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UNIVERSITE DE LA MEDITERRANEE (AIX-MARSEILLE II)

Faculté des Sciences Economiques et de Gestion


Ecole doctorale N°372 de Sciences Economiques et de Gestion

CRET-LOG
(Centre de Recherche sur le Transport et la Logistique)

THESE EN VUE DE L’OBTENTION DU TITRE DE DOCTEUR EN


SCIENCES DE GESTION
(Section C.N.U n°06)
MENTION : MANAGEMENT LOGISTIQUE ET STRATEGIE

Présentée et soutenue publiquement le 2 juillet 2010 par

Meriam KARAA

Les déterminants de l’adoption de la traçabilité par les entreprises


de conditionnement de dattes en Tunisie

Membres du jury

Directeur de Thèse : Monsieur Gilles PACHE


Professeur à l’Université de la Méditerranée (Aix-Marseille II)

Co-Directrice : Madame Joëlle MORANA


Maître de Conférences à l’Université Lumière Lyon II

Rapporteurs : Monsieur Mohamed LIMAM


Professeur à l’Institut Supérieur de Gestion, Université de Tunis

Monsieur Robert PATUREL


Professeur à l’Université de Bretagne Occidentale

Suffragante : Madame Emmanuelle REYNAUD


Professeur à l’Université Paul Cézanne (Aix-Marseille III)
L’Université n’entend donner aucune approbation ni
improbation aux opinions émises dans les thèses : ces
opinions doivent être considérées comme propres à leurs
auteurs.
REMERCIEMENTS

Tout au long de ces années de thèse, j’ai particulièrement apprécié le soutien de certaines
personnes. En effet, ce travail n’aurait pas vu le jour sans la contribution de ces personnes,
que ce soit par leur disponibilité, leurs conseils ou par leur seule présence. Je profite de ces
quelques lignes pour leur adresser mes remerciements.

Ceux-ci vont, en premier lieu, à mes directeurs de recherche, Madame Joëlle Morana et le
Professeur Gilles Paché pour la confiance qu’ils m’ont accordé en acceptant de diriger cette
thèse. Je les remercie pour leur patience, leur soutien inestimable et leurs conseils avisés qui
ont fait de ce processus une expérience intéressante et riche d’enseignements.

Je tiens également à remercier les Professeurs Emmanuelle Reynaud, Mohamed Limam et


Robert Paturel pour l’honneur qu’ils me font en prenant part à mon jury de thèse.

Je remercie tous les membres du CRET-LOG pour leurs conseils et leurs remarques
pertinentes durant les « ateliers thésards ».

Mes remerciements s’adressent également à l’ensemble des professionnels rencontrés au


cours de l’élaboration de ce travail pour le temps qu’ils ont su me consacrer. Une pensée
particulière se dirige vers Madame Yosr Riahi, Monsieur Adel Karâa, Monsieur Mondher
Khanfir et Monsieur Tarek Rabei.

Je remercie vivement mes amis Maya, Ines, et Ismain pour nos échanges entre thésards. Un
grand merci également à tous mes autres amis pour leur soutien et leurs encouragements.

Je remercie profondément toute ma famille en France et en Tunisie de m’avoir accompagné et


supporté pendant ces années de travail. Un grand merci à ma tante Najiba et mon oncle Béchir
de m’avoir accueilli et soutenu durant toutes ces années. Merci également à mon oncle Imed
et ma tante Olfa qui ont effectué une relecture rigoureuse de ce travail.
Je remercie de tout cœur ma sœur Hager, mon frère Heni et mes cousins Hamdi, Hela et Nejla
pour leur aide inestimable dans les moments difficiles.

Enfin, un grand merci à mes chers parents qui m’ont toujours encouragé dans mes projets,
soutenu dans les moments de doute, entouré de leur affection et financé ce travail de
recherche. Je leur dédie ce travail.
SOMMAIRE

INTRODUCTION GENERALE……………………………………………………… ........ 1

Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux……………………………………………..12

Chapitre 2 : Appréhension du terrain tunisien de la datte et de ses spécificités en termes


de traçabilité ........................................................................................................................... 69

Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de


diffusion et d’adoption d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la
traçabilité .............................................................................................................................. 110

Chapitre 4 : L’analyse qualitative : méthodologie ............................................................ 169

Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats .................................................................... 212

CONCLUSION GENERALE …………………………………………… ....................... 270

BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................... 284

ANNEXES ............................................................................................................................. 298

TABLE DES MATIERES ................................................................................................... 334

LISTE DES FIGURES......................................................................................................... 340

LISTE DES TABLEAUX .................................................................................................... 342

LISTE DES ENCADRES .................................................................................................... 343


« Si j’ai vu si loin, c’est que j’étais monté sur des épaules de géants »

(Sir Isaac Newton, 1676)


INTRODUCTION GENERALE

M
aladie de la « vache folle », grippe aviaire, grippe porcine, etc. Tant d’éléments
qui font désormais partie du paysage économique actuel. De fait, les
consommateurs se préoccupent de plus en plus de la qualité des produits
proposés sur le marché, de leurs origines et de leurs compositions. Les entreprises se voient
donc obligées de mettre en place un ensemble de dispositifs permettant d’assurer non
seulement la qualité des produits offerts mais également l’information la plus transparente et
la plus complète possible. De même, dans un contexte de mondialisation, où l’environnement
économique est de plus en plus incertain, avec une concurrence accrue tant à l’échelle des
pays qu’à celle des entreprises, il devient indispensable pour toute entreprise d’adopter des
stratégies coopératives.

C’est dans ce cadre qu’apparaît la traçabilité qui s’apprécie comme un facteur clé de succès de
la compétitivité de toute entreprise tant au niveau national que mondial. La traçabilité est
alors envisagée comme une réponse à l’incertitude liée principalement aux différentes crises
citées plus haut.

1. LA TRAÇABILITE : UNE NECESSITE POUR TOUTE ENTREPRISE


Bien que la traçabilité soit devenue un terme commun dans le vocabulaire, son origine
daterait de peu. Si l’on en croit Pellaton et Viruega (2007), c’est en 1998 que le dictionnaire
français en fait référence (en 1994 pour la traduction anglaise : traceability). Or dès les années
1970, on trouve des premiers écrits soulignant l’importance du traçage et du rappel des
produits comme source d’avantages compétitifs (Fisk et Chandran, 1975). Ce faisant, il
convient d’apprécier que depuis l’antiquité, des pratiques de traçage existent à travers -par
exemple- l’application de sceaux sur les actes administratifs, le marquage des animaux tant
pour préciser le nom du propriétaire que dans un cadre sanitaire. De nos jours, ce sont dans
les contraintes issues de l’industrie et de l’agro-industrie que la traçabilité trouve une place de
choix. Et, c’est principalement en s’appuyant sur la norme ISO 8402 : 1994 que la
traçabilité est définie : « la traçabilité du produit est l’aptitude à retrouver l’historique, la

1
Introduction Générale

localisation ou l’utilisation d’un produit au moyen d’une identification enregistrée ». En tant


que telle, la traçabilité est alors vue soit comme un outil, un moyen à la gestion d’une chaîne
logistique (Romeyer, 2000 ; Fabbe-Costes et Lemaire, 2001 ; Colin, 2005), soit comme une
démarche à part entière (Viruega, 2005 ; Pellaton et Viruega, 2007).

En soi, la traçabilité s’applique tant aux hommes qu’aux choses. Dans le cadre des hommes,
elle remplace la quarantaine qui est à ce jour difficilement applicable du fait de « l’ouverture
aisée » des frontières (Torny, 1998), mais aussi à travers le numéro de sécurité sociale qui
identifie chaque individu. Appliquée à l’entreprise, la traçabilité permet de retracer l’origine
d’un produit ou d’une activité, en mettant en avant son historique, ses composants, les
conditions de production, de planification/design et des opérations (Cheng et Simmons,
1994), son stockage, son emballage et sa distribution. A ce titre, Hermitte (1996) distingue
trois usages principaux à la traçabilité : (1) une lutte contre les illicéités d’usage où nous
retrouvons l’idée de contrefaçon et/ou l’usage de produits illégaux telles les drogues, (2) un
outil de sécurité a posteriori qui se réfère au rappel du produit dangereux après une
commercialisation et, (3) un outil de prévention des risques par l’entremise d’édition de listes
de produits comme dans le cadre du secteur médical. Dans sa pratique, deux fonctions sont
attachées à la traçabilité : le tracking (suivi en temps réel des flux) et le tracing (mémorisation
de ce suivi). Ces deux fonctions sont d’autant plus importantes que la traçabilité est liée à
l’accumulation toujours croissante d’informations.

Selon ce processus, la traçabilité cherche à synchroniser un ensemble de flux physiques et


informationnels qui, pilotés de manière intégrative, conduisent à améliorer la coordination et
la compétitivité de tous les acteurs d’une chaîne logistique, ceci afin de créer de la valeur pour
le client final. Et pour répondre à ce défi, la traçabilité fait quotidiennement appel aux
Technologies de l’Information et de la Communication (TIC).

Bien qu’induite dans tous les secteurs industriels, la traçabilité trouve son fondement dans le
secteur de l’agroalimentaire dans un objectif de sécurisation sanitaire (Lehu, 2000 ; Viruega et
Venet, 2000 ; Barre, 2004 ; Lecomte et al., 2004 ; Tufféry, 2005). Les différentes crises
imposent le marquage de produits. L’objectif est de clarifier le rôle de chacun des
intervenants au sein de la chaîne d’approvisionnement. L’optique est de savoir qui a fait quoi,
à quel moment et en quelque lieu que ce soit. Le thème de la traçabilité agroalimentaire
semble ainsi particulièrement important et d’actualité. En bref, l’objectif ultime de toute

2
Introduction Générale

démarche de traçabilité est d’assurer la sécurité et la qualité des produits concernés, ce qui est
par la même au cœur des politiques commerciales communautaires et mondiales. Et dans le
prolongement de ce raisonnement, les pays tiers vont être contraints d’appliquer des règles
équivalentes de traçabilité avant de pouvoir exporter leurs produits vers l’Union Européenne.
Tel est le cas de la Tunisie, terrain de notre recherche doctorale.

2. UN TERRAIN D’APPLICATION : LA FILIERE DES DATTES EN


TUNISIE
En matière de traçabilité, la Tunisie est concernée par cette démarche car dépendante de la
multiplication des échanges avec l’Europe, ainsi que par l’ouverture de la zone de libre-
échange Euro-méditerranéenne. Il est désormais nécessaire pour les entreprises tunisiennes de
se doter d’une traçabilité de leur produits et processus. Dans cette perspective, prendre le cas
tunisien comme terrain d’étude pour notre recherche s’avère donc intéressant. Et, plus
particulièrement, nous avons ciblé la filière des dattes en Tunisie comme champ
d’investigation empirique de notre thèse.

Depuis plusieurs années, la filière « dattes » occupe une place importante au niveau des
Industries AgroAlimentaires (IAA) tunisiennes. Son rôle socio-économique est considérable.
La réussite d’un projet de conditionnement des dattes repose sur plusieurs facteurs tels qu’une
véritable gestion des Ressources Humaines, une formation sur le respect des règles d’hygiène
et de sécurité alimentaire et la mise en place de système HACCP (Hazard Analysis Critical
Control Points ou analyse des dangers et maîtrise des points critiques) et de certification ISO.

Afin de traiter de notre étude de terrain, deux étapes/périodes ont été nécessaires :
· Tout d’abord, un premier travail d’exploration a été mené en 2007. Son objectif était
de procéder à un diagnostic de la pratique de la traçabilité dans le cadre spécifique de
la filière des dattes. Les réponses obtenues montrent que même s’il existe des aides
accompagnatrices, un travail plus en profondeur est opportun. A ce titre, et compte-
tenu du poids économique du secteur, plusieurs actions accompagnatrices par l’Etat
tunisien ont été mises en place telles que le projet NetConcept qui via le Tunisian
Quality Tracking permet de connaître le suivi des flux de marchandises et
d’information tout au long de la filière. Mais encore à ce jour, seule la remontée du
cycle amont de la datte (Oasis=>Collecteur) est traitée. On compte également parmi
les propositions d’aides, la mise en place d’un Web Intranet central par le GIFruits

3
Introduction Générale

(Groupement Interprofessionnel des Fruits) et autant de Webs Intranet qu’il y a de


conditionneurs. Le but de ce(s) Web(s) est d’avoir connaissance de toutes les
informations nécessaires sur les marchandises (dattes) des différents fournisseurs
provenant d’un terroir défini. En outre, une action a été lancée par le PMI (Programme
de Modernisation Industrielle) au sein de cinq entreprises pilotes de conditionnement
de dattes pour mettre en place un système de traçabilité interne et aval pour compléter
le système déjà existant et obtenir une traçabilité de la « fourche à la fourchette ».
· Ensuite, suite à cette première phase exploratoire du terrain tunisien qui a montré que
la traçabilité était encore à un stade « embryonnaire », nous avons entamé une analyse
qualitative -par l’entremise d’entretiens semi-directifs- auprès de trois entreprises
totalement exportatrices. Il convient d’ores et déjà de noter ici que les pratiques
« cumulées », menées en termes de traçabilité par chacune de ces entreprises
constituent une forme « d’idéal-type » de la traçabilité de la filière des dattes en
Tunisie. Ce faisant, la traçabilité des dattes est toujours en phase d’adoption et doit
être à ce titre considérée, selon nous, comme une innovation managériale.

3. EMERGENCE DE LA QUESTION DE RECHERCHE ET


DEFINITION DES OBJECTIFS

Telle qu’illustrée dans la figure n°1, notre question de recherche émerge de l’association des
éléments de la première revue de littérature sur la traçabilité et des résultats du premier
contact avec le terrain tunisien de la filière des dattes.

4
Introduction Générale

Figure n°1 : Emergence de la question de recherche

Revue de la littérature sur la Appréhension du terrain tunisien


traçabilité de la datte et de ses spécificités
en termes de traçabilité

Intérêt de la recherche sur la La traçabilité des dattes : une


traçabilité en agroalimentaire innovation managériale en phase
d’adoption

Comment favoriser l’adoption de la traçabilité par les


entreprises de conditionnement, maillon central de la filière des
dattes en Tunisie ?

Se pencher sur la problématique liée à l’adoption de la traçabilité dans l’industrie


agroalimentaire tunisienne présente un intérêt évident pour la recherche. Ceci amène à nous
poser la question suivante : Comment favoriser l’adoption de la traçabilité par les
entreprises de conditionnement, maillon central de la filière des dattes en Tunisie ?

C’est dans ce cadre que s’inscrit notre travail de recherche. C’est ainsi que notre objectif est
d’étudier les déterminants de l’adoption de la traçabilité chez les entreprises de
conditionnement de dattes totalement exportatrices en Tunisie. Notre ambition est de
construire une grille d’analyse des facteurs d’adoption de la traçabilité qui, par une typologie
de facteurs établis, constituera une base ou un guide pour les autres entreprises du secteur.

4. LE CADRE THEORIQUE : L’adoption de la traçabilité vue à travers la


théorie des parties prenantes et celle de la diffusion de l’innovation de
Rogers (1962, 2003)
Nous pensons opportun de voir en la théorie des parties prenantes et la théorie de l’Innovation
Diffusion Theory (IDT) de Rogers (1962, 2003) une méthodologie pour l’adoption de la
traçabilité des dattes en Tunisie. Pour cela, et en complément de la revue de littérature sur la

5
Introduction Générale

traçabilité, nous avons mobilisé ces deux champs théoriques afin de construire notre cadre
conceptuel basé sur un modèle et trois propositions génériques de recherche.

4.1. LA THEORIE DES PARTIES PRENANTES (TPP)


Dès le début des années 1990, la littérature souligne l’importance de la place des parties
prenantes (ou stakeholders) dans le management d’une organisation. Parmi les différentes
parties prenantes, on note les pouvoirs publics, les investisseurs, les groupes politiques, les
clients, les fournisseurs, les communautés, les employés et les associations syndicales (Hill et
Jones, 1992 ; Donaldson et Preston, 1995 ; Atkinson et al., 1997). La théorie des parties
prenantes permet, entre autres, de garantir le succès de la performance économique de
l’organisation, sachant qu’il convient de reconnaître le rôle de chaque acteur dans le partage
des gains. Ainsi, pour Berman et al. (1999), les salariés et les clients favorisent
substantiellement la performance financière de la firme. Cette relation est patente lorsque les
employés apprécient de meilleures conditions de travail, et les clients des produits de qualité
et aptes à garantir la sauvegarde de l’écosystème. Dans une même veine, Mitchell et al.
(1997) déterminent le degré de priorité à accorder à une partie prenante. Ils différencient le
degré de pertinence par trois attributs qui sont le pouvoir (capacité d’influer les décisions
organisationnelles), la légitimité dans les relations et l’urgence des droits de chaque partie
prenante.

L’intérêt de la théorie des parties prenantes ou stakeholders theory (SHT) avec la logistique
réside tout particulièrement dans le fait que cette théorie met en avant les liens entre tous les
acteurs que l’on peut rencontrer dans une chaîne d’approvisionnement. La théorie des parties
prenantes est ainsi considérée comme une approche du domaine de management stratégique
qui s’applique sans conteste à une problématique de logistique globale et donc de la
traçabilité. De fait, elle permet d’identifier les acteurs clés qui peuvent influencer l’adoption
de traçabilité.

4.2. LA THEORIE DE LA DIFFUSION ET DE L’ADOPTION DE


L’INNOVATION SELON ROGERS (1962, 2003)
Parmi les différentes théories et modèles d’adoption présents dans la littérature, Venkatesh et
al. (2003) remarquent cinq modèles privilégiés : la théorie de l’action raisonnée ou Theory of
Reasoned Action (TRA) d’Ajzen et Fishbein (1975), le modèle d’acceptation de la
technologie ou Technology Acceptance Model (TAM) de Davis (1985) et Davis et al. (1989),
la théorie cognitive sociale ou Social Cognitive Theory (SCT) de Bandoura (1989), la théorie
6
Introduction Générale

du comportement planifié ou Theory of Planned Behavior (TPB) d’Ajzen (1991), une


combinaison du TAM et du TPB (C-TAM-TPB) (Taylor et Todd, 1995) et la théorie de
diffusion de l’innovation ou Innovation Diffusion Theory (IDT) de Rogers (1962). Dans le
cadre de notre réflexion, nous estimons que l’adoption de la traçabilité peut prendre appui sur
la théorie de la diffusion d’une innovation telle que promue par Rogers.

Basée sur différentes théories et approches en sociologie, psychologie et communication,


l’IDT a influencé considérablement le concept de management d’innovation. Selon Rogers
(1962, 2003), deux principaux déterminants fondent l’adoption d’une innovation :

1. Les caractéristiques de l’innovation, composées de (a) l’avantage relatif (degré auquel


une innovation est perçue comme étant meilleure que celle existante), (b) la
compatibilité (degré auquel une innovation est perçue comme étant compatible avec
les valeurs existantes, les expériences passées et normes des utilisateurs), (c) la
complexité (degré auquel une innovation est perçue comme étant difficile à
comprendre et à utiliser), (d) la testabilité (possibilité de tester une innovation et de la
modifier avant de l’utiliser) et (e) l’observabilité (degré auquel les résultats et
bénéfices d’une innovation sont clairs).
2. Les caractéristiques de l’organisation, généralement mesurées par la taille de la firme
et de son « innovativeness » au sens de Rogers (2003).

5. LES CHOIX EPISTEMOLOGIQUES ET METHODOLOGIQUES


Il est important de définir le cadre épistémologique car il permet au chercheur de « légitimer
sa recherche » (Wacheux, 1996). En soi, nous faisons le choix d’un positionnement
interprétativiste, avec une démarche exploratoire, une approche méthodologique qualitative et
un mode de raisonnement abductif.
Dans le cadre d’une posture interprétativiste, « l’observateur est un sujet actif interprétant.
L’acteur de terrain est aussi un sujet actif interprétant » (Giordano, 2003, p.21). Ce cadre
nous semble donc le plus adapté afin de répondre à notre question de recherche et aux
objectifs de nature exploratoire de notre travail.

La thématique liée à la traçabilité des dattes en Tunisie n’a pas été abordée par les travaux
académiques. Il s’agit d’un terrain d’étude encore « vierge » ce qui constitue « l’originalité »
de notre recherche doctorale. Dans ce cadre, nous optons pour une démarche exploratoire. En
effet, pour Evrard et al. (1997), les objectifs de l’exploration sont au nombre de cinq :

7
Introduction Générale

Ø se familiariser avec un problème, en cerner les composantes et les contours ;

Ø identifier la (les) hypothèse(s) de travail ;

Ø explorer les motivations, les attitudes et les valeurs ;

Ø comprendre les comportements et les processus de décision ;

Ø structurer les formes et les objets afin de les rendre intelligibles et comprendre leur
sens.

L’approche méthodologique que nous avons choisie est l’approche qualitative, dont nous
montrons l’intérêt à l’issue de notre premier contact avec le terrain. S’appuyant sur les
travaux de Marshall et Rossman (1989), Poupart et al. (1997, p.88) « soulignent l’utilité et la
supériorité méthodologique de la recherche qualitative dans certaines situations notamment :
Ø la recherche ne peut être réalisée que de façon expérimentale pour des raisons
pratiques ou éthiques ;

Ø la recherche a pour but d’approfondir des processus ou des phénomènes complexes ;

Ø la recherche comporte des variables pertinentes qui n’ont pas encore été cernées ;

Ø la recherche veut explorer quand et où les politiques, le bon sens populaire et la


pratique échouent ;

Ø la recherche porte sur des sociétés inconnues ou des structures innovatrices ;

Ø la recherche porte sur les processus organisationnels, leurs liens informels et non
structurés ;

Ø la recherche porte sur les buts organisationnels réels, par opposition à ceux qui sont
prétendus ».

De fait, le recours à l’approche qualitative est en adéquation avec la démarche exploratoire


choisie. Elle nous permet de comprendre en profondeur le phénomène étudié à savoir,
l’adoption de la traçabilité et ses déterminants.

Le choix du mode de raisonnement dépend de la position épistémologique du chercheur, de sa


question de recherche, voire de ses compétences techniques (Wacheux, 1996). Dans le cadre

8
Introduction Générale

de notre recherche, nous avons choisi l’abduction puisque nous avons procédé à des allers-
retours entre la littérature et le terrain.

La stratégie d’accès au réel privilégiée est celle de l’étude de cas multi-sites et orientée
variable. L’objectif est de déterminer les facteurs d’adoption de la traçabilité pour le maillon
« conditionneurs » de la filière des dattes. Ainsi, nous avons conduit des entretiens avec des
responsables du secteur appartenant à trois entreprises tunisiennes de conditionnement de
dattes considérées comme les « pionnières » en matière d’adoption de la traçabilité. En plus
des entretiens réalisés, nous avons eu recours à d’autres sources de données à savoir,
l’observation directe non participante et la documentation. Les données recueillies à travers la
conduite des entretiens sont traitées à l’aide du logiciel NVivo dans sa version de 2008.

6. L’ARCHITECTURE DE LA RECHERCHE
Compte tenu de notre logique abductive, nous présentons une architecture atypique de la
thèse. En effet, notre processus de recherche tel que présenté par la figure qui suit, ne
comprend pas une distinction entre une première partie relative à la construction du cadre
théorique et une partie de validation empirique de la recherche, distinction que nous
retrouvons généralement dans les travaux de recherche.

Dans le chapitre 1, nous présentons l’importance et les principes fondateurs de la traçabilité


notamment dans l’industrie agroalimentaire. La traçabilité y apparaît comme une démarche de
management stratégique dont la réussite dépend de plusieurs facteurs technologiques,
organisationnels et humains.

Le chapitre 2 présente la filière des dattes en Tunisie comme terrain d’étude à privilégier et
ses spécificités en termes de traçabilité. Ceci est rendu possible grâce à une première
approche du terrain. Les résultats de cette appréhension mettent en évidence une
caractéristique de la traçabilité spécifique au terrain étudié, à savoir : la démarche de
traçabilité est considérée comme une innovation managériale. Comme nous l’avons déjà
souligné, notre question de recherche se fonde sur l’analyse de ces deux premiers chapitres.

Après avoir successivement présenté les principes fondateurs de la traçabilité et


l’appréhension du terrain tunisien de la datte, nous consacrons le chapitre 3 au second cadre
théorique mobilisé à savoir, d’une part, la théorie des parties prenantes et, d’autre part, l’IDT
de Rogers (1962, 2003). Nous verrons également dans ce chapitre comment il est possible

9
Introduction Générale

d’envisager une modélisation à même de faciliter l’adoption de la traçabilité. Ce modèle


repose sur trois propositions génériques de recherches que nous présentons dans le chapitre 3
tout en décrivant nos choix épistémologiques.

Le chapitre 4 se concentre sur les aspects méthodologiques de l’analyse qualitative à savoir


principalement, les modalités et instruments de recueil des données ainsi que la présentation
des entreprises étudiées.

Enfin, le chapitre 5 est consacré à l’analyse des résultats empiriques et à la discussion des
propositions de recherche avant de conclure en présentant la modélisation finale que nous
retenons concernant les déterminants de l’adoption de la traçabilité.

Ce plan de thèse nous semble être le mieux adapté à notre mode de raisonnement abductif
puisqu’il nous permet d’illustrer au mieux les allers-retours successifs effectués entre la
littérature et le travail empirique.

10
Introduction Générale

Plan de la thèse

Chapitre -1- Chapitre -2-

La traçabilité : moyens et enjeux Appréhension du terrain tunisien de


la datte et de ses spécificités en
termes de traçabilité

Chapitre-3-

Le rôle fondamental de la théorie des parties


prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans
l’adoption de la traçabilité

Emergence du modèle et propositions de recherche

Chapitre -4-

L’analyse qualitative : méthodologie

Chapitre -5-

L’analyse qualitative : résultats

11
CHAPITRE -1-
LA TRAÇABILITE : MOYENS ET ENJEUX

INTRODUCTION

La traçabilité devient incontournable pour toutes les entreprises privées et/ou publiques, y
compris les intermédiaires de la chaîne logistique tels que les prestataires logistiques
(Fernandes, 2007). Ainsi, la traçabilité a pour rôle (a) la maîtrise de la chaîne logistique par
une gestion en temps réel, une amélioration de la réactivité des acteurs de la chaîne, un
renforcement de la fiabilité, une meilleure fluidité ; (b) une meilleure coordination entre les
partenaires et dans l’amélioration des décisions stratégiques (Fabbe-Costes, 1998) ; de même
(c) qu’une implication de l’ensemble du personnel (Romeyer, 2000).

Si la traçabilité s’apprécie dans tous les secteurs d’activité, elle est caractéristique des
réflexions dans l’industrie agroalimentaire. En effet, aujourd’hui, lorsqu’on s’intéresse à ce
domaine, le consommateur veut connaître l’origine du produit qu’il consomme, les
ingrédients qui le composent, ainsi que les différentes étapes de sa production et de sa
transformation (Guyonnet, 2005 ; Bollen et al., 2007 ; Regattieri et al., 2007 ; Riden et Bollen,
2007). Ceci implique pour les entreprises de développer de véritables stratégies dans l’optique
d’établir une relation de confiance avec le consommateur final, de permettre une meilleure
organisation du travail, donc une augmentation de la productivité.

L’objectif de ce chapitre est de faire un tour d’horizon de la littérature qui traite de la


traçabilité pour une meilleure compréhension de cette démarche et de ses spécificités. Il y a
lieu d’identifier, dans une première partie, le rôle et la place de la traçabilité, en développant
les principes de base et les étapes liées à la mise en place effective de cette démarche. Une
deuxième partie sera consacrée aux TIC (Technologies de l’Information et de la
Communication) comme outils nécessaires à la mise en place et à la réussite de la traçabilité.

12
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

1. ROLE ET PLACE DE LA TRAÇABILITE


La traçabilité, est un concept relativement « flou ». En effet, elle reste peu analysée dans les
travaux théoriques en Sciences de Gestion. Il est donc pertinent d’étudier au niveau de cette
première section l’origine de la traçabilité, ses domaines d’application, ses apports et ses
principes de mise en place et de fonctionnement.

1.1. LES CRISES ALIMENTAIRES : CATALYSEUR DE LA


TRAÇABILITE
Une série d’événements ont marqué le paysage agroalimentaire européen et français ces deux
dernières décennies. La gravité de chacun de ces événements varie selon sa nature.

1.1.1. LES CRISES ALIMENTAIRES TOUCHANT LA SECURITE


SANITAIRE DU CONSOMMATEUR
Il s’agit des crises dont certaines ont eu un impact considérable sur la qualité et la sécurité
alimentaire. A ce titre, on peut citer la crise de la Listériose (maladie due à la consommation
de produits alimentaires contaminés par la bactérie Listeria monocytogène) qui a engendré en
1992, en France 63 cas de décès et 22 cas d’avortements (Green, 2001). Mais, plus que tout,
la crise qui a montrée la nécessité de recourir à la traçabilité est celle de l’ESB
(Encéphalopathie Spongiforme Bovine) ou la maladie de la vache folle, très médiatisée. Cette
maladie, qui touche le système nerveux central des bovins, entraîne inévitablement la mort de
l’animal. Elle fut détectée en premier, en 1986, au Royaume-Uni (Lehu 2000 ; Lecomte et al.,
2003). En 1996, les scientifiques se sont aperçus de la possibilité de transmission de la
maladie de l’animal vers l’homme. Ainsi, à ce jour, plus de 200 personnes auraient été
touchées par les syndromes d’une maladie de même nature que l’ESB : la « Creutzfeldt-
Jakob ».

1.1.2. LES CRISES ALIMENTAIRES PROVOQUANT DES PERTES


ECONOMIQUES
D’autres crises alimentaires sont survenues et ont conforté le débat sur la nécessité de la
traçabilité. Toutefois, ces dernières n’ont pas affecté la santé humaine mais ont engendré, en
revanche, des coûts importants supportés par certaines entreprises. A ce titre, on cite le cas
(légendaire !) de l’implantation du groupe « Perrier » aux Etats-Unis dans les années 1990
(Green, 2001). En effet, suite à un incident technique sur un des sites de production (retard

13
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

dans le changement de filtres à l’usine de Vergèze en France) qui engendra un grave


problème sanitaire (traces de benzène dans quelques bouteilles analysées par un laboratoire
américain), le groupe dut retirer la totalité des produits du marché, soit 160 millions de
bouteilles. Car, ne possédant pas de traçabilité, le groupe ne pouvait identifier les lots
concernés. En conséquence de quoi, il perdit des parts de marché et sa position dominante
qu’il détenait sur le marché américain. L’image de marque de l’entreprise associée à la nature
et la pureté fut également fortement affectée par cet incident.

En bref, il est possible de dire que le facteur endogène à chacune de ces deux crises est celui
de l’absence de la traçabilité des produits et processus. En outre, en plus de l’avènement de
ces crises, les débats autour des OGM (Organismes Génétiquement Modifiés) ont contribué à
la prise de conscience relative à la traçabilité.

1.1.3. LA TRAÇABILITE COMME FACTEUR DE CHOIX DES OGM


Les OGM sont le fruit des progrès en matière de recherche génétique appliquée à
l’agroalimentaire. Cependant, ces applications, qui concernent en premier lieu le maïs, sont
perçues en Europe comme dangereuses. Ceci est dû à l’incertitude scientifique quant à
l’impact de ces organismes sur la santé des consommateurs. De ce fait, recourir à la traçabilité
est indispensable afin d’assurer une transparence des informations relatives à la nature et à
l’origine des produits concernés. Par là, elle donne aux consommateurs la liberté de choisir
entre l’utilisation ou non de ces produits.

1.1.4. L’IMPACT DE LA MEDIATISATION DANS LA SECURITE


ALIMENTAIRE ET SANITAIRE
Plus récemment, des incidents nécessitant des rappels massifs d’articles ont été signalés en
France et largement médiatisés. En 2008, la marque « Garbit » de « William Saurin » a dû
rappeler 80 000 conserves de couscous suite à un phénomène de « bombage » signalé et
pouvant engendrer l’explosion de la boîte de conserve à l’ouverture1. Les médias parlèrent
alors de « couscous explosif ». En août 2009, le groupe « Carrefour » a rappelé, dans le cadre
d’une mesure préventive, un lot de steak haché contaminé par la bactérie Escherichia coli à
même de causer des vomissements, diarrhées et crampes d’estomac2. Les cas de rappel
similaires à ces deux incidents sont nombreux et provoquent à chaque fois le déchaînement
des médias. Ils sont également accompagnés par de nombreux débats sur la question de la

1
www.lefigaro.fr du 08/11/2008.
2
www.lefigaro.fr du 28/08/2009.
14
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

sécurité alimentaire. Cette médiatisation exceptionnelle de la sécurité alimentaire a joué


également un rôle important dans l’essor de la traçabilité comme « le remède miracle » à ces
incidents et crises à répétition. Ainsi, suite à ces différentes crises (vache folle, fièvre porcine,
grippe aviaire, rappel de produits, etc.), la pression des consommateurs et pouvoirs publics
s’est intensifiée notamment face à l’absence d’informations identifiant et qualifiant les
produits : « Claude Fishler, chercheur au CNRS qualifie d’ailleurs ces aliments à risque de
« ocni » pour objets comestibles non identifiés (Pécresse, 1999), afin d’insister sur cette
lacune » (Lehu, 2000, p.4). En bref, les consommateurs demandent désormais aux entreprises
d’être très réactives sur tout type de problème et particulièrement en cas de crise. La sécurité
est ainsi « de plus en plus en première ligne : pas question de consommer des produits
potentiellement dangereux, mal conservés ou trop vieux. Les « crises » récentes illustrent et
justifient à la fois cet état d’esprit » (Guyonnet, 2005, p.161). Cependant, il convient de
rappeler que l’essor de la traçabilité ne concerne pas uniquement les produits de l’industrie
agroalimentaire.

1.2. LA TRAÇABILITE DANS LE « NON-AGROALIMENTAIRE »


Désormais, la traçabilité concerne tous les produits et secteurs allant de l’industrie
pharmaceutique à celle de l’aéronautique.

1.2.1. UN SECTEUR FORTEMENT CONCERNE PAR LA TRAÇABILITE :


L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE ET DE SANTE
Dans l’industrie pharmaceutique, la traçabilité constitue une obligation réglementaire dans la
mesure où il est nécessaire de pouvoir garantir la qualité d’un médicament et de le localiser à
tout moment afin de pouvoir protéger les patients. A cela, il est utile de souligner l’existence
d’un nouvel enjeu en matière de traçabilité relatif à la contrefaçon et à la vente sur Internet de
médicaments interdits.

Un autre exemple montrant l’application de la traçabilité dans le domaine médical est celui
des produits sanguins labiles. En effet, il est devenu nécessaire d’assurer et d’optimiser la
sécurité transfusionnelle par le biais de l’obligation de traçabilité des produits sanguins et ce,
suite à l’affaire du sang contaminé, transformé en véritable scandale. L’origine de ce drame
remonte, à la fin de 1983 au moment où on a fait le rapprochement entre les transfusions
sanguines et les 92 cas de SIDA recensés en France par l’OMS (Organisation Mondiale de la
Santé). De ce fait, selon un rapport du Centre National de Transfusion Sanguine (CNTS)

15
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

publié en août 1986, un hémophile sur deux a reçu du sang contaminé, soit près de 2000
personnes. Cette affaire a également franchi les frontières françaises. En effet, on a exporté
des produits sanguins non chauffés vers la Tunisie. Des dizaines de malades ont ainsi
contracté le SIDA en recevant ce sang contaminé.

Dans ce contexte, le circulaire ministériel DH/DGS/3B n°47 du 15 janvier 1992 indique


que : « Les établissements de transfusion et les établissements de soins doivent posséder des
systèmes d’enregistrement des informations qui permettent de suivre un produit ou une
procédure depuis la première étape jusqu’à la dernière, du donneur au receveur et de
participer à l’hémovigilance ». Les ETS (Etablissement de Transfusion Sanguine ) et les ES
(Etablissement de Soin) doivent donc prendre certaines dispositions afin de garantir la
sécurité transfusionnelle grâce à une « traçabilité des produits sanguins labiles (PSL) »
(Pélissier et Nguyen, 2000, p.73).

1.2.2. LE PRINCIPE DE PRECAUTION DANS LA TRAÇABILITE


AUTOMOBILE
En Europe, les pratiques sont en train d’évoluer notamment en termes de rappel de modèles
de voitures. Ceci se réalise dans le cadre du principe de précaution qui vise à changer
certaines pièces susceptibles de défectuosité. La traçabilité dans le secteur automobile répond
ainsi à des besoins de sécurité et de conformité aux exigences qualité. Cependant, l’usage
qu’il en est fait peut être plus perçu comme marketing que sécuritaire. En fait, actuellement, la
préoccupation réelle du secteur automobile réside en la traçabilité des substances toxiques.

1.2.3. L’AERONAUTIQUE
La traçabilité est une notion bien ancrée dans le secteur aéronautique. Elle est utilisée afin de
vérifier la conformité des produits aux normes et aux plans d’origine. Elle permet également
de répondre à la première préoccupation en la matière, à savoir « la sécurité totale » en
localisant l’origine d’éventuels dysfonctionnements.

De plus, une nouvelle forme de traçabilité prend place, celle relative aux données techniques
représentant une quantité énorme d’informations en perpétuel changement. A titre d’exemple,
chez « Dassault » dès le stade de conception et ce grâce à des méthodes telle que l’AMDEC
(Analyse de Modes de Défaillance Et de leur Criticité), il est désormais possible d’identifier
les caractéristiques clés, « celles qui, si elles ne sont pas respectées, risquent d’avoir des

16
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

conséquences fâcheuses sur la vie ou sur la montabilité du produit » (www.att-fr.info


(25/03/2010)).

En résumé, ces deux secteurs dits « High Tech » se trouvent concernés, au sens de la
traçabilité, au même titre que l’agroalimentaire et la santé, avec comme buts la sécurité et la
qualité des produits.

L’accent a été mis à ce niveau sur les terrains d’application de la traçabilité les plus
dynamiques (santé, automobile et aéronautique). Cependant, la traçabilité concerne désormais
la plupart des secteurs d’activité. Néanmoins, l’agroalimentaire reste « le secteur de
référence » en matière de traçabilité. Aujourd’hui, tous les acteurs de la chaîne alimentaire
sont mobilisés afin d’apporter le maximum de garantie et d’assurance aux consommateurs en
termes de qualité et de sécurité. Dans cette perspective, la prédominance de l’agroalimentaire
justifie notre choix d’étude empirique que nous allons détailler dans la suite des chapitres.

1.3. L’ENCADREMENT LEGAL ET LES INITIATIVES


La question relative à la traçabilité des produits, issus essentiellement des industries
agroalimentaires n’est pas récente. Elle a fait l’objet de plusieurs textes réglementaires et de
nombreuses initiatives en réponse à ces crises et incidents présentés plus haut (Guyonnet,
2005 ; Peurière et al., 2007). Trois types d’encadrement voient le jour. Nous présentons
successivement les dispositions réglementaires, les normes et les travaux privés.

1.3.1. LES DISPOSITIONS REGLEMENTAIRES


Les réglementations ont un caractère obligatoire. Il s’agit d’un dispositif législatif. Selon le
CNA (Conseil National de l’Alimentation) (2001), l’article 100 de la loi d’orientation agricole
n°99-574 du 9 Juillet 1999 précise qu’un « décret fixera la liste des produits ou denrées pour
lesquels la traçabilité doit être assurée et que l’autorité administrative précisera, pour
chaque produit ou denrée, les étapes de production et de commercialisation pour lesquelles la
traçabilité doit être assurée ainsi que les moyens à mettre en œuvre en fonction de la taille de
l’entreprise ».
A la suite de cet article, le règlement CE 178/2002, entré en vigueur le 1er janvier 2005
constitue une pierre angulaire en termes de traçabilité. Avec ce règlement, il est désormais
obligatoire de tracer l’ensemble des denrées alimentaires à toutes les étapes de la production,
de la transformation et de la distribution.

17
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

Le règlement CE 178/2002 a « un double objectif : faciliter la libre circulation des


marchandises, obtenir et maintenir un haut niveau de protection sanitaire » (Canon, 2006,
p.2). Avec la mise en application de la réglementation européenne n°178/2002 du 1er janvier
2005, tous les acteurs de la chaîne alimentaire doivent être mobilisés afin d’apporter le
maximum de garantie et d’assurance aux consommateurs en termes de qualité et de sécurité.
Il fait donc référence à un ensemble de principes et d’obligations notamment celles en relation
avec la traçabilité. Ce règlement communautaire laisse aux entreprises le choix de la mise en
place de la traçabilité et des moyens utilisés (en fonction de la nature des produits tracés et
des contraintes techniques et économiques associées). Il « légitime en quelque sorte la
diversité » (Guyonnet, 2005, p.167).
Avant le règlement CE/178/2002, il n’y avait pas de réglementation (européenne ou autre) qui
imposait au secteur agroalimentaire de mettre en place une traçabilité. Ce règlement est, de
fait, considéré comme le texte de référence.

Par la suite, le CNA a édité un rapport afin d’apporter un éclairage supplémentaire sur les
points importants du règlement européen CE178/2002 en rapport avec l’obligation de la
traçabilité pour tous les acteurs de la chaîne alimentaire (Bayre, 2005). Il souligne également,
à travers l’avis des experts, « la définition des lots comme l’un des points clés de l’efficacité »
(Guyonnet, 2005, p.168) de la traçabilité.

1.3.2. LES NORMES


Les normes renvoient à une référence. Elles sont généralement issues « de réflexions et de
discussions menées par des entreprises au sein d’organismes de normalisation » (Wanscoor,
2008, p.43). Nous présentons les deux organismes de normalisation française et internationale
(respectivement l’AFNOR et l’ISO) et leurs apports en matière de traçabilité.

Tout d’abord, l’AFNOR (Association Française de NORmalisation) créée en 1929 sous la


tutelle du ministère de l’industrie, a été chargée de l’élaboration et de la diffusion des normes
dans une optique d’harmonisation des règles de la traçabilité. En 2002, un groupe de travail
dédié à la traçabilité a eu pour but de publier un document de référence, « se situant dans
l’optique filière et clarifiant le concept, sa méthodologie, [son] type d’application, et les
familles d’outils disponibles » (Guyonnet, 2005, p.168).

Ensuite, l’ISO (International Organization for Standardization) ou organisation internationale


de normalisation, crée en 1947, est « une fédération mondiale d’organismes nationaux de

18
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

normalisation (comités membres de l’ISO). L’élaboration des normes internationales est en


général confiée aux comités techniques de l’ISO…Les organisations internationales,
gouvernementales et non gouvernementales, en liaison avec l’ISO participent également aux
travaux » (Norme Internationale ISO 22000 du 01-09-2005). Dans le cadre de la traçabilité, la
norme ISO 22000, notamment dans sa version de 2005, définit et décrit toutes les exigences
permettant à tout organisme d’avoir un système efficace de management de la sécurité des
denrées alimentaires. Cette norme concerne tous les acteurs de la chaîne alimentaire quelle
que soit leur taille, qu’ils soient directement impliqués (producteurs, distributeurs) ou
indirectement impliqués dans la chaîne (produits de nettoyage, fournisseurs de matériaux
d’emballages, etc.).

En soi, la norme ISO 22000 spécifie des exigences comprenant certains éléments reconnus
comme essentiels pour assurer la sécurité des aliments tels que la traçabilité. Le paragraphe
7.9 de la présente norme est ainsi consacré à la mise en place d’un système de traçabilité. Il
stipule, que « l’organisme doit établir et appliquer un système de traçabilité qui permet
d’identifier les lots de produits et leur relation avec les lots de matières premières ainsi que
les enregistrements relatifs à la transformation et à la livraison. Le système de traçabilité doit
permettre d’identifier les fournisseurs directs des intrants et les clients directs des produits
finis. Les enregistrements relatifs à la traçabilité doivent être conservés pendant une durée
définie pour l’évaluation du système pour permettre le traitement des produits potentiellement
dangereux et dans l’éventualité d’un retrait. Les enregistrements doivent être conformes aux
exigences légales et réglementaires ainsi qu’aux exigences des clients et peuvent être fondés,
par exemple, sur l’identification du lot du produit fini ».

1.3.3. LES TRAVAUX PRIVES


De nombreux travaux ont été menés par des entreprises privées. Il y a eu également des
travaux effectués au niveau des filières, lorsque celles-ci sont suffisamment organisées.
L’exemple le plus connu est celui de GS1. Il s’agit d’un organisme mondial de concertation
entre partenaires indépendants dans toutes les branches et tous les secteurs d’activité et plus
précisément l’agroalimentaire (Guyonnet, 2005). Sa mission est d’être « un leader impartial
qui offre aux différents acteurs les clés pour développer et mettre en œuvre les standards
globaux » (GS1 France, 2008a). GS1 France (anciennement GENCOD EAN France) existe
depuis 1972. Au départ, il a été créé pour harmoniser les documents administratifs.
Aujourd’hui, cet organisme a pour mission d’accompagner les entreprises adhérentes dans la

19
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

mise en œuvre de solutions standardisées et ce, dans le but d’améliorer l’efficacité de chaque
acteur de la chaîne logistique. Ceci « en apportant aux entreprises la bonne technologie, au
bon moment par la bonne application. Et en leur proposant des outils standards3 et universels
pour la maîtrise des flux physiques et d’information4 » (GS1 France, 2008a).

En 1999, un groupe de travail « traçabilité » a été mis en place au sein de GS1 France. Son
objectif principal est d’aider les entreprises à mettre en œuvre une traçabilité efficace et ce, en
proposant des séminaires de formation, en publiant des guides pratiques et en assurant une
assistance technique au quotidien. Il en résulte un ensemble de documents et de rapports
traitant différents aspects de la traçabilité notamment dans l’agroalimentaire (par exemple :
« Logistique et traçabilité : Guide pratique de mise en œuvre des standards EAN.UCC » ;
« Traçabilité dans les chaînes d’approvisionnement : de la stratégie à la pratique » ; « Les
standards et la traçabilité pour les fruits et légumes »).

Dans la même veine, un guide pratique a été conjointement édité par deux associations
agroalimentaires françaises à savoir l’ACTA (Association de Coordination Technique
Agricole) et l’ACTIA (Association de Coordination Technique pour l’Industrie
Agroalimentaire). Il s’agit d’un ouvrage destiné aux opérateurs de l’agroalimentaire afin de
les aider à éclaircir des notions relatives à la traçabilité (typologies, réglementation, moyens
techniques, exemples d’entreprises ayant mis en place la traçabilité, etc.).

En plus de ces textes et travaux qui traitent de la question relative à la traçabilité dans sa
globalité, il existe des dispositions rattachées à plusieurs domaines couverts par la traçabilité.
Il s’agit par exemple des travaux de la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des
Libertés) pour les problèmes posés par la traçabilité et les libertés individuelles ; les travaux
de l’AFNOR pour la lutte contre la contrefaçon ; ainsi que l’ISO 14000 qui définit « les
bonnes pratiques pour le management des problématiques environnementales (développement
durable, recyclage…) dans l’entreprise » (Peurière et al., 2007, p.3).

Enfin, à ce stade, il convient de noter le premier salon dédié à la traçabilité qui s’est tenu à
Paris au début de l’année 2004, suivi de plusieurs autres éditions annuelles. La dernière en

3
Un standard est un outil partagé « entre les acteurs d’un même secteur ou d’une même activité ; pour disposer
de modes opératoires communs afin de faciliter et fiabiliser les interactions entre ces acteurs » (Wanscoor, 2008,
p.43). Il s’agit d’un outil de communication ou un langage commun.
4
On parle de couplage flux physique/flux d’information lorsqu’il s’agit de commercialiser des produits. Mais
dans le domaine des services il s’agirait plutôt du couplage flux d’entités/flux d’information (entités au sens
résultat d’un processus) (Fabbe-Costes, 2006).
20
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

date est celle du 25 et 26 novembre 2009. Cette manifestation rassemble des professionnels de
différents domaines notamment l’agroalimentaire et a pour but de diffuser des connaissances
en matière de traçabilité et de promouvoir cette démarche (Lecomte et al., 2003).

En résumé, tous ces points montrent l’importance des efforts et des travaux entrepris en la
matière. Néanmoins, en quoi consiste réellement la traçabilité et comment les chercheurs et
les professionnels la définissent-ils ?

1.4. DEFINITIONS ET TYPOLOGIES DE LA TRAÇABILITE


De nombreuses définitions sont avancées, aussi bien par la règlementation en vigueur que par
certains auteurs de référence. Cependant, il n’existe pas encore à ce jour de réel consensus de
définition.

Au sens de l’ancienne norme ISO 8402 de 1994, la traçabilité représente « l’aptitude à


retrouver l’historique, l’utilisation ou la localisation d’une entité au moyen d’identifications
enregistrées » où « l’historique, l’utilisation ou la localisation » concernent « l’exposé
chronologique de l’ensemble des faits se rapportant à la vie [du] produit » (Guyonnet, 2005,
p.162). L’« entité » englobe, quant à elle, différentes notions et peut représenter une activité,
un processus, une matière première, une machine ou un produit. De fait, selon la nature de
l’entité tracée, nous pouvons distinguer entre la traçabilité des données et la traçabilité du
produit.

La traçabilité des données présente « l’ensemble des documents et des enregistrements


concernant chaque étape de la vie du lot. Ces informations sont reliées entre elles grâce aux
identifications permettant ainsi la traçabilité des données » (Viruega, 2005, p.86). Il convient
de noter au sein de cette définition, la référence faite à la notion de « lot ». Selon l’article R-
112-5 du code de la consommation, le « lot » s’apprécie comme étant : « un ensemble d’unités
d’une denrée ayant des caractéristiques identiques, et qui ont été produites et/ou fabriquées
et/ou conditionnées dans des circonstances pratiquement identiques » (Guyonnet, 2005,
p.162).

Cette notion de lot est très importante dans la traçabilité. Pour cette raison, il existe plusieurs
types de lots : la récolte journalière, la fabrication d’une heure ou bien des produits ayant les
mêmes caractéristiques de poids, de variété, etc. L’essentiel, comme le précise Guyonnet
(2005, p.162), est de « réunir des unités ayant au moins une caractéristique commune ». En

21
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

conséquence, la taille du lot est une variable importante à prendre en compte : « on conçoit en
effet que des petits lots soient plus faciles, et moins coûteux à récupérer…Concrètement, c’est
au fabricant du produit de déterminer la taille optimum de ses lots, en tenant compte de ses
objectifs de traçabilité » (Guyonnet, 2005, p.162).

La traçabilité du produit est le fait de « retrouver l’information concernant le produit, à


tout moment, de façon fiable et contrôlable » (Viruega, 2005, p.92). Cette définition renvoie à
deux principales fonctions attachées à la traçabilité, à savoir : le « tracking » et le « tracing ».
La fonction « tracking » provient du terme anglais « to track » qui « renvoie à la question de
la localisation (retrouver une entité)…[alors que] le terme « to trace » renvoie plutôt au suivi,
à la capacité à établir la trace » (Fabbe-Costes, 2006, p.4) (Cf. encadré n°1). Nonobstant, il
faut noter que la plupart des recherches en traçabilité réalisées au cours de la dernière
décennie s’est focalisée sur l’importance du « tracing » comme un outil de la qualité et un
mécanisme qui traite l’information (Rabade et Alfaro, 2006).

Encadré n°1 : Les fonctions « tracking » et « tracing » (tiré de Romeyer, 2000, p.4)

La fonction « tracking » consiste à connaître à un instant « t » la localisation d’un objet.


L’objectif associé à cette première fonction de la traçabilité est double :
- il s’agit, d’une part, de faire preuve de réactivité face à l’apparition d’un problème tel que la
détention d’un produit défectueux et de déterminer rapidement l’origine du problème ou la
localisation précise du lot en question ;
- et, d’autre part, de mieux maîtriser toute la chaîne logistique grâce au suivi en temps réel des
flux physiques. Cette maîtrise passe, par exemple, par une meilleure gestion des stocks, une
plus grande qualité dans la préparation des commandes, …
La mise en œuvre de la fonction « tracking » nécessite :
- d’identifier les objets grâce à un système de codification et de capturer les informations par
l’intermédiaire d’un système d’information adéquat : le plus souvent, cela se fait de manière
automatique, par un système de codes-à-barres associé à un lecteur optique ou par des
étiquettes électroniques associées à un système de radiofréquence ;
- de posséder un outil qui permette d’observer et d’analyser en temps réel les flux et d’en
communiquer l’information : il peut s’agir, de l’outil le plus simple au plus perfectionné, du
téléphone, au fax, de l’EDI, d’un progiciel, de l’Internet ou encore de radios, voire
d’ordinateur embarqués sur le moyen de transport de l’objet traçé, ou d’un système de
localisation par satellite.
La fonction « tracing » consiste, quant à elle, à donner une image de l’ensemble du flux
auquel on s’intéresse, c’est-à-dire à retracer l’histoire a posteriori de la circulation réelle de
l’objet. L’objectif ici est de retourner à l’origine des choses et de contrôler chaque étape de
leur élaboration. Cela suppose d’avoir mémorisé dans un premier temps les données issues de
la fonction « tracking », puis de disposer d’un système capable de combiner ces données de
manière à reconstruire l’image de l’ensemble du flux concerné.

22
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

Par la suite, la définition de la norme de 1994 a été complétée par la norme ISO 9000 : 2000,
qui définie la traçabilité comme étant « l’aptitude à retrouver l’historique, la mise en œuvre
ou l’emplacement de ce qui est examiné. Dans le cas d’un produit, elle peut être liée à
l’origine des matériaux et composants, l’historique de réalisation, la distribution et
l’emplacement du produit après livraison ». Cette définition reste néanmoins très ouverte et
peu précise. En effet, certains aspects ne sont pas clairement spécifiés tels que les moyens à
mettre en œuvre.

Une définition donnée par Mattei (2003, p.35) englobe celles précitées et permet de dépasser
leurs limites. La traçabilité peut être ainsi définie « en première approche, comme la
possibilité qu’offrent les techniques modernes, à des fins d’information du public, de suivre
pas à pas, en une sorte de « trace » continue, les produits de l’industrie dès qu’ils sont
diffusés par le grand et le petit commerce. Ils sont en effet marqués, dès leur fabrication, par
une information spécifique qui se maintient tout au long de leur vie en quelque lieu qu’ils se
trouvent. On pourra ainsi à tout moment identifier un objet, défini par une information
virtuelle que les réseaux électroniques diffusent sur toute la planète, de son origine à sa fin et
du producteur au consommateur ». De fait, l’information sur le produit devient plus
importante que le produit lui-même.

Bayre (2005, p.2) donne une définition de la traçabilité en faisant référence à ses principes de
base que nous allons étudier dans la suite du chapitre. Ainsi, « tracer c’est identifier les
principales étapes d’un processus, enregistrer les paramètres caractéristiques de chacune de
ces étapes et corréler les enregistrements obtenus entre eux ».

En soi, il apparaît que toutes ces définitions diffèrent en termes de structure mais sans un
changement réel de sens. En effet, la traçabilité est toujours considérée comme pouvant
identifier et tracer des produits ou entités, dans le but d’assurer le maintien de leur qualité. Le
plus important est de pouvoir « identifier l’origine et de reconstituer le parcours d’un produit,
depuis sa production jusqu’à sa diffusion » (Doucet, 2006, p.2).

En bref, la traçabilité permet une optimisation de la gestion des flux. Actuellement, il est
possible de retenir deux principales typologies qui sont associées à une démarche de
traçabilité à savoir la traçabilité ascendante et descendante d’une part, et la traçabilité amont,
aval et interne, d’autre part.

23
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

La traçabilité ascendante/descendante
La traçabilité ascendante et descendante « définissent les aptitudes à « voyager » dans le
schéma de la vie du produit, soit dans un sens, soit dans l’autre » (Guyonnet, 2005, p.163).
Elles concernent principalement les problèmes de gestion de la qualité des produits
(traçabilité ascendante allant du produit final à la matière première) et les activités de types
logistiques (traçabilité descendante partant de la matière première pour aller au produit fini).
Ces deux types de traçabilité sont mises en œuvre en cas de besoin et essentiellement lors
d’une crise alimentaire. Comme le montre la figure n°2, la traçabilité ascendante a pour
objectif de retrouver l’origine d’un problème. Elle sert, en effet, à avoir en tout point de la
chaîne logistique des informations concernant l’origine et les caractéristiques d’un produit fini
donné. La traçabilité descendante, quant à elle, joue un rôle important dans la procédure de
rappels de produits défaillants ou présentant un certain degré de risque et ce, en permettant -
par exemple - la localisation de ces produits en tout point de la chaîne d’approvisionnement
(ACTA-ACTIA, 1998 ; Jacquement, 2002 ; Green et Hy, 2002 ; Viruega, 2005).

Figure n°2 : Traçabilité ascendante/descendante

Traçabilité ascendante Traçabilité descendante


Matières
Elle permet de connaître en tout premières Elle permet, à partir des
point de la chaîne, l’origine et les matières premières, de
caractéristiques d’un produit retrouver les produits
Transformation correspondant à leurs
Surtransformation destinations

Produits finis

Distribution

Consommation
Source : Jacquement (2002).

Un exemple de traçabilité ascendante/descendante est donné par Lecomte et al. (2006). Il


s’agit du cas d’un éleveur de poulets belge qui a constaté un taux anormal de mortalité des
poussins et de non-éclosion des œufs. L’analyse a révélé que l’aliment qu’il donnait aux
poules contenait une teneur en dioxine de l’ordre de 700 picogrammes (10-12kg). Ce qui
constitue une quantité très importante dépassant largement le seuil recommandé. Et c’est
24
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

grâce à la traçabilité ascendante qu’on a pu remonter au fournisseur de matières grasses du


fabricant de l’aliment à l’origine du problème. On a pu identifier chez ce fournisseur un lot de
matières grasses contaminé par la dioxine. En identifiant l’origine du problème, on a pu lancer
la traçabilité descendante afin de retrouver les fabricants auxquels on a livré le lot défectueux
de matières grasses. « La recherche a identifié huit fabricants belges, un fabricant
néerlandais, deux fabricants allemands et un fabricant français…[pour chaque fabricant, on a
dû retrouver également les élevages livrés, etc. jusqu’à arriver aux industriels pour rappeler
les lots de produits] contenant plus de 2% de graisses animales ou d’ovoproduits susceptibles
de contenir les matières premières incriminées » (Lecomte et al., 2006, p.12).

La traçabilité amont/interne/aval
Une deuxième distinction peut être faite entre la traçabilité amont, interne et aval.
Contrairement à la première typologie ascendante/descendante qui fait référence au sens de la
traçabilité sur l’ensemble de la filière, la traçabilité amont/interne/aval concerne la traçabilité
selon le point de vue de chaque acteur de la filière (GS1 France, 2001). Néanmoins, comme le
précisent Lecomte et al. (2006, p.23), la traçabilité ascendante et la traçabilité descendante
« ne sont possibles que grâce à la bonne maîtrise des traçabilités amont et aval de chaque
maillon de la chaîne ».

La figure n°3 montre la deuxième typologie traçabilité amont/interne/aval. Cependant, selon


nous, cette schématisation de Ta (2002) reste toutefois trop simpliste par rapport à ce qui se
passe dans la réalité. La démarche de traçabilité est en effet, beaucoup plus complexe.

25
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

Figure n°3 : Traçabilité amont/ interne / aval

Traçabilité amont
Traçabilité interne Traçabilité aval

Matières Transporteur Réception Magasin Fabrication Conditionnement Expédition Transporteur


Premières Matière première
Sstockage
Client
Fournisseur Contrôle de Autocontrôle Contrôle de distributeur
Réception conformité

Source : Ta, 2002.

26
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

La traçabilité amont (ou traçabilité des fournisseurs vers l’entreprise) fait référence à
l’acheminement des matières premières du fournisseur à l’entreprise. Comme son nom
l’indique, la traçabilité interne (ou traçabilité des processus de fabrication) concerne la partie
du processus à l’intérieur de l’entreprise productrice ou transformatrice du produit en
question. Ceci dit, la mise en place de la traçabilité interne présente certaines difficultés dues
notamment au passage de l’entité par plusieurs plateformes, ateliers de production et de
stockage. La traçabilité aval (ou traçabilité depuis l’entreprise vers les clients), par opposition
à la traçabilité amont, désigne l’ensemble des outils et procédures permettant de suivre la
livraison des marchandises au client final. (Ta 2002, 2004 ; Lecomte et al., 2006).

La traçabilité amont, aval et interne constituent de fait, ce qu’on appelle une « traçabilité
totale ou globale » répondant à l’objectif de limiter la discontinuité de l’information tout au
long de la chaîne logistique. Cette traçabilité dite « totale » est considérée par Lecomte et al.
(2003, p.23) comme « un objectif, (voire un idéal), de traçabilité absolue ».

D’autres approches de la traçabilité sont présentes dans la littérature qui traite de ce sujet.
Bayre (2005) présente à ce titre deux approches. La première considère la traçabilité comme
« un mal nécessaire » et une obligation réglementaire pouvant se réaliser sur papier et sans la
nécessité d’informatiser la démarche. Il s’agit de la traçabilité dite « statique ». Par opposition
à la traçabilité dite « dynamique » qui nécessite l’informatisation des procédures. Dans ce cas,
la traçabilité est considérée comme un moyen pour « améliorer le fonctionnement global de
l’entreprise » (Bayre, 2005, p.3).

Après avoir présenté les définitions et approches liées à la traçabilité, le prochain paragraphe
est l’occasion de s’intéresser à ses apports.

1.5. LES APPORTS DE LA TRAÇABILITE


La traçabilité joue un rôle essentiel dans la réussite et la survie de toute entreprise et
essentiellement celle œuvrant dans l’agroalimentaire. Les apports qui y sont associés,
s’articulent essentiellement autour de quatre principaux axes : (1) maîtriser la sécurité,
l’origine et l’intégrité du produit (2) renforcer l’avantage concurrentiel de l’entreprise, (3)
favoriser un contrôle et une évaluation permanents et (4) redéfinir les relations entre les
différents acteurs concernés par la traçabilité.

27
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

1.5.1. LA MAITRISE DE LA SECURITE, L’ORIGINE ET L’INTEGRITE DU


PRODUIT
Dans le contexte actuel caractérisé par l’avènement des crises alimentaires et d’insécurité, la
mise en place des procédures assurant la qualité des produits offerts est devenue une nécessité
et une obligation réglementaire qui incombe aussi bien aux industriels, distributeurs et
prestataires logistiques dans l’agroalimentaire.

La traçabilité est ainsi considérée comme un des piliers du management de la qualité défini
comme l’ensemble « d’activités coordonnées permettant d’orienter et de contrôler un
organisme en matière de qualité » (AFNOR, 2006). La traçabilité concerne en effet, la partie
du management de la qualité axée sur la satisfaction des exigences pour la qualité ou ce qu’on
appelle communément « la maîtrise de la qualité » (AFNOR, 2006).

Lehu (2000, p.19) insiste sur « l’intérêt d’un couplage rigoureux et systématique » entre la
traçabilité et le TQM (Total Quality Management ou gestion de la qualité totale) et ce, « tout
au long de la chaîne d’approvisionnement, de production et de distribution ». Pour Wanscoor
(2008, p.54) la traçabilité constitue « le prolongement naturel, voire l’aboutissement
logique » de la qualité totale. Le TQM se définissant suivant trois composantes : le zéro
défaut, le souci du client et l’action conjointe de tous les acteurs, il constitue de fait « un
terreau fertile à la mise en œuvre d’une démarche de traçabilité » (Wanscoor, 2008, p.54).
Cependant, la traçabilité ne se substitue pas aux outils de la qualité comme l’HACCP (Hazard
Analysis Critical Control Points ou Analyse des dangers et maîtrise des points critiques) par
exemple (Cf. encadré n°2). Selon Canon (2006, p.1), la traçabilité et la HACCP présentent
« des complémentarités évidentes dans la gestion de la sécurité alimentaire ».

Encadré n°2 : L’HACCP


L’HACCP est une méthode qui permet d’une part, d’identifier et d’analyser les dangers
associés aux différents stades du processus de production d’une denrée alimentaire. D’autre
part, elle permet de définir les moyens qui sont nécessaires afin de maîtriser ces risques et
dangers. Par ailleurs, l’HACCP doit s’assurer de l’efficacité des moyens mis en œuvre dans ce
sens (Canon, 2006 ; Lasaygues, 2007 ; Vanasse et Mercier, 2007).

L’HACCP est né aux Etats-Unis à la fin des années 1960 dans le cadre d’un projet entre la
société « Pillsbury Corporation », les laboratoires de l’armée américaine « US Army Natick
Laboratories » et la NASA. Le but de ce projet était de garantir la salubrité des aliments pour
les cosmonautes.

L’HACCP a connu un développement depuis 1985 avec la mondialisation et l’intensification


des échanges de matière première et de produit fini. Aujourd’hui, il est reconnu par tous les
28
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

acteurs de l’agroalimentaire comme visant « la prévention, l’élimination ou la réduction, à un


niveau acceptable, de tout danger biologique, chimique et physique » (Wanscoor, 2008, p.55).
Conformément aux indications du Codex Alimentarius, ce système est « décrit » en 7
principes et 12 étapes (Cf. annexes n°1et 2).

Au sens de Canon (2006, p.9), plusieurs points sur les complémentarités de l’HACCP et de la
traçabilité apparaissent :
(a) L’HACCP et la traçabilité doivent être considérés comme assurant le contrôle et la
garantie des denrées alimentaires mises sur le marché : « ils participent tous les deux
au projet global et transversal de l’entreprise concernant l’amélioration continue de
la qualité et de la gestion de la sécurité des aliments » ;
(b) Les informations fournies par l’un sont utilisées par l’autre : « Le plan d’autocontrôle
HACCP fournira la grande majorité des caractéristiques à tracer pour pouvoir
assurer la sécurité alimentaire » ;
(c) Tous les deux permettent une meilleure gestion interne de l’entreprise : « ils
structurent et améliorent l’organisation de l’entreprise de façon transversale ».

Dans ce contexte de la qualité totale, la maîtrise de la sécurité est devenue une nécessité pour
tous les produits et non seulement ceux qui sont issus de l’agroalimentaire. La sécurité se
définie comme le fait « d’assurer la conformité du produit par rapport à des règles ou contraintes » (Wanscoor, 2008, p.6).
Cette maîtrise passe par celle de l’origine et de l’intégrité des produits. L’intégrité des
produits peut concerner, par exemple, « une rupture de la chaîne de froid ; des conditions de
stockage non conformes (fuites d’eau, poussières excessives…) » (Gonzalez, 2008, p.7) et
peut causer des problèmes pour les consommateurs et l’image de l’entreprise. La sécurité
concerne donc tous les articles écoulés sur les marchés, ceux produits par les entreprises
locales mais également ceux importés. A ce titre, la sécurité des produits importés est un
enjeu majeur qui a été renforcée notamment suite aux attentats du 11 septembre 2001 aux
USA. Ainsi, comme le précise Gonzalez (2008, p.7) : « une administration a été spécialement
créée aux Etats-Unis, la Transportation Security Administration (TSA)…Cette administration
subventionne plusieurs projets concernant la sécurité des containers de fret entrant aux
USA…Ces projets vont définir des nouvelles règles en matière de sécurité dans le transport
des containers ».

Un autre problème auquel la traçabilité essaie d’apporter une solution est celui de
l’authenticité des produits. En effet, avec la « très forte augmentation des activités issues de
la contrefaçon, des marchés parallèles, du piratage et autres pratiques illégales » (Peurière et

29
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

al., 2007, p.1), il est nécessaire pour toute entreprise de chercher à protéger ses marques, ses
réseaux, son savoir-faire et la sécurité de ses échanges. La contrefaçon concerne tant les
produits de luxe, les médicaments que les produits agroalimentaires. La contrefaçon est
d’autant plus importante dans les pays qui ne respectent pas la propriété intellectuelle et
industrielle (Pellaton et Viruega, 2007 ; Gonzalez, 2008). En ce sens, en garantissant l’origine
et en apportant la preuve de la qualité et de l’authenticité des produits offerts, la traçabilité est
considérée comme un élément essentiel de la crédibilité de l’organisation.

1.5.2. LE RENFORCEMENT DE L’AVANTAGE CONCURRENTIEL


Dans un deuxième temps, la traçabilité doit être considérée comme un véritable « vecteur de
développement stratégique » (Fabbe-Costes, 2006, p.9). En effet, elle assure le renforcement
de l’avantage concurrentiel de l’entreprise et ce à travers, d’une part, la fidélisation des clients
et la confiance des consommateurs, et d’autre part, la maîtrise des coûts.
Ø La fidélisation des clients et la confiance des consommateurs
En assurant la sécurité sanitaire des aliments et des produits offerts par l’entreprise, la
traçabilité génère la fidélisation des clients et la confiance des consommateurs (Fabbe-Costes
et Lemaire, 2001). Leur confiance se manifeste au regard de « preuves suffisantes d’absence
de danger, de causes potentielles de dommages » (Tufféry, 2005, p.145). Par ailleurs, la
stratégie de satisfaction et de « conquête » de la clientèle est renforcée à travers la
transparence et la mise à disposition d’informations de suivi des commandes. La fidélisation
et la confiance établies permettent à leur tour « un libre échange durable » (Hermitte, 2003,
p.28) constaté lors de la crise de la vache folle où la traçabilité a été un moyen de reprise du
commerce et des échanges entre les pays.
Ø La maîtrise des coûts
En assurant un suivi permanent des commandes, la traçabilité permet à l’entreprise de
maîtriser les coûts liés à la gestion des stocks et à un approvisionnement en « juste à temps »,
ce qui constitue un avantage concurrentiel indéniable. Il est vrai qu’en absence de traçabilité,
l’entreprise peut faire des économies à très court terme. Cependant, à moyen et long terme,
une « non traçabilité » peut :
· « se traduire par des coûts très élevés pour traiter les incidents,
· compromettre la viabilité globale de l’entreprise (image et marge),
· menacer les débouchés de l’entreprise (perte de compétitivité) » (Wanscoor, 2008,
p.11).

30
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

De fait, la traçabilité joue un rôle important dans l’amélioration de la compétitivité de


l’entreprise. Cette amélioration passe par la maîtrise des coûts grâce à une meilleure visibilité
de l’entreprise et de ses paramètres de production. Elle passe également par une
« amélioration de la qualité des produits (moins de rebuts, moins de reprises, moins de
retours) » (Peurière et al., 2007, p.1). Pellaton et Viruega (2007) insistent sur cet aspect en
considérant que les entreprises peuvent avoir deux attitudes face à la traçabilité :
· « une attitude réactive » où la traçabilité est considérée comme une contrainte,

· « une attitude proactive » où la traçabilité est perçue comme un atout permettant à


l’entreprise d’être plus compétitive.

A ce niveau, un constat s’impose : la traçabilité constitue un véritable argument de vente et de


marketing. Cependant, elle ne doit pas être considérée comme un outil de marketing. Tel que
mentionné dans le rapport du CNA (Conseil National de l’Alimentation) sur la traçabilité des
denrées alimentaires du 28 juin 2001, il convient de rappeler que « la traçabilité doit être
construite comme un outil de confiance pour le consommateur et non comme un instrument de
marketing ». Il est ainsi impératif de s’assurer de l’absence de « publicité mensongère »
relative à la démarche de traçabilité de l’entreprise.

En définitive, nous pouvons affirmer que par « une différentiation fondée sur la qualité, la
sécurité, la fiabilité et l’information » (Fabbe-Costes et Lemaire, 2001, p.28), une démarche
de traçabilité apporte un avantage concurrentiel pour l’entreprise.

1.5.3. LE CONTROLE ET L’EVALUATION PERMANENTS


Dans un troisième temps, la traçabilité fournit au responsable de l’entreprise une vision
globale et complète afin d’optimiser sa prise de décision. En effet, en favorisant l’accès à
l’ensemble des informations concernant l’acheminement du produit tout au long de la chaîne
logistique, en temps réel et de manière continue, la traçabilité constitue un facteur clé de
succès de ce qu’on appelle « un pilotage permanent » de l’entreprise (Romeyer, 2001). Grâce
à la traçabilité, les entreprises vont pouvoir disposer rapidement des informations pertinentes
sur les produits et affiner le degré de prévision et de planification. Tout ceci va « permettre
aux décideurs d’agir plutôt que de réagir à un événement, bref de piloter la chaîne globale
d’approvisionnement » (Gonzalez, 2008, p.9). La traçabilité permet de fait, d’aider
l’entreprise dans le pilotage de ces flux logistiques et dans une meilleure gestion de la chaîne
logistique (Viruega, 2006 ; Fernandes, 2007).

31
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

Les enjeux stratégiques de la traçabilité peuvent également se traduire au niveau de la gestion


des risques. L’importance d’un risque se mesure selon trois paramètres présentés par Doucet
(2006, p.4) :

Ø « La gravité de ses conséquences ;


Ø sa fréquence probable de survenue ;
Ø la possibilité de les détecter avant l’accident, et donc de prendre à temps les
mesures nécessaires pour l’éviter ».

Répondre rapidement à des demandes et faire face à des aléas devient donc inévitable avec un
environnement de plus en plus incertain. C’est à ce niveau que doit intervenir la traçabilité
dans la mesure où elle permet d’organiser la vigilance et de repérer l’apparition d’un danger
non encore survenu. De plus, en permettant la segmentation de la production en « lots », la
traçabilité limite les pertes encourues en cas d’un dysfonctionnement, grâce à « un retrait
ciblé » (CNA, 2001). Ce « retrait ciblé » consiste à retirer le lot présentant un problème sans
étendre cette opération à l’ensemble de la production. En effet, « la plupart des problèmes de
fabrication sont limités et n’apparaissent que sur un lot ; seul ce lot est retiré de la vente. En
raison de la précision qu’introduit la traçabilité, il devient possible de déterminer finement
quel est le maillon de la chaîne responsable du dommage, ce qui permet de sortir les autres
produits » (Hermitte, 2003, p.25). Rappelons, à ce titre, le cas de Perrier qui suite à un
incident technique sur un des sites de production et ne pouvant pas identifier les lots
concernés, a dû retirer la totalité des produits du marché américain (Green, 2001). Tracer
permet ainsi « de circonscrire un problème pour en réduire l’impact » (Wanscoor, 2008,
p.10).

Enfin, la traçabilité joue un rôle important dans l’établissement des liens de causalité, ce qui
permet de repérer la responsabilité de chaque acteur grâce notamment à l’ensemble des
informations fournies tout au long de la chaîne. On peut ainsi attribuer avec précision le
dommage subi à l’un des intervenants de la chaîne. En cas d’un problème, elle permet à
l’entreprise de prouver « sa bonne foi » et d’identifier rapidement les causes ou les
responsables à l’origine de ce problème.

1.5.4. LA REDEFINITION DES RELATIONS ENTRE ACTEURS


Dans un quatrième et dernier temps, et en matière de maîtrise et d’assurance qualité dans le
cas des relations entre acteurs (fournisseur-client ; industriel-distributeur...), l’enjeu majeur

32
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

réside dans l’établissement de « relations de confiance » pouvant tendre ensuite vers un


véritable partenariat et coopération5 (AFNOR, 2006). En effet, les relations entre les différents
partenaires doivent être « mutuellement bénéfiques » comme le précise le huitième principe
de management de la qualité énoncé par les normes ISO 9000 (AFNOR, 2006). La démarche
qualité doit s’appuyer ainsi sur la recherche de confiance réciproque afin de limiter les
comportements opportunistes et stimuler la coopération. C’est à ce niveau que peut intervenir
la traçabilité, telle « une réponse à l’asymétrie d’information qui existe entre consommateurs
et producteurs » (Hobbs, 2004 ; cité par Pellaton et Viruega, 2007, p.4). La traçabilité permet
d’établir la confiance6 entre les différents intervenants et notamment industriels et
distributeurs au niveau des industries agroalimentaires. En effet, la coordination7 et la
coopération entre les différents acteurs sont favorisées par la possibilité d’accéder aux
informations les plus transparentes et les plus complètes possibles mises à disposition par les
différents acteurs. Ces informations concernent chaque étape de transformation des produits et
permettent de suivre par la même et en temps réel leur acheminement. En permettant le
partage d’informations, la traçabilité se fonde ainsi sur la coopération entre les différents
acteurs de la chaîne logistique.

De fait, la traçabilité peut s’inscrire dans le cadre d’une collaboration coopérative « dans la
mesure où elle engendre un niveau de partage d’information élevé entre les partenaires de la
chaîne logistique, supposant une forte standardisation des concepts et des données »
(Fenandes, 2007, p.6). La traçabilité est représentée ainsi comme « un exemple frappant »
conduisant les prestataires logistiques à « investir pour pouvoir répondre aux demandes de
leurs clients, parfois elles-mêmes dictées par les clients des clients » (Fernandes, 2007, p.5).
A l’instar du projet national de traçabilité, regroupant l’ensemble des centrales d’achat du
groupe LECLERC, lancé depuis 2004 afin de répondre aux exigences du règlement
communautaire du 1er janvier 2005 ; cette démarche s’inscrit, selon les propos de Richard
(2004, p.9), le responsable du projet pour la centrale d’achat du Sud, « en parfaite
coopération et confiance entre le fournisseur et le distributeur dans une volonté de tracer plus
finement, les différentes marchandises, fiabiliser et optimiser les processus de réception afin
de minimiser les erreurs et les litiges au niveau de la réception des marchandises ».

5 La notion de coopération a été définie par Morgan et Hunt (1994, p 26) comme « situations in which parties work together to achieve mutual goals »
. . Soit, les
situations où les parties travaillent ensemble afin d’atteindre un objectif commun..
6
Au sens de Soparnot (2009, p.159), la confiance « consiste à agir avec autrui, engager des ressources (donc
prendre des risques) et se fier à lui en vue d’atteindre un but défini ».
7
Coordination : « Le ou les modes de collaboration institués entre les unités » (Garette et al., 2009, p.41).
33
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

En résumé, la traçabilité favorise l’ouverture de l’entreprise tant dans ses relations avec ses
fournisseurs qu’avec ses clients et assure la diminution des litiges entre les différents
partenaires ce qui permet de renforcer la confiance mutuelle et de développer la coopération.
En d’autres termes, la traçabilité présente un quadruple enjeu : pour le consommateur,
assurer la sécurité alimentaire et sanitaire ; pour l’exploitant, prouver une maîtrise de la
qualité des produits offerts et améliorer l’image de marque de l’entreprise ; pour l’Etat,
« garantir la sécurité des consommateurs et la régularité des transactions » et pour la justice,
déterminer la responsabilité de chaque acteur (Bayre, 2005, p.2).

En définitive, la traçabilité concerne toutes les compétences et tous les services de l’entreprise
(marketing, commercial, production, financier, juridique, qualité et logistique). La traçabilité
est de fait, une démarche transversale à la chaîne logistique et doit se situer au niveau d’une
fonction de Direction (Faraggi, 2006 ; Fernandes, 2007 ; Pellaton et Viruega, 2007).

Le cadre ainsi posé de l’importance d’une traçabilité au sein des économies actuelles, la
question de sa mise en œuvre reste une problématique centrale à laquelle chaque firme doit
trouver réponse.

1.6. LA MISE EN ŒUVRE D’UNE TRAÇABILITE


La réglementation en vigueur n’a pas précisé la méthodologie à suivre lors de la mise en place
de la traçabilité. Certains professionnels et organismes spécialisés dans le domaine ont essayé
d’apporter une réponse à ce problème dans le but de fournir aux entreprises les étapes à suivre
et les « best practices » en matière de traçabilité. Quoiqu’il en soit, la mise en œuvre d’une
traçabilité globale (ascendante/descendante ou amont/interne/aval) s’articule autour de sept
étapes essentielles (Ta, 2002 ; 2004) : (1) la définition du contexte du projet, (2) la mise en
place de la structure de travail, (3) la détermination des besoins, (4) l’évaluation de l’existant,
(5) la proposition des solutions, (6) la mise en œuvre et (7) le suivi et l’évaluation. Chacune
de ces étapes est précisée ci-dessous :
(1) Définition du contexte du projet
Toute entreprise désireuse de mettre en place une démarche de traçabilité doit avant toute
chose se poser des questions relatives à la faisabilité technique et économique du projet, à
l’évaluation des risques, à la réglementation en vigueur, etc.

34
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

(2) Mise en place de la structure de travail


Tout projet de traçabilité doit être présidé par un « comité de pilotage » composé de divers
services ou départements tels que les services achat, logistique, production, etc. On peut
former dans certains cas des groupes de travail spécifiques pour les trois types de traçabilité
précités : amont/interne/aval.
(3) Détermination des besoins
Il s’agit de définir à ce niveau les objectifs poursuivis par l’entreprise à travers la mise en
place d’une traçabilité. L’entreprise doit également préciser les éléments à tracer (matières
premières, produits en cours de fabrication, produits finis). Sur ce point, Doucet (2006)
remarque que l’étape d’identification des besoins est essentielle à toute démarche de
traçabilité puisqu’elle permet à l’entreprise d’éviter de collecter des informations inutiles au
détriment des informations qui seraient en revanche primordiales.
(4) Evaluation de l’existant
Un état des lieux de la stratégie existante au niveau de l’entreprise et en matière de traçabilité
doit être établi. A l’issue de cette enquête aura lieu un audit exhaustif concernant les trois
domaines constituant la traçabilité totale à savoir la traçabilité amont, interne et aval. Cet
audit permettra d’identifier les points à améliorer en la matière.
(5) Proposition des solutions
Des actions correctives feront suite à l’audit de traçabilité tant en interne qu’en externe et ce,
afin d’obtenir des résultats acceptables avant de valider la traçabilité mise en place. Elles
peuvent concerner le besoin en personnel, l’investissement en matériel, le renforcement des
actions vis à vis des fournisseurs, etc. (Guyonnet, 2005).
(6) Mise en œuvre
Une fois les objectifs définis et les moyens disponibles, l’étape suivante sera la mise en œuvre
effective du projet.
(7) Suivi et évaluation
Toute entreprise doit effectuer un contrôle périodique et permanent de la traçabilité mise en
place et ce, afin de s’assurer de son efficacité. Il portera notamment sur le suivi fonctionnel et
le respect des objectifs préfixés.

