui décorait depuis le milieu du xiie
siècle la démolitions nous étonnent encore: des cathédrales
cathédrale primitive a été lui aussi remonté
dans la entières (Orléans) sont soudain effacées du paysage,
nouvelle façade au début du xni siècle6.
Ces récu- toute la statuaire mutilée ou jetée par terre, les tom-
pérations démontrent un attachement
pour des beaux anéantis, les reliques brûlées, noyées ou jetées
figures d'un autre âge, qui assure un
statut original à la voirie. Luther n'en demandait pas tant, mais

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Zwingli avait déjà encouragé ces destructions
par un En réalité, cette notion inexprimée existait
mot terrible « Quand on détruit leurs
:
nids, les d.puis longtemps à l'égard des édifices religieux,
cigognes ne reviennent plus8. » C'était, bien
sûr, la i sant passer de la vénération à l'admiration. Dans
réaction contre une vénération « idolâtre »
portée par Iii églises de pèlerinage on est attiré par une
le peuple catholique aux rea/la de
la foi, mais le e aura » miraculeuse, mais aussi par l'appréciation
souci de purifier la croyance méconnaissait
le carac- diffuse de la beauté d'une part, cJe l'ancienneté de
tère patrimonial de ces objets, qui
intervint dans L'autre, deux notions étroitement liées jusqu'à
leur protection. Certains témoignages
sont à cet aujourd'hui. Des miracula aux mirabilia. Ne parle-
égard frappants: à Condom-sur-BaIse,
apprenant t-on pas du bâtiment de la Merveille au Mont-
que leur cathédrale va être démolie par les
nots, les habitants obtiennent de la sauver
hugue- kint-Michel? Un dépouillement de la première lit-
de la des- térature à résonance « touristique » devrait
truction moyennant une rançon de 30 000
livres permettre, par une analyse sémantique, de détermi-
versée à Montgomery. Il en fut de même
pour la ner la nature des sentiments suscités par les oeuvres,
cathédrale de Bazas. Sacrifice financier pour,
sauver et l'évolution de ces sentiments.
un monument historique? Ailleurs, on
éloigne à la Le terme de mirabilia exprime bien un sentiment
ce qui risque de disparaître. Après le
pillage de que n'ignore pas l'âge classique et qui sera repris
la cathédrale de Bayeux, en 1562,
sauver la broderie de la reine Mathilde
tente très longue et estroicte de telle à broderie
-
le clergé, pour
« une
de
avec passion par les romantiques plus qu'une juste
:

appréciation des valeurs esthétiques, de la plas-


tique, du décor, de l'harmonie, c'est un étonne-
ymages et escripteaulx fàisans représentation
du ment, une crainte respectueuse, presque une terreur.
1476 -
conquest d'Angleterre», d'après l'inventaire
la confie à l'autorité municipale.
Au début du xviie siècle, André Duchesne9
de Ces termes s'appliquent bien entendu tout particu-
lièrement au gothique, même, comme on sait, au
stigmatise la destruction de la cathédrale
d'Orléans en rappelant que les païens, eux, « épar-
- écrit le père Laugier'° -
temps du classicisme. «J'entre dans Notre-Dame
au premier coup d'oeil
mes regards sont arrêtés, mon imagination est frap-
gnoient les temples, et les jugeoient inviolables
pée par l'étendue, la hauteur, le dégagement de la
Peu importe le bien fondé de cette
information, vaste nef. Je suis forcé de donner quelques moments
l'important est cette notion d'inviolabilité atta-
à la surprise qu'excite en moi le majestueux
chée dès cette date à un édifice et
l'argument de la ensemble. » Plus l'architecture est audacieuse, plus
« civilisation».
elle défie apparemment les lois de l'équilibre, plus

20 u 21

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elle apparaît comme l'oeuvre
incompréhensible de $øufflot (Mémoire sur l'architecture gothique lu à l'aca-
techniciens mystérieux dont la tradition est
et plus l'oeuvre est respectueusement
perdue, amie des Beaux-Arts de Lyon), en 1754-1758 par
quel ordre est ce sentiment? II mêle
admirée. De Isbbé Lebeuf et d'autres ne sont pourtant que des
au religieux echos tardifs, et isolés, à l'action de la Société des
une autre évidence; il les confond
peut-être. intiquaires de Londres fondée en 170714.
L'attachement est d'autant plus fort, marqué
de L'éloge des structures gothiques en tant que
plus de respect superstitieux, qu'il s'agir
d'ouvrages tour de force de légèreté, que réussites techniques,
plus étrangers au goût moderne. Le
dépaysement, commence à être prononcé clairement par les théo-
l'étrangeté comptent ici pour suggérer une
puis- riciens. Les analyses de l'abbé Laugier, les déclara-
sance, une invention venant du fond
des âges et LIOflS de Souffiot rendent soudain intéressantei ces
dominant les générations. Certains édifices
ont formes qu'on voue par ailleurs à la destruction;
connu dès leur construction une admiration
univer- elles sont devenues un aspect non négligeable de
selle, qui ne s'est pas démentie
durant les siècles l'architecture universelle. On ne pousse pas le rai-
classiques. Le plus célébré est sans doute la
Sainte- sonnement jusqu'à dire qu'il convient d'en conser-
Chapelle. Comme pour Notre-Dame de
Paris', les ver l'espèce; l'impression dominante reste qu'il n'en
éloges prolongés dont cette « architecture
admi- existe qti.e trop d'exemples. À aucun moment
rable » est l'objet sont des plus
révélateurs (voir n'apparaît l'idée que ces témoins sont essentiels à
annexes i et 2). Dans les attitudes
favorables aux l'histoire nationale; on n'en est pas encore là. Mais
édifices médiévaux, dont l'exposition du
« Gothique enfin, tandis que le mépris de l'art « barbare » du
retrouvé'2 » a montré la vitalité,
il faudrait faire la Moyen Âge va autoriser tous les ravages quand la
part de ce qu'on pourrait appeler le
« patrimoine passion anti-religieuse et anti-monarchique s'en
technologique>, c'est-à-dire la poursuite des
de construire chez les maîtres
modes mêlera, l'idée contraire que ces ouvrages sont des
d'oeuvre et l'apprécia- phénomènes dignes d'attention sera prête à interve-
tion des qualités structurales gothiques'3,
à l'exclu- nir le moment venu pour en interdire l'anéantisse-
sion, comme on l'a souvent remarqué,
de l'orne- ment total.
ment resté fondamentalement
incompris. Les Ce n'est pas, en effet, u.n phénomène négligeable
témoignages d'intérêt affirmés par l'abbé de
eri 1677 (Considérations en faveur
Marolles que la désaffection manifestée au même moment par
çaise), en 1737 par
de la langue fran-
Amédée-Pierre Frezier (La
Théorie et la pratique des coupes de pierre),
en 1741 par -
voulons parler du clergé gouvernant
évêques, curés, chapitres
-
[e clergé à l'égard de son patrimoine sacré. Nous
cardinaux,
non des foyers dérudits

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qui animent les bibliothèques des mauristes
ou des apparences, pour la conduire vers la religion des
génovéfains. Dans sa Lettre à ¡'Académie, Fénelon
Lumières, qui réconcilie la Foi et la Raison dans la
dénonce, en 1716, le péché des gothiques contre
raison: «L'architecture gothique élève sur des
la tiarté des grandes vitreries blanches des temples
piliers nêo-classiques, aux applaudissements de Diderot.
très minces une voûte immense qui monte
jusqu'aux Du coup, l'opinion éclairée était mûre pour saisir le
nues», tout en observant: « On croit que tout
va atnimoine sous un autre jour; non plus l'objet ou
tomber, mais tout dure pendant des siècles.»
crainte du ridicule vis-à-vis des «
amène la destruction d'un tombeau à
philosophes »
l'authenticité
La
« monument »

Montfaucon --
l'édifice sacré, religieusement admiré, mais un
le mot avait été diffusé par
c'est-à-dire un témoignage d'his-
duquel on ne croit plus: le tombeau de saint
Lazare tome, un repère pour connaître la vie des généra-
à Autun, anéanti dans le choeur de la
cathédrale en t ions disparues. Et c'est sous cet aspect que les
1766. L'archevêque de Bourges n'a pas ce
prétexte églises attireront l'attention passionnée des intellec-
pour détruire la Sainte-Chapelle de Jean de Berry
en tuels agnostiques: Michelet, Mérimée... Les témoi-
1757.
gnages les plus lointains, les plus « antiques»,
Disparaissent encore Sainte-Catherine du Vai-
étaient alors évidemment les plus curieux, les plus
des-Écoliers à Paris, et l'abbaye de la Victoire, chef-
intéressants. Lavé de son auréole désuète, isolé de
d'oeuvre de l'art gothique, en 1777 et 1784,
l'une son contexte, détaché même de sa fonction, le
par ordre du roi, l'autre par ordre de
l'archevêque monument accède au rang de curiosité, c'est-à-dire
de Reims. La Daurade à Toulouse avait
subi le déjà d'objet de musée. Rien n'est plus frappant que
même sort en 1761. Les campagnes
d'«embellisse- cette réflexion d'un commissaire de la Législative
ment » des évêques et des chanoines dans
les chargé de dresser en 1792 l'inventaire des objets et
choeurs de cathédrales et d'églises
s'accompagnent statues renfermés dans les édifices de culte
de la destruction ou de la dispersion de
morceaux parisiens16. Devant la statue de la Vierge à l'Enfant
encore admirés, comme les stalles. L'abbé
Laugier qui ornait l'une des chapelles du couvent des
lui-même, parlant de celles d'Amiens, stigmatise
Grands Carmes, « du meilleur goût et même très
«l'aveugle amour pour ces antiquailles ». Si on
ne bien agencée», il s'écrìe « Ces gothiques, quoique
:
les détruisait pas, on les dispersait
pour honorer le d'un goût barbare, peuvent intéresser; il seroit à
bon peuple des campagnes'5. Encouragée
par le propos de les ménager en cas de démolition, ils sont
clergé, cette désacraiisationi vise à détacher
les précieux comme antiques. » L'honnête commissaire
fidèles d'une religion trop matérielle,
attachée aux inaugurait sans le savoir l'inventaire du patrimoine.

24 I 25
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II. Le fait monarchique

Si la notion de sacré a pu, de bonne heure, inspi-


avec la vénération de certaines oeuvres un senti-
nt indistinct de propriété collective, le gouverne-
nt monarchique, lui, ne semble avoir pressenti
politique patrimoniale que dans ses derniers
nps avec le souci des collections publiques et la
anon du « Muséum», en écho aux préoccupations
«Lumières ». Aux origines, seule l'Église consti-
Lit un pouvoir stable et permanent; l'autorité

ale devait s'imposer et survivre à travers les


erres et les successions dynastiques. Objets et
numents liés à son exercice semblaient donc
)endre de chaque règne individuel, comme son
)areil propre. Dès que la nécessité a dispam, ils
it oubliés, condamnés à plus ou moins long
me. On est surpris des négligences qui semblent,
f quelques exceptions notoires, frapper les biens
narchiques d'un caractère viager. Le style de vie
roi et de la cour, empreint d'un nomadisme fon-
r dont l'esprit survivra jusqu'à ce que les révolu-

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t

dons parisiennes enferment Louis


XVI aux Tuileries, pence économique donne de bien meilleures garan-
n'est d'ailleurs pas favorable au respect
des monuments. Peu de lieux
des objets et ,Ies que les murs des cathédrales : l'abbaye de Saint-
fixes mais une sorte de Denis.
transhumance nécessitée par des impératifs
écono- Ces objets sacrés de la monarchie, c'est d'abord
miques certes, mais aussi par les
nécessités de la vie. I. manteau de saint Martin, la cappa, objet legen-
Sous les Valois, Fontainebleau
était frappé d'une ¿*ire sur lequel nous n'avons que des notions
affreuse pestilence après quelques
semaines d'habita- confuses, mais qui témoigne au moins de la renom-
tion de la cour et il fallait la déplacer;
sans cesse les forêts giboyeuses,
on cherchait
et il y avait aussi
l'impératif politique de montrer le roi.
son habillement -
mée universelle de l'apôtre des Gaules, une pièce de
manteau de soldat assimilé
permettait guère que le transport de mobilia
tables entassés sur le dos des mulets.
Tour cela ne
démon- d'Amiens ou chape d'évêque? -
pieusement au vêtement partagé avec le pauvre
fournissant un
palladium ou plutôt un labarum à la monarchie mili-
taire. Voici le témoignage du moine de Saint-Gall:
Les regalia
« Ce prince Charlemagne) fit l'un de ces élèves
pauvres chef suprême et écrivain de sa chapelle. Les
rois de France appelaient ainsi les choses secrètes
Néanmoins la monarchie ne pouvait durer
sans qu'ils possédaient à cause de la chape de saint
sécréter ses propres objets sacrés. Ils
sont peu nom- Martin qu'ils avaient coutume de porter dans toutes
breux, et tout compte fait bien peu
sacrés et si rare- leurs guerres comme un gage de sûreté pour eux et
ment décrits et reproduits que leur
histoire même de triomphe sur l'ennemi'8. » (De rebus Caroli
reste mystérieuse. Rapidement le roi
reconnaît qu'il Magni). Le père Delehayc'9 ajoute: «Les rois francs
rie peut en conserver
lui-même la garde sous peine conservaient comme une relique insigne un petit
de les exposer aux aléas de sa
propre existence, et il manteau ou chape qui aurait appartenu à saint
en fait un dépôt entre les mains
de l'Église. L'étude Martin. Elle était déposée au palais sous la garde
des inventaires du trésor de
Saint-Denis'7 permet des cappellani et portée devant l'armée les jours de
de mieux connaître les épisodes de
cette remise. Les bataille. Le serment prêté super cappella domni
regalia ne sont pas déposés au lieu
du sacre, même Martini était particulièrement solenneL Bientôt
lorsque la tradition se fixe à Reims,
mais dans un ca/iella désigna le lieu du palais où était conservée la
établissement privilégié dont les origines
sont liées chape, plus tard tout édifice religieux renfermant
à celles même de la royauté
franque et dont la puis- des reliques. » Dom Brial enfin20 a pensé que le sur-

29
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I

nom d'Hugues « Caper », Cappatus,


était précisé- couronnes qui furent rachetées par Louis VIII en
ment lié à la possession de ce manteau,
Hugues 3. Saint Louis enfin ordonna en 1261 d'y dépo-
étant abbé laïque de Sam-Martin à la suite
de son pour les suspendre autour de l'autel les jours de
père Hugues le Grand. Ce tissu bleu,
dont on véné- e les couronnes que son père avait reprises ainsi
rait des fragments dans quelques
églises de France, Me la petite couronne que le roi portait durant le
ne doit pas être confondu avec
l'oriflamme qui, lui .,pIs du sacre. La même tradition fut suivie par la
aussi, était pris à Saint-Denis
pour conduire les nine Jeanne d'Évreux, par Charles V, par Anne de
armées royales21. Dans l'inventaire de
Saint-Denis aretagne...
de 1634, on trouve encore la
mention suivante: Pourtant le dépôt de ces regalia n'avait pas le
« Au pilier du costé
senestre estoit attaché ung csractère inaliénable que l'on serait en droit
esrendart de sandal et fort caducque,
enveloppé d'attendre. Ils matérialisaient la pérennité de la
autour d'un baston couvert de cuivre doré
fort des- monarchie mais ils n'en étaient pas moins une
doré, 1mg fer longuet agu au bout
d'en hault, que reserve de métal et de pierres précieuses susceptible
lesdits religieux disoient l'oriflambe. »
d'être mise en gage, dépecée, vendue, fondue. Dès
Les regalia sont les instruments
du sacre et du [340, Philippe de Valois reprit ainsi aux religieux
couronnement, et en premier lieu la couronne iept couronnes d'or et [a croix de Philippe Auguste,
dite
de Charlemagne, ou de Charles
le Chauve22 bien qu'il rendit d'ailleurs à la fin de l'année. Des ventes
qu'elle n'ait sans doute été exécutée qu'en ll8O2.
et des fontes au profit des religieux ont lieu durant
Les rois avaient comblé Sairir-Denjs
de cadeaux, la guerre de Cent Ans et les guerres de Religion.
contribuant ainsi à la formation d'un trésor
» où [)es objets de première valeur sont fondus en 1589,
les reliques voisinaient avec les
objets d'art. Charles d'autres disparaissent durant la Ligue. L'inventaire
le Chauve, qui avait été élu abbé
du monastère, des pertes, dressé à la paix de Vervins, est éloquent
avait ainsi donné quelques pièces
fameuses (dont la couronne de la reine, un sceptre et une main de
certaines sont encore conservées au
Cabinet des justice, une rose d'or, etc. Il semble même que la
médailles), la coupe des Ptolémées, la patène
de ser- couronne de Charlemagne ait disparu à cette date,
pentine, la table d'autel en or, la croix que
Suger prise par le duc de Nemours durant le siège de
dressa plus tard derrière l'autel,
l'écran dit de Paris24. Les religieux ont ensuite entretenu une
Charlemagne. Louis VI remit à Suger la couronne pudique équivoque sur cette disparition. Les bijoux
de son père Philippe Philippe Auguste légua à de la couronne avaient été d'ailleurs engagés pour
l'abbaye les croix d'or ornées de pierres
précieuses et payer l'effort militaire royal, et Henri IV dut

30 1 31

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t

s'employer à les dégager. C'est assez


dire que les du roy Jehan, l'an de nostre seigneur mil troys cens
fontes de vaisselle d'or et d'argent
Louis XIV avaient d'illustres
ordonnées par $oissante et nuef. Et le roy Charles présent, filz dudit
précédents et que la my Charles, le donna à Madame Marie de France sa
valeur monnayable des orfèvreries
les plus fameuses fille, religieuse à Poissy, le jour Samt-Michel, l'an
n'était jamais oubliée. Rappelons
enfin que Saint- mil III.C. . . ». Aucune mention ne peut être plus
Denjs conservait un autre souvenir
de la monarchie, putrimoniale. D'autres nous donnent des premiers
le trône de Dagoberr, qui
n'était pas de métal pré- témoignages sur l'attachement 'a l'oeuvre d'un artiste
cieux et a pu subsister jusqu'à
nous25. Au total clairement nommé, comme les Heures de Jeanne
donc, arie notion patrimoniale
très aléatoire. d'Lreux, minuscule chef-d'oeuvre de i 325-1 328,
décrit dans le testament de la reine : « un bien petit
livret d'oraison que le roi Charles IV, dont Dieu ait
Bibliothèques et archives
l'âme, avoit faict faire por Madame, que Pucelle
enlumina». On connaît la transmission d'autres
L'attachement aux livres du souverain
princes semble d'une autre nature.
et des manuscrits de main en main comme un dépôt
La librairie de sacré26; ainsi le manuscrit de Guillaume de Saint-
saint Louis déjà, et surtout celles
de Charles V, du Pathus, Vie et miracles de Saint Louis.
duc de Berry, des ducs de
Bourgogne furent trans- On n'aurait garde d'oublier, d'autre part, le
mises aux successeurs comme
un bien précieux, souci des archives. Dans la stabilité de l'abbaye, les
entouré d'un grand respect, mais
dont on n'ignorait moines de Saint-Denis avaient donné l'exemple
pas la valeur marchande en
ce qui concernait les plus d'une conservation alouse des documents qui éta-
beaux manuscrits à peintures.
Les mentions portées blissaient d'une façon incontestable (et parfois frau-
sur certains de ces manuscrits
témoignent du désir duleuse) l'ancienneté de leur établissement et de
de transmettre. Un psautier
anglais de la biblio- leurs droits; ce sont aujourd'hui les plus anciens
thèque de Leyde, qui porte ces
mots: «Cist psautiers documents conservés intéressant l'histoire du terri-
luit monseigneur saint Looys qui
fu roys de France, toire. Témoignages pour l'histoire, dont la valeur ne
ouquel il aprist en s'enfance [à lire]»,
famille royale avant de passer
resta dans la sera guère découverte qu'au xvIIe siècle par dom
chez les ducs de Mabillon et ses émules « laboureurs de chartes27 »,
Bourgogne. Sur le psautier de Saint
Louis on est plus ces papyrus et ces parchemins sont souvent des
explicite encore: « Cest psautier fu
saint Loys. Et le documents juridiques auxquels la vie même de
donna la royne Jehanne d'Evreux
au roy Charles, filz l'abbaye était attachée, et dont la conservation

