Vous êtes sur la page 1sur 3

Code Ohada - Partie I TRAITE, REGLEMENTS ET DECISIONS

Règlement d'arbitrage de la Cour commune de


justice et d'arbitrage de l'OHADA

Le Conseil des ministres de l'Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA)

- Vu le Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique, signé le 17 octobre 1993 à Port Louis, tel
que révisé le 17 octobre 2008 à Québec, notamment en ses articles 8, 21 à 26 et 39 ;

- Vu l'avis n° 03/2017/AU en date des 5 et 6 octobre 2017 de la Cour commune de justice et d'arbitrage ;

- Après en avoir délibéré ;

Adopte à l'unanimité des Etats parties présents et votants, le Règlement dont la teneur suit :

Chapitre Premier

ATTRIBUTIONS DE LA COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D'ARBITRAGE EN


MATIERE D'ARBITRAGE

Article Exercice par la Cour de ses attributions


premier 1.1. La Cour commune de justice et d'arbitrage, ci-après dénommée « la Cour »,
[mod.]
exerce, dans les conditions ci-après définies, les attributions d'administration des
arbitrages dans le domaine qui lui est dévolu par l'article 21 du Traité relatif à
l'harmonisation du droit des affaires en Afrique, ci-après dénommé « Traité ».
Les décisions que la Cour prend à ce titre, en vue d'assurer la mise en œuvre et la
bonne fin des procédures arbitrales et celles liées à l'examen de la sentence, sont de
nature administrative.
Dans l'administration des procédures arbitrales, la Cour est assistée d'un Secrétaire
général.
Les membres de la Cour ayant la nationalité d'un Etat impliqué directement dans
une procédure arbitrale doivent se déporter de la formation de la Cour dans
l'affaire en cause. Le Président de la Cour procède à leur remplacement, le cas
échéant, par ordonnance.
La Cour communique avec le tribunal arbitral et les parties au cours d'un arbitrage
par l'intermédiaire du Secrétaire général. Celui-ci leur transmet ses décisions, ainsi
que celles prises par la Cour.
Le Président de la Cour peut faire appel à des experts pour avis consultatif dans les
conditions définies par le Règlement intérieur de la Cour.
Les décisions administratives prises par la Cour sont dépourvues de toute autorité
de chose jugée et sans recours. Les motifs de ces décisions peuvent être
communiqués à toutes les parties sous réserve que l'une des parties impliquées dans
la procédure d'arbitrage en fasse la demande avant que la décision ne soit prise.
1.2. La Cour exerce les compétences juridictionnelles qui lui sont attribuées par
l'article 25 du Traité en matière d'autorité de chose jugée et d'exequatur des
sentences rendues dans sa formation contentieuse ordinaire et conformément à la
procédure prévue pour celle-ci.
1.3. Les attributions de la Cour définies au paragraphe 1.1 ci-dessus en matière
d'administration des procédures arbitrales sont assurées dans les conditions prévues
au chapitre II du présent Règlement.
Les attributions juridictionnelles de la Cour prévues au paragraphe 1.2 ci-dessus
sont exercées dans les conditions prévues par le chapitre III du présent Règlement et
le Règlement de procédure de la Cour.

Possibilité, pour un juge, de siéger dans la formation restreinte statuant en matière


administrative puis dans la formation contentieuse statuant sur l'annulation d'une sentence
Dans l'exercice des attributions d'administration de l'arbitrage CCJA, il est énoncé aussi bien dans le
Règlement d'arbitrage de la CCJA, en son article 1-1, que dans le Règlement intérieur en matière
d'arbitrage daté du 2 juin 1999, en son article 2.1., que c'est la Cour, composée de son Président, ses
deux Vice-Présidents et des juges, assistée du Secrétaire général, qui statue. En formation
contentieuse, pour connaître de la contestation de validité des sentences arbitrales, l'article 29 dudit
Règlement d'arbitrage donne attribution à la même Cour. Les articles 2.5 et suivants du Règlement
intérieur en matière d'arbitrage consacrés aux formations restreintes ne font aucune interdiction aux
juges ayant participé à celles-ci de siéger dans la formation contentieuse (CCJA, ass. plén., n° 139,
14-7-2016 : Sté CFAO c/ Etat du Mali, Ohadata J-17-79).