Cette méthodologie relativement classique à toute mise en place d’un nouveau projet
d’envergure tel que peut être perçue la traçabilité nécessite, selon nous, d’être approfondie
(Karâa et Morana, 2008). Ainsi, il nous semble plus approprié de regrouper les cinq premières
étapes énoncées précédemment en un seul stade qui traitera de l’analyse des besoins

35
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

essentielle à l’aboutissement de tout projet ou démarche de traçabilité. En effet, il est crucial


pour l’entreprise de procéder à un diagnostic préalable des ressources et compétences clés
nécessaires à la réalisation et à la réussite de la traçabilité dans le cadre spécifique des
industries agroalimentaires. De plus, il convient de mieux valoriser les contraintes et
exigences de mise en place d’une démarche de traçabilité pour les entreprises. Dans cette
réflexion, la sixième étape (la mise en œuvre) peut être subdivisée en tenant compte des
quatre principes de base d’une mise en place d’une traçabilité telle qu’entérinée par GS1
France (2005), à savoir l’identification des produits, la gestion des liens (ou interfaces) entre
les lots de fabrication et les unités d’expédition, l’enregistrement des données et la
communication (Cf. figure n°4).

Figure n°4 : Principes de base de la traçabilité totale

Source : GS1 France, 2005.

De manière plus précise, les quatre principes de base de GS1 France (2005) s’apprécient tels
que suivent :

Ø Identifier les produits


« Les exploitants du secteur alimentaire et du secteur de l’alimentation animale doivent être
en mesure d’identifier toute personne leur ayant fourni une denrée alimentaire, un aliment
pour animaux, un animal producteur de denrées alimentaires ou toute substance destinée à
36
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

être incorporée ou susceptible d’être incorporée dans des denrées alimentaires ou dans des
aliments pour animaux » (Article 18 du règlement (CE) N°178/2002 du parlement européen
et du conseil).

La réglementation européenne en vigueur en matière de traçabilité exige à tous les acteurs de


la chaîne alimentaire, d’identifier au moins leurs fournisseurs directs et leurs clients directs.
Néanmoins, la réglementation n’a pas fixé le mode d’identification, ce choix est laissé à la
volonté de l’entreprise. Cette dernière peut choisir de reprendre telle quelle la codification du
fournisseur pour l’identification (et la codification) de produits, lots de production et unités
logistiques. Cependant, dans la pratique, il est recommandé d’utiliser les standards qui
permettent une identification unique et mondiale des unités commerciales, des unités
logistiques, des lieux, des lots de production et des numéros de série8.

Quelque soit le mode utilisé, l’identification des produits concerne la totalité du cycle de
transformation des matières premières jusqu’à leur commercialisation avec comme objectif de
suivre ces produits tout au long de la chaîne logistique. A ce niveau, les entités tracées
peuvent représenter des lots de fabrications, des lots internes ou d’expédition. Ces entités ont
subi une même transformation et donc les mêmes informations à tracer.

Ø Gérer les liens


Ce principe fait référence à la gestion des interfaces et des liens entre les lots de fabrication et
les unités d’expédition et entre les unités d’expédition entre elles. La gestion et
l’enregistrement de ces liens permettent d’effectuer au sein de l’entreprise les rapprochements
entre ce qui a été reçu et ce qui a été produit et/ou expédié. On peut parler de « rupture ou
perte de traçabilité » si les acteurs de la chaîne ne respectent pas ce principe.

Ø Enregistrer les données


Il consiste en la gestion, le stockage et l’exploitation de données pouvant être reliées aux
identifiants des lots ou regroupements de produits. L’enregistrement des données incombe à
chaque maillon de la chaîne d’entreprise tel que présenté (de manière schématique) dans le
« Best practices en matière de traçabilité » de 2005.

8
Exemples de standards GS1 que nous allons étudier dans la deuxième partie du chapitre : GTIN (Global Trade
Item Number) pour l’identification des unités commerciales ; SSCC (Serial Shipping Container Code) pour
l’identification des unités logistiques ; GLN (Global Location Number) pour l’identification d’un lieu, d’une
adresse.
37
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

Figure n°5 : Schématisation d’une chaîne d’entreprise9

Réception Production Emballage Stockage Order Transport


Marchandise Etiquetage Picking

Source : GS1 Belgium & Luxembourg, 2005.

Selon ce guide, deux types d’information sont à enregistrer :


ü Le niveau de Base (B), à savoir le minimum exigé par la réglementation en vigueur ;
ü Le niveau Supérieur (S), c’est-à-dire un ensemble de recommandations de niveau
supérieur qui permettront d’avoir une traçabilité plus rapide et plus efficace mais dont
l’application dépendra des objectifs et de la volonté de l’entreprise10.

Ø Communiquer
Il s’agit de communiquer au partenaire dans la chaîne de production, les informations
relatives à l’ensemble des identifiants des lots ou regroupements de produits tracés assurant
par là, la fluidité et la continuité du flux d’information.

A cet égard, la figure n°6 conjugue ces différents éléments.

9
Order picking : préparation des commandes.
10
Le tableau en annexe n°3 présente quelques exemples de ces deux types d’informations à enregistrer à chacune
des étapes présentées dans le guide de bonnes pratiques ou « Best Practices » de GS1Belgium&Luxembourg de
2005.
38
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

Figure n°6 : La mise en œuvre d’une démarche de traçabilité

Définition du contexte du
projet

Mise en place de la structure


de travail

Détermination des besoins


Analyse des besoins

Evaluation de l’existant

Mise en place de la
traçabilité :
Proposition des solutions (Selon GS1 France, 2005)

- Identification des produits


- Gestion des liens
Mise en œuvre - Enregistrement des données
- Communication

Suivi et évaluation

Suivi et évaluation

Modèle de Chi Dung Ta (2002, 2004) Elaboration personnelle

En bref, la mise en œuvre de la traçabilité passe par trois étapes essentielles, à savoir :

Ø L’analyse des besoins qui regroupe les cinq premières étapes du modèle de Ta
(2002), constituants préalables de toute mise en œuvre de nouveau projet. Cette étude
préliminaire permet d’élaborer un cahier des charges, définir un plan d’action et de
nommer les différents responsables pour les différentes phases de mise en place de la
démarche traçabilité (Guyonnet, 2005) ;

39
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

Ø La mise en place de la traçabilité telle que définie par GS1 France (2005). A noter à
ce stade, l’importance de la communication faite par le Direction Générale (Viruega,
2005) pour une implication du personnel à tous les niveaux ;
Ø Le suivi et l’évaluation qui entérine la pérennité de la démarche.

Outre cet aspect organisationnel de la mise en place de la traçabilité, la revue de littérature en


lien avec la traçabilité souligne le rôle crucial des Technologies de l’Information et de la
Communication (TIC), il convient donc de compléter cet ensemble de recommandations en
insérant/étudiant la dimension technique qui constitue un des piliers de la démarche. Il est vrai
qu’il est possible d’avoir ce qu’on appelle « une traçabilité papier », néanmoins, le
foisonnement d’outils technologiques de plus en plus performant permet une traçabilité de
plus en plus globale ou complète. Cette liaison entre traçabilité et TIC est soulignée par
Pellaton et Viruega (2007, p4) : « Le pôle traçabilité parle même de traçabilitique (ou
traçabilitic) pour montrer ce lien étroit entre traçabilité et technologies de l’information et de
la communication ».

2. L’IMPORTANCE DES TECHNOLOGIES DE


L’INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION DANS
LA PRATIQUE DE LA TRAÇABILITE
L’information est « plus que jamais la ressource des ressources, celle dont dépendent toutes
les autres ressources » (Elmajara, 1984, p.54, cité par Ben Ammar-Mamlouk et al., 2007). Il
est nécessaire pour toute entreprise de disposer d’outils efficaces permettant d’identifier cette
ressource stratégique, l’évaluer et l’utiliser. Aujourd’hui, les outils existent. Il s’agit des
Technologies de l’Information et de la Communication ou TIC. Certains auteurs leur donnent
le nom de NTIC où le « N » pour « Nouvelles » traduit le caractère novateur des technologies
(Ben Fadhel, 2004). Dans le cadre de notre recherche, nous avons choisi d’omettre le « N »
car nous considérons que les technologies étudiées se sont développées et sont utilisées depuis
plusieurs années.

Les TIC sont des outils reconnus et permettent aux entreprises de répondre aux différents
défis imposés par le contexte dans lequel elles vivent, contexte caractérisé par la
mondialisation de l’économie. Face à un environnement turbulent et une internationalisation
des échanges commerciaux, l’utilisation efficace de ces outils par les entreprises est

40
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

essentielle pour la compétitivité de celles-ci (Aguemon, 2004 ; Ben Fadhel, 2004). Une étude
menée auprès de 409 entreprises appartenant à quatre pays du Sud méditerranéen s’inscrit
bien dans ce cadre. En effet, ces chercheurs supposent que les TIC aident les entreprises du
Sud méditerranéen à « réussir leur processus de mutation ». Ce processus est engendré par la
mise en place progressive d’une zone de libre échange euro-méditerranéenne. Cette mutation
se rapporte à un triple choc à gérer : l’institutionnel/environnemental, le technologique et les
aspects de gouvernance (Bellon et al., 2006, p.174). Les TIC occupent donc une place de plus
en plus importante dans les recherches en Sciences de Gestion (Abecassis-Moedas et
Benghozi, 2007 ; Ben Ammar-Mamlouk et al. 2007). Il en est de même pour la démarche
traçabilité.

Pour Lecomte et al. (2006), la traçabilité a pour objectif de limiter la discontinuité de


l’information tout au long de la chaîne logistique. Très rapidement, la littérature sur la
traçabilité souligne que les Technologies d’Information et de la Communication jouent un
rôle central (Wilson et Clarke, 1998 ; Lindkvist et al., 2002 ; Jansen-Vullers et al., 2003 ;
Hobbs, 2004 ; Aizenbud-Reshef et al., 2006, Pellaton et Viruega, 2007 ; Tang et al., 2007 ;
Bechini et al., 2008). Wilson et Clarke (1998) s’interrogent sur un mécanisme de logiciel de
traçabilité. Pour Lindkvist et al. (2002), il convient de réfléchir à la codification des produits.
Jansen-Vullers et al. (2003), quant à eux, proposent des modèles par graphes ou encore Hobbs
(2004) remarque l’importance à traiter les problèmes de transmission d’informations induite
par les échanges entre acteurs d’une chaîne d’approvisionnement.

En résumé, Pellaton et Viruega (2007) signalent que la traçabilité passe par quatre niveaux
d’outils informatiques : un premier niveau qui supporte l’information (codes barres, étiquettes
RFID), un deuxième niveau qui capture l’information (lecteurs, terminaux) et un troisième
niveau qui stocke et permet la recherche d’information (progiciels). A cette vision perçue
quelque peu trop intra-organisationnelle, ils intègrent un autre niveau -reflet de l’aspect inter-
organisationnel attendu par la traçabilité- dont le rôle est le partage de l’information via
l’EDI. En tant que telle, la traçabilité utilise donc tout un panel d’outils technologiques. Le
choix de ces technologies se fait en fonction des besoins de l’entreprise, des enjeux et des
objectifs visés par l’utilisation de ces outils (Peurière et al., 2007).

Dans ce qui suit, nous présentons les TIC les plus utilisées dans une démarche de traçabilité.
A l’inverse de Pellaton et Viruega (2007), nous considérons que les outils de capture de
l’information correspondent à des outils complémentaires aux codes à barres/RFID et doivent
41
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

être intégrés au niveau des outils de support et d’identification de l’information. De fait, nous
considérons que les TIC d’une démarche de traçabilité appartiennent à trois catégories : celles
qui supportent l’information permettant l’identification des produits (codes-barres, RFID y
compris lecteurs et terminaux), celles qui enregistrent les données (progiciels) et celles qui
permettent son partage (EDI).

2.1. LES OUTILS DE SUPPORT ET D’IDENTIFICATION DE


L’INFORMATION
L’une des principales fonctions sur laquelle s’appuie la traçabilité est celle de l’identification.
Cette dernière permet « de différencier un objet, une personne ou un groupe parmi d’autres et
de le reconnaître dans un ensemble…L’identification doit être unique pour ce groupe, cette
personne ou cet objet » (Peurière et al., 2007, p.2). Nous présentons les deux outils
technologiques qui, à ce jour, supportent cette fonction d’identification. Il s’agit du code à
barres et de la RFID.

2.1.1. LE CODE A BARRES


Le code à barres également appelé « code barres » est aujourd’hui la technologie la plus
répandue et la plus utilisée en matière de support et d’identification automatique de
l’information. En matière de traçabilité, c’est un outil qui trouve ses applications dans des
domaines très variés, allant de la gestion des prêts d’une bibliothèque au contrôle de la
production dans l’industrie. Or, cette technologie ne date pas d’hier.

2.1.1.1. 1952-2010 : Trente huit ans de codes


Historiquement, le code à barres fut inventé par deux ingénieurs américains : Norman J.
Woodland et Bernard Silver en 1952. Les annexes n°4 et 5 présentent le dessin technique de
cette invention et de son mécanisme de lecture. L’invention du code à barres et de son
mécanisme de lecture a été une réponse aux besoins du marché américain des années 1940
aux années 1950, à savoir la multiplication et le développement des grandes surfaces. Avec ce
développement, les flux de marchandises et d’articles sont devenus de plus en plus
importants. Le code à barres est alors conçu comme « une solution permettant d’enregistrer
automatiquement les articles aux sorties de caisses » (Georget, 2007, p.17).

La symbologie du code à barres a connu plusieurs transformations avant de retenir celle que
nous connaissons aujourd’hui. Mais, le principe est le même, « l’information est codée par
l’absence ou la présence d’un ou plusieurs traits » (Georget, 2007, p.24) et le système
42
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

s’appuie sur « un code binaire ». Comme le montre le dessin technique en annexe n°4,
Woodland et Silver le conçoivent comme des « barres en cercles concentriques » ; ceci afin
de dépasser le problème de lecture de barres parallèles. En effet, ils se seraient aperçus
« qu’un symbole composé de barres parallèles ne peut être scanné que s’il est correctement
orienté » (Georget, 2007, p.24).

En 1979, soit 25 ans après l’invention de Woodland et Silver, le « Symbology Selection


Subcommittee » choisi parmi sept propositions, une nouvelle symbologie du code à barres. Il
s’agit de la solution dénommée « IBM Committee Final Proposal » (Georget, 2007, p.70).
C’est cette symbologie qui est actuellement utilisée et qui repose sur des barres parallèles
foncées et claires comme le montre la figure n°7.

Figure n°7 : Représentation des symboles des sept candidats et de la solution retenue : la
« IBM Committee Final Proposal »

Source : Georget, 2007.

Prendre en compte uniquement ce symbole ne nous permet pas d’identifier un produit. En


effet, cette succession de barres foncés et claires se traduit par un ensemble de chiffres
présents en dessous du symbole. Et, c’est la codification de ces chiffres en données qui va
permettre d’identifier les articles. De fait, pour identifier les produits, il est besoin d’avoir une
codification standardisée et normalisée.

Il existe plusieurs outils standards pour la codification et l’identification des produits, quoique
le plus représentatif soit celui du GS1. Ainsi, l’exemple ici présenté est celui des standards

43
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

universels proposés par GS1 qui est l’organisme mondial de concertation entre partenaires
indépendants comme vu au début du présent chapitre. Ces standards sont les plus utilisés en
matière de codes à barres. Reposant sur des standards reconnus à l’échelle internationale, ces
outils de codification et d’identification sont particulièrement adaptés dans le cas d’échanges
entre entreprises dans les différentes régions du monde.

2.1.1.2. La codification suivant GS1


Le standard GS1 définit les règles à suivre afin de codifier et d’identifier les articles.
Toutefois, il faut savoir que la responsabilité de la codification des produits incombe au
propriétaire de la marque commerciale.

2.1.1.2.1. Les codes linéaires ou à une dimension


Le nom du standard de codification de GS1 est le GTIN pour Global Trade Item Number. Il
s’agit d’un code à 14 chiffres selon le format international. Néanmoins, il peut prendre
plusieurs formes et selon ces formes, on peut combler à gauche par des zéros pour respecter le
format à 14 dans le cadre des échanges d’informations entre les différentes entreprises. On
peut ainsi avoir des : GTIN-8, GTIN-13 et GTIN-14. Dans ce cadre, le GTIN-8 sert à
l’identification de l’unité consommateur ; le GTIN-13 peut être utilisé pour identifier l’unité
consommateur et l’unité logistique ; et enfin, le GTIN-14 sert à identifier uniquement l’unité
logistique.

Ø La codification de l’unité consommateur : le cas du GTIN-13


Le GTIN-13 permet de codifier tout objet physique stocké. La règle est la suivante : chaque
produit possède un seul et unique code. Et un code ne peut servir qu’à un seul et unique
produit. Selon GS1, il existe six attributs pour identifier un produit et si l’un des attributs
change, le code produit change aussi. Ces attributs sont : le type de conditionnement unitaire
utilisé, la nature du produit, la quantité contenue, la variété éventuelle, la composition et la
marque commerciale. Le GTIN-13 est composé tel que le présente la figure n°8.

44
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

Figure n°8 : Exemple d’une structure du code GTIN-13

Préfixe pays attribué par GS1


CNUF CIP ou code produit attribué par le fournisseur
Clé de contrôle

3 45312 000001 1

Préfixe entreprise

Source : GS1 France, 2008a.

Ø La première partie du code représente le préfixe entreprise. En France, le préfixe


entreprise est composé du préfixe pays (3 pour la France, 619 pour la Tunisie11) et du
CNUF ou Code National Unifié Fournisseur. Ce CNUF varie en fonction du nombre
de références de l’entreprise. Il est attribué par l’autorité nationale de codification.

Ø La deuxième partie du code correspond au « CIP » pour Code Interface Produit ou


code produit attribué par le fournisseur et qui tient compte des changements
d’attributs. Il n’est pas recommandé d’utiliser une codification significative au niveau
du CIP (par exemple : 1=code matière cuir, 2=code couleur bleu). Selon GS1, ceci
n’optimise pas le CIP et peut engendrer un doublon surtout pour les entreprises à
plusieurs références. Il est donc recommandé d’utiliser une codification séquentielle
où on incrémente le CIP à chaque nouvelle référence.

Ø La clé de contrôle ou « code contrôle » : c’est le dernier caractère qui détermine la


validité du code. Il s’agit d’une sécurité lors du passage en caisse qui se calcule en
fonction des 12 chiffres qui le précédent grâce à un algorithme normalisé. La figure
n°9 présente la méthode « manuelle » à suivre pour calculer cette clé.

11
Il s’agit d’un exemple de codes de pays de la normalisation « European Article Number » (EAN),
normalisation qui garantit la reconnaissance de ces codes barres dans les pays de l’Union Européenne.
45
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

Figure n°9 : Calcul de la clé de contrôle

13Chiffres

3 CNUF + CIP C

Code (exemple) 3 4 5 3 1 2 0 2 3 6 4 ?
5

1. Attribuer le rang : de 1 à 13 et de droite à gauche 13 12 11 10 9 8 7 6 5 4 3 2 1

2. Additionner les chiffres du code de rang pair : 4 + 3 + 2 + 2 + 6 + 5 = 22

3. Multiplier le résultat par 3 : 22 x 3 = 66

4. Additionner les chiffres du code de rang impair : 3 + 5 + 1 + 0 + 3 + 4 = 16

5. Additionner le résultat des étapes 3 et 4 66 + 16 = 82

6. Soustraire le résultat de l’étape 5 du multiple de 10 supérieur 90 – 82 = 8

Code complet 3 4 5 3 1 2 0 2 3 6 4 5 8

Source : GS1 France, 2006.

Ce schéma présente la méthode à suivre dans le calcul de cette clé de contrôle. Dans la réalité,
il existe un logiciel qui permet de calculer la clé de contrôle en mode automatique.

Il convient de noter qu’il existe également des variantes dans les règles de codification des
produits énoncés par GS1, à savoir : les évolutions du produit, les articles à poids variables et
les cas particuliers.

Ø La codification de l’unité logistique


Concernant la codification et l’identification de l’unité logistique on peut utiliser, comme
nous l’avons déjà étudié, le GTIN-13 ou le GTIN-14.
Dans le cas du GTIN-13, on établit un nouveau GTIN-13 différent de celui de l’unité
consommateur. Ce nouveau code sera composé de 13 chiffres auxquels on ajoute -au début du
code- un indicateur logistique (0) quelque soit l’unité logistique (par exemple : une unité
consommateur (UC), un carton de 20 UC ou une palette de 40 cartons). Cette solution est
nécessaire si on doit lire l’unité logistique (UL) au point de vente. Cependant, avec cette
solution, le code de l’UL n’a aucun lien avec le code de l’UC (Unité Consommateur). Ce
premier type de codification de l’unité logistique est illustré par la figure n°10.

46
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

Figure n°10 : Codification unité logistique : solution GTIN-13

Préfixe pays attribué par GS1


CNUF CPI
Clé de contrôle

Indicateur logistique 0

Nouveau GTIN-13 différent de celui de l’unité consommateur

Source : GS1 France, 2008a.

Si l’entreprise choisit le GTIN-14 pour identifier ses unités logistiques, elle doit reprendre le
code GTIN-13 de l’unité consommateur sans la clé de contrôle auquel elle rajoute un
indicateur logistique compris entre 1 et 8 (exemple : 1 pour un carton de 20 UC et 2 pour une
palette de 40 cartons). La figure n°11 présente la codification de l’unité logistique avec le
GTIN-14.

Figure n°11 : Codification unité logistique : solution GTIN-14

Préfixe pays CNUF CPI ou code


Nouvelle clé de contrôle

3 45312 000001

Indicateur logistique
compris entre 0 et 8.
Reprise du code GTIN-13 de l’unité consommateur
sans la clef de contrôle
Source : GS1 France, 2008a.

Cette solution semble être plus simple, car elle intègre un lien avec celui de l’UC. Cependant,
elle est limitée à 8 niveaux de regroupement. En définitive, le choix du type de codification de
l’UL revient au créateur de cette unité logistique.

47
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

Il existe un autre standard destiné à marquer les unités logistiques expédiées, qui est le plus
utilisé sur le marché. Il s’agit du GS1 128, anciennement connu sous le nom de EAN 128
(Wanscoor, 2008).

Le GS1 128 peut contenir deux éléments :


Ø L’Application Identifier (AI) ou identifiant de données. Il s’agit d’un identifiant de 2 à
3 chiffres qui précise le format et la nature de la donnée qui suit. Par exemple, le
chiffre (10) signifie que les caractères qui suivent correspondent au numéro de lot.

Ø Le deuxième élément correspond à des données proprement dites, « de types


alphabétiques, numériques ou alphanumériques, de longueur fixe ou variable » (GS1
France, 2008a).

Ainsi, à la différence du GTIN, le GS1 128 permet d’avoir des informations supplémentaires
telles que le numéro de lot, la date de fabrication, le numéro de palette, le poids, les
dimensions, etc. Autant d’informations indispensables à toute démarche de traçabilité.

En résumé, il existe plusieurs niveaux d’identification concernant le produit, à savoir :

Ø l’identification des lieux grâce au « Global Location Number » ou GLN ;


Ø l’identification du numéro de lot de fabrication ;
Ø l’identification du numéro d’expédition ;
Ø l’identification du numéro de colis par ce qu’on appelle le SSCC « Serial Shipping
Container Code » ;
Ø l’identification de la référence produit grâce au « Global Trade Item Number ».

En prenant le cas de l’identification du lieu, nous pouvons constater l’importance du « Global


Location Number ». En effet, il représente un identifiant international unique indispensable
pour automatiser la reconstitution de la vie d’un produit. Il fournit aussi le fil conducteur
permettant de retracer son acheminement et tous les participants en termes de production ou
de distribution.

En bref, plusieurs catégories de codes à barres permettent d’identifier les produits sous toutes
leurs formes (unité consommateur, unité logistique). Cependant, afin de disposer des
informations contenues dans ces codes, il faut les lire grâce à d’autres outils technologiques.
Ainsi, la lecture du code est assurée par une panoplie de lecteurs présents sur le marché. Ce

48
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

faisant, le lecteur le plus classique est le lecteur optique qui repose sur un faisceau lumineux
de faible intensité envoyé sur le code. Ce lecteur permet de récupérer les informations
inscrites sur le code et ce, en analysant la lumière réfléchie. La lecture optique est une
technologie qui impose une « ligne de visée » (Gonzalez, 2008, p.10) qui permet de lire les
différents codes à barre. Toutefois, il ne peut être lu qu’un code à la fois, ce qui peut être
considéré comme une des limites de cette technologie.

2.1.1.2.2. Le code matriciel ou à deux dimensions


Nous avons présenté les codes à barres dits linéaires, ou à une dimension, et qui sont les plus
utilisés. Cependant, il existe d’autres types de codes à barres qui se développent de plus en
plus. Il s’agit du code matriciel 2D. C’est un code bidimensionnel. La figure n°12, représente
le Datamatrix, l’un des principaux codes matriciels 2D et développé par GS1.

Figure n° 12: Exemple d’un code à barres bidimensionnel : Le Datamatrix

Source : Peurière et al., 2007.

Le Datamatrix est utilisé dans différents secteurs tels que l’horticulture et la construction
automobile. Il s’agit d’une solution d’identification simple et de faible coût (équivalent à celui
du code à barre 1D). De plus, avec ce type de code, il est possible de disposer d’une quantité
d’information importantes puisqu’il est « très compact [et] peut mémoriser jusqu’à 2335
caractères alphabétiques ou 316 caractères numériques », (Peurière et al., 2007, p.7). Ainsi,
le nombre d’informations encodées par le Datamatrix est de 25 à 100 fois plus important que
celui du code à barres à une dimension.

En définitive, la large diffusion du code à barres dans le secteur de l’industrie et du service


s’explique par son coût faible (quelques centimes d’euro, voire quelques dizaines de centimes
dans certains cas) et sa facilité d’utilisation. En revanche, cette technique présente certaines
limites qui concernent notamment sa capacité de mémorisation, d’où la nécessité de recourir à
une nouvelle technologie pouvant dépasser ces insuffisances : la « RFID ».

49
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

2.1.2. L’IDENTIFICATION PAR RADIO-FREQUENCE OU RFID


La RFID, ou « Radio-Frequency IDentification », considérée comme faisant partie des
technologies de l’information, ne constitue pas en réalité une nouveauté puisque sa première
utilisation remonte à la fin des années 1940. En effet, cet outil a été utilisé pour la première
fois, en 1948, par la Royale Air Force dans le cadre du système IFF (Identify Friend or Foe
soit identifier ami ou ennemi) pour identifier les avions ennemis.

Son essor sur le plan industriel date des années 1970-80 où certains Etats l’ont utilisé en
matière de sécurité de sites sensibles tels que les stations nucléaires. Pendant les années 1990,
la technologie a été transférée vers d’autres secteurs grâce aux progrès techniques dans divers
domaines tels que l’informatique et la microélectronique. De nos jours, l’utilisation de la
RFID s’est largement développée, diffusée et standardisée. Elle est utilisée pour de
nombreuses applications allant du tri postal, la lutte contre le vol des automobiles, le suivi des
références bibliographiques ou de tout produit tout au long de la chaîne logistique. Il existe
également des expérimentations innovantes de la RFID notamment avec l’entreprise Sony qui
a créée, en association avec la société NTT DOCOMO, une puce RFID « qui permet aux
téléphones portables d’échanger des informations avec des bornes fixes » (Arnaud, 2009,
p.110). Ainsi, à partir du téléphone on peut ouvrir la porte de son appartement ou acheter une
canette de boisson gazeuse du distributeur. La RFID est utilisée également dans le passe
Navigo de la RATP ou le passeport biométrique. Il s’agit donc d’une technologie permettant
d’identifier à distance des objets mais également des personnes.

Mais, surtout, la RFID est de plus en plus appréciée dans la gestion des chaînes
d’approvisionnement en remplacement des codes-barres. Cet engouement pour la RFID ne
risque pas de changer puisque le cabinet d’étude « ABI Research » prévoit une croissance de
15% par an entre 2008 et 2013 du marché de la RFID (Arnaud, 2009).

2.1.2.1. Les composantes techniques et le fonctionnement


Trois éléments constituent la RFID : le tag, le lecteur et le système d’information :
Ø le tag ou le support d’informations est composé d’une puce électronique et d’une
antenne. C’est au niveau de cette puce miniaturisée que sont stockées les informations.
L’antenne assure, quant à elle, la communication par ondes radio. La communication
entre le lecteur et le tag est régie par un protocole de communication intégré
caractérisé par plusieurs fréquences radios d’échange. Chacune de ces fréquences offre
des performances différentes en termes de capacité et de distance de lecteur (Lemoine,

50
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

2003 ; Hadida, 2006 ; Peurière et al., 2007). De fait, les entreprises qui échangent des
produits avec des partenaires étrangers doivent utiliser des étiquettes radiofréquence
qui peuvent lire plusieurs fréquences disponibles dans plusieurs régions du monde.

Un tag peut être conditionné sous plusieurs formes possibles telles qu’une étiquette
adhésive ou un jeton.

Ø le lecteur ou interrogateur assure la communication avec le tag. Il transmet un signal


suivant une certaine fréquence vers un certain nombre d’étiquettes radio ou tag. Il
permet ainsi de gérer la communication avec le tag (activation, lecture, écriture, etc.),
mais également le transport des données (vitesse, fréquence de transfert, etc.)
(Peurière et al., 2007).

Ø le système d’information gère « les fonctions et processus agissant ou utilisant les


données échangées avec l’étiquette » (Arnaud, 2009, p.109). Ainsi, les informations
transmises par le tag sont recueillies par le système d’information et enregistrées au
niveau des bases de données. En parallèle, l’ordinateur peut enregistrer des
informations au niveau de la puce via le lecteur qui joue dans ce cas le rôle d’un
émetteur.

Le fonctionnement et l’échange d’information dans un système RFID sont résumés et


représentés dans les figures n° 13 et 14.

Figure n° 13 : Composantes d’un système RFID

Source : Hadida, 2006.

51
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

Figure n°14 : Système RFID : fonctionnement et échange d’information

Source : Peurière et al., 2007.

2.1.2.2. Les typologies de la RFID : Tag Actif vs Tag Passif ; Read vs


Read/Write
La distinction entre les types de RFID présentes sur le marché se fait suivant deux critères :
l’alimentation du tag (l’étiquette dispose-t-elle d’une source d’énergie propre ?) et la mémoire
de la puce.

Ø L’alimentation du tag
Il faut distinguer à ce niveau entre les tags actifs et les tags passifs. Les étiquettes RFID
actives contiennent des piles leur permettant une autonomie d’énergie, et des distances de
lecture supérieures à celles des étiquettes passives. Ceci justifie un prix plus élevé qui prend
en compte également le prix de la pile contenue dans ces étiquettes.

Les tags passifs ne disposent pas d’une alimentation propre mais utilisent l’énergie du signal
radio envoyé par les lecteurs (émetteur/récepteur) et le champ électromagnétique qu’il crée
pour y répondre et échanger les données.

Ø La mémoire de la puce
Plus cette mémoire est importante, plus la quantité d’informations stockée est importante.
Cette mémoire peut concerner uniquement la lecture de la puce (Read) ou permettre la lecture
ainsi que l’écriture de la puce (Read-Write) assurant par là, la possibilité d’ajouter
ultérieurement des informations sur la puce. Le contenu peut ainsi s’enrichir dans le temps.

52
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

2.1.2.3. Les enjeux de la RFID


La technologie RFID permet une identification sûre, efficace et efficiente. Elle offre à
l’entreprise la possibilité d’enrichir son système d’information avec de nouvelles données et
de nouvelles fonctionnalités en temps « presque réel » (Caridi et al., 2004 ; Peurière et al.,
2007 ; Gonzalez, 2008).

Grâce à la RFID, les entreprises peuvent améliorer la gestion de la chaîne


d’approvisionnement. En effet, en assurant un suivi de chaque produit et une gestion des
inventaires plus rapide, la RFID va « permettre une réduction des coûts d’opération de la
chaîne globale d’approvisionnement » et de là, un gain de productivité (Gonzalez, 2008,
p.20).

Au niveau de la chaîne logistique, l’utilisation de la RFID se fait à deux niveaux :


Ø La puce RFID est placée au niveau du produit fini ou du package. Dans ce cas, ces
puces ne sont pas réutilisables et leur coût est intégré au coût final du produit.

Ø La puce RFID est placée au niveau des caisses et palettes réutilisables, ce qui permet
d’améliorer l’efficience du processus logistique. L’utilisation de la RFID dans les
palettes et containers va engendrer ou créer un nouveau business avec l’apparition
d’entreprises spécialisées dans la vente de containers ou palettes taguées, bien
évidement plus chères que celles traditionnelles (Caridi et al., 2004). Ceci va
permettre également d’assurer la qualité du transport avec la possibilité de certifier le
service logistique.

L’utilisation de la RFID joue un rôle important dans la réalisation des objectifs poursuivis
par l’entreprise à travers la mise en place d’une démarche de traçabilité globale. En effet,
cette technologie assure une fidélisation des clients à travers l’amélioration des services
offerts par l’entreprise. L’exemple donné dans le secteur vestimentaire par Lemoine
(2003), membre de la CNIL, illustre bien ces propos. Ainsi, la possibilité offerte par ces
étiquettes intelligentes d’identifier et de reconnaître des articles en cours d’essayage par
un client permet de lui proposer immédiatement d’autres articles assortis. L’identification
par radio fréquence, avec la fiabilité et la complétude des informations qu’elle fournit,
permet également de réduire les ruptures de stocks et les risques de litiges entre les
différents partenaires de l’entreprise et enfin, de disposer de l’ensemble des informations
nécessaires pour le pilotage de la chaîne logistique.

53
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

RFID Vs Code à barre


La RFID est considérée par certains professionnels comme « le nouvel eldorado des
logisticiens de la décennie » pouvant dépasser les codes à barres et les remplacer. Ceci
s’explique par les avantages assurés par la RFID en comparaison avec le code à barres
classique. Le tableau n°1 présente la différence entre ces deux technologies.

Tableau n° 1 : Comparaison entre les caractéristiques de la RFID et du code à barres


Caractéristiques RFID Code à barres
Informations Entre 128bytes à 8Kbytes 100bytes d’informations au
d’informations stockées. maximum.
Lecture Possibilité de lire simultanément Lecture d’un code à la fois.
plusieurs tags et ce, grâce aux
algorithmes anti-collision12. C’est ce
que Georget (2007) appelle la
« lecture en vrac ».
Distance de lecture « La possibilité de lire à distance, Peu de flexibilité
sans nécessité de vue directe, en concernant la distance et
mouvement et en volume » (Peurière l’environnement de lecture.
et al., 2007, p.9).
Capture des Saisie dynamique13 Saisie statique
données
Coût Variable14 Faible
Source : Elaboration personnelle.

En outre, il existe des aspects ou avantages qui sont uniquement assurés par la RFID :
Ø la mise à jour de l’information stockée qui est la possibilité de supprimer ou rajouter et
donc de modifier le contenu du tag. L’étiquette RFID peut être réinscriptible plusieurs
fois ;
Ø l’impossibilité de reproduire ou copier un tag ;
Ø la sécurité : les informations enregistrées dans le système RFID peuvent être protégées
grâce à des systèmes de cryptographie.

Ainsi, la RFID assure la même fonction que le code à barres mais avec plus de performance.
Cependant, la technologie RFID n’est pas dénuée de limites techniques. En effet, outre son

12 L’anti-collision offre la possibilité de lire simultanément un certain nombre de tags et la possibilité de fournir un identifiant unique pour chaque produit. Ce qui n’est pas
le cas des codes à barres qui sont communs à tous les exemplaires d’un même produit.
13 La RFID introduit la notion de l’acquisition des données en mode dynamique. En effet, « la saisie dynamique permet une identification des produits sans un arrêt
obligatoire du produit afin de lire des informations. C’est une évolution dans la capture des données par rapport à une saisie « statique » au moyen de la lecture optique des
codes à barres » (Gonzalez, 2008, p 15).
.
14 Le prix des étiquettes radiofréquence varie en fonction de plusieurs facteurs : des fonctionnalités du lecteur (permet de lire une ou plusieurs fréquences…) ; du nombre
d’étiquettes commandées (les entreprises peuvent bénéficier des économies d’échelle : plus ils achètent d’étiquettes, plus le prix baisse) ; du besoin de protection des
étiquettes (suremballage de l’étiquette afin de la protéger des chocs provoqués par les supports de manutention) ; besoin de compiler des données spécifiques (degré
d’humidité, température) grâce à l’incorporation de capteurs (Gonzalez, 2008).

54
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

coût qui reste relativement élevé pour certains produits, son rayon d’action est limité à
quelques mètres. Par ailleurs, des matières comme l’eau ou les métaux dont l’aluminium
peuvent perturber leur fonctionnement. De plus, les ondes radio utilisées dans cette
technologie pourraient être nuisibles pour la santé des consommateurs.

En définitive, les étiquettes radiofréquences doivent coexister avec les codes à barres. En
effet, comme le préconise Gonzalez (2008, p.63), il convient de « prévoir une solution de
recharge si l’étiquette radiofréquence ne répond pas et de permettre à ceux qui ne sont pas
encore équipés de pouvoir saisir les données au moyen des codes à barres ». De fait, malgré
le fait que la RFID a longtemps été considérée comme devant succéder au code à barres, il
semble plus opportun de combiner RFID et codes à barres afin de profiter des avantages de
l’un et de l’autre et assurer ainsi une identification efficace des produits.

Cette fonction d’identification de la RFID et des codes à barres peut se compléter par ce
qu’on appelle l’authentification des produits. Celle-ci permet au sens de Peurière et al (2007,
p.2) « de s’assurer qu’un objet est authentique ou qu’une personne précédemment
« certifiée » présente bien une signature authentique. L’authentification fait appel à un tiers
de confiance qui gère les algorithmes, les clés permettant la certification ». Dans cette
optique, il existe des technologies telles que la signature numérique ou l’utilisation d’encres
avec des propriétés particulières (luminescentes, thermiques, etc.) qui visent à authentifier un
produit. Ces outils d’authentification sont très importants dans la lutte contre la contrefaçon,
l’un des domaines d’application de la traçabilité. Ils rendent difficile la falsification et la copie
des articles, ceci sans pour autant éviter complètement ces risques. Or, il peut être important
de disposer de ces outils de contrôles supplémentaires en complément aux outils classiques
d’identification. Tel est le cas des analyses ADN pour la viande. En effet, cette technologie
permet de certifier le fait « que l’animal auquel conduit la traçabilité ascendante est bien
celui dont la viande est analysée » (Guyonnet, 2005, p.174).

Enfin, il ne faut pas oublier qu’on peut recourir également aux documents papiers avec un
coût minime et une facilité de mise en œuvre. Cependant, cet outil présente des limites en
termes de gestion et de stockage de l’information. De même, on ne peut réellement le
considérer comme partie intégrante des technologies de l’information.

55
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

2.2. LE STOCKAGE DE L’INFORMATION


Dans le paragraphe précédent, nous avons vu les outils de support et d’identification de
l’information. Nous nous intéressons maintenant à la deuxième catégorie d’outils
d’informations, à savoir celle qui stock ou enregistre les données.

Dans toute démarche de traçabilité, nous avons besoin de choisir le type de bases de données
informatiques. En effet, en cas de besoin, il est utile de pouvoir retrouver l’information
« tracée » de manière rapide et automatique. Nous présentons ici un bref aperçu des deux
outils considérés comme les plus importants dans l’enregistrement et le stockage de
l’information : l’ERP (Entreprise Ressource Planning) et le MES (Manufacturing Execution
System).

2.2.1. L’ERP
L’ERP (Entreprise Ressource Planning) ou PGI en français (Progiciel de Gestion Intégré) est
un système de pilotage de la chaîne logistique qui automatise la gestion interne et les
fonctions de l’entreprise avec ses différents systèmes existants comme la gestion de
production, la logistique d’approvisionnement, la comptabilité, l’achat, la facturation, etc.
(Hervier, 2001). Il est défini par Garette et al. (2009, p.181) comme « un outil qui structure
tous les processus d’une entreprise. Il ne peut donc être envisagé isolément ; c’est un choix de
l’entreprise dans son ensemble, qui implique et concerne l’ensemble des entités et du
personnel ». Il est constitué d’un ensemble de modules conçus de manière intégrée mais
pouvant être utilisés séparément et complétés suivant les besoins de l’entreprise. Dans ce
sens, il existe avec les modules standards, des modules spécifiques au secteur d’activité de
l’entreprise : modules liés à l’aérospatiale, l’assurance, l’industrie pharmaceutique, etc.

Parmi les grands fournisseurs d’ERP, on peut citer SAP qui détient, selon une enquête menée
en 2000 auprès des entreprises américaines, 25 % du marché et J.D Edwards avec 8 % du
marché. D’autres éditeurs, ont profité également de l’essor de l’ERP pour l’intégrer dans leur
activité, tel est le cas d’Oracle (Mabert et al., 2000 ; Hervier, 2001).

Apparu au début des années 1990 dans les grandes entreprises occidentales et adopté depuis
par des entreprises de plus petite taille, l’ERP est considéré comme un outil incontournable en
matière de traçabilité. Par là, il assure « le suivi des commandes, la gestion des données
(produit, client, fournisseur, sites de production et de stockage) et la gestion des liens entre
les lots et les produits à un niveau agrégé » (Lecomte et al., 2006, p.46). L’utilisation d’un

56
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

langage unique et commun permet aussi une meilleure communication entre les différentes
structures dans une entreprise. L’ERP est également caractérisé par une réduction des coûts
informatiques et des délais administratifs ainsi qu’une meilleure réactivité permettant de
répondre aux besoins des clients. Cependant, la réussite de la mise en place d’un ERP
nécessite essentiellement une participation active de la Direction, d’une équipe efficace
composée de représentants de tous les secteurs concernés par le périmètre de l’ERP ainsi
qu’une bonne évaluation et gestion des risques tout au long de son utilisation. Cette
évaluation permet d’éviter tout éventuel problème d’incompatibilité avec les besoins de
l’entreprise et les solutions informatiques existantes.

2.2.2. LE MES
Le MES (Manufacturing Execution System) ou système d’exécution des fabrications est un
système de pilotage de la production centralisant toutes les informations en relation avec la
production telles que celles fournies par les services de maintenance, de GRH, etc. Il assure la
mise en place dans l’entreprise d’un système permettant une approche globale de l’exécution
industrielle. Il permet également le suivi et le contrôle en temps réel des ordres de fabrication
depuis leur lancement jusqu'à l’obtention des produits finis. Onze fonctions sont couvertes par
le MES à savoir : (1) le statut et l’allocation des ressources ; (2) l’ordonnancement des
opérations ; (3) le contrôle documentaire ; (4) l’acquisition des données ; (5) la gestion du
personnel ; (6) le suivi de la qualité ; (7) le pilotage des procédés ; (8) la gestion de la
maintenance ; (9) la traçabilité ; (10) l’acheminement des produits et des lots et (11)
l’optimisation des performances (Allot, 2003).

Traditionnellement, la mise en place d’un MES consiste à rassembler différents logiciels


traitant chacun une grande fonctionnalité du système d’exécution des fabrications. Cette
approche montre ses limites dans la mesure où en réalité « les fonctionnalités du MES, loin
d’être des blocs logiciels monolithiques, doivent dialoguer au niveau le plus fin » (Allot,
2003, p.23). C’est ainsi, grâce à des modes de communication standards comme le format
XML (Extensible Mark up Langage15) permettant d’assurer les échanges de données entre des
systèmes d’informations hétérogènes, qu’on peut désormais répondre aux besoins
d’interopérabilité entre les composants logiciels (Allot, 2003). Cette notion d’interopérabilité
renvoie à « la compatibilité entre les différents éléments et technologies, à travers des

15
« langage extensible de balisage ».
57
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

standards communs, normalisés et largement diffusés » (Fernandes, 2007, p.7). Concernant


la traçabilité, le MES permet de collecter et gérer « les informations de traçabilité interne
(définition fine des lots et des entités fabriquées, gestion des liens avec les composants utilisés
et leur origine, le suivi fin du processus de fabrication et de tous les événements survenus) »
(Lecomte et al., 2006, p.47).

Néanmoins, la notion de MES est difficile à percevoir clairement par les industriels. Ceci est
dû notamment à la difficulté d’une mise en place cohérente de l’ensemble de ces
fonctionnalités.

2.3. LE PARTAGE DE L’INFORMATION VIA EDI


Les deux précédents paragraphes se sont intéressés aux outils de support et d’identification
ainsi que ceux de l’enregistrement de l’information. Le troisième et dernier niveau d’outils de
traçabilité concerne le partage de l’information. Le partage de l’information en relation avec
la traçabilité est assuré essentiellement par l’EDI.

L’EDI (Electronic Data Interchange ou Echange de Données Informatisé) est un outil qui
existe depuis la fin des années 1960. Cependant, son utilisation comme moyen d’échange
entre fournisseurs et entreprises n’a connu un développement important que dans les années
1990.

Plusieurs définitions sont données par les auteurs et les professionnels. Pour Walton et
Marucheck (1997, p.31) : « EDI is defined as the transmission of standard business
documents in a standard format between industrial trading partners from computer
application to computer application »16. Aguemon (2004, p.2) considère, quant à elle,
l’EDI comme « l’échange par télétransmission, des données structurées selon les formats
standards, entre applications informatiques » où la télétransmission désigne « les moyens de
communication utilisés pour transmettre ces données ». L’ensemble des auteurs s’accordent à
dire que l’EDI est un outil assurant l’échange entre ordinateurs d’informations numériques et
commerciales. Ces informations concernent généralement les commandes et les factures. Cet
échange se fait suivant des messages standardisés et un processus informatique (Marcussen,
1996 ; Chiaramonti, 2005). Ces messages standardisés sont définis par un langage normalisé.
Par exemple, on peut citer le langage EDIFACT (Electronic Data Interchange for

16
L’EDI peut être défini comme la transmission de documents commerciaux en un format normalisé entre les
partenaires via leur système d'information respectif.
58
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

Administration Commerce and Transport ou Echange de Données Informatisé pour


l’Administration, le Commerce et le Transport) créé en 1987 suite au besoin d’harmonisation
des différents langages nationaux et aboutissant à un langage intersectoriel et international. Ce
langage est désormais utilisé dans tous les pays exception faite des Etats-Unis où est utilisé
l’ANSI X12 (American National Standard Institut ou institut américain de normalisation)
(Aguemon, 2004). Grâce à cette standardisation des messages, les informations transmises via
l’EDI peuvent être directement exploitables par l’entreprise.

En résumé, l’EDI est utilisé par tous les acteurs appartenant au même secteur d’activité :
clients, fournisseurs et prestataires logistiques. Mais, de plus en plus, on voit se développer
des applications EDI asectoriel, c’est-à-dire entre l’entreprise et sa banque, son assurance, ou
encore les services administratifs. Ce faisant, bien que les échanges électroniques peuvent être
réalisés entre une entreprise et une autre entreprise (B to B17), une administration (B to A18) et
un consommateur (B to C19), l’EDI ne traite, à ce jour, que les échanges de type B to B et B to
A (Aguemon, 2004). Cependant, les échanges les plus fréquents via EDI restent d’entreprise à
entreprise, entre client et fournisseur.

Les entreprises qui veulent utiliser la technologie EDI dans leurs échanges ont le choix entre
plusieurs architectures possibles suivant le type de solution EDI adoptée.

2.3.1. LA TYPOLOGIE DES SOLUTIONS EDI

Il existe trois types de solutions EDI. Toutes ces solutions peuvent être utilisées comme outils
de la démarche traçabilité de l’entreprise.

Ø L’EDI intégré
Chaque partenaire possède une station EDI. L’entreprise (émetteur) qui désire envoyer un
message à son partenaire le fait via sa station EDI. Celle-ci traduit le message dans le
langage normalisé et l’envoie. L’interface EDI du récepteur traduit le message reçu et
transmet l’information au service concerné. L’échange de données informatisé ou de
données électroniques se fait donc, directement entre les systèmes d’information des deux
partenaires, ceci sans ressaisie manuelle.

17 Business to Business
.
18 Business to Administration
.
19 Business to Consumer
.
59
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

Ø Une solution intermédiaire : l’hébergement EDI


Cette solution fait appel à un prestataire extérieur qui héberge une station EDI pour le
compte d’une ou plusieurs entreprises. Le prestataire extérieur se charge de transmettre
l’information d’un partenaire à un autre.
Pour l’EDI hébergé, il peut exister un hébergement dédié à un seul client, généralement
les grandes entreprises qui veulent externaliser l’EDI. On a dans ce cas « un ordinateur
central proposant les services EDI uniquement sur un réseau pour un client » (Aguemon,
2004, p.3). Dans le cas d’un hébergement dédié à plusieurs entreprises, ces dernières vont
pouvoir diviser leurs coûts de revient de l’hébergement grâce à une infrastructure
mutualisée (GS1 France, 2008a). La figure n°15 représente une architecture d’un EDI
hébergé :

Figure n°15 : EDI hébergé

Source : Aguemon, 2004.

Ø Le Web EDI
Cette solution fait appel à Internet et est maintenue à distance par une société de service.
Elle existe depuis la fin des années 1990 dans la grande distribution, puis son utilisation a
suivi dans l’automobile.

Le Web EDI permet aux PME, n’émettant ou ne recevant qu’un faible volume de
messages, de dépasser les problèmes liés à l’EDI qui peut être considéré comme une
méthode « techniquement compliquée » et dont la mise en place est assez coûteuse. Le

60
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

Web EDI convient ainsi, à des entreprises ayant des transactions avec des fournisseurs
occasionnels (Chiaramonti, 2005). En effet, l’entreprise doit être simplement équipée d’un
micro-ordinateur, d’un accès à Internet et d’un abonnement à l’un des services Web EDI.
Grâce à l’utilisation d’un simple navigateur Internet, l’entreprise peut visualiser les
messages sous forme de formulaire Web. De fait, il est tenu à jour et sans effort des
informations transmises. Cette solution permet de bénéficier de la facilité d’accès et de la
large diffusion d’Internet.

Le tableau suivant présente les avantages et inconvénients de chacune des solutions


présentées :

Tableau n°2 : Avantages/inconvénients des trois types d’EDI

Avantages Inconvénients
EDI intégré ü Automatisation et ü Importance de
accélération des échanges l’investissement financier.
d’information.
ü Compétences en
ü Traitement de flux informatique requises.
d’information importants.
ü Délais de mise en place
variable.

EDI hébergé ü Simplicité et rapidité ü Dépend de la qualité de la


d’utilisation. connexion Internet.
ü Coût inférieur à la mise en ü Pas d’autonomie par rapport
place de l’EDI intégré. à la solution développée par
le prestataire.
ü Intégration des données.

Web EDI ü Coût d’investissement ü Peu d’intégration


limité. automatique.
ü Facilité et rapidité de mise ü Ressaisie.
en place.
ü Dépend de la qualité de la
ü Simplicité d’utilisation. connexion Internet.
Source : Adapté du séminaire de formation GS1, 2008.

En définitive, le choix de l’une ou de l’autre solution est laissé aux entreprises en fonction de
leurs structures, du volume d’informations qu’elles échangent et des objectifs de la mise en
place et utilisation de ces solutions. Ceci étant, malgré la diversité des solutions EDI proposée

61
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

aux entreprises, ces dernières présentent des avantages communs pouvant bénéficier
également à la démarche traçabilité.

2.3.2. LES AVANTAGES DE L’EDI DANS LA TRAÇABILITE

Dans le cadre de la traçabilité, l’utilisation de l’EDI permet à l’entreprise de bénéficier


d’avantages organisationnels et stratégiques.

2.3.2.1. Les avantages organisationnels


L’EDI permet aux entreprises d’améliorer l’organisation et le fonctionnement interne
notamment en réduisant les cycles commerciaux et financiers, de même que les coûts
administratifs, ceci tout en assurant des bénéfices « humains » (Aguemon, 2004) :
Ø La réduction des cycles commerciaux et financiers
L’EDI assure une rapidité de transfert d’information comparé aux moyens classiques. Ainsi,
comme le montre le tableau n°3 comparant le traitement d’une commande traditionnelle à
celui utilisant l’EDI, on peut remarquer que 4 jours s’écoulent entre le moment de saisir une
commande et le lancement de son traitement chez le fournisseur. Alors, qu’avec l’EDI, il y a
suppression de plusieurs tâches (édition, mise sous enveloppe, etc.) et donc, par conséquent,
le traitement de la commande se fait le jour même.

Tableau n°3 : Comparaison des traitements traditionnel et EDI (Exemple d’une


commande)

Traitement traditionnel Traitement EDI


Tâche Durée Tâche Durée
Saisie de la commande J Saisie de la commande J
Edition J Télétransmission J
Mise sous enveloppe J
Courrier départ J+1
Acheminement postal J+2
Ouverture de l’enveloppe J+3
Service commercial J+3
Saisie de la commande J+3 Téléréception J
Traitement J+4 Traitement J
Source : Aguemon, 2004.

Cette rapidité de traitement de transfert couplée à « une intégration rapide et automatique


des données » (Aguemon, 2004, p.5) permet de mieux gérer les activités de planification des
commandes, de stockage, d’approvisionnement, mais également le traitement des échanges
financiers dans l’entreprise.

62
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

Ø La réduction des coûts administratifs


L’utilisation de l’EDI permet de réduire les coûts administratifs grâce à une réduction du
temps de saisie comme le montre le tableau précédent. Cette réduction concerne également la
suppression des risques de litiges et des coûts qui y sont associés. Ces litiges peuvent être dus
à des erreurs d’interprétation et de ressaisie.
Ø Les bénéfices « humains »
En éliminant les tâches sans valeur ajoutée pour les employés (impression, ressaisie,
préparation et envoi de courrier, etc.), l’EDI va permettre aux membres du personnel
d’effectuer des tâches plus valorisantes et intéressantes.

2.3.2.2. Les avantages stratégiques


La mise en place de l’EDI procure à l’entreprise des avantages stratégiques liés
essentiellement à l’amélioration de la fiabilité des fournisseurs et des relations avec les
partenaires. A ce titre :
Ø La fiabilité des fournisseurs
Plusieurs études ont montré que l’EDI peut être utilisé comme un moyen ou un outil de la
gestion des fournisseurs permettant une meilleure fiabilité de ces derniers. La fiabilité des
fournisseurs est un concept multidimensionnel qui comprend (1) la livraison à temps des bons
articles, (2) une qualité acceptable, et (3) la bonne quantité (Walton et Marucheck, 1997).
Cette fiabilité est notamment favorisée par la possibilité d’avoir un échange de l’information
entre les différents partenaires dans de meilleures conditions et de manière rapide. Ceci a pour
conséquence de limiter les problèmes liés à la qualité et la quantité des produits livrés et à
minimiser les retards dans l’exécution des commandes. Cependant, Walton et Marucheck
(1997) qui ont effectués une étude auprès de 30 entreprises utilisant l’EDI pour commander
des articles de leurs fournisseurs, montrent que la seule possession d’un EDI ne suffit pas
pour garantir la fiabilité des fournisseurs. En effet, la fiabilité des fournisseurs est
significativement liée à (a) l’expérience des acheteurs concernant l’utilisation de l’EDI en tant
qu’outil dans le management des fournisseurs, (b) la bonne volonté des deux parties
(entreprises et fournisseurs) à partager l’information, (c) l’acquisition d’un système EDI et (d)
le degré d’intégration de l’EDI dans le système d’information avec les autres applications ou
composantes. Ainsi, en accord avec ces résultats et sous certaines conditions de volonté de
partage, nous pouvons dire que l’EDI est un outil qui permet une réduction des coûts liés à la
coordination des fournisseurs. Il améliore l’habilité des responsables approvisionnement dans
le management des fournisseurs et des relations entre ces partenaires.

63
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

Ø L’amélioration des relations entre entreprises et partenaires


Dans ce sens, l’EDI est considéré comme un moyen permettant d’aboutir à « une entreprise
étendue », ce point signifie que l’entreprise n’est plus considérée de manière isolée mais
rapprochée de l’ensemble de ses partenaires. On ne parle plus alors d’une entreprise qui
échange des informations mais d’un réseau d’entreprises partenaires qui s’échangent des
informations. Dans ce cadre, une étude basée sur 25 entreprises britanniques, dont 6
industriels centraux de la grande distribution, a montré que l’EDI a un effet positif sur la
relation entre acheteurs et vendeurs industriels (Marcussen, 1996). Cet outil améliore ainsi les
relations en permettant une rapidité et facilité de transmission des données entre eux.
De plus, avec l’EDI, l’entreprise va pouvoir améliorer sa réactivité et sa flexibilité. Ces
éléments peuvent être à l’origine de l’ouverture de nouvelles opportunités et de nouveaux
clients (Aguemon, 2004).

Cependant, les bénéfices perçus de l’utilisation de l’EDI ne sont pas les mêmes pour les
clients et les fournisseurs. Ainsi, si les acheteurs perçoivent directement les bénéfices
financiers de l’utilisation efficace de l’EDI notamment en termes de fiabilité des fournisseurs
(Cf. étude de Walton et Marucheck, 1997), ce n’est pas le cas pour les fournisseurs qui, dans
la plupart des cas, introduisent cet outil pour ne pas perdre leurs clients.

En soi, l’EDI est essentiel pour réaliser la traçabilité. En effet, en tant qu’outil de partage de
l’information, il permet l’amélioration de l’image de l’entreprise, de ces relations avec les
partenaires et de son organisation interne. L’EDI est donc un outil qui permet de transférer les
informations entre deux partenaires ou services de manière facile et rapide. Cependant, il ne
garantit pas la qualité de l’information. Ainsi, comme le précise Wanscoor (2008, p.114), « si
les données sont erronées ou de mauvaise qualité au départ, l’EDI fera circuler plus
rapidement cette mauvaise qualité ! ». De fait, le rôle de l’Homme est primordial dans la mise
en place et la fiabilité de toute solution EDI (Aguemon, 2004).

Nous avons présenté au niveau de cette section, un aperçu des Technologies de l’Information
et de la Communication les plus utilisées dans une démarche de traçabilité. Il ne s’agit pas
d’une liste exhaustive, loin de là. Néanmoins, les outils ici présentés jouent un rôle très
important en assurant les principes de base de la traçabilité et favorisant les apports qui y sont
associés tels que présentés au début du chapitre. Ainsi, plusieurs interrogations ont été
soulevées concernant l’implantation et le développement de ces outils technologiques. En

64
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

effet, ces changements ou conséquences apparaissent autant sur l’aspect organisationnel que
l’aspect humain.

Ø L’aspect organisationnel : les problèmes liés à la mise en place des TIC


Les entreprises, notamment celles du secteur agroalimentaire, peuvent renoncer à
l’introduction des technologies de l’information dans leur démarche de traçabilité et ce, en
raison des problèmes liés à la mise en place de ces technologies. Ces problèmes concernent la
lourdeur des investissements et les changements organisationnels qui sont associés à ces TIC.
En effet, la mise en place de certains outils comme l’EDI nécessite une restructuration des
systèmes d’information internes, ce qui peut constituer une étape coûteuse et délicate à gérer.
Les TIC sont donc souvent accompagnées d’une réorganisation des procédures de travail. Ces
changements peuvent se manifester par des charges de travail supplémentaires et de la
dégradation au niveau des relations interpersonnelles. Tout ceci peut se traduire en stress. En
effet, le stress « lié au développement des TIC est devenu l’une des questions de santé
publique les plus sérieuses du 21ème siècle » (Ben Ammar-Mamlouk et al., 2007, p.49).

En ce sens, l’utilisation des TIC nécessite de nouvelles compétences communicationnelles,


attitudes et aptitudes spécifiques. Or, tous les employés ne disposent pas de ces compétences
et peuvent manifester des réticences à ces changements technologiques. C’est ce que
Lasfargue (1989, cité par Ben Ammar-Mamlouk et al., 2007, p.51) qualifie de
« technophobie » tel « un handicap qui frappe un certain nombre de contemporains mis dans
l’impossibilité d’utiliser les technologies avancées ». Ainsi, il peut y avoir des freins
psychologiques liés à ces changements technologiques qui ne doivent pas être négligés.

Ø L’aspect humain : les problèmes de sécurité des personnes et d’éthique


Le recours à certaines Technologies de l’Information et de la Communication peut entraîner
ce qu’on appelle une « traçabilité des personnes », ce qui constitue une atteinte à la liberté et à
la vie privée des individus. En outre, des problèmes de sécurité des personnes de la RFID ont
fait l’objet d’une polémique notamment en Belgique. En effet, des chercheurs de l’université
catholique de Louvain ont prouvé qu’ils pouvaient facilement avoir accès aux données
personnelles contenues dans la puce RFID des passeports électroniques. Ceci montre une
faille de ce type de passeports et démontre que ces données peuvent être utilisées dans des
faux papiers ou toute autre action illégale.

65
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

En conséquence, une association contre la RFID a vu le jour aux USA. Il s’agit de la


CASPIAN (Consumers Against Supermarket Privacy Invasion) pour défendre la « privacy »20
des consommateurs (Arnaud, 2009). Des usages annexes pourraient être faits de cette
technologie et permettraient de « profiler » ou suivre les faits et gestes des individus, ce qui
constitue un nouveau risque pour la protection de leur vie privée.

La dangerosité du champ électromagnétique que peuvent dégager les puces et les lecteurs
peut être également en défaveur de la RFID. Enfin, des recherches montreraient que les puces
implantées dans le corps pourraient faire naître des tumeurs cancérigènes.

Comme le précise Gonzalez (2008), il est donc primordial pour les entreprises qui veulent
introduire les TIC comme outils dans leurs démarches de traçabilité de faire une étude
préalable et approfondie. Cette étude doit porter sur les coûts induits par l’introduction de ces
outils ainsi que des gains de productivité futurs. Ils doivent donc calculer le retour sur
investissement avant de se lancer dans ce type de projet. De fait, il faut stimuler l’utilisation
de ces outils dans la démarche traçabilité tout en cherchant à éviter les contraintes qui y sont
associées et en protégeant les données personnelles des utilisateurs. Il faut également essayer
de remédier aux éventuels problèmes psychologiques en anticipant des formations
accompagnant la mise en place et l’utilisation de ces TIC comme moyens dans une démarche
de traçabilité. En effet, « la formation est une activité primordiale face au changement
technologique afin de réaliser un certain équilibre entre les éléments strictement techniques
et humains » (Ben Fadhel, 2004, p.6).

CONCLUSION

Après avoir esquissé les contours du sujet relatif à la traçabilité, il apparaît que cette dernière
revêt différents aspects et semble être une nécessité pour toute entreprise. En effet, la
traçabilité apparaît comme créatrice de valeur et facteur de différentiation pour l’entreprise.
Cependant, la traçabilité reste quelque peu complexe et repose sur la nécessité d’assurer le
lien entre le flux d’information et le flux physique, où la communication devient un « maître
mot » et qui souligne l’importance des Technologies de l’Information et de la Communication
ou TIC.

20
La vie privée.
66
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

L’étude des trois principaux niveaux (pour rappel, celles qui supportent l’information
permettant l’identification des produits, celles qui enregistrent les données et celles qui
permettent son partage) de TIC utilisés en matière de traçabilité montre l’importance de ces
outils. La réussite de la traçabilité semble ainsi conditionnée par l’utilisation efficace de ces
outils. Cependant, ces outils semblent être « une arme à double tranchant ». En effet, il existe
des problèmes largement débattus comme ceux liés à l’aspect organisationnel et à l’aspect
humain et pouvant subvenir suite à l’introduction et à l’utilisation des TIC.

Or, dans la littérature, on confond usages des TIC et étude de l’équipement des entreprises en
TIC. Néanmoins, il est utile de distinguer entre ces deux types de recherche. Cette distinction
peut reposer sur le fait que certains acteurs acquièrent les TIC non pas pour leur principal
usage mais pour le prestige, effets de démonstration. Ainsi, « les agents les plus équipés ne
sont pas forcément ceux qui sont les plus utilisateurs, ni ceux qui ont le plus de besoins
objectifs » (Bellon, et al., 2006, p.176). De plus, les TIC n’imposent aucune architecture et
structure à l’organisation. Ceci dépend du choix des dirigeants et des vues organisationnelles.
C’est ce que Peaucelle (2007) qualifie de « malléabilité organisationnelle des TIC ». Dans
cette optique, en transposant ces constats aux outils technologiques de la traçabilité, nous
pouvons dire qu’en dépit de l’importance de l’acquisition et la mise en place de ces
technologies, le plus important est d’avoir une utilisation efficace de celles-ci. Ceci renvoie à
l’importance du facteur humain qui gère ces outils.

En résumé, il semble possible d’affirmer que la traçabilité constitue une réelle démarche de
management stratégique. Démarche, car tel son sens générique, la traçabilité évoque l’idée
« d’ensemble des moyens mis en œuvre pour atteindre un but » (Larousse Encyclopédique en
couleurs, 1978). Management stratégique puisque la traçabilité permet (1) d’intégrer la
stratégie dans la gestion d’un contexte organisationnel complexe ; (2) de mobiliser, combiner
et engager des ressources ; (3) d’assurer l’efficacité, la réduction de l’incertitude, la
compétitivité et la sécurité de toute organisation, tant d’éléments du management stratégique
tel que défini par Koenig (1990, 1996) et par Garette et al. (2009).

En conclusion, il est possible d’affirmer que la traçabilité doit être considérée comme une
véritable démarche stratégique qui ne doit pas être réduite à un simple outil mais qui en
mobilise certains comme les différents niveaux de TIC étudiés dans la deuxième section de ce
chapitre (Fernandes, 2007 ; Pellaton et Viruega, 2007). La figure n°16 englobe les impératifs
à la traçabilité avec les différentes spécificités qui s’y attachent.
67
Chapitre 1 : La traçabilité : moyens et enjeux

Figure n°16 : Les impératifs d’une démarche de traçabilité

1 2 3

Organisation du Projet Mise en place de la démarche Utilisation de l’information

Identification des
· Définir le contexte du projet produits
· Mise en place de la structure de
· Maîtriser la sécurité, l’origine
travail
et l’intégrité du produit,
· Détermination des besoins
Technologies de l’Information Gestion des liens · Renforcer l’avantage
· Evaluation de l’existant concurrentiel de l’entreprise
· Proposition des solutions et de la Communication
· Favoriser un contrôle et une
· Mise en œuvre effective du évaluation permanents
projet · Codes barres/ RFID,
· ERP, Enregistrements des · Redéfinir les relations entre les
· Suivi et évaluation données différents acteurs concernés par
· EDI…
la traçabilité.

Communication

Source : Elaboration personnelle.

68
CHAPITRE -2-
APPREHENSION DU TERRAIN TUNISIEN
DE LA DATTE ET DE SES SPECIFICITES EN
TERMES DE TRAÇABILITE

INTRODUCTION

La traçabilité, telle que présentée dans le chapitre précédent, apparaît telle une démarche
nécessaire, voire impérative pour toutes les entreprises agroalimentaires. Dans le cadre de
cette recherche doctorale, nous avons choisi de nous tourner vers un terrain concerné par la
traçabilité mais peu (ou pas) exploité : la Tunisie. En effet, pour le cas tunisien, avec la
multiplication des échanges commerciaux entre la Tunisie et la France et l’ouverture de la
zone de libre échange euro-méditerranéenne qui place la Tunisie dans un contexte fortement
concurrentiel, il est désormais essentiel pour les entreprises tunisiennes, notamment
agroalimentaires, de mettre en place une démarche de traçabilité efficace.

A ce titre, à l’issue de la revue de la littérature sur la traçabilité, nous avons mené une
première étude exploratoire de la traçabilité dans la filière des dattes en Tunisie et plus
précisément la branche conditionnement. Ce choix s’explique par la place stratégique
qu’occupe cette filière au niveau des exportations tunisiennes qui sont directement concernées
par la traçabilité. Ainsi, la filière « dattes » possède une place importante dans les
exportations agroalimentaires tunisiennes (16%) et dans la totalité des exportations (2%). Elle
se place en troisième position derrière l’huile d’olive et les produits de la pêche. Outre sa
position dans la balance commerciale du pays, la filière des dattes joue un rôle social
stratégique.

69
Chapitre 2 : Appréhension du terrain tunisien de la datte et de ses spécificités en termes de traçabilité

De plus, comme le constatent Conforti et Tonneau (1999, p.105), « la qualité des dattes tend
à diminuer alors que les exigences du marché en la matière sont de plus en plus importantes.
Des progrès importants restent à accomplir en matière de qualité, de conditionnement, de
marketing, afin que l’offre soit en plus grande adéquation avec la demande exprimée et
potentielle tant sur le marché intérieur qu’international ». En conséquence de quoi, durant
ces dernières années, de nombreux efforts des pouvoirs publics et des organismes de soutien
ont eu pour objectif d’organiser la filière et de promouvoir les exportations de dattes en visant
l’amélioration de la qualité de ces produits. Notre étude exploratoire, qui s’insère dans le
cadre de ces préoccupations, avait pour objectif de procéder à un diagnostic de la pratique de
traçabilité dans le cadre spécifique de la filière des dattes en Tunisie.

Nous présentons dans une première section la filière des dattes en Tunisie : ses particularités,
ses acteurs et son mode de fonctionnement. La deuxième section est consacrée à l’étude
réalisée durant l’été 2007 de ladite filière. Il s’agit d’analyser un ensemble de données issues
d’entretiens auprès de professionnels et de responsables appartenant aux entreprises
totalement exportatrices de dattes, qui sont directement concernées par les problématiques
liées à la démarche de traçabilité. En plus des données primaires, une analyse des données
secondaires (documents internes, circulaires, études, etc.) paraît indispensable.

1. DESCRIPTION DE LA FILIERE
Plusieurs études ont été effectuées sur la filière des dattes. Nous pouvons notamment citer
l’analyse réalisée en 2007 conjointement par le CIRAD (Centre de Coopération Internationale
en Recherche Agronomique pour le Développement) et le CRRAO (Centre de Recherche
Régional pour l’Agriculture Oasienne) dans le cadre du projet SIRMA (économies d’eau en
Systèmes IRrigués au MAghreb). Lancé en 2004, ce projet a été financé par le ministère des
affaires étrangères français et avait pour principal objectif d’effectuer des recherches et des
expérimentations dans le but de trouver des outils permettant d’économiser l’eau et
d’améliorer la production agricole au Maghreb. Un autre exemple d’étude est celui du
positionnement stratégique de la Deglet Nour tunisienne et de la promotion de ses
exportations à long et moyen terme (2008), réalisé par le cabinet GEM (consultants en études
et stratégies pour l’agroalimentaire) pour le compte de l’APIA (Agence de Promotion des
Investissements Agricoles). Ces études nous permettent de décrire la filière des dattes et
d’analyser son fonctionnement, ses caractéristiques et ses différents acteurs.

70
Chapitre 2 : Appréhension du terrain tunisien de la datte et de ses spécificités en termes de traçabilité

1.1. APERÇU GENERAL ET HISTORIQUE


Le mot « datte » vient du grec ancien « dáktylos » qui signifie « doigt » en référence à la
forme de ce fruit. Son processus de maturation passe par trois phases :
· Mars-Avril : le fruit est rond et vert.
· En été : le fruit devient jaune, lisse, et atteint sa taille définitive avec une forme ovale.
· A la fin de l’automne : le fruit mûrit avec la chaleur de l’été et de l’automne.

La datte est une des bases de la nourriture de l’oasien : « la datte est omniprésente aux repas
de l’oasien, on la complète par les céréales et les laitages, qui fournissent les protéines »
(Manuel management de la qualité et de la sécurité alimentaire de l’entreprise (B), 2009, p.6).
La datte est également considérée comme un remède traditionnel à plusieurs maladies. De
plus, elle dispose de plusieurs vertus. En effet, « ses décoctions apaisent les anxieux,
endorment les enfants, soignent les ulcères et constituent une source de fer et de potassium
pour les femmes enceintes » (Manuel management de la qualité et de la sécurité alimentaire de
l’entreprise (B), 2009, p.6). Comme le souligne un proverbe, ce fruit a une grande importance
dans la société tunisienne : « Que ton jour soit comme des dattes et du lait ».

La datte est le fruit du palmier dattier (Phoenix Dactylifera) qu’on trouve dans le désert où il
dispose des facteurs indispensables pour sa survie : le soleil, la chaleur et l’air sec qui font
mûrir les dattes, fruits du palmier-dattier, ainsi que l’eau au niveau des nappes souterraines de
l’oasis. Dans une palmeraie, on trouve des palmiers femelles et des palmiers mâles.
Cependant, le pourcentage des palmiers femelles est supérieur à celui des palmiers mâles et
ce, en raison du fait qu’un seul palmier mâle peut polliniser jusqu’à une centaine de palmiers
femelles.

En Tunisie, le Sud-Ouest du pays est réputé pour être le berceau du palmier-dattier. La part la
plus importante de la production des dattes est réalisée au niveau de deux zones
géographiques : Kébili et Tozeur. En effet, comme le montre le tableau n°4, la Tunisie a
produit dans ces deux régions 118 000 Tonnes de dattes, en 2008, dont 80 400 Tonnes de la
variété « Deglet Nour ». Cette tendance semblerait se confirmer pour la campagne (2009-
2010) selon les estimations du GIFruits (Groupement Interprofessionnel des Fruits). Ces
indicateurs montrent l’importance de la variété « Deglet Nour » avec 66% de la production
totale des dattes en 2008 par rapport à 33% pour les autres variétés appelées « dattes
communes ».
71
Chapitre 2 : Appréhension du terrain tunisien de la datte et de ses spécificités en termes de traçabilité

Tableau n°4 : Production des dattes (2008-2009) et estimation pour la campagne 2009-
2010

Variétés Deglet Nour Dattes communes Total


Régions 08/09 09/10 08/09 09/10 08/09 09/10
(estimation) (estimation) (estimation)
Kébili 64 000 77 500 14 000 13 500 78 000 91 000
Tozeur 28 400 29 000 11 600 13 000 40 000 42 000
Gafsa 2 900 3 100 3 700 3 900 6 600 7 000
Gabès 100 - 20 000 22 000 20 100 22 000
Total 95 400 109 600 49 300 52 400 144 700 162 000
Source : GIFruits.

L’essor de la culture de la datte en Tunisie a débuté il y a plus de sept siècles avec


Monsieur Ibn Chabbat, un homme de lettres et de sciences tunisien originaire de Tozeur du
13ème siècle et qui a instauré au niveau des oasis du Sud tunisien un système de distribution de
l’eau. Grâce à ce système de distribution, il a été possible de mettre en place un système de
production de dattes « combinant l’aménagement hydraulique des palmeraies, des règles de
gestion des ressources foncières et hydriques, l’étagement des cultures et la diversification
des variétés de dattier » (Battesti, 2005 cité par Gendre et al., 2007, p.2). L’objectif étant, in
fine, de répondre aux besoins de la population locale en termes d’alimentation et de revenu.

L’évolution de ce système de production a été influencée par plusieurs facteurs. Parmi ceux-
ci, on compte essentiellement l’apparition de réseaux hydrauliques plus modernes,
l’orientation de la production vers le marché extérieur ainsi que la spécialisation dans la
production d’une variété de dattes : la « Deglet Nour ». Cette variété qui peut être traduite par
« la datte de la lumière brillante », est réputée pour ses qualités gustatives uniques au monde
grâce à son parfum particulier, sa couleur jaune dorée et à ses valeurs nutritives. A cette
variété la plus produite, il existe d’autres variétés appelées « dattes communes »21. Celles-ci se
présentent sous trois principaux types :
Alig : Ces dattes sont de couleur acajou à foncé et peuvent être conservées à
température ambiante durant une année. Elles sont caractérisées par une chair abondante.
Khouat Alig : Ce qu’on peut traduire par « sœurs de Alig » est un type de datte
semblable au type Alig en termes de texture, de couleur et de goût. Cependant, la Khouat Alig
est caractérisée par sa forme allongée.

21
En réalité, les palmerais tunisiennes comptent plus de trois cent variétés de dattes. Bien qu’elles soient de
différentes formes, couleurs, goûts et tailles, elles ont presque toutes la même valeur nutritive et composition
chimique. Celles que nous présentons au niveau de ce chapitre sont les plus importantes et les plus répandues.
72
Chapitre 2 : Appréhension du terrain tunisien de la datte et de ses spécificités en termes de traçabilité

Kenta : Ces dattes sont de couleur claire (jaunâtre) précoces qui mûrissent dès les
premières semaines d’octobre.

Toutefois, en Tunisie, la « Deglet Nour » reste la plus prisée et représente une valeur
marchande élevée sur tous les marchés internationaux. La figure n°17 représente l’évolution
de la production et de l’exportation de la « Deglet Nour » de 1999 à 2008 et montre une
croissance importante de cette activité qui, rappelons-le, est considéré comme le troisième
secteur d’exportation agroalimentaire en Tunisie derrière l’huile d’olive et les produits de la
Mer.

Figure n°17 : Evolution de la production et des exportations de Deglet Nour

Source : GEM, 2008.

L’activité de conditionnement et d’exportation des dattes a été contrôlée par des entreprises
françaises durant la période de protectorat français (de 1881 à 1956), puis par la STIL
(Société Tunisienne d’Industrie Laitière) après l’indépendance du pays. Ce n’est qu’avec la
libéralisation de l’économie dans les années 1980, que des entreprises tunisiennes
d’exportation ont vu le jour et ont commencé à développer l’activité de conditionnement des
dattes.

Le calage des périodes de récolte et de vente de la datte s’observe par deux pics de vente
correspondant à deux périodes où les entreprises enregistrent le pourcentage le plus élevé des
ventes (Cf. figure 18). Il s’agit du mois de Ramadan avec 80% des ventes à destination de la
population locale et des pays où la religion musulmane est présente de manière conséquente

73
Chapitre 2 : Appréhension du terrain tunisien de la datte et de ses spécificités en termes de traçabilité

(Nb. : cette période du Ramadan change chaque année), ainsi que la période de Noël pour
15%.

Figure n°18 : Calage des périodes de récolte et de vente de la datte pour l’année 2006

Source : Gendre et al., 2007.


Légende : V= ventes

1.2. PLACE DE LA TUNISIE DANS LE COMMERCE


INTERNATIONAL DES DATTES
La Tunisie occupe une position de leader sur le marché mondial en termes de valeur des
exportations de dattes avec 30% de la valeur du commerce mondial en 2006 (Cf. figure n°19).

74
Chapitre 2 : Appréhension du terrain tunisien de la datte et de ses spécificités en termes de traçabilité

Figure n°19 : Positionnement des dattes tunisiennes sur le marché mondial (entre
1998 et 2006)

Source : Documentation GIFruits.

La Tunisie est, de ce fait, le premier fournisseur de l’Europe avec 50% de part de marché sur
les cinq principaux pays cibles (Italie, Espagne, France, Allemagne, Royaume-Uni), loin
devant les fournisseurs d’Algérie (15%), d’Iran (14%) ou d’Israël (10%) comme le montre la
figure n°20. Il s’agit de la répartition moyenne des importations de ces cinq pays européens
selon les pays d’origine (entre 2002 et 2007). Si nous prenons par exemple le cas de
l’Allemagne, nous remarquons que 50% des dattes importées par ce pays proviennent de la
Tunisie, contre une part plus faible de dattes provenant de l’Iran et de la France22.

Figure n°20 : Répartition moyenne des importations de 5 pays européens entre 2002 et
2007

Source : GEM, 2008.

22
Il ne s’agit pas de dattes produites en France mais importées par la France, puis réexportées de nouveau vers
d’autres pays comme l’Allemagne.
75
Chapitre 2 : Appréhension du terrain tunisien de la datte et de ses spécificités en termes de traçabilité

Le tableau n°5 reprend les données concernant le total des exportations de dattes tunisiennes
pour la compagne 2006/2007 destinées à 24 pays et ce, en termes de volume et de valeur.

Tableau n°5 : Exportations des dattes tunisiennes par pays en valeur (Dinar Tunisien ou
DT) et en quantité (Kilogramme) (2006/2007)

DESTINATION VALEUR (DT) % VALEUR QUANTITE (kg) %QUANTITE


FRANCE 35343019 22% 12278634 23%
MAROC 31333029 19% 10465346 20%

ITALIE 20937445 13% 6581673 12%

ESPAGNE 14777947 9% 4302557 8%


ALLEMAGNE 14250598 9% 4645727 9%

INDONESIE 4815209 2,9% 1097331 2,1%

BELGIQUE 4349747 2,7% 1947569 3,7%


ROYAUME-UNI 4323313 2,6% 1045767 2%
MALAISIE 3906131 2,4% 906142 1,7%

TURQUIE 3219784 2% 1055432 2%

PAYS-BAS 3044234 1,9% 1027407 1,9%

RUSSIE 2539882 1,5% 999767 1,9%


CANADA 1936158 1,2% 599924 1,1%

SUISSE 1765347 1,1% 448495 0,8%

EMIRATS 972575 0,6% 468264 0,9%


ARABES UNIS
ETATS-UNIS 940814 0,6% 300432 0,6%
MAURITANIE 922280 0,6% 268990 0,5%
SENEGAL 796149 0,5% 262420 0,5%

HONGRIE 751608 0,5% 360811 0,7%


PORTUGAL 699465 0,4% 206192 0,4%
VENEZUELA 519406 0,3% 173954 0,3%

SINGAPOUR 426763 0,3% 91109 0,2%


REPUBLIQUE 396208 0,2% 203732 0,4%
TCHEQUE

AUSTRALIE 354972 0,2% 98616 0,2%


Source : Données CEPEX (Centre de Promotion des Exportations) in GEM, 2008.