32 1 33

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t

paraissait essentielle Les rois


dans leur itinérance ne
pouvaient garder leurs archives Uaum. Une autre initiative s'inscrit davantage
Je même soin. Philippe
administtjves avec Us la préfiguration d'un patrimoine collectif, c'est
Auguste en fit la triste expé-
rience lorsque les registres
du fisc et les caisses de b création du dépôt des imprimés, le « dépôt
Chaftes scellées qui I L'obligation faite à tous les imprimeurs de
accompagnajent en campagne,
avec le grand sceau et les
bagages, furent basculés et
óuser un exemplaire de chaque ouvrage entre les
disparurent dans le désordre iins du bibliothécaire du roi fur instituée par les
de la surprise de
Fréteval en 1194. Aussi, tres patentes d'octobre 1537, elle s'accompagne
quelques organes du gnu-
vernement royal tendajentj!s el4im long préambule où le roi manifeste son inten-
à se détacher de la
personne du souverain et à se ilon d'engager ainsi ses successeurs à protéger les
sédentariser à Paris. Le
Palais tie la Cité servit à les kttres comme il le fait lui-même, premier exemple
accueillir et devint en
même temps l'archivarigm de d'une politique culturelle consciente, qui venait par
la monarchie, sous la
garde du concierge du Palais. izi leurs de donner naissance au Collège de France.
Plus tard, Saint Louis
fir constmjre à côté de
la Sainte_Chapelle un
édifice dont l'un des étages petit
servait de sacristie (trésor
des reliques et des lis monuments antiques
ornements pontificaux) et l'autre
abritait le dépôt des archives
royales qui reçut tout inspire les seules
naturellement le nom de Le même souci « culturel »
« Trésor des Chartes».
Le garde qui était chargé mesures de conservation de monuments prises par
de recueillir, de classer et
de retrouyer est le premier Iautorité, et inaugurées précisément par François let,
conservateur d'un patri-
moine national que la Prance celles qui concernent les monuments antiques30. Il y
ait connu. Le nom du
plus ancien mérite d'être avait évidemment pour le roi de France un exemple
rappelé: Pierre d'&ampes,
auteur du premier inventaire, à suivre, celui des papes31, et c'est précisément au
dresse en 131828.
Il faudrait évoquer à moment de rencontrer Clément VII à Marseille en
la suite des trésors et
librairies, la naissance des des 1533 qu'il s'attarda quelque temps à NImes, don-
collections de curiosités,
d'objets d'art et de tableaux, nant aux populations le spectacle de sa passion pour
comme les oeuvres
célèbr accrochées dans les antiques et ordonnant quelques mesures pour
l'appartement dit des bains
tie François 1er à
Fonrainebleau mais il s'agir là dégager et mettre en valeur la Maison carrée (voir
biens personnels du roi29 des annexe 3). Les antiquités de la France méditerra-
et cet aspect cia problème
sera évoqué plus loin à néenne sont alors à l'honneur. Celles de NImes et de
propos de la création du
ses environs sont célébrées par le juriste castrais Jean

34
35

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5

de Boysonné : le pont du Gard où


Rabelais envoie
en excursion son Pantagruel, les arènes, « avoir esté basty par les Romains, et dont le
divin qu'humain», que visitèrent
oeuvre plus Lipsius a représenté le plan en son livre des
d'Angoulême et la comtesse de Crussol.
Marguerite phithéâtres », à Lyon les « colonnes et dépouilles
Par son ordonnance de 154832 le superbe Temple d'Auguste » ; le « merveilleux>'
connétable de lit du Gard, à NImes les arènes, l'ancien temple
Montmorency a relancé une politique de
protection lé la Fontaine, le « Cap dueil » ou Maison car-
des antiquités, malheureusement
réduite à la ville , Les statues
antiques, la « Tourre Magne » . . . à
de NImes (voir annexe 4). Cependant,
érudits ne fait que croître. Il faut citer
l'intérêt des $ordeaux le « Palais Tutele » et le « Palais
de Paul d'Albenas sur NImes (1560),
les ouvrages Oslienne», à Agen les antiquités hors de la ville
de Romyeu sur Arles (1573),
de Lantelme dont il vante « les piles [. J le ciment autant dur et
.

mais aussi ceux de (erme que l'acier [...) les pavés de carreaux de
Jean Richard sur Dijon (1525), de
Champier (1537) et de Claude Bellièvre
Symphorien marbre », à Orange « les précieuses ruines d'un
(édition tardive, 1846), de Richard de
sur Lyon Théâtre le plus beau du monde, une muraille de
sur l'Austrasje et la Lorraine (1549),
Vassebourg pierre carrée, d'une architecture la plus merveilleuse
sur Bordeaux et sur Narbonne (1566
d'Elias Vinet qu'on puisse guère imaginer.., et un arc triomphal
Léon Trippault sur Orléans (1572),
et 1572), de enrichy de batailles d'hommes à cheval fort artiste-
Saint-Julien sur la Bourgogne (1580).
de Pierre de ment représentées, et environné d'un mur qui le
Une pre- met à l'abri des injures de l'air et du temps)>.
mière vue d'ensemble est prise par
Sain te-Marthe dans ses Gau/orum
Scévole de Pourtant l'intérêt porté aux antiques avait
doctrine illkstrjum
qui nostra Patrumque memoria ftoruerunt encore parfois cet aspect « collectionneur » qui
1602). Les correspondances de Jacob
Elogia (1598- frappe dans la politique romaine des papes: en
Spon, de Fabrj 1641, les consuls de Riez proposent à l'archevêque
de Peiresc témoignent d'une curiosité
qui prépare la de Lyon, primat des Gaules, de lui envoyer les
notion moderne de « monument
historique ». C'est colonnes antiques du temple d'Apollon pour son
un véritable répertoire des antiques
« classés » que
présente en 1609 l'auteur des Antiquités de palais. La ville de NImes, pour faire sa cour à
André Duchesne. A Bourges les arènes,
la France, Louis XIV, lui propose de démonter la Maison car-
reste et vestige de quelque superbe
« précieux rée pour la reconstruire dans le parc de Versailles.
Amphithéâtre »
(aujourd'hui disparu), près de Poitiers, à L'intérêt manifesté par l'autorité est aussi inspiré
Fontaine, « un théâtre presque en son
Doué-la- par le souci de former les architectes et de docu-
entier, qu'on menter l'enseignement de l'Académie d' architec-

36 1 37

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ture, créée en 1671. Colbert donne
ainsi en 1669 riosité. Spon, ayant le courage de protester contre
une mission officielle à
l'architecte Mignard oukase royal, formule en passant la notion clef:
d'Avignon pour relever en Provence, en
Languedoc Pourquoi démolit-on ces colonnes des dieuxl
et autres provinces « les bastiments
antiques qui s'y ouvrages des Césars, monument tutélaire... »
trouvent remarquables par leur belle
architecture »; L'anticomanie ne développe pas l'idée d'un patri-
en 1683, l'Académie demande
à Colbert de faire tirnine qui mériterait autre chose qu'un effort intel-
lever l'arc de Reims. Jacquier, élève
de l'Académie, Ire mel. Delorme relève l'aqueduc du Mont-Pila
lève les édifices de NImes et le
pont du Gard (pro- près de Lyon (1760), Mouton reproduit à la
cès-verbal du 16 mai 1709). Le
même Souci se demande de Caylus et de Manette les monuments
retrouve dans l'autre académie, celle
des inscrip- NImes (1766), d'Anville publie en 1760 sa
tions et des belles lettres, dont tic
l'intérêt pour les Notice de l'Ancienne Gaule et J.-B. Grosson en 1773
monuments antiques, épigraphie,
numismatique... son Recueil des antiquités et monuments marseillais qui
est fondamental. Le marquis
de Gaumont, peuvent intéresser ¡'histoire Grignon, corres-
et ¡es arts,
Mehudel, l'abbé Lebeuf, Minarcj
dissertent sur les pondant des académies, fouille « par ordre du Roy»
ponts de Saint-Chamas ou de
Saintes, l'arc la butte de Châtelet entre Joinville et Saint-Dizier
d'Orange ou les monuments du Comtat...,
et pour- (1774), mais on continue les destructions dans
tant ces monuments admirés ne
pèsent pas lourd l'incompréhension. Un particulier détruit en 1773
lorsqu'il s'agit de libérer un emplacement
saire. Ce qui compte, c'est la
néces- la mosaïque de Sainte-Colombe à Vienne, « pour se
connaissance ce n'est débarrasser des curieux »; le roi fait raser en 1778 le
pas la préservation. Louis XIV a
fait raser en 1677 palais comtal d'Aix-en-Provence, et le mausolée
l'extraordinaire monument des piliers de
Tutelle de romain qu'il contenait; Jefferson s'indigne en 1781
Bordeaux, prodigieuse accumulation
de colonnes de voir démolir les antiquités du Midi, notamment
colossales qui faisait penser à la salle
hypostyle de le mur extérieur du théâtre d'Orange.
Louqsor et que des générations
d'esthètes avaient
Célébrée33; gravée à
plusieurs reprises, elle avait
peut-être inspiré, par l'accrochage des
statues sur Les châteaux royaux
les colonnes, le décor des
bas-reliefs de l'hôtel
Carnavalet La raison invoquée était
déterminante: Les rois ne furent pas plus respectueux de lens
l'agrandisseme de la forteresse du château
Trompette Bordeaux perdit ainsi propre patrimoine monumental, c'est-à-dire des
sa principale ouvrages que la dynastie avait elle-même élevés.

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Dans ce domaine encore, le
règne de François Jet La comparaison de François I et de Louis XVI
apparaît comme particulièrement
rvé1ateur. ut se poursuivre sur un autre plan. Tous deux se
Totalement novateur, François I se
tout naturellement de l'arr du désintéresse uvèrent devant un immense domaine constrUit
Moyen Âge qu'il qui ne leur était pas directement utile et dont
invite à répudier. Certains
monuments voulus par l'entretien pesait lourd sur des finances très obérées;
lui sont comme un défi lancé au
monde urbain obs- tOUS deux tirèrent la même conclusion : aliéner ou
cur et irrégulier du passé :
l'hôtel de ville du ruser. Il fallait pour cela enfreindre les ordonnances
Boccador, imposé aux Parisiens, est
de ceux-là. Nul qui rendaient le domaine royal inaliénable.
symbole, ifit-il aussi prestigieux que
la localisation François Jer n'hésita pas. Par les lettres patentes de
traditionnelle du pouvoir suzerain du roi
de France, 1543, contrevenant expressément au testament de
ne pouvait tenir contre ce
parti pris de modernisme, Charles V, il décida de vendre pour lotissement un
et la grosse tour du Louvre fut
rasée, celle dont rele- certain nombre de domaines royaux hérités de ses
vait tous les fiefs de France.
L'image était si forte prédécesseurs à l'intérieur de Paris, qui formaient un
que même après que l'énorme
donjon circulaire de poids mort et empêchaient l'extension de la ville: les
Philippe Auguste se fut écrasé avec
fracas en 1527 hôtels d'Artois, de Fiandre, de Tancarville, de la
pour dégager la cour du Louvre
dont il obstruait, à Reine et Saint-Paul. C'est ainsi disparut la
vrai dire, l'espace et la lumière,
les aveux rendus au célèbre demeure des grands esbatements » de
«
roi de France continuèrent
à porter la mention Charles V, et que fut lotie une partie du quartier
« mouvant de notre
grosse tour du Louvre ». La
notion abstraite suffisait. L'édifice Saint-Paul. L'exemple fut suivi par Catherine de
fantôme vivra Médicis et Charles IX qui, en 1564, firent raser et
dans la fiction jusqu'à la chute de
Louis XVI, lequel lotir l'hôtel des Tourneiles. Le même Charles IX
avait fait tomber un autre donjon
primordial de la donnait en 1570 aux marguilliers de Saint-Solenne
monarchie, celui du palais de la Cité,
le donjon de Blois, pour reconstruire leur église endommagée
élevé par Louis VI et que l'on
nommait, à cause du par les huguenots, « la charpente et couverture
plus célèbre des prisonniers qui
y furent enfermés, d'une des tours du château de Chambord ». Depuis
la tour Montgomery; il
disparut dans les travaux de que les rois s'étaient passionnés pour la construction
rénovation du palais après l'incendie
de 1776. La de châteaux à la mode, ceux du règne immédiate-
chute de la tour du Louvre n'était
pas passée inaper- ment précédent étaient souvent condamnés au
çue. Dans son « journal », le
Bourgeois de Paris pro- manque d'entretien, à l'oubli, à la déchéance.
teste «elle estoit très belle,
:
haulte et forte». L'abandon du Val de Loire pour la région parisienne

40 1 41

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s

était déjà une étape décisive.


Chambord apparut monuments condamnés par la nécessité.
vite comme incommode, Blois et
Amboise, après helieu n'aurait pas hésité à faire raser avec le
leur reprise d'usage lors des
guerres de Religion, teau de Champigny-SurVeUde l'admirable cha-
seront peu à peu délaissés durant
le xvn siècle. Ile avec les grands vitraux de la vie de Saint Louis
Faute d'entretien, ils devenaient
caducs. Nul ne s'en ancêtre pourtant fort revendiqué par le roi
indignait.
II est d'ailleurs intéressant
de relever les noms
uis XIII -, si le pape Urbain VIII n'en avait

des châteaux royaux dont sé l'autorisation.


l'éloge apparaît dans les Au xvme siècle, sous la pression sans doute des
Antiquités d'André Duchesne
: après Paris, il
parlé de Sai nr-Germain-en..Laye, est Uìicultés financières croissantes, mais aussi pour
de Chambord øtisfaire les caprices de la mode et répondre au
dont il est fait grand cas, de
Fontainebleau, de gonflement immodéré du personnel de la cour, se
Monceaux-lès-Meaux, « maison vraiment
de Pau « qui n'a pas son pareil en royale», multiplient des sacrifices qui ne sont pas ressentis
toute la chrétienté» comme tels et qui dénotent tout simplement un
et c'est tout. D'autres édifices
civils sont mention- prodigieux manque d'intérêt pour des oeuvres qui
nés, le palais Jacques-Cur de
Bourges qualifié de étaient pourtant célèbres et visitées. À Sairit-Denis,
«magnifique», le château du Ha, le
Trompette et le château de l'Umbrière
château c'est la rotonde funéraire des Valois rasée par le
à Bordeaux, Régent en 1719 à la demande des religieux.
la tour de Vésone à Périgueux,
la grosse tour de À Fontainebleau, c'est la salle de théâtre du
Bourges, que Louis XIV fit raser en
165 1-1653, le Primatice en 1725 et surtout la fameuse galerie
palais des Papes et le pont
Saint-Bénezet à d'Lllysse en 1738, cette dernière pour créer des
Avignon, le palais de Dijon,
l'hôtel-Dieu de petits logements. À Versailles en 1752 c'est l'esca-
Beaune, l'hôtel de ville de Caen...
C'est une sorte lier des Ambassadeurs, l'un des plus purs chefs-
de palmarès de l'érudition,
qui aurait pu préluder à d'oeuvre de l'art monarchique et l'un des plus écla-
une vue plus compréhensive. Mais
personne n'aurait tants théâtres de la royauté en « représentation »,
pensé que, comme le disaient
Guizot et Michelet, qui est sacrifié au seul désir d'aménager des appar-
l'histoire de France s'inscrit de façon
irremplaçable tements pour une fille du roi; on démolit en même
dans les architectures.
Les plus belles réalisations temps la petite galerie peinte par Mignard. C'est là
ne pèsent pas lourd que nous Saisissons le mieux à quel point la notion
quand le roi veut modifier, agrandir
ou simplement de patrimoine monumental est étrangère à la
raser. Aucune valeur d'exemple
n'est plus reconnue monarchie. Pour des raisons diverses, dont l'atta-

42 N 43
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chement au château de Louis XIII ne fut
peut-être *itée en arc rustique un bas-relief représen-
pas la principale, Louis XIV avait conservé
Ii Seine et la Marne. Lorsque Blondel modifia
-
du côté
de la ville les ailes de brique et de pierre.
Louis XV ndément la porte en 1671, ii eut le souci de
dans un désir d'uniformisation grandiose
demande ployer la partie centrale et le bas-relief du
à Gabriel de tout faire disparaître
et de construire siècle, qu'il inséra dans un nouveau décor
d'immenses façades de pierre répétitives. On
titlé à François Anguier et à Van Obstal.
laisse Sous
tomber ou on détruit en Lorraine les châteaux triomphales de
du s XVI, deux des quatre portes
roi Stanislas, beau-père de Louis
XVI. L'ancien furent détruites, les portes Saint-Antoine
palais comtal d'Aix-en-provence est
détruit en 78) et Saint-Bernard (1787) ; le bas-relief du
1776, nous l'avons vu. L'arc de triomphe
de 1688 à siècle fut à nouveau déposé et envoyé en réserve;
Tours est jeté à bas en 1774. Mais surtout
ce sont ie trouve aujourd'hui au musée de Cluny.
les décisions de Louis XVI qu'il faut
retenir: le tremère de Quincy déplora, seul sans doute,
château neuf de Saint-G-ermain..enye
berceau
de te destruction.
Louis XIV, est rasé en 1777, et en février
1788 un On peut faire honneur à la municipalité pari-
édit royal condamne à la vente et à la
destruction lenne de l'un des premiers gestes de sauvegarde à
les châteaux de la Muette, de Madrid
au Bois de propos de la colonne astrologique de Catherine de
Boulogne, de Vincerines et de Blois (voir
annexe 5). Médicis près de l'actuelle Bourse du commerce. Un
mémoire de Bonamy35, Description historique et topo-
graphique de l'hôtel de Soissons, nous conte l'épisode
L'éveil k l'opinion en 1750, en des termes où se manifeste de façon
assez inhabituelle une nouvelle sensibilité histo-
Les exemples de conservation
délibérée sont tique: « La destruction totale de l'hôtel de Soissons
rares. Trois épisodes parisiens apportent
un éclai- va bientôt nous dépayser dans notre propre ville par
rage progressif et témoignent d'une
prise de les rues nouvelles et les bâtiments qui en couvriront
conscience des connaisseurs qui prépare le
souci de le terrain. Dans quelques siècles, on cherchera
préservation des commissions de la Révolution.
l'emplacement de cette maison célèbre.,. Je ne dois
A la porte Saint-Antoine, le premier arc
triom- pas oublier de parler de cette colonne fameuse, bâtie
phal élevé à côté de la Bastille pour fournir
à la ville par Jean Bullant... Le zèle de nos Magistrats muni-
une entrée décorée sur son front oriental
litt dressé cipaux pour la décoration de la Capitale n'a pu souf-
sous Henri III. El comportait au-dessus
de l'ouver- frit cette démolition. Le Bureau de la ville, sous la

44 1 45

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prévôté de M. de Bernage, a fait l'acquisition
d'ud tenir un arrêt du conseil « qui défendra de
monument qui, s'il n'est pas comparable
aui les monuments sans une permission
colonnes Trajane et Antonine, est du
des connaisseurs et unique à Paris
moins estimi de ceux qui peuvent y estre intéressés et
dans son espèce. sruimettra une personne pour aller dans les
Saluons le nom de celui qui avait fait
le premier t' rS les fuire dessiner38 ». La
même idée est
geste pour acheter Ja Colonne avant de la
la Ville, Bachaumont.
revendre à en 1783 par l'abbé Mercier, un Parisien féru
logie, qui demande qu'aucun monument
Le troisième exemple nous
rapproche des anné ne soit détruit sans une enquête préalable de
révolutionnaires. Lorsque la désaffectation du
tière des Innocents fut enfin prononcée
cime torité publique39. On assiste ainsi à Paris, dans
en 1785, le dernières années de l'Ancien Régime, à la for-
bâtiments des charniers furent rasés, et avec
eux la. inn d'une opinion éclairée décidée à lutter
vieille église des Innocents, pour
laisser place à un n re les pouvoirs publics pour éviter la destruc-
marché de plein air largement ouvert sur
la rue Saint- ni des monuments considérés déjà comme un
Den is36. Un peu plus loin, à l'angle
de la rue aux Fers, i iimoine collectif, à lutter respectueusement
s'élevait la fontaine des lflnocents,
oeuvre illustre de
Jean Goujon (1549), sorte de loge-cMteau..dea es, mais en employant un moyen d'action dont
forme de parallélépipède décoré sur
en cacité allait être prouvée d'une façon éclatante
deux de ses faces les journées de 1789 la presse.
:
seulement. Les protestations du public
la démolition de la fontaine,
empêchèrent Sans la révélation de ces épisodes on compren-
dont on aurait sans drait mal le sursaut suscité par les destructions
doute simplement mis en dépôt ¡es
annexe 6). L'édifice tout entier
bas-reliefs (voir révolutionnaires, qui n'est pas le fruit d'une généra-
fut donc sauvé, soi- cion spontanée mais l'expression d'une première
gneusement démonté par l'ingénieur Six et
par Poyet, Molinos et Legrand au
remonté conscience collective. Il est d'ailleurs remarquable
milieu du marché, ciue cette conscience ait défendu là d'abord des édi-
sous la forme d'une tour à quatre
faces régulières fices civils publics ou devenus publics: un arc de
(1789). Le sculpteur Pajou avait été chargé
pléter les décors de Jean Goujon par trois
de com- triomphe, une colonne d'observations astrologiques
naïades37. Cela préfigure les
nouvelles achetée par la Ville, et une fontaine. À côté des
Opérations futures des
services des Monuments historiques. monuments religieux, mis en question par la mon-
tée de la liberté de pensée, et des monuments pro-
En 1703, Roger de Gaignières avait
chancelier Pontchartrain un mémoire
adressé au prement monarchiques qui apparaissent comme les
destiné au roi biens de la Couronne, et d'une Couronne de plus en

46 I 47
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plus discutée, il existe un patrimoine du III. Le fait familial
«citoyen», reflet de sa vie civique au même titre
que les édifices publics des sociétés urbaines de
l'Europe duNord. Les monuments qui le compo-
sent sont peu nombreux, peu considérés parfois,
mais ils vont Susciter en ces années un sursaut
d'attachement. C'est ce que Napoléon comprendra
vite en faisant raser, par exemple, les bâtiments qui
avaient abrité le club des Jacobins. C'est bientôt, et
pour tout le XLXC sicle, la nouvelle sacralisation de
l'Hôtel de Ville, la Maison municipale, que les
On pourrait dire, devant l'exemple de la monar-
hommes de la Commune n'abandonneront en 1871
Ihse d'Ancien Régime, que celle-ci, mis à part les
qu'en l'incendiant, sorte de reconnaissance désespé-
yrnholes royaux, se comporte comme un groupe
rée de sa valeur symbolique.
rnilial. C'est en effet par une généralisation du
Krme de patrimoine que nous en sommes venus à y
Inscrire la notion de propriété commune, née de la
conscience d'une collectivité. En réalité, le terme
désigne a priori un bien transmis de père en fils, de
génération en génération. C'est si vrai que les pre-
mières acceptions collectives du mot patrimoine
sont venues précisément fournir un produit de rem-
placement aux classes sociales qui en étaient
dépourvues, « les biens donnés à l'Église doivent
être le patrimoine des pauvres », et le même terme a
servi, dans ce sens, à désigner les États pontificaux,
le « patrimoine de Saint-Pierre
Dans un héritage, certaines parties négociables
ne peuvent être considérées comme donnant
l'image particulière de la gens mais seulement de sa
fortune. Machiavel y fait cruellement allusion en