Obs. :la CCJA est souvent critiquée pour impartialité. Après la récente réforme des textes relatifs à l'arbitrage OHADA, il a
été écrit que « la possibilité donnée à la CCJA de nommer les arbitres, de statuer sur leurs récusations et de fixer des frais
d'arbitrage pour des affaires dans lesquelles elle va devoir ensuite s'impliquer pour contrôler les sentences est de nature à
soulever des questions d'impartialité. Dans l'affaire Procola c/ Luxembourg, la Cour européenne des droits de l'Homme a
ainsi jugé qu'une Cour qui prend une décision juridictionnelle sur des décisions administratives qu'elle a prises elle-
même manque d'impartialité » (Michael W. Bühler, Anne-Sophie Gidoin, Le défi de la complémentarité entre le juge et
l'arbitre dans l'espace OHADA, Penant, n° 904, 2018, p. 293-294 - nous avons souligné). Se fondant sur le paragraphe n°
45 de l'arrêt Procola, qu'ils ont reproduit dans leur publication, les auteurs ont indiqué (p. 294) que « dans ces conditions, il
existe un risque inhérent et un doute permanent dans l'esprit des utilisateurs de l'arbitrage CCJA, que les juges qui rendent
les décisions judiciaires se sentent liés par les décisions administratives rendues précédemment par les autres juges
de la Cour. C'est un tel doute qui refroidit les utilisateurs potentiels de l'arbitrage CCJA et freine ainsi son développement
». Enfin, dans la note n° 76 en fin du paragraphe précédemment cité, les auteurs mentionnent qu'« une séparation stricte
des fonctions et l'installation de “Chinese Walls” ne résout donc pas ce problème, contrairement à ce qui a pu être suggéré
dans J. Kodo et N. AKA, “The CCJA as a Regional Arbitration Institution”, in E. Onyema, The Transformation of Arbitration
in Africa : The Role of Arbitral Institutions, Kluwer Law International, p. 47, 56 ».
Le paragraphe n° 45 de l'arrêt Procola reproduit par les auteurs est ainsi libellé :

« 45. La Cour constate qu'il y a eu confusion, dans le chef de quatre conseillers d'Etat, de fonctions consultatives et de
fonctions juridictionnelles. Dans le cadre d'une institution telle que le Conseil d'Etat luxembourgeois, le seul fait que
certaines personnes exercent successivement, à propos des mêmes décisions, les deux types de fonctions est de nature à
mettre en cause l'impartialité structurelle de ladite institution. En l'espèce, Procola a pu légitimement craindre que les
membres du comité du contentieux ne se sentissent pas liés par l'avis donné précédemment. Ce simple doute, aussi peu
justifié soit-il, suffit à altérer l'impartialité du tribunal en question, ce qui dispense la Cour d'examiner les autres aspects du
grief » (CEDH, Requête n° 14570/89, 28-9-1995 : Procola c/ Luxembourg, http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-62499) -
nous avons souligné.