Le tableau n°5 met en évidence sept régions du monde regroupant les 24 premières
destinations des exportations de dattes tunisiennes à savoir :
· L’Europe occidentale avec plus de 60% de la part des exportations des dattes
tunisiennes (en volume et en valeur) en 2006/2007 (Exemple : France, Italie,
Espagne, Allemagne, etc.),
· Le Moyen Orient essentiellement les EAU (Emirats Arabes Unis),
76
Chapitre 2 : Appréhension du terrain tunisien de la datte et de ses spécificités en termes de traçabilité

· Le Maghreb (Maroc),
· L’Europe orientale (Turquie),
· L’Amérique,
· L’Asie du sud-est (Malaisie, Indonésie, Singapour) et l’Australie,
· L’Afrique (Sénégal).

Pour certaines de ces destinations, le pourcentage en valeur de dattes dépasse celui en volume.
Nous retrouvons dans cette catégorie des pays tels que l’Indonésie, la Malaisie ou le
Royaume-Uni. Ces marchés sont qualifiés de « riches » puisqu’ils paient leurs dattes plus
chères contrairement à d’autres pays tels que la Belgique, la Hongrie ou la Russie qui
possèdent une part de marché en valeur plus faible que celle en quantité. Les marchés
« riches » en matière de dattes privilégieraient des dattes certes plus chères mais de qualité
supérieure. Parmi ces 24 destinations, cinq pays représentent à eux seuls 71% des
exportations tunisiennes en valeur et 72% en volume durant la compagne 2006-2007. Ainsi,
comme le montrent les figures n°21 et 22, nous retrouvons des pays comme la France avec
22% en valeur et 23% en quantité des exportations tunisiennes de dattes, le Maroc (19% en
valeur et 20% en volume), l’Italie (13% en valeur et 12% en quantité), l’Espagne (9% en
valeur et 8% en volume) et l’Allemagne (9% en valeur et en quantité). Les dattes tunisiennes
sont donc exportées essentiellement vers le marché européen et le marché marocain.

Figure n°21 : Répartition des exportations tunisiennes (en valeur %)


Campagne 2006/2007

Source : Elaboration personnelle à partir des données CEPEX (Centre de Promotion des Exportations) in GEM,
2008.

77
Chapitre 2 : Appréhension du terrain tunisien de la datte et de ses spécificités en termes de traçabilité

Figure n°22 : Répartition des exportations tunisiennes (en quantité %)


Campagne 2006/2007

Source : Elaboration personnelle à partir des données CEPEX (Centre de Promotion des Exportations) in GEM,
2008.

1.3. LES ACTEURS DE LA FILIERE DES DATTES EN TUNISIE


La figure n°23 présente la structuration des opérations dans la filière des dattes. Elle montre
ainsi les différents acteurs privés qui interviennent dans la filière des dattes (producteurs,
collecteurs, conditionneurs/exportateurs, grossistes, commerçants, détaillants, marchés de
gros, marchés locaux). A ces opérateurs privés s’ajoutent des institutions publiques.

78
Chapitre 2 : Appréhension du terrain tunisien de la datte et de ses spécificités en termes de traçabilité

Figure n°23 : Structuration des opérateurs dans la filière

Producteurs (Agriculteurs)

Déchets
(Bétail)

Collecteurs

Grossistes
Conditionneurs/Exportateurs Khammes/Commerçant
s

Marchés de gros
(Tunis ; Tozeur ;
Gabes)
Importateurs Marchés
Distributeurs extérieurs
(partenaires
commerciaux)

Marchés
Détaillants hebdomadaires
Distributeurs

Source : Adapté de Le Gal et al., 2007.

1.3.1. LES PRODUCTEURS


En tant que premiers acteurs de la chaîne d’approvisionnement de la filière des dattes, les
producteurs sont au nombre d’environ 50000 répartis sur deux types d’oasis :
· Les oasis anciennes, ou dites « traditionnelles », caractérisées par des
plantations de palmiers anciennes, avec de nombreuses variétés, une
autoconsommation de la production ainsi qu’une main-d’œuvre familiale ;
· Les oasis dites « modernes », qui sont caractérisées essentiellement par une
variété dominante « Deglet Nour », une commercialisation sur le marché
d’exportation et une main-d’œuvre de plus en plus salariée (Gendre et al.,
2007).

Le tableau n°6 présente les différents types d’exploitations oasiennes selon la taille
d’exploitation.

79
Chapitre 2 : Appréhension du terrain tunisien de la datte et de ses spécificités en termes de traçabilité

Tableau n°6 : Types d’exploitations oasiennes

Type d’exploitation Surface % Exploitations


Petite < 0,5ha 75
Moyenne 0,5 à 2 ha 10
Grande >2ha 15
Source : Sai et Rhouma (2005), cité par Bachta et al. (2006).

Il faut noter que les petites exploitations représentent 75% des exploitations mais ne
fournissent que 23% de la production en 2005. Il s’agit d’exploitations dans les oasis
traditionnelles. Les moyennes exploitations procurent, malgré le fait qu’elles représentent
uniquement 10% des exploitations, 52% de la production en 2005. Les grandes exploitations
sont présentes essentiellement dans les oasis modernes et sont constituées de sociétés et de
coopératives.

Les producteurs de dattes représentent une population très hétérogène. Cette hétérogénéité
dépend de la part relative de la production de dattes dans leur revenu total. Il existe ainsi deux
types de producteurs :
· Ceux qui vendent « sur pieds » et qui sont présents essentiellement au « Djerid ». Dans
ce cas, les producteurs confient les parcelles à une personne qu’on appelle
« khammes » et qui va se charger de la production des dattes, en contre-partie d’un
cinquième des récoltes en valeur ou en nature ou les deux. Généralement, dans l’oasis
du « Djerid », ces producteurs ne font pas de la production de dattes leur métier
principal. Ils disposent en effet, de parcelles qui font parties de l’héritage familial et
les confient donc au « khammes ».
· Ceux qui vendent « au tonnage ». Il s’agit des agricultures de « Nefzaoua » qui gèrent
eux-mêmes les parcelles.

Les pratiques de récolte et de commercialisation de la datte par les producteurs


Les pratiques de récolte et de commercialisation varient selon la zone de
production notamment entre le « Djerid » et « Fatnassa ». Ainsi, dans le « Djerid », 80% de la
production est vendue sur pied. A « Fatnassa », en revanche, c’est la vente au tonnage qui est
la plus répandue et la plupart des agriculteurs récoltent eux-mêmes les dattes (avec les
membres de la famille et d’autres ouvriers si besoin) (Gendre et al., 2007).

80
Chapitre 2 : Appréhension du terrain tunisien de la datte et de ses spécificités en termes de traçabilité

Quelque soit le type de vente pratiqué (sur pied ou au tonnage), ces agriculteurs privilégient la
variété « Deglet Nour ». En effet, puisque cette variété est vendue principalement sur le
circuit d’exportation, les producteurs sont quasiment assurés de vendre leurs marchandises.
En outre, il convient de dire que ces producteurs n’ont pas une bonne connaissance des
circuits locaux et c’est une des raisons pour lesquelles, ils cherchent à produire les dattes
destinées à l’exportation.

Une autre particularité de la commercialisation de la datte par les producteurs est liée aux
relations qu’ils entretiennent avec leurs clients directs, à savoir les collecteurs. En effet, pour
choisir le collecteur, les agriculteurs/producteurs se basent sur des critères autres que le prix,
tels que les modalités et les délais de paiement, la proximité de l’acheteur ainsi que sur la
sincérité et l’honnêteté de ce dernier. Les relations entre agriculteurs/producteurs et
collecteurs ne se basent pas sur des contrats formels mais plutôt sur des contrats oraux établis
sur la confiance mutuelle.

Les agriculteurs peuvent néanmoins rencontrer plusieurs problèmes. D’un côté, la chute
brutale des prix pendant la campagne23 de récolte ; d’un autre côté, une surestimation de la
production. Il peut exister un partage des risques de déficit entre le producteur et collecteur, et
ce, via un remboursement partiel des sommes. Cependant, les surplus issus d’une sous-
estimation de la production ne peuvent pas être partagés entre producteurs et collecteurs
(Gendre et al., 2007). Ceci montre que le rapport de force est en faveur du collecteur. En effet,
cet acteur dicte aux producteurs ses besoins, peut refuser des lots mal triés et peut également
effectuer un contrôle du local d’entreposage ou des caisses. En somme, dans la relation
agriculteur/producteur-collecteur, le détenteur du pouvoir est le collecteur.

D’autres problèmes peuvent concerner des pratiques liées à la gestion de la qualité des dattes
au niveau des parcelles. Parmi ces problèmes :
· L’irrigation qui présente, selon l’étude de Gendre et al. (2007), un problème en
termes de quantité et de qualité lié essentiellement à la salinité et la température de
l’eau.
· La pose de filets sur les régimes afin d’éviter l’infection des dattes par la
« pyrale »24. Or, cette pratique nécessite des frais supplémentaires sans que ces

23
La campagne ou période de récolte varie en fonction de la variété et de la région de production. Généralement,
elle est entre les mois de septembre et décembre de chaque année.
24
Insecte nuisible aux dattes.
81
Chapitre 2 : Appréhension du terrain tunisien de la datte et de ses spécificités en termes de traçabilité

derniers soient répercutés sur le prix de vente, ce qui dissuade les agriculteurs à s’y
intéresser et à adopter cette pratique.

1.3.2. LES COLLECTEURS


Estimés à 400 par campagne, ils représentent les intermédiaires entre les producteurs et les
autres acteurs du marché local (grossistes, semi-grossistes, détaillants) et du marché export
(entreprises de conditionnement). Environ 70% de la production transite entre les mains des
collecteurs.

Les collecteurs qui achètent plus de 100 Tonnes par campagne, traitent directement avec les
entreprises de conditionnement. Les autres collecteurs (qui achètent moins de 100 Tonnes par
campagne) doivent passer par l’intermédiaire d’un « gros collecteur ». Généralement, le
collecteur reçoit une avance d’argent à la fin du mois d’août de la part des gros collecteurs ou
des conditionneurs exportateurs, selon le cas. Cette avance concerne une quantité
approximative à fournir et prédéfinie à l’avance. La quantité de dattes traitée par le collecteur
dépend de plusieurs variables telles que les moyens financiers dont il dispose, ses capacités
logistiques, son expérience et le temps qu’il peut consacrer à cette activité (Gendre et al.,
2007).

Les collecteurs de dattes pratiquent trois types d’achat de dattes :


ü L’achat sur pied
ü L’achat au tonnage
ü L’achat sur pied et au tonnage. Les plus gros collecteurs sont ceux qui peuvent
pratiquer ces deux types d’achat.

1.3.2.1. Le collecteur achetant sur pied


Le collecteur qui achète sur pied propose, bien avant la période de récolte (août), aux
agriculteurs d’acheter leurs récoltes sur pied en contrepartie d’une somme d’argent prédéfinie.
Cette somme est « calculée sur la base d’une estimation du rendement moyen de chaque
palmier multiplié par le nombre de palmiers » (Gendre et al., 2007, p.14). Les variétés qu’on
peut vendre sur pied sont celles qui sont exportables (Deglet Nour, Alig, Khouet Alig) ainsi
que la variété Kentichi.

Les quantités achetées par ce type de collecteur dépendent de la demande en aval. Le


collecteur va assurer par ses propres moyens les opérations de récolte, de tri et éventuellement

82
Chapitre 2 : Appréhension du terrain tunisien de la datte et de ses spécificités en termes de traçabilité

d’acheminement de la marchandise jusqu’aux entreprises clientes. Pour ce faire, il emploie


des ouvriers journaliers spécialisés et organisés en équipes. Chaque équipe se compose « d’un
chef de chantier, de grimpeurs spécialisés et d’ouvriers au sol » qui se chargent de trier les
branchées, nettoyer les régimes, couper, mettre en caisse la marchandise et, dans certains cas
trier le vrac (Gendre et al., 2007, p.16). Le nombre d’ouvriers par équipe dépend du type
d’oasis. Ainsi, pour les oasis dites « modernes », il est besoin de 10 à 12 ouvriers par équipe,
alors que pour les oasis anciennes, on peut avoir des équipes formées de 18 à 20 ouvriers,
puisque pour ce type d’oasis il est nécessaire de plus de grimpeurs (environ 8 grimpeurs pour
un palmier mesurant de 15 à 20 mètres). La figure n°24 montre toutes les étapes de la récolte
(achat sur pied) aux différents stades (palmier, au pied du palmier, zone de tri25).

Ainsi, le « grimpeur » décroche les régimes, un par un, du palmier avant de les descendre. De
là, un autre ouvrier les récupère alors que d’autres se chargent du tri des dattes en vrac (dattes
non homogènes retirées du régime, dattes tombées du régime). Pour les dattes en vrac, ils
subissent un tri selon leur texture (sèches, demi-molles, etc.). La même procédure est
appliquée aux régimes avec la coupe des épillets26. L’ensemble de la marchandise (dattes en
branches et en vrac) est mis en caisse avant d’être chargé pour le compte du client.

25
La zone de tri peut être située au niveau de la parcelle ou dans un local où des ouvrières se chargent du triage
des dattes en vrac. C’est ce qu’on appelle « le local des femmes ».
26
Un épillet est une branche qui porte des dattes. Un régime est composé de plusieurs épillets.
83
Chapitre 2 : Appréhension du terrain tunisien de la datte et de ses spécificités en termes de traçabilité

Figure n°24 : Récolte de dattes : cas du tri à la parcelle et au local

Régime accroché

Le régime est décroché

Coupe du régime

Descente du régime

Récupération du régime Récupération des dattes tombées du régime

Les dattes non homogènes sont retirées des Vrac


régimes

Régimes dattes Régimes dattes Tri du vrac


demi-molles sèches

Empilement des régimes Vrac dattes Vrac dattes Déchets


sèches demi-molles

Coupe des épillets

Branches dattes Branches dattes


demi-molles sèches Mise en caisse et chargement

Source : Adapté de Gendre et al., 2007.

84
Chapitre 2 : Appréhension du terrain tunisien de la datte et de ses spécificités en termes de traçabilité

Il faut préciser qu’« une parcelle peut être récoltée 2 à 3 fois avec 15 à 20 jours d’intervalle
entre chaque coupe » (Gendre et al., 2007, p.16), ceci s’explique par la différence de maturité
entre les palmiers d’une même parcelle (à cause de leur âge, localisation avec le degré
d’exposition au soleil, au vent, etc.) et entre les régimes (exposition au soleil).

Pour les collecteurs achetant sur pied, le coût global de la récolte (pour une oasis
traditionnelle) s’élève à environ 100DT27/Tonne soit 52.45 €/Tonne28. Ce coût englobe celui
de la main-d’œuvre (15DT/jour/grimpeur et 10DT/jour/ouvrier au sol et 8DT/jour/employée
lors d’un tri de vrac au local des femmes) (Gendre et al., 2007). Il faut noter que la main-
d’œuvre spécialisée sur ces trois catégories est de plus en plus rare et donc qu’elle devient de
plus en plus chère, ce qui se répercute sur le coût global de la récolte. En effet, cette main-
d’œuvre se tourne vers d’autres activités mieux rémunérées dans les grandes villes.
Concernant l’opération de transport (de la parcelle au local de triage et du local aux marchés
de gros), elle est généralement à la charge du collecteur. Par contre, le transport du local vers
les stations de conditionnement des exportateurs, est généralement à la charge des
exportateurs avec leurs propres camions.

L’équation présentée par Gendre et al. (2007) permet de déterminer le profit du collecteur, en
fonction de plusieurs variables, comme suit :
n m p
Rv _ net = å (Vi ´ Pi ) + å (Vk´Pk )-å (vj ´ pj ) - CMO - Ctrans - Cfixe
i=1 k =1 j =1

Avec : vj = Vi + Vk ; Pi Pk
V : Quantité vendue,
v : Quantité achetée,
p : Prix d’achat,

P : Prix de vente,
i : Indice livraison usine,
k : Indice vente des écarts de tri (déchets, variétés non exportables) sur le marché national de
gros et détaillants,
j : Indice producteur
CMO : Coût de la main-d’œuvre,

27
DT : Dinar Tunisien.
28
Selon le cours euro/dinar du 08 juin 2009.
85
Chapitre 2 : Appréhension du terrain tunisien de la datte et de ses spécificités en termes de traçabilité

Ctrans : Coût des transports


Cfixe : Coût fixe

De ce fait, le revenu net peut diminuer si le collecteur surestime les quantités qu’il va récolter

( Vi + Vk vj ) : si « le différentiel entre le prix d’achat des dattes et leur prix moyen de


Vk
vente durant la campagne se réduit » et si « le ratio augmente avec les pluies d’automne
Vi
qui dégradent la production en terme de quantité (chutes de dattes) et de qualité (taches,
fermentations) » (Gendre et al., 2007, p.18).

1.3.2.2. Le collecteur achetant au tonnage


Cette catégorie de collecteurs ne travaille que sur le circuit d’exportation en fournissant aux
exportateurs les variétés qu’ils demandent. Généralement, le collecteur achetant au tonnage
travaille exclusivement pour le compte d’un seul conditionneur/exportateur. Les collecteurs
situés sur les zones de production s’approvisionnent auprès des agriculteurs (qui se chargent
eux-mêmes de la récolte) ou des collecteurs achetant sur pied et ce, au profit des usines de
conditionnement. « Cette forme de collecte est la plus répondue dans la région de Nefzaoua »
(Gendre et al., 2007, p.19).

Ce type de collecteur est rémunéré sur la base d’une commission de l’ordre de 0,03 €/kg
collecté indépendamment de la variété et de la catégorie de dattes. Le collecteur prend dans ce
cas un risque minimum en n’effectuant ni l’opération de récolte ni de transport. Il a trois
catégories de charges : frais de téléphone, frais du local et paiement des ouvriers. Dans
certains cas, ces collecteurs peuvent jouer uniquement le rôle d’intermédiaire entre les usines
et les petits collecteurs en contrepartie d’une commission de l’ordre de 0,015€/kg.

1.3.2.3. Le collecteur achetant sur pied et au tonnage


Ce type de collecteur traite de grandes quantités (600 à 3000 Tonnes par campagne) avec
deux catégories de fournisseurs (agriculteurs pour l’achat sur pied et petits collecteurs pour
l’achat au tonnage). Les dattes collectées sont ainsi destinées aux exportateurs et au marché de
gros, et ce, en fonction des variétés.
Ces collecteurs réalisent des opérations de sous-traitance pour le compte de leurs clients
(entreprises de conditionnement et d’exportation de dattes). En effet, les collecteurs achetant
sur pied et au tonnage peuvent prendre en charge des opérations autres que celles d’un simple
collecteur, telles que le pré-triage, le dénoyautage ou la fumigation de la marchandise à
86
Chapitre 2 : Appréhension du terrain tunisien de la datte et de ses spécificités en termes de traçabilité

destination de leurs clients ainsi que les contrôles qualitatifs et quantitatifs des dattes
collectées. Il s’agit de ce fait, de la catégorie de collecteurs la plus intéressante pour les
conditionneurs et exportateurs de dattes qui disposent des moyens et compétences requises
pour répondre à leur besoins quantitatifs et qualitatifs (variétés et catégories de dattes).

1.3.3. LES EXPORTATEURS CONDITIONNEURS


Les exportateurs/conditionneurs représentent le troisième maillon de la filière des dattes en
Tunisie telle que représentée par la figure n°23.

Le conditionnement des dattes qui est une activité orientée en grande partie vers l’exportation,
passe par différentes étapes comme illustrées par la figure n°25. Il s’agit essentiellement de :

ü La désinsectisation ou fumigation :
Connue sous le nom de « fumigation », cette procédure consiste à traiter les parasites qui
infectent les fruits. Cette désinsectisation s’effectue avec l’action d’un gaz toxique dans un
espace clos.
ü Le triage
Dès l’arrivée à l’usine, les dattes sont triées en trois catégories de produits :
Ø les dattes branchées,
Ø les dattes en vrac de bonne qualité « qualité extra ou I »,
Ø les dattes de seconde qualité ou dattes II.
Ensuite, elles sont réparties en groupes homogènes suivant le degré de maturité, la taille et la
qualité.
ü Le conditionnement
Il s’agit de l’étape finale du traitement des produits pour qu’ils répondent aux cahiers des
charges des clients. Cette étape comprend :
Ø le traitement hygrométrique qui consiste à placer les dattes sèches dans une
ambiance humide (vapeur d’eau) pour les rendre plus molles.
Ø l’addition du glucose pour améliorer la texture ou « le glucosage ».
Ø le séchage est le traitement par l’air chaud qui permet de rendre les dattes
de très molles à plus sèches.

87
Chapitre 2 : Appréhension du terrain tunisien de la datte et de ses spécificités en termes de traçabilité

Figure n°25 : Les étapes du conditionnement des dattes

Contrôle

Fumigation

Triage

Dattes naturelles Dattes conditionnées

Lavage
Branchées En vrac

Traitement hygrométrique
Emballage

Glucosage
Palettisation

Séchage
Expédition

Emballage

Palettisation

Expédition

Source : Documentation de l’API, 2005.

La réussite d’un projet de conditionnement des dattes repose sur plusieurs facteurs tels qu’une
véritable gestion des ressources humaines, une formation sur le respect des règles d’hygiène
et de sécurité alimentaire et la mise en place de système HACCP, de traçabilité et de
certification ISO.

Parmi la cinquantaine de conditionneurs de dattes en Tunisie, 36 entreprises sont totalement


exportatrices. Ces entreprises, réparties entre le Nord et le Sud du pays, conditionnent

88
Chapitre 2 : Appréhension du terrain tunisien de la datte et de ses spécificités en termes de traçabilité

essentiellement la variété « Deglet Nour ». Les dix premiers conditionneurs/exportateurs de


dattes en Tunisie, assurent les deux tiers du tonnage exporté. Il convient de noter, comme le
précisent Gendre et al. (2007, p.12), que « les modalités de fonctionnement des usines sont
calqués sur la structure des récoltes et des ventes ». Comme nous l’avons évoqué au début du
chapitre, il existe deux périodes pendant lesquelles les entreprises enregistrent des ventes
atteignant 95% de la production :
- il s’agit du mois précédent le Ramadan où 80% de la production sera consommée
pendant ce mois de jeûne et ceci, essentiellement, au moment de la rupture du jeûne.
- 15% de la récolte est vendu durant la période de Noël.
De fait, les achats de matières premières (dattes) sont planifiés en fonction de plusieurs
facteurs et données (résultats de la campagne précédente, de la production de l’année, des
commandes pour Noël, du Ramadan et des capacités de stockage des structures « recevantes »
[entrepôts, etc.]), ceci fin août-début septembre.

Les conditionneurs travaillent avec des collecteurs qui traitent des volumes plus ou moins
importants en fonction de la taille des entreprises. Ces deux maillons passent ainsi un accord
concernant des quantités, catégories et variétés bien déterminées permettant aux
conditionneurs exportateurs d’assurer les commandes de Noël et de stocker (dans des
chambres frigorifiques) les quantités nécessaires pour le mois de Ramadan de l’année d’après.

Le prix d’achat des dattes auprès des collecteurs est une information difficile à identifier et à
obtenir de la part des conditionneurs. Cependant, le prix de vente à l’export est régi par une
commission constituée du ministère du commerce, du ministère de l’agriculture et des
ressources hydrauliques et des exportateurs. Cette commission a décidé d’un prix FOB (Free
On Board29) minimum. Ce prix plancher a pour but d’éviter la concurrence entre les
exportateurs.

Malgré ces spécificités ou particularités de l’activité des conditionneurs exportateurs, comme


pour les maillons de la chaîne des dattes présentés précédemment, ces acteurs subissent des
contraintes. Ces dernières sont essentiellement liées (telles qu’indiquées dans le compte rendu
du projet SIRMA 2007) :
ü aux capacités disponibles en entreposage, stockage et moyens logistiques ;

29
Franco à bord.
89
Chapitre 2 : Appréhension du terrain tunisien de la datte et de ses spécificités en termes de traçabilité

ü à l’hétérogénéité des lots livrés, où sont mélangées différentes catégories de


la même variété.

Par ailleurs, la prise en compte des cahiers des charges des clients (essentiellement européens)
est un impératif pour les entreprises exportatrices. Ces dernières doivent se conformer à une
réglementation européenne contraignante. Or, le niveau des avancées réalisées dans ce
domaine diffère d’une entreprise à une autre. En effet, si certaines entreprises disposent
d’outils et de procédés leurs permettant de répondre aux exigences (certification ISO
9001/2000, laboratoire de contrôle qualité, tri précis selon des critères bien déterminés,
démarche traçabilité, etc.), ce n’est pas le cas pour beaucoup d’autres.

1.3.4. LES CIRCUITS NATIONAUX DE COMMERCIALISATION


Il est plus complexe d’analyser ce type de circuit car il fait intervenir de nombreux acteurs de
diverses formes tels que « les commerçants grossistes de fruits… les détaillants spécialisés en
fruits qui possèdent leur propre boutique en dehors des marchés municipaux ; les détaillants
de fruits et légumes sur les marchés municipaux ; les détaillants ambulants et temporaires ;
les détaillants demi-grossistes et pourvoyeurs de centres ruraux » (Rahmani, 1999, p.166).
Ces canaux permettent de commercialiser les variétés de dattes dites « communes », autres
que « Deglet Nour » (Gendre et al., 2007).

1.3.5. LES ACTEURS INSTITUTIONNELS


Plusieurs partenaires institutionnels jouent un rôle important au niveau de la filière des dattes
en Tunisie. Parmi ces acteurs figurent essentiellement le Commissariat Régional de
Développement Agricole (CRDA) et le Groupement Interprofessionnel des Fruits (GIFruits).

1.3.5.1. Le Commissariat Régional de Développement Agricole


Il s’agit d’une structure pluridisciplinaire. Au sein de cette structure, « le département de
production végétale a pour rôle de vulgariser les travaux de recherche auprès des
agriculteurs, de recenser les pratiques culturales sur les différentes oasis afin d’alimenter une
base de données visant à améliorer la traçabilité de la production, d’établir des statistiques
sur la production de l’année » (Gendre et al., 2007, p.24). C’est à travers cette structure que le
ministère de l’agriculture assure la réglementation, le suivi et les conseils des acteurs de la
filière.

90
Chapitre 2 : Appréhension du terrain tunisien de la datte et de ses spécificités en termes de traçabilité

1.3.5.2. Le Groupement Interprofessionnel des Fruits


Les missions de ce groupement interprofessionnel sont essentiellement de :
- « Contribuer à relier les différentes phases par lesquelles transitent les produits de la
datte,
- Fournir une assistance technique aux professionnels,
- Contribuer à l’amélioration de la qualité et de la valorisation de la datte,
- Contribuer à la promotion de la production, à l’approvisionnement des marchés et à
leur rationalisation en intervenant pour éviter le déséquilibre entre l’offre et la
demande.
- Faciliter la concertation entre l’administration et les professionnels de la filière
datte » (Gendre et al., 2007, p.8).

Le GIFruits intervient au niveau des différents maillons de la chaîne d’approvisionnement :


· Pour les producteurs : il assure l’information et la sensibilisation des
agriculteurs/producteurs en leur accordant, par exemple, des subventions de certains
matériels. De plus, en cas de chute des prix, cet organisme met à disposition des petits
agriculteurs (dont la production n’excède pas 10 Tonnes) une capacité de stockage (de
1100 Tonnes au total) moyennant une location à 0,03DT/kg/mois.
· Pour les collecteurs : il contrôle les gros collecteurs pour s’assurer qu’ils répondent
bien aux cahiers des charges.
· Pour les exportateurs : le GIFruits « délivre les autorisations à l’exportation et
supervise la mise en forme des conditions d’agréage » (Gendre et al., 2007, p.25). Il
mène également, dans le cadre des missions précitées, des actions de promotion des
dattes tunisiennes à l’étranger et prospecte de nouveaux marchés.

En plus de ces deux principaux acteurs (CRDA et GIFruits), il existe le CRRAO (Centre
Régional de Recherche en Agronomie Oasienne), situé à « Degache » au Sud du pays et qui a
pour mission d’assurer la recherche sur le palmier-dattier.

1.4. UNE ANALYSE TRANSVERSALE DE LA FILIERE DES


DATTES EN TUNISIE
Il semble important, suite à l’étude des acteurs de la filière, d’étudier quelques thèmes
transversaux en relation avec la filière des dattes et basés essentiellement sur les résultats de
l’étude de l’analyse de Gendre et al. (2007). Ces thèmes concernent les formes d’engagement

91
Chapitre 2 : Appréhension du terrain tunisien de la datte et de ses spécificités en termes de traçabilité

entre acteurs, les flux d’information, la dynamique des prix, la qualité, la gestion du décalage
du Ramadan et les faiblesses de la filière.

1.4.1. LES FORMES D’ENGAGEMENT ENTRE ACTEURS


L’engagement entre les différents maillons de la chaîne se base sur des accords tacites, oraux
suivant le principe de confiance. Ce type d’engagement a l’avantage de laisser une marge de
manœuvre aux différents maillons. Comme l’indiquent Gendre et al. (2007, p.26), « ce mode
d’organisation profite largement du fait que l’offre comme la demande en Deglet el Nour ne
paraissent pas pour l’instant limitantes, que la datte est peu périssable dans le laps de temps
qui sépare sa récolte du conditionnement ou du stockage, que les normes de qualité sont peu
contraignantes et que les pics de consommation et donc de vente sont bien connus ». De plus,
la datte ne nécessite pas de traitements sophistiqués et complexes, ce qui justifie le choix de
contrats oraux entre les différents acteurs.

1.4.2. LES FLUX D’INFORMATION


Il existe deux points saillants concernant les flux d’information liés aux flux de dattes :
ü Il n’existe pas d’échange d’information direct entre les producteurs et les exportateurs.
Ces échanges se font par l’intermédiaire des collecteurs alors que « cette activité
paraît la moins bien encadrée de toute la chaîne » (Gendre et al., 2007, p.26). Ceci
peut représenter une des faiblesses de la chaîne d’approvisionnement de la datte
tunisienne, comme le confirme les propos des responsables appartenant aux différents
organismes d’appui (PMI, GIFruits) : « les collecteurs, le maillon faible de la filière
datte ».
ü Il existe des traces écrites (bordereau de livraison, facture) lors des échanges.
Cependant, nous pouvons nous poser la question suivante, notamment dans la
démarche de traçabilité : Qu’en est-il de l’exploitation de ces informations par les
acteurs ?

1.4.3. LA DYNAMIQUE DES PRIX


La dynamique des prix dépend du type de circuit de commercialisation des dattes. La figure
n°26 représente la variation des prix de dattes sur le circuit national suivant la variété et la
période pour la campagne 2006.

92
Chapitre 2 : Appréhension du terrain tunisien de la datte et de ses spécificités en termes de traçabilité

Figure n°26 : Variation des prix des dattes par variété et période (2006)

Source : Gendre et al., 2007.

Les dattes dites « communes » sont présentes sur le marché national de juillet à septembre.
Par contre, les prix de ces dattes baissent surtout dès l’arrivée sur le marché de la « Deglet
Nour » qui est plus demandée aussi bien sur le marché national qu’international. Pendant la
campagne et durant le reste de l’année, les prix des dattes de variété « Deglet Nour » écoulées
sur le marché national varient considérablement et ce, en fonction de la présentation (régime,
branches, vrac) ; de la catégorie (sèche, demi-sèche, chebeba, déchets) ; des caractéristiques
organoleptiques (couleur, texture, calibre, goût en bouche) et bien évidement de l’équilibre
entre offre et demande. Nous avons ainsi un prix de 3,5DT/kg au début du mois de Ramadan,
ce prix diminue ensuite jusqu’à l’ouverture du circuit d’exportation. Cependant, nous
remarquons une rehausse du prix en fin de campagne où il y a une augmentation de la

93
Chapitre 2 : Appréhension du terrain tunisien de la datte et de ses spécificités en termes de traçabilité

demande des usines afin de satisfaire la demande pour le Ramadan à venir. Il faut préciser que
cette variation des prix est liée à la période de récolte de 2006 avec un mois de Ramadan du
24 septembre au 24 octobre.

La figure n°27 montre une synthèse des prix et des modalités de paiement. Cette
représentation permet d’expliquer comment un kilo de dattes qui, au départ coûte moins d’un
euro en moyenne du fournisseur, arrive chez un consommateur français, par exemple, à huit
euros le kilo.

94
Chapitre 2 : Appréhension du terrain tunisien de la datte et de ses spécificités en termes de traçabilité

Figure n°27 : Synthèse des prix et modalités de paiement

Agriculteurs récoltant eux-mêmes Agriculteurs vendant sur pied

Paiement Paiement immédiat à


Deglet Nour Deglet Nour : l’achat
immédiat branchée : de 0,7 de 0,53 à 0,7
à 0,89 €/kg €/kg Montant total calculé
Espèces Vrac de 0,65 à sur une estimation du
0,76€/kg Autres rendement moyen par
Prix du jour variétés : le nombre de
Autres : de 0,47 0,41à
à 0,53 €/kg 0,47€/kg
palmiers
Espèces ou chèques

Collecteurs achetant au tonnage Collecteurs achetant sur pied


Commission fixe entre 0,03 et 0,06
€/kg

Versement d’une Versement d’une


avance en début de Deglet Nour avance en début de
campagne, branchée : de 0,73 à campagne,
Chèque 0,91€/kg Chèque
Calcul du solde en Vrac : de 0,68 à Calcul du solde en
0,8€/kg
fin de campagne Autres : 0,5 à
fin de campagne
Prix du jour 0,56€/kg Prix du jour

Usine exportatrice-gros collecteurs

P > prix FOB


(2,2€/Kg)

Consommateurs en
Importateurs
France : 8€/kg

Source : Adapté de Gendre et al, 2007.


Légende : P= prix de vente des exportateurs.

95
Chapitre 2 : Appréhension du terrain tunisien de la datte et de ses spécificités en termes de traçabilité

1.4.4. LA QUALITE
Les paramètres qui déterminent la qualité des dattes tels que présentés par Gendre et al. (2007,
p.31) sont : « les paramètres organoleptiques (couleur, texture, goût en bouche, teneur en
sucre), le calibre et la présence d’insectes ou de traces d’insectes ». Il existe ainsi une
classification des dattes selon la qualité en trois catégories de dattes : « Extra », de catégorie
« I » et de catégorie « II ». Cette classification ne concerne que les produits finis exportés et
non pas les lots livrés en amont. En effet, les collecteurs achetant les dattes au tonnage ne
vont pas les différencier selon leur qualité. Et comme indiqué précédemment, les efforts que
peuvent réaliser les agriculteurs en termes de qualité des produits ne vont pas avoir de
conséquence sur le prix.

1.4.5. LA GESTION DU DECALAGE DU RAMADAN


Il existe un problème de décalage du mois de Ramadan qui désormais vient avant la récolte.
Or, la période d’avant et pendant le Ramadan représente le taux de vente le plus important et
où la majeure partie de la production est vendue et ce, pour le marché national et étranger. A
ce problème de décalage, le stockage parait être la solution la plus adaptée. En effet, en
disposant de chambres frigorifiques équipées, les entreprises peuvent stocker les dattes de
chaque campagne jusqu’à la période de vente d’avant et pendant le Ramadan de l’année
prochaine.

1.4.6. LES FAIBLESSES DE LA FILIERE


L’organisation actuelle de la filière des dattes présente un certain nombre de faiblesses. En
effet, malgré des tentatives de valorisation des « ressources génétiques du palmier » (Gendre
et al., 2007), la diversité des variétés est peu exploitée.

Notons également des contraintes liées à l’organisation de la chaîne d’approvisionnement de


la datte tunisienne et des relations entre les acteurs :
ü une forte atomisation de la production,
ü un problème de ressources : les problèmes qualitatifs et quantitatifs de l’eau ainsi que
le manque de main-d’œuvre qui se détourne de cette activité,
ü l’importance de certaines pratiques culturales dans le rendement et la qualité des dattes
n’est pas bien perçue par tous les acteurs,
ü un système de rémunération des producteurs qui ne tient pas compte des efforts en
matière de qualité.

96
Chapitre 2 : Appréhension du terrain tunisien de la datte et de ses spécificités en termes de traçabilité

De fait, nous pouvons constater à partir de la littérature et des différents travaux sur les dattes
tunisiennes, qu’il n’existe pas de stratégie d’ensemble de tous les acteurs de la chaîne et ayant
pour objectif commun de développer la filière des dattes en Tunisie. En définitive, la filière
des dattes est l’une des filières stratégiques de la Tunisie qui fait intervenir et interagir
différents acteurs. Cependant, elle semble présenter un certain nombre de problèmes. C’est
ainsi que parmi les pistes de recherche et d’intervention identifiées par Gendre et al. (2007)
pour enrayer ces problèmes, apparaît la mise en place d’une démarche de traçabilité qui
devrait contribuer à faire évoluer les relations entre acteurs au sein de la chaîne
d’approvisionnement. C’est en cela qu’il semble intéressant de prendre comme terrain d’étude
la filière des dattes en Tunisie et de procéder à une première phase exploratoire de ce terrain.

2. ETAT DE LA TRAÇABILITE DES DATTES EN TUNISIE


La présente étude a pour objectif de procéder à un diagnostic de la pratique de traçabilité dans
le cadre spécifique de la filière des dattes. Ce choix s’explique par la place stratégique
qu’occupe cette filière au niveau des exportations tunisiennes et du rôle socio-économique
considérable qu’elle joue au sein des industries agroalimentaires en Tunisie.

2.1. METHODOLOGIE
Sur le plan méthodologique, nous avons articulé notre première analyse exploratoire en deux
phases (du 21 mai 2007 au 15 juillet 2007) selon le planning suivant :

97
Chapitre 2 : Appréhension du terrain tunisien de la datte et de ses spécificités en termes de traçabilité

Tableau n°7 : Planning de la première phase exploratoire 2007

ETAPES Semaine 1 Semaine 2 Semaine 3 Semaine 4 Semaine 5 Semaine 6 Semaine 7 Semaine 8


21 27MAI 28MAI 3JUIN 4 10 JUIN 11 17 JUIN 18 24 JUIN 25 JUIN 1 JUILLET 2 8 JUILLET 9 15 JUILLET

I- Collecte des données


secondaires
1- Normalisation
2- Contexte
3- Organisation de la
filière des dattes
4- Tunisian Quality
Tracking (TQT)
II- Traitement des
données secondaires
III- Collecte des
données primaires
1- Test du
questionnaire
2- Entreprises de
conditionnement des
dattes (envoi du
questionnaire)
Grand Tunis
Nabeul
Sud
IV- Traitement des
données primaires
Source : Elaboration personnelle

98
Chapitre 2 : Appréhension du terrain tunisien de la datte et de ses spécificités en termes de traçabilité

La première phase a été menée entre le 21 mai et le 10 juin 2007. Elle a eu pour but de
conduire douze entretiens non directifs avec des responsables appartenant à neuf organismes
d’appui afin d’avoir une idée sur le point de vue et le rôle de ces organisations en matière de
traçabilité (Cf. tableau n°8).

Tableau n°8 : Entretiens réalisés avec les responsables d’organismes d’appui

Organisme Responsable
Programme de Modernisation Entretien 1 : Expert qualité,
Industrielle (PMI) normalisation, métrologie
Entretien 2 : Expert qualité
Institut National de la Responsable certification dans
Normalisation et de la Propriété l’agroalimentaire
Industrielle (INNORPI)
Centre Technique de l’Emballage Chef service unité design
et du Conditionnement Responsable communication
(PACKTEC)
GS1Tunisie Responsable consulting, formation
Responsable marketing
Centre Technique de Expert qualité
l’Agroalimentaire (CTAA)
Chambre des conseillers en Président
agriculture
Groupement Interprofessionnel Cadre marketing
des Fruits (GIFruits)
Bureau de Mise à Niveau (BMN) Directeur général
Chambre syndicale nationale des Président
exportateurs de fruits, légumes et
dattes
Source : Elaboration personnelle.

La seconde phase, qui a eu lieu du 11 juin au 15 juillet 2007, a consisté à soumettre un


questionnaire (Cf. annexe n°6) à l’ensemble des conditionneurs de la filière des dattes.
Cette population est constituée de 50 entreprises de conditionnement de dattes en Tunisie
en tenant compte de celles totalement exportatrices et non totalement exportatrices.

99
Chapitre 2 : Appréhension du terrain tunisien de la datte et de ses spécificités en termes de traçabilité

Encadré n° 3 : La construction du questionnaire


Outre la dimension réglementaire liée à la traçabilité (3 items) et des questions générales
sur la stratégie de l’entreprise, ce questionnaire est établi en s’appuyant sur les principes de
base indispensables et indissociables nécessaires à la mise en œuvre de la traçabilité tels
que précisés par GS1 France, présentés au niveau du premier chapitre.
Identifier les produits : Le nombre d’items est égal à 37, regroupé en six thèmes : la
réception de marchandise, le conditionnement, l’emballage et l’étiquetage, le stockage,
l’order picking et l’expédition.
Gérer les liens : Le nombre d’items utilisé pour ce deuxième principe est égal à 11.
Enregistrer les données : 4 items ont été retenus pour spécifier ce troisième principe de
base.
Communiquer : 7 items sont proposés ici.
De plus, le questionnaire tient compte de la dimension technique ou technologique. Pour
cette partie du questionnaire, 10 items ont été retenus. Le questionnaire se base également
sur les Best Practices en la matière tels que présentés par GS1 Belgium & Luxembourg
dont on retrouve les différentes dimensions au niveau de la matrice présentée en annexe
n°3.
En tout, le questionnaire se compose de 8 pages.

L’objectif poursuivi à travers la diffusion de ce questionnaire a été de voir l’aptitude des


entreprises tunisiennes - dans le cadre spécifique des dattes - à répondre aux exigences en
matière de traçabilité et à mettre en place une telle démarche. Malheureusement, il convient
de noter un grand nombre de difficultés rencontrées lors de la phase de collecte d’information
à travers la soumission du questionnaire. Ces dernières sont essentiellement liées à l’accès à
l’information, la disponibilité des responsables logistiques ou autres. En bref, parmi les 50
entreprises contactées lors de cette première phase exploratoire, seule une d’entre elles a
répondu à notre questionnaire. Le questionnaire traité porte sur une entreprise certes, créée
depuis 25 ans et avec un effectif moyen de 500 personnes par an.

Ce faible retour pose déjà une question fondamentale : quels sont réellement le rôle et la place
de la traçabilité agroalimentaire en Tunisie -dans la filière des dattes- pour un si faible retour ?
D’ores et déjà, ce premier constat souligne l’utilité d’une approche plus qualitative auprès des
entreprises afin d’analyser les modes et moyens de la traçabilité pratiqués.

2.2. LES RESULTATS DE L’ETUDE


Ce paragraphe a pour but de mettre en avant les résultats de notre première phase exploratoire
du terrain. Dans un premier temps, nous énonçons les éléments issus de l’analyse des données

100
Chapitre 2 : Appréhension du terrain tunisien de la datte et de ses spécificités en termes de traçabilité

secondaires (documentation, entretiens avec des experts, etc.). Nous présentons, dans un
deuxième temps, les résultats apparus de l’unique questionnaire retourné !

2.2.1. LES RESULTATS APPARUS DE L’ANALYSE DES DONNEES


SECONDAIRES
Les résultats de l’analyse des données secondaires concernent essentiellement la
réglementation en vigueur et le « Tunisian Quality Tracking ».

2.2.1.1. Réglementation en vigueur


En matière de traçabilité et sur le plan réglementaire, les entreprises tunisiennes exportatrices
de dattes sont tenues de respecter la norme ISO 2200030, l’EUREPGAP31 (Euro Retailers
Produce-Good Agriculture Practices) et essentiellement la directive européenne 178/2002.
Cependant, sur le plan national tunisien, il n’existe à ce jour aucune réglementation en matière
de traçabilité. Un projet de loi sur la sécurité alimentaire est en cours de promulgation et
comprend un chapitre dédié à la traçabilité des denrées alimentaires. Ce projet est appuyé par
le Programme de Modernisation Industrielle (PMI) avec un comité de pilotage comprenant de
nombreux acteurs tels que le ministère du commerce et de l’industrie, le ministère de
l’agriculture et le CTAA (Centre Technique de l’AgroAlimentaire) qui assure le secrétariat de
ce groupe de travail. La promulgation et l’application de cette loi étaient prévues pour janvier
2009. Pourtant, au milieu 2010, nous ne disposons pas d’informations confirmant l’entrée en
vigueur de cette loi. En soi, le choix de mettre en place une démarche de traçabilité dans la
filière des dattes est laissé à l’initiative de l’entreprise en fonction de ses besoins, objectifs et
des exigences de ses clients.

2.2.1.2. Le « Tunisian Quality Tracking »


En 2005, un projet pilote en matière de traçabilité a été initié par NetConcept dans le cadre
d’une action du PMI et à la demande du GIFruits. Ce projet s’intitule le « Tunisian Quality
Tracking » ou TQT. Son objectif est de mettre en place une traçabilité amont au niveau de la
filière des dattes, de l’oasis au conditionneur :

Oasis Collecteur Transporteur Conditionneur

30
Une norme internationale, relative à la sécurité des denrées alimentaires.
31
Un référentiel des bonnes pratiques agricoles créé en 1997.
101
Chapitre 2 : Appréhension du terrain tunisien de la datte et de ses spécificités en termes de traçabilité

L’oasis
Grâce au système TQT, on peut remonter à partir d’un lot de dattes jusqu’à l’oasis d’origine
mais on peut également connaître les soins culturaux effectués sur cette oasis durant la
dernière campagne (PMI, 2006).

La première étape de ce projet a été de prendre comme unité de référence des terroirs
regroupant chacun un ensemble de parcelles situé dans un même oasis avec la même
topographie et le même sol, et partageant le même système d’irrigation. Ce choix s’explique
par la présence d’un nombre très important d’agriculteurs (50 000) et d’une double contrainte
argent et temps (entrée en vigueur début 2007 du règlement communautaire 178/2002).
L’ensemble des 135 terroirs répartis principalement, rappelons-le, entre Tozeur et Kébili, a été
ensuite cartographié et édité par le GIFruits dans deux ouvrages (Tozeur et Kébili) constituant
un apport précieux non seulement pour la démarche de traçabilité de la filière des dattes mais
également pour les décideurs économiques et politiques. En effet, ces ouvrages comportent
les photos aériennes de chaque terroir avec ses limites géographiques et ses caractéristiques
(surface, nombre et âge des plantations, etc.).

La seconde étape est liée aux conditions de production. Il s’agit de décrire l’ensemble des
interventions humaines au cours de l’année agricole qui commence par les opérations de
pollinisation (début mars) et finit par la récolte des dattes, l’élagage des palmiers et le
nettoyage du sol (Documentation du PMI). Il a été également convenu d’enregistrer les
données relatives aux techniques culturales utilisées (origine et importance de l’irrigation,
nature de la fumure, nombre et nature des traitements phytosanitaires, etc.), au niveau des
Centres Régionaux de Développement Agricole (CRDA) de Tozeur et Kébili. Les ingénieurs
de ces centres sont en outre tenus de valider les rubriques qu’ils sont appelés à remplir dans
les fiches relatives aux soins culturaux des terroirs. Ces fiches sont renouvelées tous les ans et
remises au GIFruits qui les transmet aux conditionneurs intéressés. Ce qui constitue le
premier étage du système de traçabilité proposé.

Le collecteur
Le collecteur constitue le second maillon de la filière des dattes, qui occupe une place très
importante au niveau de la traçabilité des dattes en Tunisie. Les collecteurs sont tenus de
renseigner une Fiche Lot Expédition (FLE)32 comportant le numéro de lot, les caractéristiques

32
Un exemple de FLE vierge est présenté en annexe n°7.
102
Chapitre 2 : Appréhension du terrain tunisien de la datte et de ses spécificités en termes de traçabilité

quantitatives et qualitatives (origine et variété des dattes, présentation en vrac ou en branches,


conditions de stockage et de traitement éventuel, poids du lot, nature et nombre de colis) ainsi
que les modalités d’expédition à l’usine de conditionnement (mode de transport avec numéro
du véhicule, nom du chauffeur et date d’expédition). Ces fiches sont ensuite transmises aux
conditionneurs qui peuvent les compléter en indiquant le poids de la marchandise à son
arrivée à l’usine.

Afin de garantir une traçabilité amont la plus complète possible et assurer la fiabilité de
l’information (non redondance et intégrité), ainsi qu’un accès sécurisé des utilisateurs aux
informations, un ensemble de Technologie d’Information et de Communication a été mis en
place. Il a été en effet, préconisé de déployer un Web Intranet central pour le GIFruits et
autant de Web’s Intranet qu’il y a de conditionneurs. Ces serveurs permettent d’avoir toutes
les informations nécessaires sur les marchandises (dattes) des différents fournisseurs
provenant d’un terroir défini comme le montre la figure n°28 (capture d’écran) du Web dédié
à cet effet.

103
Chapitre 2 : Appréhension du terrain tunisien de la datte et de ses spécificités en termes de traçabilité

Figure n°28 : Exemple d’une fiche terroir relative à une oasis figurant sur le site Web
Intranet du GIFruits

Source : Documentation GIFruits.

Le Web Intranet du GIFruits regroupe ainsi des informations essentielles telles que :

ü les fiches terroir des oasis (Cf. figure n°28) comprenant chacune :
§ les soins culturaux effectués au cours de chaque campagne agricole,
§ la carte géographique. La figure n°29 présente une cartographie d’un exemple
d’oasis,

104
Chapitre 2 : Appréhension du terrain tunisien de la datte et de ses spécificités en termes de traçabilité

Figure n°29 : Cartographie de l’ancienne oasis de Tozeur (Echelle 1/50000)

Source : Documentation GIFruits.

ü la liste des conditionneurs référencés,


ü les collecteurs inscrits dans les bureaux régionaux. Certains collecteurs peuvent être
inscrits par les conditionneurs eux-mêmes.

Le Web de chaque conditionneur comprend deux interfaces :


ü l’interface du collecteur qui comprend les FLE. Celles-ci sont à créer sur les lieux de
la collecte.
ü l’interface du conditionneur comprend :
§ « les fiches terroirs des oasis (en lecture seule) distribuées par le Web central
du GIFruits.
§ les fiches collecteurs qui vont contenir chacune les FLE générées au quotidien
par chacun d’eux. Bien entendu, l’accès à ces FLE pour le conditionneur est
en lecture seule, et ce, afin de respecter la logique et l’authenticité de la
traçabilité telle qu’exigée par les normes internationales et européennes.
§ les fiches transporteurs impliquées dans la migration du flux matière et
utilisées donc dans chaque FLE créée » (Documentation du PMI).

La figure n°30 qui suit illustre ces propos en schématisant tous les Web’s conditionneurs
organisés autour de celui du GIFruits.
105
Chapitre 2 : Appréhension du terrain tunisien de la datte et de ses spécificités en termes de traçabilité

Figure n°30 : Répartition des Web’s intranet du GIFruits et des conditionneurs de


dattes autour du système de traçabilité en amont de l’unité de conditionnement

Source : Documentation du PMI, 2006.

Actuellement, le système de traçabilité est en rodage, la plupart des entreprises cibles y


adhéreront au cours des prochaines campagnes.

106
Chapitre 2 : Appréhension du terrain tunisien de la datte et de ses spécificités en termes de traçabilité

En plus des résultats issus de la première phase d’analyse, nous présentons ceux apparus suite
au traitement du seul questionnaire retourné.

2.2.2. LES RESULTATS APPARUS DANS LE TRAITEMENT DU


QUESTIONNAIRE
L’entreprise ayant répondu à notre questionnaire réalise principalement son C.A. (Chiffre
d’Affaires) à l’exportation (son marché cible est le marché européen, Sud Est Asiatique et la
Russie) ; elle est donc dans l’obligation de mettre en place une traçabilité fine. A ce titre, le
Responsable Développement (répondant) considère comme prépondérantes toutes les raisons
au recours à la traçabilité, en y intégrant celles spécifiques au marché à l’exportation :

Question n°9-Quelles ont été les raisons qui vous ont poussées à recourir à la
traçabilité de vos produits ?

Enjeux alimentaires
Enjeux réglementaires
Stratégie marketing
Autres, à préciser

Exigence clients, certification ISO9000

Toutefois, le constat général du Responsable Développement est que, malgré tous les efforts
mis en place par les différents organismes spécialistes, il reste du chemin à parcourir avant
que la pratique de la traçabilité des dattes tunisiennes n’atteigne sa pleine maturité. Ainsi, sur
les cinq grands thèmes de difficultés rencontrées dans la mise en place de la traçabilité des
produits, ce responsable énumère en priorité, (1) l’accompagnement du changement, (2)
l’harmonisation des systèmes et (3) la coordination entre les systèmes. Deux thèmes ne sont
pas cités : la lourdeur des investissements et la réorganisation du travail. Selon nous, la
maîtrise de ces deux points peut s’expliquer par le fait que l’entreprise existe depuis 25 ans et
assure un traçage de ses produits depuis 10 ans. L’annexe n°6 présente le questionnaire
retourné.

Sur le plan général, et compte tenu des éléments recueillis à travers les entretiens et le
questionnaire, le manque de fiabilité en la traçabilité de la datte peut s’expliquer par le
morcellement des agriculteurs ainsi que par les difficultés au niveau de la traçabilité client

107
Chapitre 2 : Appréhension du terrain tunisien de la datte et de ses spécificités en termes de traçabilité

(traçabilité aval) et amont, surtout quand le fournisseur détient le monopole. Une attention
particulière doit être également portée au collecteur qui constitue le « chaînon faible » de la
filière des dattes.

CONCLUSION

Ce chapitre a été l’occasion d’apprécier les différents enjeux et acteurs qui apparaissent tout
au long de la chaîne d’approvisionnement de la filière des dattes. Il a pu être ainsi vu que
même si des aides publiques accompagnent la mise en place de la traçabilité de ladite filière,
beaucoup reste à faire. Parmi les principaux retards, il est possible de citer la non-contrainte
règlementaire en termes de traçabilité en Tunisie. De même, la structure organisationnelle des
acteurs (PME) peut limiter les investissements lourds en TIC. En fait, c’est principalement
l’enjeu de l’exportation qui apparaît comme un facteur clé à une mise en place de la traçabilité
en Tunisie.

Ce dernier point est conforté par un premier travail d’exploration mené en 2007 auprès d’un
des plus gros conditionneurs et exportateurs de dattes tunisiennes. Les réponses obtenues au
questionnaire retourné montrent que même s’il existe des aides accompagnatrices, un travail
plus en profondeur est opportun sur les points suivants :
- Normes/Règlements utilisés : règlement européen 178/2002, Eurep-Gap, Norme ISO
22000, IFS33 (International Food Standard), BRC34 (British Retail Consortium).
- Les enjeux associés à la traçabilité : alimentaires, règlementaires, stratégie marketing,
exigence clients, certification ISO 9000.
- Utilisation des informations issues de la traçabilité pour développer des avantages
compétitifs : qualité, image de marque, coût, réponse aux alertes, gestion des risques.
- Difficultés rencontrées lors de la mise en place de la traçabilité des produits :
accompagnement du changement, harmonisation des systèmes, coordination entre les
partenaires.
- Attente des organismes d’appui : Mise à disposition d’une information fiable,
standardisée et reconnue par les intervenants de la filière.

33
Un référentiel de la grande distribution franco-allemande.
34
Un référentiel de certification britannique des produits agroalimentaires.
108
Chapitre 2 : Appréhension du terrain tunisien de la datte et de ses spécificités en termes de traçabilité

En conséquence, et en tant que démarche de management perçue comme nouvelle, dans le


contexte tunisien et notamment celui de la filière des dattes, nous estimons que la traçabilité
peut être définie comme une innovation managériale au sens de Kimberly (1981, cité par
Charreire, 2003, p.7). La traçabilité représente en effet « un éloignement significatif de l’état
du management au moment où il apparaît pour la première fois et où il affecte la nature, la
localisation, la qualité ou la quantité d’information qui est disponible dans un processus de
décision ».

Le contexte tunisien de la datte s’avère donc un terrain intéressant d’étude à approfondir sur
les facteurs d’adoption de la traçabilité. Placé à la fois en phase de démarrage (aides étatiques)
et en maturité (contraintes exportatrices), pays où l’aspect culturel reste encore une difficulté
à gérer (contraintes d’accès au terrain, information difficilement transmise, illettrisme de
certains employés), une analyse qualitative des plus grands de ce secteur permettrait (1) de
faire un point sur les éléments à considérer pour assurer l’adoption de la traçabilité des acteurs
en présence et, (2) de proposer une matrice d’actions juxtaposable pour les entreprises du
secteur en devenir, ainsi que pour d’autres entreprises tunisiennes du secteur alimentaire.

De fait, le point de départ de cette réflexion sur les déterminants de l’adoption de la traçabilité
est lié conjointement à la première revue de la littérature sur la traçabilité et les spécificités de
celle-ci dans le cadre de la filière des dattes tunisienne. Nous cherchons donc à répondre à la
question suivante : Comment favoriser l’adoption de la traçabilité par les entreprises de
conditionnement, maillon central de la filière des dattes en Tunisie ?

Cette réflexion se poursuit au niveau du chapitre 3 à travers une deuxième phase de revue de
la littérature sur la théorie des parties prenantes et celle de diffusion d’une innovation de
Rogers (1962, 2003). Le chapitre 3 est également consacré à l’exposé de nos choix
épistémologiques ainsi que l’élaboration de nos propositions et modèle de recherche.

109
CHAPITRE -3-
LE ROLE FONDAMENTAL DE LA THEORIE
DES PARTIES PRENANTES ET DU MODELE DE
DIFFUSION ET D’ADOPTION D’UNE
INNOVATION D’EVERETT M. ROGERS DANS
L’ADOPTION DE LA TRAÇABILITE

INTRODUCTION

La phase initiale de revue de la littérature et d’exploration du terrain tunisien des dattes nous a
permis de définir la traçabilité à la fois comme une démarche de management stratégique (1)
et comme une innovation managériale (2).

(1) En premier lieu, en tant que démarche stratégique, l’adoption de la traçabilité constitue
une décision stratégique pour l’entreprise. D’une part, ceci implique que l’adoption de la
traçabilité par une entreprise, comme toute décision stratégique, serait influencée par les
parties prenantes de cette entreprise. D’autre part, qu’avant toute décision, l’entreprise doit
tenir compte des intérêts de chacune de ces parties prenantes. De cela, il convient alors de
prendre en compte la théorie des parties prenantes ou « stakeholders theory » comme une des
théories mobilisées dans notre travail de recherche.

Littéralement, « stakeholder » signifie le détenteur d’intérêts, par opposition au


« shareholder », le détenteur d’actions. Le concept de stakeholders ou de parties prenantes a
été avancé par Freeman dans son ouvrage de 1984 intitulé « Strategic Management : A
Stakeholder Approach ». Depuis, l’intérêt porté à ce concept est devenu de plus en plus

110
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

important et constitue un objet d’étude conséquent dans le domaine de « l’éthique des


affaires » (Boatright, 2006). Ainsi, selon les partisans de la théorie des parties prenantes, les
dirigeants ne sont pas seulement responsables de la maximisation de la valeur actionnariale,
ils doivent prendre en compte le bien-être des autres groupes affectés par les décisions de
l’entreprise. En soi, l’objectif de cette théorie est d’étudier les relations qui existent (ou
peuvent exister) entre l’organisation et ses stakeholders.

Le management des parties prenantes et de leurs intérêts a une place importante dans la
littérature en management. Les questions ou problèmes posés à ce sujet concernent plus
particulièrement la relation management des parties prenantes/responsabilité sociale des
entreprises et l’influence de ces parties prenantes sur la performance de l’entreprise et ses
décisions stratégiques.

(2) En deuxième lieu, en considérant la traçabilité comme une innovation (managériale), son
adoption serait conditionnée par un ensemble de facteurs. Les facteurs d’adoption d’une
innovation font l’objet de nombreuses théories telles que celle de la diffusion et l’adoption
d’une innovation de Rogers (1962). Dans la continuité de ses premiers écrits, Rogers (2003,
p.12) définit l’innovation comme « an idea, practice, or object that is perceived as new by an
individual or other unit of adoption »35. De ce fait, si une idée est perçue comme nouvelle par
un individu, elle peut être considérée comme une innovation. Cependant, toutes les
innovations ne sont pas forcement désirées par l’individu et le système social. Une même
innovation peut être « désirée » par un « adopteur » ou un « adoptant » qui se trouve dans une
situation donnée, ou à l’inverse « rejetée » par un autre se trouvant dans une situation
différente. Ce constat peut être transposé au cas de la traçabilité.

Les recherches sur la diffusion et l’adoption d’innovation ont été conduites par de nombreux
chercheurs dans différentes disciplines. Cependant, la « Diffusion of Innovations Theory »
reste la référence en la matière. Cette théorie a influencé considérablement le concept de
management d’innovation. La « Diffusion of Innovations Theory », avancée par Rogers dans
son ouvrage de 1962 « Diffusion of innovations », se base sur plusieurs théories et approches
en sociologie, psychologie et communication.

35
Une idée, une pratique ou un objet perçu comme nouveau par un individu ou toute autre unité d’adoption.
111
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

Dans le cadre de notre réflexion, nous estimons donc que l’adoption de la traçabilité peut
prendre appui sur la théorie de la diffusion d’une innovation telle que promue par Rogers
(1962, 2003). Dans cette perspective, ce chapitre nous permet d’étudier la théorie des parties
prenantes et le modèle de diffusion d’une innovation de Rogers. Nous concluons le chapitre
par l’exposé de nos choix épistémologiques et l’établissement de notre modèle d’adoption de
la traçabilité en présentant nos différentes propositions de recherches.

1. L’APPORT DE LA THEORIE DES PARTIES PRENANTES


La théorie des parties prenantes (TPP) a fait l’objet d’interprétations divergentes et
concurrentes. Au sens managérial « étroit », elle est considérée comme un outil d’analyse de
l’environnement organisationnel. Dans une perspective « élargie », on la définit comme étant
une véritable théorie de la firme visant à reformuler les objectifs organisationnels pour y
intégrer une dimension éthique. Il semble donc nécessaire d’examiner l’origine et le cadre
théorique liés à la diversité des approches théoriques en lien avec la TPP, tout en mettant
l’accent sur l’importance de cette notion dans la prise des décisions stratégiques des
entreprises et notamment celle de l’adoption de la traçabilité.

1.1. ORIGINES ET DEFINITIONS DE LA NOTION


« STAKEHOLDER »
A travers la théorie des parties prenantes, les auteurs ont souhaité changer la vision
traditionnelle de l’entreprise qui consiste, pour les dirigeants, à chercher la maximisation du
profit et des intérêts des actionnaires sans tenir compte de ceux des autres intervenants
internes ou externes à l’entreprise. Or, il convient de remarquer que la recherche d’un
équilibre des intérêts souvent divergents des différents intervenants n’est pas récente. En effet,
elle fut avancée dès le début des années vingt avec des auteurs tels que Follet (1918). Comme
le souligne Bouglet (2005), les premiers auteurs qui ont émis l’idée de prendre en
considération les divers intervenants internes et externes dans la prise de décision des
dirigeants furent Follet (1918), Dodd (1932) et Barnard (1938), bien qu’ils n’aient pas
employés le terme propre de « parties prenantes ». En effet, ces derniers ont plutôt « émis
l’idée que l’entreprise doit équilibrer les intérêts concurrents des divers participants, dans le
but de maintenir leur nécessaire coopération » (Bouglet, 2005, p.6).

112
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

Depuis ces travaux fondateurs, le sujet a été largement débattu mais la notion de
« stakeholders » a été essentiellement définie par des auteurs anglo-saxons. Le sens fourni
n’est pas identique pour tous les auteurs (Stanford Research Institute, 1963 ; Rhenman et
Stymne, 1965 ; Sturdivant, 1979 ; Mitroff, 1983 ; cités par Mercier et Gond, 2005). Ce n’est
qu’au milieu des années 1980, en se basant sur les travaux de Emshoff (1978) et de Mitroff et
Mason (1982), que Freeman (1984) a avancé véritablement le concept de « partie prenante »
ou « stakeholder » avec son ouvrage « Strategic Management : A Stakeholder Approach ». Sa
définition est la plus communément admise et reprise largement par la littérature. Ainsi, selon
Freeman (1984, p.46), une partie prenante est « any group or individual who can affect or is
affected by the achievement of the organisation’s objectives »36. Par la suite, Hill et Jones
(1992, p.133) spécifient que « the term stakeholders refers to groups of constituents who have
a legitimate claim on the firm »37. Dans cette définition avancée par Hill et Jones (1992), les
auteurs ne retiennent que les parties prenantes ayant un droit légitime sur l’entreprise, ce qui
rejoint l’idée développée par la suite par Clarkson (1995, p.106) : « persons or groups that
have, or claim, ownership, rights, or interests in a corporation and its activities, past, present,
or future »38.

Selon Mercier (2002, p.38), les stakeholders sont « les agents ou groupes d’agents pour
lesquels le développement et la bonne santé de l’entreprise constituent un enjeu important ».
Cet auteur considère qu’une partie prenante peut être affectée sans pouvoir affecter
l’entreprise et que l’entreprise peut, elle aussi, être affectée par les parties prenantes sans les
affecter.

En définitive, une littérature abonde sur les parties prenantes et révèle que ces dernières sont
généralement définies suivant deux types :
Ø une définition qui -au sens étroit- considère les parties prenantes comme des individus
ou groupes qui sont nécessaires pour la survie et la réussite de l’entreprise. Il s’agit de
définitions telles que celles données par Hill et Jones (1992) et Clarkson (1995).
Ø une définition au sens large qui renvoie à celle donnée par Freeman (1984), soit tout

individu ou groupes pouvant affecter ou être affecté par les décisions de l’entreprise.

36
Tout individu ou groupe d’individus qui peut affecter ou être affecté par la réalisation des objectifs d’une
organisation.
37
Les groupes de participants possédant un droit légitime sur l’entreprise.
38
Personnes ou groupes qui ont, ou revendiquent, une part de propriété, de droits ou d’intérêts dans l’entreprise
et dans ses activités, dans le passé, présent et futur.
113
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

Or, cette vision large de la notion de « stakeholders » semble poser des problèmes. Ainsi,
selon Sternberg (2001), toute personne ou groupe pourrait revendiquer son statut de partie
prenante pour une entreprise. L’élaboration des typologies s’avère donc nécessaire comme
solution pour les problèmes liés à l’identification des parties prenantes.

1.2. LES TYPOLOGIES DES PARTIES PRENANTES


Plusieurs classifications des parties prenantes sont proposées dans la littérature. On peut citer
parmi les plus connues :

Ø La classification d’Evan et Freeman (1983) : il s’agit du modèle généralement utilisé


pour représenter les parties prenantes de l’entreprise à savoir : le manager, les
propriétaires, les fournisseurs, les salariés, les clients et la communauté locale (Cf.
figure n°31).

Figure n°31 : Modèle de l’entreprise en termes de parties prenantes


d’Evan et Freeman (1983)

Manager

Communauté
Propriétaires locale

L’entreprise

Fournisseurs Client

Salariés

Source : Cazal (2005), adapté d’Evan et Freeman (1983).

Ø La classification de Clarkson (1995) : pour cet auteur, les parties prenantes qui
possèdent des intérêts, droits ou besoins similaires, peuvent être classées dans le même
groupe. Il identifie deux catégories de parties prenantes : les parties prenantes

114
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

primaires ou « primary stakeholders » et les parties prenantes secondaires ou


« secondary stakeholders ».
- Les parties prenantes dites primaires ont une relation contractuelle et formelle
avec l’entreprise. L’entreprise ne peut pas survivre sans elles. Il existe un degré
d’interdépendance élevé entre l’entreprise et ce groupe de parties prenantes. Il
s’agit des actionnaires et investisseurs, des employés, des clients et des
fournisseurs. Ce groupe se compose également de ce que Clarkson (1995)
appelle « public stakeholdergroup » qui comprend l’Etat et les communautés
fournissant des infrastructures et définissant des réglementations à respecter
par toute entreprise. Globalement, si une entreprise ne satisfait pas les intérêts
de l’une de ces parties prenantes primaires, elle peut mettre en danger sa
survie.
- Les parties prenantes secondaires ont une influence potentielle sur l’entreprise
ou peuvent en subir de sa part. Cependant, ce type de parties prenantes n’est
pas essentiel pour la survie de l’entreprise car ne possédant pas de relations
contractuelles avec elle. Plus particulièrement, il s’agit des médias et de
certains groupes d’intérêts spécifiques. Ce groupe de parties prenantes possède
la capacité de mobiliser l’opinion publique en faveur ou contre certaines
décisions de l’entreprise. Même si ce groupe n’affecte pas la survie de
l’entreprise, il peut causer un dommage important. Clarkson (1995) fait
référence à ce niveau aux propos de Freeman (1984, p.53): « some groups may
have as an objective simply to interfere with smooth operations of our
business »39.
Ø La classification de Carroll et Näsi (1997) qui distingue les parties prenantes internes
à l’entreprise ou « internal stakeholders » (employés, propriétaires, managers) et les
parties prenantes externes ou « external stakeholders » (consommateurs, concurrents,
gouvernements, groupes de pression, médias, communauté, etc.).
Ø La classification de Pelle-Culpin (1998) (cité par Damak-Ayadi et Pesqueux, 2003,
p.4) et qui se base sur les dimensions de la RSE (Responsabilité Sociale des
Entreprises) pour proposer trois catégories de parties prenantes :
- Parties prenantes institutionnelles d’où émanent des lois, réglementations, etc.

39
Certains groupes peuvent avoir comme objectif de s’opposer au bon fonctionnement des activités de
l’entreprise.
115
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

- Parties prenantes économiques : on retrouve dans cette catégorie « les acteurs


opérant sur les marchés de l’entreprise concernée ».
- Parties prenantes éthiques telles que « les organismes de pression éthiques ».
Ø La classification de Friedman et Miles (2002) : ces chercheurs proposent une
classification des parties prenantes en quatre catégories et ce, en se basant sur le
modèle « Realist Social Theory » de Archer (1995). L’objectif est de montrer le lien
entre l’entreprise et les autres parties prenantes. On trouve ainsi :
- les relations entre l’entreprise et ses parties prenantes sont nécessaires et
compatibles avec les intérêts de l’organisation. Les parties prenantes relevant
de ce groupe peuvent être les actionnaires ainsi que le « top management ».
- les relations entre l’entreprise et ses parties prenantes sont nécessaires mais
incompatibles. On trouve ici les salariés, le gouvernement, les clients, les
fournisseurs, les prêteurs et certaines ONG (Organisations Non
Gouvernementales).
- les relations entre l’entreprise et ses parties prenantes sont contingentes et
compatibles. Tel est le cas pour le public en général et les organisations
connectées dans les associations communes.
- les relations entre l’entreprise et ses parties prenantes sont contingentes mais
incompatibles, ceci dans le cadre de certaines ONG.
Ø La classification de Pesqueux (2002) où deux types de parties prenantes se croisent :
- les parties prenantes contractuelles : en relation directe et contractuelle avec
l’entreprise (actionnaires, investisseurs, salariés, clients, fournisseurs).
- Les parties prenantes diffuses : « les acteurs situés autour de l’entreprise
envers lesquels l’action de cette entreprise se trouve impactée mais sans pour
autant se trouver en lien contractuel » (Pesqueux, 2002, p.157) tels que les
organismes publics, les collectivités locales, les ONG et l’opinion publique.
Ø La classification selon Lepineux (2003) où on peut distinguer entre :
- les actionnaires ou « shareholders » ;
- les parties prenantes internes (salariés, syndicats) ;
- les partenaires opérationnels (clients, fournisseurs, banque, assurance, sous-
traitants) ;
- la communauté sociale (pouvoirs publics, ONG, société civile, associations,
etc.) ;

116
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

- les concurrents.

Il existe d’autres typologies qui permettent de distinguer les parties prenantes selon leur
intérêt (économique, sociologique), leurs relations avec l’entreprise (volontaires/non
volontaires, contractuelles/non contractuelles), leur portée (nationale, internationale) ainsi que
leurs contributions en termes de capitaux et ressources (Cazal, 2005).

Ainsi donc, la revue de la littérature dévoile une panoplie de typologies ou de classifications


des parties prenantes. Cependant, une question se pose à ce niveau : « Comment peut-on
identifier les parties prenantes d’une entreprise ? ».

Mitchell et al. (1997) ont traité le sujet de la théorie des parties prenantes sous cet angle en
tentant d’aller au-delà de la simple énumération et classification des parties prenantes. Leur
modèle transparait comme le modèle de référence dans la littérature. A ce titre, ces trois
chercheurs se sont basés sur les travaux antérieurs concernant la théorie des parties prenantes
mais également sur la théorie de l’agence et la théorie des coûts de transaction, ceci afin
d’établir leur modèle d’identification des parties prenantes. Ce modèle s’appuie sur trois
caractéristiques appelées « attributs » qui déterminent le degré de priorité accordé à une partie
prenante, et permettant ainsi de les différencier en termes de pertinence. En cela, il convient
d’apprécier :
(1) Le « power » ou le pouvoir comme la capacité d’influencer les décisions
organisationnelles. Ce pouvoir est d’autant plus important que les ressources que
possède la partie prenante sont nécessaires pour l’entreprise et difficiles d’accès
(exclusivité des ressources détenue par la partie prenante).
(2) La « legitimacy » ou la légitimité par le degré de légitimité dans les relations des
parties prenantes avec l’entreprise. Les actions de ces acteurs (parties prenantes) sont
considérées comme « convenables » et acceptables par l’entreprise.
(3) L’« urgency » ou l’urgence des droits que les parties prenantes peuvent prétendre
exercer sur l’entreprise.
A ce niveau, et tout comme Weber (1947), Mitchell et al. (1997) considèrent que le pouvoir et
la légitimité sont distincts mais combinés. En cela, ces deux premiers attributs forment
l’autorité. En résumé, en combinant ces trois attributs, Mitchell et al. (1997) proposent une
typologie des parties prenantes en fonction du degré d’influence qu’ils peuvent avoir sur les
décisions managériales d’une entreprise. Leur objectif est de distinguer entre les parties

117
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

prenantes et les non parties prenantes : « separate stakeholders from nonstakheolders »


(Mitchell et al., 1997, p.854). Suite à l’analyse des différentes combinaisons des attributs, les
auteurs aboutissent à une typologie des parties prenantes comme illustrée dans la figure qui
suit. Ce schéma dit « en roue de bicyclette » a pour rôle de donner au dirigeant une meilleure
visibilité des parties prenantes et des priorités à accorder à chacune d’elles. Ces priorités
s’établissent par le nombre d’attributs que possède chaque partie prenante et qui reflète son
importance pour les décisions stratégiques des entreprises.

Figure n°32 : Identification des parties prenantes de Mitchell et al. (1997)

POUVOIR LEGITIMITE

URGENCE
Source : Adapté de Mitchell et al. (1997).
Légende : PP : parties prenantes ; En gras les parties prenantes potentielles ; En italique, les parties prenantes
latentes.

118
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

Ainsi, à partir de la distinction des trois critères de pouvoir, légitimité et urgence, Mitchell et
al. (1997) définissent quatre grands groupes de parties prenantes : les parties prenantes
définitives, les parties prenantes potentielles, les parties prenantes latentes et les parties non
prenantes ou non parties prenantes :
Ø les parties prenantes définitives ou « definitive stakeholders » sont les plus critiques.
Elles réunissent les trois critères de : pouvoir, légitimité et urgence. L’attention
accordée à ce type de parties prenantes doit être très importante.
Ø les parties prenantes potentielles ou « expectant stakeholders » sont celles réunissant
deux des trois critères. Elles requièrent un traitement approprié de la part de
l’entreprise. Il existe trois types de parties prenantes potentielles :
· « Dominant stakeholders » ou parties prenantes dominantes qui possèdent le
pouvoir et la légitimité. Leurs influences sur les décisions stratégiques de la
firme sont effectives. Le manager doit donc porter une grande attention à leurs
attentes.
· « Dependant stakeholders » ou parties prenantes dépendantes qui sont
caractérisées par les attributs légitimité et urgence. Cependant, ce type de
partie prenante ne possède pas l’attribut pouvoir et reste dépendant des autres
parties prenantes ou du manager.
· « Dangerous stakeholders » ou parties prenantes dangereuses. Elles sont
dangereuses puisqu’elles possèdent l’attribut pouvoir et urgence mais leurs
actes ne sont pas légitimes. L’exemple donné par Mitchell et al. (1997) est
celui des terroristes qui kidnappent ou tuent des personnes afin qu’on satisfasse
leurs demandes (rançons, revendications politiques ou religieuses).
Ø les parties prenantes latentes ou « latent stakeholders » ne se voit attribuer qu’un seul
critère. Malgré le fait que leur prise en compte n’est pas prioritaire, elles constituent
néanmoins un risque potentiel pour l’entreprise. Il existe trois types de parties
prenantes latentes :
· « Dormant stakeholders » ou parties prenantes en sommeil. Ce type de parties
prenantes détient le pouvoir d’imposer sa volonté mais ne possède pas de
légitimité dans sa relation avec l’entreprise, ni le critère d’urgence. De fait, il
possède le pouvoir mais ne l’utilise pas.
· « Discretionary stakeholders » ou parties prenantes discrétionnaires. Ce type de
parties prenantes possède uniquement l’attribut légitimité. Ne possédant pas de

119
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

pouvoir ni d’urgence, les parties prenantes discrétionnaires ne peuvent pas


engager de pression sur l’entreprise. Il s’agit par exemple des actionnaires
minoritaires.
· « Demanding stakeholders » ou parties prenantes demandeuses qui sont
caractérisées par l’attribut urgence. Mitchell et al. (1997, p.875) les décrivent
comme des « mosquitoes buzzing in the ears of managers »40 pour souligner le
fait qu’ils s’agitent mais n’attirent pas l’attention des managers.
Ø enfin, les groupes qui ne possèdent aucun critère ne sont pas considérés comme parties
prenantes.
Ainsi, il n’existerait pas de parties prenantes dans l’absolu. Ceci dépendrait de plusieurs
facteurs relatifs aux trois attributs énoncés par Mitchell et al. (1997).

Le second point analysé dans les travaux de recherche concernant la théorie des parties
prenantes est la mise en place d’« une taxonomie » également appelée vision ou dimension
des différentes approches de la théorie.

1.3. TAXONOMIE DES APPROCHES DE LA THEORIE DES


PARTIES PRENANTES
Comme le précisent Donaldson et Preston (1995), l’un des problèmes centraux dans
l’évolution de la théorie des parties prenantes est la confusion qu’il y a autour de sa nature et
de son objectif. En effet, la littérature qui porte sur le management des parties prenantes
révèle qu’il existe trois aspects de la théorie des parties prenantes certes inter-reliés mais qui
s’appuient sur des arguments différents et qui ont des implications distinctes. Il s’agit des
approches descriptive, instrumentale et normative.

1.3.1. L’APPROCHE DESCRIPTIVE


L’une des thèses de Donaldson et Preston (1995) est que la théorie des parties prenantes est
indéniablement descriptive. Pour ces deux chercheurs, la théorie des parties prenantes décrit
l’entreprise « as a constellation of cooperative and competitive interests possessing intrinsic
value »41 (Donaldson et Preston, 1995, p.66). Dans ce cas, la théorie des parties prenantes est
utilisée pour décrire et expliquer les caractéristiques de l’entreprise, sa nature, les parties

40
Moustiques bourdonnant dans les oreilles des gestionnaires.
41
L’entreprise est appréhendée comme une constellation d’intérêts coopératifs et compétitifs possédant une
valeur intrinsèque.
120
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

prenantes visées et ce que pensent les managers des intérêts de celles-ci. Dans cette version, la
théorie des parties prenantes conduit donc à « une description des relations
entre l’organisation et son environnement » (Mercier, 2001, p.7).

1.3.2. L’APPROCHE INSTRUMENTALE


La théorie des parties prenantes est également une théorie instrumentale. Elle permet
d’examiner la relation entre le management des parties prenantes et le fait d’atteindre les
objectifs de l’entreprise en termes de performance. Selon Donaldson et Preston (1995), les
entreprises qui tiennent compte des intérêts de leurs parties prenantes sont, toutes choses
égales par ailleurs, les plus performantes en termes de rentabilité, croissance, etc. Donc, dans
ce sens, la théorie des parties prenantes permet d’identifier les relations entre le management
des parties prenantes et la satisfaction des objectifs traditionnels de l’entreprise (croissance,
rentabilité). Sur cette approche, Donaldson et Preston (1995) font référence aux travaux de
Kotter et Heskett (1992) qui observent que le point commun entre le succès de certaines
entreprises comme Hewlett Packard, Wal-Mart, Dayton Hudson est le partage de la même
vision concernant le fait de devoir tenir compte des parties prenantes et de leurs intérêts.

Toujours selon cette approche, la connaissance de la nature et du degré d’influence des parties
prenantes constitue une information importante pour l’entreprise. Le management des parties
prenantes va donc avoir un effet positif sur la performance de l’entreprise en termes de
profitabilité, de stabilité, de croissance, etc. La gestion stratégique des parties prenantes aurait
ainsi pour but de satisfaire les besoins des actionnaires et d’atteindre leurs objectifs (Berman
et al., 1999 ; Mercier, 2001).

Toutefois, ces deux dimensions descriptive et instrumentale peuvent être regroupées en une
première variante dite « empirique ». L’autre variante est celle normative (Damak-Ayadi et
Pesqueux, 2003).

1.3.3. L’APPROCHE NORMATIVE


Selon Mercier (2001, p.10), l’article fondateur de cette approche est celui d’Evan et Freeman
(1988) avec deux principes de management :
- « l’entreprise doit être dirigée pour le bénéfice de ses stakeholders, ceux-ci doivent être
reconnus et participer aux décisions qui affectent leur bien-être ;
- les dirigeants ont une relation fiduciaire avec les stakeholders ».