49
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s

déclarant: « Les hommes oublient plutôt la m


d'un père que la perte de leur patrimoine. » Il en
' 1'éard de son patrimoine reste une
.p,u explorée. Les documents sont difficiles
d'autres en lesquelles elle s'identifie, peu ou pr Tout au plus a-t-on ici cité quelques
Ce sentiment fur assez fort pour donner qui peuvent servir d'arguments à des
naissance
la définition juridique du legs par recherches. On ne s'étonnera pas,
«substitution I de
permettant à un bien transmis autoritairement pal e n tirer argument au sujet du fondement
le grand-père à son petit-fils, le fils n'en de la notion de patrimoine, que les
ayant qu s
l'usufruit, de franchir victorieusement la passe dan- es concernent essentiellement l'aristocratie;
gereuse des successions et de subsister dans la en effet que la continuité familiale est la
famille à l'abri des dilapidations inconsidérées. ølfirmée, et sur une plus grande durée, là aussi
Cette disposition héritée du droit romain fut 1m notoriété des biens a plus
souvent retenu
utili-
sée dans les grandes familles; par exemple non des mémorialistes.
l'hôtel de
Guise à Paris fut « substitué » de génération en Im possession du château est le plus évident
génération depuis le cardinal de Lorraine jusqu'à inignage du patrimoine à transmettre. C'est
Marie de Guise, ce qui évita ainsi l'aliénation, c tine étude des mutations par catégorie sociale
notamment du temps du duc Henri II. Une autre pur période qu'il faudrait entreprendre. On
disposition traditionnelle relève de la même idée, rcevrait vite que l'attachement est lié davan-
c'est le sort réservé aux portraits de famille. Pour e au lieu féodal, surtout s'il est patronymique,
leur permettre d'échapper au marché lors des kn plutôt qu'à l'édifice lui-même. Comme le
suc-
cessions, ils sont seulement mentionnés, et non esti- bi ron de Sigognac, le « Capitaine
Fracasse » si
més, dans les inventaires après décès de façon à remarquablement décrit par Théophile Gautier, ou
per-
mettre aux images des ancêtres de rester chez leurs comme le père de Chateaubriand vivant à
descendants. « Les portraits de famille ne font point (.ombourg comme un vieux hibou, le noble
partie des biens et appartiennent à l'aîné des d'Ancien Régime n'est attaché à son vieux château
enfants. Chacune des parties doit prendre les por- que s'il n'a pas de finance pour le reconstruire, ou le
traits de sa famille... Par suite, les portraits transformer. C'est un grand chapitre de l'histoire
de
famille ne doivent point être inventorjés4O. » des châteaux de France que l'étude des travaux
Si l'attachement aux reliques et les
ravages du d'agrandissement de modification profonde ou de
vandalisme ont fait déjà l'objet de nombreuses remplacement pur et simple menés au XVLIC et sur-
études, l'attachement ou la désaffection de la tout au xvIIIe siècle. La demeure des ancêtres, à une

50 I 51

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¿poque
eft
- comme beaucoup d'autres - où la mode
déterminante, n'est bonne qu'à servir de réfé-
s

un réflexe de grand seigneur, il le fit raser. On ne


pouvait permettre à l'acquéreur, quel qu'il fût, de
fence et à donner une idée de l'antiquité tie la
race. loger dans une maison patrimoniale des Rohan. Il
Ainsi garde-t-on volontiers quelque vieille
tour tallait conserver ou démolir.
pour impressionner le visiteur, comme à
Talmay Bien entendu, on ferait aussi tout un florilège
(Côte-d'Or) ou à La Roche-Guyon. Il est un des sacrifices consentis hier et aujourd'hui pour
exemple plus marquant encore. Lorsque le prince
et entretenir ou du moins conserver la maison patri-
la princesse de Soubise firent rebâtir
par Delamair moniale. C'est là un thème d'actualité42. Mais le
l'ancien hôte! de Guise pour élever lun des plus fas-
contraire est aussi vrai.
tueux palais de Paris, ils firent épargner sa partie
la La notion cte bien patrimonial a pu également
plus «gothique», bien quelle vînt brocher
à s'attacher sous ['Ancien Régime à des objets d'art, à
l'extrémité de la grande façade de la cour d'honneur
des objets souvenirs, à des archives le couteau de
sur les tourelles de la porte fortifiée de
l'hôtel de Itavaillac, sorte de relique maudite, conservé chez
Clisson, datant de la lin du x1ve siècle. L'une
des les ducs de la Force depuis 1610, les portraits
tourelles, qui disparaissait dans le p!an d'ensemble,
royaux donnés dans telLe circonstance, tout comme
fut même simulée dans sa partie basse pour
respec- les colliers décernés par Henri IV aux colonels des
ter la silhouette primitive. Nous n'avons
aucun régiments suisses, sont des exemples de cette pieuse
témoignage sur les raisons de cette attitude, mais il
transmission. D'autres furent aliénés plus vite, ainsi
est bien probable que les Rohan-Soubise
trouvaient k manuscrit de la Guirlande de Julie vendu aux
là une, occasion de rappeler qu'ils
descendaient du enchères par le duc d'Uzès, héritier de la marquise
connétable Olivier de Clisson et qu'ils se retrou-
(le Rambouillet, trente années seulement après la
vaient, d'une certaine manière, dans la demeure
de mort de celle-ci. Les réactions des grandes Familles
leur illustre ancêtre.
sont ici les mêmes que celles de la monarchie.
Un autre exemple est à prendre dans la
même Comme la monarchie, la noblesse et la riche
orgueilleuse famille. Comme le roi, elle se trouvait
bourgeoisie étaient, en revanche, conscientes de
réunir au xviii« siècle une infinité de châteaux
dont posséder des biens culturels, s'astreignant par
elle ne savait que faire. Le cardinal de Rohan
décida exemple à laisser visiter leurs collections aux
de se débarrasser d'un château qui lui était
venu de curieux qui s'y faisaient conduire. À cet égard, la
son ancêtre le maréchal de Gié, le
château du lecture de certains guides de Paris de l'extrême fin

-
Verger, près d'Angers4l. Avant de le vendre, il
eut dc l'Ancien Régime montre combien la curiosité

52 53

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avait affirme ses droits sur la propriété des parti- institution ; l'autre côté de la galerie rend dans le
culiers, quels qu'ils fussent. On reste confondu de grand salon, où se fait l'exposition des tableaux tous
l'aisance er de la liberté avec laquelle un Thiéry43 les deux ans, et qui servira de vestibule à la galerie
décru par le menu les cabinets et les galeries privées destinée à former le muséum, où seront placés tous
que l'on pouvait visiter dans chaque rue de Paris les tableaux et statues de marbre ordonnés par le
(voir annexe 7) De cet auteur,
L'Almanach du voya- roi ». Ce projet a été maintes fois évoqué44. Imaginé
geur puis Le Voyageur à Paris,
qui est un résumé par Lafont de Saint-Yenne à partir de 1747, il fut
méthodique de son plus copieux Guide des ama- repris par Lenormand de Tournehem en 1750
ten rs. .., mis annuellement à
jour avec des addenda, (ouverture de la galerie du Luxembourg deux fois
est un précieux indicateur du patrimoine
parisien, par semaine), puis par Marigny et enfin par le
privé par sa nature, collectif par son audience.
comte d'Angiviller qui s'y donna avec passion.
C'est dans ce contexte que s'inscrivent les projets Si le Muséum et son célèbre aménagement
du roi, dont les collections ne sont pas fondamenta-
muséologique d'Hubert Robert ne virent finale-
lement différentes des cabinets d'amateurs ouverts ment pas le jour durant la monarchie, il faut ins-
au public cultivé. La bibliothèque du roi, rue
de crire à l'actif du directeur général des Bâtiments
Richelieu, est composée déjà de cinq départements bien des mesures qui tendent à accroître à préser-
avec leurs conservateurs (cabinet des médailles
et ver le patrimoine collectif; sauvegarde d'un plafond
antiques, dépôt des manuscrits, dépôt des livres de Jouvenet dans l'hôtel de Saint-Pouange lors de sa
imprimés, cabinet des titres et généalogies, cabinet démolition (1774), acquisition des tableaux de la
des planches gravées et estampes). « Le public
est Vie de saint Bruno par Le Sueur rachetés aux
admis les mardis et vendredis non fêtes, depuis neuf
Chartreux dont les bâtiments étaient en mauvais
heures jusqu'à midi. » Le garde-meuble, place état, des Le Sueur de l'hôtel Lambert, ou d'une par-
Louis-XV, est ouvert au public les premiers mardis tie de la collection Manette, transport des Rubens
de chaque mois «pour y voir les curiosités
conte- de la galerie du Luxembourg. C'est donc dans ce
nues dans plusieurs salles immenses». Puis il a le
y dernier domaine, même si le Muséum ne hit ouvert
grand projet de Musée public des collections royales
clu'en 1793, que l'action de la monarchie apparaît
de peinture. Il est annoncé ainsi dans le guide
de la plus positive. Encore était-elle surtout le reflet
Thiéry: la galerie d'Apollon « communique d'un d'une opinion devenue plus éclairée et plus exi-
côté dans les salles cJe l'académie, ornée de tous les geante. Malgré tout, les esprits étaient mal préparés
morceaux de réceptions des artistes reçus depuis son aux secousses effroyables qu'allait subir le patti-

54 1 55

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R

moine monumental pendant un demi-siècle de bou- IV. Le fait national


leversements, au cours duquel un sentiment plus
complexe du passé allait enfin se faire jour en
France.

L'instruction [de l'an Il] sur la manière d'inventorier


et de conserver.., adressée aux administrateurs de la
République au sujet des édifices et oeuvres d'art
adopta un langage extrêmement fort: « Vous n'êtes
(IUC les dépositaires d'un bien dont la grande
famille a le droit de vous demander compte45. » À
un moment où l'État, après la sécularisation des
biens du clergé (dès novembre 1789) et les confisca-
t ions des biens d'émigrés, devait prendre en charge
une part énorme de la fortune des deux grands
« ordres » traditionnels, le clergé et la noblesse46, de

nouveaux réflexes s'imposaient aux gestionnaires. Il


íl1ait définir un domaine national intangible et
explicite. Le malheur est que ces fermes proposi-
t ions intervenaient comme les correctifs
dincroyables désordres. Les recommandations offi-

- plus ou moins efficaces -


cielles sur ces matières sont toujours des tentatives
d'enrayer une évolu-
tion facheuse. Dans une étude déjà ancienne,
Prédéric Rücker a minutieusement classé les

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t

mesures prises au cours des premières années de la entière. Il n'est pas sûr que cette double racine ait
Révolution et les procès-verbaux des comités suc- jamais cessé de compter.
cessils ; ils montrent bien comment, sous la pression Les assemblées successives formèrent des
des faits qui emportaient les institutions, les per- commissions qui tâtonnèrent quelque peu ; mais
sonnes et les biens, il a fallu définir des mesures elles parlèrent beaucoup48. L'exaltation patriotique
conservatoires de plus en plus précises mais de soutenait de grandes perspectives qui souvent
moins en moins pratiquées. s'exprimaient en des formules heureuses ; ainsi
Les monuments et les oeuvres d'art ont toujours, Jean-Baptiste Mathieu, président de la Commission
dans les temps troublés, le sort des symboles qu'ils des arts : « Les richesses immenses en ce genre [les
véhiculent. Les admonestations adressées aux fonc- arts du dessin) éparses chez les émigrés, après un
tionnaires répondent plus au rêve élevé du législa- triage convenable, te! qu'il est prescrit par les
teur qu'elles n'interprètent le comportement des décrets, se réuniront dans des musées nationaux et
Français. C'est pourtant dans ces conditions que offriront l'ensemble le plus intéressant, et pour les
sest obscurément déclaré dans la mentalité élèves qui voudront se former dans les arts et pour
commune un attachement nouveau aux ouvrages le peuple français, devenu seul propriétaire de ces
anciens. Tantôt le ressort en était la résistance à la ouvrages du génie, comme il en a toujours été le
déchristianisation et à la déféodalisation, qui ame- meilleur juge... » « Le palais national, le palais ci-
nait des sauvetages populaires courageux, et c'est devant Bourbon, la maison de l'émigré du Châtelet,
alors une séquelle du « fanatisme »; tantôt des les dépôts de la ci-devant académie de peinture ont
intellectuels, des érudits se préoccupaient de préser- été inventoriés en ce qui regarde la peinture, la
ver, dans l'esprit des législateurs de la Convention, sculpture, la gravure et l'architecture... Les monu-
des ouvrages que l'évincement du clergé ou le ments et les antiquités, restes intéressants, épargnés
départ massif des nobles propriétaires exposaient à et consacrés par le temps, que le temps semble nous
la destruction des « vandales »4. Le sens du patri- donner encore, parce qu'il ne les détruit pas, que
moine, c'est-à-dire des biens fondamentaux, inalié- l'histoire consulte, que les arts étudient, que le phi-
nables, s'étend pour la première fois en France aux losophe observe, que nos yeux aiment à fixer avec ce
oeuvres d'art, tantôt en fonction des valeurs tradi- genre d'intérêt qu'inspirent même la vieillesse des
tionnelles qui s'y attachent et qui les expliquent, choses et tout ce qui donne une sorte d'existence au
tantôt au nom de ce sentiment nouveau d'un lien passé, ont été les nombreux objets des inventaires et
commun, d'une richesse morale de la nation tout des recherches de la Commission des arts49. »

58 - 59

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Ce texte remarcuable nexpose pas seulement le comment desceller les reliefs pris dans l'ouvrage,
principal souci des responsables inventorier, c'est-
: sans détruire celui-ci ? Les propositions de Maison-
à-dire identifier, reconnaître et inscrire au crédit de Rouge ne purent empêcher la destruction50. La
la nation des ouvrages qui n'avaient fait l'objet flèche de la Sainte-Chapelle fut détruite dans le but
d'aucun recensement. Pourquoi cette tâche? On d'anéantir la couronne qui la surmontait. La des-
n'avait jamais encore, semble-t--il, énoncé aussi élo- traction de la galerie des Rois de Notre-Dame
quemment le pouvoir de ces objets «que l'histoire illustre de façon presque fantastique la passion de
consulte, que les arts étudient, que le philosophe détruire les têtes couronnées jusque dans les images
observe, que nos yeux aiment à fixer... » en raison de pierre inaccessibles dans les hauteurs d'une
de cette qualité même « qui donne une sorte d'exis- façade vénérable entre toutes. Le sens du témoi-
tence au passé». Cette fois [e barrage des préjugés gnage de ces vieux ouvrages sur l'art, les métiers,
est franchi on ne définit pas seulement un domaine
: les coutumes, est totalement obnubilé par la haine
original, on identifie un pouvoir de culture; la du symbole monarchique. Ces débris de statues,
notion moderne de patrimoine commence à appa- voués à servir au pavage des rues, nous ont, en repa-
raître à travers le souci moral et pédagogique. Elle raissant de façon toute imprévue, restitué ce
ne le fait malheureusement qu'en théorie. Les légis- moment dramatique où la populace, entraînée par
lateurs révolutionnaires avaient eux-mêmes déclen- les Jacobins, n'a pas plus que le peuple français le
ché dans la plupart des cas des atteintes que la loi sentiment que ces objets sont des témoins uniques
devait ensuite s'ingénier à enrayer. Camille du passé. Mais ces excès même vont finalement le
Desmoulins n'avait-il pas présenté « comme une faire naître dans quelques esprits. Car le problème
- -

riche proie offerte aux vainqueurs les quarante mille se posait un peu partout. Dès l'été 1792, dans
palais, hôtels et châteaux de France »? l'excitation provoquée par les événements du
L'exemple le plus typique est sans doute l'affaire 10 aoât, la Législative avait voté un décret, dont
des emblèmes monarchiques. Les mouvements l'article premier énonçait
populaires, comme on le vit pour la Bastille, ten- «Toutes les statues, bas-reliefs, inscriptions et
daient à la démolition immédiate des édifices, des autres monuments en bronze et en toute autre
portes, des monuments, où s'inscrivaient les noms matière é[evés sur les places publiques, temples, jar-
et la gloire des rois. Très vite, il y eut une inquié- dins, parcs et dépendances, maisons nationales,
tude à l'égard de ce qu'on appela des excès. Au même dans celles qui étaient réservées à la jouis-
château de la Tournelle, à l'entrée sud de Paris, sance du roi, seront enlevés à la diligence des repré-

60 I 61

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s

seritants des communes, qui veilleront à ¡eux octobre 1793 un décret, un peu naïvement formulé,
conservation provisoire.» interdisant de mutiler « sous prétexte de faire dis-
L'article suivant impose leur conversion en paraître les signes de féodalité ou de royauté » les
bouches à feu, à moins qu'une demande ne soir faite livres, estampes, médailles, cartes. . , tous les objets
.

par la Commission des monuments au corps législa- culturels en somme52. Mais les appréciations
tif pour obtenir exceptionnellement la « conserva- étaient, bien entendu, contradictoires. « Tout cela
tion des objets qui peuvent intéresser les arts51 ». dans son ensemble ne peut être considéré comme
L'idée que ce qui est 1'« artistique » doit être pré- un chef-d'oeuvre de l'art, dont on doit ordonner la
servé, parce que digne d'entrer dans le fonds natio- conservation », écrit tout simplement l'ingénieur en
nal, est bien là; mais comment faire le tri après chef du département de l'Eure53 à propos du châ-
coup? Le décret était si contradictoire que sur les teau des archevêques à Gaillon. Seule la conversion
instances du Comité un nouveau décret recom- de l'édifice en prison le fit épargner. La liste des édi-
manda le 16 septembre 1792 de procéder à l'inverse: fices menacés de démolition pure et simple dans un
« Considérant qu'en livrant à la destruction les moment de fièvre patriotique est extraordinaire.
monuments propres à rappeler les souvenirs du des- À Blois, à Reims, à Fontainebleau... la vente des
potisme, il imporre de préserver et de conserver biens nationaux, l'autorisation de lotir les grands
honorablement les chefs-d'oeuvre des arts, si dignes domaines ecclésiastiques, monarchiques ou aristo-
d'occuper les loisirs et d'embellir le territoire d'un cratiques, promulguée le 4 avril 1793, achevait de
peuple libre... » donner une garantie morale à la dilapidation pure
Le tri sera fait d'abord et les déplacements et simple. La réutilisation plus ou moins honorable
ensuite, en veillant à empêcher des désastres causés qui transformait églises, couvents ou châteaux en
« par les citoyens peu instruits ou par des hommes dépôts, en services, apparaissait comme une humi-
malintentionnés ». liation sociale nécessaire. Le luxe insolent des
La Commission des monuments recherchait le églises méritait d'être puni; si on enlève les somp-
moyen de supprimer l'estampille royale des livres tueuses grilles du choeur de l'abbaye de Pontigny,
de la Bibliothèque royale. Le bibliophile Renouard c'est qu'«un sanctuaire peut exister sans grilles,
écrivit en hâte les « observations de quelques mais la République attaquée ne peut se passer de
patriotes sur [a nécessité de conserver les monu- piques
ments de la littérature et des arts», et, avec le En avançant un argument comme la valeur
concours du mathématicien Romme, obtint en « générale » des oeuvres menacées, en affirmant,

62 R 63

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selon ie langage moralisant de l'époque leur intérêt original des vestiges lapidaires. Tout a été dit sur
pour l'éducation et la culture, la notion d'un patri- les invraisemblables libertés prises avec l'histoire et
moine supérieur aux vicissitudes de l'histoire tend l'archéologie par son directeur. Mais il faut rappor-
donc à se formuler. Mais dans quelle mesure l'exi- ter à. ce musée de visionnaire un rôle capital pour
gence intellectuelle de la culture peut-elle annuler l'excitation du sentiment romantique, conduisant à
ou retenir des mouvements passionnels? L'argu- une définition à la fois théâtrale et poétique du
mentation restait générale. Elle a été périodique- patrimoine médiéval. On connaît assez bien main-
ment reprise au cours du xixe siècle: on peut se tenant le caractère impulsif et généreux, quelque
demander si elle a bien convaincu les Français. peu mythomane, du « musée cies Monuments fran-
Quelle est la relation entre patrimoine et culture, çais ». La récente exposition du « Gothique retrouvé »
entre culture et révolution? En tout cas, des initia- a rappelé le succès de ces « tombeaux » historiques
tives fortes amenèrent dès la fin de la Convention réalisés en dépit des polémiques, et les violentes
une première dépolitisation du problème. discussions qui accompagnèrent la dispersion de cet
étrange parc d'attractions5. On n'exagère pas en
attribuant aux Petits-Augustins une importance
Les palais du patrimoine décisive. La muséographie romantique d'Alexandre
Lerioir a échauffé les sentiments de la génération
Palais royaux, couvents, églises, châteaux connais- qui venait de retrouver avec le Génie du christianisme
saient une utilisation nouvelle, peu conforme à leur (1802), l'idée d'un passé merveilleux, chevale-
destination première. Mais d'innombrables vestiges, resque, français.
objets mobiliers, statues, se trouvaient déposés, Les douze éditions du catalogue de Lenoir
déplacés, mutilés ou condamnés. Deux nouvelles (1793-1816) montrent bien, comme l'a établi
démarches apparurent sous l'effet de ces circons- naguère J. Vanuxem, les tâtonnements et peu à peu
rances: l'inventaire et le musée. Les listes compor- les progrès du savoir. Augustin Thierry a senti
tant une identification sommaire donnent une idée naître sa vocation à la lecture du Génie, Michelet a
de l'extraordinaire hôtel des ventes que devint la découvert la sienne dans le jardin funèbre des
France pendant ces années cruciales55. Mais Petits-Augustins. Pour mesurer la portée du chan-
l'ampleur même des dispersions met en valeur par gement, il suffit de comparer l'entreprise de Séroux
contraste l'aventure du « musée des Monuments d'Agincourt (parue en 1823) axée sur l'Italie et la
français» qui, de 1793 à 1818, fut le conservatoire survivance de la beauté antique, typique de l'érudi-