Les critiques présentées ci-dessus font appel aux observations suivantes, afin d'éviter toute confusion
de genre.
En premier lieu et contrairement aux décisions juridictionnelles/judiciaires et administratives
qu'ont mentionnées les auteurs, la CEDH a plutôt opposé les « fonctions consultatives » et les «
fonctions juridictionnelles » dans l'arrêt Procola cité ci-dessus. Or, il est incontestable que les
fonctions consultatives et les fonctions administratives ne sont pas du tout les mêmes. Il faut
distinguer les fonctions consultatives de la CCJA (qui ne sont pas du tout exercées dans les
procédures arbitrales sous l'égide de la CCJA, et à juste titre) et les fonctions administratives de la
CCJA en matière d'arbitrage, dans le cadre desquelles les formations retreintes de la Cour n'agissent
pas comme un organe consultatif. En effet, la fonction consultative de la CCJA est toujours exercée
en assemblée plénière et fait partie de l'activité judicaire de la Cour, contrairement à la fonction
d'administration des arbitrages, dont le caractère purement administratif ressort de l'article 1 du
Règlement d'arbitrage lui-même, qui prévoit, d'une part, que « les décisions que la Cour prend à ce
titre, en vue d'assurer la mise en œuvre et la bonne fin des procédures arbitrales et celles liées à
l'examen de la sentence, sont de nature administrative » (art. 1 al. 2) ; et d'autre part que « les
décisions administratives prises par la Cour sont dépourvues de toute autorité de chose jugée et
sans recours (…) » (art. 1 al. 7). L'art. 2.2 du même Règlement renchérit en précisant : « 2.2. La
Cour ne tranche pas elle-même les différends. Elle nomme ou confirme les arbitres. Elle est informée
du déroulement de l'instance et examine les projets de sentence. »
En second lieu, l'arrêt Procola n'a remis en question que le cumul de la fonction consultative (qui
pour la CCJA fait partie de son activité judiciaire conformément au traité relatif à l'OHADA et au
Règlement de procédure) avec la fonction juridictionnelle. La fonction consultative de la CCJA,
totalement absente en matière d'arbitrage, n'étant pas assimilable à une fonction administrative, l'arrêt
Procola de la CEDH, qui a fustigé le cumul des fonctions consultatives et judiciaires, nous semble
manquer de pertinence en tant qu'argument tel que l'ont utilisé les auteurs ci-dessus et ne peut
valablement les critiques présentées.
Enfin, il y a plusieurs précédents jurisprudentiels en droit comparé qui nous semblent se rapprocher
d'avantage du fonctionnement de la CCJA et de son centre d'arbitrage.
Ainsi, le 11 mars 2009, la Cour de cassation de France a jugé que n'a pas été rendue par un tribunal
partial la décision statuant sur un recours en annulation d'une sentence arbitrale à laquelle a participé
un magistrat qui était à la date de cette sentence secrétaire général de la Cour d'arbitrage de la
Chambre de commerce internationale, car, en cette qualité, ce magistrat avait exercé seulement
des fonctions d'organisation de l'arbitrage, n'avait aucun pouvoir juridictionnel et n'était pas
intervenu dans la mission juridictionnelle des arbitres (Cass. 1e civ. 11-3-2009 n° 08-12.149 ; D.
2009, Somm. 880, obs. X. Delpech ; Gaz. Pal. 2009, 1309 note G. Huchet ; Petites Affiches 2009 n°
144 p. 20 note C. Tse ; JCP E. 2009, 1781, chr. n° 10 obs. C. Seraglini).
Ce dernier arrêt du 11 mars 2009 ci-dessus est très pertinent dans la mesure où la situation mise en
cause devant la Cour de cassation est similaire à celle de la CCJA en matière d'arbitrage. Il est
intéressant de noter que cet arrêt a été largement commenté et qu'aucun des quatre auteurs le
commentant n'a désapprouvé clairement la décision de la Cour de cassation.
Pour l'un des commentateurs, l'argument selon lequel la Cour aurait, en violation de l'article 6 § 1 de la
Convention européenne des droits de l'Homme, été composée notamment d'un magistrat ancien
secrétaire général de la Cour d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale, sous les
auspices de laquelle la sentence a été rendue, ce qui pourrait susciter un doute légitime quant à
l'impartialité de ce magistrat, n'est pas sérieux, et est même quelque peu inapproprié (Christophe
Seraglini, Mauvais procès quant à l'impartialité d'un magistrat, JCP E. 2009, 1781, chr. n° 10 at 24).
Un autre commentateur a noté que l'argument n'est pas sérieux, dès lors que la sentence a été
rendue par des arbitres nommés, soit par les parties elles-mêmes, soit par la Cour sur leur délégation,
le Secrétaire général n'interférant à aucun moment avec le processus d'arbitrage, ni même n'y
participant. De même, admettre un doute sur l'impartialité du magistrat dans ces circonstances
reviendrait à présumer que toute personne ayant exercé une fonction juridique ne pourrait pas se
reconvertir dans le milieu judiciaire, notamment parce que son impartialité serait discutable, ce qui
priverait les institutions judiciaires de personnes reconnues pour leur expertise (Guillaume Huchet,
Gaz. Pal. 2009, 1311).
A la lumière de ces observations, il convient également de noter que la Cour de cassation française a
jugé que l'exigence d'indépendance et d'impartialité de l'arbitre relève du contrôle du juge de la
régularité de la sentence, le centre d'arbitrage ne pouvant contracter, quant à la garantie de ces
qualités essentielles des arbitres, qu'une obligation de moyens éventuellement sanctionnée par sa
responsabilité ; que les juges du fond ont relevé que « le règlement d'arbitrage de la CCI assurait la
distinction entre la fonction d'organisation de l'arbitrage, notamment par l'intermédiaire de la “Cour
internationale d'arbitrage”, et la fonction juridictionnelle, laissée aux seuls arbitres, la “cour” n'ayant
aucun pouvoir juridictionnel ». A cet égard, la cour d'appel a eu raison de conclure que la
communication du projet de sentence à la Cour internationale d'arbitrage n'emportait aucune
ingérence dans la mission juridictionnelle de l'arbitre, mais visait seulement à assurer l'efficacité de
l'arbitrage. Ainsi, la cour d'appel a justement déduit de ses énonciations la licéité du contrat
d'organisation de l'arbitrage au regard des exigences de l'ordre public international (Cass. 1e civ. 20-2-
2001 n° 99-12.574).
En tout état de cause, le système arbitral de la CCJA est perfectible ; sans même attendre une
éventuelle réforme future et si cela peut contribuer à estomper certaines critiques et rassurer
davantage les « utilisateurs » de l'arbitrage institutionnel sous son égide, la Cour pourrait, au terme
d'une délibération en assemblée générale, décider que lorsqu'elle statue en matière contentieuse sur
le recours en annulation d'une sentence rendue sous son égide, les trois juges qui auront composé la
formation restreinte qui aura administré la procédure arbitrale se déporteront. Cette mesure, qui en
principe ne devrait pas nécessiter la réunion du Conseil des ministres, n'entraverait pas le
fonctionnement de la plénière dès lors qu'il resterait chaque fois dix autres juges pour statuer dans les
affaires concernées.

Code Ohada - Partie I TRAITE, REGLEMENTS ET DECISIONS


(c) 2020 Editions Francis Lefebvre

Vous aimerez peut-être aussi