121
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

Dans la même veine, pour Evan et Freeman (1993, cité par Gond et Mercier, 2004, p.9), avec
la théorie des parties prenantes, « la firme est appréhendée comme un véhicule permettant de
coordonner les intérêts des différents SH42 ».

Dans cette version de la théorie des parties prenantes, l’entreprise doit satisfaire les intérêts
des différentes parties prenantes actionnaires et non actionnaires. A ce niveau, deux notions
très importantes sont présentées à savoir le principe d’« équité » et les théories de justice.
Freeman (1994, cité par Gond et Mercier, 2004, p.9) s’inspire des principes de justice de
Rawls (1971) : « chacun a droit à une égale considération, c’est-à-dire à être traité de
manière équitable ».

En fait, pour Donaldson et Preston (1995), la base fondamentale de la théorie des parties
prenantes reste l’approche normative et repose sur deux idées principales :
Ø Les parties prenantes possèdent des intérêts légitimes au niveau de l’entreprise
et de ses activités ;
Ø Les intérêts des parties prenantes ont une valeur « intrinsèque ». Ces intérêts
doivent être ainsi pris en considération par l’entreprise comme une fin en soi et
non pas parce qu’ils peuvent servir les intérêts d’autres groupes comme les
actionnaires.

En conclusion, la théorie des parties prenantes peut être utilisée dans une version descriptive,
instrumentale ou normative. Or, dans la littérature, on a tendance à combiner les trois
approches sans le reconnaître. Mais, comme le soulignent Donaldson et Preston (1995), ces
trois approches sont inter-reliées et se supportent mutuellement ; quoique l’aspect normatif
reste le plus fondamental.

1.4. UNE ANALYSE CRITIQUE DE LA THEORIE DES PARTIES


PRENANTES
Plusieurs critiques ont été formulées au sujet de la théorie des parties prenantes et des
différentes approches qui y sont associées. Ces insuffisances sont principalement liées au
manque de clarté des implications managériales de la théorie des parties prenantes et à ses
fondements normatifs (Mercier, 2001).

42
SH : stakeholders ou parties prenantes.
122
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

Une première confusion persiste au niveau de l’identification des parties prenantes, puisqu’un
même individu peut appartenir à plusieurs groupes. Un autre problème se pose également sur
la délimitation des frontières de l’entreprise ainsi que de la dépendance de l’entreprise et de
ses obligations envers ses parties prenantes qui reste une notion vague. En effet, la théorie ne
clarifie pas le contenu exact de ces obligations.

Nous présentons les deux exemples de critiques les plus fréquentes dans la littérature. Il
s’agit, d’une part, du manque de clarté des objectifs organisationnels et, d’autre part, de la
confusion sur la nature de la responsabilité.

Ø Le manque de clarté des objectifs organisationnels


Le fait de reconnaître les intérêts des parties prenantes et de développer des stratégies pour y
répondre peut être à l’encontre de l’existence d’objectifs organisationnels clairs. En ce sens,
« l’entreprise qui doit gérer les relations avec ses PP selon les préconisations de la TPP
risque de devenir une entreprise ingouvernable en créant une confusion sur les buts à suivre »
(Mercier, 2001, p.15). En effet, avec la théorie des parties prenantes, la réussite d’une
entreprise n’est pas forcément liée à la réalisation de ses objectifs organisationnels mais plutôt
de la manière dont elle gère ses parties prenantes et leurs intérêts (Goodpaster, 1991 ; Mercier,
2001).

Ø La confusion sur la nature de la responsabilité


Selon certains chercheurs, la dimension normative de la théorie des parties prenantes conduit
à une confusion entre les responsabilités et les objectifs organisationnels. Dans ce sens, les
intérêts des parties prenantes constitueraient des contraintes et non pas des buts en soi pour
l’entreprise. Ainsi, pour les chercheurs qui supportent cette idée, la satisfaction des besoins
des parties prenantes permet simplement l’aboutissement de l’objectif ultime pour l’entreprise
qui est celui de la maximisation du profit. Certes, les managers doivent respecter les parties
prenantes, mais cela ne leur donne pas le droit de gouverner l’entreprise et ses décisions
stratégiques (Levitt, 1958 ; Gibson, 2000). Tout ceci remet ainsi en cause la légitimité des
revendications des parties prenantes.

Un deuxième aspect concerne la « hiérarchisation des priorités ». En effet, pour certains


auteurs, la « stakeholders theory » ne donne pas de précision concernant la distribution des
pouvoirs entre parties prenantes. Elle « n’indique quasiment jamais comment les PP peuvent

123
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

être représentées ou comment distribuer le pouvoir de façon à assurer la protection des


intérêts de chacun » (Ambler et Wilson, 1995, p.33 ; cité par Mercier, 2001, p.14).

De plus, certains auteurs défendent le modèle traditionnel où les dirigeants doivent chercher à
maximiser uniquement les profits des actionnaires. Il est donc difficile de concilier entre les
obligations fiduciaires envers les actionnaires et celles envers les parties prenantes. De plus, il
y a une impossibilité de trouver un équilibre entre les intérêts (souvent contradictoires et
divergents) des différentes parties prenantes (Goodpaster, 1991 ; Mercier, 2001). En découle,
pour Metcalfe (1998, p.32), que « in today’s highly competitive environment businesses which
do not concentrate on success are likely to fail - to the detriment of all stakeholders »43. Ainsi,
il est dangereux de donner des droits à des groupes qui peuvent bénéficier du succès de
l’entreprise sans y contribuer.

En bref, la théorie des parties prenantes a fait l’objet de nombreuses critiques en rapport avec
les dimensions éthique et empirique, la divergence des intérêts des différentes parties
prenantes ainsi qu’aux différents modèles d’identification de ces « stakeholders » qui reste
encore un concept vague. Cependant, cette théorie joue un rôle indéniable dans la prise des
décisions stratégiques et permet, entre autres choses, de garantir le succès de la performance
économique de l’organisation, sachant qu’il convient de reconnaître le rôle de chaque acteur
dans le partage des gains. Il apparaît donc comme nécessaire pour le manager d’avoir une
gestion efficace de ses « stakeholders ».

1.5. LA THEORIE DES PARTIES PRENANTES ET LE


MANAGEMENT STRATEGIQUE
Les fondements de la théorie des parties prenantes font l’objet de plusieurs études qui ont
attestées de sa fiabilité. A ce titre, Harrison et Freeman (1999) présentent six recherches
empiriques qui traitent des idées fondamentales de la « stakeholders theory » :
(1) Berman et al. (1999) développent deux modèles autour des deux perspectives
empirique et normative de la théorie des parties prenantes. Selon leur premier modèle :
« strategic stakeholder management » qui repose sur une approche instrumentale,
l’intérêt porté aux parties prenantes est motivé par l’avantage perçu en termes de
43
« Dans un environnement hautement concurrentiel, les entreprises qui ne se concentrent pas sur la réussite
économique sont condamnées à disparaître et ce, au détriment de toutes les parties prenantes » (Traduction de
Mercier, 2001, p.18).
124
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

performance financière. Leur second modèle se réfère à l’engagement moral qu’a


l’entreprise envers ses parties prenantes. Ainsi, cette obligation morale va développer
et former la stratégie des firmes et influencer par là sa performance financière. Berman
et al. (1999) ont testé empiriquement ces deux modèles. Le résultat de ce test montre
la prédominance de l’approche instrumentale.
(2) Agle et al. (1999) testent le modèle de Mitchell et al. (1997) qui identifie les parties
prenantes suivant les trois attribues : pouvoir, légitimité, urgence. Pour cela, ils ont
utilisé des données obtenues du « CEO » (Chef Executive Officer) combinées avec des
données relatives à la performance sociale et financière de chaque entreprise testée (80
entreprises américaines). Leurs résultats confirment le modèle de Mitchell et al.
(1997). Dans ce sens, plus la partie prenante possède d’attributs, plus l’attention que
lui accorde le manager est importante.
(3) Un autre point important concerne la nécessité d’avoir un équilibre entre les intérêts
(pouvant être divergents) des différentes parties prenantes. Ogden et Watson (1999)
examinent « l’habilité » des compagnies d’eau britanniques à respecter un équilibre
entre l’intérêt des actionnaires et celui des consommateurs. Pour examiner cet aspect,
ils se sont basés sur des données concernant la performance du marché ainsi que des
informations gouvernementales sur les services accordés aux consommateurs. Leur
conclusion est que l’augmentation du degré de service accordé aux consommateurs a
eu une répercussion négative sur la rentabilité à court terme et ce, en raison des coûts
liés à cette augmentation des services au consommateur. Ceci étant, à long terme, les
entreprises perçoivent les bénéfices de cette prise en compte des intérêts des
consommateurs.
(4) Luoma et Goodstein (1999) enquêtent sur les facteurs qui influencent la proportion
accordée par les entreprises aux parties prenantes autres que les actionnaires au niveau
du conseil d’administration. Les résultats montrent que 14% uniquement des sièges du
conseil d’administration sont représentés par des parties prenantes tels que les
employés ou les fournisseurs. Ce taux semble être toutefois plus important au niveau
des grandes entreprises.
(5) Weaver et al. (1999) se focalisent, quant à eux, sur l’influence que peuvent avoir les
pressions externes et l’engagement du « top management » sur les programmes
éthiques adoptés par les sociétés. Cette étude montre l’importance de l’engagement du
manager dans la création de programmes éthiques.

125
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

(6) Enfin, Johnson et Greening (1999) utilisent un modèle d’équation structurelle afin de
tester l’influence des investisseurs institutionnels et des différents dispositifs
gouvernementaux sur la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE). Ils concluent
que les entreprises qui s’intéressent aux personnes dans une dimension de performance
sociale ont tendance à présenter une performance financière élevée.

En complément du travail de synthèse de Harrison et Freeman (1999), d’autres auteurs se sont


penchés sur cette relation. Ainsi, Decock Good (2001) teste empiriquement la théorie des
parties prenantes dans le cadre des déterminants de l’implication mécénique de 77 grandes
entreprises françaises. Les résultats de cette étude montrent que « la théorie des parties
prenantes constitue un fondement approprié pour les études empiriques sur l’engagement
sociétal et que des facteurs autres que la performance économique peuvent intervenir »
(Decock Good, 2001, p.15). Quant à Freeman et Mc Vea (2001), ils s’appuient sur les travaux
de Collins et Porras (1994) publiés dans l’ouvrage « Built to past » pour souligner que les
valeurs d’une entreprise signalent la nécessité de se baser sur une relation de collaboration
avec les parties prenantes.

Toutes ces recherches confortent l’importance de la « stakeholders theory » et de la prise en


compte des intérêts des parties prenantes. La théorie des parties prenantes apparaît ainsi
comme une théorie managériale au sens général du terme. En effet, la théorie des parties
prenantes ne se contente pas de décrire des situations existantes ou de prédire des relations de
cause à effet, elle recommande des attitudes, des structures, des pratiques qui permettent de
constituer le management stratégique des parties prenantes (Donaldson et Preston, 1995).
Assurément, le management stratégique est « l’organisateur, sur la durée, des nécessaires
congruences entre les exigences de l’environnement et les capacités de l’entreprise »
(Martinet, 1984 cité par Martinet et Reynaud, 2001, p.13). Cette définition donne une place
importante au « noyau stratégique ». Par là, il s’agit d’un groupe qui formule des stratégies et
qui ne doit pas « rendre des comptes aux seuls actionnaires mais est responsable de
l’effectivité et de l’efficacité des relations nécessaires avec les autres parties prenantes »
(Martinet et Reynaud, 2001, p.13). Selon ces deux chercheurs, contrairement à la théorie
financière avec la « shareholders theory » où la maximisation du profit des actionnaires est
l’élément le plus important, le management stratégique se situe bien « dans le cadre d’une
stakeholders theory de l’entreprise ».

126
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

De même, Carroll et Buchholtz (2000 ; cité par Mercier, 2001, p.8) mettent en place une
méthodologie d’analyse stratégique des parties prenantes. Cette méthodologie, qui est
considérée comme faisant partie du management stratégique des entreprises, renferme cinq
étapes nécessaires pour assurer un management efficace des « stakeholders » :

- 1ère étape : Identification des parties prenantes de l’entreprise. Il s’agit d’identifier


les parties prenantes actuelles et potentielles.
- 2ème étape : Identification des intérêts des parties prenantes et le pouvoir qu’elles
détiennent.
- 3ème étape : Analyse des opportunités et des menaces que représentent ces parties
prenantes pour l’entreprise.
- 4ème étape : Etude des responsabilités de l’entreprise envers ses « stakeholders ». Ces
responsabilités peuvent être d’ordre économique, légal ou éthique.
- 5ème étape : Elaboration d’un plan stratégique afin d’éviter les menaces et profiter
des opportunités que représentent les parties prenantes pour l’entreprise.

Pour Boatright (2006, p.44), « gérer les relations avec les parties prenantes ne veut pas
nécessairement dire de servir les intérêts particuliers de chaque groupe, mais de
suffisamment considérer leurs intérêts afin de s’assurer leur coopération ». En conséquence,
la réussite de toute entreprise repose sur la bonne gestion de ses parties prenantes.

En conclusion de cette section, la revue de la littérature concernant la théorie des parties


prenantes révèle, en dépit des critiques formulées à son égard, qu’elle a une place importante
dans le management de toute entreprise. Les parties prenantes et leurs intérêts doivent ainsi
être pris en compte par les managers dans leur prise de décision, car leurs influences peuvent
s’apprécier de manière directe ou indirecte. Nous sommes partisans de cette théorie dans tout
management stratégique tel que la traçabilité se conçoit. Il nous semble en effet que les parties
prenantes jouent un rôle important dans l’adoption de la traçabilité et qu’elles peuvent
influencer cette décision stratégique. Ce point sera pris en considération dans le cadre de notre
troisième proposition de recherche présentée à la fin du chapitre.

La deuxième section de cette partie est consacrée à l’étude de l’adoption de la traçabilité en


tant qu’innovation managériale.

127
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

2. LA THEORIE DE DIFFUSION ET D’ADOPTION D’UNE


INNOVATION D’EVERETT M. ROGERS (1962, 2003)
La revue de la littérature dévoile une panoplie de théories ayant pour objectif d’étudier
l’adoption et la diffusion des innovations et des nouvelles technologies tout en présentant les
facteurs pouvant influencer ces processus.

Ces théories expliquent l’attitude envers un comportement spécifique, ceci dans le domaine de
l’innovation et de l’introduction des nouvelles technologies. Cependant, le modèle TAM
(Technology Acceptance Model) de Davis (1985) et l’IDT (Innovation Diffusion Theory) de
Rogers (1962) ont pour première vocation de prédire les comportements humains face à
l’introduction d’une innovation. A ce titre, nous les considérons comme les modèles phares de
l’adoption et la diffusion des innovations. Il est à noter que ces deux modèles présentent des
similarités démontrés dans la littérature. Ainsi, les deux concepts clés du TAM (l’utilité
perçue et la facilité d’utilisation perçue) sont similaires aux caractéristiques de l’innovation
chez Rogers (l’avantage relatif et la complexité). Dans ce sens, l’utilité perçue et l’avantage
relatif font référence au fait que l’utilisateur pense qu’adopter l’innovation (technologique ou
autre) est une meilleure solution que la situation actuelle. La facilité d’utilisation est, quant à
elle, le contraire de la complexité. De plus, des combinaisons de ces deux modèles sont
possibles. L’étude effectuée par Wu et Wu (2005) intègre ainsi le TAM avec une extension du
modèle de Rogers pour expliquer la mise en place et la diffusion de l’e-CRM44 (Electronic
Customer Relationship Management).

Cependant, il convient de souligner la principale critique formulée à l’égard du modèle de


Davis et qui est liée à la nature de l’innovation. En effet, le modèle de Davis s’applique
uniquement dans le cas d’une innovation technologique. En conséquence de quoi, le modèle
de notre recherche ne se base pas sur le modèle TAM mais s’inspire de la théorie de Rogers,
ceci -rappelons-le- dans le but d’étudier les facteurs d’adoption de la traçabilité en tant
qu’innovation managériale, dans le cadre spécifique des entreprises tunisiennes de
conditionnement de dattes. En effet, la théorie de Rogers a été formalisée pour prédire la
diffusion et l’adoption d’une innovation en général quelque soit sa nature et son domaine,
telles que les innovations organisationnelles ou managériales (Chau et Tam, 1997).

44
L’e-CRM « peut se résumer à l’ensemble de dispositifs mis en place sur Internet pour la gestion de la relation
clients d’une entreprise comme la personnalisation du site Web, le support clientèle en libre service sur le site
Web et les contacts via le courrier électronique » (Alaoui, 2006, p.232).
128
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

Le modèle de Rogers traite de la diffusion et de l’adoption d’une innovation. La diffusion est


composée de quatre piliers qui sont l’innovation, les canaux de communication, le temps et le
système social. L’adoption d’une innovation, quant à elle, s’apprécie essentiellement à travers
les caractéristiques de l’innovation et les caractéristiques organisationnelles (Cf. figure n°33).

L’analyse de l’ouvrage de Rogers dans ses versions de 1962 et 2003 montre que l’innovation,
premier pilier de la diffusion de l’innovation, correspond aux caractéristiques de l’innovation
et les caractéristiques organisationnelles telles que promues dans l’adoption de l’innovation.
La figure n°33 présente ces liens.

Figure n°33 : Diffusion vs Adoption d’une innovation

Diffusion Adoption

Correspondent à
1-Innovation 1-Caractéristiques de l’innovation
2-Canaux de communication 2-Caractéristiques organisationnelles
3-Temps
4-Système social

Source : Elaboration personnelle.

Nous présentons ci-dessous les éléments propres à la diffusion (les canaux de communication,
le temps et le système social), puis nous précisons les éléments communs à l’adoption et la
diffusion d’une innovation (les caractéristiques intrinsèques d’une innovation et les
caractéristiques organisationnelles).

2.1. ELEMENTS PROPRES A LA DIFFUSION D’UNE INNOVATION


La définition de la diffusion d’une innovation a été donnée par Rogers (2003, p.5): « diffusion
is the process in which an innovation is communicated through certain channels over time
among the members of a social system »45. La diffusion d’une innovation est considérée
comme un type particulier de la communication dans lequel les messages communiqués
concernent des idées nouvelles. Pour cela, la communication est appréciée comme « a process

45
La diffusion est le processus par lequel une innovation est communiquée à travers certains canaux, au cours du
temps, entre les membres d’un système social.
129
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

in which participants create and share information with one another in order to reach a
mutual understanding »46 (Rogers, 2003, p.5).

La diffusion de l’innovation est également définie dans la littérature francophone. On peut


ainsi prendre le cas de la définition proposée par Soparnot et Stevens dans leur ouvrage
« Management de l’innovation ». Pour ces auteurs, la diffusion est considérée comme étant
« le processus par lequel une innovation se répand dans le tissu social. Parce qu’elle reflète
la confrontation au marché, l’adoption par les destinataires (clients) et le soutien des acteurs
concernés (fournisseurs, distributeurs, prescripteurs, leaders d’opinion, partenaires...), elle
détermine le succès ou l’échec d’une technologie ou d’un nouveau produit » (Soparnot et
Stevens, 2007, p.84).

En reprenant la définition de Rogers (2003), nous remarquons que quatre piliers ressortent de
cette définition et sont identifiables dans toute étude portant sur l’innovation :
Ø l’innovation
Ø les canaux de communication
Ø le temps
Ø le système social
En fait, il s’agit des quatre éléments de base de la diffusion d’une innovation selon Rogers
(2003).

Nous nous focalisons à ce niveau sur l’étude des deuxième à quatrième éléments, à savoir : les
canaux de communication, le temps et le système social. L’innovation étant considérée
comme un pilier commun à l’adoption et à la diffusion d’une innovation, elle fera l’objet de la
section suivante.

2.1.1. LES CANAUX DE COMMUNICATION


Deuxième élément du processus de diffusion, les canaux de communication sont un point
essentiel du processus de diffusion d’une innovation. Il réside dans l’information qu’on
échange et grâce à laquelle un individu communique une nouvelle idée à un ou plusieurs
individus. Schématiquement, le processus nécessite une innovation et un individu ou autre
« unité d’adoption » (« unit of adoption », selon l’expression de Rogers) qui connaît cette
innovation ou qui l’a déjà utilisée et un autre individu ou « unité d’adoption » qui ne connaît

46
Un processus dans lequel les participants créent et partagent des informations afin d’arriver à une entente
mutuelle.
130
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

pas l’innovation ou qui ne l’a pas testé auparavant ainsi qu’un canal de communication reliant
les deux parties (Rogers, 2003).

Les recherches en matière de diffusion d’innovation montrent que la plupart des individus
n’évaluent pas l’innovation à adopter en se basant sur des critères objectifs et scientifiques
mais effectuent une évaluation subjective de l’innovation issue de l’opinion et expérience des
personnes qui ont déjà adoptée l’innovation en question. Il existe donc une forme de
dépendance vis-à-vis de l’expérience de l’autre. Ce point montre l’importance de la diffusion
en tant que processus social nécessitant d’avoir des relations interpersonnelles (Rogers, 2003).

Trois principaux modes de communication sont listés par Rogers (2003). Ainsi, pour cet
auteur, les « Mass Media » sont le canal de communication le plus rapide et le plus efficient
qui permet à des « adopteurs » potentiels de prendre conscience de l’existence d’une
innovation. Le canal « interpersonnel » joue également un rôle important dans le fait de
persuader un individu de l’utilisation d’une nouvelle innovation. Ce mode de communication
est d’autant plus efficace lorsqu’il met en relation des individus qui présentent des similarités
identiques tels que le statut socioéconomique, l’éducation, etc. Un troisième mode existe : il
s’agit de la « communication interactive » via Internet qui devient un mode de diffusion de
l’innovation incontournable de nos jours.

2.1.2. LE TEMPS
Il s’agit du troisième élément dans le processus de diffusion d’une innovation. La prise en
compte du temps en tant que variable du processus de diffusion d’une innovation est
importante :
Ø dans le processus d’innovation
Ø dans la classification des adoptants
Ø dans le taux d’adoption d’une innovation

2.1.2.1. Le temps dans le processus de décision d’innovation


Rogers (2003) présente cinq étapes relatives au processus de décision d’innovation ou « The
innovation-decision process », à savoir : la connaissance, la persuasion, la décision,
l’exécution et la confirmation. Ces cinq étapes s’apprécient telles que suivent :
Etape1 : La connaissance ou « knowledge » : l’individu a pris connaissance de
l’existence de l’innovation ;

131
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

Etape2 : La persuasion : l’individu a une attitude favorable ou défavorable envers


l’innovation ;
Etape3 : La décision : l’individu s’engage dans des activités qui lui permettent de
choisir d’adopter ou de rejeter l’innovation ;
Etape4 : L’exécution ou « Implementation » : choix de la mise en œuvre de
l’innovation à adopter ;
Etape5 : La confirmation : confirmation ou changement de la décision prise dans
l’étape précédente.

Le processus de décision d’innovation est un processus qui permet à l’individu d’obtenir des
informations complémentaires qui permettent de minimiser progressivement le risque lié à
toute mise en place d’une innovation au sein d’une organisation. Chaque étape de ce
processus correspond à un type d’information demandée et à un canal de communication
adapté. Ainsi, pour l’étape 1 « knowledge », on cherche à connaître l’innovation (comment et
pourquoi l’utiliser ?). Pour l’étape 3 de « décision », on cherche plutôt à avoir des
informations sur les conséquences de l’innovation afin de réduire l’incertitude liée à celle-ci.
L’objectif est ainsi d’avoir une idée précise sur les avantages et les inconvénients de
l’innovation. A ce niveau, le canal interpersonnel semble être plus efficace que les « Mass
Media » qui donnent des informations générales alors que l’individu ou l’organisation aurait
plutôt besoin d’avoir des informations précises et spécifiques.

Ce processus de décision d’innovation ou « the innovation-decision process » aboutit, soit à


l’adoption de l’innovation, soit à son rejet. De manière générale, les cinq étapes citées suivent
un ordre chronologique. Cependant, il arrive dans certains cas que cet ordre ne soit pas
respecté. C’est le cas, par exemple, lorsque l’étape de décision précède celle de la persuasion
quand l’individu reçoit l’ordre d’adopter une innovation par une autorité donnée.

Pour l’accomplissement du processus de décision d’innovation, la période de temps


nécessaire est ce que Rogers (2003) appelle « innovation-decision period ». Cette période de
temps varie selon les individus ou unités d’adoption. Ainsi, pour le cas d’une organisation, le
processus de décision d’une innovation semble être plus compliqué et plus lent. Ceci peut
s’expliquer par le nombre important d’individus qui sont impliqués dans cette prise de
décision.

132
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

2.1.2.2. Le temps dans la classification des adoptants


Selon Rogers (2003), dans un environnement social donné, les individus et les organisations
n’adoptent pas tous en même temps une innovation donnée. A ce stade, il présente une
classification des membres du système social en cinq catégories d’adopteurs ou d’adoptants, à
savoir :
Ø Les innovateurs ou « innovators » : ils représentent généralement une minorité (2,5%
des utilisateurs). Les innovateurs sont toujours à la recherche d’informations sur les
nouvelles idées. Ils sont prêts à prendre un grand risque et à supporter l’incertitude liée
à l’innovation contrairement aux autres catégories. Cependant, étant donné qu’ils sont
les premiers à adopter l’innovation, ils ne peuvent pas se baser sur les évaluations
subjectives préalables de l’innovation réalisées par les autres membres appartenant au
même système social. Par contre, les innovateurs peuvent, suite à l’adoption de
l’innovation, influencer les attitudes et comportements d’autres acteurs envers cette
innovation.
Ø Les adopteurs précoces ou « early adopters » (13,5%) : il s’agit des premiers
imitateurs.
Ø La majorité précoce ou « early majority » (34%) : pour cette catégorie, le processus
d’évaluation des avantages de l’innovation est plus long que celui des innovateurs et
des adopteurs précoces. Ces utilisateurs « contribuent à engendrer un effet boule de
neige » (Soparnot et Stevens, 2007, p.86).
Ø La majorité tardive ou « late majority » : ils représentent 34% des adopteurs de
l’innovation et subissent fortement l’influence des groupes précédents.
Ø Les retardataires ou « laggards » avec 16% des utilisateurs. Généralement, ils ne sont
pas favorables à l’innovation et au changement.

2.1.2.3. Le temps dans le taux d’adoption


Le troisième point évoqué par Rogers (2003) afin de montrer l’importance de la dimension
« temps » dans la diffusion de l’innovation concerne le taux d’adoption ou « the rate of
adoption ». Ainsi, comme définit Rogers (2003, p.221) : « the rate of adoption is the relative
speed with which an innovation is adopted by members of a social system »47.

47
Il s’agit de la rapidité avec laquelle une innovation est adoptée par les membres d’un système social.
133
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

Le taux ou degré d’adoption est ainsi mesuré par le nombre d’individus ou de membres ayant
adopté l’innovation au cours d’une période de temps bien déterminée (l’année par exemple).
Il s’agit d’un indicateur de l’aspect de la courbe d’adoption d’une innovation. Le nombre
d’individus ayant adopté une innovation s’accumule avec le temps, ceci peut être représenté
dans la courbe en « S » tel que présentée dans la figure n°34 et qui représente les cinq
catégories d’adoptants énoncées précédemment.

Figure n°34 : Les catégories d’adopteurs dans le temps

Source : Rogers, 2003.

Au début, seuls quelques individus adoptent l’innovation pendant une période de temps
donnée. Il s’agit là des « innovators ». Puis, la courbe de diffusion croît petit à petit en
fonction du nombre d’individus adoptant l’innovation dans le temps. Eventuellement, la
trajectoire de la courbe peut décroître si le nombre d’individus qui n’a pas encore adopté est
de plus en plus faible jusqu’à ce que la courbe en « S » n’atteigne son asymptote, ce qui
signifie que le processus de diffusion est terminé ou achevé.

Cependant, toutes les innovations n’ont pas la même courbe en « S » et le même aspect, ceci
dépend de la rapidité d’adoption de l’innovation. Prenons l’exemple de l’étude réalisée par
Harrison et Waite (2006), dont l’objectif est d’examiner le développement du e-commerce en
se focalisant sur l’adoption et l’utilisation des sites Web (comme interface entre le fournisseur
et la place de marché ou marché). Ils ont ainsi étudié les facteurs qui peuvent influencer la
décision d’adoption, les caractéristiques « des adopteurs » ou adoptants et le diagramme
d’utilisation des sites Web. Le terrain d’étude est celui des cabinets de conseils financiers au
134
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

Royaume-Uni ou les « independant financial advisor ». En comparant leurs résultats avec


ceux de Rogers (2003), ces deux chercheurs remarquent que même si les proportions de
chaque catégories sont différentes, le diagramme est le même pour les trois premières
catégories contrairement aux deux dernières. Ceci s’explique par le fait que l’adoption des
sites Web par l’échantillon est toujours effective et n’a pas atteint le stade de déclin.

2.1.3. LE SYSTEME SOCIAL


Au sens de Rogers (2003, p.37), le système social est un « set of interrelated units that are
engaged in joint problem solving to accomplish a common goal »48. Ces unités peuvent être
des individus, des groupes informels, des organisations ou des sous-systèmes. Un exemple
montrant l’importance du système social dans la diffusion d’une innovation est donné par
Soparnot et Stevens (2007). Il s’agit de la diffusion d’un standard dans le domaine de la
photographie : l’APS. Ce standard est le résultat d’un accord entre, d’un côté Kodak et Fuji et
de l’autre côté, Canon, Nikon et Minolta. Et comme le précisent Soparnot et Stevens (2007,
p.90) : « cette entente annoncée avant le lancement des produits a permis (voire contraint) la
constitution d’un réseau d’alliés (les distributeurs, les prescripteurs...) qui ont assuré la
diffusion du standard ».

Pour Rogers (2003), le système social affecte ou influence la diffusion de l’innovation sous
plusieurs aspects. La diffusion de l’innovation peut être ainsi influencée par la structure du
système social, par les normes et par les leaders d’opinion. Nous présentons dans ce qui suit
ces trois aspects. Nous présentons également l’influence du système social sur les types de
décision d’innovation évoqués par Rogers (2003).

2.1.3.1. La structure sociale et la diffusion de l’innovation


La structure sociale représente les accords entre les différentes unités d’un système social. Il
s’agit par exemple de la structure au sein d’une organisation bureaucratique qui consiste en la
hiérarchisation de l’organisation. A ce type de structure dite « formelle », s’ajoute un autre
type, la structure « informelle » qui caractérise les relations interpersonnelles dans un système
donné et permet de retracer les relations (qui interagit avec qui et dans quelles circonstances :
« tracing who interacts with whom and under what circumstances » (Rogers, 2003, p24)).

48
Un ensemble d’unités inter-reliés qui s’engage à résoudre un problème afin d’atteindre un but commun.
135
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

Il existe peu de travaux de recherches portant sur l’influence de la structure sociale sur la
diffusion d’une innovation. Cependant, Rogers (2003) admet que la structure d’un système
social peut faciliter ou au contraire freiner la diffusion de l’innovation. A ce titre, Rogers
(2003) se réfère à des travaux précédents. En effet, Katz (1961) affirme qu’on ne peut pas
étudier la diffusion sans avoir une connaissance suffisante de la structure du système social
auquel appartiennent les futurs « adopteurs » ou « adoptants ». Cet auteur compare la
connaissance de la structure sociale, dans le cadre de la diffusion d’une innovation, à celle des
veines et artères dans le cadre de l’étude de la circulation sanguine. Rogers et Kincaid (1981,
cité par Rogers, 2003) ont également mené une étude sur deux femmes coréennes face à
l’adoption d’une méthode contraceptive dans le cadre d’un planning familial. Les deux
femmes ont beaucoup de similarités (deux enfants chacune, les deux sont analphabètes, etc.),
ce qui laisse à croire que leur comportement face à l’adoption de cette innovation sera le
même. Cependant, ceci n’est pas le cas puisque la structure du système social dans lequel vit
la femme « A » est différent de celui de la femme « B », au niveau de l’adoption des
méthodes contraceptives. En effet, dans le village où habite la femme « A », 57% des couples
ont adopté ces méthodes contre 27% uniquement dans le village de la personne « B ». Cette
variation va avoir une influence sur la capacité d’innovation d’un individu par, d’une part, les
caractéristiques individuelles et, d’autre part, par la nature du système social auquel il
appartient.

2.1.3.2. Les normes sociales et la diffusion de l’innovation


Les normes d’un système social donné affectent également le degré ou taux d’adoption d’une
innovation. Reprenons l’étude menée par Rogers et Kincaid (1981) concernant l’adoption des
méthodes contraceptives au sein de 24 villages coréens. Les deux chercheurs remarquent
l’existence de différences entre les villages objets de l’étude dans le degré d’adoption et
l’utilisation de certaines méthodes contraceptives. Ces différences ne sont pas dues à la nature
du programme de planning familial qui est le même pour l’ensemble du pays mais aux normes
sociales qui sont différentes d’un village coréen à un autre. De ce fait, les normes d’un
système social donné peuvent constituer des barrières au changement. En Inde, par exemple,
on ne mange pas le bœuf qui est sacré alors que le pays compte des millions de personnes mal
nourris. En bref, les normes sociales peuvent avoir une influence au niveau de la nation, au
niveau du système social local comme un village, par exemple, ou au niveau de
l’organisation.

136
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

2.1.3.3. Les leaders d’opinion et la diffusion de l’innovation


Certaines personnes appartenant à un système social donné sont appelés des « leaders
d’opinion ». Leur rôle est d’informer et de convaincre les autres membres d’un système à
adopter une innovation. Le leadership d’opinion ou « opinion leadership » est la capacité que
possède un individu à influencer l’attitude des autres individus. Le leadership d’opinion est
renforcé par les compétences techniques individuelles et par la conformité aux normes
sociales. De manière générale, le leader d’opinion est un exemple à suivre par les autres
membres du système et qui exprime la structure sociale. Dans certains cas, on retrouve dans le
même système social des leaders d’opinion innovants et d’autres qui, au contraire, s’opposent
au changement. Ces leaders d’opinion se trouvent généralement au centre d’un réseau de
communication interpersonnel.

2.1.3.4. Le système social et les types de décision d’innovation


Rogers (2003) présente un autre aspect relatif au rôle joué par le système social dans la
diffusion d’une innovation. En effet, il considère qu’il existe plusieurs types de décisions
d’innovation ou ce qu’il appelle « types of innovation-decisions ». Selon ce sens, une
innovation peut être adoptée (ou rejetée) par un individu appartenant à un système social
donné ou bien par l’ensemble du système social.

Rogers (2003) présente trois principaux types de décisions en matière d’innovation, à savoir :
- Optional innovation-decision ou décision d’innovation optionnelle
Dans ce type de décision, le choix d’adopter ou de rejeter une innovation est laissé à la propre
initiative de l’individu indépendamment des autres membres du système social. Comme
l’indique Rogers (2003), certains fermiers de l’Iowa étudiés par Ryan et Groos (1943) ont
adopté le maïs hybride suivant la décision d’innovation optionnelle. Cependant, même dans
ce cas de figure, la décision du membre peut être influencée par les normes du système et par
la communication du réseau interpersonnel. La spécificité de ce type de décision d’innovation
réside dans le fait que l’individu est l’unité centrale du processus de décision ou le « decision
making ».
- Collective innovation-decision ou décision d’innovation collective
Le choix d’adopter ou de rejeter une innovation se fait suivant un consensus entre tous les
membres du système et ceux-ci doivent se conformer au choix du système. Ainsi, la décision
prise par une ville, par exemple, d’interdire la cigarette dans les lieux publics, à travers un
référendum ou un vote du conseil, est une décision dite « collective ».

137
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

- Authority innovation-decision ou décision d’innovation autoritaire


La décision d’adopter ou de rejeter une innovation revient à quelques individus dans un
système qui possèdent un pouvoir, un statut ou une expertise technique : « who possess
power, status or technical expertise » (Rogers, 2003, p.29). Par exemple, la décision
d’adopter une innovation donnée est prise par le PDG de la société. Selon cette optique, un
« simple » individu n’a pas de rôle à jouer dans ce type de décision, il doit uniquement suivre
et appliquer la décision prise par l’autorité de décision concernant l’adoption de l’innovation.

Généralement, au sein des organisations (publiques et privées), il existe deux des trois types
de décisions présentés plus haut. Il s’agit des décisions collectives et celles prises par
l’autorité de décision. Bien évidement, le processus de décision d’innovation (adoption ou
rejet) est plus rapide dans le cas où l’individu est celui qui prend la décision en dépit des
autres membres. Alors que lorsqu’il s’agit d’une décision collective, cela nécessite d’avoir
l’accord de l’ensemble du système.

Il faut noter ici qu’un type de décision d’innovation peut évoluer et changer au cours du
temps. L’exemple donné par Rogers (2003) illustre bien ces propos. Il s’agit du cas de la
ceinture de sécurité dans les voitures qui au début était un choix optionnel de l’automobiliste
qui payait pour l’avoir. Cependant, en 1966, est apparu la promulgation d’une loi fédérale qui
exigeait d’équiper toutes les autos aux USA de ceinture de sécurité. Cet exemple montre
qu’une innovation optionnelle est devenue une décision collective (puisque la loi a été votée
par un consensus des membres du « congrès »).

A ces trois principaux types de décisions d’innovation, Rogers (2003) rajoute un quatrième
type « hybride ». Il s’agit du « contingent innovation-decision » qui est une combinaison (de
deux ou trois) des types de décisions d’innovation présentés précédemment. Ainsi, le choix
d’adopter ou rejeter une innovation se fait uniquement après une première décision
d’innovation. De ce fait, un membre du système est libre d’adopter ou pas l’innovation
uniquement une fois qu’elle a été adoptée par le système social. En définitive, que l’on parle
de décision collective, autoritaire ou contingente, le rôle du système social est très important.
Une fois de plus, Rogers (2003) démontre le rôle important du système social dans la
diffusion d’innovation. Cependant, ce que nous remarquons à ce niveau, c’est qu’il y fait
référence à l’adoption d’une innovation (types de décisions d’adoption ou de rejet d’une

138
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

innovation). De fait, il semblerait que le système social a un rôle prépondérant, certes, dans la
diffusion d’une innovation mais, également, en partie, dans l’adoption de celle-ci.

2.2. LES ELEMENTS COMMUNS A L’ADOPTION ET A LA


DIFFUSION D’UNE INNOVATION
L’étude de l’ouvrage de Rogers dans sa première et cinquième édition de 1962 et 2003 nous
permet d’établir des éléments communs à l’adoption et à la diffusion d’une innovation. Il
s’agit des caractéristiques intrinsèques d’une innovation et des caractéristiques
organisationnelles.

2.2.1. LES CARACTERISTIQUES INTRINSEQUES D’UNE INNOVATION


Les recherches passées considèrent toutes les innovations comme équivalentes : « as
equivalent units from the viewpoint of their analysis » (Rogers, 2003, p.219). Cependant, ces
considérations ont tendance à simplifier la réalité. Pour cette raison, Rogers (1962, 2003)
observe la différence des caractéristiques de l’innovation telles que perçues par les différents
« adopteurs ». Ces caractéristiques ou attributs peuvent expliquer la décision d’adopter ou de
rejeter une innovation donnée par une unité d’adoption donnée. Rogers (1962, 2003) présente
cinq caractéristiques clés d’une innovation et explique comment ces caractéristiques ou
attributs perçus déterminent l’adoption et la diffusion d’une innovation. Il s’agit de l’avantage
relatif ou « relative advantage », la compatibilité ou « compatibility », la complexité ou
« complexity », la testabilité ou « trialability », et l’observabilité ou « observability ». Ces
cinq attributs de l’innovation sont inter-reliés mais chacun d’eux a une conceptualisation
distincte. Nous présentons, dans ce qui suit, ces cinq attributs et leurs spécificités.

2.2.1.1. L’avantage relatif ou « relative advantage »


Il s’agit du degré avec lequel une innovation ou une nouvelle idée est perçue par les
« adoptants » potentiels comme étant meilleure que celle existante. Le degré d’avantage
relatif peut être mesuré économiquement (par le ratio des bénéfices attendus et des coûts liés à
l’adoption de l’innovation) mais également en termes de satisfaction, de facteur de prestige
social ou le fait que l’innovation soit pratique (Rogers, 1962, 2003). L’information concernant
l’avantage relatif est un facteur très important dans le processus de décision d’une innovation.
L’idée attendue est que ce n’est pas l’innovation qui soit perçue comme objectivement utile et
procurant des avantages mais plutôt qu’elle soit perçue comme telle par les individus. Ainsi,

139
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

« the greater the perceived relative advantage of an innovation, the more rapid its rate of
adoption will be »49 (Rogers, 2003, p.15).

Trois sous-dimensions décrivent l’avantage relatif. Celles-ci incluent les facteurs


économiques, le statut social et les sources de motivation.

2.2.1.1.1. Les facteurs économiques


Le coût initial d’une innovation peut influencer son adoption. En l’occurrence, un nouveau
produit utilisant une nouvelle technologie peut permettre à l’entreprise de réduire les coûts de
production et ainsi proposer un prix plus bas pour les consommateurs. Pour illustrer ces
propos, Rogers (2003, p.230) propose le cas du magnétoscope (VCR) introduit aux USA qui
coûtait plus de $1,200 en 1980. Par la suite, grâce à l’utilisation d’une nouvelle technologie, la
croissance du volume de production et la concurrence, ce prix a baissé jusqu’à atteindre moins
de $50. Cette baisse importante du prix a encouragé considérablement les unités d’adoption à
adopter l’innovation. Ici, nous constatons que la caractéristique de l’innovation change avec la
progression de son degré d’adoption. Il s’agit là de l’un des aspects économiques rattachés
aux caractéristiques de l’innovation selon Rogers (2003). D’autres facteurs économiques
peuvent influencer l’adoption et la diffusion de l’innovation tels que le gain de temps ou la
rentabilité économique de cette innovation.

2.2.1.1.2. Le statut social et l’innovation


Un des aspects qui motivent les individus et les organisations à adopter une innovation est le
désir d’avoir un statut social plus important pour les uns et une meilleure image pour les
autres. Gabriel Trade (1903, cité par Rogers, 2003) observe le fait que la recherche d’un
meilleur statut social expliquerait l’imitation des comportements des autres individus en
matière d’innovation. Ainsi, par exemple, le fait d’adopter la nouvelle mode vestimentaire
procure aux « adopteurs » un « prestige social ». La mode vestimentaire ou « clothing
fashions » est la seule catégorie d’innovation pour laquelle l’aspect lié au statut social et au
prestige procuré constitue la première raison ou la raison essentielle de l’adoption.

Certaines personnes ayant adopté une innovation sont donc plus motivées par le statut
recherché que d’autres personnes. La motivation d’adoption liée au statut semble être plus
importante pour les « innovators », « early adopters » et « early majority » que pour les « late
49
Plus la perception de l’avantage relatif de l’innovation est importante, plus l’adoption sera rapide.
140
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

majority » et les « laggards » (Rogers, 2003) (Cf. 2.1.2.2 Le temps dans la classification des
adoptants). Cependant, dans le cadre d’études portant sur cet aspect de l’adoption et la
diffusion d’une innovation, poser des questions directes aux « adopteurs » concernant la
motivation liée au statut social revient à sous-estimer l’importance réelle de ces individus
dans le processus d’adoption et de diffusion. Les personnes interrogées auraient une réticence
à admettre le fait qu’elles adoptent de nouvelles idées pour le statut social qu’elle procure. En
bref, selon Rogers (2003), et pour cette raison, il est préférable de chercher à avoir les
réponses de manière indirecte sur cette sous-dimension.

2.2.1.1.3. Les sources de motivation


Le rôle des sources de motivation ou « incentives » est d’accroître les avantages relatifs d’une
innovation ou d’une nouvelle idée tels que perçus par les adopteurs. Ces sources de
motivation sont des avantages en argent ou en nature, accordés (directement ou indirectement)
à un individu ou un système afin de les encourager à adopter une innovation. Ces
« incentives » sont accordés afin d’accélérer l’adoption et la diffusion de l’innovation.

Rogers (2003) présente différents types de sources de motivation :


Ø « Adopter vs diffuser incentives »50
La prime peut être versée directement à un « adopteur » ou bien à une autre personne qui va le
persuader d’utiliser l’innovation. Par exemple, c’est le cas du parrainage dans le cadre des
achats en ventes privées sur Internet. Ainsi, la personne (parrain) qui arrive à persuader une
autre personne (filleul) à s’inscrire au site de vente recevra un chèque à valoir sur son
prochain achat.
Ø « Individual vs system incentives »51
Des moyens d’encouragement peuvent être accordés soit à un individu soit à un système
(organisation, communauté, etc.). Par exemple, l’agence gouvernementale du planning
familial en Indonésie accorde une prime pour les villages qui adoptent massivement ce
programme. L’annonce d’une telle récompense leur permet de percevoir l’avantage relatif de
cette innovation ce qui les encouragent à l’adopter via le bouche à oreille (Rogers, 2003). Un
autre exemple concerne de plus en plus les Etats qui encouragent les ménages à acquérir des
panneaux solaires en leur accordant des subventions.

50
Motivations de l’adoptant vs Motivations du diffuseur.
51
Motivations de l’individu vs Motivations du système.
141
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

Ø « Positive vs negative incentives »52


La plupart des « incentives » sont positives, c’est-à-dire qu’il s’agit de primes ou récompenses
à donner aux « adopteurs » pour les encourager à adopter une innovation. Cependant, dans
certains cas, on peut imposer à un individu une sanction s’il n’adopte pas une innovation ou
une nouvelle idée. Par exemple, le gouvernement français a prévu une pénalité pour toute
personne fumant dans les lieux publics et espaces « non fumeurs ».
Ø « Monetary vs non monetary incentives »53
La source de motivation peut être sous forme monétaire ou bien sous la forme d’une
commodité ou un objet désiré par l’adopteur ou adoptant potentiel.
Ø « Immediate vs delayed incentives »54
Certaines primes ou récompenses sont reçues dès l’adoption d’une innovation, d’autres sont
différées.

Une combinaison de ces cinq sources de motivations primes est possible dans une situation
donnée et si cette combinaison est nécessaire afin d’encourager les individus ou système à
adopter l’innovation (Rogers, 2003).

En bref, l’« incentive » ou source de motivation constitue l’une des stratégies d’adoption et
diffusion d’une innovation qui affecte les attributs perçus d’une innovation et plus
précisément l’avantage relatif. De ce fait, comme le stipule Rogers (2003), les « incentives »
permettent d’accroître le degré d’adoption d’une innovation. Cependant, le fait de payer ou
d’accorder une prime aux individus ou aux organisations, afin de les encourager dans leur
choix, peut soulever des problèmes d’ordre éthique. En effet, ces unités d’adoption pourraient
adopter une innovation uniquement dans le but de percevoir la prime accordée.

En conclusion, les différentes études menées concernant les attributs perçus montrent que
l’avantage relatif influence positivement le degré d’adoption d’une innovation. Cependant, la
nature de l’innovation détermine le ou les types d’avantage relatif (économique ou autre) qui
seront les plus importants pour les « adopteurs » ou « adoptants ». Les caractéristiques des
adopteurs potentiels influencent également les dimensions de l’avantage relatif à prendre en
compte (Handfield et Pagell, 1995 ; Wonglimpiyart et Yuberk, 2005 ; Ko et al., 2008).

52
Motivations positives vs Motivations négatives.
53
Motivations monétaires vs Motivations non monétaires.
54
Motivations immédiates vs Motivations retardées.
142
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

2.2.1.2. La compatibilité ou « compatibility »


Il s’agit du degré avec lequel une innovation est perçue comme « compatible » avec les
valeurs, les expériences et les besoins des « adopteurs » potentiels (Rogers, 1962, 2003).
Ainsi, une nouvelle idée considérée comme « compatible » présente un degré d’incertitude
moindre et son adoption est perçue comme moins risquée qu’une autre idée ou innovation non
compatible. De ce fait, une innovation incompatible avec les valeurs et normes du système
social ne sera pas adoptée ou le sera moins rapidement que celle considérée comme
compatible. En effet, l’adoption d’une innovation qualifiée d’incompatible nécessite d’avoir
au préalable de nouvelles valeurs et normes, ce qui requiert un processus assez lourd à gérer.
Comme l’indique Rogers (1962, 2003), une innovation peut être considérée comme étant
compatible ou incompatible avec (a) les valeurs et croyances socio-culturelles, (b) les idées
que les acteurs ont adoptés précédemment et/ou (c) les besoins des clients en matière
d’innovation.

Ø La compatibilité avec les valeurs et croyances socio-culturelles


L’incompatibilité d’une innovation avec les valeurs culturelles de l’unité d’adoption (un
individu ou une organisation) peut bloquer son adoption et sa diffusion. C’est le cas par
exemple de l’utilisation des méthodes contraceptives dans des pays où les religions
(musulmane et catholique) s’y opposent. Un exemple « surprenant » est donné à ce niveau par
Rogers (2003, p.241). Il s’agit d’une norme culturelle qui interdit en Inde de manger par la
main gauche qui est considérée comme étant sale. Cette habitude est apparue il y a des siècles
dans les villages hindous. A cette époque, les commodités sanitaires n’existaient pas et il était
donc difficile de s’assurer de la propreté de la main gauche. Cependant, de nos jours, cette
situation a bien changé puisqu’il est désormais possible aux individus (urbains et de classe
moyenne) de s’assurer de la propreté de leurs mains avant de manger et, pourtant, l’habitude
ancienne de plusieurs siècles est toujours d’actualité. Cette croyance liée à la « non-propreté »
de la main gauche est un élément important de la culture hindou, et de fait, toutes les
innovations qui ne sont pas compatibles avec cette croyance ou cet élément de la culture en
Inde sont rejetées.

Ø La compatibilité avec les idées introduites précédemment


Selon Rogers (1962, 2003), l’adéquation ou la compatibilité d’une nouvelle innovation avec
celle adoptée précédemment par l’unité d’adoption (individu, organisation) va avoir un effet
sur le degré d’adoption de cette nouvelle innovation, soit en retardant, soit en accélérant

143
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

l’adoption et la diffusion. Ainsi, les individus vont se baser sur les innovations qu’ils ont
adoptées auparavant pour évaluer celles futures, ceci leur permet de minimiser le risque qu’ils
peuvent encourir.

Cependant, si une innovation ressemble trop à une innovation déjà adoptée, l’individu ne la
percevra plus comme une innovation et, de là, ne verra plus l’intérêt de l’adopter. En outre,
une mauvaise expérience ou « une expérience négative » avec une innovation peut
« condamner » l’adoption d’une innovation future. De cette façon, une personne qui a connue
une mauvaise expérience relative à l’adoption d’une innovation est « conditionnée » à avoir
une appréhension envers d’autres innovations futures. C’est ce qu’Arensberg et Niehoff
(1964, cité par Rogers, 2003) appellent le négativisme de l’innovation ou « innovation
negativism ».

De ce fait, nous pouvons admettre qu’un individu ou toute autre unité d’adoption va adopter
une nouvelle innovation de la même manière que l’adoption d’une autre innovation
précédente s’il les perçoit comme similaires. Prenons le cas d’un ensemble d’individus ayant
adopté trois anciennes innovations « A », « B » et « C » et qui sont satisfaits par « A » et non
pas par « B » et « C », nous cherchons à comprendre l’adoption d’une nouvelle idée « D » par
la même population. Si ces futurs adoptants perçoivent « D » comme étant similaire à « A »,
ils seront tentés par l’adoption de « D ». Cependant, si l’innovation « D » est perçue comme
similaire à « B » ou « C », ils seront tentés par le rejet de l’innovation « D ».

Ø La compatibilité avec les besoins des « adopteurs »


Un des aspects de la compatibilité d’une innovation concerne le degré avec lequel une
innovation est compatible avec les besoins des futurs « adopteurs » ou « adoptants ». Les
adopteurs potentiels peuvent ne pas reconnaître qu’ils ont un besoin en une innovation jusqu’à
ce qu’ils prennent connaissance de la présence d’une telle innovation et de ses conséquences.
A ce sujet, le nom fourni à l’innovation assure sa légitimité, voire sa longévité.

Nommer l’innovation
Le nom qu’on donne à une innovation peut influencer la compatibilité perçue de cette
innovation et, de là, la décision de l’adopter ou de la rejeter. Un exemple est donné par Rogers
(2003) pour illustrer l’importance de cet aspect. Aux USA, une société qui produit du savon a
introduit sur le marché français un nouveau produit appelé « cue » ce qui dans la langue

144
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

française a une connotation négative. Un autre exemple qui montre l’intérêt de faire une étude
de marché afin de tester le nom d’une innovation, il s’agit du modèle américain d’automobile
introduit sur le marché espagnol et qui porte le nom de « Nova », ce qui signifie « ne marche
pas » en espagnol, (NOVA= No Va).

La compatibilité influence ainsi l’adoption et la diffusion d’une innovation. Cependant, en se


basant sur les recherches passées en la matière, la compatibilité apparaît comme moins
importante que l’avantage relatif pour prédire le degré d’adoption d’une innovation. Dans
certains cas, les deux attributs (avantage relatif et compatibilité) ne sont pas distincts
empiriquement.

2.2.1.3. La complexité ou « complexity »


Il s’agit du degré avec lequel une innovation est perçue comme difficile à comprendre et à
utiliser. Ainsi, certaines innovations sont plus compliquées que d’autres et, de fait, le
processus d’adoption est plus lent que pour d’autres innovations. En ce sens, plus une
innovation est perçue comme complexe, moins on essaiera de l’adopter (Hendfield et Pagell,
1995). En conséquence de quoi, il est possible de dire que la complexité d’une innovation,
telle que perçue par les membres d’un système social, influence négativement son adoption
(Rogers, 2003). Cependant, comme l’indiquent Soparnot et Stevens (2007, p.85), « si l’excès
de complexité tend à engendrer le rejet des clients, l’insuffisance de complexité limite l’attrait
pour l’innovation ».

Pour certaines innovations, cet attribut n’est pas aussi important que celui de l’avantage relatif
ou de la compatibilité. Néanmoins, pour d’autres innovations, la complexité peut constituer
une importante barrière à l’adoption de ces innovations par les membres d’un système social
donné et à sa diffusion. Ainsi, les premiers à avoir adopté les ordinateurs personnels étaient
des personnes qui aimaient les « gadgets technologiques ». Ils ne percevaient pas cette
innovation comme complexe. Cependant, les personnes qui ont adoptées par la suite cette
innovation technologique et qui n’avaient pas un degré élevé d’expertise technique, ont eu
plusieurs semaines de « frustration » après l’achat de leur PC. Ainsi, la complexité perçue de
ces « home computers » a eu un important effet négatif sur son adoption dans les années 1980
(Rogers, 2003).

145
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

2.2.1.4. La testabilité ou « trialability »


La testabilité, est ce que Rogers appelle « divisibility » dans la version de son ouvrage de
1962 et « trialability » dans la version récente de 2003. Il s’agit du degré avec lequel une
innovation peut être testée sur un champ limité avant son utilisation. Une nouvelle idée qu’on
peut essayer avant de l’adopter est généralement plus rapide à adopter que les autres. Cette
possibilité permettrait à l’individu ou toute autre unité d’adoption de mieux comprendre le
mode de fonctionnement d’une innovation et son importance. Ainsi, une innovation qu’on
peut tester au préalable présente moins de risques pour l’individu ou à l’organisation qui a
l’intention de l’adopter.

Les premières recherches relatives à la diffusion de l’innovation considèrent l’innovation


comme inchangeable dans le temps. Cependant, le fait de pouvoir tester une innovation peut
permettre à un individu de la « customiser » ou de la personnaliser pour donner naissance à
une nouvelle innovation plus adaptée à sa situation. C’est ce que Rogers (2003) appelle « re-
invention ». Ici, on admet qu’une innovation peut être modifiée ou changée suite à son
utilisation dans le processus d’adoption et d’implémentation.

La testabilité perçue d’une innovation est un aspect ou un attribut relativement plus important
pour les « earlier adopters » que pour les « later adopters » (Gross, 1942 ; Ryan, 1948 ; cités
par Rogers, 2003). Un exemple donné par Soparnot et Stevens (2007) montre l’importance de
cette variable « trialability ». Il s’agit du cas du magasin « Globetrotter » à la ville de Cologne
en Allemagne qui propose aux clients de tester des produits innovants en situation réelle.
L’intérêt de cette opération est de favoriser l’achat du produit et donc la diffusion de cette
innovation.

Un aspect que nous avons évoqué précédemment trouve également sa place au niveau de la
testabilité. Il s’agit des sources de motivation ou « incentives ». En effet, grâce à la
distribution d’échantillons gratuits d’un nouveau produit, les consommateurs sont encouragés
à le tester et à l’acheter.

2.2.1.5. L’observabilité ou « observability »


C’est le degré avec lequel les résultats d’une innovation sont visibles. Plus les résultats sont
visibles, plus son adoption sera rapide. A ce niveau, l’exemple donné par Rogers (2003)
concerne la technologie du PC avec ses deux composantes, à savoir l’hardware et le software.

146
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

La partie hardware comporte les éléments électroniques (visibles), par contre, la partie
software est celle qui comprend le programme pour le système du PC. La partie software
d’une innovation technologique n’est pas observable. Et, de ce fait, les innovations avec un
aspect software dominant possèdent un degré d’observabilité faible et un degré d’adoption
faible.

En conclusion sur l’innovation, Rogers (2003) présente deux dimensions liés à l’ensemble des
cinq attributs tels que présentés. Il s’agit de ce qu’il appelle « overadoption » et « Postdiction
Vs Prediction » :

Ø L’overadoption
Dans certains cas, les attributs d’une innovation peuvent être perçus comme très attractifs,
alors que cet aspect ne représente pas objectivement la réalité. Il s’agit d’une surestimation
des attributs de cette innovation. C’est ce que Rogers (1962, 2003) appelle « overadoption ».
L’overadoption est possible essentiellement lors de l’adoption de l’innovation en raison du
prestige et du statut social. Dans ce cas, un individu va adopter une innovation alors même
que les experts lui conseilleraient de la rejeter. Ainsi, cette adoption est réalisée lorsque
l’individu n’a pas suffisamment d’informations sur l’innovation et sur ses conséquences. Le
choix d’adopter une innovation n’est alors plus un acte rationnel. Prenons l’exemple donné
par Rogers (2003, p232), certaines personnes achètent des ordinateurs puissants avec des
fonctions et des programmes très sophistiqués et très coûteux alors qu’ils les utilisent
uniquement pour un traitement de textes et une navigation Internet.

Ø Postdiction vs Prediction
La détermination des cinq attributs d’une innovation (l’avantage relatif, la compatibilité, la
complexité, la testabilité et l’observabilité) provient généralement d’une recherche passée
(postdiction). Cependant, l’étude de ces attributs peut être réalisée en « amont » afin de
prédire le degré d’adoption d’une innovation future (prediction). C’est ce qu’on appelle une
étude d’acceptabilité ou « acceptability research » (Rogers, 2003, p.227). Ainsi, on va
mesurer les attributs d’une innovation à l’instant « t » afin de prédire le degré d’adoption de
cette innovation dans le futur, à l’instant « t+1 » (Tornastzky et Klein, 1981, cité par Rogers,
2003).

147
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

Pour ce faire, on peut utiliser plusieurs approches :


Ø Extrapolation du degré d’adoption d’une innovation passée vers le futur pour
des innovations similaires ;
Ø Décrire une innovation hypothétique aux personnes susceptibles de l’adopter et
de déterminer les attributs perçus et, de là, le degré d’adoption possible ;
Ø Les attributs peuvent expliquer également l’échec d’une innovation.

Cependant, comme le précise Rogers (2003), prédire le taux d’adoption en se basant


uniquement sur l’étude des attributs n’est pas parfaitement fiable. L’étude des attributs est
plus adaptée et plus utilisée dans le cadre de recherches passées.

En résumé, plusieurs études se sont basées sur ces cinq attributs pour expliquer l’adoption et
la diffusion de certaines innovations. Ainsi, Holloway (1977) a réalisé une étude sur une
centaine de lycées. Ce chercheur utilise l’analyse des facteurs avec une échelle de Likert
mesurant la perception des individus interrogés des nouvelles idées en matière d’éducation.
Ceci a permis d’avoir un ensemble d’attributs même si la distinction entre l’avantage relatif et
la compatibilité n’était pas claire (Rogers, 2003). Par la suite, Moore et Benbast (1991) ont
administré un questionnaire auprès de 540 employés dans sept entreprises et, en complément
des cinq attributs de Rogers (1962), ces deux chercheurs ont mesuré trois autres attributs à
savoir :
Ø « voluntariness » : le degré avec lequel un « personnel workstations » est perçu
comme étant une décision optionnelle individuelle ;
Ø « image » : le degré avec lequel l’utilisation de cette technologie valorise l’individu et
son statut au sein de l’entreprise ;
Ø « result demonstrability » : degré avec lequel le « personnel workstations »
communique aisément avec les autres. Il s’agit d’un attribut similaire à celui de
l’observabilité de Rogers (1962, 2003).
L’étude de Moore et Benbasat (1991) a permis de développer et de valider une échelle de
mesure de ces cinq attributs, tels que promus par Rogers (1962, 2003), d’une nouvelle
technologie (le « personnel workstations »). Cette échelle de 15 items peut être adoptée et
appliquée pour d’autres cas d’innovations (Rogers, 2003). Enfin, de nombreuses recherches
relatives aux attributs de l’innovation considèrent l’individu comme unité d’adoption.
Cependant, il est possible comme l’indique Rogers (2003) de prendre une organisation ou une
communauté comme unité d’adoption. Nous supportons cet avis puisque, dans le cadre de

148
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

notre recherche doctorale, nous prenons comme unités d’adoption des organisations : les
entreprises de conditionnement de dattes en Tunisie.
En bref, l’adoption d’une innovation dépend des cinq caractéristiques de l’innovation
précitées (l’avantage relatif, la compatibilité, la complexité, la testabilité et l’observabilité)
(Rogers, 1962, 2003). Par la suite, d’autres facteurs sont présentés par Rogers dans le cadre de
sa théorie et qui influencent l’adoption et la diffusion d’une innovation, notamment dans le
cadre des organisations ou entreprises. Il s’agit de caractéristiques liées à l’organisation elle-
même.

2.2.2. LES CARACTERISTIQUES ORGANISATIONNELLES D’UNE


INNOVATION
Une organisation est définie par Rogers (2003, p.404) comme « a stable system of individuals
who work together to achieve common goals through a hierarchy of ranks and division of
labor »55. Les premières études et recherches qui portent sur l’innovation considéraient
l’individu comme unique unité d’adoption. Tel a été le cas pour Rogers dans la première
édition de son ouvrage de 1962. En effet, dans cette ancienne version, Rogers (1962) ne
considérait pas l’organisation comme une unité d’adoption et ne traitait l’adoption et la
diffusion de l’innovation que du point de vue d’un individu. Par la suite, des études ont été
effectuées concernant la diffusion et l’adoption d’une innovation au sein des organisations.

Lorsque l’unité d’adoption est une organisation ou une entreprise, la décision d’adopter une
innovation donnée est prise suivant deux types de décision d’innovation parmi les trois types
principaux énoncés dans la section précédente (décision d’innovation optionnelle, décision
d’innovation collective, décision d’innovation autoritaire). Dans ce cas, il s’agit de la décision
d’innovation dite « autoritaire » et celle « collective ».

En comparaison avec le processus de décision en matière d’innovation entrepris par un


individu, celui réalisé par l’organisation est beaucoup plus complexe. Outre les
caractéristiques liées à l’innovation, l’adoption et la diffusion d’innovation dépendent des
caractéristiques spécifiques à l’organisation elle-même, c’est ce que Rogers (2003) appelle
« organizational innovativeness ».

55
Un système stable composé d’individus qui travaillent ensemble afin d’atteindre un objectif commun à travers
une hiérarchie et une division du travail ou des tâches.
149
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

Certains traduisent le terme « innovativeness » par la capacité d’innovation ou d’adoption


d’une innovation. D’autres le traduisent par le terme innovativité. Nous avons fait le choix de
garder le terme donné par Rogers (2003) dans sa version anglaise : « innovativeness ». Nous
estimons en effet, que les traductions utilisées par les chercheurs francophones de
l’« innovativeness » ne rendent pas compte du sens exact du terme anglais. De plus, ces
termes traduits sont sujets à confusion et ambiguïté notamment entre l’adoption d’une
innovation et le fait de concevoir l’innovation (être à l’origine de l’apparition et du
développement de cette innovation). En réalité, selon Rogers (2003), le terme
« innovativeness » signifie la capacité que possède une entreprise (par rapport aux autres
entreprises) à adopter une innovation et de manière plus rapide.

Pour Rogers (2003), l’« innovativeness » d’une entreprise dépend elle-même d’un sous-
ensemble de facteurs. Il s’agit de la « taille » de l’entreprise (a) et des caractéristiques
structurelles d’une organisation ou « organizational structural characteristics » (b).

(a) Taille d’entreprise et « innovativeness »


Selon Rogers (2003), les résultats de différentes études montrent que la taille d’une entreprise
est positivement liée à l’« innovativeness ». Ainsi, les grandes entreprises seraient les plus
susceptibles d’adopter une innovation donnée. Pour cela, Rogers (2003) s’appuie sur les
travaux de Mahler et Rogers (1999). Ces deux chercheurs ont constitué une base de données
en interrogeant 324 banques allemandes concernant l’adoption de douze innovations
technologiques, tels que les services fournis à leurs clients via l’e-mail, etc. Une échelle de
mesure liée à l’« innovativeness » a été établie pour chaque banque en fonction du nombre
d’innovations adoptées (parmi les douze). Cette échelle prend également en compte le fait que
la banque a été plus rapide ou plus lente dans l’adoption de ces innovations par rapport aux
autres banques. Ensuite, ces 324 banques ont été classées suivant les cinq catégories
d’adoptants étudiées précédemment (les innovateurs, la majorité précoce, les adopteurs
précoces, la majorité tardive, les retardataires). Les résultats de cette étude montrent que la
taille est extrêmement liée à l’« innovativeness ». Il est à noter que la taille de l’entreprise
englobe aussi bien le nombre d’employés que celui des clients, le nombre des branches de la
banque, le nombre des filières, etc. En soi, de multiples recherches montrent que la taille de
l’entreprise est le meilleur facteur qui détermine l’« innovativeness ». La raison principale de
ce constat est que cette variable (taille) peut être mesurée facilement avec un degré de
précision élevé.

150
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

(b) Les caractéristiques structurelles d’une organisation et son « innovativeness »


L’« innovativeness » d’une entreprise est liée aux caractéristiques structurelles de
l’organisation. Telles que présentées par Rogers (2003), les caractéristiques structurelles les
plus importantes sont au nombre de cinq :
Ø La centralisation ou « centralization » (-)56
Dans ce cas, un nombre limité d’individus détient le pouvoir et le contrôle de l’ensemble du
système. Généralement, cette caractèristique ou cette variable a un effet négatif sur
l’« innovativeness » de l’entreprise et de là, sur l’adoption et la diffusion d’innovations. Ainsi,
plus le pouvoir est concentré, moins l’entreprise sera innovante et possédera une capacité
importante à adopter des innovations. Le nombre de nouvelles idées traitées par l’entreprise
sera ici limité si le système est dominé par quelques personnes dites « leaders ». Ainsi, dans
une entreprise centralisée, le « top leader » n’est pas bien positionné afin d’identifier les
problèmes au niveau opérationnel. Il ne peut donc pas proposer à l’entreprise d’adopter des
innovations pouvant apporter des solutions à ses problèmes et de répondre à des besoins
opérationnels. A l’inverse des entreprises décentralisées, au niveau d’une entreprise
centralisée, on n’encourage pas les acteurs internes à l’innovation et l’adoption d’innovation.
Ø La complexité ou « complexity » (+)57
Il s’agit du degré avec lequel les membres d’une organisation ou entreprise possèdent des
connaissances et un niveau d’expertise élevé (compétences et connaissances) mesuré par leur
degré de professionnalisme (niveau de formation) et par le champ de leur spécialité. Ce critère
permet aux membres de bien comprendre la valeur ou l’importance de l’innovation et la
nécessité de l’adopter.
Ø La formalisation ou « formalization » (-)
Cette variable renvoie au degré avec lequel l’organisation oblige ses membres à suivre des
règles et des procédures parfois lourdes et complexes. Il s’agit des entreprises dites
bureaucratiques. Cette bureaucratie ou cette formalisation freine l’adoption des innovations et
décourage les membres de l’entreprise à considérer les innovations.
Ø L’interconnexion ou « interconnectedness » (+)
Cette variable est liée positivement à la capacité d’innovation d’une organisation. Il s’agit du
degré avec lequel les membres du système social (à savoir l’organisation) sont reliés dans le
cadre d’un réseau interpersonnel. Ainsi, les nouvelles idées peuvent circuler plus rapidement

56
(-) : la caractéristique influence négativement la capacité d’innovation de l’entreprise.
57
(+) : la caractéristique influence positivement sur la capacité d’innovation de l’entreprise.
151
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

entre les membres de l’entreprise s’il y a un niveau élevé d’interconnexion au sein de ce


réseau.

Ø Le slack organisationnel ou « organizational slack » (+)


Le slack organisationnel correspond aux ressources non allouées dont dispose l’entreprise.
Cette variable affecte positivement l’« innovativeness » d’une organisation essentiellement
lorsqu’il s’agit d’adopter une innovation nécessitant un coût élevé. Cette variable est
principalement liée à la « taille ». En effet, plus l’entreprise est de grande taille, plus elle
possède des ressources essentielles et importantes à l’adoption d’innovations.

Outre ces caractéristiques structurelles, l’« innovativeness » d’une organisation dépend des
caractéristiques individuelles du « leader » au sens de Rogers (2003), ou ce qu’il appelle
« champion ».

Le rôle des « champions »


Le « champion » comme désigné par Rogers (2003) est une personne charismatique qui
influence, à travers sa position et son poids dans l’organisation, l’attitude de l’organisation
envers les innovations. La présence d’un « innovation champion » contribue ainsi au succès
d’une innovation dans l’organisation ou l’entreprise. Ces champions de l’innovation peuvent
être des responsables haut placés dans l’entreprise (président, vice-président) et ce, lorsqu’il
s’agit d’innovation radicale, très coûteuse et très visible. Mais ces champions peuvent aussi
être de simples managers lorsqu’il s’agit plutôt d’innovation incrémentale. Ainsi, Goodman et
Steckler (1989, cité par Rogers, 2003) ont trouvé à travers l’étude menée auprès des
organismes de santé en Virginie ayant adopté dix nouveaux programmes de recherches, que
les « champions » étaient plutôt des assistants de direction ou des directeurs de division des
agences de santé.

Les qualités que doit avoir un « champion », au sens de Rogers (2003), sont :
Ø Occuper un poste clé au sein de l’organisation, grâce auquel il entretient des relations
avec les autres employés ;
Ø Posséder des outils lui permettant de comprendre les aspirations différentes de tous les
membres de l’organisation ;
Ø Démonter des qualités d’honnêteté et de bon négociateur dans ses relations avec les
autres.

152
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

Ces champions jouent, au sein de l’organisation, un rôle similaire à celui des « leaders
d’opinion » au sein d’une communauté. Ils prennent des risques, sont très innovants et ont un
degré d’influence important sur les autres membres du système. On dit qu’ils ont une capacité
de persuasion et de négociation considérables. Cependant, si ce « champion » s’oppose à
l’innovation, ceci influencera la décision de l’entreprise et aura comme conséquence le rejet
de l’innovation.

Les caractéristiques organisationnelles peuvent ainsi influencer la décision d’une entreprise


ou d’une organisation face à l’adoption d’une innovation. Un exemple d’étude réalisée dans
ce sens, et qui a montré l’importance de ces caractéristiques, est celle de Ko et al. (2008). Ces
chercheurs ont pour objectif d’étudier l’influence des caractéristiques organisationnelles dans
le processus d’adoption des CRM58 dans le contexte particulier de l’industrie de la mode
coréenne. Les entreprises mettent en place des outils technologiques tels que les CRM afin de
gérer les relations avec les clients de manière plus efficace, ce qui permet d’établir une
relation de confiance entre entreprise et clients et accroître leurs profits. Ko et al. (2008) ont
regroupé les avantages liés au CRM, à savoir : (1) accroître les profits, (2) augmenter les
informations collectées sur les consommateurs, (3) renforcer la loyauté ou confiance des
consommateurs, et (4) accroître la loyauté envers la marque. Selon ces chercheurs, c’est au
cours du stade de « persuasion » que les preneurs de décision perçoivent les avantages du
CRM qui peut procurer un avantage compétitif à l’entreprise. Une fois la décision d’adoption
du CRM prise, les entreprises commencent à choisir les technologies qui y sont associées.

Dans leur étude menée auprès de 94 entreprises coréennes ouvrant dans le secteur de la mode,
Ko et al. (2008) se sont basés sur les variables liés aux caractéristiques de l’organisation,
telles que présentées par Rogers (2003). Il existerait ainsi trois catégories de caractéristiques
organisationnelles qui influencent le processus d’adoption du CRM, à savoir :
Ø Les caractéristiques de la firme (taille, stratégie, maturité du système
d’information) : les grandes entreprises ont plus de facilité à adopter les
innovations que les PME et ce, parce qu’elles ont une meilleure gestion des
risques, des ressources importantes et des infrastructures. Concernant les
stratégies organisationnelles, les entreprises qui ont des stratégies

58
« Le CRM (Customer Relationship Management) ou GRC (Gestion de la Relation Client) est une intégration
au sein de l’entreprise des processus et des outils permettant de gérer la relation avec les clients » (Fournel,
2006, p.39).
153
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

organisationnelles agressives sont plus aptes à adopter des stratégies


innovantes. Les entreprises qui ont une bonne expérience avec un système
d’information mature et bien établi ont plus de facilité à adopter des
innovations ;
Ø Les caractéristiques des produits (catégorie du produit, saisonnalité, etc.) ;
Ø Les caractéristiques du CEO (éducation, âge, etc.) : l’âge et le niveau
d’éducation du CEO (Chief Executive Officer ou Président Directeur Général)
jouent également un rôle important dans la décision d’adoption d’une
innovation.
Les résultats de cette étude montrent que les stratégies organisationnelles, la maturité du
système d’information et la catégorie des produits influencent significativement le processus
d’adoption des CRM. Les résultats soulignent également que, parmi les entreprises
interrogées, celles qui avaient une taille importante avaient adopté cette technologie plus
rapidement que les petites et moyennes entreprises. De même, la perception des bénéfices des
CRM influence significativement la décision d’adoption de CRM, ce qui rejoint l’idée de
Rogers (2003) selon laquelle la perception des bénéfices de l’innovation précède l’adoption
de l’innovation et cet avantage perçu d’une innovation détermine en partie son adoption ou
son rejet par l’unité d’adoption.

On peut aussi voir à travers l’étude de Ko et al. (2008) que toute décision relative à l’adoption
d’une innovation dépend en partie de l’entreprise elle-même et de l’identité ou la culture de
cette dernière. Comme l’indiquent Bernard et Daviet (1992, p.15), « la culture d’une
entreprise est ce qui colore les relations de travail des différentes personnes qui y sont
actives... Il se comprend que l’identité culturelle, la personnalité propre à chaque entreprise
puissent affecter grandement à générer et à accueillir une innovation ».

Le modèle de diffusion et d’adoption d’une innovation a été utilisé dans de nombreux


domaines ou disciplines : sociologie, éducation, communication, marketing, anthropologie,
etc. (Rogers, 2003). Parmi les catégories de recherche en relation avec la diffusion d’une
innovation, on retrouve principalement celles qui permettent d’identifier les variables qui
expliquent la décision d’adoption d’une innovation donnée. Ces facteurs ont été définis dans
le cadre de la théorie de Rogers (IDT) ou « Innovation Diffusion Theory » qui a fait l’objet de
cette section. Cependant, l’étude de l’ouvrage de Rogers (2003) dans ses différentes versions,
montre une ambiguïté entre le concept d’adoption et de diffusion. En effet, si dans la version

154
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

de 1962, Rogers expose clairement que son objectif est de formuler une théorie qui prend en
compte ces deux aspects (adoption et diffusion)59, ce n’est pas le cas pour les autres versions.

Néanmoins, nous décidons de dépasser cette ambiguïté. En effet, nous supportons le postulat
de certains chercheurs (Zaltman et Stiff, 1989 cité par Wu et Wu, 2005 ; Sahin et Thomson,
2006) qui considèrent que la théorie de Rogers permet de décrire les deux dimensions liées à
l’innovation à savoir : l’adoption et la diffusion. De plus, la diffusion d’une innovation est
possible grâce à l’adoption de celle-ci. En outre, nous considérons que certains facteurs
affectant la diffusion de l’innovation au sens de Rogers (1962, 2003), peuvent jouer un rôle
important dans l’adoption de ces innovations. Nous décidons donc d’intégrer ces facteurs dans
notre modèle de recherche, au même titre que les autres facteurs d’adoption qui nous semble
en adéquation avec notre objet de recherche.

Enfin, dans le cadre de notre travail doctoral, nous cherchons à déterminer les facteurs qui
influencent la décision d’adoption de la traçabilité en tant que démarche stratégique et en tant
qu’innovation managériale. Nous avons donc décidé de nous focaliser sur les différents
éléments de la théorie des parties prenantes et celle de Rogers (1962, 2003) qui influencent
l’adoption de l’innovation. Ces éléments seront intégrés dans le modèle de recherche présenté
dans la section qui suit au même titre que ceux issus de la littérature sur la théorie des parties
prenantes ayant fait l’objet de la première section de ce chapitre, ainsi que celle sur la
traçabilité étudiée dans le chapitre 1.

3. CHOIX EPISTEMOLOGIQUES ET PROPOSITION DE


MODELISATION
Cette troisième section expose et justifie la démarche de recherche que nous avons adoptée, la
proposition de modélisation des déterminants de l’adoption de la traçabilité servant de guide à
l’analyse empirique, et la formulation de trois propositions génériques de recherche.

3.1. ARCHITECTURE OU DESIGN DE LA RECHERCHE


Tout chercheur est amené à expliciter ses propres choix épistémologiques qui garantissent la
validité de sa démarche et de sa recherche. Ainsi, nous optons pour un positionnement
interprétativiste, avec une démarche exploratoire, une approche méthodologique qualitative et

59
« The purpose of this chapter is to state a direction in which analysis should proceed toward a general theory
of the diffusion and adoption of new ideas » (Rogers, 1962, p.301).
155
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

un mode de raisonnement abductif. Pour chacun de ces aspects méthodologiques, nous


présentons les différentes possibilités proposées dans la littérature, tout en mettant l’accent sur
celle choisie dans le cadre de notre recherche.

3.1.1. LE POSITIONNEMENT INTERPRETATIVISTE


Le choix d’un courant épistémologique est une étape importante dans la conduite d’un projet
de recherche. Reprenant les propos de Herman (1998), Wacheux (1996, p.38) assimile
l’épistémologie à une « science des sciences ou une philosophie de la pratique scientifique
sur les conditions de la validité des savoirs théoriques ». Dans le cas présent, nous entendons
le paradigme épistémologique au sens de Avenier et Gavard-Perret (2008, p.20), tel « un
système d’hypothèses relatives aux questions qu’étudie l’épistémologie. Ces hypothèses
concernent donc ce qui est considéré comme connaissable, ce qu’est la connaissance, et
comment se constitue la connaissance ».
De manière générale, les courants épistémologiques en Sciences de Gestion sont classés en
trois principales catégories : le positivisme, le constructivisme et l’interprétativisme dont nous
effectuons ci-dessous une présentation.

3.1.1.1. Le positivisme
Il s’agit de l’un des paradigmes de recherche les plus fréquemment utilisés dans la littérature.
Dans le cas d’un courant positiviste, « le chercheur est posé en extériorité par rapport à la
situation observée » (Giordano, 2003, p.18). Une connaissance objective de la réalité est donc
possible. En effet, pour le positivisme, les faits sociaux observés sont assimilés à des objets ou
des choses. Le chercheur mène son travail suivant la logique suivante :

Théorie-Hypothèses-Observations-Généralisation-Théorie

Plusieurs auteurs de référence tels que Miles et Huberman (2003) associent ce courant
épistémologique à des analyses quantitatives et à une logique déductive, ceci en partant du
général pour aller au particulier. De fait, le chercheur construit un système hypothético-
déductif avant de « le confronter à des situations empiriques supposées représentatives »
(Wacheux, 1997, p39). Le chercheur positiviste est « un sujet actif observant un réel
« donné », indépendant de lui-même » (Giordano, 2003, p.20).

156
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

3.1.1.2. Le constructivisme
A l’opposé du courant positiviste, le constructivisme consiste à « observer, comprendre et
proposer des explications sur les phénomènes, avant de les associer et de les réinterpréter. La
validité de ces recherches s’apprécie par leur pertinence, leur fécondité et leur force
explicative…Finalement, le constructivisme défend l’idée d’une connaissance construite par
les sujets, acteurs ou chercheurs » (Wacheux, 1996, p.44). En effet, selon ce courant, le
chercheur et l’objet doivent co-construire le projet de recherche (Giordano, 2003). Dans ce
cadre, « le chercheur et les acteurs co-construisent le projet » (Giordano, 2003, p.24).

3.1.1.3. L’interprétativisme
L’interprétativisme est situé entre les deux courants présentés précédemment. En effet, ce
courant postule l’existence d’une interdépendance entre l’objet étudié et le chercheur. Ce
dernier est ainsi considéré comme faisant partie intégrante du processus méthodologique
(Lessard-Hébert et al., 1997 ; Giordano, 2003). De plus, selon l’interprétativisme, il n’existe
pas une seule réalité mais plusieurs. De fait, « il est impossible d’avoir une connaissance
objective de la réalité. Toute connaissance est connaissance « sensible » : nous ne pouvons
que percevoir de manière située et historique cette réalité » (Giordano, 2003, p.20).