64 65

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u

tion antérieure'7, avec les deux grands livres reprise avec force cette fois l'Académie des inscrip-
:

d'Alexandre de Laborde Les monuments de la France, tions reconstituée intervenait. Le questionnaire de


classés chronologiquement et considérés sous le rapport dei 1810 devant être repris, elle serait heureuse de
faits historiques et de l'étude des arti qui ajoute au recueillir les informations préfectorales ; elle pro-
fonds antique (1816) la considération attentive du pose des instructions plus nettes ; une circulaire du
Moyen Âge (1826). 8 avril 1819 établie par Decazes en tient compte.
Les institutions prenaient en considération le Une sorte de routine s'établit; les archives de
problème. L'institut de France organisé par un l'Académie des inscriptions possèdent pour les
décret du 3 brumaire an IV (24 octobre 1795), qui années 1819-1826 les réponses déposées par le
prenait la relève de l'Académie des inscriptions, ministère de l'intérieur ; les pièces ne sont plus cias-
comptait quelques spécialistes des antiquités natio- sées par département mais par année pour la
nales soucieux de s'exprimer: Aubin-Louis Millin période I 839186260.
élu en 1804, Petit-Radel en 1806, Amaury-Duval On s'interrogea sérieusement sur les « origines »
en 181 15g. Mesurant l'immense retard des connais- de la nation française. Comme toujours, les vestiges
sances, on voulut y remédier en concevant ce qui archéologiques les plus anciens prenaient de ce
aurait pu être un « Inventaire général ». La circu- point de vue une importance majeure, mais entre
laire bien connue de Montalivet, du 10 mai 1810, les Celtes, les Romains et les Francs on ne décidait
demandait aux préfets de recueillir toutes sortes pas sans embarras. Le mémoire de Lavallée pour
d'informations sur les châteaux, les abbayes, les l'Académie celtique de 1807 est particulièrement
tombeaux... Dans ce climat nouveau le Moyen Âge révélateur: il faut à la France l'équivalent de ce
est l'essentiel du patrimoine national. Mais on vou- qu'est à Florence l'Académie étrusque, à Stockholm
drait en reconnaître enfin les éléments divers dans la Société scandinave, à Londres celle des anti-
le concret de la géographie, former une sorte de quaires, qui publie depuis 1770 l'Archeologia
bilan. Britannica. Le besoin de profondeur historique
Les enquêtes préfectorales n'étaient peut-être pas conduit aux mirages. Mais en désignant des repères
la solution. En fait, le sentiment n'était pas una- monumentaux, des sites, des objets, qui composent
nime, l'érudition était dispersée et encore trop pas- peu à peu une chaîne révélatrice, sentie comme fon-
sionnelle, l'idée même d'inventaire incertaine; les damentale, c'est toujours le même type d'éloquence
résultats restèrent faibles. Après les secousses des qui porte l'érudition tâtonnante, mais elle trahit
années 1814-1815, l'affaire aurait pu et dû être ion inspiration quand l'éditeur du premier traité

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s

sérieux d'antiquités nationales n'hésite pas à décla- fixait les imaginations. Les lithographies populaires,
rer : « Chaque jour nous révèle quelque nouvel les tableaux de paysage, colorent d'une mélancolie
attrait, quelque nouveau motif de prédilection dans poétique l'image du passé révolu. Nostalgie et
ces édifices élevés pour nous par la main de nos désenchantement accompagnent la rêverie histo-
pères, en rapport avec notte ciel et nos paysages rique. Le sens du patrimoine national est moins
autant qu'avec nos croyances, nos habitudes et les éveillé par la fidélité à l'oeuvre des siècles que par
dispositions les plus intimes de nos âmes61. » une méditation funèbre sur leur caducité. Cette
Les destructions aveugles ne cessaient pas pour dimension affective ne semble avoir jamais quitté la
autant; la vogue des antiquités excitait les dépréda- conscience historique. Celle-ci a pour longtemps
rions; partout s'altérait le paysage du pays. 11 n'est privilégié le Moyen Âge gothique. L'état misérable
rien de plus singulier que cet entrecroisement d'une des sanctuaires, des demeures anciennes fut dès lors
curiosité passionnée et d'une archéologie qui ten- décrit et dénoncé avec assez de force par la nouvelle
dent à définir un patrimoine national, et Ea pratique génération pour qu'une sorte de remords surgisse.
des promoteurs, des villes, des marchands qui y Quand Victor Hugo écrit son fameux article de
sont indifférents ou qui en tirent profit. La querelle 1832, la violence encore juvénile du ton n'est qu'en
du « musée des Monuments français » y ajoutait un apparence excessive. Elle énonce clairement l'espèce
nouvel élément, qui n'allait pas peu contribuer à de loi morale qui commence à se formuler: « Quels
mOErir les problèmes. iue soient les droits de la propriété, la destruction
On avait trop vu les inconvénients des dépôts, d'un édifice historique et monumental ne doit pas
pour ne pas finir par préconiser la conservation in être permise à ces ignobles spéculateurs que leur
situ. Là encore, les Conventionnels, saisis du pro- intérêt aveugle sur leur honneur... Il y a deux
blème, avaient formulé des recommandations peu choses dans un édifice: son usage et sa beauté. Son
suivies d'effet. Le grand adversaire de Lenoir, usage appartient au propriétaire, sa beauté à tout le
Quatremère de Qairicy, n'avait aucune peine à monde; c'est donc dépasser son droit que le
démontrer l'erreur des déplacements et des remon- détruire62. »
tages arbitraires. Le malheur voulait que ces observa- La gestation du sentiment patrimonial, comme
tions vinssent d'un bel esprit « néo-classique», pour celle du sentiment national, a été longue et drama-
qui le Moyen Âge tout simplement n'existait pas. tique, dans la mesure même où il concernait fatale-
Pourtant le goût des ruines agissait profondé- ment des ouvrages marqués par les institutions reli-
ment sur les esprits il faisait chanter l'histoire,
: ieuse, monarchique et aristocratique. On peut

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établir une sorte de symétrie entre les réactions pas- V. Le fait administratif
sionnelles populaires et savantes, entre la volonté
du savoir et celle de la destruction. Mais le sens du
patrimoine, c'est-à-dire d'un héritage artistique et
monumental où l'on peut se reconnaître, était tou-
jours loin de se définir dans la société française.

L'expression «monument historique » apparaît,


semble-t-il, pour la première fois dans le prospectus
d'Aubin-Louis Millin, dans son recueil d'Antiquités
nationales (1790): «C'est aux monuments histo-
riques que nous nous attachons principalement. »
« Monuments » signifie ici édifices mais aussi tom-
beaux, statues, vitraux, tout ce qui peut fixer, illus-
trer, préciser l'histoire nationale6, Le terme fut
retenu il adaptait à notre pays une notion formée
:

depuis un quart de siècle chez les archéologues bri-


tanniques, mais il ne conduisait pas à la vue large
des époques de la civilisation, répandue en Italic
depuis plus d'un siècle; on n'en forma guère l'idée
en France qu'avec Michelet, traducteur de Vico.
C'est donc avec un retard notable que les données
pourtant omniprésentes de l'architecture et des arts
furent prises en considération comme des faits de
civilisation. On fut rapidement conduit à concevoir
un appareil administratif et une institution
d'Etat.
71

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s

n fallut un demi-siècle pour traduire sous forme sables du ministère. A la fin de 1837, il laissa la
officielle l'intuition qu'il existe un patrimoine place à la Commission des monuments historiques
monumental essentiel à la conscience nationale. chargée de dresser la liste des édifices méritant une
L'érudition provinciale s'était mise en mouvement protection et une intervention. Les travaux de cette
avec au moins deux centres remarquables, la commission fameuse sont maintenant bien connus.
Normandie d'Arcisse de Caumont, le Languedoc de Ils rencontraient d'emblée tous les types de pro-
Du Mège, dont la passion énergique a souvent été blèmes qui se sont posés par la suite67.
commentée65. Les enquêtes préfectorales, conduites Sur le plan « scientifique », l'histoire de ce
sous l'Empire, continuées pendant la Restauration, Comité de Guizot fut celle d'une lente et découra-
conduisaient à un entassement de données dont geante découverte de l'immensité du patrimoine
l'Académie des inscriptions, un instant considérée français. L'historien, qui n'était pas archéologue,
comme le foyer normal de cette activité, n'avait pas pouvait concevoir une magnifique opération de
le moyen de tirer parti. recensement indispensable à une saine politique de
Le 21 octobre 1830, un rapport de Guizot préco- préservation; mais il n'avait pas pris la vraie
nise la création d'un poste d'« inspecteur général des mesure du problème, il ignorait la profondeur et la
monuments historiques ». Il incarnera la préoccupa- complexité des situations concrètes, il n'avait pas
tian nouvelle de manifester « l'admirable enchaîne- saisi le patrimoine dans l'espace. Les missions des ins-
ment de nos antiquités nationales». Connaître pour pecteurs s'achèvent toujours sur un sentiment
préserver est la formule. Le rapport ajoute assez naï- d'impuissance: les provinces sont inépuisables et
vement que cet inspecteur doit préparer « dans sa rsonne n'est préparé au travail qui s'impose.
première et générale tournée un catalogue exact et Chacun des inspecteurs devrait pouvoir lever les
complet des édifices ou monuments isolés qui méri- ns en architecte, dessiner les fragments en
tent une attention sérieuse de la part du gouverne- intre, lire des anciennes chartes en archiviste,
ment »; il ajoute que les éléments de ce catalogue tir à cheval ou à pied en chasseur et de plus,
seront au ministère de l'Intérieur, « où ils seront r obtenir de l'unité, tous devraient avoir les
classés et consultés au besoin »66 Ce qui semble bien mes principes en archéologie, le même système
être la valeur initiale du terme de «classement ». histoire de l'art. » (Grille de Beuzelin, 1
L'appareil administratif suivit. Le Comité histo- mbre 183568.)
rique de 1834 des arcs et des monuments eut pour Bientôt on en arrive à demander seulement
mission d'élaborer les instructions pour les respon- ne reconnaissance superficielle mais générale »

72 73

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3

(De Gasparin, 1838); on aménage des question- quence politique. L'école, nouvelle autorité sociale,
flaires simplifiés, on fournit des définitions som- ne fera, selon l'orientation qu'elle reçoit, qu'accen-
maires, on décide de s'en tenir à une carte rensei- tuer l'indifférence à la culture «provinciale», exal-
gnée. Pendant une vingtaine d'années, l'entreprise tant la notion mais négligeant ses symboles immé-
de l'inventaire général découvre l'une après l'autre diats et visibles. Cette situation mériterait une
les difficultés concrètes qui mettent peu à peu enquête détaillée ; faute de pouvoir la produire,
l'affaire au point mort. Mais le problème restait considérons l'expérience particulièrement révéla-
posé: l'énergie exceptionnelle de Ph. de Chennevières rrice de Mérimée69.
intervenant au moment où le désastre de 1870 et le Mérimée répondit à l'initiative de Guizot et de
néo-jacobinisme de la Commune réveillaient les Vitet avec une conscience professionnelle qui a par-
esprits, l'idée d'une « statistique générale », large- Fois étonné. Il parcourait les provinces avant l'âge
ment conçue sur le plan national, reparut. Cette fois, du chemin de fer, avec une curiosité et une obstina-
il s'agissait de conduire un type d'entreprise, où la tion doublement révélatrices. Les édifices, qui sont
science allemande avait montré qu'elle excellait. devenus célèbres, ou simplement familiers, étaient
L'« inventorisation » avait trouvé son paradis dans le presque inaccessibles. Les monuments, rarement
second Reich unifié. Elle ne l'eut pas en France. visités, se dégradaient dans l'oubli. Mais ce qui est,
Le développement de la culture ne suivait que de après tout, remarquable, c'est qu'il ait fallu un
façon irrégulière et imparfaite les recommandations sceptique, un « libertin», un parfait agnostique
et les demandes de l'administration. La France pour redécouvrir l'art roman, l'art gothique et la
s'installait pour plus d'un siècle dans une situation Ixinture médiévale. Il ne s'agit plus d'attaches reli-
fausse en ce qui concerne ce patrimoine, que les gieuses ou de fidélité obscure à l'Ancien Régime,
archéologues commençaient à explorer, que la masse qui, de toute façon n'aurait attiré l'attention que
ignorait, dont la bourgeoisie ne voyait guère que sur des édifices particulièrement distingués par la
l'aspect économique, que les « modernistes » bous- tradition. Non, il s'agit de la découverte du pays à
culaient sans scrupules. L'écart entre les propos offi- travers son paysage historique. Ce qui suppose sans
ciels et le comportement des individus ou des col- doute le besoin d'explorer un passé englouti dans la
[ectivités n'a jamais été si grand, si dangereux, que onotonie rurale et compromis par l'ignorance ou
dans un pays où la réalité familière, l'expérience
quotidienne, l'attachement aux óbjets, aux struc-
tures..., sont régulièrement oblitérés par l'élo- -
te une intuition forte et
mettre
-
présomption. A cet égard, cette expérience mani-

moderne du patrimoine.
il faut bien

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s

Les notes de voyage et les rapports de Le drame, c'est qu'il faut saut'er tous ces élé-
l'inspecteur général de 1832 restent donc incontes- merits épars, tous ces ensembles mineurs ; sauver
rablement d'excellents indicateurs. Si Fon recueille veut dire doublement intervenir, en protégeant et
les informations simples, sur l'état d'esprit des en consolidant. Une minorité a pris conscience de
populations et des autorités locales desservants des
: l'ampleur de la tâche. La majorité de la population
églises, militaires affectataires, etc., on ne peut *ue n'a pas acquis une conviction et une culture, qu'elle
conclure avec Prosper Mérimée à une situation n'a jamais eues. Les manifestations d'attachement
navrante d'ignorance et de désinvolture. Les édi- aux sanctuaires, aux reliques, aux statues miracu-
fices anciens sont des structures à traiter au plus leuses, aux souvenirs locaux, ne s'étendent pas aux
commode ou à éliminer sans hésiter. Le souci de edifices, aux ouvrages pris en eux-mêmes.
connaître et d'interpréter existe chez quelques Inversement, la haine des édifices symboles, si vio-
notables, quelques érudits, quelques correspondants lente sous la Convention, est toujours prête à repa-
des ministères. On nous cite leurs noms. Mais ils s'altre; on le verra à Paris avec la Commune.
sont sans cesse dépassés par les mauvaises façons des Pourquoi incendier la Cour des comptes, les
propriétaires ou des usagers, que l'archéologie et la Tuileries? De la même manière a reparu périodi-
protection n'intéressent pratiquement jamais. La uement, en 1848, puis sous la Troisième
masse n'est guère motivée, les notables sont indiffé- ¿publique, l'idée de mettre à bas la chapelle
rents ou hargneux. Si cette analyse que nous piatoire de Fontaine (1815-1826)7°.
livrent Mérimée et les intellectuels du siècle der- Les républiques urbaines d'ltalie possèdent un
nier est exacte, on peut dire que, pour des raisons trimoine et l'enrichissent depuis le xie siècle,
complexes qu'on voudrait mieux démêler, le sens se, Sienne, etc. Les villes libres d'Empire comme
du patrimoine collectif, apparu sous la Révolution, uremberg, Strasbourg ou Ulm sont de véritables
défendu pat les romantiques, célébré dans les dis- isances économiques par leur fortune et leur
cours officiels, est, en fait, au plus bas. tique; on sait le développement que prit la vie
Il faudrait ici souligner l'importance du fait ne et quel fut le patrimoine des villes des
cipal. Il s'agit de l'aspect le plus intéressant de la vie res à la fin du Moyen Age. C'est en France
provinciale et aussi celui qui, dans le cadre de ement que les tentatives de libération er d'enri-
lution politique française, apparaît comme le pl ment municipal ont été contrariées puis bn-
décevant et le moins actif, par comparaison avec le r la politique centralisatrice de l'État. Même
habitudes de l'Allemagne, de l'Italie, de la Suisse... siècle, les finances municipales sont rigou-

76 77

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reusement contrôlées par le pouvoir de l'État, qui moine monumental a été conçu et géré en fonction
ne facilite pas le développement de la conscience de ce dogme, et l'architecture religieuse moderne
communale du patrimoine ; il faut attendre le cx
siècle pour voir rebondir d'une façon quelque peu
paradoxale l'intérêt patrimonial des communes.
l'application74. La conviction
tisme
-
en a souvent été tout au long du même siècle

- héritée du roman-
que l'art médiéval représente le patri-
Les questions de conservation prenaient une moine par excellence, qu'il incarne « la France pro-
importance envahissante; elles finirent par accapa- fonde», a justifié d'importantes interventions et a
rer le service, et il dut se structurer. En 1873 eut en traîné l'archéologie vers des recherches neuves.
lieu à Vienne, à l'occasion de l'exposition univer- Inversement, elle rendait difficile d'admettre que
selle, une Sorte de rétrospective du service des les ouvrages du xvw et du xviiie siècle méritent
Monuments historiques français c'est un catalogue autant d'attention. En dehors des demeures royales
précis des grandes restaurations; l'exposé, visible- comme Fontainebleau, qu'on remet en service,
ment dominé par la pensée de Viollet-le-Duc, ne d'innombrables édifices de la Renaissance ou du
parle plus d'autre chose7'. Par une évolution inévi- xvue siècle sont négligés. Surtout, on ne les aborde
table, l'idée d'un grand inventaire s'évanouissait; la pas de plein droit, comme le prouvent encore, à la
statistique monumentale se confond pour finir avec n du xjxe siècle, d'étranges discussions savantes,
la liste de classement des Monuments historiques72, uvent très violentes, pour savoir ce qui est ou non
ou de ce qu'on nommera l'inventaire supplémen- conforme au « génie français » dans l'architecture
taire, liste ouverte au fur et à mesure des demandes. 'gutrefois. Les recueils, si méritoires, de la Société
On avait fini par accepter le caractère quasi aléa- nçaise d'archéologie, révèlent combien a duré
toire, occasionnel, d'un travail qui comporte plutôt ne hésitation, qui laissait aux historiens britan-
une suite de réponses à des appels ou à des recom- ues l'initiative de traiter l'art dans ces
mandations politiques que la réalisation d'un pro-
gramme. En fait l'écrasante personnalité de Viollet- En second lieu, les devoirs de la restauration
le-Duc impose à ces travaux une ligne directrice et. iraînèrent une sorte de malentendu. On travailla
une certaine étroitesse issues de la conviction que 1a iartir de l'idée viollet-1e-ducienne de prototype. La
seule véritable architecture nationale est celle du titsiuration doit assurer le prestige du patrimoine
y,je siècle73. Ce point
est trop connu pour être l'applique nécessairement aux ouvrages remar-
développé à nouveau. Mais enfin pour l'administra- ies, aux grands modèles. Ceux-ci seront mis en
tion responsable pendant un bon siècle, le patri- r autant qu'il est possible: la remise en état

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s

implique restructuration et compléments. L'analo- contre la définition abstraite du patrimoine, qui ne


gie avec la restauration des peintures est intéres- procède pas d'une exploration du quartier ou du
sante à observer. Le xix siècle a été l'âge des inter- site, mais de la sélection des modèles valables. Les
ventions autoritaires et, il faut le répéter, abusives Iéments jugés négligeables sont éliminés, pour
«un habile restaurateur ne doit pas se borner à valoriser ceux qui s'accordent avec les tracés nou-
repeindre des fragments endommagés ; il lui faut veaux. Une protestation comme celle de Guilhermy
peindre un peu partout en sorte que le tableau ,n 1861 donne assez bien la mesure et les limites de
semble peint nouvellement», lit-on dans 1e traité Is « politique patrimoniale » haussmannienne (voir
de Goupil et Desloges en 1867. C'est la même doc- Ø,tnexes 7 et 8).
trine, la même ambition, la même erreur, dont il a Pendant un siècle le fonds médiéval subit un
été si long de se défaire, pour la présentation des modelage insistant et général. L'exemple venait
tableaux, qui sont arrangés et passés au « jus » de haut et trouvait sa justification dans la politique
vernis jaune, que pour le traitement des édifices, grands monuments». Observations, critiques,
remontés et complétés sans scrupules. L'interven- J
urgations des archéologues, qui se faisaient une
tion peut être du beau travail et donner une satis- re idée de l'héritage historique, n'y purent prati-
faction à son auteur; mais elle atteint le vif de cnr rien. Les détails sont simplifiés pour valo-
l'oeuvre, elle éveille un doute insupportable sur son l'essentiel d'une structure comme on assainit
authenticité, elle rompt la chaîne. Si on la juge ieux quartiers. Paul Léon a consacré un chapitre
intolérable, c'est qu'elle compromet la perception à ces opérations qui ont pu affecter des
de « l'oeuvre dans le temps », qui est la clef de tou (i comme les balustrades de Notre-Dame de
le processus. Indifférent à cet aspect des choses ou d'Amiens, les mobiliers, les verrières, les
comme on l'était dans l'idéologie viollet-le lles, parfois les constructions tout entières,
ducienne, il est_légitime de retrouver la belle struc, e à Clermont-Ferrand, à Moulins6. La main-
ture supposée. Cette politique générale s'accord s architectes diocésains, portés par l'autorité
d'ailleurs avec la vaste entreprise de modernisatio. mmission, explique scale les manipulations
urbaine, dont l'exemple est donné à Paris. Un ne instance scientifique ne pouvait approu-
publication comme les Annales archéologiques d Liment de l'utilité était parfois mis en
Didron l'Aîné permet de retrouver les appréhe plus souvent celui de la compétence, qui
sions que suscite cette double adaptation des é i l'arrogance dans les propos bien connus
fices. Des critiques parfois très vives se formule i La science de l'archéologue semble