De façon générale, les auteurs de ce paradigme affirment que « tout individu (ordinaire ou
savant) est donc sujet interprétant et ses interprétations lui sont spécifiques car intimement
liées à son expérience personnelle du monde. Pour le chercheur, connaître revient à tenter de
comprendre le sens ordinaire que les acteurs attribuent à la réalité, inconnaissable dans son
essence » (Giordano, 2003, p.20). En soi, les recherches qui s’inscrivent dans la tradition
interprétative traduisent une réalité donnée, dans un contexte donné et telle que perçue par les
acteurs du terrain (Allard-Poesi et Maréchal, 1999).

Le positionnement épistémologique retenu


Notre positionnement épistémologique est déterminé en grande partie par la question de
recherche et la nature exploratoire de notre travail qui nous amènent à adopter une posture
interprétativiste. Il s’agit en effet, d’apporter une meilleure appréhension à l’adoption de la
traçabilité par les entreprises de conditionnement de dattes en Tunisie et d’exposer les facteurs
qui permettent d’expliquer cette adoption. Le paradigme interprétativiste apparaît donc
comme le plus adapté à notre problématique. En outre, comme le remarquent Lessard-Hébert
et al. (1997, p.31), « malgré les difficultés de réalisation du paradigme interprétatif, ce

157
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

dernier semble bien fournir à plusieurs chercheurs un fondement à leur utilisation de


méthodologies qualitatives ».

3.1.2. LA DEMARCHE EXPLORATOIRE


La thématique liée à la traçabilité reste encore peu appréhendée dans les travaux académiques.
De plus et jusqu’à ce jour, les publications qui abordent ce thème n’ont pas traité du cas
tunisien et plus spécifiquement celui du conditionnement des dattes. Il s’agit ainsi d’un terrain
encore « vierge ». En conséquence de quoi le choix d’une démarche exploratoire semble être
le mieux adapté.

Pour Evrard et al. (1997), la démarche exploratoire est caractérisée par des échantillons de
taille faible (en raison de la lourdeur et du coût du recueil des données). En résultante, les
données recueillies sont usuellement de nature qualitative. Subséquemment, il existe une
interaction entre le chercheur et son sujet d’étude : le chercheur peut être considéré comme un
instrument d’analyse et d’interprétation.

L’objectif essentiel à travers cette démarche est d’explorer et de comprendre un phénomène


nouveau. Pour Evrard et al. (1997), les analyses exploratoires se prêtent particulièrement à
une approche qualitative. De fait, le choix d’une approche qualitative semble la plus adaptée à
notre recherche.

3.1.3. LE CHOIX D’UNE APPROCHE QUALITATIVE


Une des interrogations récurrentes à tout travail de recherche doctoral est celle de l’approche
méthodologique à suivre. Tout chercheur doit se poser la question suivante : quelle approche
dois-je choisir pour collecter et analyser les données de la phase empirique de ma recherche ?
Actuellement, deux solutions s’offrent aux chercheurs : l’approche quantitative et l’approche
qualitative. Chacune peut être prise séparément ou bien conjuguée.
Une méthode qualitative de recherche est « une stratégie de recherche utilisant diverses
techniques de recueil et d’analyse qualitatives dans le but d’expliciter, en compréhension, un
phénomène humain ou social » (Mucchielli, 2004, p.151). A la différence de l’analyse
quantitative, l’approche qualitative permet d’atteindre une compréhension en profondeur d’un
phénomène ou d’un problème grâce notamment à la richesse et la complexité des données
qualitatives. Ainsi, comme l’indiquent Paillé et Mucchielli (2008, p.51) : « une donnée
qualitative est par essence une donnée complexe et ouverte. Ses contours sont flous, sa

158
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

signification est sujette à interprétation et est inextricablement liée à son contexte


d’appropriation ».

Le choix de l’une de ces deux approches se fonde sur l’orientation même de la recherche. De
fait, si l’on oriente la recherche vers la vérification et le test d’une théorie établie et claire, on
choisira plus particulièrement une approche quantitative. Cependant, si l’approche est orientée
vers la construction d’un objet théorique via une approche exploratoire, l’approche qualitative
est celle à privilégier (Baumard et Ibert, 2003).
Notre démarche étant exploratoire, l’approche qualitative semble être la plus adaptée à notre
recherche. En effet, la recherche qualitative s’applique à des recherches exploratoires afin de
traiter et explorer certaines questions que ne peut pas (ou difficilement) aborder le chercheur
avec des méthodes quantitatives (Poupart et al., 1997).
En bref, avec les recherches qualitatives, on privilégie les modes de raisonnement inductifs et
abductifs même si la déduction n’est pas exclue (Giordano, 2003). Dans le cadre de notre
recherche, nous avons fait le choix de l’abduction comme mode de raisonnement.

3.1.4. UN MODE DE RAISONNEMENT ABDUCTIF

Trois types de modes opératoires pour approcher le réel sont présentés dans la littérature. Il
s’agit de la déduction, de l’induction et de l’abduction. Bien que faisant le choix d’un mode
abductif, nous présentons brièvement les approches déductive et inductive et leur
« incompatibilité » avec notre processus de recherche doctoral.

3.1.4.1. L’approche déductive

De manière générale, l’approche déductive est associée au positivisme. Comme l’indique


Wacheux (1996, p.50), avec l’approche déductive : « le processus de la recherche débute
avec les analyses théoriques, traduites dans des hypothèses testables, pour ensuite les vérifier
sur le terrain, à partir d’un échantillon représentatif ». La recherche va donc du général au
particulier. Et comme le précisent Evrard et al., (2003, p.49), « la démarche déductive
consiste, à partir des connaissances acquises, théories, concepts à émettre des hypothèses qui
seront ensuite testées à l’épreuve des faits ». Ainsi, cette approche convient lorsque l’objectif
de la recherche est de confronter des hypothèses formulées à partir de la littérature au terrain
empirique, principalement composé d’un échantillon large. En tant que telle, l’approche
déductive n’apparaît pas comme adéquate à notre problématique.
159
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

3.1.4.2. L’approche inductive

A l’inverse de la déduction, avec l’induction, on part du terrain ou des cas particuliers pour
formuler une théorie. En d’autres termes, le chercheur qui s’appuie sur ce mode de
raisonnement observe des faits pour générer une théorie plus générale. Néanmoins, ce type
d’approche « ne rencontre plus beaucoup d’écho en sciences sociales, et n’a jamais démontré
sa fécondité en Sciences de Gestion » (Wacheux, 1996, p.51).

3.1.4.3. L’approche abductive

L’abduction consiste à procéder à des « allers-retours successifs entre le travail empirique


effectué et les théories et concepts mobilisés pour appréhender les situations empiriques
étudiées, et en construire des représentations intelligibles, en vue de la construction
progressive de connaissances en relation avec des savoirs déjà admis » (Avenier et Gavard-
Perret, 2008, p.30). En conséquence de quoi, l’abduction est une approche plus prisée :
« alors que l’induction vise à dégager par l’observation des régularités indiscutables,
l’abduction consiste à tirer de l’observation des conjonctures qu’il convient ensuite de tester
et de discuter » (Koenig, 1993, p.7). Dans une telle approche, la confrontation entre les
théories mobilisées et le terrain empirique admet l’apparition de nouvelles variables. De plus,
d’autres changements peuvent exister tout au long du travail de recherche tels que l’adaptation
des guides d’entretien et/ou des questions de recherche ou même un changement au niveau du
cadre théorique mobilisé.

Dans cette perspective, nous avons privilégié le raisonnement abductif où, eu égard à la
complexité du phénomène étudié, nous avons procédé à des allers-retours permanents entre
des théories ancrées et les différentes approches du terrain novateur. La disposition des
chapitres illustrent bien ce cheminement choisi.

En définitive, le choix de chacun des aspects épistémologiques présentés est conditionné par
l’objectif et le contexte de la recherche. Ces éléments de la méthodologie sont également
interdépendants. C’est donc tout naturellement que notre choix s’est porté sur une approche
exploratoire qualitative couplée à un mode de raisonnement abductif et un positionnement
interprétativiste.

160
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

3.2. MODELE D’ADOPTION DE LA TRAÇABILITE ET


PROPOSITIONS DE RECHERCHE
Le cadre épistémologique ainsi posé, nous proposons de réfléchir à une modélisation de
l’adoption de la traçabilité en prenant appui sur la recherche impulsée dans le cadre de la
traçabilité, des aspects technologiques, de la théorie des parties prenantes, ainsi que de
l’adoption et de la diffusion des innovations.

En se fondant sur les éléments développés au niveau de ces trois premiers chapitres, nous
suggérons de retenir de la traçabilité les aspects suivants :
Ø La traçabilité peut être considérée comme une démarche, vecteur d’une information
décisive permettant de faciliter le suivi, le contrôle et le rappel si nécessaire des biens
et services, de l’endroit de leur création à celui de leur destruction finale quelqu’en
soit la forme, dans le but de répondre aux exigences de chaque acteur de la chaîne
logistique.
Ø C’est en considérant la traçabilité comme une innovation managériale que son
adoption en sera facilitée.

La figure n°35 correspond aux éléments qu’il convient de prendre en compte pour assurer
l’adoption de la traçabilité. Ainsi, à travers ce modèle, il est envisageable de mettre en lumière
en une seule modélisation les différentes dimensions de cette démarche. Par là même, il est
finalement permis de mieux caractériser la nature de cette démarche stratégique.

161
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la
traçabilité

Figure n° 35 : Proposition d’une modélisation de l’adoption de la traçabilité

Source d’information P1.1.1

Maîtrise de la sécurité, l’origine


P1.1.2
et l’intégrité du produit
Avantage relatif P1.1
Renforcement de l’avantage P1.1.3 Caractéristiques
concurrentiel
de
Contrôle et évaluation Valeurs P1.2.1 Compatibilité
P1.1.4 P1.2
permanents la traçabilité
Ancienne vs Nouvelle P1
innovation P1.2.2
Redéfinition des relations entre P1.1.5
acteurs Complexité P1.3

P1.2.3
Adoption
Besoin
P1.1.6 Testabilité P1.4
Sources externes de motivations
de la
Nom positif P1.2.4 traçabilité
Observabilité P1.5

Centralisation des P2.1.2.1


décisions (-) Taille de l’entreprise P2.1.1
L’« innovativeness » P2.1 Caractéristiques
de
Connaissances et Caractéristiques structurelles P2.1.2 P2
compétences (+) P2.1.2.2
l’organisation
P2.2.1
P2.2
Maturité technologique T.I.C.
Formalisation (-) P2.1.2.3

Infrastructure technologique
P2.1.2.4 des partenaires Caractéristiques
Interconnexion (+) P2.2.2 Rôle des Parties P3.1 de
prenantes l’environnement P3
Slack organisationnel (+) P2.1.2.5

Champion P3.2
162
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

De fait, nous suggérons de modéliser l’adoption de la traçabilité en considérant l’association


de trois propositions génériques de recherche. Selon cette configuration, l’appréhension des
propositions de recherche s’établirait comme suit :

Proposition 1
L’adoption de la traçabilité doit répondre aux caractéristiques d’une innovation
managériale.
Celle-ci s’appréhende par cinq caractéristiques qui la composent, à savoir son avantage relatif,
sa compatibilité, sa complexité, sa testabilité et son observabilité. Cinq sous-propositions sont
ainsi énoncées et correspondant chacune à l’une de ces caractéristiques.

Proposition 1.1
L’avantage relatif perçu de la traçabilité influence positivement son adoption.

Il s’agit du degré selon lequel la traçabilité est perçue comme meilleure que l’existant.
Tout d’abord, avant d’exposer les différentes dimensions de l’avantage relatif, il convient
d’intégrer la notion de « sources d’information » inspirée des « canaux de communication »
de Rogers (2003). En effet, afin de prendre conscience de l’existence et de l’importance d’une
innovation et de là l’adopter, les entreprises doivent au préalable s’informer sur cette
innovation (P1.1.1).
Ensuite, l’avantage relatif de la traçabilité correspond aux apports étudiés dans le chapitre 1 et
qui peuvent influencer à leur tour l’avantage perçu de la traçabilité et de là, son adoption. On
trouvera à ce titre : (P1.1.2) la maîtrise de la sécurité, l’origine et l’intégrité du produit ;
(P1.1.3) le renforcement de l’avantage concurrentiel, (P1.1.4) le contrôle et l’évaluation
permanents, ainsi que (P1.1.5) la redéfinition des relations entre acteurs. Nous choisissons de
rajouter une autre sous-dimension de l’avantage relatif, à savoir les sources de motivation au
sens de Rogers (P1.1.6) ; avantages en nature ou en argent qui sont accordées à l’adopteur
potentiel afin de l’encourager à adopter la traçabilité.

Proposition 1.2
La compatibilité perçue de la traçabilité influence positivement son adoption.

Il s’agit du degré avec lequel la traçabilité est perçue comme « compatible » avec (P1.2.1) les
valeurs et croyances socio-culturelles ; (P1.2.2) les innovations adoptées précédemment ;
(P1.2.3) les besoins des entreprises qui l’ont adoptée. De plus, (P1.2.4) le terme « traçabilité »

163
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

en lui-même peut influencer la compatibilité perçue de cette innovation et, de là, la décision
de l’adopter ou de la rejeter.

Ces deux premières caractéristiques (avantage relatif et compatibilité) sont considérées


comme les plus importantes. A celles-ci, il convient d’ajouter :

Proposition 1.3
La traçabilité est perçue comme facile à comprendre et à utiliser, ce qui favorise son
adoption.

La proposition 1.3 renvoie à l’attribut « complexité » au sens de Rogers (1962, 2003).


Rappelons qu’il s’agit ici du degré avec lequel une innovation est perçue comme complexe,
ce qui freinerait son adoption. En conséquence, les entreprises qui ont adoptées la traçabilité
ne percevaient pas cette complexité mais considéraient plutôt la traçabilité comme facile à
comprendre et à utiliser.

Proposition 1.4
La testabilité perçue de la traçabilité influence positivement son adoption.

Si l’entreprise a testé la traçabilité avant de la mettre en place, ceci pourrait l’encourager à


l’adopter.

Proposition 1.5
L’observabilité perçue de la traçabilité influence positivement son adoption.

Cette sous-proposition correspond au degré avec lequel les résultats de la traçabilité sont
visibles et observables. Plus les résultats sont visibles, plus son adoption est possible et
rapide.

Proposition 2
L’adoption de la traçabilité dépend des caractéristiques de l’organisation.

Cette deuxième proposition générique renvoie au profil de l’organisation, influencé par


l’« innovativeness » de cette entreprise et les Technologies de l’Information et de la
Communication utilisées. Deux sous-propositions en découlent.

164
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

Proposition 2.1
Les entreprises qui ont une capacité à adopter des innovations et ceci de manière rapide ou
« innovativeness », ont tendance à adopter la traçabilité en tant qu’innovation.

L’« innovativeness » d’une entreprise dépend elle-même de deux sous-facteurs :


P2.1.1 La taille de l’entreprise : les entreprises qui ont une taille importante ont une plus
grande capacité à adopter des innovations de manière rapide et seront susceptibles d’adopter
la traçabilité.
P2.1.2 Les caractéristiques structurelles de l’entreprise : il s’agit de la centralisation, la
complexité, la formalisation, l’interconnexion et le slack organisationnel. Ces caractéristiques
nous semblent correspondre à des déterminants pour expliquer en partie l’adoption de la
traçabilité. Ainsi, pour :
Ø La centralisation des décisions (P2.1.2.1). Il s’agit du cas d’une entreprise centralisée
où la décision est prise par un nombre limité de personnes. Cet aspect freinerait
l’adoption de la traçabilité.
Ø La complexité. Nous remplaçons ce terme par les «connaissances et compétences»
(P2.1.2.2) qui, en gardant le même sens, rend compte de la signification de cette
caractéristique. Les compétences et connaissances des cadres influenceraient
positivement, la décision d’adopter la traçabilité.
Ø La formalisation (P2.1.2.3). Il s’agit de suivre des procédures strictes et formelles dans
la prise de décision ce qui freinerait l’adoption d’innovations telle que la traçabilité.
Ø L’interconnexion (P2.1.2.4). Il s’agit d’avoir un bon niveau d’interconnexion et une
information qui circule rapidement ce qui favoriserait l’adoption de la traçabilité.
Ø Le slack organisationnel (P2.1.2.5). Il s’agit d’un excédent de ressources dont dispose
l’entreprise en plus de ceux nécessaires pour son fonctionnement. Ces ressources
permettraient à l’entreprise de prendre des risques notamment en adoptant des
innovations et en conduisant des projets dont la réussite n’est pas totalement garantie
(Damanpour, 1991 ; Donada et Dostaler, 2005 ; Bueno Merino et Grandval, 2009).
Ces ressources sont généralement mesurées par des indicateurs financiers tel que le
budget de l’organisation (Damanpur, 1991 ; Vahtera, 2008). Ainsi, dans le cas de notre
recherche, nous considérons que la présence d’un excédent budgétaire consacré aux
éventuelles innovations à adopter influencerait positivement l’« innovativeness »
d’une entreprise et de là, l’adoption de la traçabilité.

165
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

Proposition 2.2
Les caractéristiques technologiques de l’entreprise influencent son adoption de la
traçabilité

Aux différentes dimensions étudiées au niveau de la proposition 2.1 et qui concernent toutes
les innovations, nous choisissons d’intégrer une sous-proposition plus spécifique à la
traçabilité et liée aux TIC ou technologies de l’information et de la communication, comme
outils essentiels dans la mise en place et l’utilisation de la traçabilité. Il s’agit des
caractéristiques technologiques de l’entreprise. Ces caractéristiques concernent
essentiellement :
P2.2.1 La maturité technologique de l’entreprise : l’entreprise doit être en effet, préparée au
niveau technologique pour adopter la traçabilité. La maturité technologique d’une entreprise
s’apprécie par les connaissances technologiques de ses cadres, son infrastructure
technologique et la maîtrise de ces TIC par les acteurs internes.
P2.2.2 L’infrastructure technologique des partenaires de l’entreprise semble également être un
facteur pouvant influencer l’adoption de la traçabilité.

Proposition 3
L’adoption de la traçabilité dépend des caractéristiques de l’environnement

L’adoption de la traçabilité dépend, enfin, de l’environnement, influencé par les actions et


attentes des parties prenantes (P3.1) et du « champion » (P3.2).

Proposition 3.1
Les parties prenantes influencent l’adoption de la traçabilité

Ces parties prenantes regroupent les acteurs internes et externes qui influencent les décisions
de l’entreprise notamment celles relatives à l’adoption de la traçabilité. Parmi les parties
prenantes préétablies, nous avons fait le choix d’ajouter les médias (comme un des canaux de
communication décrit dans le modèle de Rogers (2003)). Ces médias incluent également
Internet qui est considéré par Rogers (2003) comme un mode de la « communication
interactive ».

166
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

Proposition 3.2
La présence d’un « champion » dans l’entreprise influence l’adoption de la traçabilité

Dans le cas de la traçabilité, objet de notre étude de cas, qui implique des changements
organisationnels, technologiques et qui nécessite une implication du personnel à tous les
niveaux, nous supposons que son adoption relève d’une décision collective. Ceci suppose
également, que dans le cadre de notre modèle de recherche, nous allons omettre les
caractéristiques du preneur de décision puisque l’adoption de la traçabilité ne serait pas une
décision individuelle. Cependant, nous considérons que l’adoption de la traçabilité dépend de
la présence d’un « champion » comme l’appelle Rogers (2003). Il s’agit d’une personne qui
influence, à travers sa position et son poids dans l’organisation, l’attitude de cette organisation
envers les innovations. A l’inverse de Rogers (2003), nous ne considérons pas que la présence
du « champion » comme une des caractéristiques organisationnelles mais plutôt comme une
des caractéristiques de l’environnement.

CONCLUSION

A travers ce chapitre, nous avons présenté la théorie des parties prenantes et le modèle
d’adoption et de diffusion d’une innovation au sens de Rogers (1962, 2003). Ces deux
éléments nous ont permis d’aboutir à la formulation d’un modèle des facteurs ou déterminants
de l’adoption de la traçabilité en tant que démarche stratégique et innovation managériale.

De fait, en se fondant sur les différents points énoncés dans ces trois premiers chapitres, nous
avons émis un ensemble de propositions de recherche. En effet, la revue de la littérature en
relation avec la traçabilité, montre que celle-ci requiert une réflexion profonde en amont de
son adoption, ainsi qu’une évaluation constante de son efficacité et son efficience dans son
quotidien. En outre, dans les éléments qui la composent, plusieurs facteurs sont
prépondérants : l’importance des outils qui l’accompagnent, le rôle des acteurs, ainsi que les
caractéristiques intrinsèques de la traçabilité et de l’organisation.

Ces différents éléments de la littérature permettent d’énumérer les propositions de recherche


qui peuvent être regroupées en trois thématiques principales : les caractéristiques liées à la
traçabilité, les caractéristiques liées à l’organisation et les caractéristiques liées à
l’environnement et ont permis la modélisation de l’adoption de la traçabilité telle que
167
Chapitre 3 : Le rôle fondamental de la théorie des parties prenantes et du modèle de diffusion et d’adoption
d’une innovation d’Everett M. Rogers dans l’adoption de la traçabilité

présentée dans la figure n°35. C’est cette modélisation qui sera employée dans le cadre de la
deuxième phase empirique de notre recherche doctorale.

La figure n°36 synthétise la démarche de recherche, qui peut désormais se poursuivre avec
l’étude empirique. La suite de ce travail est d’envisager la validation empirique du modèle sur
le cas de la traçabilité alimentaire en Tunisie. En effet, la traçabilité alimentaire -sur le plan
européen- fait face à des règlementations de plus en plus poussées. Or, ces dernières ont un
impact sur les exportations effectuées par des pays hors de la zone Europe mais qui y
proposent leurs produits : tel est le cas de la Tunisie pour -entre autres- sa filière « dattes » et
la place stratégique qu’elle occupe au niveau des exportations tunisiennes. Le test du modèle
proposé auprès des entreprises de conditionnement de dattes devrait faire émerger des
éléments intéressants pour une adoption de la traçabilité.

Figure n°36 : La démarche de recherche retenue

Revue de la littérature sur la Appréhension du terrain tunisien de la


traçabilité datte et de ses spécificités en termes de
traçabilité

Elaboration de la question de recherche

Revue de la littérature sur la Revue de la littérature sur la


théorie des parties prenantes théorie de diffusion et d’adoption
d’une innovation de Rogers

Enonciation d’une modélisation de l’adoption de la traçabilité et de trois propositions


de recherche

Analyse empirique

Source : Elaboration personnelle.

168
CHAPITRE -4-
L’ANALYSE QUALITATIVE : METHODOLOGIE

INTRODUCTION

Considérant le caractère exploratoire et novateur en termes de terrain d’accès de notre


recherche doctorale, une approche de type qualitatif s’avère la plus adéquate afin de tester la
modélisation des facteurs d’adoption de la traçabilité. L’objectif du présent chapitre est de
détailler la méthodologie et la phase qualitative de la recherche. La méthodologie s’apprécie
ici telle « la réflexion préalable sur la méthode qu’il convient de mettre au point pour
conduire une recherche » (Mucchielli, 2004, p.151).

Une première section présente les aspects méthodologiques, à savoir la stratégie d’accès au
réel et les modalités et instruments de recueil des données. La présentation des trois
entreprises, choisies dans le cadre de notre étude empirique, fait l’objet de la deuxième
section.

1. CHOIX METHODOLOGIQUES
Au niveau de cette section, nous nous proposons d’expliciter le choix de l’étude de cas,
méthode d’investigation sur laquelle l’analyse empirique s’appuiera ainsi que les modalités et
instruments de recueil des données empiriques.

1.1. LA STRATEGIE D’ACCES AU REEL : L’ETUDE DE CAS


Pourquoi choisir la méthode d’étude de cas ? Quel type d’études de cas ? Telles sont les
questions que nous nous sommes posés avant d’entamer l’analyse empirique de notre travail.
L’étude de cas est une approche méthodologique qui consiste à « étudier une personne, une
communauté, une organisation ou une société individuelle. Comme le suggère son nom,
l’étude de cas se penche sur une unité particulière quelconque » (Roy, 2003, p.160). Pour
Wacheux (1996, p.89), la méthode des cas se définit comme « une analyse spatiale et

169
Chapitre 4 : L’analyse qualitative : méthodologie

temporelle d’un phénomène complexe par les conditions, les événements, les acteurs et les
implications ». Il s’agit de l’une des méthodes qualitatives les plus utilisées.

Adapté de Wacheux (1996), le tableau suivant présente les stratégies d’accès au réel
qu’utilisent généralement les chercheurs en Sciences de Gestion.

Tableau n°9 : Le choix d’une méthode qualitative en Sciences de Gestion

Objectif et question Hypothèses implicites Investigations et


de recherche et contrôle exemples
Exploration, Capacité du chercheur à Le groupe,
Etude de cas compréhension se distancier au moment l’organisation, les
de l’analyse relations inter-
organisationnelles
Repérer des Signification semblable Les comparaisons
Méthode déterminants locaux et des faits dans différents internationales
comparative généraux de l’objet contextes
analysé
Recherche Causalisme simple ou Capacité de manipuler Le comportement de
expérimentale contextuel des variables et de l’individu et du
reproduire l’expérience groupe
Comprendre les Possibilité de modéliser La prospective
Scénario et mobiles de l’action et des situations
simulation les représenter complexes et les réduire
à des déterminants
généraux
Etudier les Capacité du chercheur à Le développement
Recherche changements enregistrer et analyser organisationnel
action provoqués en temps réel

Source : Adapté de Wacheux, 1996.

En nous basant sur l’étude du tableau n°9, nous avons choisi l’étude de cas comme stratégie
d’accès au réel. En effet, l’objectif de cette méthode est d’étudier et de comprendre en
profondeur une situation au niveau d’une ou plusieurs organisations ainsi que ses
déterminants (Wacheux, 1996, Evrard et al., 2003). Dans notre cas, il s’agit d’étudier
l’adoption de la traçabilité et ses déterminants au sein des entreprises de conditionnement des
dattes en Tunisie. Sur ce point, trois entreprises totalement exportatrices ont été choisies et
sont représentées au niveau de la section 2 du présent chapitre. Comme nous le verrons
ultérieurement, ce critère à l’exportation était un préalable. En effet, ces entreprises ont dû
s’adapter aux contraintes européennes et adopter une traçabilité pour répondre aux attentes de
leurs clients. Peu ou prou d’entreprises tunisiennes en vente locale appliquent une réelle

170
Chapitre 4 : L’analyse qualitative : méthodologie

traçabilité, d’autant que leur production n’est pas assez conséquente pour une telle démarche,
du moins dans une pratique « avancée ».

Il convient également de noter que l’étude de cas nécessite la triangulation des sources de
données grâce notamment aux interviews, archives ainsi qu’à une présence au niveau de
l’entreprise pour l’observation du contexte et des acteurs. Ceci constitue une richesse mais
également une des difficultés liées à l’étude de cas. En effet, des contradictions internes
peuvent exister entre ces différentes sources (Wacheux, 1996 ; Evrard et al., 2003).

Choix d’une étude multi-sites


Le choix du type d’étude de cas est une étape importante dans le processus d’étude empirique
qui détermine notamment la procédure de collecte et d’analyse des données. Comme le
précise Wacheux (1996, p.93) : « le nombre de sites étudiés doit couvrir l’hétérogénéité et la
variabilité des concepts de la problématique pour satisfaire au critère de représentativité
théorique ». Il dépend également des objectifs de la recherche.

Dans le cadre de notre recherche, une étude multi-sites nous a semblé la plus adaptée.
L’objectif étant une plus grande généralisation des résultats obtenus, ainsi qu’une
compréhension approfondie du phénomène étudié. Cependant, il faut éviter de rajouter des
cas ou des sites si cela n’apporte pas un plus pour la démarche. En effet, il faut choisir « des
sites multiples, bien échantillonnées (Sont-ils typiques ? Diversifiés ? Exceptionnellement
efficaces ou inefficaces ?) » (Miles et Huberman, 2003, p.308).

Il existe deux types d’approches distinctes de l’analyse multi-sites présentés par Miles et
Huberman (2003) dans leur ouvrage « Analyse des données qualitatives » :
Ø l’analyse orientée-cas,
Ø l’analyse orientée-variable.
L’analyse orientée-cas considère le cas comme « une entité pleine et entière et examine des
configurations, des associations, des causes et des effets au sein du cas, et n’envisage que par
la suite une analyse comparative d’un nombre de cas ou sites (le plus souvent limité) » (Miles
et Huberman, 2003, p.311). Ce type d’approche est centré sur le site ou le cas étudié. Dans
l’approche orientée-variable, « les « composantes » sont les variables et leurs
interconnections, plutôt que les cas en tant que tels. Les détails de chaque cas en particulier
disparaissent derrière de larges modèles découverts au moyen d’une grande variété de cas, et
on mène peu de comparaison explicite cas après cas » (Miles et Huberman, 2003, p.312).

171
Chapitre 4 : L’analyse qualitative : méthodologie

Nous avons privilégié dans notre travail doctoral, l’analyse orientée-variable que nous
développons dans le chapitre suivant. En effet, dans une approche orientée-variable « les
analystes cherchent souvent parmi les cas ou sites des thèmes transversaux » (Miles et
Huberman, 2003, p.313), ce qui correspond parfaitement à notre objectif de recherche qui est
celui de déterminer les facteurs d’adoption de la traçabilité.

1.2. MODALITES ET INSTRUMENTS DE RECUEIL DES DONNEES


Les modalités et instruments permettent de collecter des données à analyser dans le cadre de
la recherche.

1.2.1. LES INSTRUMENTS DE LA RECHERCHE


De manière usuelle, il existe quatre types d’instruments ou de « sources d’évidence » :
l’entretien, l’observation directe, les archives et la documentation. Il est rare de trouver des
recherches mobilisant un seul instrument ou source d’évidence. En effet, la multiplication de
ces sources permet « une triangulation empirique » qui « guide la construction du dispositif »
(Wacheux, 1996, p.202). La fiabilité de cette étape de collecte des données dépend de
plusieurs facteurs tels que la fiabilité des procédures à suivre et « l’investissement du
chercheur ». Dans le cas de notre recherche, nous avons fait appel à trois types de sources de
données à savoir : la documentation, l’observation directe et l’entretien.

1.2.1.1. La documentation ou donnée secondaire


Il s’agit « d’analyses des traces écrites présentes d’un processus »60 (Wacheux, 1996, p.203).
En conséquence de quoi, pour chacune des trois entreprises étudiées, nous avons récupéré des
données secondaires tels que les manuels qualité, la procédure d’identification et de la
traçabilité, ainsi que des documents présentant les entreprises en tant que telles. Cependant,
cette source d’évidence est définie en complément à d’autres dispositifs qui dans notre cas
correspondent à l’observation et à la conduite d’entretiens.

1.2.1.2. L’observation directe


L’observation est « une vigilance aiguisée par des informations extérieures et des questions
qui évoluent au fur et à mesure de la poursuite de votre travail » (Beaud et Weber, 2003,
p.143). Avec l’observation, l’analyse repose sur une relation humaine partagée entre le
chercheur et l’objet de son étude (Laplantine, 1987).

60
Par opposition aux archives qui concernent l’analyse « des traces écrites passées d’un processus » (Wacheux,
1996, p.203).
172
Chapitre 4 : L’analyse qualitative : méthodologie

Dans le cadre de notre recherche doctorale, nous avons procédé à une observation passive par
opposition à celle participante. Cette dernière renvoie au fait que le chercheur joue un rôle
actif au même titre que les autres acteurs appartenant au groupe ou entreprise étudiée. Pour
l’observation participante, il est difficile de se faire accepter en tant que membre de la société
et d’être présent pendant une période de temps assez longue pour un projet de recherche-
action. De plus, ce type de recherche demande un investissement total de la part du chercheur
pendant toute la durée de l’observation. Cette difficulté peut décourager certains chercheurs à
se lancer dans ce type de démarche.

L’observation passive, quant-à-elle, concerne le cas où le chercheur ne fait qu’observer en la


qualité de témoin des événements sans y participer. Selon Wacheux (1996, p.215),
l’observation passive se définit comme « l’autorisation d’être présent dans l’organisation
pour regarder la réalité quotidienne, assister aux événements pour les enregistrer et les
analyser. Mais c’est aussi saisir l’occasion d’une visite de l’entreprise pour être attentif à
l’environnement immédiat des personnes ». Ce type d’observation est plus intéressant en ce
sens qu’il permet de conserver l’objectivité du chercheur.

Il convient toutefois de signaler que les durées d’observation passive n’ont pas été d’une
même longueur et teneur sur les trois entreprises. Ainsi, les deux semaines d’observation
passive passées chez l’entreprise (A) ont permis d’enrichir la recherche en acquérant une
vision réelle et réaliste des différentes recherches théoriques sur la traçabilité au sein de la
filière des dattes en Tunisie. Beaucoup plus courte, nous avons eu droit à une visite « guidée »
des entreprises (B) et (C). Malgré cette observation écourtée (en moyenne deux heures), ces
observations ont permis de mieux comprendre le fonctionnement de ces entreprises et
essentiellement leurs démarches de traçabilité telles que présentées dans la deuxième section
du présent chapitre.

Que l’on parle d’observation participante ou d’observation passive, le chercheur dispose


d’une situation privilégiée qui lui permet de « comprendre de l’intérieur comment les
événements surviennent, avant de les expliquer » (Wacheux, 1996, p.209). Cependant, pour
être validée, cette étape doit être accompagnée d’un enregistrement ou prise de notes.
Comme nous le verrons dans la partie qui traite de la codification au-niveau du logiciel

173
Chapitre 4 : L’analyse qualitative : méthodologie

Nvivo8.061, certaines notes issues de cette phase d’observation ont été transformées en
« memos » et codifiées en tant que sources au même titre que les entretiens.

Tel que nous l’avons constaté au cours de cette étape d’observation, celle-ci peut constituer
une source de données importante pour l’analyse. Cependant, elle nécessite un engagement et
un investissement de la part du chercheur. Ce dernier doit posséder ou « acquérir » des
qualités de « bon diplomate » et avoir un comportement lui permettant de gagner la confiance
des acteurs dont une résistance peut mettre en danger la fiabilité de l’observation. En effet,
« la seule présence sur les lieux ne garantit pas une observation du phénomène. Le chercheur
doit être accepté par le groupe et être présent aux moments opportuns » (Yin, 1994 cité par
Wacheux, 1996, p.213). Le chercheur doit avoir une force de persuasion et ne doit pas se
décourager face aux premiers « non, désolé j’ai beaucoup de travail », ou bien « je ne peux
pas vous consacrer du temps pour vous faire visiter l’usine » ou encore « revenez demain,
revenez après demain, etc. » : retours auxquels nous avons été confrontés au cours de notre
recherche.

Finalement, au fil du temps et à force de persévérance, nous sommes arrivés à établir une
relation de confiance et à être acceptés par les membres de l’entreprise. L’observation devient
alors une mine d’informations et de données -plus ou moins- pertinentes mais qui nous a été
essentielle pour la compréhension de l’objet étudié.

Enfin, l’observation directe comme la documentation sont venues compléter notre principale
source de données : l’entretien.

1.2.1.3. L’entretien
La méthode de collecte de données ou d’investigation que nous avons privilégiée est celle de
l’entrevue en profondeur ou l’entretien dirigé. L’entretien est « utilisé dans l’ensemble des
sciences humaines, et constitue un mode privilégié de recueil des informations. En Sciences
de Gestion, particulièrement ; la plupart des recherches qualitatives s’alimentent aux « mots
des acteurs » pour comprendre les pratiques organisationnelles et les représentations des
expériences » (Wacheux, 1996, p.203).

61
Le logiciel NVivo 8.0 a été utilisé dans le traitement des données. Ce dernier est présenté plus bas dans ce
chapitre.
174
Chapitre 4 : L’analyse qualitative : méthodologie

Il existe quatre formes dites « classiques » de l’entretien telles que présentées par Wacheux
(1996, p.204). Nous pouvons ainsi citer :
· L’entretien directif : « L’acteur répond à une suite de questions courtes et précises sur
des faits, des opinions et des représentations. Le chercheur contrôle le déroulement ».
· L’entretien semi-directif : « L’acteur s’exprime librement, mais sur des
questionnements précis, sous le contrôle du chercheur. L’implication est partagée ».
· L’entretien non-directif : « Conversation libre et ouverte sur des thèmes
préalablement définis. Le chercheur intervient pour recentrer, reformuler et accepter
le discours de l’acteur. »
· L’entretien de groupe : « Forme spécifique d’entretien qui s’intéresse aux interactions
entre les acteurs et à la construction groupale d’explications et de représentations ».

Dans le cadre de cette recherche, nous avons choisi d’utiliser l’entretien semi-
directif comme type d’entretien. Certes, en nous basant sur cette méthode
d’investigation, nous cherchons à vérifier l’ensemble de propositions préétablies.
En outre, en ayant une démarche exploratoire, choisir l’entretien semi-directif,
avec un degré de liberté accordé à l’interviewé, nous permet d’identifier de
nouveaux thèmes non soupçonnés au préalable.

Conduire un entretien est une tâche complexe. Plusieurs ouvrages en sciences humaines et
sociales présentent les éléments indispensables pour la préparation et la conduite des
entretiens. Il s’agit là des « must » et des pièges à éviter. On parle même des « règles du jeu »
(Blanchet et al., 1985). « L’essentiel est de gagner la confiance de l’enquêté, de parvenir
rapidement à le comprendre à demi-mot et à entrer (temporairement) dans son univers
(mental) » (Beaud et Weber, 2003, p.203). Dans ces perspectives, un des préalables à la
conduite d’un entretien est la construction d’un document ou guide. Le guide d’entretien est
un « document écrit qui résume les axes principaux de l’entrevue à ne pas confondre avec une
liste de questions ouvertes. Ce canevas assez souple sert de point de repère pour le chercheur
et d’aide à la réflexion pour le répondant » (Hlady-Rispal, 2002, p.126).

1.2.2. LA CONSTRUCTION DU GUIDE D’ENTRETIEN


Nous avons bâti un guide d’entretien préalablement à la réalisation des entretiens auprès des
différents responsables. Notre choix a été d’établir un guide d’entretien très détaillé qui nous
permette de répondre à notre question de recherche et de tester les différentes propositions de
recherche concernant les facteurs d’adoption de la traçabilité dans le contexte spécifique des
175
Chapitre 4 : L’analyse qualitative : méthodologie

dattes en Tunisie. Selon les besoins, ce guide regroupe des questions fermées afin d’avoir des
réponses précises et des questions ouvertes permettant aux interviewés de s’exprimer plus
librement sur certains aspects.

Le guide d’entretien qui comprend en tout 52 questions, a été conçu en quatre grandes
parties :

Ø Une première partie regroupant des questions d’ordre général sur l’entreprise (activité
et marché cible), sur la définition personnelle de la traçabilité donnée par chaque
interviewé (l’objectif est de contrôler notre postulat affirmant que la traçabilité est une
démarche et une innovation managériale). Cette première partie regroupe également
des questions sur la décision d’adopter la traçabilité (quand, comment et par qui).

Encadré n° 4 : Extrait du guide d’entretien : Généralités


1. Quelles sont les activités de l’entreprise ?
2. Son marché cible (l’Union Européenne, l’Asie, etc. ) ?
3. Comment définissez-vous la traçabilité ? La considérez-vous comme une innovation
technologique et/ou managériale ?
4. Avez-vous mis en place une démarche de traçabilité au sein de l’entreprise ?
4.1 Si oui, cette démarche a-t-elle été mise en une seule fois pour l’ensemble des produits
de l’entreprise, ou est-ce qu’elle n’a été mise que pour certains produits ?
4.2 Quand avez-vous mis en place cette démarche ?
5. La décision d’adopter la traçabilité était-elle une décision volontaire de l’entreprise ou
était-elle une réponse à une obligation réglementaire ou autre ?
6. Cette décision a-t-elle été prise par un seul individu (PDG) ou par un comité
d’organisation ?

Ø La deuxième partie des questions correspond aux dimensions liées aux caractéristiques
de la traçabilité telles que perçues. Ces dimensions font référence à la première
proposition de notre modèle de recherche à savoir : P1. L’adoption de la traçabilité
doit répondre aux caractéristiques d’une innovation managériale. Celle-ci
s’appréhende par cinq caractéristiques qui la composent, à savoir son avantage relatif,
sa compatibilité, sa complexité, sa testabilité et son observabilité. D’autres questions
font référence aux sources d’information et de motivation.

176
Chapitre 4 : L’analyse qualitative : méthodologie

Encadré n° 5 : Extrait du guide d’entretien : Caractéristiques de la traçabilité

1. Avant d’adopter la traçabilité, l’entreprise s’est-elle informée sur cette innovation et sur
son utilité ?
2. Si oui, comment et auprès de qui ? Les informations ont-elles été récoltées auprès des
entreprises œuvrant dans le même secteur d’activité et qui ont déjà adopté la traçabilité,
des organismes d’appui, ou bien auprès des médias qui ont traités ce sujet ?
3. Comment avez-vous perçu l’importance ou l’utilité de la traçabilité avant de l’adopter ?
Quelles étaient les variables retenues pour mesurer l’utilité de cette innovation pour
votre entreprise ? (économiques (rentabilité économique, gain de temps, diminution des
couts), amélioration de l’image de l’entreprise et de la qualité des produits, etc.)
3.1. Avez-vous calculé la rentabilité économique de la démarche de traçabilité avant de
l’adopter ? Comment et avec quoi cela a-t-il été calculé ? Si oui, cette information
vous a-t-elle aidée dans la prise de décision relative à l’adoption de la traçabilité ?
Expliquez.
3.2. Les enjeux liés à la traçabilité autres que ceux économiques (amélioration de l’image,
gestion des risques, coopération et coordination, etc.) étaient-ils une des variables
prises en compte lors de l’adoption de la traçabilité ? Expliquez.
3.3. Quel a été le « poids » de chacun de ces enjeux ?
4. Avez-vous obtenu des subventions de l’Etat, des organismes d’appui ou des clients afin
de vous encourager à adopter la traçabilité ? Si oui, sous quelles formes et à quelle
hauteur en termes de montant ?
5. Considérez-vous que la démarche de traçabilité soit compatible avec les valeurs de votre
entreprise ? Expliquez.
5.1. Si oui, pensez-vous que cette compatibilité a influencé positivement l’adoption de la
traçabilité par votre entreprise ?
5.2. Si non, comment expliquez-vous le fait que vous avez adopté cette innovation malgré
l’incompatibilité avec les valeurs et croyances de l’entreprise ?
6. Considérez-vous que la démarche de traçabilité ressemble à une innovation que votre
entreprise a adopté précédemment ?
6.1. Si oui, pensez-vous que cette compatibilité a influencé positivement l’adoption de la
traçabilité par votre entreprise.
6.2. Si non, comment expliquez-vous le fait que vous avez adopté la traçabilité malgré
l’incompatibilité avec les innovations précédentes ?
7. Considérez-vous que la démarche de traçabilité a été compatible avec vos besoins ?
7.1. Si oui, Précisez quels étaient ces besoins et pensez-vous que cette compatibilité a
influencé positivement l’adoption de la traçabilité par votre entreprise ?
7.2. Si non, comment expliquez-vous le fait que vous avez adopté cette innovation malgré
l’incompatibilité avec les besoins de l’entreprise ?
8. Considérez-vous que le terme « traçabilité » ait une connotation positive ou négative ?
Pensez-vous que ceci a influencé la décision d’adopter la traçabilité par votre
entreprise ?
9. Considérez-vous la traçabilité comme étant difficile à comprendre et à utiliser ?
9.1. Si oui, comment expliquez-vous le fait que vous avez adopté cette innovation malgré
le fait que vous la perceviez comme complexe.
9.2. Sinon, pensez-vous que cet aspect a poussé l’entreprise à adopter la traçabilité par
l’entreprise ?
10. Avez-vous eu l’occasion de tester la démarche de traçabilité avant de l’adopter ? si oui,
comment ? Pensez-vous que ceci a influencé la décision d’adopter cette innovation par
votre entreprise ?

177
Chapitre 4 : L’analyse qualitative : méthodologie

11. Selon vous, est ce que la traçabilité et ses résultats sont visibles et observables ?
Expliquez. Pensez-vous que ceci a influencé la décision d’adopter cette innovation par
votre entreprise ?

Ø La troisième partie correspond à la proposition P2 : L’adoption de la traçabilité


dépend du profil de l’organisation, influencé par les Technologies de l’Information et
de la Communication utilisées et l’« innovativeness » de cette entreprise.

Encadré n° 6 : Extrait du guide d’entretien : Caractéristiques organisationnelles

III-1 Tendance à adopter des innovations

1. Quelle est la taille de votre entreprise ? (chiffre d’affaires, nombre d’employés, etc.).
Pensez-vous que ceci explique la tendance qu’a l’entreprise à adopter des innovations
et de là, la traçabilité ? Expliquez.
2. Est-ce qu’il s’agit d’une entreprise centralisée ou décentralisée ? C’est-à-dire, est-ce
qu’au sein de votre entreprise, le contrôle et le pouvoir sont détenus par un individu ou
un nombre limité d’individus ? Selon vous, ceci facilite-t-il l’adoption d’innovations
par l’entreprise et plus précisément dans notre cas la traçabilité de vos produits ?
3. Existe-il au sein de l’entreprise des cadres qui ont un niveau de connaissances et de
compétences permettant de faciliter l’adoption d’innovations telle que la traçabilité ?
Expliquez.
4. Quel est le degré de formalisme au sein de l’entreprise ? C’est-à-dire, lorsque vous
prenez des décisions, est-ce que vous devez suivre des règles et procédures précises ou
est-ce que vous avez un certain degré de liberté ? était-ce le cas pour la décision
d’adopter la traçabilité et comment ceci a-t-il facilité cette décision.
5. Est-ce qu’il existe un niveau d’interconnexion élevé dans l’entreprise ? C’est-à-dire
est-ce que les nouvelles idées et informations circulent entre les membres de
l’entreprise de manière rapide et efficace ?
6. Dans le budget annuel total de votre entreprise, quelle est la part consacrée aux
éventuelles innovations à adopter? Pensez-vous que ceci explique la tendance qu’a
l’entreprise à adopter des innovations et plus précisément la traçabilité ? Expliquez.

III-2 TIC : Questions relatives à l’infrastructure technologique et à la prédisposition de


l’entreprise à utiliser les nouvelles technologies.
1. Quels sont les outils technologiques que vous utilisez en matière de traçabilité ?
2. Connaissez-vous ces autres technologies (codes barres, RFID, EDI, lecteur optique,
ERP, etc.) ?
3. Quels sont parmi ces outils technologiques ceux qui étaient déjà disponibles chez vous
avant d’adopter la traçabilité ?
4. Quels sont ceux que vous avez mis en place avec l’adoption de la traçabilité ?
5. Avez-vous rencontré des difficultés lors de la mise en place de ces nouveaux outils ?
Si oui, lesquels ?
6. Jusqu’à quel niveau les employés de l’entreprise maîtrisent-ils ces TIC ? y a-t-il eu des
formations pour faciliter cet apprentissage ?
7. Est-ce que vos partenaires (collecteurs, clients, etc.) possèdent ces technologies ?
Expliquez.

178
Chapitre 4 : L’analyse qualitative : méthodologie

8. Est-ce que vous utilisez ces technologies pour échanger et communiquer avec ces
partenaires ? Et en interne, entre les départements ?
9. Avez-vous eu des problèmes d’incompatibilité ou d’interopérabilité entre votre
système d’information utilisé en traçabilité et celui des autres partenaires ?

Ø La dernière partie du guide d’entretien a été établie afin de tester la proposition 3 qui,
rappelons-le, correspond au fait que l’adoption de la traçabilité dépend de
l’environnement. Celui-ci est influencé par les actions et attentes des parties
prenantes.

Nous avons essayé à travers cette partie du guide de vérifier dans un premier temps l’aspect
lié à l’existence d’un « champion » ou acteur interne à l’entreprise qui l’aurait encouragé à
adopter la traçabilité. Dans un deuxième temps, nous avons cherché à identifier les parties
prenantes en suivant le modèle de Mitchell, Agle et Wood (1997) traité dans le chapitre 3.
Nous avons ainsi soumis à chacun des interviewés un tableau avec en ligne les différents
acteurs ou partenaires (internes et externes). Cette liste a été établie en se basant sur les
recherches effectuées sur la filière des dattes en Tunisie qui a fait l’objet du chapitre 2. A cette
liste prédéfinie, nous avons rajouté une rubrique (Autres : A préciser), afin d’avoir une liste
plus complète des parties prenantes pour chacune des entreprises interrogées. Nous avons
demandé à chaque interviewé de spécifier si chacun de ces acteurs possédait le ou les
caractéristiques d’identification des parties prenantes (pouvoir, légitimité et urgence),
considérant qu’une explication préliminaire a été faite quant au sens de ces critères.

179
Chapitre 4 : L’analyse qualitative : méthodologie

Encadré n°7 : Extrait du guide d’entretien : Caractéristiques de l’environnement

1. Y’a-t-il un acteur interne à votre entreprise qui a influencé l’adoption de la


traçabilité ? Si oui, quel est son statut et quels sont les raisons de l’accord sur son point
de vue ?
2. Est-ce qu’il s’agit de la personne qui a pris la décision finale d’adopter la traçabilité ?
3. Veuillez remplir le tableau ci-dessous en cochant la case correspondant aux attributs
des différents acteurs :
ATTRIBUTS POUVOIR62 LEGITIMITE63 URGENCE64
ACTEURS
Agriculteurs
Collecteurs
Personnel de
l’entreprise
Propriétaires de
l’entreprise
Clients locaux
Clients étrangers
Consommateurs
tunisiens
Consommateurs
étrangers
Etat
Organismes d’appui
(GIFruits, PMI, GS1,
etc.)
Médias
Autres : A préciser

4. Parmi ces acteurs quels sont, selon vous, ceux qui ont eu une influence sur l’adoption
de la traçabilité par votre entreprise ? Expliquez

Nous avons conclu le guide d’entretien par des questions ouvertes permettant aux personnes
interrogées de donner leurs commentaires ou toutes informations supplémentaires sur le sujet
de recherche (problèmes rencontrés, recommandations, etc.). Il a également été demandé de
remplir une fiche (optionnelle) afin de mieux connaître le répondant et visant à recueillir des
données personnelles (fonction dans l’entreprise, nombre d’années dans l’entreprise) :
données utilisées dans la phase d’analyse des données.

62
Capacité d’influencer les décisions organisationnelles de l’entreprise.
63
La légitimité dans les relations de cet acteur avec l’entreprise.
64
L’entreprise doit répondre aux demandes de cet acteur dans des délais acceptables pour ce dernier.
180
Chapitre 4 : L’analyse qualitative : méthodologie

Encadré n°8 : Extrait du guide d’entretien : Informations supplémentaires

1. Pourriez-vous citer les principaux problèmes que vous avez rencontrés lors de
l’adoption de la traçabilité et comment les avez-vous résolus ?
2. Pour une jeune entreprise qui souhaiterait mettre en place une démarche de traçabilité,
quels conseils donneriez-vous pour faciliter sa réussite et son adoption ?
3. Avez-vous des commentaires ou d’autres informations concernant cette recherche ?

Données personnelles (optionnel)

Nom :
Fonction dans l’entreprise :
Nombre d’années d’expérience dans cette entreprise :

Le guide d’entretien a été préalablement testé avant d’être administré aux différents
interviewés. Ce test a été effectué auprès d’un expert des dattes travaillant au sein d’un des
organismes d’appui en Tunisie. L’une des remarques formulées par ce cadre concerne l’aspect
lié à la taille de l’entreprise posée dans la question :
III-1-1 Quelle est la taille de votre entreprise ? (Chiffre d’affaires, nombre
d’employés, etc.)
Pensez-vous que ceci explique la tendance qu’a l’entreprise à adopter des innovations
et de là, la traçabilité ? Expliquez.
Selon le pré-testeur, la taille de l’entreprise ne peut expliquer l’adoption de la traçabilité par
les entreprises tunisiennes de conditionnement de dattes puisque ces dernières sont toutes des
PME. En conséquence de quoi, la sous-dimension « taille » n’apparaît pas comme adaptée à
notre contexte spécifique. C’est pour cette raison que nous avons décidé de rajouter l’aspect
« position de l’entreprise sur le marché » plus juste à notre terrain de recherche et qui
expliquerait, toutes choses égales par ailleurs, l’adoption de la traçabilité par les entreprises
interrogées.

1.2.3. LE DEROULEMENT DES ENTRETIENS


Les entretiens avec les responsables des trois entreprises ont eu lieu de fin mars 2009 à juin
2009. En tout, 17 entretiens semi-directifs ont été faits, ce qui répond au critère de Ladwein
(1996) qui suggère qu’entre 10 et 30 entretiens sont nécessaires pour atteindre un critère de
validité de saturation. Parmi ces entretiens, 12 ont été enregistrés et le reste a fait l’objet de
prise de notes. L’entretien a duré en moyenne une heure.
Parmi ces 17 entretiens, 13 concernaient des responsables interrogés au sein des trois
entreprises faisant objet de notre étude comme le montre le tableau suivant :
181
Chapitre 4 : L’analyse qualitative : méthodologie

Tableau n°10 : Les responsables interrogés chez (A), (B) et (C)

Entreprise A (nb : 6)
Directeur d’Usine
Responsable Management Qualité
Responsable Marché
Responsable Achat
Responsable Achat Emballages et Autres
Responsable Recherche et Développement
Entreprise B (nb : 5)
Responsable Informatique
Responsable Qualité Sécurité Environnement
Responsable Hygiène
Responsable Gestion de Stock Dattes
Responsable Gestion de Stock Emballages et Expédition
Entreprise C (nb : 2)
Gérant
Responsable Production
Source : Elaboration personnelle.

De nouveaux éléments transversaux ont émergé du traitement de cette première vague


d’entretiens. Ainsi, afin de compléter les 13 premiers entretiens effectués chez les trois
entreprises (A), (B) et (C) et avoir une vision plus générale de l’adoption de la traçabilité des
dattes, il nous a été possible d’interroger des responsables de la filière amont, à savoir les
collecteurs et les fournisseurs d’emballage. Cette deuxième vague d’entretien a pour but de
confirmer ces éléments transversaux que nous présentons dans le chapitre consacré aux
résultats. C’est ainsi que nous avons interrogé en sus un Gérant d’une société de collecte65, un
Responsable Commercial d’une société d’emballage66 et un Responsable Management de la

65
Il s’agit d’un centre de collecte, fournisseur exclusif de l’entreprise (A). En plus des activités traditionnelles de
protection, achat et collecte des dattes, cette société effectue les travaux préliminaires de l’activité de
conditionnent des dattes, à savoir : la réception, la fumigation ainsi qu’un premier triage ou une mise au frigo des
dattes avant de les envoyer au client. Elle possède des frigos avec une capacité de 800 à 1000 tonnes par an.
66
Cette entreprise produit et commercialise des emballages en cartons. Elle travaille essentiellement sur le
marché local avec 30% du chiffre d’affaires réalisé avec les emballages de dattes. Il s’agit d’un fournisseur de
l’entreprise (A) et (B).
182
Chapitre 4 : L’analyse qualitative : méthodologie

Qualité d’une seconde société d’emballage67. Ces trois personnes travaillent chez des
fournisseurs de (A), et/ou (B) et/ou (C). Nous avons également conduit un entretien groupé
avec le Responsable Qualité et le Responsable Achat d’une entreprise d’importation des
dattes qui est un client68 de l’entreprise (A). A noter que cette dernière entreprise se trouve sur
le sol français (Marseille) et non sur le sol tunisien.

Le tableau n°11 présente chacune de l’ensemble des personnes interrogées, sa fonction dans
l’entreprise, son genre et le maillon auquel correspond son entreprise dans la filière des dattes.
Nous disposons en annexe n°8 du tableau retraçant le déroulement de l’ensemble des
entretiens dans le temps.

67
Une entreprise spécialisée dans l’impression et la commercialisation d’emballage et d’étiquettes autoadhésives.
Elle a des clients locaux (parmi les quels l’entreprise (A), (B) et (C)) et étrangers (européens) appartenant à
plusieurs secteurs (dattes, pharmaceutique, cosmétique).
68
Il s’agit d’une société de négoce de fruits et légumes frais, de fruits secs et de produits appertisés ainsi que les
conserves. Elle possède un chiffre d’affaires de 23 Millions d’Euros en 2009, avec 16 employés. La Tunisie est
son principal pays d’importation.
183
Chapitre 4 : L’analyse qualitative : méthodologie

Tableau n°11 : Présentation de l’ensemble des acteurs interrogés

Code acteur Fonction Genre Maillon


Acteur1 Directeur d’Usine Masculin Conditionneur A
Acteur2 Responsable Management Qualité Féminin Conditionneur A
Acteur3 Responsable Achat Masculin Conditionneur A
Acteur4 Responsable Marché Féminin Conditionneur A
Acteur5 Responsable Achat Emballages et
Masculin Conditionneur A
Autres
Acteur6 Responsable Informatique Masculin Conditionneur B
Acteur7 Responsable Recherche et
Masculin Conditionneur A
Développement
Acteur8 Responsable Gestion de Stock Dattes Masculin Conditionneur B
Acteur9 Responsable Hygiène Féminin Conditionneur B
Acteur10 Responsable Gestion de Stock
Masculin Conditionneur B
Emballages et Expédition
Acteur11 Responsable Qualité Sécurité
Masculin Conditionneur B
Environnement
Acteur12 Fournisseur
Gérant de société Masculin
Collecteur69
Acteur13 Fournisseur
Responsable Commercial Masculin
emballage170
Acteur14 Gérant Masculin Conditionneur C
Acteur15 Responsable Production Masculin Conditionneur C
Acteur16 Fournisseur
Responsable Management Qualité Masculin
emballage271
Acteurs 17&18 Responsable Qualité et Responsable Féminin et
Client72
Achat Masculin
Source : Elaboration personnelle.

Afin de bien cibler les personnes à interroger, nous avons procédé à des entretiens « en boule
de neige ». En cela, à la fin de chaque entretien, nous avons demandé à notre interlocuteur de
nous mettre en contact avec d’autres responsables qui seraient susceptibles de répondre à
notre guide d’entretien. Cette stratégie a été également utilisée pour entrer en contact avec les
autres maillons de la chaîne.

Chaque entretien a commencé par l’exposition du sujet et des objectifs de notre recherche,
ceci afin de favoriser un climat de confiance. Nous entrions par la suite dans le cœur du sujet
en suivant l’évolution des questions telles qu’établies dans notre guide d’entretien.

69
Fournisseur de l’entreprise (A).
70
Fournisseur des entreprises (A) et (B).
71
Fournisseur des entreprises (A), (B) et (C).
72
Client de l’entreprise (A).
184
Chapitre 4 : L’analyse qualitative : méthodologie

Cependant, lors de certains entretiens, nous n’avons pas pu suivre l’ordre de questionnement
établi et les différentes phases présentées. En effet, nous avons cherché à obtenir les
informations souhaitées en favorisant la libre expression de l’interlocuteur. Néanmoins, nous
avons essayé de recentrer le discours au moment opportun ou de relancer le débat sur un
thème que l’interviewé avait dépassé ou un nouveau thème qu’il avait évoqué.

Certaines difficultés dans la conduite et l’exploitation des entretiens ont également été
rencontrées. D’une part, certains entretiens ont été perturbés par des visites ou des appels
téléphoniques. D’autre part, nous n’avons pas pu bien exploiter certains enregistrements qui
étaient accompagnés de bruits parasites (machines, etc.). De même, certains répondants ont
montré quelques réticences au début de l’entrevue. Enfin, certains interviewés n’ont pas pu ou
n’ont pas voulu répondre à la totalité des questions posées. Mais, au final, les entretiens ont
pris la forme d’une discussion « instructive » tant pour l’intervieweur que pour l’interviewé.
Cette situation d’échange mutuelle est l’idéal à atteindre selon Beaud et Weber (2003).

D’un point de vue pratique et pour des raisons de disponibilité des interlocuteurs, il est utile
de noter que nous avons été conduits à accepter qu’un entretien se déroule en deux parties sur
deux jours. Ceci n’a pas eu d’incidence sur les retours obtenus. De plus, à la demande des
Responsables Qualité et Achat, interrogés au niveau de l’entreprise française de négoce, nous
avons testé le guide d’entretien en même temps auprès de ces deux personnes.

En définitive, « chaque entretien contribue significativement à répondre aux questions de


recherche. Pris isolément, il ne signifie rien » (Wacheux, 1996, p.204). A travers la
multiplication des entretiens et le principe de triangulation des données, nous avons cherché à
limiter le degré de subjectivité de nos analyses émanant de nos interprétations et de celles des
acteurs interrogés. Car, il faut toujours garder à l’esprit que « le discours de l’acteur n’est
jamais, a priori, la réalité, mais la manière dont il a perçu les événements. Il restitue les
éléments présents dans sa mémoire au moment de la rencontre, ou livre son analyse sur une
situation précise » (Wacheux, 1996, p.204).

1.2.4. TECHNIQUE D’ANALYSE DES DONNEES : L’ANALYSE DE


CONTENU THEMATIQUE
Depuis son apparition au début du 20ème siècle, la plus connue des techniques d’analyse des
données qualitatives, l’analyse de contenu, a bien évolué. Cette évolution s’est accompagnée
d’une multitude de définitions allant d’une définition restrictive et contraignante à une
185
Chapitre 4 : L’analyse qualitative : méthodologie

définition plus complète et plus souple comme celle donnée par Bardin (2003) et reprise par
Gavard-Perret et Helme-Guizon (2008, p.252) : « un ensemble de techniques d’analyse des
communications visant, par des procédures systématiques et objectives de descriptions du
contenu des messages, à obtenir des indicateurs (quantitatifs ou non) permettant l’inférence
de connaissances relatives aux conditions de production/réception (variables inférées) de ces
messages ».

L’analyse de contenu peut s’envisager sous plusieurs formes. Dans notre recherche doctorale,
le choix s’est porté sur la forme « thématique ». En effet, l’objectif de l’analyse thématique
est « de trouver, par une approche horizontale, les thèmes récurrents entre les différents
documents ou entretiens du corpus et les contenus qui s’y rattachent » (Gavard-Perret et
Helme-Guizon, 2008, p.261). L’analyse thématique permet de nous focaliser sur les
informations les plus importantes issues pour l’essentiel de la retranscription des entretiens.
Ces informations s’inscrivent au niveau des catégories de thèmes et sous-thèmes tels
qu’identifiés dans le chapitre consacré aux résultats.

Avant d’entamer la présentation du logiciel d’analyse ici utilisé, il est nécessaire de rappeler
que dans tout cadre d’analyse thématique, il est primordial de choisir l’unité de codage des
données. Il s’agit de « l’élément (le critère, la dimension) en fonction duquel le chercheur va
procéder au découpage de ses données et à l’extraction d’unités qui seront ensuite classées
dans les catégories retenues » (Allard-Poesi, 2003, p.252). Même si, comme nous allons
l’aborder par la suite, ce codage a été effectué à l’aide d’un logiciel, la fixation de l’unité de
codage est indispensable. Il existe différents types d’unités de codage, à savoir : renvoi à une
unité de texte, de temps ou de sens. L’unité d’analyse retenue dans le cadre de cette recherche
est celle de l’unité de sens. Ici, « l’unité ne se confond pas avec une unité textuelle ou
temporelle particulière dans ce cas, mais peut correspondre à une portion de phrase, une
phrase entière ou un groupe de phrases suivant le matériau codé » (Allard-Poesi, 2003,
p.254). Les entretiens sont donc découpés en phrase ou paragraphe de sens qui font référence
à une idée particulière. Il peut s’agir, par exemple, d’un facteur ou sous-facteur d’adoption de
la traçabilité.

186
Chapitre 4 : L’analyse qualitative : méthodologie

1.2.5. CHOIX DU LOGICIEL D’ANALYSE : NVIVO 8.0

Miles et Huberman (2003) fournissent des éléments dans le but d’aider les chercheurs à
choisir l’outil ou le logiciel le plus adapté à leur problématique. C’est ainsi qu’ils présentent
22 programmes informatiques susceptibles d’être utilisés dans la démarche qualitative. Ils
expriment également des « suggestions » quant au mode de choix des logiciels. Le choix du
logiciel peut se baser sur plusieurs critères : fonctions proposées par chaque programme,
niveau de l’utilisateur en informatique, type de projet et de données, les attentes en termes
d’analyse mais également la convivialité du logiciel.

Dans le cadre de notre recherche doctorale, notre choix s’est porté sur le logiciel NVivo, outil
utilisé pour analyser toutes sortes de données qualitatives. L’analyse faite par ce logiciel se
fonde sur la démarche de déstructuration-restructuration ou décontextualisation-
recontextualisation d’un corpus. Cette démarche consiste « à faire sortir de son contexte un
extrait de texte afin de le rendre sémantiquement indépendant, dans le but de créer des
catégories ou des thèmes regroupant tous les extraits traitant d’un sujet en particulier…la
recontextualisation, quant à elle, est obtenue en amalgamant les codes ou les catégories
préalablement décontextualisés pour en faire un tout intelligible et porteur de sens »
(Deschenaux, 2007, p.8). Et, comme le précise Trébucq (2008), « une des caractéristiques
surprenante du logiciel est de se rapprocher au maximum de l’analyse papier-crayon
« stabilo boss », en classant, organisant les informations, puis en permettant des recherches
sur ces informations rangées ».

Une des particularités de NVivo est sa convivialité. En effet, ce logiciel est facile à manipuler.
Dans cette optique, nous n’avons pas été obligés de formater les entretiens retranscrits sous
Word en d’autres formats exigés par certains outils de traitement. Une importation directe des
documents sous leur format d’origine est possible. De plus, ce logiciel, offre les mêmes outils
de mise en page utilisés dans le traitement de texte : police, attributs, style, puces,
numérotation, etc.

Dans sa version la plus récente (8.0), les différents tutoriaux et guides d’introduction du
logiciel NVivo énumèrent les étapes à suivre dans l’utilisation du logiciel ainsi que les
différentes fonctions proposées. Cependant, dans la réalité, il n’existe pas une seule et unique
démarche à suivre dans l’analyse via NVivo. En effet, il existe différentes façons de faire et
on peut ne pas utiliser toutes les fonctions présentes. Le choix des fonctions à utiliser et de la
187
Chapitre 4 : L’analyse qualitative : méthodologie

démarche à suivre dépend du chercheur et du type d’analyse qu’il souhaite réaliser. En


conclusion, le logiciel NVivo est un logiciel relativement simple d’accès pour tout débutant et
a pour rôle principal d’aider le chercheur dans son travail, sachant qu’il revient toutefois à ce
dernier la tâche d’analyser les données : ce n’est pas le logiciel qui le fait ! (Deschenaux,
2007).

Nous présentons à ce niveau un aperçu de la démarche que nous avons suivie dans le cadre du
traitement des données via NVivo8.0 avec les différentes étapes de base.

1.2.5.1. Création du projet

La première étape que nous avons réalisée a été de créer un projet que nous avons nommé
« adoption de la traçabilité » en référence à notre projet de recherche. Ceci nous a permis
d’accéder à l’espace de travail NVivo tel qu’illustré dans la figure n°37 (capture d’écran).

188
Chapitre 4 : L’analyse qualitative : méthodologie

Figure n°37 : Espace de travail NVivo 8.0

Icones de
navigation

Icones de
fonctions

Source : Projet « Adoption de la traçabilité », NVivo 8.0.

Cet espace de travail ou « fenêtre » regroupe les icones de navigation et les icones d’accès aux
fonctions. Pour le cas du logiciel NVivo 8.0, il existe huit rubriques ou icones de fonctions :
Ø Sources : permettent d’accéder aux différents documents du projet ou sources de
données.
Ø Nodes : il s’agit du dossier correspondant aux nœuds73.
Ø Sets : donne accès au dossier des ensembles.
73
« Un nœud est un contenant dans lequel NVivo emmagasine une catégorie ou un codage. Si les documents
peuvent être associés à la partie empirique du projet, les nœuds sont, pour leur part, plus près des idées, de la
théorie. Ils permettent de classifier et de représenter des processus, des faits, des concepts abstraits, des lieux ou
des individus » (Bourdon, 2001, p.6).
189
Chapitre 4 : L’analyse qualitative : méthodologie

Ø Queries : rassemble les différents outils de recherche.


Ø Models : le dossier des modèles.
Ø Links : donne accès au dossier des liens.
Ø Classifications : le dossier des attributs.
Ø Folders : regroupe l’ensemble des dossiers du projet.

1.2.5.2. Importation des données


La deuxième étape a consisté à importer les documents ou données à analyser. Il s’agit des
différents entretiens réalisés. Ainsi, tous les entretiens retranscrits dans leur intégralité ou
faisant objet de prises de notes (pour ceux qui n’ont pas été enregistrés) ont été importés au
niveau de NVivo dans la rubrique sources/internals. Ces documents ont été organisés sous
formes de dossiers. Chaque dossier correspond à une entreprise et regroupe l’ensemble des
entretiens réalisés au niveau de chaque entreprise. De fait, cinq dossiers ont été conçus :
entretien client, entretiens entreprise (A), entretiens entreprise (B), entretiens entreprise (C) et
entretiens fournisseurs (regroupant l’entretien avec le Gérant de la société de collecte et les
deux entretiens réalisés auprès des deux cadres appartenant chacun à un fournisseur
d’emballage).

1.2.5.3. Attributs
Tous les documents importés, à savoir les entretiens sont convertis en « case » ou cas74. Ces
cas sont regroupés dans un porte-document appelé « Casebook ». Nous avons créé par la suite
un ensemble d’attributs servant à caractériser les différents cas ou entretiens. A ce titre, une
liste de cinq attributs issus notamment de la fiche de données personnelles administrées aux
interviewés a été élaborée. Cette liste comprend la date de réalisation de l’entretien, le nombre
d’années d’expérience de l’interviewé, sa fonction dans l’entreprise, son genre et le maillon
auquel appartient l’entreprise.

1.2.5.4. Lien entre les différents éléments du projet


NVivo 8.0 offre la possibilité de lier différents éléments du projet. Dans notre cas, nous avons
pu lier les documents, les annotations et les mémos. Par exemple, les annotations
correspondent à des réflexions ou remarques qui nous viennent à l’esprit en analysant chaque
entretien en profondeur. Chaque annotation est reliée à un extrait de l’entretien. Comme le
montre la figure n°38 présentant un exemple d’annotations d’une de nos sources de données.

74
« Dans le logiciel, le terme « case » renvoie à l’unité utilisée par le chercheur pour analyser ses données »
(De La Rupelle et Mouricou, 2009, p.4). Dans notre recherche, il s’agit des entrevues.
190
Chapitre 4 : L’analyse qualitative : méthodologie

Figure n°38 : Exemple d’annotation dans NVivo 8.0

L’extrait annoté
est surligné

Un volet en bas du document


présentant les annotations

Source : Projet « Adoption de la traçabilité », NVivo 8.0.

Les mémos, quant à eux, sont des documents qui figurent au-niveau de la rubrique « sources »
au même titre que les autres documents (entretiens). Ils sont « importés et créés de la même
manière que les documents, à ceci près qu’ils sont stockés dans le dossier Mémos. Un mémo
peut porter sur un projet dans son ensemble ou, à l’inverse, être "lié" à un élément de projet
spécifique. Par exemple, vous pouvez créer un mémo décrivant le contexte d’un entretien »
(QSR International, 2008, p.28).

Nous avons créé plusieurs mémos, certains portent sur des réflexions concernant un entretien
dans son ensemble et ont été ainsi rattachés à ces entretiens spécifiques. D’autres mémos,
regroupent des remarques plus générales concernant un thème ou une dimension étudiée au

191
Chapitre 4 : L’analyse qualitative : méthodologie

cours de ces entretiens. Certains de ces mémos ont fait l’objet d’une codification comme les
autres sources de données. En effet, comme le précise Deschenaux (2007, p.18) : « chaque
mémo est un nouveau document à part entière dans le projet et son contenu peut être codé
aux nœuds du projet ».

1.2.5.5. Codage
La codification ou le codage est l’étape la plus importante de l’analyse ou de la pré-analyse
des données avec le logiciel NVivo. Deux semaines ont été nécessaires pour réaliser au mieux
ce codage. Plusieurs possibilités s’offrent au chercheur au niveau de ce processus. Le
chercheur peut, soit :
Ø partir d’un ensemble de codes préétablis et lier chaque extrait à un de ces codes,

Ø coder les extraits et présenter au fur et à mesure le code ou thème auquel il se rattache,

Ø procéder à un codage « précis », c’est-à-dire « qu’à presque chaque extrait, on va


décrire ce que la personne est en train de nous dire précisément à ce moment-là »
(Deschenaux, 2007, p.20),

Ø effectuer un codage « large » qui peut être recodifié une seconde fois pour être plus
précis.

De plus, au niveau de NVivo, les codes sont organisés sous forme de nœuds. Nous avons
deux types de nœuds ou « nodes » :

Ø les « free nodes » ou nœuds libres, isolés et classés par ordre alphabétique. Par
exemple, « en lisant l’entrevue, lorsqu’un thème attire notre attention, on peut en faire
un nœud libre, c’est-à-dire un nœud qui ne se rattache pas à une structure
particulière » (Deschenaux, 2007, p.22).

Ø les « tree nodes » ou nœuds hiérarchiques. Il s’agit d’un ensemble de nœuds


« organisé dans une structure hiérarchique et se déplaçant d’une catégorie générale
située au niveau supérieur (nœud parent) à des catégories plus spécifiques (nœuds
enfants) » (QSR International, 2008, p.10). Par analogie à un arbre généalogique, les
nœuds hiérarchiques se composent de parents (parent nodes) qui sont les premiers
nœuds utilisés correspondant à des thèmes particuliers. Ces nœuds peuvent regrouper
à leur tour des sous-nœuds ou « child nodes ».

192
Chapitre 4 : L’analyse qualitative : méthodologie

Dans le cadre de notre recherche doctorale, une liste de codes préliminaires a été mise en
place suivant la méthode de Miles et Huberman (2003). Celle-ci s’apprécie sur la base du
cadre conceptuel et des propositions de recherche. Le tableau présent en annexe n°9 récapitule
la liste des codes utilisée.

Deux étapes ont été utilisées par la suite. Tout d’abord, en nous basant sur cette liste de
codes/thèmes préliminaires, nous avons codé l’ensemble des documents (entretiens et mémos)
suivant le codage « large ». Ensuite, nous avons procédé à un recodage plus précis des extraits
déjà codés. Certains extraits ont été codés plusieurs fois puisqu’ils se rattachaient à plusieurs
nœuds. En effet, comme le précise Deschenaux (2007, p.21) « un codage riche, permettant
une plus grande profondeur d’analyse, évitera de se limiter à coder chaque extrait à un seul
nœud. Il n’est pas question ici d’éviter la redondance, mais plutôt de la souligner, car elle est
intrinsèque au langage naturel. Il ne faut donc pas se gêner pour coder plus d’une fois un
même extrait ».

En conséquence de quoi, nous sommes partis d’un ensemble de codes ou de nœuds préétablis,
puis à la lecture des extraits, nous avons fait émerger progressivement de nouveaux codes que
nous avons pu ajouter à cette arborescence. Ainsi, au fur et à mesure de l’étude approfondie
des documents, il nous a été possible de convertir les nœuds libres en nœuds hiérarchiques.
En fin de compte, nous avons abouti à un codage regroupant des codes libres et des codes
hiérarchiques. Ces codes représentent des thèmes préalablement établis et de nouveaux
thèmes. Certains thèmes de départ n’ont pas été retenus dans la liste définitive des codes
puisqu’ils n’ont pas été abordés par les différents interviewés et ne sont donc pas adaptés au
contexte étudié comme nous allons le voir dans le chapitre suivant. Il s’agit par exemple de la
testabilité (si l’entreprise a testé la traçabilité avant de la mettre en place ceci pourrait
l’encourager à l’adopter).

Comme le préconisent Miles et Huberman (2003), l’arborescence des codes telle qu’établie a
subi un « double codage » réalisé par un doctorant du Cret-Log. L’objectif étant de s’assurer
de la fiabilité du premier codage que nous avons réalisé. Ce nouveau codage a concerné un
échantillon composé de trois entretiens représentatifs : un entretien pour chaque entreprise
étudiée. Le résultat de ce « double codage » montre un taux de fiabilité qui s’élève à 81%. A
l’issue de ce second codage, nous avons discuté de nos désaccords et nous avons repris
l’arborescence des codes en procédant à quelques changements.
193
Chapitre 4 : L’analyse qualitative : méthodologie

En résumé, chaque code correspond à un thème ou sous-thème rattaché aux facteurs


d’adoption de la traçabilité. Comme nous l’avons remarqué, l’identification de ces thèmes et
sous-thèmes nous a permis de construire un schéma retraçant l’arborescence des thèmes.

2. PRESENTATION DES ENTREPRISES ETUDIEES


Notre deuxième phase empirique s’appuie sur l’analyse de trois entreprises. Le choix de ces
dernières s’apprécie par une harmonisation des données issues du GIFruits (informations
concernant le projet de traçabilité amont et la liste des adhérents sur le site Internet du
GIFruits), du PMI (données du projet pilote réalisé par le PMI auprès de cinq entreprises et
qui vient compléter celui du GIFruits75) et de GS1Tunisie (liste des conditionneurs de dattes
adhérents). Ces données ont permis de repérer les entreprises de conditionnement de dattes
tunisiennes les plus matures en matière de traçabilité, parmi la cinquantaine d’entreprises
présentes sur le marché. Il s’agit des « pionniers » en matière d’adoption de la traçabilité des
dattes en Tunisie. Trois entreprises ont répondu positivement à nos contacts.

Trois études de cas ont donc été menées pour réaliser cette recherche. Chacun de ces cas
possède des caractéristiques particulières. Pour chaque entreprise de conditionnement de
dattes, nous présentons dans cette section, ses particularités ainsi que la démarche de
traçabilité qu’elle a entérinée. Ces informations sont issues de l’observation directe mais
également des propos des différents acteurs appartenant aux trois entreprises étudiées. Il s’agit
des propos recueillis au cours de la première phase de l’entretien faisant référence à des
généralités sur l’entreprise et ses activités. D’ores et déjà, il convient de noter que ces trois
entreprises pionnières en termes de traçabilité sont totalement exportatrices.

2.1. PRESENTATION DU PREMIER CAS : L’ENTREPRISE (A)

2.1.1. PRESENTATION GENERALE


Il s’agit de la plus importante des trois entreprises étudiées en termes de chiffre d’affaires
réalisé dans le conditionnement et l’exportation des dattes. L’entreprise (A) est une Société
Anonyme constituée en 1982 avec environ 30 250 000 DT de chiffre d’affaires et un effectif
moyen de 850 employés dont 63 cadres en 2009. Il s’agit d’une entreprise dont l’activité
principale est le conditionnement et l’exportation des dattes tunisiennes notamment les dattes
« Deglet Nour ». Son activité a progressé considérablement ces dernières années comme le
75
Rappelons que le GIFruits correspond au Groupement Interprofessionnel des Fruits et le PMI au Programme
de Modernisation Industrielle.
194
Chapitre 4 : L’analyse qualitative : méthodologie

montre la figure n°39 qui présente l’évolution des exportations des dattes de cette entreprise
entre 1996 et 2005.

Figure n°39 : Evolution des exportations (en quantités) de dattes de la société (A)

8000
7000
6000
5000
4000
3000 Quantités en Tonnes
2000
1000
0
1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005

Source : Documentation de L’entreprise (A), 2006a.

Nous énumérons ci-dessous des dates-clés de son histoire qui mettent l’accent sur quelques
particularités de cette entreprise :
1982 : Création de l’entreprise.
1998 : L’entreprise devient la première société tunisienne agroalimentaire à être certifiée ISO
9002.
2001 : Mise en place du programme d’amélioration du système d’approvisionnement. Ce
dernier s’apprécie par la création d’un partenariat entre l’entreprise, les collecteurs et
les producteurs ; ceci en leur apportant une assistance technique afin d’améliorer la
qualité de la matière première (dattes).
2007 : Obtention des certifications : IFS/BRC, ISO 22000, EurepGap.
2008 : Préparation de la certification ISO 14001.

2.1.2. LES PRODUITS DE L’ENTREPRISE (A)


L’entreprise offre une gamme étendue de produits : les dattes branchées, les dattes standards,
les dattes conditionnées avec noyau, les dattes conditionnées dénoyautées et les dattes
transformées (pattes de dattes).

De manière générale, trois catégories de produits (co-)existent : la Deglet Nour, la datte


commune et la datte biologique. Nous synthétisons ici les caractéristiques de ces produits,
considérant que les trois entreprises en sont productrices en leur ensemble ou en partie. Les
trois catégories de produits sont élaborées par l’entreprise (A).
La Deglet Nour : Cette catégorie de produits est composée de 4 types, à savoir :
195
Chapitre 4 : L’analyse qualitative : méthodologie

Ø Deglet Nour branchées : Ce sont des dattes à l’état naturel sous forme de branchettes
ayant une couleur ambrée à brune. Elles sont récoltées entre octobre et décembre de
chaque année et proviennent des deux régions Tozeur et Kébili. Elles sont de type
grasse à demi-grasse avec une teneur en eau comprise entre 18 et 22%. Elles sont
présentées soit en carton (de 2 ou de 5 kg), en coffret (de 1 kg ou de 500g), en
barquette de 250g ou en bouquet de 500g.
Ø Deglet Nour standards : Ce sont des dattes détachées de leurs branchettes, qui
possèdent les mêmes caractéristiques que celles branchées (teneur en eau, couleur,
origine, période de récolte). Ce produit est sous contenance de cartons de 2 à 5 kg et
de coffrets de 500g et de 1 kg.
Ø Deglet Nour conditionnées : Ces dattes possèdent également les mêmes
caractéristiques que celles citées précédemment. Cependant, elles subissent, selon le
cas et à la demande du client, des traitements thermiques (lavage, séchage,
hydratation), un glucosage et/ou un dénoyautage. Elles sont présentées sous
différentes formes d’emballage :

· Des cartons de 2 à 10 kg,


· Des coffrets de 500g ou 1 kg,

· Des raviers de 200 à 500g,

· Des barquettes de 200 et 400g,

· Des « sleeve pack » de 225g,


· Des sachets sous vide de 100g ainsi que des cartons sous vide de 5 kg.