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n'avoir d'autre mission que de blâmer, d'accuser la réflexion serre de plus près la valeur et le rôle des
d'ignorance, de barbarie, de vandalisme. . . L'archéo- « monuments ».
logue ne fait rien, ne produit rien. Il se contente de L'archéologue allemand G. Dehio avait présenté
mettre son veto sur toute idée génératrice7. » Dans le Denkmalkultus, le culte des grands monuments,
ces discussions sur la méthode, sur les limites de la comme la clef religieuse en quelque sorte de l'affir-
restauration où les architectes, maîtres de l'édifice, mation nationale. Cela n'était pas vrai seulement de
ont toujours eu le dernier mot, au nom de leurs res- l'Allemagne wilhelmienne. Mais le patrimoine est-
ponsabilités techniques bien évidentes, on se il mieux reconnu dans la ruine pathétique ou pitto-
demande souvent à qui appartient le parc immobi- resque qui donne le choc de l'usure ou dans le
lier français. monument triomphalement restauré ? Au cours du
La pratique administrative va ainsi créer des xixe siècle les deux attitudes ont coexisté, l'une
mécanismes d'aménagement, dont on avait critiqué nourrie d'un sentiment de nostalgie poétique;
d'avance l'orientation. Montalembert, par exemple: l'autre répondant à l'exaltation du présent. Dans ses
« Il ne faut pas faire le vide autour de nos cathé-
Sept Lampes de l'architecture (1850) Ruskin avait
drales, de manière à noyer les magnifiques dimen- dénoncé au nom de « la lampe de mémoire » la pra-
sions qu'elles ont reçues de leurs auteurs. Elles tique française qui revient, selon lui, à « laisser les
n'ont pas été faites pour le désert comme les pyra- édifices à l'abandon pour les restaurer ensuite80».
mides d'Égypte, mais pour planer sur les habita- Allant jusqu'au bout du paradoxe non intervention-
tions serrées et les rues étroites de nos anciennes niste, il faut recommander la ruine comme plus
villes.78 » Avertissement parfaitement inopérant, suggestive, au moins en ce sens qu'elle possède
devant les impératifs haussmanniens, qui sont ceux l'authenticité du trépas. Mais il y avait, il y a tou-
des ingénieurs, des préfets, des municipalités. La jours dans cette résistance un fond de vérité: l'édi-
vision historique en est transformée. Dans toute fice rénové fait oublier l'original autant que le ves-
l'Europe, l'exemple français est suivi, parfois tige en leur substituant un troisième et nouvel état,
contesté. En Autriche, pays plus attentif que la conforme à nos besoins, à nos idées, sinon à notre
France d'alors à l'interprétation complète du patri- sensibilité. C'est le patrimoine plié à la pédagogie,
moine et à l'imprudence des solutions modernes, au décor, à nos évidences actuelles.
qui ne sont pas toujours nécessaires, on aborde de On peut d'ailleurs se demander enfin si, au
manière plus fine le problème des relations de la moins en France, l'action officielle, si scrupuleuse
ville et des ouvrages anciens79. En Europe centrale qu'elle ait été, n'a pas eu indirectement une consé-

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quence malheureuse. L'intervention de l'État sans style peut-être, mais pleines de charme et
semble avoir habitué collectivités et particuliers à d'émouvants souvenirs qui forment la physionomie
considérer que les autorités doivent assumer la res- architecturale, la figure physique et morale de la
ponsabilité du patrimoine dans sa définition et dans terre de France ». C'est alors que fut fondée la
sa mise en valeur. Les listes de protection sem-
«Sauvegarde de l'art français », devenue ensuite un
blaient instituer dans le parc immobilier français organisme de préservation des petits sanctuaires
une catégorie supérieure, à laquelle il convenait de ruraux, aussi efficace que discret.
se référer d'abord : c'est celle qui commande en
La notion de patrimoine a toujours plusieurs
l'administration
française-a
-
quelque sorte l'histoire monumentale. Le recours à
si caractéristique de la pratique
trop souvent pour corollaire l'indiffé-
dimensions. Elle comporte des variables, des vides
et des fièvres qui peuvent étonner l'historien. La
France n'est jamais simple, et la difficulté la plus
rence du public et l'inertie des responsables Irritante concerne probablement la province.
mineurs. Larchéologie régionale avait pris l'initiative au
Les secousses politiques et sociales de la
déhut du siècle et la perdit vers 1900. La « Réunion
Séparation au début du xxe siècle ne pouvaient que des Sociétés des beaux-arts des départements » allait
réveiller de vieilles passions. La médiocrité des polé- aser d'exister82. « La province est morte», écrivait
miques ne révélait que trop bien l'incapacité du jà en 1847 Ph. de Chennevières au début de ses
clergé, des fidèles, comme celle des partisans de la herches. Si elle n'a plus les moyens ni la volonté
laïcité, à concevoir les sanctuaires et les biens 'explorer son propre fonds, le patrimoine subit un
d'église comme un héritage commun. Le point de Intihle éloignement: il relève du passé révolu, dis-
vue le plus élevé, et finalement le plus neuf, fut sans nible et révocable: vivra-t-on éternellement au
doute alors celui de Barras, pour qui les églises sont lieu de ces souvenirs d'intérêt purement touris-
« la voix, le chant de notre terre, une voix
montée du ur? Une gare vaut une abbaye. Il faut être
sol où elles s'appuient, une voix des temps où elles eme. La France est l'un des pays où les grands
furent construites et du peuple qui les voulut». aux d'aménagement ont été associés, pendant
Son petit ouvrage La Grande Pitié des églises de bon siècle, aux idéologies illusoires du progrès.
France (1912)81 reprend le discours de
Micheler s aura toujours assez de sites, de châteaux, de
la nation paysanne et silencieuse, la protestation d
s, de remparts inutiles. N'intéressant plus, ou
Montalembert contre la médiocrité triomphante, I ue plus, la vie quotidienne, n'étant plus saisis
plaidoyer romantique pour les « humbles église e un environnement intéressant, les éléments

84 85

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I

anciens sont confiés aux


intellectuels aux arrist( VI. Le fait scientifique
aux savants, qui s'acharnent
à en faire l'histoire,
en reconstituer les
forces. Le villageois qui
rout savoir sur son terroir, devra
s'étonne qu'un arché
logue interroge ces vestiges.
Nul n'est malheureu
quand on déménage l'étage
du merveilleux cloîti
de Saint_Guj1hem1e_Désert
la moitié de celui d
SaintMjchejç. on apprend un jour ave
surprise qu'ils sont devenus
l'ornement du musé
des « Cloisters » à New
York. La France passani
pour ic paradis des antiquaires.
Dans le pays qui passe -à -
juste titre pour le
plus fidèle du monde à sa propre identité, le Japon,
certains comportements à l'égard du patrimoine
peuvent paraître déconcertants aux Occidentaux.
Endommagés ou non, les grands sanctuaires sont
périodiquement reconstruits intégralement, en
matériaux identiques mais neufs; parfois, comme
c'est le cas à Ise, une aire destinée au nouvel édifice
est dûment préparée pendant la durée d'existence
du dernier réalisé83. Cette pratique suppose une
fidélité aux partis, aux techniques, aux procédés de
construction, au décor, aux usages, qui démontre
justement pour le Nippon son souci de la dignité
de l'édifice. À ce sentiment d'une continuité idéale
s'oppose l'attitude occidentale, hantée par le déclin,
l'irremplaçable et la double mort des objets qui se
ruinent et des sentiments qui changent. La notion
moderne du patrimoine, formée à travers tant de
couches idéologiques et affectives, semble connaître
un dernier développement qui va peut-être devenir

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$

l'un des traits importants dc


notre mentalité. Si lente reconstruction » La cristallisation affective
<'
l'extrême « formalisme » de la .

civilisation nippone lut telle qu'elle conduisit un savant comme Émue


en fair une «contrée pleine
de signifiants riches et Mâle à une polémique anti-allemande, transposant
dont le charme est de n'avoir
aucun signifié » imprudemment sur le plan de l'érudition la douleur
(Roland Barthes), il faudrait sans
doute dire qu'à et l'indignation d'un témoin blessé. En 1940 et en
l'opposé la France, à
['Extrême-Occident apparaît 1944, combien de villes se sont découvertes elles-
comme un domaine tellement
chargé de signifiés mêmes dans la ruine ? La grande incertitude des
qu'on en oublie les signifiants,
qu'on en néglige esprits, au moment des reconstructions, est caracté-
imprudemment l'originalité et les
C'est ce qui est peu à peu devenu vicissitudes. ristique d'une société brusquement mise en pré-
une évidence au serice d'un problème que, faute d'une culture
déclin du xxe siècle.
Pour des raisons multiples, appropriée, elle sait mal maîtriser. L'ampleur des
qui tiennent à la travaux 'a accomplir n'a eu d'égale que le manque
nouvelle phase de la civilisation
dénommée mainte- de cohérence, le caractère improvisé, parfois auda-
nant « post-industrielle», à
l'occupation complète de cieux, souvent médiocre, des résultats.
l'espace, à l'inquiétude des
générations, le fonds On est bien là au coeur de notre problème. Les
patrimonial est en effet devenu une
préoccupation vertus de l'assiette urbaine, [es traits sa physio-
sérieuse, parfois obsédante. Une
fois de plus, s'est nomie ancienne, la chaîne des vieilles maisons pren-
vérifié le fait que seuls des
désastres, des crises, des nent soudain une importance si obsédante qu'on n'a
malheurs, des crimes éveillent
l'attention, comme si de cesse qu'ils soient rendus, identiques, à la popu-
l'on abordait toujours trop tard
des situations aux- [ation: c'est le phénomène dit de Varsovie 1945,
quelles on s'est mal préparé.
Peut-être le prix des mais souvent manifeste ailleurs. A l'inverse: Le
objets de ce type ne se révèle-t-il que
dans le manque. Havre 1944, on reconstruit une autre ville sur un
La familiarité quotidienne
oblitère, dans les sociétés autre dessin, dans un autre esprit; mais la vieille
comme chez les particuliers, les
raisons de l'attache- gIise Notre-Dame, vestige de la fondation histo-
ment à ces données proches que
nous embrassons rique, est conservée comme symbole. Dans un cas,
maintenant dans la notion (voir annexe 10).
Il y eut, par exemple, on rapporte le tout, dans un autre un élément, à la
l'immense
émotif autour des cathédrales d'Arras,investissement piété patrimoniale. Mais il faut bien qu'on s'inter-
de Noyon, et roge. Presque partout on en reste au compromis.
surtout de la cathédrale de Reims
au moment des Pour un exemple comme celui d'Orléans, où l'on a
bombardements de 1916, et tout au
long de sa su tenir un parti, celui de Lisieux ou de Beauvais,

(1.
L.L. _____________________________________________________

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5
celui de Tours et de Toulon, de
Saint-Malo, laissent (et profondément
perplexe. Le malheur obligeait à remanié), un côté nouveau
découvrir le lien sans style), c'est là le (et
intime de la ville et du site, du témoin durable du malaise.
contour urbain avec Pour qui douterait
les points forts des
monuments, ce qui revenait encore du sérieux de
presque toujours à trouver une questions et des dimensions ces
articulation valable moine, il suffit de nouvelles du patri-
avec le passé. rappeler que la proportion
La situation s'est aggravée constructions neuves et des
et comme généralisée quelconques occupe doréna-
quand, vers la fin des années 50, vant dans le parc bâti
l'expansion écono- français une place plus
mique et la modernisation active que les Constructions grande
du pays ont anciennes. En moins d'un
entraîné partout des constructions et demi-siècle la masse de la
des remode- blé ; le fonds de pierre bâtisse française a dou-
lages sans précédent. Ce choc et de brique est cerné,
fut si violemment vent noyé, toujours « sou-
perturbateur qu'il rendit évidente l'absence déclassé » par le béton.
de pré- abords de toutes les Les
vision de la part des autorités; les villes ont changé. La
plans d'extension évolution atteignant les même
n'étaient pas réalisés, ou pas villages et transformant les
approuvés ou, s'ils
existaient, n'étaient pas suivis. D'où campagnes, on découvrit enfin
enfin, en pleine sous le nom d'« éco-
tension, logic » la réalité du
innovation législative du milieu naturel, il devint
4 août 1962 qui, pour la évident qu'on était en enfin
première fois, préconise à présence d'un phénomène
l'échelle de la ville un certain global et que, dans ce
traitement de zones contexte, le fonds patrimo-
bâties définies comme nial, comme
patrimoniales. Quelques quelques-uns l'avaient pressenti,
beaux résultats : Sanar, Uzès, ont nait un relief et une pre-
démontré le bien- signification plus marqués86.
fait d'une mesure qui ouvrait Le pullulement a
la possibilité d'un rendu soudain évident
traitement intelligent du fonds ouvrage intéressant qu'un
architectural. On comporte toujours une
adoptait enfin les dispositions, loppe: voisinages et enve-
courantes en urbain, situation et accompagnement en site
Allemagne, en Autriche, visant à approches en site rural.
rues, à écarter la circulation du différencier les proche en proche, il De
centre, à réhabiliter apparaît que ce qui
les ensembles85. Mais il c'est la rue, avec son compte,
est difficile d'oublier sur ondulation et ses décroche-
quelle invraisemblable ments. Rien n'est plus
conclusion, révélatrice d'un frappant que l'attention
embarras profond, a débouché la soudain ont bénéficié les « dont
première expé- vides urbains», qui
rience, celle du quartier de la les lieux de l'action
ou de la vie: places, io
Balance à Avignon. portes monumentales, carr
Avec la physionomie
mi-partie: un côté conforme urbain87. En Italic,
parcs, jardins,

-
rr4j1j
presque toutes les
aiu -

90
91

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ont fait l'objet de monographies : la via Giulia à
prises dans le paysage et la vie des
Rome, la Strada nuova à Gênes. À Strasbourg, champs89. Si le
patrimoine est d'abord l'ensemble des formes trans-
H. Haug a réalisé une étude de la rue de l'Epine8s.
mises, il faut les y faire entrer. La
La méthode d'analyse de cette réalité complexe typologie, qui
semble à beaucoup s'imposer pour rendre
qu'est la voie avec ses rives a été élaborée. Les tenta- compte
de ce domaine, conduit-elle à en
tives ne manquent pas. Dans de nombreuses agglo- simplifier l'accès?
Utile pour la protection, est-elle le meilleur
mérations, l'appréciation de la réalité des rues per- moyen
de connaissance ? Un des débats
met de se demander si l'on souhaite les inscrire dans les plus utiles
apparaît aujourd'hui avec cette extension
la rubrique de ce qu'on ne doit plus négliger. du
domaine90.
Réaction bien tardive qui conduit à découper des Le fonds patrimonial, défini par
secteurs pittoresques et animés au milieu du sys- un paysage his-
torique semé de ruines et de silhouettes
tème industriel. Tout évolue vite entre la politique médiévales,
était pour le romantisme un accès
de la culture et les préoccupations de la mode. irremplaçable à la
conscience nationale. Un siècle, un siècle et
L'appareil de pierre laissé nu, les linteaux de bois, les demi
plus tard, il s'agit plutôt de saisir au
irrégularités du plan sont devenus, par réaction pius modeste
niveau l'évolution de nos sociétés à travers
contre l'uniformité moderne, l'objet d'un engoue- les réali-
tés les realia. La première définition
ment qui peur changer la physionomie des quartiers appelait un approfondissement historique à
et des villages. Mais cet agrément plus ou moins travers
une sélection d'édifices remarquables, qui
durable de l'ancien signifie-t-il un changement pro- n'a cessé
de s'étendre, la nouvelle demande une
fond d'attitude qui exprimerait un sens averti et sin- attention eth-
nologique qui ne peut rien laisser
cère du fonds patrimonial? Une mutation sérieuse hors de prise parmi
les choses et les usages. Là, une
est-elle en cours? nation s'interro-
geait elle-mame après une longue et
On peut en dire autant de l'architecture rurale. dramatique
convulsion; ici, une société s'étonne de sa
Depuis longtemps, on s'y intéresse. Depuis peu il propre
complexité qu'elle était en train d'oublier. L'enquête
est devenu clair à tous que le monde rural est par- des « Arts et Traditions populaires»,
tout au contact de la civilisation industrielle; le ouverte sur le
quotidien, les procédures, la vie simple, a été à
moment de connaître pour protéger les ultimes ce
point de vue irremplaçable. Ces travaux,
témoins est venu. Des publications s'efforcent de aboutis-
sant à des musées régionaux, à des
démontrer les immenses enseignements qu'on peut publications spé-
ciales, à des collections d'un nouveau
tirer de ce type de constructions et de demeures genre, ont peu
à peu coloré ou recoloré et enrichi

92 - 93
la conscience du

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fonds commun91. L'objet visuel désaffecté prend querelles et les polémiques sont plus nombreuses en
une valeur de signe attachant, d'indicateur de France que partout ailleurs, en raison de la
l'existence laborieuse, de révélateur humain ; la persis-
tance d'une mentalité négative, d'une sorte
ferme, l'atelier, la boutique d'autrefois deviennent d'aller-
gie au patrimoine chez les administrateurs, les
maintenant ce qu'avaient ét pour les générations ingé-
nieurs et les élus. La chronique de ces débats
antérieures l'église, le site, le château. Tout l'équi- agités
et souvent pénibles dans tous les coins du pays
pement ancien des demeures passe ainsi, pour le serait
à faire. Elle éclairerait aussi bien, hélas, la
bonheur des antiquaires, dans le secteur de la curio- médio-
crité culturelle des « autorités » que le manque
sité. Dans quelle mesure entre-t-il ainsi dans le de
documentation, qui ne permet pas de présenter les
patrimoine? Par la typicité qui s'oppose à l'unicité dossiers de façon incontestable. Quelques
de l'oeuvre d'art, répondent les spécialistes. opéra-
tions, comme la réhabilitation de l'îlot 3 du
Définition qui demande une nouvelle approche, centre
de Paris devant la place Maubert, qui eut
encore imparfaitement établie. L'objet et l'habitat valeur de
test, étant depuis longtemps promis à la
forment un tout lié du point de vue ethnologique. destruction
comme insalubre, montreront à l'historien les
Sortis de l'usage et de la fonction, ils se dissocient. dates
autour desquelles le sort a tourné.
Reconnaître et préserver n'ont plus le même sens ni L'un des conflits les plus révélateurs restera
les mêmes conséquences qu'autrefois. sans
doute l'étrange et malheureuse bataille de dix ans
Les sociétés de protection attestèrent entre les autour des Halles centrales de Paris. Le départ du
deux guerres, puis après 1950, l'attention d'un cer- marché, annoncé depuis longtemps, a révélé un état
tain public intellectuel aux vicissitudes du patri- d'imprévision stupéfiant à la poussée des novateurs
:
moine. Leur développement a été lent; elles n'ont
touché que des secteurs limités; elles ont probable-
ment souffert de leur diversité, n'ayant jamais pu se
l'attachement -
indifférents à la structure de la ville répondait
plus ou moins bien renseigné
de quelques-uns à la physionomie du quartier.
-
Les
fédérer comme il eut été nécessaire d'un point de projets, entièrement définis par le vieux problème de
vue de pure stratégie politique. Leur rôle est d'inter- la circulation soutérraine et en surface,
venir auprès des administrations et des autorités, reposaient
sur des analyses très imparfaites du tissu
dans les cas où elles estiment que le patrimoine vole urbain.
La destruction des six pavillons de
inconsidérément en éclats. Mais il se crée un peu Baltard
pendant l'été 1970 fut donc une opération du
partout de petites associations occasionnelles, dont xzxe siècle; elle était voulue
le nombre est considérable. Les difficultés locales, les
par une autorité qui y
voyait la condition pour élever un « monument
» du

94
95

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e
siècle au plateau Beaubourg. Cette décision attrayante du patrimoine. Du même coup il appa-
était conforme à la tradition haussmannienne, qui raît que cette notion ne peut plus être passive elle
;
n'a pratiquement jamais cessé de régner darts les doit être active préserver veut dire aménager,
:

bureaux de la capitale92. Du point de vue auquel repeupler, animer. . L'expérience des « secteurs sau-
.

nous sommes parvenus en 1980, ii y a là, aux yeux vegardés » provinciaux trouvait ainsi un gage et une
de l'historien, trois erreurs en une. confirmation remarquables. Le succès est venu à tra-
Dès 1930 on rasait la zone vétuste qui séparait la vers toutes les difficultés qu'entraîne le changement
rue Beaubourg de la rue Saint-Martin : ce vide partiel de population d'un quartier. Surtout, il
béant, scandaleux, préparait le terrain, si ion peut apparut rapidement que sans un contrôle serré
dire. Nul ne pouvait penser à l'Hôtel de Ville qu'un d'architectes intelligents et raisonnables, on ris-
jour on voudrait « sauver » le Marais. En second quait de verser dans une préservation factice, de
lieu, il est révélateur que, malgré les avertissements type vulgaire et tapageur. La mode du pseudo-
éclairés qu'elles ont reçues à temps, les autorités de ancien, qui sévit dans presque toutes les provinces

d'accord pour détruire - par pure commodité


les témoins essentiels, universellement connus, de
-
l'État, de la Ville et de la RATP, se soient trouvées depuis dix ans, est comme une preuve par l'absurde
du retournement accompli.
La disparition des pavillons de Baltard était due
« l'architecture industrielle», dont on allait faire au mépris délibéré de leur valeur historique,
tech-
dans les années suivantes, l'amour du xixc siècle nique, artistique, par les autorités responsables. Là
aidant, un grand et tardif cheval de bataille. Enfin, encore, on a compris trop tard. Pourquoi? II fau-
l'idée d'un monument, selon la formule chère aux drait analyser avec soin les raisons d'une carence
hommes d'État d'hier, inséré de force à l'endroit le fondamentale le témoin le plus important de
moins favorable. l'architecture industrielle en France, avec la tour
Cependant, la situation évoluait dans deux Eiffel, disparut en 1970, au moment où se précisait
directions intéressantes. La définition du quartier dans tous les pays une attention particulière à la
du Marais comme « secteur du Marais » fut obtenue construction de fer. Par une sorte de balancement
et la réhabilitation réussie grâce aux efforts et à propre à la mentalité française, une forme de
l'intelligence de groupes prévoyants. Un ensemble a remords se fit jour en ce qui concerne cette archi-
été retenu et traité. Tout le monde s'accorde à y voir tecture industrielle ancienne et plus généralement
un joyau du « parc urbanistique » français, avec un l'oeuvre du xixe siècle, à peine avait-on commis
traitement qui rend sensible la face visible et