ü Deglet Nour élaborées : Il s’agit des pattes de dattes de 1 ou 1,5 kg, du pain de dattes
(formé par des dattes conditionnées et dénoyautées et ensuite pressées avec des
amandes) de 225 et 250g, ainsi que des dattes en morceaux « émincées, ciselées, en dé
ou en rondelle » vendues dans des cartons de 10 kg.

Les dattes communes : elles se présentent sous trois principaux types : Alig, Khouat Alig et
Kenta, que nous avons présenté au niveau du chapitre 2 sur la présentation de la filière datte.
196
Chapitre 4 : L’analyse qualitative : méthodologie

Les dattes biologiques :


Depuis quelques années, l’entreprise offre, en partenariat avec un groupement de producteurs,
des dattes biologiques de la variété « Deglet Nour » en naturelles ou conditionnées.
L’entreprise est dans ce sens certifiée ECOCERT, Global GAP et Commerce Equitable.
L’obtention de ces certifications souligne le succès de leur démarche d’agriculture biologique.

2.1.3. IDENTIFICATION ET TRAÇABILITE DES PRODUITS CHEZ


L’ENTREPRISE (A)
Une des spécificités de la traçabilité chez l’entreprise (A) est qu’elle a été mise en place par
l’entreprise et non pas dans le cadre de projets nationaux comme nous allons le voir pour les
deux autres entreprises. La démarche de traçabilité des produits chez l’entreprise (A) est
décrite dans un document interne validé par le Comité de Direction. Ce document couvre
l’ensemble des étapes et moyens mis en œuvre afin d’assurer la traçabilité et l’identification
des produits depuis la réception des matières premières jusqu’à la livraison du produit fini.
Pour chacune de ces étapes, on y décrit la codification retenue, les documents de référence
ainsi que le responsable chargé de cette opération.

La figure n°40 montre les différentes étapes d’identification et de traçabilité correspondantes


au processus de traitement et de conditionnement des dattes chez cette entreprise.

197
Chapitre 4 : L’analyse qualitative : méthodologie

Figure n°40 : Etapes d’indentification et de traçabilité chez l’entreprise (A)


Identifier les lots
de dattes à l’achat

Identifier les lots de dattes Identifier les lots de dattes Identifier les emballages à
branchées à la réception en en vrac à la réception en la réception
attente de contrôle attente de contrôle

Fumigation
Identifier les lots de dattes
branchées déjà contrôlés Identifier les lots de dattes
Identifier les lots de dattes en vrac déjà contrôlés
fumiguées

Stockage

Identifier les lots stockés

Triage des dattes


en vrac et tombées

Identifier les lots après triage

Triage des dattes Identifier les lots au cours


branchées
des traitements thermiques

Identifier les lots de


dattes dénoyautées

Identifier les lots de Identifier les lots semi-finis


tombées de branches après sélection
Identifier les lots de
dattes glucosées

Mise en colis des Mise en colis des


dattes branchées dattes standard Mise en colis des
dattes conditionnées

Identifier les produits finis Identifier les produits finis


dattes naturelles branchées dattes naturelles standard
Identifier les produits finis
dattes conditionnées

Source : Documentation de l’entreprise (A), 2008.

198
Chapitre 4 : L’analyse qualitative : méthodologie

Une des spécificités de la démarche de traçabilité chez l’entreprise (A) est rattachée au test
qu’on effectue pour s’assurer de la fiabilité de la démarche. Ce dernier est intitulé le « test de
la traçabilité ».

Ce test s’effectue généralement tous les 15 jours. La personne qui est chargée de pratiquer ce
test est un agent du service contrôle qualité (technicien supérieur en techniques biologiques et
contrôle qualité). Le but du test est de veiller au bon déroulement de la démarche de
traçabilité des différentes matières premières, produits semi-finis et finis. Il permet également
de repérer les éventuels problèmes ou maillons faibles de la démarche. Au cours de la période
d’observation, nous avons pu assister à un test de la traçabilité ascendante, à savoir du produit
fini aux matières premières. Le descriptif de ce test est présenté en annexe n°10. Il est
toutefois utile de préciser ici qu’on a rencontré un problème au cours du test au niveau de
l’atelier « Triage ». Il s’agit d’un problème d’identification du lot réel de produit réceptionné
et l’agent a dû choisir plusieurs lots afin de vérifier l’origine du lot de l’atelier triage. Ceci
s’explique par l’utilisation au cours de l’étape de triage de plusieurs lots correspondant
chacun à une marchandise de provenance diverses. Le fait que l’entreprise procède à une
traçabilité papier et manuelle expliquerait également ce problème d’identification.

La traçabilité des caisses : un autre problème de traçabilité


En plus des problèmes identifiés grâce au test de traçabilité, la période d’observation nous a
permis de repérer un autre problème au niveau des caisses. Ainsi, l’entreprise (A) ne dispose
d’aucune forme de traçabilité des caisses qu’elle utilise. Ces caisses sont des contenants des
dattes de l’amont jusqu’à la réception ainsi que dans la suite du processus de production ou de
conditionnement. Ceci s’explique, selon les Responsables Réception et Management Qualité,
par le nombre important de caisses et la variété de provenance de celles-ci (caisses
appartenant au collecteur 1, collecteur 2, collecteur 3 ; caisses propres à l’entreprise :
disponibles dans l’atelier X, Y, Z, etc.). Cet élément constitue un problème de traçabilité chez
cette entreprise, puisque ces contenants sont en contact direct avec les produits et peuvent être
à l’origine de problèmes nécessitant le rappel de ces produits. C’est la raison pour laquelle il
semble nécessaire, pour le futur, de mettre en place une démarche de traçabilité de ces caisses.

199
Chapitre 4 : L’analyse qualitative : méthodologie

2.2. PRESENTATION DU DEUXIEME CAS : L’ENTREPRISE (B)

2.2.1. DESCRIPTION GENERALE


Il s’agit d’une entreprise totalement exportatrice « érigée en SARL » (Société A
Responsabilité Limitée) dont le Directeur Général est le haut responsable de l’entreprise. Son
capital est de 2 400 000DT et elle dispose d’un effectif de 52 employés permanents et
d’environ 480 employés occasionnels en 2009. Elle détient la deuxième position en quantité
exportée de dattes.

Cette société a été créée en 1986 et a pour activité le traitement et l’exportation de plusieurs
milliers de tonnes des fruits et légumes secs et séchés par an (tomates, abricots, figues, etc.).
Ceci étant, sa principale exportation concerne les dattes. Son unité de conditionnement est
sise à Deguache (gouvernorat de Tozeur) au milieu de ses plantations. En effet, l’entreprise
dispose de palmerais dans la vallée de « Saba Abar », au cœur de l’oasis du Djérid, dans le
Sud-Ouest tunisien. Cet emplacement de choix lui permet de contrôler la traçabilité amont et
interne, ce qui constitue un atout majeur.

Comme pour le premier cas, l’entreprise (B) possède une gamme assez diversifiée et étendue
de dattes conventionnelles (« Deglet Nour » et dattes communes). L’entreprise possède
également des palmeraies certifiées Bio. Ainsi, elle pratique l’agriculture biologique depuis
13 ans et ce, sur une sélection de palmeraies de la variété « Deglet el Nour » et « Alig » qui
sont certifiées « Ecocert », et dont la production porte le label AB (Agriculture Biologique).

L’entreprise (B) exporte vers plusieurs marchés cibles, sur quatre continents :
Ø Maroc, Mauritanie, etc. pour l’Afrique,
Ø France, Italie, Suisse, Allemagne (essentiellement pour les dattes conditionnées), etc.
pour le continent Européen,
Ø Canada, USA, Venezuela, etc. pour l’Amérique,
Ø Et le Sud-Est asiatique pour les dattes branchées à l’occasion du mois de Ramadan.

2.2.2. IDENTIFICATION ET TRAÇABILITE CHEZ L’ENTREPRISE (B)


La démarche de management de la qualité et de la sécurité des aliments de l’entreprise (B)
s’applique à tous ses produits. Elle concerne, telle qu’indiquée dans le manuel « management

200
Chapitre 4 : L’analyse qualitative : méthodologie

de la qualité et de la sécurité des aliments » (2009b, p.4), « le développement, le traitement,


conditionnement des fruits et légumes secs et séchés biologiques et conventionnels ».

La démarche de traçabilité s’inscrit dans le management de la qualité et de la sécurité


alimentaire de l’entreprise. Il existe ainsi un manuel des procédures rattaché à la traçabilité,
approuvé et validé par le Comité de Direction. Cette procédure a pour objectif d’avoir une
traçabilité la plus efficace et complète de tous les produits traités ou livrés par l’entreprise.
Elle permet ainsi de donner une idée sur les moyens et étapes d’identification des produits,
des différentes matières premières (dattes, emballages, etc.) et des différents intervenants au
niveau de toutes les étapes de production dès la production dite « primaire » jusqu’à
l’expédition. Il est utile de noter à ce niveau que l’entreprise (B) fait partie du projet du
« Tunisian Quality Tracking » que nous avons présenté au niveau de notre première phase
empirique.

Nous présentons maintenant un aperçu des différentes étapes de cette procédure


d’identification et de traçabilité au sein de l’entreprise (B).

Ø Codification
En collaboration avec les fournisseurs, le Responsable Suivi de la Production Primaire
(RSPP) établit des codes permettant d’identifier les parcelles de production, les collecteurs et
producteurs ainsi que les produits et intervenants dans la chaîne de production primaire ou en
amont.
Ø Production primaire
Durant toutes les étapes de production primaire (récolte, mise en caisse, transport et
acheminement vers l’entreprise (B)), le produit porte un identifiant unique permettant de
connaître son origine (parcelle, producteur, etc.) ainsi que son statut normatif (Bio,
conventionnel). Cet identifiant est repris dans le bon de livraison accompagnant
obligatoirement chaque livraison.
Ø Réception et identification
Dès la réception des marchandises, le Responsable Réception et Désinsectisation s’occupe de
l’identification de ces matières. Cette première fiche d’identification renseigne :
· Le code produit : se compose des initiales de la variété de produit, les initiales de
l’origine et la date de récolte.

201
Chapitre 4 : L’analyse qualitative : méthodologie

· Le numéro de lot qui correspond au code collecteur ou producteur. Ce numéro est


composé des initiales du nom et prénom du fournisseur (collecteur ou producteur), de
sa région, du numéro de voyage et de la date de réception.
· D’autres informations viennent compléter cette identification. Il s’agit du poids brut de
la marchandise reçue, du poids net ainsi que du type et nombre de caisses où sont
contenus les produits à la réception.

Une fois les marchandises réceptionnées, celles-ci passent par l’étape de désinsectisation.
Pour le cas des dattes conventionnelles, le Responsable Réception et Désinsectisation
complète la fiche d’identification à la réception par les informations relatives à la date et à la
chambre de désinsectisation ou de fumigation. Dans le cas de dattes biologiques, celles-ci ne
passent pas par l’étape de désinsectisation. A noter que l’origine des dattes est identifiée par
un code couleur. Il existe ainsi une couleur correspondante à chaque région de production des
dattes. D’autres couleurs correspondent aux différents types de traitement. Le tableau suivant
résume les différents codes couleurs.

Tableau n°12 : Codes couleurs de l’origine et opérations de traitement des dattes


de l’entreprise (B)
Couleur bande supérieure Origine/état Opération de traitement
Bleu Jérid ----
Rouge Kébili ----
Verte Bio ----
Blanche Global Gap ----
Couleur fond de la fiche
Orange ---- Triage
Mauve ---- Dénoyautage
Jaune ---- Traitement
Documentation de l’entreprise (B), (2009a).

L’entreprise produit et commercialise en plus des dattes, des fruits et légumes secs. Ses
derniers sont identifiés par une fiche palette (de couleur blanche). Cette fiche reprend des
données relatives à ces produits dès la réception jusqu’à la mise en colis et permettent ainsi de
retrouver l’historique de ces produits si besoin.

202
Chapitre 4 : L’analyse qualitative : méthodologie

Ø Emballages
Le Responsable Gestion de Stocks Emballages et Expédition a pour mission d’identifier les
emballages et ce, à l’aide d’une fiche palette. Celle-ci contient des informations sur la
référence de l’article, sa désignation, le fournisseur, le numéro de lot ainsi que la quantité de
produit reçue. Concernant les ingrédients (glucose, etc.), l’identification se limite à reprendre
celle effectuée par le fournisseur. Celui-ci fournit à l’entreprise une étiquette pour chaque
produit acheté. Cette étiquette comporte un numéro de lot. Lors de l’utilisation de cet
ingrédient dans le processus de production, le chef de salle/traitement enregistre ce numéro de
lot sur la fiche de suivi des ingrédients. Cette fiche comporte également la date d’ouverture et
la date de fin d’utilisation de l’ingrédient.
Ø Identification après triage
Une fois triées, les dattes sont ensuite identifiées suivant une fiche d’identification. Celle-ci
comprend les informations liées à la marchandise reçue avant triage, le code produit et le
numéro de lot. Cette identification comprend également des informations sur le type de
produits triés correspondant à chaque lot, sur la date de triage, sur la quantité et sur le taux
d’infestation.
Ø Identification au cours du traitement
Le chef de salle/traitement identifie les produits qui ont subis des traitements (lavage,
hydratation, séchage, etc.). La fiche d’identification correspondant à cette étape de traitement
reprend les mêmes informations que celle du triage. Ces informations sont complétées par la
date de traitement et le lieu (numéro de la chambre d’hydratation, numéro de séchoir, etc.).
Ø Identification du produit fini
A chaque produit fini correspond une étiquette d’identification selon les exigences des clients.
Cette étiquette est apposée sur l’emballage produit. Une fiche palette est collée sur chaque
palette de produit fini permettant de l’identifier. Cette fiche reprend des informations sur le
client, la référence et désignation du produit, la date de production, le numéro de lot et
numéro de palette.

Comme pour le premier cas, l’entreprise (B) réalise un test de traçabilité en complément de sa
démarche et afin de vérifier la fiabilité de cette dernière.

Test de la traçabilité
Chez l’entreprise (B), le test de traçabilité est réalisé par le Responsable Hygiène qui détient
toutes les archives (papiers et informatisées). Ce test dure en moyenne une heure. A la

203
Chapitre 4 : L’analyse qualitative : méthodologie

différence de l’entreprise (A), ce test est réalisé en cas de besoin (à la demande de la


Direction, en cas de réclamation client, audit, etc.) et non pas tous les 15 jours.

L’archivage des informations concerne les rapports de contrôle qualité classés par facture. Ces
rapports qualité produit-fini contiennent de nombreuses informations qualitatives et
quantitatives relatives à ce produit fini (le client, la référence de l’article, le numéro d’ordre de
commande, le type de dattes, le numéro de lot, la marque, la quantité en kg et en nombre de
cartons, le taux d’infestation, le taux de dattes pourries, le taux de dattes tâchées, le taux de
dattes ayant un calibre inférieur au calibre demandé, la couleur, le goût, l’odeur, l’aspect et
texture, le taux d’humidité, etc.). D’autres documents associés à ce test de traçabilité
concernent les certificats phytosanitaires et les certificats de transport ainsi que le rapport de
production qui présente les numéros de lots entrants et sortants y correspondant et qui
permettent de suivre l’historique des produits et processus.
En outre, concernant les documents de référence en matière de traçabilité, il existe un
document de « suivi affectation des ouvrières » qui indique, pour chaque commande d’un
client, les personnes qui ont effectuées les opérations liées à la préparation de cette commande
et qui concernent le remplissage, l’étiquetage, la mise en carton, la fermeture et palettisation,
le pesage, etc. Ce point permet, en cas de problème, de déterminer la responsabilité de chaque
acteur.

En terminant le test, le Responsable Hygiène complète un formulaire du test de la traçabilité.


Il existe deux types de formulaires :
Ø Un formulaire permettant d’avoir une traçabilité de la matière première au produit fini
et à l’expédition.
Ø Un formulaire qui regroupe des informations permettant de remonter d’une
expédition choisie au hasard aux matières premières qui y sont associées.

Pour les dattes biologiques, on peut avoir une identification par dattier et remonter ainsi à
l’origine exacte et de là, avoir une traçabilité amont complète. Cependant, pour les dattes
conventionnelles, la traçabilité ascendante s’arrête au niveau de l’origine ou la zone de
production des dattes.

En conclusion, le test de traçabilité est une opération très importante pour l’entreprise (B)
notamment dans la gestion des risques. C’est également une preuve en cas de litige. La
réalisation de ce test est facilitée par un archivage des informations au niveau d’un service
204
Chapitre 4 : L’analyse qualitative : méthodologie

unique sous la responsabilité d’une seule personne : le Responsable Hygiène. Cependant,


l’une des faiblesses identifiées au niveau de ce test est liée aux documents utilisés. En effet, à
la lecture de ces documents (utilisés généralement sous format papier), nous remarquons qu’il
existe des informations illisibles, des ratures, des corrections. De fait, l’exactitude des
informations contenues dans ces documents dépend en grande partie de la manière dont la
personne va le compléter manuellement. Il existe également une confusion dans le cadre de ce
test de traçabilité entre la traçabilité ascendante et descendante. Ainsi, contrairement à la
littérature en la matière, cette entreprise procède à un test de la traçabilité ascendante
lorsqu’on part des matières premières pour aboutir aux produits finis associés et vise versa
pour la traçabilité descendante. De même, parmi les faiblesses, on peut citer un contrôle « au
besoin » et non « au quotidien », type de contrôle qui impose, toutes choses égales par
ailleurs, une plus grande attention dans la saisie des données (exemple : en cas de non-
compréhension des données, il est possible d’en faire la remarque rapidement pour améliorer
le flux d’information).

2.3. PRESENTATION DU TROISIEME CAS : L’ENTREPRISE (C)

2.3.1. PRESENTATION GENERALE


Il s’agit d’une PME ayant un chiffre d’affaires de 6 millions d’euros, avec 30 employés fixes
et 200 saisonniers en 2009. Cette SARL a été créée en 1989 et a pour activité principale le
traitement, le conditionnement et l’exportation des dattes. Son marché cible est l’Europe
(France, Italie, Angleterre, etc.). Elle exporte également vers le Brésil, le Canada, le Maroc et
la Turquie. Cette entreprise est spécialisée dans la commercialisation de dattes
conventionnelles, principalement la « Deglet Nour ». La place de l’entreprise (C) dans la
filière dattes en Tunisie n’est pas aussi importante que celle des deux autres entreprises
étudiées. Cependant, cette entreprise présente un intérêt pour notre étude à travers une
particularité liée à sa démarche traçabilité. En effet, cette entreprise fait partie d’un projet
pilote « le système quality & traceability » porté par le PMI, ce qui montre l’importance de la
traçabilité pour l’entreprise (C).

2.3.2. LE SYSTEME QUALITY & TRACEABILITY


Il s’agit d’un système qui permet d’assurer une traçabilité de « la fourche à la fourchette » ou
de l’oasis au client. Ce système s’inscrit dans le cadre du projet pilote au sein de cinq
entreprises permettant de compléter la démarche traçabilité existante en assurant un gain de
205
Chapitre 4 : L’analyse qualitative : méthodologie

temps et une plus grande fiabilité. En effet, il vient compléter le « Tunisian Quality
Tracking », en procurant une traçabilité interne et aval informatisées. Chaque entreprise
utilisatrice adapte ce support technologique (le système Quality & Traceability) à ses
exigences, besoins, moyens et objectifs. Il faut noter que dans le cadre de ce projet, la palette
est l’unité logistique qui est prise comme référence76.

Le système « Quality & Traceability » se compose d’un serveur Web à l’intérieur de


l’entreprise de conditionnement appelé « Web du conditionneur » et d’une interface en ligne
pour des accès limités à certaines informations par certains utilisateurs tels que les clients. Le
« Front Office » du Web conditionneur, présenté dans la figure n°41, regroupe les différentes
rubriques et fonctionnalités nécessaires aux différents types de traçabilité (amont, interne et
aval). Nous présentons un aperçu de ces fonctions.

Figure n°41 : Front Office du Web conditionneur (C)

Oasis/soins
Suivi des
culturaux
FLS de la Validation des
Relation Relation avec le
réception commandes en
Collecteur/FLE GIFruits,
jusqu’à ligne &
Intégration des l’OFITEC
l’expédition
commandes à la
production
77
Source : Documentation de l’entreprise (C), 2008 .

76 A une palette est associée une seule et unique Fiche Lot Suiveuse (FLS). De ce fait, chaque palette doit être identifiée à l’aide d’une
étiquette. Cette étiquette, contient le numéro de palette en format décimal, un numéro de palette en format code à barre et la raison sociale de
l’entreprise. Le numéro de palette décimal est composé de 8 chiffres, les deux premiers correspondent au code national du conditionneur, le
troisième concerne le type de palette et la dernière partie est un compteur avec une suite logique à quatre chiffres.
77
L’OFITEC est un organisme rattaché à l’office du Commerce Extérieur tunisien et chargé du contrôle
technique qui veille à la qualité des produits exportés.
206
Chapitre 4 : L’analyse qualitative : méthodologie

2.3.2.1. Le suivi oasis-collecte


Il s’agit de la partie correspondante à la traçabilité amont. La FLE ou Fiche Lot Expédition est
le document de base permettant le suivi des oasis et de la collecte. Ce document existe sous
deux formats :
Ø Un format papier disponible en version française et arabe facilitant ainsi son
remplissage par les fournisseurs.
Ø Un format électronique permettant d’enregistrer toutes les informations concernant
cette étape de traçabilité et ce, au niveau du Web conditionneur. Théoriquement, cet
enregistrement incombe aux fournisseurs. Cependant, faute de matériels informatiques
et de compétences en la matière, c’est au conditionneur d’effectuer cette opération.
La Fiche Lot Expédition se compose de cinq parties :
Ø Identification générale avec des informations sur le numéro de lot, l’oasis, le jour de
collecte, le code collecteur, le code conditionneur et la quantité globale du lot en kg.
Ø Identification qualité matière avec des informations sur la variété des dattes, la nature
(vrac, branchées, etc.), le calibre et le taux d’infestation et de fermentation (selon le
contrôle effectué par le fournisseur).
Ø Identification du collecteur : pour chaque collecteur, ses coordonnées, son code et le
gouvernorat.
Ø Transporteur : son nom, ses coordonnées, la marque et le numéro d’immatriculation
du véhicule utilisé.
Ø Liste de palette : il s’agit d’un tableau présentant le numéro d’arrivage, le numéro de
palette, la quantité prévue et le nombre de caissons.

A partir de cette fiche FLE, on créé une FLR ou Fiche Lot Réception et ce, après avoir
effectué les vérifications qualitatives et quantitatives concernant la marchandise reçue. On
peut ainsi créer des FLR pour les différentes matières premières reçues (dattes, autres
matières entrant dans le processus de production).

La FLR se compose de quatre blocs :


Ø L’identification avec le numéro de lot, la date de création de la fiche qui correspond à
la date de contrôle de la matière première, l’intervenant et le lieu de contrôle.
Ø La pesée à la réception : pour chaque palette, on dispose du nombre et du type de
caisse (grand format qui peut contenir jusqu’à 19 kg ; plateau qui peut contenir jusqu’à

207
Chapitre 4 : L’analyse qualitative : méthodologie

15 kg). Au niveau de ce bloc, on vérifie également la quantité nette de chaque palette


afin de valider la pesée ou d’enregistrer l’écart de quantité.
Ø Le contrôle qualité : on précise le seuil de tolérance indiqué par le Responsable
Qualité et on compare les informations de contrôle qualité indiqué par le fournisseur à
celui réalisé à la réception.
Ø La désinsectisation avec des informations sur le type de désinsectisation, l’heure, la
chambre de fumigation, la concertation, la quantité et la durée.

2.3.2.2. Suivi usine conditionnement


Le suivi usine conditionnement concerne la partie du système d’information de la traçabilité
interne. Il regroupe principalement les rubriques suivantes correspondantes aux fonctions
principales « intra-usine » :
Ø L’intégration des commandes de clients à la planification de la production
Ø La production avec des FLS ou Fiche Lot Suiveuse
Ø Les rapports d’ateliers
Ø Les fiches de non conformité
Ø La fonction de recherche interne

2.3.2.3. Suivi commandes clients en ligne


Le point de départ du système est la commande d’un client en ligne qui va être intégrée au
planning de production. Ainsi, toutes les informations liées à une demande d’expédition d’une
marchandise à un client X sont enregistrées au niveau de la sous-rubrique « planning ».

Pour chaque commande, on doit avoir le nom du client, la destination de l’expédition, la date
d’expédition prévue et validée, le numéro et date de facture, l’identification du transporteur, le
moyen de transport, etc. En se basant sur ces commandes en ligne, l’entreprise va pouvoir
dresser un planning hebdomadaire de la production afin de satisfaire au mieux les clients et
honorer les commandes qu’ils ont passé.

Les ordres de fabrication sont ainsi, générés à partir du planning de production. Chaque ordre
de fabrication (OF) contient un ensemble d’informations sur le client, la commande (variété,
quantité, marque, format, etc.). A la fin du processus de production, on obtient une fiche
d’expédition qui regroupe les articles concernant la même commande client et ce à partir

208
Chapitre 4 : L’analyse qualitative : méthodologie

d’une ou plusieurs FLS78. Cette fiche expédition contient des informations sur le client, les
articles et de là la traçabilité ascendante (FLS/FLR/FLE).

2.3.2.4. Facture export


Il s’agit d’un document enregistré par l’exportateur et regroupe des informations sur
l’entreprise et la facture. Ce document est mis dans le Web de la chambre syndicale nationale
des exportateurs de dattes à la disposition du GIFruits, l’OFITEC et le service phytosanitaire
afin d’obtenir leurs validations.

2.3.2.5. Autres rubriques : Fiche non-conformité et recherches internes


Si à un instant « t », une donnée enregistrée dépasse un certain seuil de tolérance fixé
d’avance (taux d’infestation, de fermentation, etc.), le système crée automatiquement une
fiche de non-conformité concernant cet écart. Cette fiche renseigne sur l’origine de la non-
conformité, sa gravité (minime, etc.) ainsi que les actions correctives à réaliser. Cette fiche
constitue de ce fait, un élément important de la vigilance et la qualité du produit et processus.
Cependant, comme le précise le Responsable Production de l’entreprise (C), en testant ce
système on s’aperçoit qu’en cas de non-conformité, la création de la fiche de non-conformité
n’est pas accompagnée d’un message d’alerte qui permet de prévenir l’utilisateur du système
en temps réel afin de pouvoir régler le problème de manière rapide. En effet, pour savoir s’il y
a eu création de fiches non-conformité, l’utilisateur doit consulter la rubrique dédiée à cet
aspect au niveau du système.

Le système « Quality & Traceability » permet également d’effectuer des recherches internes
par palette, code client, numéro de facture ou numéro de lot produit fini. A partir de ces
données on peut réaliser une recherche de la traçabilité ascendante ou descendante. Ainsi, en
choisissant un numéro de lot de produit fini par exemple, avec le type de recherche
ascendante, le système nous donne directement un tableau avec le numéro d’ordre de
fabrication, le FLS, FLR, FLE et l’oasis correspondant. D’autres informations sont également
présentées au niveau des résultats de cette recherche et concernent les caractéristiques des
produits finis (variété, client, quantité, calibre). Par ailleurs, une bulle dynamique permet de
renseigner sur la localisation de l’oasis d’origine ainsi que les soins culturaux effectués. Cette
recherche permet de remonter à l’origine des produits et de connaître l’historique de ces
derniers.

78
FLS (Fiche Lot Suiveuse) : permet de suivre les produits tout au long du processus de production de l’ordre de
.
fabrication à l’expédition
209
Chapitre 4 : L’analyse qualitative : méthodologie

Les clients ont également la possibilité d’obtenir des informations sur l’origine et l’historique
des produits achetés. En effet, ils possèdent un accès au site en ligne du système « Quality &
Traceability » permettant d’effectuer à partir de la fiche expédition une recherche de
traçabilité ascendante. Cependant, cet accès au système est limité à certaines rubriques et ne
donne pas aux clients toutes les informations relatives au processus de production et de
commercialisation des dattes de leurs fournisseurs conditionneurs/exportateurs.

Le « Quality & Traceability » est un système qui assure une plus grande fiabilité de la
démarche traçabilité au sein de l’entreprise (C). En effet, ce système automatise des tâches
liées à l’identification et au suivi des produits tout au long du processus de collecte, traitement
et expédition. Cependant, ce système est toujours en phase d’implémentation et de test. En
effet, de nombreux investissements matériels sont nécessaires au déploiement du « Quality &
Traceability » tels que les stations d’entrée au niveau de chaque atelier (triage, mise en colis,
etc.) équipées de lecteurs codes à barres et d’imprimantes, de nouveaux serveurs, une
extension du câblage informatique, etc.

La mise en place de ce système nécessite également une formation du personnel. En effet,


certains cadres de l’entreprise (C) par exemple le Responsable Production et le Responsable
Contrôle Qualité ont eu des cycles de formations de 3 à 6 mois sur site afin de manipuler les
différentes fonctions du système. En outre, en attendant d’avoir la liste des collecteurs agréés
par l’Etat, il s’agit d’une implémentation partielle du système. Ce dernier ne sera mis en place
et utilisé effectivement qu’avec les prochaines campagnes de récolte et de commercialisation
des dattes à partir de celle de 2010.

CONCLUSION

L’objectif du chapitre était de présenter notre stratégie d’accès au réel, la démarche que nous
avons suivie dans le recueil des données ainsi que les trois entreprises choisies dans le cadre
de notre stratégie d’accès au terrain. Nous avons également présenté le logiciel d’analyse que
nous avons privilégié : NVivo, notamment dans la version que nous avons utilisé (8.0) et qui
présente plusieurs fonctions aidant le chercheur dans son analyse de données qualitatives
(matrices, modèles, outils de recherche, etc.).

210
Chapitre 4 : L’analyse qualitative : méthodologie

Les résultats détaillés de notre analyse et de l’utilisation de ces outils font l’objet du chapitre
suivant. D’ores et déjà, nous pouvons émettre un premier constat : malgré le fait que ces trois
entreprises aient adopté la traçabilité, ils rencontrent toujours des problèmes rattachés à cette
démarche. Néanmoins, la somme des démarches de traçabilité chez chacune de ces trois
entreprises en donnerait un « ideal type » de ce que devrait être la traçabilité. Ceci souligne
l’intérêt de mener une étude empirique basée notamment sur les entretiens réalisés au sein de
ces entreprises. L’objectif, rappelons-le, est de mettre en exergue les déterminants de
l’adoption de la traçabilité par le maillon conditionneur de la filière des dattes en Tunisie.

211
CHAPITRE -5-
L’ANALYSE QUALITATIVE : RESULTATS

INTRODUCTION

Ce chapitre présente les résultats issus de la deuxième phase empirique. Le traitement des
données a été effectué via le logiciel NVivo - Version 2008. Ces résultats nous permettent
d’établir une typologie des facteurs d’adoption de la traçabilité dans le cadre de la filière des
dattes en Tunisie. Comme nous pourrons le remarquer, si certains facteurs d’adoption sont
relatifs aux propositions émises précédemment dans notre cadre conceptuel, d’autres facteurs
ont émergé au cours de l’analyse.
L’objectif de ce travail de recherche est d’identifier les facteurs d’adoption de la traçabilité
dans le cadre spécifique du maillon « conditionneur » de la filière des dattes en Tunisie ; nous
choisissons de fait, de mener une étude orientée-variable. Rappelons que l’analyse orientée-
variable est à privilégier dans le cas de l’étude de thèmes transversaux, ce qui correspond
parfaitement à notre objectif de recherche.

C’est grâce à NVivo8.0 que nous avons pu procéder à cette analyse qualitative. Le logiciel
nous permet de clarifier les extractions de textes, de les organiser et de permettre des
recherches sur les données issues essentiellement des entretiens réalisés. Rappelons que l’une
des particularités de cet outil est qu’il permet au chercheur de se rapprocher au maximum
d’une analyse « crayon-papier ». Pour illustrer la progression ou évolution du processus de
codification telle que décrite dans le chapitre méthodologique, nous affichons ici un extrait de
codage d’un entretien.

212
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

Encadré n°9 : Extrait de codage d’un entretien

L’extrait est issu de l’entretien du Responsable Achat chez l’entreprise (A).

« Considérez-vous que la démarche de traçabilité soit compatible avec les valeurs de votre
entreprise ? Expliquez.
Oui, elle est compatible avec les valeurs de l’entreprise parce que la traçabilité est une
garantie pour satisfaire les clients et une des valeurs clés de l’entreprise est celle de la
satisfaction du client et la sécurité du consommateur d’autant plus que la vision de notre
entreprise est de faire des dattes un produit sain et reconnu par tout le monde. En plus, on a
une idée disons de citoyenneté c’est à dire qu’on ne parle pas de dattes de l’entreprise (A)
mais de dattes de Tunisie. Et on veut faire de ces dattes de Tunisie un produit de valeur
reconnu par les consommateurs comme un produit sain et de qualité. Or, pour arriver à cette
vision de l’entreprise on a besoin de la traçabilité ».
L’ensemble de l’extrait a été codé dans le code (Compatibilité/Valeurs). En effet, nous avons
interprété ces propos comme faisant référence au fait que la traçabilité est perçue comme étant
compatible avec les valeurs de l’entreprise (A), ce qui expliquerait en partie l’adoption de
cette démarche.
Nous avons également opté pour une double codification du même extrait qui renvoie
également à une deuxième caractéristique de la traçabilité telle que perçue par l’entreprise.
C’est ainsi que nous avons codé l’extrait sous le code (avantage relatif) puisqu’on y fait
référence à la satisfaction des clients, des consommateurs et de la qualité du produit qui font
parties intégrantes de la dimension « avantage relatif ».
A l’intérieur du même extrait, l’interviewé a évoqué d’autres dimensions rattachées à
l’avantage relatif. Ainsi, un nouveau code a émergé. Il s’agit du sous-code (avantage
relatif/image du pays), rattaché au second passage de l’extrait : « En plus, on a une idée
disons de citoyenneté c’est à dire qu’on ne parle pas de dattes de l’entreprise (A) mais de
dattes de Tunisie. Et on veut faire de ces dattes de Tunisie un produit de valeur reconnu par
les consommateurs comme un produit sain et de qualité. Or, pour arriver à cette vision de
l’entreprise on a besoin de la traçabilité ».
En effet, ce cadre évoque une nouvelle sous-dimension de l’avantage relatif relative à
l’amélioration de l’image du pays (la Tunisie) et ceci grâce à la traçabilité.

En bref, d’un côté, la codification de l’ensemble des entretiens nous a permis d’avoir une
hiérarchisation des codes sous la forme de blocs de facteurs (les «Tree nodes »)79 et, d’un
autre côté, nous avons un ensemble de codes indépendants ou « Free nodes »80 qui ne se
rattachent pas à une catégorie particulière mais, sont tout aussi importants (Cf. chapitre 4,
1.2.5.5 Codage).

Les trois premières sections du chapitre sont consacrées à l’analyse des résultats liés aux trois
blocs de facteurs énoncés dans le cadre de notre modèle de recherche et rattachés aux nœuds
hiérarchiques, à savoir : (1) les caractéristiques de la traçabilité, (2) les caractéristiques de

79
Nœuds hiérarchiques.
80
Nœuds libres.
213
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

l’organisation et (3) les caractéristiques de l’environnement. Nous exposons au niveau de la


dernière section (4) les résultats relatifs aux nœuds libres correspondant à des facteurs
d’adoption de la traçabilité plus transversaux.

1. LES CARACTERISTIQUES DE LA TRAÇABILITE


L’analyse des réponses liées essentiellement à la seconde partie du guide d’entretien, nous
permet de discuter la première proposition : L’adoption de la traçabilité doit répondre aux
caractéristiques d’une innovation managériale. Celle-ci s’appréhende par cinq
caractéristiques qui la composent, à savoir son avantage relatif, sa compatibilité, sa
complexité, sa testabilité et son observabilité.

1.1. AVANTAGE RELATIF


La proposition P1.1-L’avantage relatif perçu de la traçabilité influence positivement son
adoption- fait référence au degré selon lequel une innovation est perçue comme meilleure que
celle existante. Nous retrouvons à ce niveau de l’étude les résultats de l’analyse de plusieurs
catégories liées à cette sous-proposition. D’une part, certains résultats correspondent aux
dimensions préétablies et énoncées dans nos propositions de recherche : maîtrise de la
sécurité, renforcement de l’avantage concurrentiel, contrôle et évaluation permanents. D’autre
part, l’analyse qualitative tend à faire apparaître de nouvelles dimensions en lien avec le
facteur d’adoption « avantage relatif ». Nous présentons chacun de ces résultats tels
qu’obtenus au niveau de NVivo 8.0.

1.1.1. LA SURVIE DE L’ENTREPRISE


La survie de l’entreprise est considérée par certains répondants comme faisant partie des
avantages perçus de la traçabilité. Ainsi, la traçabilité permettrait à l’entreprise de se
maintenir sur le marché actuel, ce qui pourrait expliquer son adoption par les entreprises dans
la filière des dattes en Tunisie :
« On a des clients diversifiés et chaque jour dans le monde apparaissent des
nouveautés et des innovations et on est obligé de suivre le mouvement pour rester dans
la course sinon on risque de perdre nos clients » (Responsable Qualité Sécurité
Environnement, Conditionneur B).

214
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

1.1.2. LA REDEFINITION DES RELATIONS ENTRE ACTEURS


La traçabilité apparaît comme une démarche permettant de redéfinir les relations entre
acteurs :
« La traçabilité améliore les relations entre les partenaires mais pas avec 100% des
gens » (Responsable Achat, Conditionneur A).

Cette redéfinition ou amélioration est assurée grâce à trois composantes, à savoir :


Ø Transparence et confiance : la traçabilité assure la transparence dans les relations et
la confiance entre les différents partenaires de la filière des dattes en Tunisie :
« Avec la traçabilité, il y a plus de transparence dans la relation avec les
partenaires…La traçabilité permet d’avoir cette transparence et de créer la notion de
confiance et de partenariat avec nos clients et nos fournisseurs » (Directeur d’usine,
Conditionneur A).

Ø Sélection des fournisseurs : la traçabilité peut être considérée comme un élément du


processus de sélection des fournisseurs. Elle constitue un gage de qualité et un critère
de choix des partenaires :

« Avec la traçabilité, les fournisseurs deviennent plus professionnels et plus


consciencieux, faute de quoi ils se verront éliminer de la liste des partenaires de
l’entreprise » (Responsable Qualité Sécurité Environnement, Conditionneur B).

« Aujourd’hui, on trie les fournisseurs, ceux qui n’ont pas la traçabilité forcément
dans un ou deux ans ils ne seront plus nos fournisseurs et plus ça va aller plus ça va
l’être. C’est sûr que d’ici quelques temps on sera obligé de nous assurer que tous nos
fournisseurs disposent d’une bonne traçabilité comme certains comme l’entreprise
(A) » (Responsable Qualité et Responsable Achat du client français).

Ø Coordination et coopération : selon le Gérant de l’entreprise (C), la coopération et la


coordination est un avantage très important que la traçabilité procure « puisqu’avec la
traçabilité tout le monde est induit dans le produit final ».

1.1.3. L’ORGANISATION INTERNE


En analysant les réponses liées aux questions qui concernent le premier bloc de facteurs (les
caractéristiques de la traçabilité) mais également à ceux rattachés à la partie introductive du
guide d’entretien (définition de la traçabilité, innovation technologique vs innovation
managériale), nous avons découvert un sous-facteur d’adoption de la traçabilité :
l’organisation/la gestion interne.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la gestion interne est l’un des avantages les plus
importants tels qu’évoqués par les différents acteurs. En effet, pour certains, la gestion interne
215
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

prime sur les autres avantages que nous retrouvons dans la littérature (image de l’entreprise,
relations avec les partenaires, etc.). Le point de départ est d’avoir une bonne organisation du
travail et de là découle tout le reste du processus :
« La traçabilité est une innovation managériale plutôt car elle permet une certaine
organisation. On ne fait pas de traçabilité pour la traçabilité mais c’est une nécessité
pour pouvoir gérer un système. Si vous avez une organisation, vous avez un système,
ce système de travail, de management exige entre autres la traçabilité et exige qu’on
puisse savoir au moins qu’un produit X, provient du collecteur Y et a été amené de la
zone Z…C’est nécessaire. Ça améliore l’activité de l’entreprise. Il faut la voir comme
une exigence de notre travail interne…Avec la traçabilité, on travaille dans de bonnes
conditions et chacun sait exactement ce qu’il doit faire ce qui nous permet d’éviter de
tomber dans des surcoûts ou des sur-qualités…Je voudrais insister sur le fait que la
traçabilité est un moyen adéquat pour gérer les stocks de dattes pour la production
dans une usine pour pouvoir répondre aux spécifications des clients. Je pense que
c’est vraiment essentiel » (Responsable Achat, Conditionneur A).

« La première chose c’était une démarche ayant des avantages pour l’entreprise pour
la gestion interne…On peut également être alerté en cas de problème au niveau de la
productivité des machines…C’est d’avoir une bonne gestion interne plus que tout
autre chose. Et en fait tout est relié…Mais la gestion interne reste l’avantage le plus
important pour nous…Comme je l’ai dit la traçabilité permet une meilleure gestion
interne et c’est un des besoins de l’entreprise » (Responsable Commercial,
Fournisseur d’emballage 1).

Deux sous-aspects de l’organisation ou de la gestion interne ont tout particulièrement été


évoqués au cours des entretiens conduits : la gestion des documents et la gestion de
l’information :
« Grâce à la traçabilité tu pourras bien classer et bien gérer tous tes documents. En
fait la traçabilité prouve l’efficacité de la maîtrise de la gestion de nos documents »
(Responsable Management Qualité, Conditionneur A).

« Avec la traçabilité on ne peut pas se tromper et perdre des informations »


(Responsable Gestion de Stock Dattes, Conditionneur B).

1.1.4. LA MAITRISE DE LA QUALITE


Dans la revue de la littérature, l’assurance qualité est considérée comme l’une
des causes et en même temps conséquences de la traçabilité agroalimentaire. Ce
constat est également vérifié dans le cadre de la filière des dattes en Tunisie :
« Démontrer la traçabilité c’est un label qualité. On doit démontrer que ce produit est
sain et sûr » (Responsable Achat, Conditionneur A).

« Le problème de la vache folle a montré l’importance de la traçabilité ainsi que tous


les autres problèmes liés à la qualité des produits. La qualité des produits c’est la
variable la plus importante…Le facteur le plus important c’est la sécurité et la qualité

216
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

des produits, le reste en découle automatiquement. Aujourd’hui, tout le monde


demande la sécurité dans tout » (Gérant, Conditionneur C).

A noter que ce fut la première fois au cours de cette phase de collecte des données que fût
évoqué le problème de la vache folle comme un élément déclencheur de tous les débats autour
de la traçabilité.

1.1.5. L’IMAGE DU PAYS


Un avantage évoqué par le Responsable Achat de l’entreprise (A) concerne l’image du pays.
Ainsi, selon lui, la traçabilité est perçue comme un élément permettant d’avoir une bonne
image du pays à travers les dattes :
« En plus, on a une idée disons de citoyenneté, c’est à dire qu’on ne parle pas de
dattes de l’entreprise (A) mais de dattes de Tunisie. Et on veut faire de ces dattes de
Tunisie un produit de valeur reconnu par les consommateurs comme un produit sain
et de qualité. Or, pour arriver à cette vision on a besoin de la traçabilité ».

Cependant, cet aspect n’a été évoqué qu’à une seule reprise par cet acteur, son poids ne
semble donc pas être très important au niveau de l’avantage relatif de la traçabilité et des
facteurs d’adoption de cette dernière.

1.1.6. L’IMAGE DE L’ENTREPRISE

L’une des raisons qui aurait poussée les entreprises de conditionnement des dattes à adopter la
traçabilité est liée à l’apport de cette innovation en termes d’amélioration de l’image de
l’entreprise :
« Il est vrai que mettre en place la traçabilité va engendrer des coûts mais à long
terme on aura une importante amélioration de l’image de l’entreprise. Donc ce qu’on
va débourser aujourd’hui on va le gagner à long terme. Ça va améliorer notre image
de marque, l’image de l’entreprise, le client va se dire, cette entreprise dispose d’une
traçabilité, elle peut savoir l’origine exacte du produit donc je vais acheter ses
produits…La traçabilité, comme je l’ai déjà dit va nous permettre d’améliorer l’image
de l’entreprise, c’est son plus » (Responsable Informatique, Conditionneur B).

« En plus du gain économique que peut avoir la traçabilité, elle nous a paru comme
un moyen pour améliorer notre image. Entre une société qui a une traçabilité des
produits et une autre qui vend ces dattes sans traçabilité à votre avis laquelle sera la
plus avantagée et choisie par les clients ? C’est bien sûr celle avec une traçabilité »
(Responsable Achat Emballages et Autres, Conditionneur A).

217
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

La traçabilité est perçue ainsi, comme un élément de différenciation des produits par rapport à
ceux de la concurrence :
« Pour nous, l’image de l’entreprise c’est un aspect indiscutable. Quand on présente
un produit avec une traçabilité c’est complètement différent d’un produit sans
traçabilité » (Gérant, Conditionneur C).

1.1.7. LE GAIN DE TEMPS

Un autre avantage perçu de la traçabilité est relatif au gain de temps. Ce gain se manifeste
essentiellement au niveau de la réactivité de l’entreprise en cas de problème (retrait de
produit, réclamation des clients, etc.) :
« La traçabilité me permet de répondre au plus vite et d’avoir ainsi un gain de temps
et une plus grande réactivité » (Responsable Qualité Sécurité Environnement,
Conditionneur B).

« La traçabilité nous permet également un gain de temps même dans le cas de


répondre à une réclamation des clients par exemple…On a vu l’importance de la
traçabilité, les gains de temps, la satisfaction des clients, la réputation de l’entreprise
et bien évidement la confiance mutuelle avec les autres acteurs » (Responsable
Gestion de Stock Dattes, Conditionneur B).

Il convient cependant de noter ici que cet avantage a été perçu et évoqué uniquement par les
responsables interrogés au sein de l’entreprise (B). Il s’agirait donc d’un aspect spécifique à
l’adoption de la traçabilité par cette entreprise.

1.1.8. LE DEVELOPPEMENT DE L’ENTREPRISE


Le développement de l’entreprise est une nouvelle dimension que nous avons vu émerger de
l’analyse qualitative. De sorte, la traçabilité semble nécessaire pour que l’entreprise puisse
faire face aux aléas de son environnement en développant leurs activités et leurs marchés
cibles :
« On doit toujours adopter de nouvelles choses qui vont nous apporter un plus et
permettre le développement de l’entreprise. On a introduit la traçabilité car on est
conscient de sa nécessité pour le développement de l’entreprise. Chaque jour il y a de
nouvelles certifications et de nouvelles obligations et si on ne les assure pas on pourra
perdre des clients. » (Responsable Gestion de Stock Dattes, Conditionneur B).

« On a vu que la traçabilité est un élément qui va nous distinguer des autres


concurrents pour pouvoir sortir des marchés traditionnels parce qu’on était
handicapés par le fait qu’on vendait sur les marchés traditionnels. On voulait
atteindre le marché de la grande distribution et c’est dans ce cadre là que nous avons
adopté entre autres la traçabilité » (Responsable Achat, Conditionneur A).

218
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

1.1.9. LE CONTROLE ET L’EVALUATION

La traçabilité de la filière des dattes en Tunisie favorise un contrôle et une évaluation de


l’entreprise tels qu’énoncés dans le chapitre 1. Ainsi, le « pilotage permanent » (Avenier,
1985) de l’entreprise semble être vérifié comme l’un des avantages concurrentiels de la
traçabilité :
« C’est essentiel pour nous puisqu’en cas de problème je peux avoir toutes les
informations relatives à toutes les étapes…Comme ça je m’assure qu’en cas de
réclamation ou de non-conformité en interne d’un des responsables ou du laboratoire
d’analyse je peux retrouver les lots défectueux et donc non conformes…On peut avoir
une vision sur tous les dysfonctionnements et anomalies et on doit agir en fonction de
ça pour l’améliorer » (Responsable Management Qualité, Conditionneur A).

« Une fois que j’aurais une maîtrise parfaite de tout mon système de production de
l’amont à l’aval j’aurais dans ce cas un très bon système de maîtrise de gestion des
opérations et c’est là qu’on pourra avoir la vrai réduction des coûts. Je pourrais
savoir à chaque stade ce que j’ai gagné, ce que j’ai perdu, quelle est la qualité de ce
produit et j’aurais une meilleure visibilité de toute ma chaîne de production et j’aurais
une meilleure affectation de ma matière, une meilleure réduction des temps de cycles.
Bref je peux faire tout ce que je veux. Ce n’est pas uniquement répondre à un besoin
normatif ou de client mais j’établis une maîtrise de toutes mes opérations »
(Responsable R&D, Conditionneur A).

Le contrôle et l’évaluation contiennent deux composantes à savoir, (1) une vision globale de
l’entreprise et (2) une gestion des risques.

Ø Vision globale

La traçabilité apparaît comme une démarche que nous pourrions assimiler à « un tableau de
bord » de l’entreprise :
« Pour moi elle permet de me dire à tout moment qui fait quoi, où et comment. Elle
définit bien les tâches et les processus de production, d’achat et de
commercialisation» (Responsable Qualité Sécurité Environnement, Conditionneur B).

« La traçabilité nous a permis d’avoir un œil sur tout ce qui se passe à l’intérieur de
l’entreprise » (Responsable Achat Emballages et Autres, Conditionneur A).

« Avec la traçabilité on peut voir tout ce qui se passe dans l’entreprise et avoir une
vision globale de l’entreprise même les petits détails » (Responsable Production,
Conditionneur C).

219
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

Ø Gestion des risques


La gestion des problèmes (et le pouvoir de les éviter dans certains cas) semble être un autre
avantage perçu de la traçabilité :
« En cas de réclamation de la part d’un client, je peut retrouver avec seulement le
numéro de lot tout l’historique de la marchandise envoyée sans faire des recherches
de plusieurs heures dans toutes les boites d’archives de la société, c’est à ce niveau
qu’on voit bien l’amélioration effectuée suite à la mise en place de la
traçabilité…Pour moi la traçabilité me permet en cas de problème de savoir l’origine
exacte de ce problème et pour l’éviter la prochaine fois » (Responsable Qualité
Sécurité Environnement, Conditionneur B).

Cette gestion des risques englobe trois sous-composantes, à savoir :

· Retrait ciblé

Nous n’avons pas été réellement surpris de retrouver ce qu’on appelle le « retrait ciblé » dans
la littérature, comme un avantage de la traçabilité. En effet, il n’est pas nécessaire d’être un
expert en traçabilité pour s’apercevoir, à travers les médias, qu’en cas de problème d’ordre
sanitaire, les entreprises qui ne possèdent aucune démarche de traçabilité sont obligées de
retirer l’ensemble de la marchandise du marché. A l’inverse :
« Dans le cas d’une réclamation client on peut avec la traçabilité cerner le lot non
conforme. D’une vingtaine de tonnes on peut sauver 18 tonnes. Economiquement c’est
très significatif à ce niveau par exemple » (Directeur d’Usine, Conditionneur A).

Grâce à cet atout de la traçabilité, les entreprises obtiendraient des avantages économiques.

· Réclamation client

La réclamation client va de pair avec la gestion d’une situation de crise. La traçabilité


permettrait une meilleure gestion des différentes réclamations :
« Les dattes ne ressemblent pas à d’autres produits telles que des barres de fer qui ne
changent pas d’aspect de l’entreprise au client, c’est plutôt un produit alimentaire qui
peut subir des modifications, des contaminations avant d’arriver chez le client. Même
si le problème éventuel ne touche pas les dattes en elles-mêmes, il peut toucher les
emballages qui peuvent s’abimer par exemple. Dans le cas d’un de ces problèmes, le
client va m’envoyer une réclamation et c’est grâce à la traçabilité que je vais pouvoir
localiser l’origine exacte de ce problème et toutes les étapes par laquelle est passé le
produit… La traçabilité nous facilite beaucoup de tâches, surtout la réclamation
client…La traçabilité nous permet également un gain de temps même dans le cas de
répondre à une réclamation des clients par exemple » (Responsable Gestion de Stock
Dattes, Conditionneur B).

220
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

· Liens de causalité
La traçabilité est appréhendée par certains répondants comme permettant de repérer ou de
définir la responsabilité de chaque acteur en cas d’un problème touchant essentiellement la
qualité des produits exportés. La traçabilité leur permettrait ainsi, en cas de problème,
d’apporter la preuve de leur « innocence » (personnelle ou celle de l’entreprise) vis-à-vis des
clients ou des responsables hiérarchiques :
« Même en interne en cas de réclamation client, on doit ouvrir une enquête pour voir
ce qui s’est passé réellement, l’origine du problème et notre rôle dans ce problème.
On doit se justifier. Avec la traçabilité on peut identifier clairement toutes les étapes
par lesquelles est passé le produit mais également la responsabilité de chacun. La
traçabilité est très très importante » (Responsable Gestion de Stock Dattes,
Conditionneur B).

« En cas de réclamations clients, les traces gardées des analyses qu’on a effectué au
préalable vont nous servir de preuve pour montrer qu’on n’est pas responsable de ce
problème. Ces analyses vont nous protéger en cas de problème » (Responsable Achat
Emballages et Autres, Conditionneur A).

1.1.10. LES AVANTAGES CONCURRENTIELS


Le renforcement des avantages concurrentiels, tel qu’étudié au niveau du
chapitre 1, est considéré par la littérature qui traite de la traçabilité comme l’un
des apports essentiels de cette démarche notamment dans le domaine de
l’agroalimentaire. Nous retrouvons ainsi des avantages tels que la satisfaction
des clients et des consommateurs finaux et la réduction des coûts.

Ø Satisfaction des clients


C’est un aspect très important des avantages concurrentiels, voire le plus
important pour les différents acteurs :
« La variable la plus importante c’est la satisfaction client…Avec la traçabilité on
peut répondre plus facilement à une commande de client en respectant ces exigences.
Les clients vont avoir confiance en nous, en ayant une traçabilité de nos produits »
(Responsable Gestion de Stock Dattes, Conditionneur B).

« Quel est l’objectif de l’entreprise ? C’est la satisfaction du client, répondre à ses


besoins, lui donner un produit qui répond à ses exigences, lui fournir le service
souhaité, être honnête avec lui. Tout ceci rentre dans le cadre de la traçabilité »
(Responsable Management Qualité, Conditionneur A).

Ø Réduction des coûts


A la question : « Avez-vous calculé la rentabilité économique de la démarche de traçabilité
avant de l’adopter ? Comment et avec quoi cela a-t-il été calculé ? Si oui, cette information

221
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

vous a-t-elle aidé dans la prise de décision relative à l’adoption de la traçabilité ? Expliquez »,
nous n’avons reçu qu’une seule réponse affirmative. Il s’agit du Gérant de l’entreprise (C) qui
affirme avoir calculé la rentabilité économique de la traçabilité avant de l’adopter :
« Oui, c’est le service commercial qui a calculé la rentabilité économique. Le gain de
temps et le gain en perte de produit, tout ceci rentre dans la rentabilité ».

Cependant, ce faible taux de retour ne nie pas l’importance des avantages


économiques de la traçabilité comme variables perçues de son importance et
influençant par là son adoption :
« Economiquement parlant c’est une bonne chose…Le fait que je sache où se trouvent
ces lots de manière claire ça diminue les coûts cachés et permet de rentabiliser
l’entreprise. Maîtriser les produits, les localiser c’est une bonne chose
économiquement…Avec la traçabilité, on travaille dans de bonnes conditions et
chacun sait exactement ce qu’il doit faire ce qui nous permet d’éviter de tomber dans
des surcoûts ou des sur-qualités…La traçabilité est une nécessité économique c’est-à-
dire que si je ne trace pas le produit je perds de l’argent tout simplement »
(Responsable Achat, Conditionneur A).

L’avantage économique le plus important est celui de la réduction des coûts.


Cette réduction concerne les coûts de stockage et ceux liés au retrait de produits :
« Avec la traçabilité on va également réduire les coûts de non qualité car en cas de
problème on aura à retirer uniquement le lot défectueux et on n’aura pas à tout
perdre » (Responsable R&D, Conditionneur A).

Ø Confiance du consommateur
Il s’agit d’un avantage concurrentiel et une conséquence de l’assurance qualité et
satisfaction des clients :
« Démontrer la traçabilité c’est un label qualité. On doit démontrer que ce produit est
sain et sûr. Le consommateur doit avoir confiance en notre produit, son origine, sa
qualité » (Responsable Achat, Conditionneur A).

En fait, nous remarquons à travers l’étude des propos des différents acteurs qu’il existe une
étroite relation entre la satisfaction des clients, la confiance des consommateurs et la maîtrise
de la qualité des produits. Ainsi, avec un produit de bonne qualité, l’entreprise va s’assurer de
la confiance et satisfaction de ses clients directs mais également des clients de ses clients et
ainsi de suite jusqu’au consommateur final du produit. Il s’agit du principe même de la
traçabilité totale.

Il semble cependant que les avantages de la traçabilité dépassent le cadre de la satisfaction


client et de l’assurance qualité que nous retrouvons généralement dans la littérature. C’est un
projet à portée globale qui génère un changement de la stratégie de l’entreprise dans son
222
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

ensemble. Toutefois, en tant que facteurs d’adoption de la traçabilité des dattes tunisiennes, le
poids de chacun de ces avantages n’est pas le même comme le montre la figure n°42 obtenue
grâce aux outils de NVivo 8.0. En effet, NVivo 8.0 offre la possibilité d’interroger le corpus
via l’option « queries ». Plusieurs possibilités s’offrent ainsi au chercheur : mesurer la
fréquence des mots, retrouver les passages en relation avec un nœud, etc. Pour avoir le poids
des avantages de la traçabilité tels que perçus par les entreprises étudiés, nous avons choisi la
fonction « matrix coding query » ou requête matricielle. Cette fonction permet de créer une
matrice de nœuds basée sur les items choisis en lignes et en colonnes. De fait, pour notre
recherche nous avons le nœud « avantage relatif » comme ligne et en colonne tous les codes
correspondants au sous facteurs du code « avantage relatif ». Le résultat de cette matrice peut
être visible à travers l’option « graphique ». Nous obtenons la figure n°42.

Figure n°42 : Poids des avantages relatifs

Source : Projet « Adoption de la traçabilité », NVivo 8.0


Echelle de valeur : nombre de citations.

Nous remarquons que l’avantage considéré comme le plus important est celui des avantages
concurrentiels, avec 46 références. Cet avantage est suivi du contrôle et évaluation (31
références), de l’organisation interne (31 références) et de la maîtrise de la qualité (16
références) qui semblent ainsi être les principaux éléments auxquels s’attachent les
conditionneurs de dattes.

223
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

En étudiant de plus près le renforcement des avantages concurrentiels, nous remarquons que
la satisfaction des clients est la composante la plus importante des avantages concurrentiels.
Elle représente également l’un des avantages les plus significatifs tel que perçu par les
responsables interrogés qui l’ont cité 25 fois comme un facteur d’adoption de la traçabilité.

L’importance de ces avantages comme facteurs d’adoption de la traçabilité est d’autant plus
remarquable que la définition qu’ils donnent à la traçabilité met en évidence ces avantages et
les mettent en premier plan. Ainsi, une catégorie d’interlocuteurs, si ce n’est pas la totalité,
assimile la définition de la traçabilité à l’énoncé des avantages qu’elle procure. Nous
présentons à ce niveau quelques exemples de ces définitions :
« La traçabilité c’est savoir l’origine du produit en amont. Je dois être capable de
retrouver l’historique et de remonter à l’origine du produit. C’est essentiel pour nous
puisqu’en cas de problème je peux avoir toutes les informations relatives à toutes les
étapes...grâce à la traçabilité tu pourras bien classer et bien gérer tous tes documents.
En fait la traçabilité prouve l’efficacité de la maîtrise de la gestion de nos documents.
Elle est également essentielle dans la gestion du système qualité » (Responsable
Management Qualité, Conditionneur A).

« Les dattes ne ressemblent pas à d’autres produits telles que des barres de fer qui ne
changent pas d’aspect de l’entreprise au client, c’est plutôt un produit alimentaire qui
peut subir des modifications, des contaminations avant d’arriver chez le client. Même
si le problème éventuel ne touche pas les dattes en elles-mêmes, il peut toucher les
emballages qui peuvent s’abimer par exemple. Dans le cas d’un de ces problèmes, le
client va m’envoyer une réclamation et c’est grâce à la traçabilité que je vais pouvoir
localiser l’origine exacte de ce problème et toutes les étapes par laquelle est passé le
produit. La traçabilité nous permet de remonter en arrière tout le processus de
production, collecte, conditionnement et expédition » (Responsable Gestion de Stock
Dattes, Conditionneur B).

« C’est la démarche qui organise notre activité. Pour moi elle permet de me dire à
tout moment qui fait quoi, où et comment. Elle définit bien les tâches et les processus
de production, d’achat et de commercialisation » (Responsable Qualité Sécurité
Environnement, Conditionneur C).

L’analyse de la traçabilité par les différents acteurs interrogés montre également


qu’il s’agit d’une innovation managériale. La traçabilité n’est donc pas assimilée à
un outil mais plutôt une démarche utilisant des moyens ou outils informatiques
ou autres (traçabilité papier) :
« C’est la démarche qui organise notre activité. Pour moi elle permet de me dire à
tout moment qui fait quoi, où et comment. Elle définit bien les tâches et les processus
de production, d’achat et de commercialisation. »
La considérez-vous comme une innovation technologique et/ou managériale ?
« Managériale, la traçabilité existe sans technologie. Elle doit exister dans toute
entreprise qui possède une bonne organisation du travail avec une procédure de
224
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

sélection des fournisseurs et un bon suivi du produit jusqu’aux clients » (Responsable


Qualité Sécurité Environnement, Conditionneur B).

« C’est plutôt une innovation managériale puisqu’elle est à la base une nouvelle idée
qui rentre dans l’organisation du travail de l’entreprise » (Responsable Informatique,
Conditionneur B).

« Pour moi la traçabilité est une innovation managériale. C’est vrai qu’on a un bon
système d’information qui nous aide beaucoup dans la traçabilité mais elle est
managériale car on peut avoir une traçabilité sans avoir d’outils technologiques
même une traçabilité papier » (Responsable Commercial, Fournisseur Emballages 1).

En définitive nous pouvons confirmer la proposition 1.1- L’avantage relatif perçu de la


traçabilité influence positivement son adoption.

1.2. LA COMPATIBILITE
Suivant la proposition 1.2, la compatibilité perçue de la traçabilité influence positivement son
adoption. Cette compatibilité est mesurée à travers trois dimensions à savoir la compatibilité
avec les valeurs de l’entreprise, ses besoins et ses expériences.

1.2.1. LES VALEURS


Sur les 18 personnes interviewées, 16 ont répondu à la question relative à la compatibilité de
la traçabilité avec les valeurs de l’entreprise. Toutes les réponses affirment cette compatibilité
sans exception en confirmant l’importance de cet aspect dans l’adoption de la traçabilité :
« Bien sûr. Quel est l’objectif de l’entreprise ? C’est la satisfaction du client, répondre
à ses besoins, lui donner un produit qui répond à ses exigences, lui fournir le service
souhaité, être honnête avec lui. Tout ceci rentre dans le cadre de la traçabilité. Même
si le client peut ne pas s’apercevoir lors de ses contrôles d’un échantillon du produit
d’un problème qui existe mais la confiance qui existe entre nous et nos clients c’est ce
qui prime. Donc forcement la démarche traçabilité est compatible avec les valeurs de
notre entreprise et ceci a sûrement encouragé l’entreprise, le comité de direction à
adopter la traçabilité » (Responsable Management Qualité, Conditionneur A).

La compatibilité avec les valeurs de l’entreprise, en tant que facteur d’adoption de la


traçabilité, est de fait vérifiée et confirmée par tous. Cet aspect peut être également associé à
un autre facteur qui est celui de l’avantage relatif. En effet, en étudiant les réponses des
différentes personnes interrogées sur la compatibilité avec les valeurs mentionnées plus haut,
nous remarquons que ces personnes font le lien entre les deux facteurs (compatibilité avec les
valeurs et avantage relatif). Selon eux, l’avantage relatif de la traçabilité représente les valeurs
de l’entreprise : satisfaire les clients, améliorer l’image de l’entreprise, etc. En soi, en

225
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

permettant de garantir ces avantages, la traçabilité peut être considérée comme compatible
avec les valeurs de l’entreprise.

1.2.2. LES BESOINS


Tous les interviewés affirment que la traçabilité est compatible avec les besoins de
l’entreprise, ce qui a influencé sa décision d’adopter la traçabilité :
« Oui bien sûr si on l’a adopté c’est que forcément elle était et elle est compatible
avec nos besoins. Surtout en termes d’image de marque et de satisfaction des
exigences des marchés internationaux. Mais également managériale. Par exemple si
un fournisseur m’envoie une marchandise que je mets dans le frigo sans identification
et la même chose pour une autre marchandise d’un autre fournisseur, je n’arriverai
pas à bien distinguer la provenance des dattes. On peut également avoir des lots de
produits qui ont été exportés théoriquement alors que réellement ils sont toujours au
niveau du frigo. Par contre, avec la traçabilité, je peux identifier chaque lot et
remonter jusqu’à son origine, savoir également toutes les informations sur sa qualité
etc. » (Responsable Informatique, Conditionneur B).

De fait, comme pour le facteur précédent, les acteurs associent l’avantage relatif à la
compatibilité en termes de besoins de l’entreprise.

1.2.3. LES INNOVATIONS PASSEES


Selon le modèle de Rogers (1962, 2003), la compatibilité d’une innovation avec celles que
l’entreprise a adoptée auparavant peut avoir une influence sur l’adoption de cette « nouvelle »
innovation. Cette compatibilité se mesure par la similitude (ou non) entre la traçabilité et
d’autres « anciennes » innovations.
En analysant les réponses obtenues à la question « Considérez-vous que la démarche de
traçabilité ressemble à une innovation que votre entreprise a adopté précédemment ? Si oui,
pensez-vous que cette compatibilité a influencé positivement l’adoption de la traçabilité par
votre entreprise ? Si non, comment expliquez-vous le fait que vous avez adopté la traçabilité
malgré l’incompatibilité avec les innovations précédentes ? », nous constatons que les
différents cadres ne considèrent pas que la traçabilité puisse ressembler à des innovations
qu’ils ont adoptées dans le passé au sein de l’entreprise :

« Non, non au contraire étant donné que c’est nouveau…On ne doit pas être
découragé et on doit adopter les nouveautés qui vont nous apporter un plus »
(Responsable Marché, Conditionneur A).

« Si c’est une innovation c’est que c’est quelque chose de nouveau et donc par
définition elle ne ressemble pas à autre chose » (Responsable Achat Emballages et
Autres, Conditionneur A).

226
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

Cependant, des innovations passées, même si elles ne semblent pas ressembler à la traçabilité,
ont pu servir de base à l’adoption de la traçabilité par les entreprises objets de notre étude, il
s’agit essentiellement du partenariat entre acteurs et de la démarche qualité.

Ø Partenariat entre acteurs


L’entreprise (A) avait mis en place au préalable un programme de partenariat avec les
fournisseurs de dattes. Selon le Responsable Achat, ce programme de partenariat est une
innovation dans leur secteur d’activité. Ainsi, il considère que cette innovation a facilité
l’adoption de la traçabilité :
« Pour bien travailler avec les fournisseurs il faut créer un partenariat avec eux, les
associer à notre politique, leur garantir un bon revenu afin de les conquérir et
garantir leur adhésion à notre objectif qui est la qualité et la satisfaction client. Ce
projet existe peut être ailleurs dans le monde ou dans d’autres secteurs mais pour le
secteur des dattes créer ce genre de partenariat est une innovation qui est équivalente
à celle de la traçabilité…Le projet d’amélioration du système d’approvisionnement on
l’a mis en place avant la traçabilité…C’est un programme de maîtrise de l’amont qui
n’a rien à voir avec la traçabilité mais il a permis de créer une structure et des outils
qui ont facilités l’adoption et la mise en place de la démarche traçabilité. On avait
donc une base et des moyens de travail…Le partenariat est basé sur l’adhésion des
collecteurs et agriculteurs pour appliquer la politique qualité de l’entreprise (A). Nos
partenaires ne sont plus de simples collecteurs qui ont un petit garage qui fait office
de local pendant les deux mois de campagne et qui ont une autre activité le reste de
l’année, mais c’est plutôt des entreprises à part entière. C’est des entités juridiques
qui existent et qui sont dotées de moyens pour pouvoir maîtriser la qualité et la
traçabilité des produits. L’entreprise (A) peut donc se permettre de stocker les dattes
chez les collecteurs» (Responsable Achat, Conditionneur A).

Le Gérant de la société de collecte, fournisseur de dattes de l’entreprise (A), met également


l’accent sur l’importance de ce programme de partenariat et du travail de groupe entre les
différents maillons de la chaîne :
« Il est vrai qu’avant la traçabilité on a eu un partenariat avec l’entreprise (A) et les
agriculteurs qui a servi de bonne base à la mise en place de la traçabilité. Ça nous a
facilité la tâche d’adopter la traçabilité puisque ce projet de partenariat a été un
projet réussi…Il y a une confiance et une transparence entre les différents partenaires.
C’est ce qui nous a beaucoup aidés dans l’adoption de la traçabilité. Il existe un
intérêt commun entre les différents acteurs. Mais tout le mérite revient à notre client,
l’entreprise (A) qui a pensé à adopter la traçabilité par l’ensemble des acteurs de la
chaîne, les agriculteurs et les collecteurs. Chacun de ces acteurs cherche à satisfaire
son intérêt et celui des autres partenaires pour s’assurer de la réussite du projet. Si
chaque maillon assure la qualité à son niveau on aura forcément un produit fini de
qualit.» (Gérant, Société de collecte).

De fait, ce partenariat pourrait expliquer en partie la décision d’adopter la traçabilité.

227
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

Ø Démarche qualité
La démarche qualité existante au sein de l’entreprise peut servir de base à l’adoption de la
traçabilité. Il s’agit principalement de la démarche HACCP (Hazard Analysis Critical Control
Points) qui est considérée par certains répondants comme complémentaire avec celle de la
traçabilité.

Ainsi, le Responsable Informatique de l’entreprise (B), voit dans l’adoption de la traçabilité


une suite logique à l’ensemble des démarches qualité entrepris (HACCP, certification81). Il
indique également que l’expérience en matière de qualité facilite l’adoption et la mise en
place de la démarche traçabilité :
« Mais c’est vrai qu’il existe un lien entre la traçabilité et l’HACCP par exemple.
C’est une chaîne si on adopte l’une on adopte l’autre. C’est comme pour les
certifications ISO. On ne peut pas s’arrêter au niveau de l’ISO 9001 par exemple, on
doit adopter les autres pour être à jour. Si on décide d’entrer dans ce circuit de
démarche qualité et de certifications, on doit toujours adopter les innovations dans ce
domaine. Par exemple, pour accéder au marché anglais on a dû obtenir le certificat
BRC82 et IFS83 qui ne sont pas reconnus ailleurs mais on l’a adopté pour pouvoir
vendre nos produits en Angleterre, idem pour les pays musulmans en obtenant le
certificat « Hallal » ou le certificat « cascher » pour les consommateurs juifs. Et si
jamais on invente autre chose dans ce domaine, on va sûrement l’adopter ».
Si oui, pensez-vous que cette compatibilité a influencé positivement l’adoption de la
traçabilité par votre entreprise ?
« Oui bien sûr. Si on prend par exemple deux personnes, l’une n’a aucune idée sur le
domaine de la qualité et des certificats et l’autre travaille déjà sur des projets dans le
domaine, bien évidement celui qui aura plus de chance de réussir un nouveau projet
en qualité c’est celui qui possède une expérience dans ce domaine. Donc en adoptant
la traçabilité il aura plus de facilité à s’adapter à sa mise en place et utilisation »
(Responsable Informatique, Conditionneur B).

Selon la Responsable Management Qualité de l’entreprise (A), il existe une complémentarité


entre la démarche HACCP et celle de la traçabilité. Elle affirme que l’adoption de la
traçabilité a été conditionnée par le succès qu’ils ont eu avec la démarche HACCP :
« Je ne sais pas mais je ne crois pas qu’elle ressemble à une autre innovation. Peut
être qu’elle complète une autre oui mais elle ne lui ressemble pas. Je pense que la
traçabilité et l’HACCP sont complémentaires donc la traçabilité est venue compléter
l’HACCP…Donc on avait la base avec la démarche qualité HACCP et la traçabilité
est venue compléter cette démarche donc forcement le succès de l’une a influencé
l’adoption de l’autre » (Responsable Management Qualité, Conditionneur A).

81
« La certification est l’attestation réalisée par une tierce partie, relative à des produits, des procédures, des
systèmes ou des personnes. La certification d’un système qualité ou certification d’entreprise est un ensemble de
dispositions qui officialisent, par un audit de conformité à un référentiel d’exigence, la rigueur de son
organisation, de ses méthodes, de sa pratique et de celles de ses fournisseurs » (Tufféry, 2005, p.147).
82
International Food Standard.
83
British Retail Consortium.
228
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

Il apparaît donc que la compatibilité avec les innovations passées peut être considérée comme
un facteur d’adoption de la traçabilité. Cependant, ce facteur ne se mesure pas en termes de
ressemblance et similitude entre les innovations (passées et traçabilité), mais plutôt en termes
de complémentarité (HACCP). De plus, certaines innovations n’ont aucun lien avec la
traçabilité mais elles ont favorisé et servi de base à l’adoption de la traçabilité (exemple : le
système de partenariat qui est spécifique à (A)).

1.2.4. LE NOM POSITIF


Pour certains, le terme traçabilité avait une connotation positive ce qui a facilité son
adoption :
« Positive. Il vient du mot trace, ce qui signifie suivi. C’est un terme clair, c’est un
nom qui a un sens, qui reflète exactement le sens de la démarche. Ils ont utilisé un mot
idéal » (Gérant, Conditionneur C).

« La traçabilité avait une connotation positive...En traçant le produit, je trace le


processus dans son ensemble. Dès le début on avait une image exacte de ce que c’est
la traçabilité » (Directeur d’Usine, Conditionneur A).

D’autres interviewés pensent que la traçabilité n’avait pas une connotation positive mais ils
l’ont adopté pour autant. Ce n’est qu’en s’informant sur cette démarche qu’ils se sont aperçus
de son importance et ont par la suite décidé de l’adopter :
« Je pense qu’au début on n’avait pas une image tout à fait positive de la traçabilité.
Personnellement au départ je redoutais cette nouvelle démarche, je pensais avoir
beaucoup de difficultés à l’appliquer mais après en l’appliquant on se rend compte
que ce n’est pas aussi difficile que ça et que c’est très utile » (Responsable
Management Qualité, Conditionneur A).

Une troisième catégorie de responsables n’avait émis aucun jugement sur le terme traçabilité
qu’après avoir recueilli des informations sur cette innovation. Ils considèrent que le nom
donné à cette innovation « traçabilité » ne peut pas avoir une influence positive ou négative
sur son adoption :
« Au début, en me disant « traçabilité » sans me l’expliquer et me donner des détails
je ne pouvais pas le juger et te dire si c’est une bonne idée ou innovation ou pas.
Puisqu’on ne connaît pas son rôle, son plus, son moins etc. Donc en nous expliquant
ce que c’était, on s’est aperçu de son rôle et de son importance » (Responsable
Informatique, Conditionneur B).

En bref, à la question « Considérez-vous que le terme « traçabilité » ait une connotation


positive ou négative ? Pensez-vous que ceci a influencé la décision d’adopter la traçabilité par
votre entreprise ? », nous avons obtenu plusieurs types de réponses. En se basant uniquement
sur les informations issues de la présente analyse qualitative, nous ne sommes pas dans la
229
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

mesure d’accepter ou de rejeter ce facteur d’adoption de la traçabilité. Cet aspect devrait


donc, selon nous, être approfondi dans le cadre d’un travail de recherche futur.

1.3. LA COMPLEXITE

La complexité fait référence à la proposition 1.3 : La traçabilité est perçue comme facile à
comprendre et à utiliser ce qui favorise son adoption.

Chacun a sa vision de la complexité. La majorité des répondants s’accordent à dire que la


traçabilité a été difficile à mettre en place même si certains pensent qu’elle n’a pas été pour
autant difficile à comprendre. En effet, à la question : « Considérez-vous la traçabilité comme
étant difficile à comprendre et à utiliser ? Si oui, comment expliquez-vous le fait que vous
avez adopté cette innovation malgré le fait que vous la perceviez comme complexe. Sinon,
pensez-vous que cet aspect a poussé l’entreprise à adopter la traçabilité ? », certains répondent
par :
« Difficile à comprendre non mais à appliquer oui. La mise en place de la traçabilité
pour les dattes a été compliquée pas très compliquée parce qu’on est en train de
l’appliquer. C’est vrai qu’on n’a pas une traçabilité parfaite avec une démarche
complètement informatisée mais on tend vers ça… L’essentiel c’est que la démarche
de traçabilité existe. Son application est difficile je ne dis pas le contraire. »
(Responsable Achat, Conditionneur A).

« Difficile à comprendre non mais à appliquer oui. Sa mise en place demande


beaucoup de travail et de réflexion sur la notion de lot, d’assemblage et de
désassemblage…Si oui, comment expliquez-vous le fait que vous avez adopté cette
innovation malgré le fait que vous la perceviez comme complexe ?…On l’a appliqué
par étape petit à petit. On a commencé avec la traçabilité interne et ainsi de suite »
(Directeur d’Usine, Conditionneur A).

D’autres pensent que la traçabilité a été difficile à comprendre et à appliquer : « Oui, surtout à
comprendre et à mettre en place. Puisque tous les employés n’avaient pas le niveau
nécessaire pour comprendre une telle démarche. On a eu beaucoup de difficultés avec ces
personnes, les faire comprendre qu’il s’agit d’un plus pour lui et pour l’entreprise et non pas
un travail supplémentaire et un fardeau » (Responsable Informatique, Conditionneur B).

En définitive, il semble que la sous-proposition 1.3 ne soit pas vérifiée. Nous pouvons donc
critiquer le modèle de Rogers sur ce point. En effet, tel que nous l’avons constaté au niveau
de notre analyse qualitative, la complexité perçue de la traçabilité n’a pas constitué une
barrière à son adoption. Ce résultat pourrait s’expliquer à travers le postulat de Soparnot et
230
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

Stevens (2007, p.85). Rappelons que pour ces auteurs, « si l’excès de complexité tend à
engendrer le rejet des clients, l’insuffisance de complexité limite l’attrait pour l’innovation ».

1.4. LA TESTABILITE
Concernant la dimension relative à la « testabilité » qui, rappelons-le, correspond à la
possibilité offerte à l’entreprise de tester la traçabilité avant de la mettre en place et qui
pourrait l’encourager à l’adopter, nous remarquons à travers l’analyse qualitative que sur les
17 entretiens réalisés, 15 cadres affirment qu’ils n’avaient pas testé la démarche de traçabilité
avant de l’adopter :

« Non, comment peut-on tester une démarche qu’on n’a pas mise en place »
(Responsable Informatique, Conditionneur B).

Seuls deux répondants ont affirmé (le Responsable R&D, Conditionneur A et le


Responsable Production, Conditionneur C) avoir testés cette innovation. Cependant, en
analysant leur propos, nous remarquons qu’il ne s’agit pas de tester la démarche traçabilité
mais plutôt l’outil informatique utilisé en traçabilité avant de le mettre en place au sein de
l’organisation :
« Oui avec une période d’essai avant l’implémentation directe de l’outil pour
l’adapter à notre entreprise. On a fait des modifications pour l’adapter à nos
méthodes de travail » (Responsable Production, Conditionneur C).

Le Responsable Production fait ainsi référence à ce niveau, au système « Quality &


Traceability » présenté au niveau du chapitre 4.
En définitive et au vu des propos recueillis, nous considérons que la variable « testabilité »
n’entre pas dans le cadre des facteurs à prendre en compte dans l’adoption de la traçabilité par
les entreprises de conditionnement de dattes en Tunisie.

1.5. L’OBSERVABILITE

L’observabilité perçue de la traçabilité influence positivement son adoption (Proposition


1.5).

A la question : « Selon vous, est ce que la traçabilité et ses résultats sont visibles et
observables ? Expliquez ». Le Gérant de l’entreprise de conditionnement de dattes (C) a
répondu : « Oui bien sûr, on en voit dans les grandes surfaces, les grandes entreprises
agroalimentaires. On voit qu’ils sont dotés de traçabilité. On sent qu’on mange un produit

231
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

sûr ». Et Pensez vous que ceci a influencé la décision d’adopter cette innovation par votre
entreprise ? « Oui bien sûr ».
Pour le Directeur d’Usine chez le conditionneur (A), l’entreprise « s’est aperçu des résultats
de la traçabilité lors des présentations faites au niveau des foires qui ont traité ce sujet ».

Ce faisant, l’analyse des entretiens montrent qu’il s’agit des deux seuls responsables qui
semblent affirmer que l’observabilité doit être considérée comme un facteur d’adoption de la
traçabilité. Les autres cadres ne répondaient pas à la question ou répondaient simplement par
« Non ». De fait, l’observabilité présente un très faible poids en tant que facteur d’adoption de
la traçabilité des dattes tunisiennes.

En conclusion, il apparaît des « caractéristiques de la traçabilité » que l’avantage relatif et la


compatibilité apparaissent comme les éléments les plus importants de la traçabilité pour les
entreprises étudiées. Les caractéristiques perçues de la traçabilité peuvent être ainsi
schématisées dans la figure n°43. Celle-ci est obtenue via la fonction « models » ou modèles
de NVivo 8.0. Cette fonction nous permet de formaliser les relations entre nœuds. Il s’agit
dans ce cas de comprendre et visualiser les différentes caractéristiques de la traçabilité en tant
que facteurs d’adoption de celle-ci par les entreprises de conditionnement de dattes
étudiées, ainsi que les sous-facteurs ou composantes qui y sont rattachés. Notons que ce
graphique ne tient pas compte des caractéristiques qui n’ont pas été validées en tant que
facteurs d’adoption de la traçabilité, à savoir la complexité et la testabilité ainsi que celui qui
nécessiterait d’être approfondi par d’autres recherches, à savoir le nom positif.

232
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

Figure n°43 : Graphique de synthèse des caractéristiques de la traçabilité

Source : Projet « Adoption de la traçabilité », NVivo 8.0.

233
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

2. LES CARACTERISTIQUES DE L’ORGANISATION


Le second bloc de facteurs renvoie à la deuxième proposition de recherche P2 : L’adoption de
la traçabilité dépend des caractéristiques de l’organisation. Ces caractéristiques
organisationnelles renvoient au profil de l’organisation dépendant de l’« innovativeness » de
l’entreprise et des Technologies de l’Information et de la Communication utilisées.

2.1. LA VEILLE INFORMATIONNELLE


Une des caractéristiques de l’organisation apparue suite à l’analyse des propos recueillis est
celle que le Responsable R&D de l’entreprise (A) appelle « la veille informationnelle ».
Ainsi, selon cet acteur, le fait que l’entreprise possède une veille informationnelle, l’influence
positivement dans l’adoption d’innovations telle que la traçabilité :
« Il y avait plusieurs sources d’information, les clients qui avaient mis en place la
traçabilité, des consultants qui sont venus visiter notre entreprise. C’est quelque part
notre veille informationnelle qui nous a éclairée sur cette innovation ».

La veille informationnelle est définie par Cacaly et al. (2008, p.274) comme un « processus
continu et dynamique faisant l’objet d’une mise à disposition personnalisée et périodique de
données ou d’informations/renseignements, traitées selon une finalité propre au destinataire,
faisant appel à une expertise en rapport avec le sujet ou la nature de l’information collectée».
Cette veille nécessite un certain nombre d’étapes ou de composantes comme la recherche et la
diffusion de l’information. Ces étapes sont considérées comme utiles à la prise de décision
pour une personne ou un groupe de personnes (entreprise, pays) (Pinte, 2006).

2.1.1. LES SOURCES D’INFORMATION


« La matière première de la veille c’est l’information » (Pinte, 2006, p.345). Les sources
d’information sont donc utiles pour obtenir cette information et cette veille. Ceci est vérifié
également dans le cadre de l’étude empirique effectuée. Ces sources d’informations sont
assimilables aux canaux de communication, décrits par Rogers (2003) comme un des piliers
du processus de diffusion d’une innovation. A ce titre, à la question « Avant d’adopter la
traçabilité, l’entreprise s’est-elle informée sur cette innovation et sur son utilité ? », nous
avons eu une réponse positive de la part de l’ensemble des répondants. Ceci montre bien
l’intérêt de l’information dans l’adoption de la traçabilité :

« Bien sûr, si on va adopter une nouveauté ou une innovation, on doit avoir toutes les
informations la concernant. On ne peut pas dire qu’on va adopter la traçabilité alors
qu’on n’a aucune idée sur cette démarche. On doit savoir ce qu’elle nous apporte de

234
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

plus, son importance, ses avantages et c’est là qu’on sera tenté de l’adopter »
(Responsable Informatique, Conditionneur B).

En fonction de l’entreprise, nous avons identifié différents types de sources d’information.


Cependant, nous observons que l’ensemble de ces sources sont externes à l’entreprise. Il
s’agit ainsi des clients étrangers, des campagnes de sensibilisation organisées par les
organismes d’appui sous formes de conférences, de l’Etat, etc.
« C’était principalement un client anglais, qui au cours d’une visite chez nous à
l’usine qui nous a informé de cette innovation. En fait il a fait un Audit de l’entreprise
et parmi ses recommandations, c’est d’adopter la traçabilité et c’est là qu’on a eu
connaissance de cette démarche. Et de là on a commencé à travailler dans ce sens »
(Responsable Achat Emballages et Autres, Conditionneur A).

« De la part des clients et des conférences en Tunisie » (Responsable Gestion de Stock


Emballages et Expédition, Conditionneur B).

« Auprès des autres entreprises européennes qui ont mis en place la traçabilité qui
sont nos clients, avec le salon de la traçabilité en France, les grandes surfaces
européennes. On a assisté également aux conférences en Tunisie sur la traçabilité ».
Relance : ces conférences ont été organisées par qui ? « Par GS1 Tunisie, le GIFruits
(Groupement Interprofessionnel des Fruits) et le PMI (Programme de Modernisation
Industrielle) également ».
Elles portaient sur quoi ? « Sur la mise en place des codes à barres, sur ce que
demande la législation, sur l’importance de la traçabilité, il y a eu également une
présentation du programme mis en place par le PMI » (Gérant, Conditionneur C).

Cet aspect souligne le rôle non négligeable de certains acteurs externes qui peuvent être
considérés comme parties prenantes.

2.1.2. LA DIFFUSION DE L’INFORMATION


La diffusion de l’information est considérée également comme une composante importante
dans la veille informationnelle. Tel a été le cas pour la traçabilité des dattes en Tunisie. Une
fois l’information obtenue (via les différentes sources), elle a été diffusée grâce à des efforts
en matière de formation et de sensibilisation :
« On a eu des réunions de sensibilisation…Quand on a eu des réunions et des
formations sur le sujet on a vu l’importance de la traçabilité, les gains de temps, la
satisfaction des clients, la réputation de l’entreprise et bien évidement la confiance
mutuelle avec les autres acteurs…Comme je vous l’ai dit on a eu du mal à l’accepter
au début mais en s’informant on a vu son importance pour notre entreprise et on a dû
diffuser ces informations auprès de nos subordonnés et eux à leur tour au niveau
inferieur de l’organigramme jusqu’à ce que tout le monde soit au courant de cette
nouveauté et de sa nécessité. Après c’est devenu automatique » (Responsable Gestion
de Stock Dattes, Conditionneur B).

235
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

En bref, c’est un peu grâce à la veille informationnelle que les entreprises se sont aperçues de
l’importance de la traçabilité et de ses avantages. Nous pouvons ainsi associer la veille
informationnelle à l’avantage relatif de la traçabilité. Ceci est d’autant plus remarquable qu’au
niveau de notre modèle de recherche, nous considérions les sources d’informations comme
une dimension des avantages relatifs. L’analyse qualitative a cependant permis de voir qu’il
serait plus judicieux de considérer ces dernières comme des éléments essentiels pour la veille
informationnelle et de les intégrer au sein des caractéristiques de l’organisation.

La figure n°44 est obtenue via la requête de NVivo 8.0 permettant d’étudier les relations
possibles entre les nœuds. Grâce à cette fonction, nous ajoutons un nouveau type de
relation entre la veille informationnelle et l’avantage relatif, à savoir : l’influence.

Figure n°44 : Veille informationnelle et avantage relatif

Source : Projet « Adoption de la traçabilité », NVivo 8.0.

2.2. L’INNOVATIVENESS
Nous cherchons ici à vérifier la proposition « P2.1 » : Les entreprises qui ont une capacité à
adopter des innovations et ceci de manière rapide ou « innovativeness », auront tendance à
adopter la traçabilité en tant qu’innovation. Rappelons que dans la littérature, on traduit
« innovativeness » par « innovativité » ou « capacité d’innovation ». Cependant, nous
estimons que ces traductions sont ambigües et ne rendent pas compte du sens exact de
l’« innovativeness ». C’est ainsi que nous avons choisi de garder le terme anglais dans le
cadre de notre recherche. Cette « innovativeness » dépend elle-même de plusieurs sous-
facteurs que nous exposons comme suit et qui résultent de l’analyse qualitative :

236
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

2.2.1. LA TAILLE
Le premier déterminant de l’« innovativeness » est celui de la « taille ». Ainsi, selon Rogers
(2003), la taille d’une entreprise est positivement liée à la tendance à adopter des innovations.
De ce fait, si une entreprise est de taille importante, elle aura tendance à adopter des
innovations et notamment la traçabilité à la différence des petites et moyennes entreprises
(PME).

Cependant, nous remarquons que les entreprises interrogées dans le cadre de notre projet de
recherche sont des PME. De plus, nous disposons de réponses contradictoires concernant cet
aspect : la taille de l’entreprise comme déterminant de l’« innovativeness » de l’entreprise.
Ainsi, d’un côté, pour le Gérant de l’entreprise (C) (PME avec un chiffre d’affaires de 6
millions d’euros et 230 employés, 30 fixes et 200 saisonniers), le fait que son entreprise soit
de petite taille ne l’a pas freinée dans son adoption de la traçabilité, « puisque pour devenir
grand, il faut adopter des innovations ». D’un autre côté, le Directeur d’Usine de l’entreprise
(A) (une entreprise moyenne avec 600 employés qui peuvent aller jusqu’à 1000 en pleine
campagne, et un chiffre d’affaires est de 40 millions de dinars tunisiens soit un peu plus de 21
millions d’euros84) affirme que la taille de l’entreprise a contribué à l’adoption de la
traçabilité :
« On veut être avant-gardiste, performant. On cherche l’excellence. Ce sont ces
objectifs qui nous permettent d’adopter des démarches innovantes comme la
traçabilité. Et la taille de l’entreprise rentre dans ce cadre puisqu’une entreprise
comme la notre dispose des fonds nécessaires qui lui permettent d’adopter ces
innovations. Si on était une petite entreprise on ne pourrait pas financer ce type de
projet » (Directeur d’Usine, Conditionneur A).

En bref, nous pouvons considérer que la taille de l’entreprise n’est pas une variable
d’influence de l’« innovativeness » et de là, de l’adoption de la traçabilité par les entreprises
œuvrant dans la filière des dattes en Tunisie. Ce constat nous ait également été confirmé lors
du pré-test du guide d’entretien auprès d’un expert appartenant à l’un des organismes d’appui.
Nous choisissons donc de remplacer la variable « taille » par celle du « positionnement » ou
position de l’entreprise sur le marché comme un déterminant de l’« innovativeness ».

2.2.2. LE POSITIONNEMENT
Certains acteurs interrogés expliquent l’« innovativeness » de l’entreprise par sa position sur
le marché. Ainsi, un bon positionnement permettrait à l’entreprise d’adopter des innovations

84
40 000 000 DT = 21 041 557.075 EUR, selon le cours des devises du 24/03/2010.
237
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

comme la traçabilité :
« L’entreprise est l’une des plus grandes dans le secteur de dattes en Tunisie. Cette
position lui permet d’être leader sur tous les plans en matière d’innovation
(certification, traçabilité, etc.) » (Responsable Marché, Conditionneur A).

« Il s’agit d’une PME mais par rapport aux entreprises du secteur, on possède une
bonne position et ceci explique le fait qu’on adopte des innovations » (Responsable
Qualité Sécurité Environnement, Conditionneur B).

2.2.3. LE PROFIL INTERNATIONAL


Un sous-thème a émergé lors de la conduite des entretiens. Il s’agit du profil international de
l’entreprise qui la pousse à adopter des innovations comme la traçabilité. Ainsi, plus
l’entreprise a des relations avec l’étranger (relations d’exportation/importation), plus elle se
trouve intéressée par l’adoption d’innovations telles que la traçabilité.
« On a des clients étrangers partout dans le monde et on doit se référer à ce qui se
passe dans le monde et ne pas se comparer au marché tunisien. On doit donc adopter
des innovations quand c’est nécessaire que ce soit technologiques ou managériales.
Le plus important c’est de satisfaire le client. C’est notre souci principal »
(Responsable Qualité Sécurité Environnement, Conditionneur B).

« Nous on ne travaille qu’en export on est donc très lié aux entreprises européennes
qui nous tiennent au courant des nouveautés » (Directeur d’Usine, Conditionneur A).

Ces entreprises accordent une grande importance aux spécificités et aux


exigences de chaque marché, non seulement dans l’adoption d’innovations telle
que la traçabilité mais également dans la prise en compte et la classification des
marchés-cibles :
« Donc pour une entreprise comme la nôtre, elle doit être à même d’exporter toute
une gamme de produits, avec toutes les catégories et types, d’abord, étant donné que
la matière première elle-même n’est pas homogène mais hétérogène, ensuite car ces
marchés sont différents avec des exigences différentes » (Responsable Achat,
Conditionneur A).

2.2.4. LE MANAGEMENT PARTICIPATIF


Un nouveau concept en relation avec l’entreprise décentralisée a été évoqué essentiellement
par le Responsable Hygiène de l’entreprise (B) : le management participatif.
« Avec le management participatif on encourage les personnes à adopter des
innovations ».

Le management participatif est défini comme étant « une forme de management favorisant la
participation aux décisions, grâce à l’association du personnel à la définition et à la mise en
œuvre des objectifs le concernant » (Hermel, 1988 ; cité par Danvers, 2009, p.344). Ce style
238
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

de management est caractérisé par une autonomie accordée aux différents acteurs de
l’entreprise, un pouvoir partagé et une responsabilisation de chacun. Les composantes du
management participatif qui émergent de l’analyse des entretiens sont de deux types, celles de
la répartition du pouvoir et du sentiment d’appartenance.

Ø La répartition du pouvoir
A chaque fois qu’un interviewé caractérise l’entreprise au sein de laquelle il travaille
de « décentralisée », il fait référence à la répartition ou partage du pouvoir pour justifier ses
propos :
« C’est un pouvoir partagé. Chacun assume à son niveau ses responsabilités mais on
est dépendant l’un de l’autre. Selon vous, ceci facilite-t-il l’adoption d’innovations par
l’entreprise et plus précisément dans notre cas la traçabilité de vos produits ? Oui
puisqu’il faut impliquer le personnel dans la prise de décision » (Responsable
Management Qualité).

« Chaque responsable peut prendre des décisions à son niveau et dans son domaine de
compétence. Le gérant ne peut pas dire par exemple je ne veux pas vendre à un client
X et personne ne peut me contredire. Ce n’est pas logique. Si une seule personne
prend toutes les décisions, l’entreprise ne peut pas réussir…Bien sûr, avec une
délégation du pouvoir on est plus encouragé à adopter de nouvelles idées »
(Responsable Informatique, Conditionneur B).

Ø Le sentiment d’appartenance
Le sentiment d’appartenance est une composante du management participatif qui a émergé au
moment du déroulement des entretiens.
Ceci étant, il doit être noté que c’est plus la manière de dire et faire que les propos eux mêmes
qui expliquent cet élément. Ainsi, le Responsable Achat Emballages et Autres matières de
l’entreprise (A) a montré son engagement via le ton de son discours, nous avons pu sentir que
la traçabilité lui tient à cœur. Il a insisté pour porter à notre connaissance tous les documents
en relation avec le respect de la qualité des emballages qu’ils utilisent, des fiches qualité, des
analyses, etc. L’autre cas est celui du Responsable Gestion de Stock Dattes de l’entreprise (B)
qui nous a donné l’impression d’une personne engagée dans le développement de l’entreprise.
A travers le ton utilisé, nous avions le sentiment qu’il parlait de l’entreprise comme si c’était
sa famille et était très enthousiaste envers la traçabilité.

De fait, le style de management a une influence sur l’« innovativeness » de l’entreprise. Dans
le cas de notre recherche, nous pouvons affirmer que le management participatif, avec ses
deux composantes (répartition du pouvoir et sentiment d’appartenance), a encouragé les
entreprises étudiées à adopter la traçabilité.
239
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

2.2.5. L’ENGAGEMENT DE LA DIRECTION


L’engagement de la Direction est un élément que nous retrouvons dans chaque entretien et à
tous les niveaux du guide. En effet, les différents acteurs s’accordent à dire que la volonté de
la Direction est très importante dans l’adoption de la traçabilité :
« Dans l’entreprise de manière générale, pourquoi évolue-t-elle dans le sens de
l’innovation ? C’est en fait dû à l’équipe dirigeante. Lorsque l’équipe dirigeante est
réceptive à l’innovation. Si le patron n’est pas réceptif vous ne pouvez rien faire. Tant
que la Direction, veut améliorer l’entreprise, veut aller de l’avant, évidement ça
marche. En fait c’est le moteur qui a laissé les cadres compétents prendre les mesures
et adopter la traçabilité » (Responsable Achat, Conditionneur A).

L’importance de cet engagement est aussi valable pour tous les maillons de la filière des
dattes en Tunisie. Parfois, l’accent est mis sur cet aspect même s’il ne rentre pas dans le cadre
de la question posée :
« Est-ce qu’il existe un niveau d’interconnexion élevé dans l’entreprise ? C’est-à-dire
est ce que les nouvelles idées et informations circulent entre les membres de
l’entreprise de manière rapide et efficace ? : Je dirai qu’on a une bonne
communication, on n’a aucun problème à ce niveau-là. L’information circule
rapidement presque trop. Le directeur est très demandeur d’innovations. »
(Responsable Qualité et Responsable Achat, Client français).

L’engagement de la Direction apparaît de fait, comme un déterminant de l’adoption


d’innovations, et notamment la traçabilité. Ceci est d’autant plus vrai que nous remarquons
que même dans le cas où l’adoption de la traçabilité est considérée comme une décision
collective, le rôle du dirigeant demeure très important dans cette prise de décision.

2.2.6. LES CARACTERISTIQUES STRUCTURELLES


La proposition P2.1.2 renvoie aux caractéristiques structurelles de l’entreprise comme
déterminants de l’« innovativeness » de cette entreprise et de là, son adoption de la traçabilité.
Ces caractéristiques correspondent à la centralisation, aux connaissances et compétences, à la
formalisation, à l’interconnexion et au slack organisationnel.

Ø La centralisation des décisions


Suivant notre modèle de recherche, la centralisation des décisions freinerait l’adoption de la
traçabilité. Ainsi, les entreprises qui auraient adoptées la traçabilité seraient plutôt des
entreprises décentralisées. Les résultats montrent que le poids de la variable « centralisation »
est très faible. En effet, elle n’a été évoquée que par deux personnes. Les autres acteurs ne

240
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

parlent pas de cet aspect mais plutôt de la délégation et de la répartition du pouvoir comme
nous l’avons évoqué précédemment.
D’une part, le Directeur d’Usine de l’entreprise (A) affirme que pour les décisions
stratégiques, la centralisation favorise l’adoption des innovations :
« Les décisions stratégiques sont concentrées au niveau du Comité de Direction. Cette
centralisation des décisions stratégiques favorise l’adoption des innovations qui
nécessite une convergence des objectifs et des intérêts de tous et donc d’avoir un avis
central et unique ».

D’autre part, le second acteur affirme que cet aspect n’influence en aucun cas l’adoption de la
traçabilité. L’entreprise est donc à la fois centralisée et décentralisée, tout dépend du type de
décisions. Toujours selon ses propos, il y a un partage du pouvoir. Quoique, les décisions
stratégiques sont centralisées c’est-à-dire qu’elles sont prises par une seule personne :
« Tout dépend de la décision prise. Réellement il y a des décisions centralisées qui
sont prises uniquement par le Directeur Général et il y a des décisions décentralisées
prises par un comité. Tout ce qui est lié à la production, c’est décentralisé mais celles
qui nécessitent des investissements importants c’est plutôt centralisé. Pour la
traçabilité par exemple, au début c’était une décision centralisée, elle a été prise par
le Directeur Général mais il a tout de même exposé son idée d’introduire la traçabilité
à l’ensemble des cadres pour donner leur avis sur les améliorations qu’on peut faire
en adoptant cette innovation et non pas pour l’accepter ou la refuser. Le fait que les
décisions soient centralisées ou décentralisées n’influence en aucun cas l’adoption
d’innovations comme la traçabilité » (Responsable Qualité Sécurité Environnement,
Conditionneur B).

On a donc deux références en contradiction. De plus, le fait que ces deux acteurs évoquent
qu’il s’agit d’une entreprise centralisée alors que les autres employés de la dite firme
affirment que c’est plutôt une entreprise décentralisée, pourrait souligner un problème
d’appartenance et d’intégration dans l’entreprise. Cette composante de « centralisation des
décisions » doit donc être relativisée et approfondie par des recherches futures. En définitive,
nous ne pouvons pas retenir la centralisation en tant que facteur favorisant l’adoption de la
traçabilité puisque cet aspect a été évoqué par un seul responsable. En revanche, nous
pouvons admettre le rôle important joué par la délégation du pouvoir comme signe de
décentralisation, tel qu’étudié au niveau du management participatif.

Ø Les connaissances et compétences


Le degré de connaissances et de compétences des cadres semble avoir favorisé l’adoption de
la traçabilité par l’ensemble des entreprises étudiées :
« Avec un personnel conscient de l’importance des innovations et possédant des
niveaux de compétences et connaissances élevés notamment en matière de qualité, ça
va forcement aider l’entreprise à adopter des innovations. Sinon si on ne dispose pas
241
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

de cadres compétents, ça reviendra à dire que les décisions sont centralisées au


niveau d’une seule personne le top manager » (Responsable Informatique,
Conditionneur B).

« C’est le personnel qui détermine l’avenir de la société. Si c’était une jeune


entreprise avec de jeunes cadres sans expérience ils auront plus de mal à adopter des
innovations. Les compétences sont une variable importante dans l’adoption
d’innovation telles que la traçabilité » (Responsable Production, Conditionneur C).

Ø La formalisation
Concernant la formalisation, qui correspond à l’obligation de suivre des procédures strictes et
précises dans la prise de décision, nous ne pouvons pas avoir une généralisation à partir des
propos recueillis. En effet, chaque organisation étudiée a un point de vue propre à elle. Ainsi,
pour l’entreprise (A), on parle de degré de liberté dans la prise de décision. Selon les propos
des différents cadres interrogés comme le Directeur d’Usine, le formalisme dans la prise de
décision freine l’adoption des innovations et notamment la traçabilité :
« On n’a pas de procédure stricte, il y a un degré de liberté dans la prise de décision.
On a des réunions par service pour prendre des décisions et chacun donne son avis.
C’est vrai que les décisions stratégiques sont prises au niveau du comité de direction
mais pour les autres décisions il y a une certaine flexibilité.
Était-ce le cas pour la décision d’adopter la traçabilité et comment ceci a-t-il facilité
cette décision ?
Oui bien sûr. La créativité et l’innovation ont pour base d’avoir un certain degré de
liberté. S’il n’y a pas de degré de liberté de réfléchir, de chercher et même de prendre
des décisions, on ne pourra pas adopter des innovations » (Directeur d’Usine,
Conditionneur A).

Pour l’entreprise (B), en revanche, c’est le type de décision à prendre qui va déterminer le
degré de formalisme ou d’assouplissement dans la procédure à suivre. Pour le cas de
l’adoption de la traçabilité, cette décision a suivi une procédure stricte et formelle. Donc, cette
formalisation ne les a pas découragés face à l’adoption de la traçabilité.
« Il y a un certain degré de liberté mais comme je l’ai expliqué tout à l’heure pour les
décisions centralisées et décentralisées, le degré de liberté varie selon la décision à
prendre et la tâche à réaliser. J’ai une certaine liberté dans la réalisation des tâches
qui rentrent dans le cadre de mon poste et de mes compétences. Concernant la
décision d’adopter la traçabilité, elle a été prise par le Directeur Général qui a
organisé des réunions d’introduction et de sensibilisation concernant l’importance de
cette démarche. Cette décision a suivi une certaine procédure » (Responsable Qualité
Sécurité Environnement, Conditionneur B).

Le Gérant de l’entreprise (C) confirme, quant à lui, que le formalisme influence positivement
l’adoption de la traçabilité. Cet acteur évoque à la fois la formalisation des procédures mais
également dans certains cas l’assouplissement de celles-ci. Nous pouvons donc penser qu’au

242
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

sein de cette entreprise, il existerait deux formes de procédures et que ceci dépendrait de la
décision à prendre. Pour la décision d’adopter la traçabilité, elle a suivi une procédure
formelle :
« Généralement, on doit suivre une procédure formelle mais si nécessaire, on a la
possibilité d’assouplir la procédure. Mais il faut faire une concertation au préalable.
Dans l’entreprise tout le monde peut s’exprimer et donner son avis. La décision est
prise par tout le monde. De plus, la traçabilité suit une procédure claire. Ce
formalisme aide beaucoup et nous a facilité l’adoption de la traçabilité » (Gérant,
Conditionneur C).

En définitive, les résultats obtenus de la présente étude empirique ne nous permettent pas
d’affirmer ou d’infirmer la proposition (P2.1.2.3) : la formalisation freinerait l’adoption
d’innovations telle que la traçabilité. Celle-ci doit faire l’objet d’études futures plus
approfondies.

Ø La communication
Suivant la liste des codes préétablis en relation avec notre cadre conceptuel et nos
propositions de recherches, nous avons « l’interconnexion » comme une des composantes des
caractéristiques structurelles. Elle influencerait positivement l’adoption d’innovations comme
la traçabilité. De fait, s’il y a un bon niveau d’interconnexion, l’information circule
rapidement, ce qui favorise l’adoption de la traçabilité.
Cependant, en interrogeant les 18 acteurs, nous avons une seule personne qui parle
d’interconnexion :
« On a un bon niveau d’interconnexion comme vous dites. Aujourd’hui on travaille en
groupe » (Responsable Achat Emballages et Autres, Conditionneur A).

Les autres évoquent plutôt la communication :


« Il y a un plan de communication en interne. Il y a une bonne communication en
interne horizontale et verticale. On organise des réunions d’informations, en plus des
affichages. La communication est un élément déterminant de l’adoption d’innovations
telle que la traçabilité » (Directeur d’Usine, Conditionneur A).

« Oui, il y a une bonne communication. Tout le monde doit avoir l’information


nécessaire le plus rapidement possible et ceci est nécessaire pour pouvoir adopter les
innovations comme la traçabilité » (Responsable Production, Conditionneur C).

Nous pouvons ainsi retenir la communication comme une composante favorisant l’adoption
d’innovations et la traçabilité. En effet, l’interconnexion n’est pas un terme connu dans le
langage des interviewés. Ils le remplacent alors par « la communication » en gardant le même
sens.
243
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

En outre, la communication est considérée par certains comme une solution aux problèmes
rencontrés dans la mise en place de la traçabilité et notamment en termes de réticence du
personnel :
« C’est vrai qu’au début on a eu quelques difficultés avec des personnes qui sont
réticentes au changement…Il y a eu aussi la résistance du personnel qui pense
toujours qu’une innovation est une charge supplémentaire…pour le personnel on a
résolu le problème par la communication et en voyant l’Output de la traçabilité il est
arrivé à comprendre l’importance de cette démarche » (Directeur d’Usine,
Conditionneur A).

Ø Les ressources financières


Le « slack organisationnel », perçu comme l’une des caractéristiques structurelles, a été
mesuré par la présence d’un excédent budgétaire consacré aux éventuelles innovations à
adopter. Cependant, au cours des entretiens réalisés, les interviewés n’évoquent pas cet aspect
et ne nous donnent pas de parts chiffrés. Néanmoins, les cadres interrogés affirment à chaque
fois que les ressources financières sont très importantes au niveau de l’adoption de la
traçabilité comme innovation :
« On déploie toutes les ressources financières nécessaires pour adopter les
innovations…Tant qu’il y a adoption d’innovation tant qu’il y a des dépenses. Bien
évidement si on n’avait pas les moyens financiers on n’aurait pas pu adopter des
innovations telles que la traçabilité » (Responsable Qualité Sécurité Environnement,
Conditionneur B).

« Une entreprise comme la notre dispose des fonds nécessaires qui lui permettent
d’adopter ces innovations…On accorde beaucoup d’importance à l’adoption
d’innovations et on dispose des ressources financières nécessaires…»
Pensez-vous que ceci explique la tendance qu’a l’entreprise à adopter des innovations
et plus précisément la traçabilité ? Expliquez.
« Bien sûr, il n’y a pas de meilleure source d’encouragement que les moyens
financiers » (Directeur d’Usine, Conditionneur A).

Ainsi, les résultats de l’analyse montrent que le « slack organisationnel » est remplacé par les
ressources financières qui semblent être une condition nécessaire à l’adoption d’innovations et
donc de la traçabilité. Cependant, le Gérant de l’entreprise de conditionnement de dattes (C)
considère les moyens financiers de l’entreprise comme une condition nécessaire mais non
suffisante de l’adoption d’innovation : « Bien sûr tant qu’il y a les moyens financiers et qu’on
a conscience de l’importance d’adopter des innovations, on dépense. Parfois on a de l’argent
mais on n’adopte pas d’innovations pour autant ».

244
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

2.3. LES CARACTERISTIQUES TECHNOLOGIQUES


Il s’agit de discuter de la validité de la proposition P2.2. qui concerne l’influence des
caractéristiques technologiques de l’entreprise dans l’adoption de la traçabilité. Ces
caractéristiques concernent essentiellement la maturité technologique de l’entreprise et
l’infrastructure technologique des partenaires comme le montre la figure n°45.

Figure n°45 : Caractéristiques technologiques comme facteurs d’adoption de la


traçabilité

Source : Projet « Adoption de la traçabilité », NVivo 8.0

2.3.1. LA MATURITE TECHNOLOGIQUE


Pour pouvoir adopter la traçabilité, l’entreprise doit s’assurer qu’elle soit assez préparée au
niveau technologique. Cette maturité technologique dépend de trois facteurs, à savoir : la
maîtrise de la technologie, les connaissances technologiques et l’infrastructure de l’entreprise
en matière de TIC.
245
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

Ø La maîtrise des TIC


Nous constatons, en analysant les propos recueillis, qu’il n’existe pas de maîtrise parfaite et
totale des outils technologiques de la part des entreprises de conditionnement de dattes en
Tunisie. En effet, cette maîtrise dépend de la catégorie d’acteurs ou de personnes œuvrant au
sein des entreprises. De fait, certains interviewés affirment que les cadres maîtrisent bien les
outils technologiques à la différence des ouvrières. Ils expliquent ceci par la spécificité des
tâches qu’accomplissent ces ouvrières et qui ne nécessitent pas l’utilisation de technologies de
par leur niveau intellectuel :
Jusqu’à quel niveau les employés de l’entreprise maîtrisent-ils ces TIC ? Y a t il eu
des formations pour faciliter cet apprentissage ? « Tout dépend des employés, il y a
une catégorie qui maîtrise ces technologies c’est les responsables mais pas les
ouvriers » (Responsable Achat Emballages et Autres, Conditionneur A).

« Les responsables oui mais pas les ouvrières. Pour les responsables ils ont eu des
formations sur ces outils. Les ouvrières réalisent des tâches manuelles et 90% d’entre
elles sont illettrées. Le plus souvent on favorise la formation orale pour qu’elles
puissent bien comprendre » (Responsable Qualité Sécurité Environnement,
Conditionneur B).

· Formation
La formation est un moyen aidant les entreprises à maîtriser les outils technologiques :
« Il y a eu des formations et certains responsables commencent à maîtriser ces outils »
(Directeur d’Usine, Conditionneur A).

« En fait, il y a des techniciens qui sont venus nous accompagner dans l’installation de
cet outil pendant quelques mois pour s’assurer qu’il fonctionne correctement...Pour
les responsables ils ont eu des formations sur ces outils » (Responsable Qualité
Sécurité Environnement, Conditionneur B).

En soi, s’il existe des efforts, il n’y a pas pour autant de maîtrise totale des TIC.

Ø L’infrastructure entreprise
Les entreprises de conditionnement de dattes ne disposent pas d’une bonne infrastructure
technologique qui aurait dû les aider à adopter la traçabilité. Ainsi, avant d’adopter la
traçabilité, ces entreprises disposaient d’outils informatiques très basiques à savoir, dans la
plupart des cas, le code à barres et Internet.
« Quels sont parmi ces outils technologiques ceux qui étaient déjà disponibles chez
vous avant d’adopter la traçabilité ? Les codes à barres, Internet et il y a un autre outil
technologique c’est le détecteur de métaux » (Responsable Hygiène, Conditionneur
B).
« Les codes à barres, l’Internet et le lecteur optique » (Gérant, Conditionneur C).

246
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

Ø Les connaissances technologiques


Concernant la partie relative aux outils technologiques utilisés dans le cadre de la démarche
traçabilité, nous remarquons que de nombreux cadres interrogés, si ce n’est la totalité, ne
connaissent pas certains outils comme la RFID (Radio-Frequency Identification)85 , le MES
(Manufacturing Execution System)86 ou bien l’EDI et l’ERP. Certains de ces cadres sont des
responsables informatiques, ce qui semble confirmer l’absence de rôle joué par le facteur
technologique dans l’adoption de la traçabilité.
Connaissez-vous ces autres technologies (codes barres, RFID, EDI, lecteur optique,
ERP, etc.) ? « Non je ne les connais pas » (Responsable Informatique, Conditionneur
B).

« Le lecteur optique oui mais pas les autres » (Responsable Production, Conditionneur
C).

2.3.2. L’INFRASTRUCTURE PARTENAIRES


En interrogeant les différents acteurs sur l’infrastructure des partenaires, comme une des
caractéristiques ou facteurs technologiques pouvant favoriser l’adoption de la traçabilité, nous
remarquons que celle-ci n’est pas totalement vérifiée. En effet, pour certains interviewés, les
clients étrangers disposent d’une bonne infrastructure technologique. En revanche, tous les
répondants s’accordent à dire que les fournisseurs ne possèdent pas de structures et outils
technologiques.
Est-ce que vos partenaires (collecteurs, clients, etc.) possèdent ces technologies ?
Expliquez. « Les clients et les fournisseurs d’emballages oui mais pas les fournisseurs
de dattes » (Directeur d’Usine, Conditionneur A).

« Les clients certainement mais pas les autres maillons collecteurs et


agriculteurs…Pour les fournisseurs d’emballage et des autres matières premières je
pense qu’ils possèdent certains de ces outils technologiques mais ils n’entrent pas
dans le cadre du projet sur la traçabilité interne et aval des dattes » (Responsable
Qualité Sécurité Environnement, Conditionneur B).

« Les clients oui, les autres peut-être qu’ils ont Internet mais pas le reste » (Gérant,
Conditionneur C).

Ainsi, au vu de cette analyse, nous remarquons que les caractéristiques technologiques ne


constituent pas des facteurs influençant l’adoption de la traçabilité par les entreprises de
conditionnement de dattes en Tunisie. Nous avons eu droit à une explication de ce constat au
niveau de la définition même que les conditionneurs de dattes donnent à la traçabilité. En

85
Rappelons que la RFID correspond à la technologie d’identification par radiofréquence.
86
Rappelons que le MES correspond au système d’exécution des fabrications comme un des outils de stockage
de l’information utilisé dans une démarche de traçabilité.
247
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

effet, s’il n’existe pas d’effort en matière technologique, ceci s’explique par le fait que la
traçabilité est considérée par les entreprises étudiées comme une innovation managériale. Et
l’adoption de cette innovation n’a pas nécessité de technologie. Ils ont utilisé d’autres outils, à
savoir des documents papier :
« Il s’agit d’une innovation managériale puisque la traçabilité peut normalement se
faire sans outils technologiques » (Responsable Marché, Conditionneur A).

« Managériale, la traçabilité existe sans technologie. Elle doit exister dans toute
entreprise qui possède une bonne organisation du travail avec une procédure de
sélection des fournisseurs et un bon suivi du produit jusqu’aux clients » (Responsable
Qualité Sécurité Environnement, Conditionneur B).

« La technologie n’est qu’un outil de la traçabilité, on peut faire la traçabilité sans


technologies » (Gérant, Conditionneur C).

L’observation directe nous a montré également cet aspect. En effet, comme nous l’avons
exposé au niveau du chapitre 4, la démarche d’identification et de traçabilité des dattes chez
les conditionneurs étudiés s’effectue sans utiliser de TIC. Ceci peut résulter également des
contraintes évoquées par les conditionneurs de dattes et qui se rattachent aux technologies en
matière de traçabilité. Ces contraintes sont liées essentiellement aux coûts de la technologie et
à la spécificité du secteur d’activité :
« On a pensé mettre en place des outils technologiques de la traçabilité, la
technologie RFID mais les coûts étaient vraiment exorbitants pour la traçabilité des
dattes on a donc renoncé à ce projet pour le moment, ça nous fait sortir de notre seuil
de rentabilité. On ne peut pas vendre un kilo de dattes comme une paire de
chaussures » (Responsable R&D, Conditionneur A).

Cependant, les conditionneurs de dattes semblent être conscients de la nécessité de ces TIC.
En effet, ils sont en train de mettre en place des projets pour l’intégration de certains outils
technologiques de la traçabilité. Celles-ci font partie d’un projet futur pour chacun des cas
étudiés.
« Pour l’EDI on a commencé à l’utiliser pour échanger avec un client en Espagne et
on est en train de le développer pour pouvoir l’utiliser avec d’autres clients. On veut
rendre ce système dynamique pour que chaque client même s’il n’a pas l’EDI il
pourra se connecter sur le Web et trouver sur notre site toutes les informations
concernant ses commandes » (Responsable R&D, Conditionneur A).

Si les TIC ne sont pas considérées comme des facteurs d’adoption de la traçabilité, ils
semblent faire partie des facteurs de succès de cette démarche. En effet, les conditionneurs de
dattes, et plus spécifiquement ceux de l’entreprise (A), semblent affirmer que les outils

248
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

technologiques permettent de faciliter le travail de traçabilité et d’avoir ainsi une démarche


plus fiable.
« C’est important d’adopter ces outils de la traçabilité puisque ça allège la démarche
et la rend plus efficace, plus facile, gérable et avec un gain de temps » (Responsable
Management Qualité, Conditionneur A).

« On peut avoir une traçabilité sans la technologie mais pour l’efficacité et


l’efficience de la traçabilité on doit intégrer la partie technologique pour avoir
l’information le plus rapidement possible » (Directeur Usine, Conditionneur A).

Cependant, nous ne pouvons pas affirmer avec exactitude si les TIC sont véritablement des
facteurs de succès dans la traçabilité des dattes dans le cadre spécifique de la Tunisie. En
effet, nous n’avons pas assez de recul pour réaliser ce type de recherche, puisque comme nous
avons pu le voir au cours de la première phase exploratoire du terrain tunisien, la traçabilité
des dattes est encore en phase d’adoption. Ceci étant, il serait intéressant d’approfondir cet
aspect de l’étude puisqu’au vu des différentes initiatives privées et publiques dans le secteur,
la diffusion de la traçabilité devrait sans doute être rapide.

De fait, les caractéristiques organisationnelles ayant influencé l’adoption de la traçabilité des


dattes en Tunisie peuvent être regroupées dans la figure n°46 créée, comme pour celle relative
aux caractéristiques de la traçabilité, à partir de la fonction « models » de NVivo. La figure
n°46 présente ainsi les caractéristiques organisationnelles qui favorisent l’adoption de la
traçabilité dans le cadre étudié. Il s’agit d’une part, de la veille informationnelle et ces deux
composantes et, d’autre part, de l’« innovativeness » de l’entreprise, de ces déterminants et
composantes. La figure n°46 ne tient pas compte des dimensions dont le rôle en tant que
facteur d’adoption n’a pas été vérifié ou qui doivent faire l’objet d’études plus approfondies :
la taille, la centralisation, la formalisation et les caractéristiques technologiques.

249
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

Figure n°46 : Les caractéristiques organisationnelles

Source : Projet « Adoption de la traçabilité », NVivo 8.0

250
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

3. LES CARACTERISTIQUES DE L’ENVIRONNEMENT


Telle que présentée dans notre modèle de recherche, la troisième proposition générique fait
référence aux caractéristiques de l’environnement. Ces caractéristiques correspondent au
troisième bloc de facteurs d’adoption de la traçabilité. La figure n°47 illustre les différentes
caractéristiques ou composantes de l’environnement de la filière des dattes en Tunisie.

Figure n°47 : Les caractéristiques de l’environnement

Source : Projet « Adoption de la traçabilité », NVivo 8.0

Dans cette section, nous présentons les résultats obtenus de l’analyse qualitative (via NVivo)
concernant les facteurs environnementaux. Nous traitons successivement les trois grandes
composantes ou caractéristiques de ce bloc de facteurs, à savoir : le rôle des parties prenantes,
le « champion » et l’environnement concurrentiel.

251
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

3.1. LE ROLE DES PARTIES PRENANTES


Au niveau de la dernière partie du guide d’entretien, nous avons essayé de répondre aux
questions suivantes : Comment peut-on identifier les différentes parties prenantes des
entreprises étudiées représentant la filière des dattes en Tunisie? Ces parties prenantes
identifiées ont-elles joué un rôle dans l’adoption de la traçabilité par ces entreprises ?

3.1.1. L’IDENTIFICATION DES PARTIES PRENANTES GENERALES DES


CONDITIONNEURS DE DATTES EN TUNISIE
Pour identifier et classer les parties prenantes « générales » des conditionneurs de la filière des
dattes en Tunisie, nous nous sommes basés sur le modèle de Mitchell et al. (1997). Ce modèle
a été présenté au chapitre 3. Il a permis d’identifier et de distinguer les différentes parties
prenantes en termes de pertinence. L’objectif, outre l’identification des véritables parties
prenantes, est d’essayer d’établir une hiérarchisation de ces acteurs et de leur importance.
Dans un deuxième temps, nous allons vérifier si ces acteurs ont influencé (de manière directe
ou indirecte) l’adoption de la traçabilité. C’est ainsi que nous avons remis à chaque
responsable interrogé un tableau présenté dans le chapitre méthodologique et que nous
reprenons ici :

Tableau n°13 : Tableau d’identification des parties prenantes selon le modèle de


Mitchell et al. (1997)
ATTRIBUTS POUVOIR87 LEGITIMIT88 URGENCE89
ACTEURS
Agriculteurs
Collecteurs
Personnel de l’entreprise
Propriétaires de l’entreprise
Clients locaux
Clients étrangers
Consommateurs tunisiens
Consommateurs étrangers
Etat
Organismes d’appui (GIF, PMI,
GS1, etc.)
Médias
Autres : A préciser
Source : Guide d’entretien, élaboration personnelle.

87
Capacité d’influencer les décisions organisationnelles de l’entreprise.
88
La légitimité dans les relations de cet acteur avec l’entreprise.
89
L’entreprise doit répondre aux demandes de cet acteur dans des délais acceptables pour ce dernier.
252
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

Ce tableau regroupe les différents acteurs présents au niveau de la filière des dattes en
Tunisie. Nous avons demandé aux répondants de leur attribuer (ou pas) le ou les trois
caractéristiques données par Mitchell et al. (1997) permettant d’identifier et de classer les
parties prenantes. Il convient de rappeler à ce niveau les quatre groupes de parties prenantes
qui résultent du modèle de Mitchell et al. (1997), à savoir :
· Les parties prenantes critiques ou décisives qui réunissent les trois critères de pouvoir,
légitimité et urgence.
· Les parties prenantes potentielles rassemblent deux des trois critères : elles « sont
assez actives à l’égard de l’entreprise, entretiennent des relations soutenues avec elles
et requièrent de sa part un traitement approprié » (Cazal, 2005, p.8).
· Les parties prenantes latentes (avec un seul critère) : malgré le fait que leur prise en
compte n’est pas prioritaire, elles constituent néanmoins un risque potentiel pour
l’entreprise.
· Les groupes qui ne possèdent aucun critère et ne sont donc pas considérés comme
parties prenantes.

Le degré d’influence de chaque acteur sur les décisions stratégiques de l’entreprise varie ainsi
en fonction de la catégorie de parties prenantes à laquelle il appartient.

La démarche que nous avons choisie de suivre afin d’identifier et classer les parties prenantes
générales a été la suivante : nous avons essayé dans un premier temps, d’identifier les
différents types de parties prenantes pour chaque entreprise en se basant sur le modèle de
Mitchell et al. (1997). La deuxième étape a été d’obtenir la classification des parties prenantes
du maillon « conditionneur » de la filière représenté par les trois entreprises étudiées.

A l’aide du logiciel Adobe Photoshop CS4, il nous a été possible de réaliser une typologie
pour chaque entreprise (Cf. annexe n°11). Ceci fait, nous avons fusionné les trois graphiques
afin de repérer les points récurrents. Ainsi, nous optons pour le choix de présenter uniquement
les acteurs clés, à savoir les acteurs en gras (au moins 50% des répondants) et les acteurs en
italique et gras (ensemble des répondants) identifiés pour chacune des trois entreprises (A),
(B) et (C). En conséquence de quoi, le graphique suivant représente, au plus près, la typologie
des parties prenantes générales des conditionneurs de la filière des dattes en Tunisie.

253
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

Figure n°48 : Typologie des parties prenantes de la filière des dattes en Tunisie
d’un point de vue général

Source : Elaboration personnelle.

Légende :
Organismes = organismes d’appui
Les acteurs en gras sont ceux qui ont été classés dans la même catégorie par une grande partie des responsables
des entreprises de conditionnement de dattes tunisiennes étudiées.
Les acteurs en italique et gras ont été classés dans la même catégorie par l’ensemble des responsables (100%
des répondants).
Les acteurs présents à l’extérieur des cercles sont considérés comme ne faisant pas partie des parties prenantes.

L’analyse du graphe permet d’énoncer que :


· Une première catégorie est constituée des non parties prenantes. Tous les
responsables des trois entreprises étudiés affirment que les clients et consommateurs
du marché local n’ont aucune influence sur les décisions stratégiques de leurs
entreprises qui sont totalement exportatrices. Cet élément doit être cependant ajusté en

254
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

ce sens que le statut 100% exportateur ou non changerait, selon nous, cette
catégorisation. Les médias ne seraient également pas considérés comme appartenant
aux parties prenantes générales de la filière des dattes en Tunisie.

· A l’inverse, les propriétaires et le personnel semblent posséder les trois attributs et


constitueraient ainsi les parties prenantes les plus importantes à prendre en compte et
qui influenceraient considérablement les décisions.

· Pour l’Etat, l’avis des responsables est divisé entre deux choix. La première catégorie
de responsables (7 cadres) le classe comme partie prenante décisive au même titre que
le personnel et propriétaires. Alors que la deuxième catégorie (5 cadres) le considère
comme partie prenante latente avec un seul attribut : le pouvoir. Un questionnement
sur cet acteur plus en profondeur apparaîtrait donc comme opportun.

· Les collecteurs et les clients étrangers apparaissent comme détenant les deux attributs
de légitimité et d’urgence. Dans l’ordre d’importance, ils se placent derrière les parties
prenantes décisives mais ils sont plus importants que le reste des parties prenantes en
détenant deux des trois attributs ou critères de classification. Ce sont donc des parties
prenantes potentielles.

· Les agriculteurs et les consommateurs étrangers font partie des acteurs latents
puisqu’ils ne possèdent qu’un seul attribut légitimité ou pouvoir.

· Concernant les organismes d’appui, nous ne pouvons pas les identifier dans une seule
classe ou type puisque les avis des différents responsables des trois entreprises sont
très divergents. Nous avons pu les classer dans deux catégories possibles. A savoir,
soit en tant que parties prenantes potentielles avec les attributs pouvoir et légitimité,
soit dans les parties prenantes latentes avec uniquement l’attribut pouvoir.

Le tableau n°14 regroupe les acteurs clés de la filière des dattes classés suivant la typologie de
Mitchell et al. (1997).

255
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

Tableau n°14 : Classification des parties prenantes générales des conditionneurs de la


filière des dattes en Tunisie

Parties prenantes Parties prenantes Parties prenantes Non parties


décisives potentielles latentes prenantes

Etat Clients étrangers Agriculteurs Clients locaux


Personnel Collecteurs Organismes d’appui Consommateurs
Propriétaires Organismes d’appui Etat tunisiens
Consommateurs Médias
étrangers

Source : Elaboration personnelle.

En définitive, il est envisageable d’énoncer que les parties prenantes les plus importantes pour
le maillon « conditionneurs » de la filière des dattes en Tunisie dans le cadre des entreprises
totalement exportatrices sont l’Etat, les propriétaires, le personnel, les clients étrangers, les
collecteurs et les organismes d’appui. Considérant que la traçabilité est reconnue comme une
démarche stratégique par l’ensemble des répondants, nous pouvons estimer que ces acteurs
auraient joué un rôle important dans l’adoption de la traçabilité. Ce point semble être conforté
en partie, car certains de ces acteurs sont les plus évoqués par les responsables interrogés
comme ayant influencé l’adoption de la traçabilité au niveau de leur entreprise.

3.1.2. IDENTIFICATION DES PARTIES PRENANTES DE L’ADOPTION DE


LA TRAÇABILITE DANS LA FILIERE DES DATTES EN TUNISIE
Nous avons voulu vérifier si les parties prenantes identifiées précédemment correspondaient
aux acteurs ayant influencé l’adoption de la traçabilité dans la filière des dattes en Tunisie. La
question : « Parmi ces acteurs quels sont, selon vous, ceux qui ont eu une influence sur
l’adoption de la traçabilité par votre entreprise ? Expliquez », nous a permis de connaître les
acteurs clés ou parties prenantes ayant influencé la décision d’adopter la traçabilité90. Dans le
paragraphe qui suit, nous présentons les différents acteurs évoqués par les responsables
comme ayant influencé l’adoption de la traçabilité ainsi que le poids de chacun.

Grâce à l’une des fonctions du logiciel NVivo, nous avons pu interroger le corpus et établir
une matrice présentant le poids de chaque acteur ou partie prenante. Nous avons choisi en
ligne le nœud « rôle des parties prenantes », et en colonne les nœuds correspondant à chacune

90
Chaque acteur identifié a fait l’objet d’un codage avec un nœud correspondant au niveau de NVivo.
256
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

de ces parties prenantes. La schématisation de la matrice obtenue est présentée dans la figure
n°49.

Figure n°49 : Poids des parties prenantes de l’adoption de la traçabilité

Source : Projet « Adoption de la traçabilité », NVivo 8.0.


Echelle de mesure : « sources codes count » ou le nombre de personnes ayant cité l’acteur comme
parties prenantes de l’adoption de la traçabilité.

Nous présentons à ce niveau, chaque acteur par l’ordre croissant d’importance.

Ø Les agriculteurs et collecteurs


Ces deux derniers acteurs ont été identifiés par un seul responsable comme faisant partie des
acteurs ayant influencé la décision d’adopter la traçabilité.
« Il y a également l’agriculteur et le collecteur qui pour avoir une traçabilité amont
doivent accepter de collecter les informations nécessaires. Donc le fait qu’ils
acceptent d’avoir une traçabilité de leurs produits et processus de production et de
collecte nous a encouragés à adopter la traçabilité. D’ailleurs avant d’adopter la
traçabilité, on a discuté avec eux » (Responsable Achat, Conditionneur (A)).

Ø Les médias
Le Responsable Gestion de Stock Emballages et Expédition de l’entreprise (B) est le seul à
nommer les médias comme acteur dans la décision d’adopter la traçabilité et ce, en tant que
257
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

mode de communication et source d’information concernant la traçabilité. Ceci souligne


finalement que leur rôle n’est pas très important. Parmi l’ensemble des parties prenantes ayant
influencé l’adoption de la traçabilité par les entreprises étudiées, les médias ont le poids le
plus faible, au même titre que les agriculteurs et collecteurs.

Ø Les consommateurs étrangers


Les consommateurs étrangers sont considérés comme des parties prenantes latentes, c’est-à-
dire qu’ils possèdent un seul attribut. Certes, ils ont une influence sur les décisions
stratégiques de l’entreprise mais leur poids n’est pas très important. Ceci est aussi valable
pour la décision relative à l’adoption de la traçabilité par les entreprises de conditionnement
de dattes. Ainsi, comme le précise le Gérant de l’entreprise (C), les consommateurs étrangers
ont influencé cette décision mais de manière indirecte :
« Les consommateurs étrangers : indirectement, puisqu’ils deviennent de plus en plus
exigeants en matière de qualité des produits ».

Ø Le personnel
L’étude des propos des différentes personnes interrogées révèle que le personnel n’a pas eu de
rôle important à jouer dans la prise de décision relative à l’adoption de la traçabilité. En effet,
il existe peu de responsables qui identifient le personnel comme un acteur ayant influencé
l’adoption de la traçabilité. De plus, ils se contentent juste de l’énumérer sans donner
d’explication sur ce choix :
« Il y a également le personnel pour les acteurs internes qui ont influencé l’adoption
de la traçabilité » (Responsable Achat, Conditionneur A).

Par ailleurs, à la question : « Pourriez vous citer les principaux problèmes que vous avez
rencontrés lors de l’adoption de la traçabilité et comment les avez-vous résolus ? », tous les
responsables évoquent en premier lieu la réticence du personnel. En effet, pour eux, le
principal problème rencontré en adoptant la traçabilité a été la résistance du personnel aux
changements et la méfiance qu’ils exprimaient envers la démarche traçabilité :
« C’est vrai qu’au début on a eu quelques difficultés avec des personnes qui sont
réticentes au changement…Il y a eu aussi la résistance du personnel qui pense
toujours qu’une innovation est une charge supplémentaire » (Directeur d’Usine,
Conditionneur A).

« Tous les employés n’avaient pas le niveau nécessaire pour comprendre une telle
démarche. On a eu beaucoup de difficultés avec ces personnes, les faire comprendre
qu’il s’agit d’un plus pour lui et pour l’entreprise et non pas un travail
supplémentaire et un fardeau » (Responsable Informatique, Conditionneur B).
258
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

Ø L’Etat
Pour certains responsables interrogés, l’Etat est le premier acteur qui a participé et encouragé
les entreprises de dattes à adopter la traçabilité :
« L’Etat a lancé beaucoup de projets pour nous encourager à adopter la
traçabilité…L’Etat qui nous a encouragé et a mis à notre disposition des aides sous
formes d’assistance technique » (Directeur d’Usine, Conditionneur A).

« L’Etat et les organismes d’appui car ils veulent protéger la réputation du pays »
(Responsable Production, Conditionneur C).

Ø Les organismes d’appui


Le rôle principal de ces organismes, au niveau de l’adoption de la traçabilité, était un rôle de
soutien et de sensibilisation à travers les différentes campagnes de sensibilisation :
« Les organismes d’appui : ce sont eux qui nous ont aidés et soutenus dans l’adoption
de la traçabilité » (Gérant, Conditionneur C).

Cependant, ce que nous avons remarqué à travers la conduite des entretiens, c’est que certains
responsables assimilent les organismes d’appui à des représentants de l’Etat. De fait,
l’influence de ces organismes sur l’adoption de la traçabilité démontrerait plutôt l’importance
de l’Etat. Ceci renforcerait la place qu’occupe l’Etat en tant que partie prenante décisive et
notamment dans la décision d’adopter la traçabilité.
« Les organismes d’appui ont joué également un rôle qui représente eux-mêmes
l’Etat » (Directeur d’Usine, Conditionneur A).
« Les organismes d’appui (le PMI), l’Etat via le PMI qui nous a encouragé à mettre
en place la traçabilité à travers les subventions et les projets dans ce domaine et bien
évidement le chef d’entreprise qui était le premier dans l’entreprise à s’apercevoir de
la nécessité de la traçabilité » (Responsable Informatique, Conditionneur B).

Ø La Direction Générale
Nous avons déjà évoqué le rôle de la Direction Générale dans l’adoption de la
traçabilité. En effet, en analysant les propos recueillis, nous remarquons que les
interviewés font souvent référence au rôle de la Direction et ce, au-delà de la
réponse qu’ils apportent à la question relative aux choix des parties prenantes. Il
s’agit ainsi de l’un des acteurs les plus importants et ayant influencé
considérablement l’adoption de la traçabilité par les trois entreprises :
« Dans l’entreprise de manière générale, pourquoi évolue-t-elle dans le sens de
l’innovation ? C’est en fait dû à l’équipe dirigeante. Lorsque l’équipe dirigeante est
réceptive à l’innovation…Tant que la Direction veut améliorer l’entreprise, veut aller
de l’avant, évidement ça marche. En fait c’est le moteur qui a laissé les cadres

259
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

compétents prendre les mesures et adopter la traçabilité » (Responsable Achat,


Conditionneur A).

« C’est le Directeur Général. C’est grâce à lui qu’on est devenu conscient de
l’importance de la traçabilité…C’est le Directeur Général qui a récupéré
l’information complète auprès des clients et des pays de destination concernant la
réglementation et en a informé toute l’équipe » (Responsable Qualité Sécurité
Environnement, Conditionneur B).

Comme nous allons le voir dans la suite de l’analyse, le Directeur Général est le plus souvent
la personne identifiée comme étant le « champion », ce qui tend à conforter la place
importante de cet acteur dans l’adoption de la traçabilité par les entreprises étudiées.
Contrairement au propriétaire, qui a été identifié comme étant une partie prenante décisive et
qui n’est pas pour autant le premier acteur dans l’adoption de la traçabilité. En effet, seuls
deux responsables identifient les propriétaires comme ayant influencé l’adoption de la
traçabilité :
« Le propriétaire et le personnel de l’entreprise car ils voient en la traçabilité une
meilleure organisation de l’entreprise et une nécessité de l’activité de l’entreprise »
(Responsable Qualité Sécurité Environnement, Conditionneur B).

La responsable hygiène classe les propriétaires, au même titre que les clients (étrangers), dans
la catégorie des acteurs les plus importants dans l’adoption de la traçabilité :
« Tous ces acteurs ont influencé de manière ou d’une autre cette prise de décision
mais les plus importants c’est les clients et les propriétaires de l’entreprise ».
(Responsable Hygiène, Conditionneur B).

Nonobstant, il faut remarquer que la Direction Générale ne figure pas dans le graphique
identifiant les parties prenantes. Une explication possible est liée à la nature et à l’organisation
des entreprises étudiées. En effet, les trois entreprises sont des sociétés familiales où le
Directeur Général est lui-même l’un des propriétaires. De fait, les propriétaires sont
considérés comme les membres de la Direction Générale. Il s’agit donc de la même catégorie
de parties prenantes. Nous choisissons de retenir la Direction Générale qui a été évoquée par
plusieurs responsables.

Ø Les clients étrangers


Il est nécessaire à ce niveau de bien distinguer entre les clients étrangers et les consommateurs
étrangers. En effet, les entreprises de conditionnement de dattes en Tunisie n’offrent pas leurs
produits directement aux consommateurs étrangers mais par l’intermédiaire de différentes
entreprises (importateurs, distributeurs étrangers, sociétés de négoce), soit leurs clients
directs.
260
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

Les clients étrangers correspondent aux acteurs de référence. Ils ont été identifiés par
l’ensemble des répondants comme étant le type d’acteurs principal qui a influencé l’adoption
de la traçabilité :
« Les clients étrangers c’est eux qui ont exigé d’avoir la traçabilité pour répondre à
leur tour aux exigences des consommateurs et de leur pays » (Responsable Qualité
Sécurité Environnement, Conditionneur B).

« Les clients étrangers : ils ont demandé et surtout conseillé de faire la traçabilité »
(Gérant, Conditionneur C).

Une expression qui montre l’importance du client comme acteur influençant la décision
d’adopter la traçabilité « Pour moi c’est le client étranger, comme on dit toujours « le client
est Roi ! ». Ça veut tout dire. Le client c’est l’acteur qui a une influence directe sur
l’entreprise. Comme nous, on influence nos fournisseurs, notre client nous influence
puisqu’on est son fournisseur » (Responsable Achat Emballages et Autres, Conditionneur A).
Alors qu’il ne figurait pas comme une partie prenante décisive du point de vue général de la
gestion de l’entreprise, le client étranger est identifié comme tel pour l’adoption de la
traçabilité.

En définitive, parmi les parties prenantes générales de la filière des dattes en Tunisie -telles
qu’identifiées par les responsables interrogés-, certaines semblent avoir joué effectivement un
rôle dans l’adoption de la traçabilité. Cependant, l’analyse des propos recueillis et de la figure
n°49 (illustrant le poids de chaque partie prenante dans l’adoption de la traçabilité) révèle
quelques divergences. Il s’agit de divergences entre la classe ou catégorie de ces parties
prenantes tels qu’identifiées et le rôle qu’elles ont jouées dans l’adoption de la traçabilité.
Certaines de ces divergences ont pu être expliquées. Il s’agit par exemple des directeurs qui
sont, dans le cas des entreprises interrogées, eux-mêmes les propriétaires, ce qui explique
pourquoi l’acteur « Direction générale » ne figurait pas dans la liste initiale et générale des
parties prenantes. Toutefois, d’autres divergences ne sont pas expliquées. Il s’agit, par
exemple, du cas du personnel de l’entreprise considéré comme partie prenante décisive d’un
point de vue général alors qu’il semble avoir manifesté des réticences vis-à-vis de l’adoption
de la traçabilité. Une explication pourrait être liée au modèle de Mitchell et al. (1997) dans
son ensemble et à une des critiques qui a été formulée à l’égard des différents modèles
d’identification des parties prenantes. Il s’agit de l’aspect dynamique de la « stakeholders
theory ». En effet, les outils proposés permettent d’expliquer « ex-post », dans une situation
donnée, qui sont les parties prenantes, mais ne permettant pas d’appréhender l’émergence
261
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

possible de nouveaux « stakeholders » (Bouglet, 2005). Ainsi, les parties prenantes peuvent
évoluer dans le temps, elles peuvent changer d’attribut et donc de catégorie. Dans le cadre de
notre recherche, nous avons interrogé les responsables à un instant « t ». Les parties prenantes
qu’ils ont identifiés correspondraient peut-être à ceux de l’instant « t ». De fait, ces parties
prenantes peuvent ne pas correspondre dans l’ensemble aux parties prenantes présentes au
moment de l’adoption de la traçabilité. Il faut souligner que la décision d’adopter la traçabilité
au niveau des trois entreprises interrogées est une action passée qui date de quelques mois à
quelques années.

Malgré cette remarque, nous avons pu cibler les acteurs dans une action de démarche de
traçabilité. Il s’agit en premier lieu des clients étrangers et de la Direction générale mais
également de l’Etat et de ses organismes d’appui. Nous pouvons valider la proposition 3.1 :
Les parties prenantes influencent l’adoption de la traçabilité avec comme acteurs internes
la Direction Générale, l’Etat et les organismes d’appui, et acteurs externes les clients étrangers
et dans une moindre mesure les consommateurs étrangers. En revanche, les médias n’ont pas
eu de rôle important à jouer dans l’adoption de la traçabilité dans ce cadre au même titre que
les agriculteurs et collecteurs et ont été cité par un seul responsable comme ayant influencé
l’adoption de la traçabilité.

3.2. LE CHAMPION
Nous avons émis une sous-proposition basée sur le rôle du « champion », selon l’expression
de Rogers (2003), dans l’adoption de la traçabilité. Il s’agit d’un acteur, interne à l’entreprise,
qui de par sa position et ses traits de personnalité, encouragerait cette entreprise et son
personnel à adopter l’innovation qu’il supporte. Le discours des conditionneurs de dattes en
Tunisie fait nettement transparaître que le « champion » est généralement le Directeur Général
ou le PDG (Président Directeur Général). Les interviewés exposent ainsi les caractéristiques
(statut dans l’entreprise, qualités personnelles) que possèdent ces « champions ». Ces
caractéristiques justifient à leur sens, l’accord des différents membres de la société sur le point
de vue de ce champion concernant l’adoption de la traçabilité :
Y’a-t-il un acteur interne à votre entreprise qui a influencé l’adoption de la traçabilité ?
Si oui, quel est son statut et quelles sont les raisons de l’accord sur son point de vue ?
« Je dirais le PDG qui poussait tout le monde à relever ce défi. En fait comme je l’ai
déjà dit la décision d’adopter la traçabilité c’était consensuel mais lui il faisait
l’animateur et il faisait un peu je dirais le coach. Donc voilà, nous sommes d’accord
pour gagner le match et il nous faut un entraineur et c’était l’entraineur »
(Responsable R&D, Conditionneur A).

262
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

« Oui c’est le Directeur Général. On a un Directeur Général charismatique qui te fait


passer l’information de manière très claire et te donne envie de travailler et d’aimer
ton travail. C’est une personne qui est à l’écoute des membres de l’entreprise. On ne
sent pas de rapport supérieur hiérarchique et subordonné entre le Directeur Général
et le personnel » (Responsable Qualité Sécurité Environnement, Conditionneur B).

Nous remarquons que le haut responsable hiérarchique a joué un rôle important dans
l’adoption de la traçabilité et ce, même si dans certains cas il ne s’agissait pas de la personne
qui a pris la décision finale d’adopter la traçabilité. Si nous reprenons le raisonnement de
Rogers (2003), le fait que les répondants considèrent dans la plupart des cas que le
« champion » est un responsable haut placé dans l’entreprise, soulignerait que la traçabilité est
une innovation radicale. En effet, Rogers (2003) considère qu’il existe deux types de
« champions » en fonction du type d’innovations qu’ils défendent : les responsables hauts
placés pour des innovations radicales et de simples managers lorsqu’il s’agit d’innovations
incrémentales.

3.3. L’ENVIRONNEMENT CONCURRENTIEL


Une nouvelle dimension ou composante des facteurs environnementaux est évoquée par
certains répondants. Il s’agit du niveau de compétition, ou ce que nous appelons
« environnement concurrentiel ». Le niveau élevé de compétition pousse ces entreprises à
chercher à se distinguer de la concurrence à travers l’adoption d’innovations comme la
traçabilité :
« Chaque jour il y a de nouvelles certifications et de nouvelles obligations et si on ne
les assure pas on pourra perdre des clients…La concurrence est de plus en plus rude,
donc il faut essayer de se développer au maximum et de les dépasser » (Responsable
Gestion de Stock Dattes, Conditionneur B).

Il y a une relation de cause à effet entre l’adoption de la traçabilité et le fait d’atteindre


l’objectif de travailler avec les grandes surfaces :
« Il s’agit d’un marché exigeant ; l’objectif est de travailler avec les grandes surfaces.
Il faut montrer le sérieux de l’entreprise. La traçabilité montre ce sérieux » (Gérant,
Conditionneur C).

Cependant, le rôle joué par l’environnement concurrentiel dans l’adoption de la traçabilité


semble être faible par rapport aux autres caractéristiques de l’environnement telles que
présentées au niveau de cette section.

263
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

4. LES « FREE NODES » OU NŒUDS LIBRES


L’analyse qualitative des entreprises de conditionnement de dattes en Tunisie nous a révélée
la présence d’un quatrième type de facteurs ayant favorisé l’adoption de la traçabilité par ces
entreprises. Il s’agit de facteurs transversaux qui ne peuvent être rattachés à aucune des trois
grandes catégories étudiées dans les sections précédentes. Nous présentons au niveau de cette
section les trois principaux facteurs rattachés aux « free nodes ».

4.1. LA TRAÇABILITE : UNE MOTIVATION FINANCIERE


« INDIRECTE »
Ce code renvoie aux sources de motivation, à savoir essentiellement les subventions
accordées aux entreprises interrogées. Rogers (2003) les classe parmi les caractéristiques de
l’innovation. Cependant, au vue des propos recueillis, elles apparaissent comme un thème
plus transversal et c’est pour cette raison que nous choisissons de les assimiler à un code ou
nœud libre.
Les sources de motivation ont encouragé les entreprises à adopter la traçabilité. Dans le
secteur des dattes, il s’agit de subventions financières et/ou sous forme de conseil et
assistance :
Avez-vous obtenu des subventions de l’Etat, des organismes d’appui ou des clients
afin de vous encourager à adopter la traçabilité ? Si oui, sous quelles formes et à quelle
hauteur en termes de montant ? « Oui, l’Etat a lancé beaucoup de projets pour nous
encourager à adopter la traçabilité. On a eu la visite de consultants étrangers et
locaux pour nous aider dans la mise en place de la traçabilité. En fait l’Etat s’est
chargé de financer une grande partie de ces consultations. C’est des subventions sous
forme d’assistance. Ces subventions nous ont encouragé à adopter la traçabilité et
même bien avant avec l’adoption du système qualité » (Directeur d’Usine,
Conditionneur A).

« Oui, du PMI sous forme d’assistance technique par des experts tunisiens et
étrangers pour la mise en place du système d’information lié à la traçabilité. Il y a
aussi des subventions de 80% du ministère de l’industrie pour toutes les démarches
qualité ».
Relance : ces 80% correspondent à quoi ?
« 80% de tout ce qui est immatériel et 20 à 25% pour les matériels dans le cadre de la
mise à niveau. Ceci nous encouragé à adopter la traçabilité » (Gérant, Conditionneur
C).

Ce facteur fait référence au rôle de certaines parties prenantes comme l’Etat ou les organismes
d’appui étudiés dans la section précédente.

264
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

4.2. LA TRAÇABILITE : PLUS FACILE LORSQUE LES


PARTENAIRES SONT AU « MEME NIVEAU »
Ce facteur, comme le montre la figure n°50, a été évoqué par quelques responsables et
essentiellement ceux appartenant aux maillons amont et aval de la filière des dattes en Tunisie
qui, rappelons-le, sont représentés par un collecteur exclusif de l’entreprise (A), deux
fournisseurs d’emballage et produits divers, ainsi qu’un client de l’entreprise (A).

Figure n°50 : Des partenaires au même niveau

Source : Projet « Adoption de la traçabilité », NVivo 8.0

De fait, si les différents maillons de la filière des dattes sont au même niveau d’avancée de la
traçabilité (c’est-à-dire à la même phase d’adoption, de mise en place et au même niveau
technologique), ceci encouragerait ces différents partenaires à adopter la traçabilité.
Ceci pourrait expliquer les propos de la Responsable Qualité et du Responsable Achat de
l’entreprise française de négoce (cliente du conditionneur (A)) quand ils énoncent avoir eus
plus de difficultés avec Israël qui est beaucoup plus avancé qu’eux en matière de traçabilité :
« Ça était très très simple, bien plus simple avec la Tunisie justement par rapport à
Israël qui avait déjà une traçabilité existante puisqu’ils sont obligés et sont plus en
avance que nous et on a plus du mal à s’adapter alors que travailler avec la Tunisie
c’était plus simple puisqu’on est au même niveau concernant la traçabilité ».

265
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

Le Gérant de l’entreprise (C) et le Responsable Commercial de l’un des fournisseurs


d’emballages insistent à leur tour sur l’importance d’avoir des partenaires qui ont le même
niveau en matière de traçabilité :
« On ne doit pas trouver dans un même circuit des entreprises qui ont une démarche
traçabilité et d’autres qui ne l’ont pas encore adoptées » (Gérant, Conditionneur C).
« Oui être sur le même pied d’égalité ou sur la même longueur d’onde avec les
partenaires ça aide énormément » (Responsable commercial, Fournisseur d’emballage
1).

4.3. LA TRAÇABILITE : L’ATOUT DES BONNES RELATIONS


ENTRE PARTENAIRES
Une bonne relation entre partenaires peut aider à adopter la traçabilité :
« Pour réussir on s’est aidé mutuellement. Tous les partenaires ont travaillé ensemble
mais bien évidement celui qui ne suit pas le changement se voie perdre ses clients. Et
même pour le client garder le même fournisseur ça aide pour la gestion puisque c’est
une entreprise avec laquelle il a l’habitude de travailler, il connaît son mode de
fonctionnement etc.» (Gérant, Collecteur).

Cet acteur met ainsi l’accent sur l’importance du travail de groupe entre les différents
maillons de la filière. Avoir une bonne relation entre les différents acteurs a servi de base à
l’adoption de la traçabilité. Il s’agit en effet d’un facteur mais également, comme nous l’avons
vu au niveau de la première section du présent chapitre, d’une conséquence ou avantage de la
traçabilité (Cf. 1.1.2 La redéfinition des relations entre acteurs).

Rappelons que les entretiens réalisés auprès des responsables appartenant au maillon amont et
aval de la filière des dattes avaient pour but de vérifier des éléments complémentaires de
l’analyse. Ces éléments issus du traitement de la première vague d’entretiens sont rattachés à
la nature des relations entre les entreprises de conditionnement de dattes en Tunisie et leurs
partenaires (clients et fournisseurs). En définitive, il apparaît que ces éléments soient
confirmés par les propos des responsables amont et aval. Ces facteurs sont liés
essentiellement au niveau des partenaires en matière de traçabilité et à la relation entre
l’entreprise de conditionnement et les différents autres maillons de la filière. Ces nouveaux
facteurs émergeants de la présente analyse qualitative semblent ainsi avoir déterminé
l’adoption de la traçabilité par les entreprises étudiées, au même titre que les sources de
motivation, les caractéristiques de la traçabilité, les caractéristiques de l’organisation et celles
de l’environnement.

266
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

CONCLUSION

A travers ce chapitre, nous avons présenté les différents résultats de l’étude qualitative de
l’adoption de la traçabilité au niveau de trois cas de conditionneurs de dattes en Tunisie. Ces
trois entreprises étant considérées comme les « pionnières » en matière d’adoption de la
traçabilité des dattes en Tunisie. Il s’agit de trois entreprises totalement exportatrices.
Rappelons que ce choix s’explique par l’absence de démarche traçabilité chez les entreprises
de conditionnement de dattes œuvrant pour le marché local.

Cette analyse nous permet d’établir une typologie des facteurs d’adoption de la traçabilité au
niveau de ce cadre spécifique. Ces facteurs se regroupent essentiellement au niveau de trois
blocs de caractéristiques issus de la revue de littérature :
· la traçabilité qui comprend l’avantage relatif, la compatibilité et l’observabilité.
· l’organisation avec la veille informationnelle et l’« innovativeness ».
· l’environnement qui s’exprime à travers les parties prenantes, le champion et le niveau
élevé de compétition.

Néanmoins, d’autres facteurs ont été identifiés, à savoir :


· les sources de motivation qui mettent en exergue les subventions accordées à ces
entreprises les encourageant à adopter la traçabilité,
· le niveau de partenariat qui suppose qu’il est important d’avoir des partenaires amont
et aval qui soient au même niveau en termes de démarche traçabilité,
· les relations entre partenaires qui entraînent la mutualisation des efforts de chaque
acteur afin d’obtenir une traçabilité de l’ensemble de la filière.

En définitive, l’ensemble de ces résultats nous permet de présenter un nouveau modèle de


recherche qui tient compte des modifications issues de l’étude empirique (Cf. figure n°51). Il
regroupe les facteurs issus de notre cadre conceptuel (confirmé, infirmé) ainsi que des
nouveaux facteurs ayant émergé.

267
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

Figure n° 51 : Nouvelle modélisation de l’adoption de la traçabilité


Source d’information P1.1.1

Maîtrise de la sécurité, l’origine et


l’intégrité du produit P1.1.2 Avantage relatif P1.1
Caractéristiques
Renforcement de l’avantage
P1.1.3 Valeurs P1.2.1
concurrentiel de
Compatibilité P1.2 P1
Ancienne vs Nouvelle
Contrôle et évaluation permanents P1.1.4 innovation P1.2.2 la traçabilité
Complexité P1.3
Adoption
Redéfinition des relations entre P1.1.5 Besoin P1.2.3
acteurs Testabilité P1.4 de la
traçabilité
Nom positif P1.2.4
Sources externes de motivations P1.1.6 Observabilité P1.5

Centralisation des P2.1.2.1 Taille de l’entreprise P2.1.1


L’« innovativeness » P2.1
décisions (-)
Caractéristiques
Caractéristiques structurelles P2.1.2
de
Connaissances et P2
P2.1.2.2 P2.2.1 T.I.C. P2.2
compétences (+) Maturité technologique l’organisation
Infrastructure technologique des
Formalisation (-) P2.1.2.3 partenaires P2.2.2

P2.3
La veille informationnelle
Communication (+) P2.1.2.4 P2.3.1
Source d’information
Rôle des Parties prenantes P3.1 Caractéristiques
Ressources financières Diffusion de l’information P2.3.2 de
P3
(+) P2.1.2.5 Champion P3.2 l’environnement

Environnement concurrentiel P3.3

Sources externes de motivations P4.1


Facteurs 268

Niveau partenaires P4.2 P4


transversaux
Relations entre partenaires P4.3
Chapitre 5 : L’analyse qualitative : résultats

Légende :

: Sous-proposition non vérifiée ou pas de réponse.

: Nouveau facteur qui émerge de l’analyse.

: Sous-proposition vérifiée mais le facteur d’adoption associé change de catégorie.

: Sous-proposition vérifiée.

269
CONCLUSION GENERALE

L’une des principales conclusions que nous pouvons tirer de ce travail doctoral est le fait que
la démarche traçabilité étudiée dans le cadre de la filière des dattes en Tunisie apparaît telle
une véritable innovation managériale. En effet, la traçabilité des dattes en Tunisie reste encore
à ce jour dans une phase d’adoption. Elle est ainsi l’affaire de quelques
conditionneurs/exportateurs. En soi, il s’agit de pionniers qui ont pu adopter la traçabilité,
malgré les difficultés rencontrées. Dans ce contexte spécifique, l’adoption de la traçabilité a
été ainsi influencée par certains facteurs que nous avons exposés tout au long de notre travail
et que nous reprenons à ce niveau. A ce titre, nous présentons successivement, (1) une
synthèse de la présente recherche, (2) les principaux apports, (3) les limites et (4) quelques
perspectives ou pistes de recherche.

1. SYNTHESE DE LA RECHERCHE

L’objectif de notre recherche doctorale est de déterminer les facteurs qui influencent
l’adoption de la traçabilité par les conditionneurs de dattes en Tunisie.

Dans ce cadre, nous avons étudié dans le chapitre 1 l’importance de la traçabilité et sa


nécessité pour toute entreprise. En ce sens, la traçabilité apparaît comme une démarche de
management stratégique qui repose, certes, sur des outils technologiques mais, plus encore,
sur des facteurs organisationnel et humain. Par la suite, le chapitre 2 est consacré à la
présentation de la filière des dattes en Tunisie en tant que terrain d’étude et aux spécificités de
la traçabilité dans ce cadre. Les spécificités de la filière des dattes sont étudiées à travers une
première exploration du terrain. Ce chapitre permet de voir que la traçabilité est perçue
comme une démarche de management nouvelle par les entreprises de conditionnement de
dattes en Tunisie, et donc comme une innovation managériale.

270
Conclusion Générale

Ce premier travail théorique sur la démarche traçabilité et l’exploration du terrain tunisien ont
permis l’élaboration de notre question de recherche :

Comment favoriser l’adoption de la traçabilité par les entreprises de


conditionnement, maillon central de la filière des dattes en Tunisie?

Afin de répondre à cette question de recherche, deux théories ont été mobilisées : la théorie
des parties prenantes et la théorie de diffusion et d’adoption d’innovation de Rogers (1962,
2003). Leur analyse est l’objet du chapitre 3. Ces nouveaux éléments théoriques mobilisés
sont ainsi rattachés aux travaux sur la traçabilité, objet du chapitre 1.

L’ensemble du corpus théorique nous a permis de construire le modèle et d’exposer nos


propositions de recherche. Comme nous le voyons, cette recherche se construit en plusieurs
étapes et suivant une démarche abductive. Nos choix épistémologiques concernent également
un positionnement interprétativiste, avec une démarche exploratoire et une approche
méthodologique qualitative dont nous souhaitons souligner l’intérêt à l’issue de la première
étude exploratoire.

Le modèle conceptuel présente les facteurs d’adoption de la traçabilité. Pour cela, trois
grandes catégories de facteurs ou déterminants de l’adoption de la traçabilité sont considérées:
- les facteurs liés à la traçabilité
- les facteurs liés à l’organisation
- les facteurs liés à l’environnement

Chacune de ces catégories de facteurs est rattachée à l’une de nos trois propositions
génériques de recherche. Nous rappelons dans le tableau n°15 les principales propositions de
recherche présentées dans le chapitre 3.

271
Conclusion Générale

Tableau n°15 : Récapitulatif des principales propositions de recherche

PROPOSITIONS THEORIQUES
FACTEURS LIES A LA TRAÇABILITE
Proposition 1 L’adoption de la traçabilité doit répondre aux caractéristiques
d’une innovation managériale.
Proposition 1.1 L’avantage relatif perçu de la traçabilité influence positivement son
adoption
Proposition 1.2 La compatibilité perçue de la traçabilité influence positivement son
adoption.
Proposition 1.3 La traçabilité est perçue comme facile à comprendre et à utiliser, ce qui
favorise son adoption.
Proposition 1.4 La testabilité perçue de la traçabilité influence positivement son
adoption.
Proposition 1.5 L’observabilité perçue de la traçabilité influence positivement son
adoption.
FACTEURS LIES A L’ORGANISATION
Proposition 2 L’adoption de la traçabilité dépend des caractéristiques de
l’organisation.
Proposition 2.1 Les entreprises qui ont une capacité à adopter des innovations et ceci
de manière rapide ou « innovativeness », auront tendance à adopter la
traçabilité en tant qu’innovation.
Proposition 2.2 Les caractéristiques technologiques de l’entreprise influencent son
adoption de la traçabilité.
FACTEURS LIES A L’ENVIRONNEMENT
Proposition 3 L’adoption de la traçabilité dépend des caractéristiques de
l’environnement.
Proposition 3.1 Les parties prenantes influencent l’adoption de la traçabilité.
Proposition 3.2 La présence d’un « champion » dans l’entreprise influence
favorablement l’adoption de la traçabilité.