-
l'erreur d'abattre les pavillons pour faciliter la

96 97

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t

fouille ouverte du RER. Des listes de classem iltés ou à la malveillance de collectivités ou d'indi-
importantes et la création d'un musée du dus. Mais la protection naturelle est celle qui pro-.
siècle dans le cadre de l'ancienne gare d'Orsay Ibde de la coutume, de l'attachement, de la
Lalou furent obtenues sans trop de peine. Tout tonscience du patrimoine. De plus, un « monument »
seil
passé comme si, après le « sacrifice » du plus n'est jamais isolé ; la pire erreur du siècle dernier
bet
exemple de la modernité du XIXe siècle, les autres Ita sans doute d'ignorer la cOntinUité du tissu
entraient sans grande difficulté dans le domaine urbain, de multiplier les grands vides, de régulari-
patrimonial. Ori eut même, comme à l'époque 1er les places à tout prix. Les démonstrations de
romantique pour l'art gothique, des plaidoyers pas- C. Sitte sur le caractère des groupements anciens
sionnés en faveur de toutes les productions du siècle n'avait eu pratiquement aucun écho en France96.
passé, comme si elles ne relevaient plus de la L'édifice majeur a toujours une enveloppe ; celle-ci
cri-

rale encore vers 1950 -


tique historique. Passant de l'exécration assez géné-
où des officiels parlaient
volontiers d'éliminer le Grand Palais, par exemple
est souvent éventrée, dégradée. A propos de cathé-
draies, comme Amiens, Reims, l'opportunité de
restructurer les accompagnements dans un style
-à une exaltation qui peut étonner un peu par sa neuf donna lieu à de vives querelles. Une fois de
ferveur, on a retrouvé un nouveau domaine à plus on opposa le pastiche et l'originalité, les archi-
inclure au vieux fonds français93. Le mouvement a tectures « conformes » et les « témoignages de notre
logiquement été couronné par une importante temps». Une commission spéciale, dite des abords,
remise en honneur de Viollet-le-Duc94. Il fallait n'a jamais pu traiter que des cas d'espèces.
cette consécration d'un grand moment de l'histoire Avec cette accumulation de préoccupations nou-
du patrimoine pour qu'on en aperçoive la force et la velles, la situation a donc évolué depuis 1960 d'une
limite, et, en somme, pour qu'on saisisse à quel façon assez décisive pour faire apparaître un nou-
point son exemple est finalement lié à une époque veau facteur de l'aménagement et de la gestion. Un
dépassée95. facteur d'équilibre, une sorte de thermostat cultu-
Il serait excessif de parler d'une remise en rel, tendant à ralentir, à canaliser, et, en tout cas, à
ques-
tion de la notion même de « monument histo- équilibrer l'impératif général de la modernisation,
rique ». Mais elle entre dorénavant dans un contexte en exprimant une volonté plus complexe des popu-
plus vaste et plus élaboré. La prise en charge d'un lations. Le même phénomène s'est d'ailleurs mani-
édifice par les services d'architecture se révèle indis- festé dans tous les pays de l'Occident et du
pensable pour suppléer aux défaillances, aux incapa-

98 - Nouveau Monde. Il coïncide naturellement avec la

99

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fin des illusions sur les
chances indéfinies de I
technologique. Dans trois continents irimome» étant appliquée à des catégories
ce nouvel jets si diverses, la difficulté de définir à leur
baptisé «l'ère postindustrielle »,
est caractérisé rd un comportement sensé devient manifeste. La
le Soucj de limiter, corrjer,
voire inverser les e truction et la ruine de l'inutile est une loi de la
d'une croissance définie comme
expansion, prod ttire. La culture intervient pour annuler ou retar-
tion, consommation, elle est
accusée de détruire I r cette loi, au nom d'impératifs plus élevés. Mais
bases même, d'épuiser les
ressources, de compr ølors, que deviendra, par exemple, l'immense
mettre l'assiette naturelle des Sociétés
qui en bénéfi4 0 parc » des chapelles et églises, peu à peu privées
cient. En somme, la mise en
évidence d'une contra support naturel qu'est la présence des fidèles.
diction qui entraîne une redistribution tb
des valeurs. essentiel au paysage, il ne devrait pas disparaître.
D'où l'ampleur prise par la
flotion de patrimoine tine solution de rechange doit être trouvée. Une
dans les pays, comme le nôtre,
oi elle reste d'appré- enquête récemment publiée en Grande-Bretagne
hension facile, et par celle
d'écologie qui s'y super- expose avec clarté les destructions inévitables, les
pose ou s'y substitue dans
d'autres contrées. réemplois possibles, tout en soulignant l'ampleur
On passe ainsi à un plan en
quelque sorte tech- effrayante de l'héritage98. Nous n'en prenons
nique, scientifique. L'énormité du
développement a connaissance que pour en être embarrassés. Par
pris de court toute la société,
faute d'une informa- l'attachement patrimonial, nous nous créons à nous-
tion assez complète; il faut
maintenant chercher à mêmes de grandes difficultés. Peut-être faut-il rap-
constituer un réseau de références
et historiques valable dans topographiques peler que dans toute société le patrimoine se recon-
un pays où les points
sensibles sont soudain apparus naît au fait que sa perte constitue un sacrifice et que
un peu partout. À sa conservation suppose des sacrifices? C'est la loi
quoi a voulu répondre
l'inventaire général créé
mars 1964 par André Mairaux. en de toute sacralité.
Par la masse docu- La péripétie à laquelle nous sommes en train
mentaire qu'il réunit, l'exploitation
qu'il élabore, les expositions informatique d'assister ne coïncide pas par hasard avec le déploie-
régionales qu'il pré- ment inouï des ressources fournies à l'imagination
sente, ce service illustre la
nouvelle stratégie qui et au savoir par la civilisation moderne. Non seule-
convient à une société au
patrimoine complexe et ment il y a une accumulation fascinante de docu-
encore imparfaitement exploré97.
Il en résulte un panorama ments figurés; mais des branches nouvelles du
aussi surprenant et savoir naissent à partir de la géoscopie (photogra-
inquiétant que possible. La
dénomination de phie aérienne), de la géologie elle-même, de la
loo
101

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recherche cartographique, de l'analyse du
cet ordre'°°. L'appareil scientifique
laire pour l'espace habité, de l'interprétatii peut d'ailleurs
susciter dans les esprits l'attention qui
matériaux et des formes pour les objets « fait manquait,
en favorisant la curiosité du détail
main de l'homme». Là aussi, il y a un accè et la découverte
des ensembles. Jamais on n'a vu
veau et inéluctable au patrimoine, avec les c tant d'expositions
dans les provinces, à Paris même, où
d'un approfondissement qui est une n les édifices, les
bourgs, les sites sont associés ; leurs relations
preuve de son importance. consti-
tuent pour une société donnée le
Une discipline comme la photographie aé. fondement de sa
qui va évidemment de pair avec l'expériet mémoire, car ils livrent l'articulation
même du
cadre, à l'intersection de la nature qui
ciel, maintenant familière à tous, a découveri modèle le sol
et de la culture qui l'interprète. À
français comme un thesaurus: «La sauvegai l'attachement du
vécu, devrait s'ajouter l'autorité du
patrimoine archéologique et historique coi connu. Tout se
joue sur cette chance.
dont la substance même s'évanouit journel
du fait des labours mécaniques en profonde Dans son extension récente, la notion
semble
devoir englober non seulement certains
remembrements, du développement des fau biens mais
les facteurs dont dépend
urbains, des grands travaux publics... supp l'existence et, si l'on peut
dire, les conditions mêmes la vie et de la survie.
inventaire appuyé sur une cartographie exactc
On parlera donc de patrimoine
Révéler un patrimoine englouti n'est pas géologique, écolo-
gique, zoologique, botanique, et,
ment une tâche attachante pour les jeunes av naturellement,
et pour les fouilleurs, c'est parfois aussi un génétique'0'. La fin de l'optimisme du xjxe siècle
a
ouvert les yeux sur le fond obscur,
d'aider à résoudre correctement des pro accumulation
d'expériences, d'échecs et d'efforts, qui porte
d'aménagement dans l'espace rural et même et
t
retient à la fois l'initiative du présent. Les
Le détour par le savoir semble donc être philoso-
phies « existentielles » ne tiennent pas
indispensable à toute opération positive. I d'autre dis-
cours. Un philosophe illustre médite
moyen de résister à l'annulation du fonds p sur l'habitat
« propriété fondamentale de
nial par le déploiement de la civilisation l'existence'°2 ». C'est ce
qu'avait déjà dit André LeroiGourhan103.
triche est d'utiliser ses équipements extraorc D'où la
dans chaque domaine où elle tend à ruiner I valorisation du « lieu» comme expérience
humaine
et de « l'espace existentiel » comme
nagement ». Ainsi peut s'expliquer le para ensemble de
formes et d'images réflexives qui
rassembler dans un ordinateur des informat. se répondent.
L'occupation de l'espace apparaît comme la
grande
102
103

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affaire de l'espèce humaine. Toute opération catalogue des édifices retenus en priorité. Cette liste
constructive d'envergure est, en un sens, une conso- des nouvelles « merveilles du monde » fut publiée
lidation de l'ordre social qu'elle suppose, mais aussi au terme d'une réunion du « Comité du patrimoine
de l'ordre humain où elle s'accomplit. La confronta- mondial » tenue à Louksor en octobre 1979104,
non avec l'acquis, l'hérité, est essentielle à notre L'exercice continue, sous le contrôle d'experts.
ve'rit. Cette initiative, qui va créer un nouveau plan de
L'histoire paraît cyclique. En tout cas, au niveau référence, appelle plusieurs observations, La notion
planétaire. Les grands sanctuaires éraient pour la de bien culturel ne se confond pas ou ne devrait pas
chrétienté la preuve tangible et nécessaire de son se confondre avec celle de bien patrimonial les :

existence ; les pèlerinages y amenaient les Ikièles de objets de collection, les témoins ethnologiques...
tous pays. Il existait ainsi pour la conscience occi- sont ou peuvent otre des biens culturels dignes
dentale un ensemble privilégié, inaliénable, de d'attention ; ils ne sont pas, semble-t-il, pour
patrimoine religieux. On peut penser que les hauts autant, sinon par métaphore, des éléments d'un
lieux touristiques ont pris le relais dans la civilisa- patrimoine, si celui-ci est toujours défini par une
tion de masse du xxe siècle: au Denkmalkultus suc- valeur autre que celle de la connaissance scienti-
cède l'attraction touristique nationale et internatio- tique. Il en est résulté le fait curieux que de nom-
nale, qui peut devenir, elle aussi, destructrice de son breux pays du tiers-monde ont été amenés à dési-
objet. gner des monuments, des ensembles, des sites qui
La notion des « chefs-d'oeuvre dc l'art univer- pouvaient, en raison de leur intérêt local, leur
sel », patronnée par l'UNESCO er mise en oeuvre constituer un « patrimoine ». L'appareil des tradi-
par l'ICOMOS, marque un retour au tableau presti- tions et des coutumes, véritable charpente de ces
gieux des « merveilles du monde », inventé par sociétés, n'impliquait pas un ordre de symboles
l'universalisme antique. En 1972 a été adopté par monumentaux comparable à celui des contrées occi-
l'UNESCO une « Convention pour la protection du dentales il a fallu en improviser un. C'est une
:

patrimoine mondial culturel et naturel ». Cet question de dignité. Mais l'artifice saute aux yeux.
accord visait à définir une politique d'intervention, Selon un mot de Freud, les passions amoureuses
qui s'est marquée de façon spectaculaire à Philae en sont aussi inhérentes au psychisme collectif qu'à
Egypte et à Venise (1973), à Borobudur et à celui de l'individu. Si un certain attachement affec-
Moenjodaro (1974), etc. La notion de patrimoine tif nous relie aux édifices et aux objets qui ont eu
culturel universel prenant corps, on entreprit un leur raison d'être dans un monde révolu, c'est peut-

104 105

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être que leur singularité est moins dans la valeur
explicite du signe que dans l'activité dont ils attes-
tent le déploiement et la durée; ils s'imposent à
nous comme la matrice des signes et des symboles.
Nous n'approuverions pas la même émotion en pré-
sence de ces ouvrages, la même douleur devant leurs
vicissitudes, sans une sacralisation obscure. La seule,
sans doute, qui soit possible dans une époque
d'agnosticisme. La distinction utile mais trop
simple des valeurs d'usage et des valeurs d'échange
doit s'élargir pour faire place aux valeurs-symboles.
Selon un historien des musées américains, dont
on connaît pourtant le « dynamisme »
exceptionnel,
nous sommes en train de passer d'un âge
de
construction et d'acquisition à un âge de préserva-
tion ou d'appréciation. Cette possession plus
précise
et plus limitée serait le nouveau mot d'ordre
de
notre temps pour le musée qui, avec son
extraordi-
naire développement dans presque tous les
pays,
représente, en un sens, la fine fleur du patrimoine,
associant au fonds national des éléments apparte-
nant à toutes les cultures du monde.
Un des traits de l'époque est sans doute la lente
réduction de la «privatisation», le domaine « privé »
étant à la fois la possibilité de la solitude et de la pos-
session tranquille. En tout cas, la lente et
régulière
dévolution au domaine public des collections pri-
vées105,

anciennes à la foule des visiteurs -


l'ouverture progressive des demeures

-
dont l'expérience
britannique du National Trust donne un exemple

107

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I

Constituent des phénomènes typiques. 11 s'agit


d'une évolution du domaine et des biens arist itre de passage
ihiées par les
- la grange ou la chapelle photo-
agents de l'Inventaire général,
tiques, dont les vicissitudes ne sont pas terminées.
t-ils encore les outils du grand-père, la demeure
notion de patrimoine a eu longtemps le sens d'
lu bâtisse d'antan? Quelle métamorphose cachée
privation essentielle, avec des raisons d'être explici
-ils subie, quand on les considère en famille,
encore que très différentes dc la tendance inve
s leur promotion? Élément du patrimoine,
d'aujourd'hui. Pour d'autres catégories sociales, peti
jet change de nature et de fonction. Il sert à
bourgeoisie, artisanat, paysannerie, la notion existai
jtitrc chose.
elle pratiquement, sinon avec une significatiofl
À quoi, sinon à illustrer le patrimoine ? Immense
étroite et précaire? La prise en compte de la culture
domaine où les inévitables cupidités du commerce
sous une forme officielle et dirigée par ¡'État au cours
Viennent maintenant recouper l'attention des
du siècle dernier, combinée avec la dégénérescence
esprits sensibles, l'attachement des indigènes. La
régionale propre à la communauté française, n'a fait
revalorisation de ces objets et de ces biens, autrefois
qu'accentuer dans les milieux les plus populaires le
condamnés à l'usure et à la disparition, peut-elle
sentiment d'être en dehors du circuit des biens atta- etre acceptée de tous? Devant ces nouvelles nécro-
chants, reconnus, dignes d'être conservés. Comme si poles d'objets hors d'usage, de mannequins et de
ceux-ci appartenaient au monde anonyme er distin- souvenirs, il faut beaucoup de culture et de convic-
gué des «Beaux-Arts » ou aux heureux de ce monde. tion pour éprouver autre chose qu'un sentiment ito-
On peut se demander si l'extension de la notion luque, amusé, parfois attendri de pittoresque et
de patrimoine n'est pas en train d'aboutir à la décou- d'éloignement. Le patrimoine sera cerné, nous dit-
verte soudaine de ces valeurs parmi ceux qui pou- ori, à partir de pièces bien documentées et dûment
vaient s'en croire privés. Quelles sont aujourd'hui les clarifiées. Mais le patrimoine est ce qui nous
réactions des provinciaux, des ruraux, des artisans concerne, une sorte de réserve d'énergies millé-
devant les « éco-musées » qu'on leur édifie? Devant naires. Il ne compte donc que par une intimation,
les circuits touristiques qui amènent les étrangers une séduction, une saveur que le sommeil lourd des
et
les touristes devant leurs églises et les châteaux, choses au musée ne restitue pas à tout coup. La
qu'ils regardaient de loin? Devant les expositìons des mémoire triomphe moins dans la possession que
syndicats d'initiative ou de l'inventaire général? Les
outils du grand-père, naguère hors d'usage au grenier
- blement pris un parti nouveau à cet égard-
dans la jouissance. La génération actuelle a proba-

- pour
et recueillis par le conservateur des ATP

108
ou l'anti-

- les raisons qu'on a tenté de décrire

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109
par opposi-
s

tion au laisser-aller de nos prédécesseurs. Mais alors


ne faut-il pas penser à la loi formulée par l'anthro-
pologue Hansen à propos des immigrés américains,
transposable pour certains groupes attachés aux
vieilles cultures comme les Occitans, et facile à
généraliser « ce que le fils désire oublier, c'est ce
:

dont le petit-fils cherche à se souvenir? ». Rupture


et enchaînement sans fin des générations; n'est-ce
pas là le problème dernier du patrimoine?

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Notes

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C

Ces problèmes ont été étudiés récemment dans une


thèse de droit Nicole Herrrnann-Mascard, Les
Reliques dei saints, Formation coutumière d'un droit,
Paris, 1975.
2. Notamment André Grabar, Martyrium, recherches sur
:

le culte des reliques et l'art chrétien antique, Paris, 1946.


3. Baudoin H, aux abois, pensait utiliser les reliques de
la Passion comme un trésor monnayable. Saint Louis
n'en fut pas scandalisé puisqu'il accepta en 1238 de
prêter à l'empereur une forte somme moyennant la
remise en gage de la couronne d'épines, mais il fut
pris de vitesse par les Vénitiens; c'est donc les ban-
quiers de la Sérénissime qu'il dédommagea. Le
canon 62 du Vie concile de Latran en 1206, reprenant
une somme de 1186 et repris lui-même par le code
de 1917, interdit d'exposer les reliques antiques hors
ele leur reliquaire et de les offrir à la vente. Voir aussi
A. Frolow, La Relique de la Vraie Croix, Paris, 1961.
4. On a attribué à an sentiment analogue l'inhumation
des têtes des statues des rois de Notre-Dame par J-B.
Lakanal sous la cour de son hôtel de la Chaussée-
dAntin en 1796. Cf. F. Giscard d'Estaïng, M. Fleury
et A. Erlande-Braridenburg, Les Rois retrouvés, Paris,

115

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s

1977. Sur le réemploi des vitraux, d Française est dédié sous l'invocation de la Vierge Immaculée et
Perrot, « Les vitraux et leur destin » , Morniments histo- qui dépasse par sa beauté tous les autres ? » (Antoine
riques,fl° 107, 1980,pp.34-39. d'Asti, xve siècle). « L'Église de Nostre-Dame de Paris
5 L'observation en fut faite par Eugène Lefevre-Pontalis de moult somptueux ouvrages ainsi qu'on voit à l'oeil. »
lors de sondages en 1901-1903. (Gilles Corrozet, 1532). «Ce grand er admirable édi-
fice n'a pas son pareil au monde. » (Du Breul, 1608).
6. Pressentie par les historiens anciens, Montfaucon et
Textes cités par P M. Auzas, Les Grandes Heures de
Lebeuf, cette réinsertion a été clairement établie par
Notre-Dame de Paris, Paris, 1951.
Jacques Thirion dans Comptes rendus de ¡'Académie des
inscriptions et belles-lettres, 1970, pp. 85-112.
12. Le « Gothique » retrouvé avant Viollet-k-D,ic,
Paris,
hôtel de Sully, 1979-1980, catalogue sous la direction
7. L'essentiel des informations reste groupé dans
de Louis Grodecki.
['ouvrage trop systématique mais toujours utile de
13. Sur ces problèmes, la récente thèse de J.-M. Pérouse
Louis Réau, Les 4Monuments détruits de l'art français,
Paris, 1959, 2 vol.; rééd. augmentée par M. Fleury de Moardos vient d'apporter des lumières nouvelles.
On peut citer aussi l'appréciation de Nicolas
sous le titre: Histoire du vandalisme, Paris, Robert
Laffont, 1994. Catherinot : « Les arcs boutans de Saint-Estienne de
Bourges sont si longs et si aillez qu'ils sont une par-
8. Cité par Gustave Gautherot, Le Vandalisme jacobin, tie de la beauté de ce miracle d'architecture. » (Traité
1914. La réforme de Zwingli aboutit dès 1525 d'arcbiteaure, Bourges, 1688). Cité par Jean Hubert,
au ravage des églises de Zurich. « Archéologie médiévale » dans Encyclopédie de la
9. André Duchesne (1584-1640) fit une carrière d'histo- Pléiade, L'Histoire et ser méthodes, sous la
direction de
rien polygraphe, flattant les grandes familles par ses Charles Samaran, 1961, p. 282.
histoires généalogiques (dont celle de la maison de 14. Sur les rapports de l'érudition normande et du foyer
Béthune). On Lui doit un Dessein de la description entière archéologique britannique, voir A. Erlande-
et accomplie du très florissant royaume de France (1614), Ia Brandenburg, «La Normandie à la recherche de son
Bibliothèque dei auteurs qui oct escrit l'histoire et la topo- passé», Monuments historiques, n° 103, 1979, pp. 2-5.
rapbie de la France (1618) et surtout la collection des
15. Ainsi les stalles de l'abbaye de Saint-Victor à Paris
Historiae Francorum Scrsptores, 5 vol. (1636-1649), qui
furent-elles enlevées du choeur lors de sa rénovation
est sou plus grand titre de gloire. Ses Antiquith de ¡a
au xvijje siècle et dispersées dans de modestes églises
France connurent six éditions de son vivant.
rurales dite-de-France. Cf. J. Chti lion, « Les
10. Abbé Marc-Antoine Laugier, Essai sur ¡'architeaure, anciennes stalles ele l'abbaye de Saint-Victor»,
nouvelle édition, Paris, 1755. Bulletin archéologique du Comité des travaux historiques et
11. Le superlatif règne aussi dans les appréciations portées scientifiques, 1976; J.-P. Willesme, thèse inédite sur
sur Notre-Dame de Paris, «Que dire du temple qui l'abbaye de Saint-Victor (1979) et « L'abbaye Saint-

116 117

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Victor de Paris sous la Révolution et la dispersion de 27. Cette heureuse formule de Lucien Febvre a
été oppor-
soll patrimoine » , dans Bulletin a ¡a Société de l'histoire tunément reprise par Jacques Henriet dans la
préface
k Paris et de l'île-de-France, I 979, pp. 134-153. au chapitre iv (« Erudition et poésie. De
Montfaucon
16. Publié par H. Stein, Etat ck.r objets d'art placés dans les à Michelet » du catalogue de l'exposition
déjà citée,
monuments religieux de Paris au début de la Révolution Le « Gothique » retrouvé Il faudrait,
bien sûr, mention-
française, Paris, 1890. ner tous les «enquêteurs» de
l'Ancien Régime,
17. BIaise de Montesqulou-FezenSaC, Le Trésor a Saint- moines ou laïcs, Dom Mabillon, Dom
Martène
Denis Paris, 1973.
(Voyage littéraire.., de 1717), Monasticon
Gaiicanum,
Dom Montfucon, Claude Chastillon,
18. E. Guizot, Collection a inérnoires.. 1824, pp. 176-177.
., Roger de
Gaignières. Certains d'entre eux seront évoqués
19. H. Delehaye, «Loca sanctorum», Analecta Bollandiana, plus
loin.
t. XLVIII, 1930. pp. 45-46.
28. A. Teulet, introduction à
20. Opinion reprise par Luchaire dans l'Histoire d Prance l'inventaire des Layettes du
trésor dar chartes, Paris, 1863, t. L
de Lavisse, t. II, p. 2.
29. Voir notamment l'exposition «La
21. D'après la tradition, Foriflamme aurait été arboré collection de
François Jet», Paris, musée du Louvre,
pour la première fois par Louis VI en 1124. CI. Marc 1972 (Les
Dossiers du Département despeintures, n°
Bloch, Les Rois thaumaturges, rééd. 1961, 5).
30. Sur l'intérêt porté par le Moyen Âge
p. 235. à l'Antiquité,
voW notamment Jean Adhémar, Les
22. Hervé Pinoteau, «Lancienne couronne française dite influences antiques
duna l'art du Moyen Âge français,
"de Charlemagne" », Le Vieux Papier, n° 243, janvier Londres, 1937.
L'intérêt porté par les générations
1972. classiques à
l'Antiquité est évoqué à fréquentes reprises par
23. Danielle Gaborit-Chopin, « Les couronnes du sacre Louis
Hautecur dans les différents tomes de son Histoire
des rois et des reines du trésor de Saint-Denis", de l'architecture cla5sique en France.
Bulletin monumental, CXXXIII, 1975, pp. 165-174.
t.
31. On sait combien cette politique pontificale
24. D'après Mme Gaborit-Chopin, o. cit. à l'égard
des antiquités romaines est
contradictoire. Il y a loin
25. Jean Hubert, « Le fauteuil de Dagobert », de la bulle de Pie II, promulguée en
mai 1462 pour
Demarerheion, I, n° 21, 1935. « conserver à Rome sa
splendeur et empêcher la dis-
26. Bien des témoignages pourraient en être trouvés dans parition des témoins admirables de sa
grandeur pas-
les études de Léopold Delisle sur la librairie de sée», à l'activité de Bramante, « il
Ruinante».
Charles V, et dans le catalogue de l'exposition organi- 32. Louis de La Trémoille, dans Réunion
des Sociétés de
sée par la Bibliothèque nationale sur le même thème beaux-arts des &partements, 5e
Série, r. VIII, 1874. Cité

-
en 1968. par L. Réati, op. cit., t. I, p. 143.

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Louis XIV fit aussi raser 1abbaye de Port-Royal des 43. L. V. Thiéry, Guide dai voyageurs et étrangers voyageant à
33.
Champs et sa grande église mais c'était un
gothique1
Paris, Paris, 1787. Une table a été publiée en 1928
réflexe de haine politique, comme celui des Romains par Marc Furcy-Raynaud.
à Carthage. 44. Voir notamment J. Silvestre de Sacy, Le Comte
vendre en d'Angiviller, Paris, 1953.
34. Vauthier, a Quatre châteaux royaux
F.
I 787 » , Bulletin de la Société de l'histoire de l'art fran- 45 .Instruction, p. 2. Cité par F. Rücker, Les Origines de l.a
conservation dec monuments historiques en France (1 790-
fais, l9l3,pp. 164-173.
et 1830), Paris 1913, p. 95.
35. Histoire de l'Académie royale des inscriptions
46. Voir aussi L. Hautecur, Histoire de l'architecture clac sique
belles-lettres, t. XXIII (vers 1750), p. 262. C'est La
en France, vol. V, p. 103 et suiv. et plus loin, p. 109 et
plus ancienne monographie d'un édifice moderne
suiv. sur « La politique confuse des assemblées».
publiée par l'Académie.
47. Voir infra.
36. Communication de Marcel Poète à la Commission
48. À la Commission des monuments créée dès octobre
du Vieux Paris, Procès-verbaux, 8 juillet 1916,
1790 se juxtaposa en aoat une Commission des arts,
pp. 89-91, qui absorba finalement la précédente en prenant le
37. Système de l'architecture urbaine : lequartier des Halles à
titre de Commission temporaire cies arts (décret du
Paris, Paris, 1977, p. 323 et n° 73, p. 342. 18 décembre 1793). Cet enchevêtrement cies commis-
38. Catalogue de l'exposition La France monumentale sions n'alla pas sans conflits et exclusives. Mais cest à
vers 1700 d'après les dessins de la collection la faveur de ces discussions que furent énoncés avec
Gaignières », Paris, Bibliothèque nationale, 1964. force les mots clés de patrimoine, de vandalisme,

39. Cité par Jean Hubert, LA rchéologie médiévale, o. cit., 49. Rapport fait à la Convention au nom da Comité d'instruc-
t'bn publique par Mathieu, d4outi le 28 frimaire l'an
p. 283
second de la Répu.Wiqsee française, Paris, Imprimerie
40. Répertoire de l.a jurisprudencv du notariat, sous la direc- nationale, p. 13, Cité par F. Rücker, op. cit., p. 93.
tion de M. Rolland de Villargues, 2 éd., 1843.
50. A. Chastel, « Le problème de l'inventaire monumen-
L'auteur s'appuie sur l'autorité du traité de Pothier,
tal»,BSHAF, l964,p. 137 etsuiv.
De la communauté, publié dans les dernières années de
l'Ancien Régime. 51. Cité par F. Rücker, op. cit., p. 23.
52. F Rücker, op. cit., p. 23 et suiv.
41 Le duc dc Crussol fit démolir son château d'Assier en
1768. 53. Cité par L. Hautecreur, op. cit., vol. V, p. 103 (d'après
Vachon).
42 Cf. l'article de P. de Vogue, « Utilisation des monu-
ments historiques privés ». Mo,,uments historiques, 54. Ibid., p. 105. Voir aussi A. Vialay, L.a Vente dei biens
nationaux pendant la Révolution, Paris, 1908.
1978, n° 5, pp. 32-35.

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I

55. L'érudition ne cesse d'en tirer parti à la suite de 67. F. Bercé, Les Premiers Travaux de la Commission dei
Gaston Brière. monuments historiques, 1 837-1848, París, 1979.
56. A. Erlande-Brandenburg, Le « Gothique retrouvé» 68. Cité par P. Léon, La Vie des monuments français.
avant Viollet-le-Diec, hôtel de Sully, 1979-1980, ch. V Destruction, Restauration (2e éd.), Paris, 1951, p. 121,
(avec bibliographie). 69. Exposition Mérimée, Caisse nationale des monti-
57. H. Loyrette, « Seroux d'Argincourt et les origines de ments historiques, hôtel de Sully, Paris, 1963.
l'histoire de l'art», Revue de ¡'Art, n°48, 1980, 70. Les Monuments historiques de la France, 1976, 1, p. 76.
pp. 40-56. 71. A. du Sommerard, Les Monuments historiques de la
58. F. Boyer, « Les collections et les ventes de Jean-Joseph France à ¡'exposition unit.'erselle de Vienne, Paris, 1876.
de Laborde», BSHAF, 1961, pp. 137-152.
72. P. Léon, op. cit.
59. P. Marot, « L'essor de l'étude des antiquités nationales
à l'Institut, du Directoire à la monarchie de Juillet»,
73. Viollet-le-Duc, Annales archéologiques, t. 1V (1846),
Académie des inscriptions et belles lettres, lecture faite p. 333.
dans la scéance publique annuelle du 22 novembre 74. P. Lavedan, Eglise.f néo-gothiques, « A travers l'art fran-
1963. çais », Archives de l'art français, t. XXVI (1978), p. 351
60. L'inventaire de ce fonds a été fait parJ.-P. Babelon. et suiv.
61. Prospectus de Le Prevost à: « Arcisse de Caumont, 75. Les ouvrages de W. Ward et R. Blomfield en 1911.
Cours d'antiquités monumentales, professé à Caen», 76. Sur cette querelle fondamentale en Grande-Bretagne,
Histoire de l'art dans l'ouest de la France depuis les tempi N. Pevsner, « Scrape and anti-Scrape », Attitudes to
les phis reculés jusqu'au xvn siède, Paris, Caen, Rouen, Conservation, 1174-1974, ed. Fawcett, Londres,
1er vol., 1830. 1976.
62. V. Hugo, Littérature et philosophie mîlém, Paris, 1834. 77. Réponse au mémoire de Gigon (22 février 1859),
63. Aubin-Louis Millin, cité par F. Rücker, op. cit., Le Charentais, 7 avril 1859, cité par P. Léon, op. cit.,
p. 180, no 1. p. 427.
64. A. Chastel, « Le problème de l'Inventaire monumen- 78. Monralembert, il juillet 1845, Chambre des Pairs,
tal», BSHAF, 1964, p' 137 et suiv. ciré par P. Léon, op. cit., p. 349.
65. Sur Du Mège, M. Durliat, catalogue d'exposition, 79. C. Sitte, Der Städte-Bau auf seinen Kunsthistorischen
Toulouse 1972; Revue de ¡'Art, n° 23 (1974); cata- Grundsätzen (« Fondements artistiques de l'art des
logue de l'exposition « Gothique retrouvé », ch. VI. villes»), Vienne, 1889; nouvelle trad. fr. Paris, 1980.
66. Paru au Moniteur du 28 octobre 1830, p. 1357. 80. Sur tous ces points, cf. A. Chastel, article
Guizot, Mémoires pour servir à l'histoire k mon temps, « Patrimoine», l'Enyc!opaedia Universalis, supplé-
t. II, pièces historiques W, p' 385. ment, 1980, vol. 1, pp. 4 1-49.

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5

81. M. Barrès, La Grande Pitié des églises de France, Paris, enquête sur L'Auhrac étude ethnographique, linguistique,
1912, et Tableaux des églises rurales qui s'écrouler;, agronomique et á'onomique d'un établissement humain,
Paris, Poussiclgue, 1913; voir aussi P. Léon, op. cit., 6 vol., éd. du CNRS, 1970-1976, des ouvrages plus
modestes comme celui de P. Dufournet, Pour une
p. 141 et suiv.
archéologie d.v paysage, Paris, 1978 (pour un coin du
82. Revue de ¡'Art, ne 4, 1969, Editorial, «Lérudition
Mâconnais) er les travaux du Dr Cayla. La diversité,
locale en France ».
l'ancienneté, l'originalité cies habitats ruraux sont
83. La dernière cérémonie a eu lieu en 1973 ; voir
replacés dans leur longue évolution par les auteurs de
Shikinen-Sengu of Jingu, Renewald of the Grand l'Histoire de la France rurale, 4 vol., Paris, 1975. Une
Shrines of ¡se at fixed intervals of 20 years, The Grand collection en cours, « L'architecture rurale française»,
Shrine Office, 1973. aborde cette production province par province (éd.
84. Ed. Jane Fawcett, The Future of the Pact, Attitudes to Berger-Levrault, 1977 et suiv.).
Conservation 1174-1974, Londres, 1976. 90. Sur la typologie proposée par le Musée des arts et tra-
85. Sur [es mécanismes administratifs, ci. le no spécial dirions populaires, voir l'introduction par J. Cuisenier
« Centres et quartiers * de la revue Les Monuments his- au volume sur la Savoie de la collection citée.
toriqras de la France, 1976, n°6. Voir aussi l'exposition 91. Sur cette création de G. H. Rivière et ses multiples
« Construire en quartiers anciens», galeries du Grand prolongements, nombreuses études parues dans les
Palais, printemps 1980. revues Museum (Unesco) et Arts et Traditions popu-
:

86. Voir par exemple H. de Vanne, La France et les Français ¡aires ( I 95 7- 1 970), devenue Ethnologie française ( I 971
devant leur patrimoine mornanental. Rapport, Fondation et suiv.). Voir G.-H. Rivière, «Musées et autres col-
pour le développement culturel, février 1975. lections publiques d'ethnographie », dans Ethnologie
générale, Paris, 1968, p. 472 et suiv.
87. Voir la Revue de ¡'Art, no 29, 1975, p. 83 et suiv. la
reviviscence des décors provisoires dans les quartiers, 92. Sur l'évolution de la sensibilité urbaine Paris entre
:

dans les bourgs est un phénomène complémentaire, ¡954e; 1974, éd. Bartié, Paris, 1975.
dont on peut observer les parallélismes avec les 93. Revue de l'Ari, n° 15, 1972, éditorial; Les Monuments
études sur les « ttes » anciennes et leurs décors, pro- historiques de la France, 1974, n° 1, L. Grodecki,
mues dans des colloques CNRS qui ont fait date: R Lavedan, E Loyer, B. Foucart.
1956, 1960, 1976. Voir aussi Leí Fêtes de la 94. Viollet-le-Duc, sous la direction de B. Foucart, galeries
Révolution, Clermont-Fernand, 1974. du Grand Palais, printemps 1980.
88. Publication de la Commission régionale de 95. Ce qui est peut-être plus manifeste dans les actes du
l'inventaire général, Strasbourg, 1978. Colloque sur les restaurations françaises: Les
89. Parmi les innombrables analyses « au niveau du sol » Monuments historiques, n° hors série, 1977, que dans
des terroirs français, on peut citer, avec la grande celui du colloque Viollet-le-Duc, 1980.

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96. C. Sitte, L'Art de ba"tir 1er villes, op. cit., no 79. 104. Bulletin Unesco, n° 15, avril 1980 : « Patrimoine
Voir la brochure « L'inventaire général des monu- culturel de l'humanité». Pour la liste, voir Le Monde,
97.
6 novembre 1979.
ments et richesses artistiques de la France» (minis-
tère de la Culture), 2e éd., 1978. 105. Voir l'exposition Delouse du patrimoine national, oeuvres
linney et P. Burman, Change and Decay, The reçues en dation, 1972-1977, préface de M. Aicardi,
98. M.
Futur of our Chsi.rches, Studio Vista, Londres, 1977. musée du Louvre, 1978.

99. R, Chevallier, L'Avion à la découverte du passé, Paris,


1964. Voir aussi P. Gascar, A. Perceval, R. Chevallier,
l Cali, La France, 150 photographies aériennes,
Paris, 197).
I00, tin theirnrwj universel des termes concernant les arts
et I&rchitccture, vus dans une perspective historique,
dtht &rc élaboré en trois phases de mars 1980 au
printemps 1983 par le Rensselaer Polytechnic
Institute, Troy (New York). Le développement
remarquable de ce type de travaux cumulatifs donne
une certaine justification dans notre domaine où
L'observation bien connue d'un récent rapport sur
L'ordinateur précise: «Le modèle culturel d'une
société repose aussi sur sa mémoire. Laisser à d'autres
(c'est-à.-dire à des banques américaines) le soin
d'organiser cette mémoire collective en se contentant
d'y puiser, c'est accepter une aliénation culturelle»
(S. Nora et A. Mmc).
101. Sur cette extension pratiquement irrésistible,
A. Chastel, « Les nouvelles dimensions du patri-
moine», Cahiers de l'Académie d'architeiture, 1980.
102. M. Heidegger, «Bauen, Wohnen, Denken», Vorträge
und An/silize II, Pfu1ligen, 1954; trad. fr. Paris,
1958. C. Norberg-Schulz, Existence, Space and
Architecture, Londres, 1971.
103. A. Leroi-Gourhan, Milieu et techniques. Evolution et
techniques, Paris, 1945, rééd. 1950.

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Annexes

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s

Annexe i

levé des monuments mentionnés dans les


d'André Duchesne donne un état des admira-
Louis XIII. Elles se portent surtout sur les cathé-
les églises, auxquelles s'ajoutent les monuments
et quelques palais royaux. Pour les premières, il
près Paris à l'abbaye de Saint-Denis mentionnée
:hitecture, les portes de Cuivre doré attribuées à
, les tombeaux, la rotonde des Valois, le trésor,
à
.nt pour l'antiquité que pour le haut et magni-
rage d'architecture »), à Langres (« si superbe et
ic en parades d'architecture qu'il n'y en a guère
e en tout le Royaume », à Reims (où il parle sur-
acre et de la sainte Ampoule), à Beauvais (« l'un
somptueux et magnifiques bâtiments du
), à Amiens (« l'une des plus magnifiques de
[chement embellie en ses piliers d'un nombre de
Jmirables tableaux tirés de diverses Histoires»), à
(« que depuis on l'a agrandie et embellie d'une
nifique architecture »; éloge de l'ensemble des
e la ville), à Loches (la collégiale Notre-Dame
leux en sa hauteur, les voûtes grandes et belles,
hers faits en pointes et levés en l'air par un artifice
ux, trois superbes pyramides... couverture de
à Angoulême (« le nombre de ses grandes et belles
la cathédrale... estoit l'un des plus superbes
le toute la Guyenne... l'une des plus hautes tours
de France »), à Bourbon-l'Archambatilt (la Sainte-
et ses vitraux, la Vraie Croix), à Lyon (« l'un des
bres et des plus remarquables... »), à Albi (« l'un
beaux et magnifiques choeurs de toute la France»),

131

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à Saint-Bertrand de Comminges (l'église « riche de plu- telle que nous pouvons voir. Et Maistre Jacques Androuvet,
sieurs reliques très précieuses, et surtout d'une licorne de dit du Cerceau, l'un des plus grands architectes qui se soient
fort grand prix »), à Auch (« l'une des premières de toute jamais trouvez en la France, ainsi qu'a remarqué M. Estienne
l'Europe tant en grandeur et somptuosité d'architecture Pasquier en ses recherches, disoit qu'entre tous les basrimens
qu'en marbres et autres marques et enseignes d'anti- thicts à la moderne, il n'y en avoit point de plus hardy, que
quité»), à Périgueux (cathédrale « voûtée à deux faces et celuy-là: Appellant bastimens à la moderne, comme l'Église
remarquable par une haute pyramide»), à Uzerche (les Nostre-Dame de Paris, et autres tels, qui sur nouveaux des-
reliques), Agen (Samt-Etienne et Saint-Caprais, «ces seins furent introduits depuis le déclin de l'Empire de
deux temples superbes et dévots monstrent à l'oeil leur Rome, n'ayans rien emprunté de toutes ces parades qui
iiirquté * er indiquent qu'ils furent « bastis du temps que estoient auparavant, telles que celles dont depuis le sieur de
la foy et Religion Chrétienne estoient plus zelées et Claigny [Lescot], voulut embellir le Louvre, séjour ordinaire
1trdantes en dévotion qu'elles n'ont esté depuis. Ce de nos Rays. Mesme, outre ceste architecture, je souhaitte
t1ii'advinr du temps de Clovis premier Roy très Chrestien, que l'on considère les vitres de ce lieu qui furent faites de
petit avoir unze cens ans»), à Embrun (cathédrale... « riche telle fçon, que les vitriers tiennent pour certain, que l'usage
de grandes somptuosités... dôme de figure ronde »), à et manufacture d'icelles a esté depuis perdu. »
Dijon (routes les églises), à Tournus (labbaye « qui, n'estoit
la belle apparence de l'Eglise... sembleroit plustost un
chasteau », à Rouen (églises «somptueuses et décorées de
belles et hautes tours en forme de pyramides couvertes de Annexe 3
plomb, de pierres ou d'ardoises») et Bayeux (cathédrale,
« magnificence d'architecture»).
Le récit du séjour de François fer Nimes nous est rap-
porté par l'historien de la ville, Léon Ménard. « Le Roi
demeura quelques jours à Nismes. Il y donna, pendant son
Annexe 2 séjour, des preuves si particulières et si glorieuses de son
goût pour l'antiquité, que ce seroit ravir à sa mémoire un
des traits les plus honorables dont l'histoire de sa vie puisse
Voici ce que dit André Duchesne (1584-1640) de la être ornée, que de n'en pas fixer ici le souvenir. Ce grand
Sainte-Chapelle dans L.es antiquités et recherches des villes, chas- prince avide des beautés qui règnent dans les anciens
teaux et places plus remarquables de toute hr France, divisés en buict monumens de cette ville, les visita tous avec une attention
livres selon des huict Parlements. Paris, 1609,
l'ordre et ressort particulière. Il entra dans les plus bas caveaux de l'amphi-
rééd. 1614, 1624, 1629, 1631, 1637, 1647, 1648, 1668: théâtre. Il monta sur les masures de la Tour-magne, afin
«Aussi est-ce un bastiment d'une architecture admirable d'en mieux concevoir la forme et la symmétrie. Il n'y eut,

132 133

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I

en un mot, rien de remarquable en édifices et en


monu- gouverneur du Languedoc, en septembre 1548. L'inspira-
mens anciens, qu'il ne parcourût. On le vit un genou en teur a pu en être Jean Bullant, si féru d'ordres antiques.
tetre, nettoyer lui-même avec son mouchoir la poussière « Comme en passant par ladicte ville, nous avons vu de

qui couvroit les lettres des inscriptions Romaines, afin de beaux et grands édifices antiques, dont les connaisseurs
Plein prennent déléctation et profit pour l'art d'architecture,
les déchiffrer et de les lire avec plus de facilité.
d'admiration pour toutes ces grandes et anciennes mer- ornement du pays du Languedoc et louange de ce royaume
du de soin et pour ce que aucuns de la dicte ville,., cachent, ruinent
veilles de l'art, il parut comme indigné peu
publique- et démolissent icelles antiquités... nous vous mandons..
qu'on apportoir à les conserver; et il témoigna
ment le déplaisir qu'il ressentoit de cette négligence. De de faire défendre.., à tous les possesseurs desdites maisons
sorte qu'avant son départ même, il ordonna Ea démolition antiques de ne démolir les dites antiquités ni qu'il y soit
fait aucun bâtiment neuf qui puisse les couvrir ou cacher.,.
de quelques bâtimens qu'on avoir laissé construire dans
les
qui coupoient et ruas- sans préalablement vous y appeler, avec les gens du roy de
deux portiques de l'amphithéâtre, et
la dicte ville, pour en faire la visitation,.. »
quoient l'ordre et la suite des galeries. Il ordonna aussi la
démolition de certains bâtimens modernes qu'on avoit
ajoutés à la Maison quarrée, soir dans l'intérieur, soit au
dehors de ce superbe édifice, dont les beautés se trouvoient
mau-
par là comme anéanties et ensevelies dans un tas de Annexe 5

vaise maconnerie qui le défiguroit. » (Histoire de la ville de

NImes, 1753, t. IV, p. 127.)


Le médecin Antoine Artier, qui avait guidé la
visite du L'édit de 1788 consacre une période de récession du
roi, fut chargé de lui porter une image en argent des domaine royal en prescrivant l'aliénation ou la démolition
arènes. Le roi l'avait interrogé sur les emblèmes qu'on y de quatre châteaux « A l'égard des châteaux que nous pro-
:

voyait, et Arlier avait flatteusement rapproché le crocodile jetons de mettre hors tie nos mains, nous avons considéré
de la salamandre royale. qu'ils ne présentent que dea objets qui n'ont été ou ne
pourraient être désormais que des lieux de plaisance, oné-
reux par un entretien que nul produit possible ne com-
pense parce qu'ils ne tiennent à aucun domaine. Nous
Annexe 4 avons jugé que de semblables bâtiments ne pourraient être
assimilés qu'à des terrains infructueux dont l'aliénation à
perpétuité à titre de propriété incommutable a toujours été
Les antiquités de NImes, qui, plus qu'Arles ou Orange, autorisée par les lois de notre royaume et ne pouvaient être
apparaissent comme le joyau de la France, font l'objet de la comparés à nos châteaux du Louvre, de Versailles, de Marly,
remarquable ordonnance prise par Anne de Montmorency, de Saint-Germain ou de Meudon.,, »

134 135

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I

La Muette était jugée sans intérêt par Poncet de La sculptures dispersées ont été moins conservées que sous-
Grave (Maisons royales, 1788-1789) et fut rasée comme traites à l'admiration publique... Que deviendra donc
Madrid qui tombait déjà en ruines. Blois était déjà dépecé, l'histoire des arts si les édifices dépositaires du génie de
Marigny y avait pris les plus longues poutres de la char- chaque siècle au lieu d'acquérir en vieillissant cette vénéra-
pente pour son château de Ménan; comme Vincennes, il tion publique qui doit les rendre sacrés se trouvoient
fut sauvé par les événements. condamnés, comme les productions éphémères de la mode,
à ne paroitre un jour que pour faire place à ceux du lende-
main ? » La rédaction du Journal, qui affirmait avoir reçu
plusieurs lettres sur le même su jet, rassurait ses lecteurs en
Annexe 6 signalant que l'intention du gouvernement était parfaite-
Une campagne de presse en 1787 ment conforme au voeu de tous les amis des arts».

LeJournal de Paris du i i février 1787 fit écho aux des-


tructions du cimetière des Innocents en publiant une lettre Annexe 7

de Quatremère de Quincy datée du 31 janvier précédent


«Je ne vois pas sans crainte avancer les destructions des
Le Voyageur à Pafis, de Thiéry, énumère les collections
maisons qui environnent nos gothiques catacombes, et je
tremble tous les jours pour ce bel ouvrage [la fontaine) privées qui sont ouvertes au public. Voici quelques men-
dont Athènes et Rome se seroient glorifiées et que la pros- tions tirées de l'édition de 1788 La bibliothèque des
:

cription salutaire de ce quartier semble devoir envelopper Génovéfains : « Elle est ouverte au public les lundis, mer-
dans la ruine générale. À Dieu ne plaise que l'amour des credis et vendredis, depuis deux heures jusqu'à cinq,
arts excite en moi le moindre murmure contre des projets excepté les fêtes et temps cte vacances. . Le cabinet de
.

dirigés par l'oeil bienfaisant qui veille au bien public. curiosités est ouvert à pareilles heures. » Celle de Saint-
. .

À Dieu ne plaise qu'il puisse m'entrer dans l'esprit qu'un


Victor « est ouverte au public les lundis, mercredis er
siècle éclairé sur tous les intérêts puisse commettre contre samedis après-midi, à l'exception des fêtes : les vacances
lui-même un attentat digne de la barbarie des Goths dont comme celles du parlement » et l'auteur ajoute plus loin
« Presque toutes les maisons religieuses de cette ville ont
il s'occupe à effacer les honteux vestiges (par la démolition
de l'église gothique des Innocents et des constructions du aussi des bibliothèques où les gens de lettres trouvent éga-
cimetièrel et qu'on doive craindre l'anéantissement d'un lement des secours: l'on doit seulement avoir attention de
chef-d'oeuvre de la sculpture française. Mais les exemples ne s'y présenter que le matin, pour y rencontrer MM. les
passés ¡n'épouvantent. Je me rappelle encore la destruction bibliothécaires, qui tous se font un plaisir de communiquer
les dépôts précieux confiés à leurs soins». Les cabinets de
de l'arc triomphal de la porte Saint-Antoine dont les belles

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a

peintures ou de curiosités sont innombrables; citons par Auguste, à l'entrée de la place de la Sorbonne, un bâtiment
exemple ceux du duc de Chaumes («on y voit quantité de du xnie siècle, du style Le plus élégant, qui avait fait partie
vases étrusques et beaucoup d'instruments antiqua n), de du Collège des Bénédictins de Cluny, pouvait ouvrir ses
la présidente de Bandeville (« superbe coquiller»), du duc salles, décorées de colonnes et de voûtes, pour une école ou
de Luynes (« les trois règnes, une collection de laves du tout autre établissement d'utilité publique. Quant à la
Vésuve, un beau médailler, un laboratoire de chimie »), de Chapelle du Collège de Beauvais, ce serait un oratoire de
Bertln («une immensité de curiosités chinoises»), de secours très utile pour le quartier. Peu s'en est fallu que la
M. Tolosan, (« tableaux de toutes les écoles n), de M. de La tour Saint-Jacques ne disparût. Aujourd'hui, c'est le monu-
Reynière (« belle collection de l'école francaise, et nommé- ment préféré de la population parisienne. »
ment de François Lemoine... »), etc.
F. de Guilhermy, « Trente ans d'archéologie»,
Annales archéologiques, t. XXI, 1861, p. 254.

Annexe 8

Annexe 9
« Au lieu de s'ingénier à abattre (les édifices
anciens)
par les procédés les plus expéditifs, on aurait chargé des
hommes de goût de chercher des combinaisons qui permet- Le culte du gothique et le mouvement en faveur des
tent de les maintenir. L'expérience, faite une première fois restaurations ont provoqué de violentes critiques, en parti-
pour la tour Saint-Jacques et renouvelée avec non moins de culier sous la Seconde République. Les restaurations de la
succès pour l'hôtel de Cluny, aurait également réussi pour Sainte-Chapelle ûirent prises à partie dans un article spé-
les nombreux monuments du Quartier Latin, dont il ne cialement venimeux du National (27 novembre I 849).
reste plus que quelques pierres sans nom disposées dans les « L'anachronisme la contrefaçon, la peste rétrospeaiv du

Jardins qui entourent les ruines des Thermes de Julien. Les gothique, sévit toujours, il y a même recrudescence. La révo-

salles en ogive de Saint-Jean-de-Latran auraient formé une lution de Février, qui semble venue au monde pour patron-
élégante galerie sur un côté de la rue des Écoles en face du ner et légitimer les plus mauvaises choses du passé, menace
Collège de France. Le donjon de la Commanderie, moins d'épouser le gothique avec amour et vient d'inaugurer avec
riche d'ornementation que la tour Saint-Jacques, mais plus admiration la Sainte-Chapelle, restaurée dans le goût pur
intéressant par l'époque de sa construction et par sa desti- de saint Louis en attendant Notre-Dame, récrépie de haut
en bas, telle qu'elle était au temps de Philippe-le-Bel. Cela
nation, élèverait sa plate-forme crénelée au-dessus des mii-
Sons reconstruites de la rue Saint-Jacques. Un peu
plus n'aura, sans doute, comme toutes les autres chimères des
loin, tout auprès de la dernière des tours de Philippe- vieux partis, que la durée de l'équivoque et de la transition,

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le bénéfice du moment, le succès de la surprise et du
mal- Annexe 10
entendu ; mais c'est encore beaucoup trop ; car, ce qui est Le tambour d'Arcole est sauvé.
fair est fait ; ce qui est commencé s'achève et de ces mal-
heureux travaux, la liste est déjà longue et le compte assez
lourd. » . .
on déplorait, il n'y a pas si longtemps, la «statuoma-
nie» du xix siècle, en se gaussant de sa symbolique
« Les réclames gothiques sur Notre-Dame, sur
. . .
héro'ique et déclamatoire. Née dans les beaux jours de la
Sainte-Clotilde, sur la Sainte-Chapelle infestent à la sour-
dine les journaux, abusent le public . . . Une secte entrepre-
nante, nous rie voulons pas dire une petite coterie habile
-
aux rancoeurs des vaincus de 1870
le bronze
-
Troisième République, certainement comme un dérivatif
on se vengeait dans
elle a pourtant, au même titre que les monu-
darchéologues épris de leurs systèmes et d'architectes ton-
ments aux morts, suscité soudain dans route la France le
cliés du quantum des travawc, la sainte alliance des néo-
culte des gloires locales et l'insertion des communautés
gothiques et des néo-catholiques, mêlant lart à la bou-
tique, et la politique à fa religion, convertit et conquit tout
le gouvernement... prêcha partout la croisade gothique
qu'elle
et
voulut
mène -
d'habitants dans l'Histoire de France. C'est là un phéno-

gnante de Jules Ferry -


prévu certainement par la République ensci-
qui s'est manifesté puissamment
la dîme ogivale.., et obtint tout l'argent
et qu'il faudra bien étudier un jour sans passion ni dérision.
pour ses entreprises, même les plus insensées.
la seule architecture Du même coup, les statues sont devenues partie inté-
« Or ses idées se résument ainsi :

seule française, la seule appropriée à notre climat graute du patrimoine local. L'Ancien Régime avait offert
sacrée, la
notre sol, la seule possible, rationnelle, l'église, le nouveau donnait le monument aux morts et
et aux matériaux de
l'architecture gothique! Autant l'homme célèbre.
nationale, chrétienne, c'est
plans et ses Un patrimoine ne se manifeste comme tel que lorsqu'il
d'erreurs et d'exagérations que de mots. Ses
projets sont à l'avenant restaurer toutes les églises minées, fut songer à le défendre. À Paris, une dizaine de statues de
bronze (et la tête de Berthelot du Collège de France) furent
exfoliées, émiettées des xiv, xue, xiri et xive siècles, les
subtilisées avant la fonte ordonnée par l'occupant, et
refaire de la base au faîte... achever les cathédrales inter-
approuvée généralement par l'occupé. On connaît sur ce
rompues du moyen âge... ne plus bâtir qu'en style ogi-
thème extraordinaire le texte célèbre de Jean Cocreau (L.a
val... contrefaire et doubler toutes les vieilles églises...
Mort et les Statues, publié en 1946 et 1977 avec les
extravagance, impossibilité, barbarie rétrograde cumulées!
« L'entreprise est en pleine voie d'exécution...
Il est photographies de Pierre Jahan). Au même moment, une
quelque petite commune du Vaucluse se rebellait contre 'e geste
facile de prévoir que le total gothique nous coûtera
destructeur.
chose comme un ou deux milliards.., ce serait payer un
En septembre 1943, les Allemands faisaient déposer de
peu cher... les calques faux et grimaçants d'un art,
son socle sur la place de Cadener la statue de bronze de
aujourd'hui mort, qui florissait et brillait dans les temps
l'héroique enfant du pays, André Estienne, le « tambour
d'ignorance et de crédulité. »

1.40 141

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d'Arcole ». Cinq hommes du pays décidèrent que la statue
ne partirait pas pour la fonte. Sans doute n'était-ce pas le
jugement esthétique qui les guidait, encore que l'oeuvre du
statuaire Amy, animée d'un mouvement irrésistible, ne soit
pas sans qualités, mais le sentiment inexprimé de sauver le
patrimoine spirituel du pays, un peu de son âme, et ce qui
attache une bourgade agricole à l'héroïsme d'un de ses fils,
en préfiguration de la Résistance d'une autre génération.
De nuit, ils enlevèrent la statue de l'entrepôt d'où elle
allait partir pour la fonte, l'enterrèrent dans un champ, et
la cachèrent ensuite dans une grange, sous la paille. Le
8 mai 1945, lastatue était rapportée pour présider à la fête
de la Victoire, puis remise en place le 7 octobre suivant.
Combien d'oeuvres majeures ont-elles fait l'objet d'une
telle réaction d'autodéfense, en dehors de tous les circuits
« culturels » ?

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Documents

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1. Le fait religieux
Du document I au document 4.

Il. Le fait monarchique


Du document 5 au document 12.

UI. Le fait familial


Document 13.

IV. Le fait national


Du document 14 au document 19.

V. Lefait administratif
Du document 20 au document 25.

VI. Le fait scientifique -- - --- .,.s.a. .. ¡cnUic11 -uwnr ae Jlooaye


royale de Sai nt-DenLt en France, Pails, 1706, p1 1V
Du document 26 au document 29. p. 543.

I i . if$f
I-.----

d Sainfr-(niix d'O1ans, dessin aquarellé par E. Martellange, Paris,


I,s ruin$'s
biklthèque nationale, Estampes, coil. Destailleur.
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In/éieurd ¿ 'égltse des SainL-Innoeents à Path en i 787, loes desa dimolition, aqua-
riIk et plume par Sobre, Paris, musée Carnavalet.

3. Rocaniadour, église, liwrge noire.


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2 b. Heures de Jeanne d'Evreu,, fP" 68 v°-68, Crucftxion et
adoraiim des Mages,
New York, musée des Cloîtres.

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nuronne de Saint Louis et figures de la reine Marguerite'., planche


Montfaucon, Les ?nannrnen,s de la Manarchfrfrancoise .... Fans, I 729-Ipour
733.
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7.Le théâtre uttkjue d'Orange, gravure,


Estampes.
vers 1600, Paris, Bibliothèque
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8. Le château de Cow,, Androuet du Cerceau, Les Plus Excellents Bastirnents de


¡"rance, Paris, t. I i 576.
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10. Relief de ¡aporte Saint-Antoine à Partç en haut, état vers 1920; en bas, état en
1980, Paris, musée de Ciuny. (11 est exposé au château cl'Ecouen depuis 1993.)

9. Plan-relief de château-Tromfìe1e, Paris, musée des Plans-Reliefs.

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12. Fontuing ds Innocents, disposition ancienne, gravure, xvir siècle, Paris,
Bibliothèque nationale, Estampes.

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13. Le chîteau du Verger (Maine-ct-Loire), gravurc, xvir siècle, Paris,


Bibliothèque nationale, Estampes.

14. Le ch4tean de C,nilkn, Androuet du Cerceau, Les Pius Excellents &1$tirnents


defranee, Paris, t. 1, 1576.
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15.Pancarte annonçant la mise en vente du château de Gaillon (voir page


précédente).
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i Alexandn Lenúr sauvant I mon uments de Satnl-J)ems du vaìuialisnw


¿j.
révohition-
,iainç gravure accompagnant la Cinquième édition du catalogue du musée
des
Monuments français ( I 800).

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17. 1-lubert Robert, Vnite au nzusée des Mon urnentsfrançaic, Paris, musée du Louvre.

18. The n 6, sculpwre de Notre-Dame de Paris découverte en 1977, collection


particulière, en dépôt au musée de Ckiny.

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NORM \NJ) (Charles) pensione ,

flaire de la République,
ru du Park N'e-arne n°. .
.

L3. Modèle d'une colonne départemen-


tale, proerée pour Melun chef- ,

lieu du département de Seine et


Oise.
Deux cadres renfermant des plafonds
arabesques gravés à l'eau - forre.
.Mëme nitm c'ro.

PETIT RADEL, inspecrenr-géné


rai des btimens civils,
rue de la Cerisaie, n°. u5.

¡4. Vue intérieure d'un temple égyptien.


i . Vue d'une galerie précédant une nau III

machie,
¡ 6. Destruction d'une église, style go-

thique, par le moyen du feu.


Pour éviter les dangers Jaune pareille opéra
lion ou pioce lc pilliers à leurs bascs
,

4eux asices dc haueux; et mesuie que l'en


45C la pierre lon y substitue Ia moitié e1
,

cube dc morceu e bois see. ainsi de suit


¿ans les itcrvalles , roo y met du petit bois
ti ensuite k ftu. I e bois, suflhsamnient brû!t,
rout redf1ce croIc t1l
cède a pesanteur;
la
luimme en moins
Lautcur a voulu
tableaux, le parallele
et
de dix minutes.
presenter dans ces trou
,

ies architect rcssromainca


k
19. Petir-Radel, ¡nslrtwliofl pou? thtruire une ég1ie gothique pat lefru, Catalogiu IO 21). Saint-Onen de Rouen, projet de restauration de la façade par Grgoirc, 1838,
salon de l'An VIII (1800), Paris, Archives des monuments historiques.
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22 L'escalier du château de Blois, photographie de la Mission heliographique
entreprise à la demande des Monuments historiques en 1851, Paris, Arch. Punt.

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25. Golmar .cedeur sauvegardé: la rw des Tanneazrs, en hìu, l'état ancien; en bas,
l'état actuel (B. Monnet et A. Pache architectes).

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27. Cordes (Tarn), vue générale du village fortifié.

E1ffl' 411111

26. Un pavillon Baltard aux Halles de Paris avant sa démolition en 1970.


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28. La fbrtere&se de Montdauphin, vue adrienne du site.

29. Toulouse, vue aéiienne du centre de la ville entouré de constructions


modernes.
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4

OET OUVRAGE A ÉTÉ ACHEVÉ D'IMPRIMER


PAR L' IMPRIMEIUE ocii A MAYENNE
EN MAILS 2010

Quat?ünu réimpression
N° d'édition 364. N° d'impression: 76159.
Dépôt légal : février 2000.
(Imprimé en France)

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notion de patrimoine?
a
Elle est apparue en France
récemment, au terme d'une longue
histoire du domaine, des biens et
de la sensibilité. Cette évolution est
ici examinée à travers le fait religieux,
monarchique, familial, national, admi-
nistratif et scientifique. Tout cela fait
de ce texte un écrit de référence
pour la défiñition de la notion de
patrimoine, tant dans le monde uni-
versitaire que professionnel.

JEAN-PIERRE BABELOW, ancien directeur du


domaine de Versailles et membre de l'institut,
est l'auteiir entre autres, dc Chateaux de
France au siècle de la Renaissance, Henri IV
et Demeures parisiennes sous Henri IV et
Louis XIII.

Andre ChasteS (l9l2-l990, célèbre histo-


rien d'art, ancien professeur à la Sorbonne et
au Collège dc France, membre de l'institut,
o est l'auteur de nombreux ouvrages, en parti-
cuiter sur l'art de la Renaissance en Halte.

"J
-1

z Prix:
Couverture:
EDITIONS LIANA LEvi D. Hoch
-J 1, PIace Paul-Painleve -

Paris 5e 7196827

wwwliarialevi.fr ISBN: 978-2-86746-481-2 9 782867 464


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