Le chapitre 4 présente les aspects méthodologiques liés à l’analyse qualitative. Il s’agit


essentiellement des modalités et instruments de recueil des données, mais également de la
présentation des trois conditionneurs/exportateurs de dattes étudiés. Il convient de rappeler ici
que -pris dans leur ensemble- ces trois conditionneurs/exportateurs constituent une forme
d’«idéal-type » puisque chaque cas ajoute -toutes choses égales par ailleurs- une pierre à
l’édifice d’une meilleure traçabilité !

Enfin, le chapitre 5 expose les résultats de l’analyse qualitative réalisée notamment à l’aide du
logiciel NVivo 8.0. Les résultats de cette recherche présentent les éléments permettant
d’appréhender l’adoption de la traçabilité et ses déterminants dans le cadre du maillon

272
Conclusion Générale

conditionneurs de la filière des dattes en Tunisie. Il s’agit de préciser (1) les caractéristiques
de la traçabilité, (2) les caractéristiques de l’organisation et, (3) les caractéristiques de
l’environnement telles que signalés dans notre modèle, auquel il convient d’ajouter un
quatrième élément et qui concerne (4) les facteurs transversaux. Les résultats de ces quatre
éléments sont rappelés succinctement ci-après :

(1) Parmi les caractéristiques de la traçabilité telles que perçues par les entreprises étudiées,
certaines ont joué un rôle primordial dans l’adoption de la démarche de traçabilité. Il s’agit
ainsi de l’avantage relatif, de la compatibilité et, dans une moindre mesure, de l’observabilité.
L’avantage relatif se manifeste essentiellement à travers les avantages concurrentiels perçus
de la traçabilité (confiance des consommateurs, satisfaction des clients, réduction des coûts),
le contrôle et évaluation (gestion des risques, vision globale) ainsi que l’organisation interne
(organisation du travail et gestion des documents). La compatibilité d’une innovation est
mesurée à travers sa compatibilité avec les valeurs, les besoins de l’entreprise, les innovations
qu’elle a adopté dans le passé, mais également à travers le nom qu’on donne à cette
innovation. Pour la traçabilité des dattes en Tunisie, il s’agit essentiellement de sa
compatibilité avec les valeurs de l’entreprise et ses besoins. Les innovations passées (les
programmes de partenariats entre acteurs et la démarche qualité) ont également servi de base
à l’adoption de la traçabilité par les entreprises de conditionnement de dattes. Cependant,
concernant le terme « traçabilité » et au vu des résultats obtenus, nous ne sommes pas dans la
mesure d’accepter ou de rejeter ce facteur d’adoption de la traçabilité. Nous espérons pouvoir
approfondir cet aspect dans le cadre de recherches futures. L’observabilité présente, quant à
elle, un très faible poids en tant que facteur d’adoption de la traçabilité des dattes en Tunisie
avec seulement deux responsables qui la considèrent en tant que telle.
Compte tenu des éléments de réponse obtenus, il convient de noter que les deux derniers
éléments des caractéristiques de la traçabilité, à savoir la complexité et la testabilité, n’ont pas
été retenus comme caractéristiques de la traçabilité ayant un rôle dans l’adoption de celle-ci
en fonction du contexte étudié.

(2) Les caractéristiques de l’organisation qui influencent l’adoption de la traçabilité dans le


contexte étudié concernent la veille informationnelle de l’entreprise et son « innovativeness ».

D’une part, la veille informationnelle est apparue comme un facteur déterminant suite à
l’analyse qualitative. Cette veille se base sur la recherche et la diffusion de l’information.
D’où l’utilité, selon nous, d’associer les sources d’information à la veille informationnelle
273
Conclusion Générale

alors qu’au niveau de notre modèle de recherche initial, nous les considérions comme une
dimension des avantages relatifs.
D’autre part, les résultats montrent que l’« innovativeness » de l’entreprise constitue l’une des
variables clés contribuant à l’adoption d’innovations et notamment celle qui nous intéresse à
savoir, la traçabilité. Cette « innovativeness » est elle-même déterminée par un ensemble de
facteurs ou de composantes. Il s’agit, d’un côté, de nouveaux facteurs issus de l’étude
empirique : la position de l’entreprise sur le marché, son profil international, le management
participatif (rattaché à la décentralisation des décisions) et l’engagement de la Direction
Générale. Notons que la variable « taille » n’a pas été validée dans le cadre de l’étude. D’un
autre côté, les résultats de l’étude montrent que certaines caractéristiques structurelles de
l’entreprise, évoquées dans notre premier modèle de recherche, peuvent être considérées
comme déterminants de l’« innovativeness ». Il s’agit du niveau de connaissances et de
compétences des cadres, du niveau de communication et de l’importance des ressources
financières dont dispose l’entreprise.

Cependant, la variable centralisation n’a pas été retenue car son rôle n’a pas été vérifié. La
formalisation doit, quant à elle, faire l’objet d’études futures plus approfondies.

Par ailleurs, le rôle des facteurs ou caractéristiques technologiques (maturité technologique de


l’entreprise et infrastructure des partenaires) comme déterminants de l’adoption de la
traçabilité par les conditionneurs de dattes en Tunisie n’a pas été vérifié. En effet, en
analysant les propos des différents responsables interrogés, il apparaît qu’il n’existe pas de
maîtrise parfaite et totale des outils technologiques de la part des entreprises de
conditionnement de dattes en Tunisie. Ainsi, malgré des efforts de formation, le niveau de
connaissance technologique des cadres n’est pas important. De plus, certains partenaires -
essentiellement les fournisseurs de dattes- ne possèdent pas d’infrastructures technologiques.
En résumé, les outils utilisés dans la traçabilité de leurs produits restent limités aux
documents papiers et aux codes-barres. Ce constat est également confirmé par l’observation
directe.

(3) Enfin, de notre modèle conceptuel, nous énoncions les caractéristiques de


l’environnement qui concernent le rôle de certaines parties prenantes, la présence d’un
« champion » au sein de l’entreprise et l’environnement concurrentiel.

274
Conclusion Générale

Tout d’abord, en nous basant sur le modèle de Mitchell et al. (1997), nous avons pu
catégoriser les parties prenantes du maillon conditionneur de la filière des dattes en Tunisie. A
l’aide du logiciel NVivo 8.0, nous avons pu hiérarchiser les premières parties prenantes dont
l’influence (par ordre croissant) dans l’adoption de la traçabilité comme étant les clients
étrangers et la Direction Générale mais également l’Etat et ses organismes d’appui.

Ensuite, la présence d’un « champion » constitue l’un des facteurs d’adoption de la traçabilité
par les entreprises de conditionnement de dattes en Tunisie. Rappelons que le « champion »
au sens de Rogers (2003) est un acteur interne à l’entreprise qui, de par sa position et ses traits
de personnalité, encouragerait l’entreprise et son personnel à adopter l’innovation qu’il
supporte. Selon notre étude, le « champion » correspond au Directeur Général ou le Président
Directeur Général.

Enfin, la troisième caractéristique liée à l’environnement et que nous appelons


l’environnement concurrentiel est apparue comme un nouveau facteur d’adoption. Cet
environnement concurrentiel correspond au niveau élevé de compétition ou de concurrence
sur le marché. Il a ainsi poussé les entreprises à adopter des innovations comme la traçabilité
afin de se distinguer de leurs concurrents.

(4) Un quatrième bloc de facteurs apparaît à la suite de l’analyse des résultats. Il s’agit des
facteurs transversaux. Ces derniers concernent les subventions financières accordées
principalement par l’Etat tunisien afin d’encourager les entreprises à adopter la traçabilité.
L’objectif de ces subventions est de permettre un même niveau de « maturité de traçabilité »
avec les partenaires amont et aval et, de fait, d’améliorer pour beaucoup la qualité des
relations entre les différents partenaires de la filière des dattes.

Il convient de noter à ce niveau que « des partenaires au même niveau » et « l’atout de bonnes
relations entre partenaires » constituent de nouveaux facteurs d’adoption de la traçabilité que
nous n’avions pas envisagé lors de la formulation de notre cadre de recherche initial. De plus,
les sources de motivation qui étaient préalablement classées parmi les caractéristiques de
l’innovation apparaissent plutôt comme un facteur plus transversal.
En conclusion, l’ensemble de ces résultats nous permet de présenter les facteurs d’adoption de
la traçabilité des dattes en Tunisie. Nous présentons successivement une version détaillée et
schématique de ces facteurs ou déterminants de l’adoption de la traçabilité (Cf. figures n°52 et
53).
275
Conclusion Générale

Figure n°52 : Les quatre blocs de déterminants de l’adoption de la traçabilité

276
Conclusion Générale

Figure n°53 : Récapitulatif de l’ensemble des facteurs d’adoption de la traçabilité des dattes en Tunisie

277
Conclusion Générale

2. LES APPORTS DE LA RECHERCHE

Notre travail doctoral présente un certain nombre d’apports que nous présentons ici. Il s’agit
principalement d’apports théoriques et managériaux.

2.1. LES APPORTS THEORIQUES

Le premier apport théorique de cette thèse concerne l’étude approfondie de la traçabilité et de


ses spécificités. Notre recherche s’inscrit également dans une démarche novatrice au sens où
nous ne considérons pas la traçabilité comme un outil de la chaîne logistique mais plutôt
comme une démarche à part entière. La traçabilité est considérée également comme une
innovation managériale dans le contexte spécifique de la filière des dattes en Tunisie.

La recherche a été menée suivant une logique d’exploration et d’interprétation d’un


phénomène nouveau : l’adoption de la traçabilité. Les résultats contribuent à enrichir la
compréhension de ce phénomène. Nous avons construit une grille de lecture des déterminants
de l’adoption de la traçabilité. Cette grille met en évidence le rôle des facteurs humain et
organisationnel dans l’adoption de la traçabilité. Ce résultat va de pair avec notre revue de la
littérature sur la traçabilité qui souligne également l’importance des aspects humains et
organisationnels dans toute démarche de traçabilité ou démarche de management stratégique.

Une autre contribution théorique repose sur une lecture approfondie de l’IDT (Innovation
Diffusion Theory) de Rogers (1962, 2003) et qui permet de dépasser les ambigüités liées à
cette théorie et aux fausses interprétations qui y sont rattachées. En effet, certaines études
mobilisant cette théorie la considèrent comme exclusive à la diffusion de l’innovation.
Cependant, il ressort de notre étude que l’IDT présente, certes, des éléments propres à la
diffusion, mais également des éléments communs à l’adoption et la diffusion d’une
innovation.

2.2. LES APPORTS MANAGERIAUX


Les implications managériales de ce travail doctoral sont doubles. La principale contribution
managériale concerne l’objectif central de la recherche à savoir les éléments qui ont favorisé
l’adoption de la traçabilité des dattes en Tunisie. Sur ce point, cette recherche permet
d’élaborer une typologie des déterminants « actionnables » d’adoption de la traçabilité. De ce
fait, nous avons pu construire une grille d’analyse afin d’aider toute entreprise de
278
Conclusion Générale

conditionnement de dattes en Tunisie dans sa prise de décision relative à l’adoption de la


traçabilité.

Le deuxième apport managérial est destiné à l’ensemble des entreprises productrices ou


transformatrices tunisiennes. La recherche a éclairé le problème auquel se trouvent confrontés
de nombreux industriels : disposer d’une traçabilité de leurs produits et processus. Elle offre
un cadre de compréhension de la traçabilité, son importance, ses implications et ses principes.
En ce sens, notre recherche a pour vocation d’appuyer l’intérêt et l’utilité des campagnes de
sensibilisation lancées par l’Etat tunisien depuis quelques années sur la pratique d’une
traçabilité fiable.

3. LES LIMITES DE LA RECHERCHE


Si notre travail de recherche présente des apports, il n’est pas dénué de limites. Ces limites ou
incomplétudes concernent principalement le cadre conceptuel, le terrain étudié ainsi que la
méthodologie utilisée.

La première limite concerne le cadre conceptuel qui est fortement dépendant du terrain étudié.
En effet, c’est à partir de la revue de littérature de la traçabilité mise en convergence avec le
terrain tunisien que nous avons élaboré notre question de recherche, nos propositions et notre
modèle de recherche. L’ensemble est ainsi contextualité au terrain tunisien de la datte où la
traçabilité est toujours en phase d’adoption et considérée comme une innovation. Le modèle
ainsi établi ne pourrait être transposable que dans des contextes présentant le même niveau de
traçabilité, principalement en phase d’adoption.

La deuxième limite de notre thèse concerne le niveau de l’étude empirique : l’entreprise. En


effet, la difficulté d’accès au terrain et la nature exploratoire de l’étude nous ont contraint à
mener une étude au niveau de l’entreprise uniquement et non sur la dyade client-fournisseur
ou l’ensemble de la filière. En raison de la spécificité du terrain tunisien, nous nous sommes
focalisés sur un seul maillon de la filière des dattes, à savoir, les conditionneurs. Même si
nous avons pu interroger certains responsables appartenant aux autres maillons de la filière,
ceci était avant tout dans le but de confirmer certains éléments admis par les conditionneurs.

La troisième limite fait référence à la méthodologie utilisée. En effet, nous avons choisi de
procéder à une analyse inter-sites orientée-variable. Rappelons que pour l’approche orientée-
variable, « les « composantes » sont les variables et leurs interconnections, plutôt que les cas
279
Conclusion Générale

en tant que tels...Les analystes recherchent souvent parmi les cas ou sites des thèmes
transversaux » (Miles et Huberman, 2003, p.313). L’approche orientée-variable permet de
répondre à notre question de recherche et d’établir une typologie des facteurs d’adoption de la
traçabilité. Cependant, elle peut être critiquée à deux niveaux :
Ø Le premier niveau concerne le nombre d’entreprises étudiées. En effet, dans une
approche orientée-variable, on fait appel le plus souvent à un nombre important de
sites ou de cas ce qui n’est pas le cas pour notre recherche. Néanmoins, cette
insuffisance s’explique par la nature même du terrain étudié. En effet, à ce jour, il
existe peu d’entreprises de conditionneurs de dattes en Tunisie ayant une démarche de
traçabilité. Les trois entreprises étudiées sont donc des pionnières dans le domaine et
représentatives de l’ensemble des adopteurs de traçabilité dans le secteur des dattes.
Ø Le deuxième niveau relève de l’incomplétude de l’analyse inter-sites et de la stratégie
orientée-variable. En effet, il pourrait être intéressant de mener une analyse orientée-
cas inter et intra-sites. Rappelons que dans le cadre d’une analyse orientée-cas
« l’analyste utilise un cadre théorique pour étudier un cas en profondeur puis examine
plusieurs cas successivement afin de vérifier si le modèle découvert dans un premier
cas correspond à celui des autres cas » (Miles et Huberman, 2003, p.312). Même si
nous avons étudié chacune des trois entreprises et la démarche de traçabilité adoptée,
cette étude pourrait être considérée comme insuffisamment creusée.

En définitive, nous espérons pouvoir combler ces insuffisances dans le cadre de recherches
futures.

4. LES PERSPECTIVES DE LA RECHERCHE

Bien que notre thèse soit de nature exploratoire et présente des insuffisances et
incomplétudes, plusieurs pistes de recherche s’ouvrent à nous.
Ainsi, une première catégorie de recherches futures peut être menée en réponse aux limites
exposées dans la section précédente :
Ø Il s’agit, en premier lieu, d’élargir le champ d’investigation en menant une étude sur
l’ensemble de la filière des dattes en Tunisie et ce, en étudiant en profondeur
l’adoption de la traçabilité par tous les maillons de la filière. Ceci pourrait se faire en
suivant une analyse orientée-variable et orientée cas inter et intra-sites.
Ø En second lieu, nous pouvons explorer la typologie des facteurs d’adoption de la
traçabilité dans d’autres contextes qui répondent au même critère que celui des dattes,
280
Conclusion Générale

à savoir en phase d’adoption. Ainsi, un secteur comme l’huile d’olive peut être
envisagé. L’huile d’olive est le premier produit exporté par la Tunisie. Lors de notre
première étude de terrain, nous avons également recueilli des informations sur le
secteur de l’huile d’olive (acteurs institutionnels, entreprises situées au gouvernorat de
Sfax au Sud-Est du pays et connue pour la production d’huile d’olive). Les
informations soulignent qu’il existe peu ou prou d’accompagnement étatique, donc de
réelles difficultés à entériner une démarche de traçabilité. Or, si pour la filière des
dattes, certaines entreprises exportatrices ont adopté une démarche de traçabilité, ce
n’est pas le cas pour la filière huile d’olive. Nous n’avons recensé aucune entreprise de
conditionnement d’huile d’olive pratiquant une traçabilité de ses produits et processus.
Ce constat est valable aussi bien pour les entreprises produisant pour le marché local
que pour le marché étranger. A ce titre, plusieurs explications possibles ont été
proposées : le morcellement des agriculteurs, le fait que 80% de la quantité d’huile
d’olive exportée est en vrac, le manque de motivation des professionnels, l’absence
d’organisation de la filière, le niveau intellectuel des opérateurs relativement faible,
l’absence d’organisme ou structure conçue pour organiser et gérer la. Une recherche-
action serait donc également adaptée au cas de la filière huile d’olive en Tunisie.
Ø En troisième lieu, nous pourrions transposer notre modèle et nos résultats à une étude
à l’échelle des pays, ceux du bassin méditerranéen à titre d’exemple. En effet, nous
avons participé à une université d’été en 2008 autour de l’union pour la Méditerranée.
Parmi les problématiques qui ont été soulevées, nous retrouvons, d’une part, la
concurrence étrangère et l’entrée de nouveaux concurrents au niveau du marché
méditerranéen (Chine, Inde, etc.) et, d’autre part, le problème de l’alimentation et de la
sécurité alimentaire du bassin méditerranéen. En effet, « la Méditerranée présente
actuellement un bilan global relativement satisfaisant sur le plan de la sécurité
alimentaire quantitative mais montre en revanche une situation dégradée sur celui de
la qualité et de la sûreté alimentaire » (Padilla, 2009, p.65). Une piste de recherche
pour essayer de balayer ou de dépasser ces deux types de problèmes (concurrence
étrangère et sécurité alimentaire), et qui touchent essentiellement les pays du Sud,
résiderait dans l’adoption de la traçabilité.

En conclusion, notre thèse a pour objectif de déterminer les facteurs d’adoption de la


traçabilité par les conditionneurs de dattes en Tunisie. Cependant, l’étude empirique menée ne
tient pas compte des entreprises œuvrant pour le marché local et concerne uniquement des
281
Conclusion Générale

entreprises totalement exportatrices. La raison de ce choix s’explique par l’absence totale de


démarche traçabilité au sein des entreprises non totalement exportatrice (point conforté lors
d’un premier contact téléphonique de l’ensemble des entreprises de conditionneurs de dattes
non totalement exportatrices et d’une visite de l’une d’elles). Il serait donc également
intéressant de mettre au point un projet d’accompagnement de ces entreprises, notamment
conjointement avec certains organismes d’appui. Un préalable à ce projet serait de réaliser
une analyse des forces et faiblesses de chacune des entreprises en termes de traçabilité, en se
basant sur notre modèle de recherche définitif.

Or, de manière générale et tout secteur confondu, l’une des principales raisons évoquées par
les organismes d’appui interrogés au cours de notre contact avec le terrain, et qui expliquerait
l’absence de traçabilité chez les entreprises non totalement exportatrices en Tunisie, concerne
les consommateurs finaux. En effet, le consommateur tunisien ne se soucierait pas de la
qualité du produit qu’il achète, ni de son origine, bref de sa traçabilité. Cependant, aucune
étude n’a été réalisée afin de vérifier ce constat. Il conviendrait donc d’étudier le degré de
perception par les consommateurs tunisiens de la traçabilité. Ce travail de recherche
permettrait à l’ensemble des acteurs et parties prenantes de la traçabilité en Tunisie
(entreprises, organismes d’appui, Etat, etc.) d’avoir une idée des connaissances des
consommateurs tunisiens en matière de gestion de la qualité des produits achetés, mais
également de leurs attentes en matière de traçabilité ; une étude sur laquelle pourront se baser
ces acteurs pour développer une démarche de traçabilité plus efficace pour les produits
tunisiens. Nous pourrions nous baser sur les travaux de GS1 France qui ont pour objectif de
recueillir la perception des consommateurs français (2005), européens (2006) et à l’échelle
mondiale (2007). Ceci permettrait d’avoir une idée sur « leurs attentes à l’égard de la
traçabilité, tout en mesurant leur niveau de connaissance des problématiques afférentes »
(GS1France, 2008b, p.7). A cet effet, la dernière étude réalisée en 2007 est une étude
quantitative réalisée en ligne sur les 5 continents auprès d’un « échantillon représentatif de la
population nationale âgée de 15 ans et plus des pays suivants : France, Royaume-Uni, Etats-
Unis, Brésil, Australie, Afrique du Sud, Chine et Russie. ». Les thèmes -objet de l’étude- ont
concerné : la connaissance et définition de la traçabilité ; utilités et priorités de la traçabilité ;
les risques perçus de la traçabilité ; confiance, responsabilité et garanties.

A la suite à l’étude effectuée auprès des entreprises et organismes d’appui, le constat suivant a
été fait : « la traçabilité n’en est encore généralement qu’à ses débuts et reste une stratégie
282
Conclusion Générale

d’entreprise plutôt qu’une stratégie collective » (Nairaud, 2003, p.2). En ce sens, plusieurs
recommandations peuvent être formulées :

Ø Former des cadres compétents dans le domaine, ce que Viruega (2005) appelle des
traçabiliticiens®.

Ø Faire de la traçabilité une discipline à part entière en mettant en place des formations
professionnelles ou universitaires en complément de celles liées à la logistique,
notamment dans le cadre de l’institut de la logistique et des transports de la ville de
Sousse.

Ø Promouvoir la traçabilité en Tunisie en mettant en place, en plus des organismes


d’appui présents, une structure ou une organisation qui serait spécialisée dans la
gestion de la traçabilité. On pourrait suivre, dans ce cadre, l’exemple du pôle de la
traçabilité en France. Il s’agit d’une organisation à but non lucratif qui mène des
actions de formation, d’assistance et de conseil en traçabilité.

En définitive, et face aux nombreuses interrogations encore en suspens, il semble que


beaucoup reste à faire en matière de traçabilité et plus spécifiquement sur le terrain tunisien.

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Documentation de l’API, (2005), Conditionnement des dattes, Fiche professionnelle, 46p.

Documentation de l’entreprise (A), (2006a), Conditionnement et exportation des dattes.

Documentation de l’entreprise (A), (2006b), Manuel qualité et sécurité alimentaire.

Documentation de l’entreprise (A), (2008), Identification et traçabilité du produit.

296
Documentation de l’entreprise (B), (2009a), Manuel des procédures : identification et
traçabilité.

Documentation de l’entreprise (B), (2009b), Manuel management qualité et sécurité des


aliments.

Documentation de l’entreprise (C), (2008), Assistance technique pour un projet pilote de


mise en place d’un système d’information NTIC de traçabilité au sein de 5 unités de
conditionnement de dattes : Rapport final, 37p.

Documentation du GIFruits.

Documentation du PMI, (2006), Le bulletin de la mise à niveau, n°14, novembre.

· Site Internet :

http://www.att-fr.info

http://www.lefigaro.fr

297
298
Annexe n°1 : Principes d’application de la méthode HACCP selon le Codex
Alimentarius

Le système HACCP repose sur les sept principes suivants :

Principe 1
Procéder à une analyse des risques.

Principe 2
Déterminer les points critiques pour la maîtrise (CCP91).

Principe 3
Fixer le ou les seuil(s) critique(s).

Principe 4
Mettre en place un système de surveillance permettant de maîtriser les CCP.

Principe 5
Déterminer les mesures correctives à prendre lorsque la surveillance révèle qu’un CCP donné
n’est pas maîtrisé.

Principe 6
Appliquer des procédures de vérification afin de confirmer que le système HACCP fonctionne
efficacement.

Principe 7
Constituer un dossier dans lequel figurera toutes les procédures et tous les relevés concernant
ces principes et leur mise en application.

Source : Codex Alimentarius, 2003.

91
Critical Control Points.
299
Annexe n°2: Etapes de la méthode HACCP selon le Codex Alimentarius

La séquence logique d’application du système HACCP représentée par le diagramme suivant,


montre les douze tâches à réaliser dans l’application de cette méthode.

Constituer l’équipe HACCP

Décrire le produit

Déterminer son utilisation prévue

Etablir un diagramme des opérations

Vérifier sur place le diagramme des


opérations

Enumérer tous les dangers potentiels


Effectuer une analyse des risques
Envisager des mesures de maîtrise

Déterminer les CCP

Fixer un seuil critique pour chaque CCP

Mettre en place un système de


surveillance pour chaque CCP

Prendre des mesures correctives

Appliquer des procédures de vérification

Tenir des registres et constituer un dossier

Source : Codex Alimentarius, 2003.

300
Annexe n°3 : Exemples d’informations à enregistrer dans une démarche de traçabilité

Réception Marchandise Production Emballage & Etiquetage Stockage


Ø Nature du produit entrant Ø Lien entre GTIN/numéro Ø Lien du GTIN/numéro de Ø Lien entre le
(B) : (Type de produit, Nom de lot ou SSCC de(s) lot de l’unité consommateur GTIN/numéro(s) de
du produit, Marque, etc.) matière(s) ou des unités consommateur lot/SSCC des unités
Ø Identification du produit première(s)/produit(s) (en cas de groupage mixte) emballées (boîte/caisse
(GTIN) (B) semi-fini(s) entrant(s) et avec le GTIN/numéro de lot ou palette) avec le code
Ø Quantité du produit (B) le nouveau GTIN/ de la boîte/caisse. (interne) du lieu de
ENREGISTREMENT Ø Date de réception (B) numéro de lot de l’unité Ø Date d’emballage (B) travail (entrepôt, cellule
DES Ø Identification du produite (B) Ø Résultats des contrôles de frigorifique, etc.) (S)
DONNEES fournisseur (B) : (Nom, Ø Autres données propres à qualité (S)
Adresse, Lieu) l’unité/aux unités Ø Données d’étiquetage du
Ø Identification du produite(s) telles que : suremballage :
transporteur (S) ü Composition (en cas de ü Nom et adresse de
Ø Données de contrôle sur produits mélangés) (B) l’entreprise (B)
la qualité des produits ü Poids (B) ü Nombre/quantité
entrants (S) ü Ligne de production (B) d’emballages
ü Résultats des contrôles de individuels (B)
qualité (S) ü Pays d’origine (S)

Source : Adapté de GS1 Belgium & Luxembourg, 2005.


Légende : (B) : Informations de Base.
(C) : Informations de niveau supérieur.

301
Annexe n°4 : Dessin technique du premier code à barres : Invention de
Woodland et Silver (1952)

Source : Georget, 2007.

Source : Georget, 2007.

302
Annexe n°5 : Dessin technique du mécanisme de lecture du premier code à
barres : Invention de Woodland et Silver (1952)

Source : Georget, 2007.

303
Annexe n°6 : Questionnaire retourné de la phase exploratoire

Madame, Monsieur,

L’objectif de cette étude est d’analyser la pratique de la traçabilité au niveau de la filière


des dattes en Tunisie.

Ainsi, afin de mettre en évidence ces éléments, votre participation à cette étude nous
serait très précieuse.

Question n°1- Quelles sont les activités de votre entreprise ?

Conditionnement et exportation des dattes

Question n°2- Quel est le marché cible de votre entreprise ?

Le marché tunisien

Le marché européen : Quels pays?

Espagne, France, Pays scandinaves, Allemagne, Suisse, Italie, Grèce, Hongrie, Russie

Autres : A préciser
Sud-Est asiatique (Indonésie, Malaisie), Australie, Amérique

Question n°3- Connaissez-vous le règlement européen 178/2002 ?

OUI NON

304
Question n°4- Est-ce qu’il s’applique à votre secteur d’activité ?

OUI NON

Question n°5- Quels sont les autres réglementations en vigueur pour la traçabilité dans
la filière dattes ?

Eurep-Gap

Norme ISO 22000

Autres : A préciser
IFS, BRC

Question n°6- Pour lesquels de vos marchés la traçabilité est une exigence?

Europe

Amérique du Nord

Japon

Autres : A préciser

Aucun

Question n°7- Avez-vous mis en place une démarche de traçabilité au sein de votre
organisation ?

OUI NON

Si OUI, aller au scénario 1 ; sinon scénario 2

SCENARIO 1 :
Question n°8- Quand avez-vous mis en place votre traçabilité ? Pour quels produits ?

Depuis 1997
305
Question n°9- Quelles ont été les raisons qui vous ont poussé à recourir à la traçabilité
de vos produits ?

Enjeux alimentaires

Enjeux réglementaires

Stratégie marketing

Autres, à préciser

Exigence clients, certification ISO9000

Question n°10- Quels sont les standards que vous utilisez pour identifier les différents
lots et unités logistiques dans votre démarche de traçabilité ?

Global Trade Item Number (GTIN)

Serial Shipping Container Code (SSCC)

Global Location Number (GLN)

Application Identifiers (AI)

Autres : A préciser

Identifiants propres à l’entreprise (pour les lots de production)

Question n°11- Quelles sont les informations qui sont enregistrées au niveau de chaque
maillon de votre entreprise ?

OUI NON

Nature du produit entrant:


ü Type de produit, ü
ü Nom du produit, ü
Réception ü Marque code ü
Marchandise fournisseur

306
Identification du produit ü
Quantité ü
Date de réception ü
Identification du fournisseur ü
Identification du transporteur ü
Données de contrôle sur la qualité des produits ü
entrants
Identification des produits entrants ne répondant ü
pas à la qualité requise
Autres : A préciser ü
Etat de traitement préliminaire (fumigation sur
site de départ ou non)

Poids de l’unité conditionnée ü


Ligne de conditionnement ü
Mais non
généralisé
suivant le
client
Date/heure/minute de conditionnement ü
Date
Conditionnement uniquement
Résultats des contrôles de qualité ü
Lien entre GTIN/numéro de lot ou SSCC de(s) ü
dattes entrant(s) et le nouveau GTIN/ numéro de (utilisation
lot de l’unité conditionnée d’identifiants
propres à
l’entreprise
Autres : A préciser ü
Résultats de contrôle qualité

307
Lien du GTIN/numéro de lot de l’unité ü
consommateur avec le Propre à
GTIN/numéro de lot de la boîte/caisse et le l’entreprise
SSCC de la palette
Date d’emballage ü
Quantité du produit par unité emballée ü
Emballage Données d’étiquetage du suremballage :
& ü Nom et adresse de l’entreprise ü
Etiquetage ü Nombre/quantité d’emballages ü
individuels ü
ü Différents GTIN/numéros de lot des ü
composants du suremballage
ü Pays d’origine
Autres : A préciser

Lien entre le GTIN/numéro(s) de lot/SSCC des


unités emballées (boîte/caisse ou palette) avec le ü
code (interne) : Propres à
du lieu de travail (entrepôt, cellule frigorifique, l’entreprise
Stockage etc.)
Autres : A préciser

Création d’un numéro de commande ü


Lien entre ce numéro de commande et le(s) ü
GTIN/numéro(s) de lot/SSCC de chaque Codes
nouvelle commande composée articles
Order picking Quantité d’unité(s) emballée(s) composant la ü
commande
Autres : A préciser

Lien du numéro de commande avec l’adresse de ü


livraison (client)
Lien de l’immatriculation du camion avec le ü
numéro de commande

308
Expédition Données concernant le transport :
ü Date de transport ü
ü Résultats des contrôles de qualité ü
ü Données du chauffeur (nom, firme, etc.) ü
du camion La firme
Autres : A préciser

Question n°12- Quels sont les documents de contrôle que vous devez fournir à vos
clients? Quelles sont les agences techniques qui les délivrent ? Rencontrez-vous des
difficultés dans l’obtention de ces documents ?

Oui Non Agences techniques Difficultés rencontrées


Service Phytosanitaire
Attestation ü Disponibilité de l’agent
phytosanitaire (ponctualité)

OFFITEC (Office du
Certificat de ü Commerce) Disponibilité de l’agent
conformité (ponctualité)

Labo externe ou interne


Rapport d’analyse ü Ce n’est pas fait
systématiquement

Autres : A préciser

309
Question n°13- Quels sont les informations que vous échangez en matière de traçabilité
avec vos partenaires amont et aval ?

Date de récolte

Traitements Phytosanitaires

Variété du produit

Quantité

Modalité d'expédition

Date d'expédition

Autres : A préciser

Qualité du produit/ de la récolte

Question n°14- Quels sont les outils que vous utilisez dans la démarche de traçabilité de
vos produits ?

Oui Depuis quand Non Non, mais


prévu
Supports de
l’information
Documents ü 1997
papiers
Codes à barres ü 1992 (EAN13) et
depuis 2005
EAN128
RFID ü
Circulation et
continuité de
l’information

310
EDI ü PROJET
Web EDI
ERP
MES
Intranet
Internet
Autres : A
préciser

Question n°15- Comptez vous utiliser les informations issues de la traçabilité pour
développer des avantages compétitifs ?

OUI NON

Si OUI, lesquels ?

Qualité, image de marque, coût, réponse aux alertes, gestion des risques

Question n°16- Quels sont les difficultés rencontrées lors de la mise en place de la
traçabilité de vos produits ?

Lourdeur des investissements

Réorganisation du travail

Accompagnement du changement

Harmonisation des systèmes

Coordination entre les partenaires

Autres : A préciser

311
SCENARIO 2:
Question n°17- Pensez vous que mettre en place une démarche de traçabilité de vos
produits soit facultatif ? Expliquez

Question n°18- Qu’attendez vous des organismes d’appui au niveau de la traçabilité


dans la filière dattes ?

Mettre à disposition une information fiable, standardisée et reconnue par les intervenants de la
filière

Informations entreprise

Nom de la société :

Raison sociale :

Date de création :

Localisation :

Taille :

Chiffres d’affaires fin 2006:

312
Données personnelles (optionnel)

Nom :

Fonction dans l’entreprise : Responsable Développement

Nombre d’années d’expérience dans cette entreprise : 13 ans

Nombre d’années totales d’expérience : 16 ans

Le dernier diplôme obtenu : MBA

Une fois ce questionnaire rempli, merci de bien vouloir me le retourner par mail à
l’adresse suivante : karaameriam22@yahoo.fr ou par Fax au 71 891 180

Je vous remercie par avance pour l’aide précieuse que vous apportez à notre travail. Je
vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, mes salutations distinguées.

Meriam KARAA

313
Annexe n°7 : Exemple de FLE vierge

Fiche Lot Expédition ‫ﻭﺛﻴﻘﺔ ﺣﺼﺔ ﺍﺭﺳﺎﻟﻴﺔ ﺗﻤﻮﺭ‬

Conditionneur * ....................................................................................* ‫ﻭﺣﺪﺓ ﺍﻟﺘﻜﻴﻴﻒ‬

Nom
R.S
Collecteur Code : ........... ......... ..prénom *........................ .....‫ﺍﻟﻤﺠﻤﻊ‬
‫ﺍﻟﺸﺮﻛﺔ‬
‫ﺍﻟﻠﻘﺐ * ﺍﻻﺳﻢ‬

Code *
Oasis * Nom * .......................................................................................... * ‫ﺍﻟﻮﺍﺣﺔ‬
......................
Culture
Bio ‫ﺑﻴﻮ‬ Convention elle ‫ﺯﺭﺍﻋﺔ ﻋﺎﺩﻳﺔ‬ Eurepgap ‫ﺍﻭﺭﻳﺒﻘﺎﺏ‬
*
Date heure collecte
......./......./.......... ....;....... * ‫ﺗﺎﺭﻳﺦ ﺍﻟﺠﻨﻲ‬
*
Variété * ‫ﺩﻗﻠﺔ ﺍﻟﻨﻮﺭ‬ ‫ﻛﻨﺘﻪ‬ * ‫ﺍﻟﺼﻨﻒ‬

‫ﺧﻮﺍﺕ ﻋﻠﻴﻖ‬ ‫ﻋﻠﻴﻖ‬

Nature * Branché ‫ﺑﺎﻟﻌﺮﺟﻮﻥ‬ Branché 2è ‫ﺑﺎﻟﻌﺮﺟﻮﻥ ﺻﻨﻒ ﺛﺎﻧﻲ‬ * ‫ﺍﻟﺪﺭﺟﺔ‬

Vrac ‫ﺑﺪﻭﻥ ﻋﺮﺟﻮﻥ‬ Vrac èche ‫ﺑﺪﻭﻥ ﻋﺮﺟﻮﻥ ﺷﺎﺋﺢ‬

Chebaba ‫ﺷﺒﺎﺑﺔ‬ Vrac mole ‫ﺑﺪﻭﻥ ﻋﺮﺟﻮﻥ ﻁﺮﻱ‬


Dénoyauté ‫ﺑﺪﻭﻥ ﻗﻠﺐ‬
Statut du Lot
Brute ‫ﻁﺒﻴﻌﻲ‬ * ‫ﻧﻮﻋﻴﺔ ﺍﻟﺤﺼﺔ‬
*
Pré-trié ‫ﻣﻔﺮﻭﺯ‬

Calibre 1 2 3 4 5 ‫ﺍﻟﺤﺠﻢ‬
Protection des régimes
Pluie ‫ﻣﻄﺮ‬ Moustiquaire ‫ﻧﺎﻣﻮﺳﻴﺔ‬ * ‫ﺣﻤﺎﻳﺔ ﺍﻟﻌﺮﺍﺟﻴﻦ‬
*
Mixte ‫ﻧﺎﻣﻮﺳﻴﺔ ﻭ ﻣﻄﺮ‬ Aucun ‫ﻻﺷﺊ‬
Désinsectisation(Fumigation) ‫ﻧﻌﻢ‬ ‫ﺍﻟﺘﺨﻠﺺ ﻣﻦ ﺍﻟﺤﺸﺮﺍﺕ ﻻ‬

Qualité Infestation * % * ‫ﻧﺴﺒﺔ ﺍﻻﺻﺎﺑﺔ ﺑﺎﻟﺪﻭﺩﺓ‬ ‫ﺍﻟ ﺠﻮﺩﺓ‬

Fermentat on % ‫ﺍﻟﻐﻤﻖ‬
Tâches noires % ‫ﺍﻟﺒﻘﻊ ﺍﻟﺴﻮﺩﺍء‬

314
Dattes non
% ‫ﺗﻤﻮﺭﻏﻴﺮﻧﺎﺿﺠﺔ‬
mûres
Aire de
................................................................ ‫ﻣﻮﻗﻊ ﺍﻟﺨﺰﻥ‬
stockage
Quantitié du
......................................... ...................... Kg * ‫ﻛﻤﻴﺔ ﺍﻟﺤﺼﺔ‬
lot *
Nombre de
................................................................ * ‫ﻋﺪﺩ ﺍﻟﺼﻨﺎﺩﻳﻖ‬
caisses *
Transporteur ....................................... ........................ ‫ﺍﺳﻢ ﺍﻟﻤﻜﻠﻒ ﺑﺎﻟﻨﻘﻞ‬
Marque
................................................................ ‫ﻣﺎﺭﻛﺔ ﻭﺳﻴﻠﺔ ﺍﻟﻨﻘﻞ‬
v hicule
Immatriculation................................................................ ‫ﺭﻗﻢ ﺍﻟﺴﻴﺎﺭﺓ‬
Date arrivée / réception du
....../....../..... ..... .....;..... * ‫ﺗﺎﺭﻳﺦ ﺍﻟﻮﺻﻮﻝ ﻋﻨﺪ ﻭﺣﺪﺓ ﺍﻟﺘﻜﻴﻴﻒ‬
conditionneur *
Visa du collecteur * CIN * ..................................... * ‫ﺑﻄﺎﻗﺔ ﺗﻌﺮﻳﻒ ﻭﻁﻨﻴﺔ‬

Date * ..................................... * ‫ﺗﺎﺭﻳﺦ ﺍﻻﺻﺪﺍﺭ‬

Lieu * .................................... * ‫ﻣﻜﺎﻥ ﺍﻻﺻﺪﺍﺭ‬

(*): Renseignements obligatoires ‫ ﻣﻌﻠﻮﻣﺎﺕ ﺍﺟﺒﺎﺭﻳﺔ‬: (*)

Source : Documentation GIFruits.

315
Annexe n°8 : Déroulement des entretiens dans le temps

Date
12 et
Entretien 15/04/09 16/04/09 17/04/09 18/04/09 23/04/09 24/04/09 28/04/09 06/05/09 07/05/09 11/05/09 13/05/09 22/05/09 27/05/09 06/07/09
Directeur d’Usine (A)
Responsable Management Qualité (A)
Responsable Achat (A)
Responsable Marché (A)
Responsable Achat Emballages
et Autres (A)
Responsable Informatique (B)

Responsable Recherche et
Développement (A)
Responsable gestion de stock (B)
Responsable Hygiène (B)
Responsable Gestion de Stocks
Emballages et
Expédition (B)
Responsable Qualité
Sécurité Environnement (B)
Gérant, Collecteur
Responsable Commercial, Fournisseur
d’Emballage 1
Gérant (C)
Responsable Production (C)
Responsable Management Qualité,
Fournisseur d’Emballage 2
Responsable Qualité & Responsable
Achat, Client
Source : Elaboration personnelle.

316
Annexe n°9 : Liste des codes préliminaires

CODE COMMENTAIRES
Caractéristiques de la traçabilité Caractéristiques perçues de la traçabilité
Testabilité Si l’entreprise a testé la traçabilité avant de la mettre en place ceci pourrait l’encourager à l’adopter.
Observabilité C’est le degré avec lequel les résultats de la traçabilité sont visibles et observables.
Complexité Il s’agit du degré avec lequel la traçabilité est perçue comme étant difficile à comprendre et à utiliser.
Compatibilité Il s’agit du degré avec lequel la traçabilité est perçue comme compatible avec les valeurs, expériences, besoins
de l’entreprise.
Valeurs La traçabilité est compatible avec les valeurs de l’entreprise.
Besoins La traçabilité est compatible avec les besoins de l’entreprise.
Innovations passées La traçabilité ressemble à des innovations adoptées précédemment par l’entreprise.
Nom positif Le terme « traçabilité » en lui-même peut influencer la compatibilité perçue de cette innovation et de là la
décision de l’adopter ou de la rejeter.
Avantages relatifs La traçabilité est perçue comme étant importante et procurant des avantages pour l’entreprise.
Sources d’information En s’informant sur la traçabilité et son importance, l’entreprise peut être influencée et de là décider d’adopter la
traçabilité.
Qualité Maîtrise de la qualité et de la sécurité du produit.
Rentabilité économique La traçabilité est perçue comme assurant une rentabilité économique de l’entreprise.
Image de l’entreprise La traçabilité permet d’améliorer l’image et la réputation de l’entreprise.

Gain de temps La traçabilité est perçue comme étant une démarche permettant un gain de temps à l’entreprise.
Sources externes de motivation Les avantages accordés à l’entreprise l’ont encouragée à adopter la traçabilité.
Avantage concurrentiel La traçabilité permet de renforcer l’avantage concurrentiel de l’entreprise ce qui favorise son adoption.
Satisfaction des clients La satisfaction des clients comme un des apports perçus de la traçabilité peut influencer la décision d’adopter
cette démarche par l’entreprise.
Confiance des consommateurs La confiance des consommateurs comme un des apports perçus de la traçabilité peut influencer la décision
d’adopter cette démarche par l’entreprise.

317
Avantages économiques Les enjeux économiques de la traçabilité tels que perçus par l’entreprise ont influencé son adoption.
Réduire les coûts Le principal avantage économique de la traçabilité est la réduction des coûts.
Relations entre acteurs Parmi les apports de la traçabilité qui influenceraient la décision de l’adopter est celui de redéfinir les relations
entre les différents acteurs concernés par cette démarche.
Coordination et coopération La traçabilité favorise la coordination et la coopération entre acteurs
Confiance entre partenaires La traçabilité est perçue comme étant une démarche permettant d’établir la confiance entre les différents
partenaires.
Contrôle et évaluation Avec la traçabilité on peut effectuer un contrôle et une évaluation permanents de l’entreprise en assurant une
vision globale de l’entreprise, une meilleure gestion des risques et des problèmes ainsi que l’établissement des
liens de causalité
Vision globale La traçabilité fournit au responsable de l’entreprise une vision globale et complète afin d’optimiser sa prise de
décision.
Gestion des risques La traçabilité permet d’organiser la vigilance et de repérer l’apparition d’un danger non encore survenu
Retrait ciblé La traçabilité permet de limiter les pertes grâce à un retrait ciblé des lots défectueux.
Liens de causalité La traçabilité permet de repérer la responsabilité de chaque acteur en cas de problème.
Caractéristiques de l’organisation L’adoption de la traçabilité dépend des caractéristiques de l’organisation.
« Innovativeness » La capacité à adopter des innovations telle que la traçabilité et de manière rapide.
Taille La taille de l’entreprise explique son « innovativeness » et de là l’adoption de la traçabilité.
Caractéristiques structurelles Les caractéristiques structurelles de l’entreprise influencent son « innovativeness » et de là l’adoption des
innovations telle que la traçabilité.
Le slack organisationnel La présence d’un excédent budgétaire consacré aux éventuelles innovations à adopter influencerait
positivement l’« innovativeness » d’une entreprise et de là, l’adoption de la traçabilité.
Compétences et connaissances Les compétences et connaissances des cadres influencent la décision d’adopter la traçabilité.
Formalisation Suivre des procédures strictes et formelles dans la prise de décision freinerait l’adoption d’innovations telle que
la traçabilité.
Interconnexion S’il y a un bon niveau d’interconnexion, l’information circule rapidement ce qui favorise l’adoption de la
traçabilité.

Centralisation des décisions Il s’agit d’une entreprise centralisée où la décision est prise par un nombre limité de
personnes. Cet aspect freinerait l’adoption de la traçabilité.
Caractéristiques technologiques

318
Maturité technologique La maturité technologique renvoie au fait qu’on doit s’assurer que l’entreprise est assez préparée au niveau
technologique pour adopter la traçabilité.
Connaissances technologiques Les connaissances technologiques des cadres de l’entreprise influencent l’adoption de la traçabilité.
Infrastructure entreprise L’infrastructure technologique de l’entreprise l’aide dans l’adoption de la traçabilité. Il s’agit des outils
technologiques utilisés dans la démarche traçabilité et présents dans l’entreprise avant d’adopter cette
démarche.
Maîtrise des TIC Le fait que les acteurs internes maîtrisent les TIC aide l’entreprise à adopter la traçabilité.
Infrastructure partenaires L’infrastructure technologique des partenaires de l’entreprise influence l’adoption de la traçabilité.
Caractéristiques de l’environnement L’adoption de la traçabilité dépend des caractéristiques de l’environnement.
Rôle des parties prenantes Les parties prenantes influencent la décision d’adopter la traçabilité.
Champion Il existe au sein de l’entreprise un acteur qui de par sa position et ses caractéristiques ou traits de la personnalité
encourage l’entreprise et les différentes personnes à l’intérieur de l’entreprise à adopter la traçabilité.
Légende : les termes en « gras » correspondent aux facteurs d’adoption de la traçabilité en relation avec nos propositions de recherche. Les termes en « clair » et ceux en
« italique » correspondent aux composantes ou sous-dimensions de ces facteurs d’adoption.
Source : Elaboration personnelle.

319
Annexe n°10 : Descriptif d’un test de traçabilité ascendante chez
l’entreprise (A)

La première étape consiste à choisir un échantillon au hasard de l’«échantillothèque92 » situé


au niveau de la chambre frigorifique. Pour ce test, la responsable choisit au hasard un ravier
d’une commande d’un client « X ». Ce ravier contient les informations sur le client (nom), la
date de production, la palette d’où provient l’échantillon ainsi que le poids de l’article
(exemple : 250 g). Ces informations sont contenues dans une étiquette qu’on appose sur
l’échantillon. Une fois l’article récupéré, on consultela base de données des factures relatives
aux commandes produites à la date de production et pour le client « X ». Il s’agit d’une base
avec des classeurs Excel qui contient des informations concernant le mois de production, la
date de départ de la commande, le numéro de facture, le client, la date de production, la
désignation du produit, le numéro de lot de la commande, l’étiquette (forme). Cette base
renferme également des informations quantitatives et qualitatives. Ces informations
concernent la catégorie du produit (dattes grasses, sèches, etc.), le calibre, la quantité en
kilogramme, la quantité en carton, ainsi que le taux de fermentation, l’infestation totale, le
taux de dattes endommagées, le taux de dattes moisies, le nombre dattes dures, etc. De cette
base de données, on récupère le numéro de la facture correspondant à cette commande et
archivée sous format papier.

Dans le test auquel nous avons assisté, la facture concerne une commande regroupant trois
palettes de produits finis. A cette facture sont agrafées les fiches de contrôle de produit fini de
chaque article faisant l’objet de cette commande. En récupérant la fiche de contrôle du produit
fini mis en colis 250 gr (qui correspond à l’article choisi de l’échantillothèque), nous avons pu
obtenir les différents paramètres correspondant aux trois palettes. Il s’agit du numéro de
palette, des paramètres demandés par le client (paramètres qualitatifs et quantitatifs) ainsi que
des différents paramètres trouvés pour chaque palette suite au contrôle final. Cette fiche
contient en outre, le numéro de lot de produits finis pour chaque palette. A savoir dans le
cadre de ce test :
L 029/08 P001 (numéro de lot de produit finis pour la première palette)
L029/08 P002 (numéro de lot de produit finis pour la deuxième palette)

92
L’échantillothèque est un espace dans la chambre frigorifique où sont stockés tous les échantillons de chaque
expédition. Ces échantillons servent aux analyses et vérifications effectuées en cas de besoin ou de réclamation
client.
320
L029/08 P003 (numéro de lot de produit finis pour la troisième palette)
A ces numéros de lot de produits finis par palette sont associés des numéros de lots de la
sélection finale. Il s’agit de la dernière étape du processus avant l’expédition de la commande.
Nous avons ainsi une correspondance entre le numéro de lot de produit finis par palette et le
numéro de sélection finale comme suit :

Numéro de lot de produit finis par palette Numéro de lot de sélection finale
(Entrée) (Sortie)
93
L 029/08 P001 23 SF1 14/12/08 005
(82) 394SF1 14/12/08 008
L029/08 P002 23 SF1 15/12/08 008
(82) 3 SF1 15/12/08 006
L029/08 P003 (82) 3 SF1 15/12/08 006
8495 SF1 15/12/08 012
Source : Elaboration personnelle.

Comme le montre ce tableau, chaque palette de produit finis provient de deux lots de produits
issus de l’atelier « 1 » de sélection finale. Concernant le lot (82) 3 SF1 15/12/08 006 par
exemple, nous avons remarqué qu’il a été utilisé dans les deux palettes L029/08 P002 et
L029/08 P003.

Par la suite, tous les lots de l’étape de sélection finale ont été vérifiés. Pour ce faire, il a été
procédé à une recherche au niveau de l’archive de l’atelier de sélection finale « 1 » situé au
niveau du même service de contrôle qualité. Cet archive contient des fiches de contrôle de lots
semi-finis conditionnés au niveau de l’atelier de sélection finale « 1 ». Ces fiches sont
classées par mois et par année. Le contrôleur a ainsi consulté les fiches de décembre 2008 et
plus précisément celles du 14 et du 15 décembre où ont été conditionnés les lots recherchés.
De là, il récupère les numéros de lots de sélection finale sortie lui permettant de remonter aux
lots d’entrée à l’atelier de sélection finale correspondant.

93
23 : code produit correspondant à une palette de la texture « Demie-sèche », provenant du triage de dattes
« Deglet Nour » en vrac.
94
Le lot provient de dattes branchées à débrancher et de dattes en vrac.
95
84 : code produit correspondant à une palette de la texture « Demie-grasse », provenant du triage de dattes
branchées à débrancher.
321
· Atelier « sélection finale »
Dans la fiche de contrôle de lots semi-finis conditionnés au niveau de l’atelier de sélection
finale « 1 » pour le 14 et 15 décembre 2008, on peut voir :
Lot d’entrée Lot de sortie
23 Glu 13/12/08 016 (82) 3SF1 14/12/08 008

23 Glu 13/12/08 006 23 SF1 14/12/08 002


23 SF1 14/12/08 002 23 SF1 14/12/08 005
23 Glu 13/12/08 006 (82) 3 SF1 15/12/08 006
83 Glu 13/12/08 008
23 Glu 13/12/08 007 23 SF1 15/12/08 008
84 Glu 13/12/08 014 84 F1 15/12/08 012

Ainsi, par exemple, le lot de produits semi-finis (82) 3SF1 14/12/08 008 provient du lot de
l’atelier de glucosage (Glu) de dattes demi-sèches (23) effectué le 13/12/08, à savoir le lot
numéro 23 Glu 13/12/08 016.

· Atelier glucosage
Pour chaque lot de produits semi-finis de l’atelier de sélection finale, il a été possible de
récupérer le ou les lots de produits semi-finis à l’étape de glucosage. Nous passons ensuite, au
service production où sont archivées les fiches des ateliers glucosage, hydratation, séchage
ainsi que celui du triage.
Nous avons pris deux cas des fiches de suivi de la production de l’atelier glucosage pour la
date du 13/12/08 et pour les dattes demi-sèches (23) soit les fiches correspondantes aux lots :
23 Glu 13/12/08 016 et 23 Glu 13/12/08 006. Pour ces lots de sortie de l’atelier glucosage
correspondent des lots d’entrée comme indiqué dans le tableau qui suit repris de la fiche de
contrôle de l’atelier de glucosage :

Lot d’entrée Lot de sortie


23 L 12/12/08 057 23 Glu 13/12/08 006
23 L 12/12/08 049 23 Glu 13/12/08 016

Ces lots d’entrée (23 L 12/12/08 057 et 23 L 12/12/08 049) ont subis le lavage, l’hydratation
et le séchage par contre ils ont gardé le même numéro de lot de l’atelier lavage (L) puisque

322
pendant les opérations d’hydratation et de séchage, le lot reste le même c’est-à-dire qu’il n’y a
pas de regroupement ou de subdivision de lot.

· Atelier lavage
Nous avons effectué le même travail pour l’atelier lavage afin de remonter à l’origine des lots
23 L 12/12/08 057 et 23 L 12/12/08 049. Nous avons obtenu ainsi les informations suivantes :
Lot d’entrée Lot de sortie
23 TR 02/12/08 012 23 L 12/12/08 057
23 TR 02/12/08 028 23 L 12/12/08 049

Ces lots d’entrée 23 TR 02/12/08 012 et 23 TR 02/12/08 028 proviennent de l’atelier triage.

· Atelier Triage
En vérifiant l’archive de l’atelier triage nous avons pu récupérer la fiche de suivi de cet atelier
pour la date du 12/12/08 et de là les lots d’entrée correspondants. Ainsi pour le lot 23 TR
02/12/08 012 correspond le lot d’entrée de produit réceptionné 20P A J 46 108 où « 20P »
signifie qu’il s’agit de dattes de la variété « Deglet Nour » en vrac et protégées, « A » nous
renseigne sur le code collecteur, « J » sur la zone de production (le Jeride au Sud du pays),
« 46 » correspond à la semaine de production et « 108 » le numéro de palette.

Cependant, il a été difficile d’obtenir avec exactitude les lots d’entrée à l’origine du lot 23 TR
02/12/08 028. En effet, au niveau de la fiche de suivi de l’atelier triage nous avions une suite
de numéro de lots d’entrée et une suite de numéro de lots de sortie sans aucune distinction ou
correspondance entre les deux parties du tableau. Le choix des lots d’origine pour le cas du lot
23 TR 02/12/08 028 a été ainsi identifié par l’agent de contrôle suivant son expérience et une
probabilité en choisissant plusieurs lots à savoir les numéros
20P A J 45 103
20P A J 45 125
20P A J 45 143.

· Service réception
En récupérant le numéro de lot de produit réceptionné, l’agent de contrôle qualité responsable
du test de traçabilité, se dirige vers le service de réception des marchandises afin de consulter
leur base de donnée informatisée. Cette base contient des informations sur la référence lot, la
date de réception, le numéro de bon de commande, le site de départ (collecteur), le site de

323
réception, le lieu de stockage (chambre frigorifique ou production si la marchandise va être
directement transférée en production). Grâce à cette recherche nous avons obtenu le bon de
transfert et le bon de contrôle de la marchandise qui a été utilisée pour fabriquer notre
échantillon objet du test. Au niveau du bon de transfert nous avons des informations sur la
quantité de marchandise ainsi que sur la référence des produits. Le bon de contrôle qu’on
reçoit avec la marchandise renseigne quant à lui sur la variété du produit, le nombre de
caisses, le nombre de palettes, la quantité nette, le transporteur (nom et numéro de camion,
etc.), le collecteur, les paramètres qualitatifs issues du contrôle effectué par un agent de
contrôle qualité de l’entreprise sur la marchandise avant son départ de l’usine du collecteur.
Ces informations concernent le taux d’infestation, de fermentation, de déchet, ainsi que des
informations sur la texture (apparence, petit calibre, dattes dures, dattes non mures, dattes
moisies, etc.). Ces informations permettent de classer la marchandise selon sa qualité.
Avec l’identification de l’origine des marchandises nous sommes arrivées à la fin du test de
traçabilité ascendante qui dure en moyenne une demi-heure selon les propos de l’agent de
contrôle qualité. Généralement, une fois qu’elle a pu remonter à l’origine du produit choisi
pour le test, l’agent de contrôle qualité doit remplir un formulaire électronique où elle
renseigne, pour chaque atelier ou étape par lequel passe le produit, les numéros de lots
d’entrée et de sortie ainsi que les paramètres ou résultats des contrôles qualité effectués à
chacune de ces étapes.

324
Annexe n°11 : L’identification des parties prenantes des entreprises (A), (B)
et (C)

Nous présentons l’identification et la classification des parties prenantes de chacune des


entreprises de conditionnement de dattes étudiées ((A), (B) et (C)), dans le contexte général
de leur travail.

Ø Identification et classification des parties prenantes de l’entreprise (A) d’un point


de vue général

Pour chaque responsable interrogé au niveau de l’entreprise (A), nous avons réalisé un
graphique représentant les différentes parties prenantes telles qu’identifiées. Afin d’identifier
et de classer les parties prenantes de l’entreprise (A) dans son ensemble, nous avons fusionné,
à l’aide du logiciel Adobe Photoshop CS4, les graphiques de chacun des répondants (Nb :
pour rappel, 6 personnes ont été interrogées dans l’entreprise (A)). Ce logiciel nous a permis,
en utilisant le même principe que les calques, de repérer les points récurrents ou les types de
parties prenantes communes aux différents responsables interrogés. Nous avons obtenu la
figure n°54.

325
Figure n°54 : Typologie des parties prenantes de l’entreprise (A) d’un point de vue
général (échantillon = 6 personnes interrogées)

Source : Elaboration personnelle.

Légende :
Organismes=les organismes d’appui
Les acteurs en gras sont ceux qui ont été classés dans la même catégorie par au moins 3 responsables de
l’entreprise (A) (50% des répondants).
Pour les acteurs en clair, il n’existe pas de consensus quant à leur classification par les responsables. Nous
choisissons ainsi de les représenter dans l’ensemble des catégories de parties prenantes évoquées à leur sujet.
Les acteurs en italique et gras ont été classés dans la même catégorie par l’ensemble des responsables (100%
des répondants).
Les acteurs présents à l’extérieur des cercles sont considérés comme ne faisant pas partie des parties prenantes
générales de l’entreprise selon la classification de Mitchell et al. (1997).

Pour l’entreprise (A), les acteurs locaux (consommateurs, clients) ne sont pas considérés
comme des parties prenantes. Ce constat s’explique par la nature de l’entreprise étudiée. Il
326
s’agit en effet d’une entreprise totalement exportatrice et, de fait, elle ne considère pas les
acteurs locaux comme des parties prenantes pouvant influencer ses décisions stratégiques. Les
médias font aussi partie des acteurs ou parties « non prenantes ». Ils n’influencent donc pas
les décisions stratégiques de l’entreprise.
L’Etat, au contraire, joue un rôle important puisqu’il est considéré comme une partie prenante
décisive possédant les trois attributs de Mitchell et al. (1997). Dans la même catégorie que
l’Etat, à savoir les parties prenantes critiques, les responsables de l’entreprise (A), identifient
les clients étrangers et le personnel.
Deux acteurs font partis de la catégorie des parties prenantes latentes (avec un seul critère). Il
s’agit des agriculteurs avec leur légitimité et des consommateurs étrangers avec le pouvoir.
Il n’existe pas de consensus concernant les collecteurs, les organismes d’appui et les
propriétaires :
Ø Pour les collecteurs, deux responsables leur attribuent le pouvoir et la légitimité. Les
autres acteurs les classent chacun dans une catégorie : non parties prenantes, attribut
pouvoir, légitimité, ou les trois (pouvoir-légitimité-urgence).

Ø Les organismes d’appui sont considérés par certains responsables comme détenant
l’attribut pouvoir, pouvoir et légitimité ou pouvoir et urgence. Le Responsable Marché
les considère même comme des non parties prenantes.

Ø Il en est de même pour les propriétaires qui possèdent, selon le responsable interrogé,
les attributs pouvoir et légitimité ou pouvoir-légitimité-urgence.

En bref, pour l’entreprise (A) et d’un point de vue général,


· les parties prenantes critiques sont principalement l’Etat, les clients étrangers et le
personnel.

· la présence de parties prenantes potentielles n’a pas été confirmée par l’ensemble des
personnes interrogées.

· les parties prenantes latentes correspondent principalement aux collecteurs et


consommateurs étrangers.

· les acteurs qui ne sont pas considérés comme des parties prenantes sont les médias et
les acteurs locaux.

327
Ø Identification et classification des parties prenantes de l’entreprise (B) d’un point
de vue général

Nous avons suivi la même démarche pour l’identification des parties prenantes de l’entreprise
(B) (Nb : pour rappel, 5 personnes ont été interviewées dans l’entreprise (B)). Nous obtenons
la figure n°55 et nous remarquons plusieurs points saillants :

328
Figure n°55 : Typologie des parties prenantes de l’entreprise (B) d’un point de
vue général (échantillon = 5 personnes interrogées)

Source : Elaboration personnelle.

Légende :
Les acteurs en gras sont ceux qui ont été classés dans la même catégorie par au moins 3 responsables de
l’entreprise (B).
Pour les acteurs en clair, il n’existe pas de consensus quant à leur classification par les responsables. Nous
choisissons ainsi de les représenter dans l’ensemble des catégories de parties prenantes évoquées.
Les acteurs en italique et gras ont été classés dans la même catégorie par l’ensemble des responsables (100%
des répondants).
Les acteurs présents à l’extérieur des cercles sont considérés comme ne faisant pas partie des parties prenantes.

329
Pour les cinq responsables interrogés au sein de l’entreprise (B), plusieurs acteurs ne sont pas
considérés comme des parties prenantes puisqu’ils les classent dans la catégorie des non
parties prenantes. En effet, ils ne leur attribuent aucun critère ou (pouvoir-légitimité-urgence).
Il s’agit des consommateurs tunisiens et des clients locaux. Comme pour le cas de l’entreprise
(A), l’entreprise (B) est totalement exportatrice et c’est la raison pour laquelle qu’ils n’ont
aucun lien avec les acteurs du marché national. D’autres parties « non prenantes »
apparaissent dans les propos de plusieurs acteurs de l’entreprise (B) comme les médias, les
agriculteurs et les consommateurs étrangers qui ne sont pas les clients directs ou les
fournisseurs directs et qui, de ce fait, ne détiennent aucun des trois attributs ou critères de
Mitchell et al. (1997).

Les organismes d’appui et les clients étrangers sont les parties prenantes potentielles, elles
détiennent deux des trois attributs. Leur rôle devrait être important dans la prise de décision
stratégique. L’Etat est identifié par les différents responsables comme une partie prenante.
Cependant, celui-ci ne possède qu’un seul attribut « le pouvoir ».

Pour les trois acteurs (propriétaires, personnel, collecteurs), nous remarquons qu’il n’y a pas
de consensus quant aux critères qui leur sont attribués. En effet, les propriétaires, par
exemple, sont considérés comme des parties prenantes décisives par le Responsable Hygiène
et le Responsable Qualité Sécurité Environnement. Le Responsable Gestion de Stocks Dattes
et le Responsable Gestion de Stock Emballage et Expédition considèrent quant à eux, les
propriétaires comme des parties prenantes latentes alors que le Responsable Informatique leur
accorde un seul attribut : le pouvoir. Cette appréciation est identique pour le personnel et les
collecteurs où nous avons plusieurs possibilités présentées. Il n’y a que la Responsable
Hygiène qui accorde les trois attributs pour les collecteurs. Pour les autres répondants, cet
acteur n’est pas de premier ordre, il est même considéré comme ne faisant pas parti des
acteurs clés par le Responsable Informatique.

Il existe deux acteurs « nouveaux » qui ont été évoqués par un seul responsable chacun. Il
s’agit des fournisseurs d’emballages considérés par le Responsable Gestion de Stock
Emballages et Expédition comme possédant les attributs pouvoir et urgence. Et des auditeurs
internationaux considérés comme possédant l’attribut légitimité et urgence par le Responsable
Gestion de Stock Dattes.

330
En bref, pour l’entreprise (B) et d’un point de vue général,
· la présence de parties prenantes critiques n’a pas été confirmée par l’ensemble des
personnes interrogées.

· les parties prenantes potentielles sont essentiellement les organismes d’appui et les
clients étrangers.

· l’Etat est la principale partie prenante latente.

· les acteurs qui ne sont pas considérés comme des parties prenantes sont les
agriculteurs, les consommateurs étrangers et locaux, les médias ainsi que les clients
locaux.

Ø Identification et classification des parties prenantes de l’entreprise (C) d’un point


de vue général

La figure n°56 représente la classification des parties prenantes de l’entreprise (C) selon le
modèle de Mitchell et al. (1997). Nous devons toutefois remarquer ici une « faiblesse » de ce
graphe. En effet, seules deux personnes ont été interrogées dans l’entreprise (C), sachant que
l’entreprise ne compte qu’une dizaine de cadres dans l’ensemble. Bien que conscient de cette
faible représentativité, nous présentons l’identification et la classification des parties
prenantes d’un point de vue général, comme cela été le cas pour les deux autres entreprises.

331
Figure n° 56 : Typologie des parties prenantes de l’entreprise (C) d’un point de
vue général (échantillon = 2 personnes interrogées)

Source : Elaboration personnelle.

Légende :
Les acteurs en gras sont ceux qui ont été classés dans la même catégorie par les 2 responsables de l’entreprise
(C).
Pour les acteurs en clair, il n’existe pas de consensus quant à leur classification par les 2 responsables. Nous
choisissons ainsi de les représenter dans l’ensemble des catégories de parties prenantes évoquées.
Les acteurs présents à l’extérieur des cercles sont considérés comme ne faisant pas partie des parties prenantes.

Les deux responsables interrogés ont la même vision concernant quelques aspects de cette
typologie. En effet, comme pour les deux autres entreprises, les acteurs locaux (clients,

332
consommateurs) ne sont pas considérés comme parties prenantes et ce, pour les mêmes
raisons évoquées précédemment (entreprises totalement exportatrices).
Le propriétaire semble être l’acteur le plus important en possédant les trois attributs de
Mitchell et al. (1997).

Quant aux collecteurs et clients étrangers, ils sont classés au niveau des parties prenantes
possédant les deux attributs légitimité et urgence.

Concernant les autres acteurs, il y a une divergence des opinions des deux responsables quant
à leur classification. En effet, pour le Gérant de l’entreprise, l’Etat et le personnel font partis
des acteurs les plus importants et possèdent les trois attributs alors que pour le Responsable
Production, l’Etat détient uniquement le pouvoir et le personnel la légitimité. Ce « non
consensus » est également présent pour le cas des médias, des consommateurs étrangers, des
organismes d’appui et des agriculteurs. Cependant, comme le montre la figure n°56, tous ces
acteurs sont considérés comme des parties prenantes possédant un ou deux des trois attributs
énoncés par Mitchell et al. (1997).

En bref, pour l’entreprise (C), il est possible d’énoncer que :


· le propriétaire est la principale partie prenante critique.

· les parties prenantes potentielles correspondent essentiellement aux collecteurs et


clients étrangers.

· les clients locaux et consommateurs tunisiens ne font pas partie des parties prenantes.

333
TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION GENERALE………………………………………………1

1. LA TRAÇABILITE : UNE NECESSITE POUR TOUTE ENTREPRISE .................1


2. UN TERRAIN D’APPLICATION : LA FILIERE DES DATTES EN TUNISIE.......3
3. EMERGENCE DE LA QUESTION DE RECHERCHE ET DEFINITION DES
OBJECTIFS ..............................................................................................................................4
4. LE CADRE THEORIQUE : L’adoption de la traçabilité vue à travers la théorie des
parties prenantes et celle de la diffusion de l’innovation de Rogers (1962, 2003) ...............5
4.1. LA THEORIE DES PARTIES PRENANTES (TPP).....................................................6
4.2. LA THEORIE DE LA DIFFUSION ET DE L’ADOPTION DE L’INNOVATION
SELON ROGERS (1962, 2003) .................................................................................................6
5. LES CHOIX EPISTEMOLOGIQUES ET METHODOLOGIQUES..........................7
6. L’ARCHITECTURE DE LA RECHERCHE.................................................................9

CHAPITRE -1-LA TRAÇABILITE : MOYENS ET ENJEUX ................... 12

1. ROLE ET PLACE DE LA TRAÇABILITE .................................................................13


1.1. LES CRISES ALIMENTAIRES : CATALYSEUR DE LA TRAÇABILITE ..............13
1.1.1. Les crises alimentaires touchant la sécurité sanitaire du consommateur .................13
1.1.2. Les crises alimentaires provoquant des pertes économiques.....................................13
1.1.3. La traçabilité comme facteur de choix des OGM ......................................................14
1.1.4. L’impact de la médiatisation dans la sécurité alimentaire et sanitaire .....................14
1.2. LA TRAÇABILITE DANS LE « NON-AGROALIMENTAIRE »..............................15
1.2.1. Un secteur fortement concerné par la traçabilité : l’industrie pharmaceutique et de
santé ....................................................................................................................................15
1.2.2. Le principe de précaution dans la traçabilité automobile .........................................16
1.2.3. L’aéronautique ...........................................................................................................16
1.3. L’ENCADREMENT LEGAL ET LES INITIATIVES .................................................17
1.3.1. Les dispositions réglementaires .................................................................................17
1.3.2. Les normes..................................................................................................................18
1.3.3. Les travaux privés ......................................................................................................19
1.4. DEFINITIONS ET TYPOLOGIES DE LA TRAÇABILITE .......................................21
1.5. LES APPORTS DE LA TRAÇABILITE ......................................................................27
1.5.1. La maîtrise de la sécurité, l’origine et l’intégrité du produit ....................................28
1.5.2. Le renforcement de l’avantage concurrentiel ............................................................30
1.5.3. Le contrôle et l’évaluation permanents ......................................................................31
1.5.4. La redéfinition des relations entre acteurs ................................................................32
1.6. LA MISE EN ŒUVRE D’UNE TRAÇABILITE .........................................................34
2. L’IMPORTANCE DES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION ET DE LA
COMMUNICATION DANS LA PRATIQUE DE LA TRAÇABILITE ...........................40
2.1. LES OUTILS DE SUPPORT ET D’IDENTIFICATION DE L’INFORMATION ......42
2.1.1. Le code à barres .........................................................................................................42
2.1.1.1. 1952-2010 : Trente huit ans de codes .....................................................................42

334
2.1.1.2. La codification suivant GS1 ...................................................................................44
2.1.1.2.1. Les codes linéaires ou à une dimension ....................................................................................... 44
2.1.1.2.2. Le code matriciel ou à deux dimensions ...................................................................................... 49
2.1.2. L’identification par radio-fréquence ou RFID...........................................................50
2.1.2.1. Les composantes techniques et le fonctionnement .................................................50
2.1.2.2. Les typologies de la RFID : Tag Actif vs Tag Passif ; Read vs Read/Write ..........52
2.1.2.3. Les enjeux de la RFID ............................................................................................53
2.2. LE STOCKAGE DE L’INFORMATION .....................................................................56
2.2.1. L’ERP .........................................................................................................................56
2.2.2. Le MES .......................................................................................................................57
2.3. LE PARTAGE DE L’INFORMATION VIA EDI ........................................................58
2.3.1. La typologie des solutions EDI ..................................................................................59
2.3.2 Les avantages de l’EDI dans la traçabilité …………………………………………….. 62
2.3.2.1. Les avantages organisationnels ..............................................................................62
2.3.2.2. Les avantages stratégiques......................................................................................63
CONCLUSION .........................................................................................................................66

CHAPITRE -2- APPREHENSION DU TERRAIN TUNISIEN DE LA


DATTE ET DE SES SPECIFICITES EN TERMES DE TRAÇABILITE . 69

1. DESCRIPTION DE LA FILIERE .................................................................................70


1.1. APERÇU GENERAL ET HISTORIQUE .....................................................................71
1.2. PLACE DE LA TUNISIE DANS LE COMMERCE INTERNATIONAL DES
DATTES ...................................................................................................................................74
1.3. LES ACTEURS DE LA FILIERE DES DATTES EN TUNISIE .................................78
1.3.1. Les producteurs ..........................................................................................................79
1.3.2. Les collecteurs ............................................................................................................82
1.3.2.1. Le collecteur achetant sur pied ...............................................................................82
1.3.2.2. Le collecteur achetant au tonnage ..........................................................................86
1.3.2.3. Le collecteur achetant sur pied et au tonnage .........................................................86
1.3.3. Les exportateurs conditionneurs ................................................................................90
1.3.5. Les acteurs institutionnels ..........................................................................................90
1.3.5.1. Le Commissariat Régional de Développement Agricole .......................................90
1.3.5.2. Le Groupement Interprofessionnel des Fruits ........................................................91
1.4. UNE ANALYSE TRANSVERSALE DE LA FILIERE DES DATTES EN
TUNISIE ...................................................................................................................................91
1.4.1. Les formes d’engagement entre acteurs .....................................................................92
1.4.2. Les flux d’information ................................................................................................92
1.4.3. La dynamique des prix ...............................................................................................92
1.4.4. La qualité....................................................................................................................95
1.4.5. La gestion du décalage du Ramadan .........................................................................96
1.4.6. Les faiblesses de la filière ..........................................................................................96
2. ETAT DE LA TRAÇABILITE DES DATTES EN TUNISIE………………………97
2.1. METHODOLOGIE........................................................................................................97
2.2. LES RESULTATS DE L’ETUDE...............................................................................100
2.2.1. Les résultats apparus de l’analyse des données secondaires ..................................101
2.2.1.1. Réglementation en vigueur ...................................................................................101
2.2.1.2. Le « Tunisian Quality Tracking ».........................................................................101
2.2.2. Les résultats apparus dans le traitement du questionnaire......................................107

335
CONCLUSION……………………………………………………………………………...108

CHAPITRE -3- LE ROLE FONDAMENTAL DE LA THEORIE DES


PARTIES PRENANTES ET DU MODELE DE DIFFUSION ET
D’ADOPTION D’UNE INNOVATION D’EVERETT M. ROGERS DANS
L’ADOPTION DE LA TRAÇABILITE ....................................................... 110

1. L’APPORT DE LA THEORIE DES PARTIES PRENANTES ...............................112


1.1. ORIGINES ET DEFINITIONS DE LA NOTION « STAKEHOLDER » ..................112
1.2. LES TYPOLOGIES DES PARTIES PRENANTES ...................................................114
1.3. TAXONOMIE DES APPROCHES DE LA THEORIE DES PARTIES
PRENANTES ........................................................................................................................120
1.3.1. L’approche descriptive .............................................................................................120
1.3.2. L’approche instrumentale ........................................................................................121
1.3.3. L’approche normative ..............................................................................................121
1.4. UNE ANALYSE CRITIQUE DE LA THEORIE DES PARTIES PRENANTES .....122
1.5. LA THEORIE DES PARTIES PRENANTES ET LE MANAGEMENT
STRATEGIQUE .....................................................................................................................124
2. LA THEORIE DE DIFFUSION ET D’ADOPTION D’UNE INNOVATION
D’EVERETT M. ROGERS (1962, 2003) ............................................................................128
2.1. ELEMENTS PROPRES A LA DIFFUSION D’UNE INNOVATION……………129
2.1.1. Les canaux de communication .................................................................................130
2.1.2. Le temps....................................................................................................................131
2.1.2.1. Le temps dans le processus de décision d’innovation ..........................................131
2.1.2.2. Le temps dans la classification des adoptants ......................................................133
2.1.2.3. Le temps dans le taux d’adoption .........................................................................133
2.1.3. Le système social ......................................................................................................135
2.1.3.1. La structure sociale et la diffusion de l’innovation ..............................................135
2.1.3.2. Les normes sociales et la diffusion de l’innovation .............................................136
2.1.3.3. Les leaders d’opinion et la diffusion de l’innovation ...........................................137
2.1.3.4. Le système social et les types de décision d’innovation ......................................137
2.2. LES ELEMENTS COMMUNS A L’ADOPTION ET A LA DIFFUSION D’UNE
INNOVATION .......................................................................................................................139
2.2.1. Les caractéristiques intrinsèques d’une innovation .................................................139
2.2.1.1. L’avantage relatif ou « relative advantage » ........................................................139
2.2.1.1.1. Les facteurs économiques........................................................................................................... 140
2.2.1.1.2. Le statut social et l’innovation ................................................................................................... 140
2.2.1.1.3. Les sources de motivation .......................................................................................................... 141
2.2.1.2. La compatibilité ou « compatibility »...................................................................143
2.2.1.3. La complexité ou « complexity » .........................................................................145
2.2.1.4. La testabilité ou « trialability » .............................................................................146
2.2.1.5. L’observabilité ou « observability » .....................................................................146
2.2.2. Les caractéristiques organisationnelles d’une innovation .......................................149
3. CHOIX EPISTEMOLOGIQUES ET PROPOSITION DE MODELISATION.....155
3.1. ARCHITECTURE OU DESIGN DE LA RECHERCHE ...........................................155
3.1.1. Le positionnement interprétativiste ..........................................................................156
3.1.1.1. Le positivisme.......................................................................................................156
3.1.1.2. Le constructivisme ................................................................................................157
3.1.1.3. L’interprétativisme ...............................................................................................157

336
3.1.2. La démarche exploratoire ........................................................................................158
3.1.3. Le choix d’une approche qualitative ........................................................................158
3.1.4. Un mode de raisonnement abductif ..........................................................................159
3.1.4.1. L’approche déductive ...........................................................................................159
3.1.4.2. L’approche inductive ............................................................................................160
3.1.4.3. L’approche abductive ...........................................................................................160
3.2. MODELE D’ADOPTION DE LA TRAÇABILITE ET PROPOSITIONS DE
RECHERCHE .........................................................................................................................161
CONCLUSION .......................................................................................................................167

CHAPITRE -4- L’ANALYSE QUALITATIVE : METHODOLOGIE .... 169

1. CHOIX METHODOLOGIQUES ...............................................................................169


1.1. LA STRATEGIE D’ACCES AU REEL : L’ETUDE DE CAS ..................................169
1.2. MODALITES ET INSTRUMENTS DE RECUEIL DES DONNEES .......................172
1.2.1. Les instruments de la recherche ...............................................................................172
1.2.1.1. La documentation ou donnée secondaire..............................................................172
1.2.1.2. L’observation directe ............................................................................................172
1.2.1.3. L’entretien ............................................................................................................174
1.2.2. La construction du guide d’entretien .......................................................................175
1.2.3. Le déroulement des entretiens ..................................................................................181
1.2.4. Technique d’analyse des données : l’Analyse de contenu thématique.....................185
1.2.5. Choix du logiciel d’analyse : NVivo 8.0 ..................................................................187
1.2.5.1. Création du projet .................................................................................................188
1.2.5.2. Importation des données .......................................................................................190
1.2.5.3. Attributs ................................................................................................................190
1.2.5.4. Lien entre les différents éléments du projet..........................................................190
1.2.5.5. Codage ..................................................................................................................192
2. PRESENTATION DES ENTREPRISES ETUDIEES ..............................................194
2.1. PRESENTATION DU PREMIER CAS : L’ENTREPRISE (A).................................194
2.1.1. Présentation générale ..............................................................................................194
2.1.2. Les produits de l’entreprise (A) ...............................................................................195
2.1.3. Identification et traçabilité des produits chez l’entreprise (A) ................................197
2.2. PRESENTATION DU DEUXIEME CAS : L’ENTREPRISE (B) .............................200
2.2.1. Description générale ................................................................................................200
2.2.2. Identification et traçabilité chez l’entreprise (B) .....................................................200
2.3. PRESENTATION DU TROISIEME CAS : L’ENTREPRISE (C) .............................205
2.3.1. Présentation générale ..............................................................................................205
2.3.2. Le système Quality & Traceability ...........................................................................205
2.3.2.1. Le suivi oasis-collecte ..........................................................................................207
2.3.2.2. Suivi usine conditionnement ................................................................................208
2.3.2.3. Suivi commandes clients en ligne ........................................................................208
2.3.2.4. Facture export .......................................................................................................209
2.3.2.5. Autres rubriques : Fiche non-conformité et recherches internes ..........................209
CONCLUSION .......................................................................................................................210

337
CHAPITRE-5- L’ANALYSE QUALITATIVE : RESULTATS ................ 212

1. LES CARACTERISTIQUES DE LA TRAÇABILITE ............................................214


1.1. AVANTAGE RELATIF ..............................................................................................214
1.1.1. La survie de l’entreprise ..........................................................................................214
1.1.2. La redéfinition des relations entre acteurs ..............................................................215
1.1.3. L’organisation interne..............................................................................................215
1.1.4. La maîtrise de la qualité...........................................................................................216
1.1.5. L’image du pays .......................................................................................................217
1.1.6. L’image de l’entreprise ............................................................................................217
1.1.7. Le gain de temps .......................................................................................................218
1.1.8. Le développement de l’entreprise ............................................................................218
1.1.9. Le contrôle et l’évaluation .......................................................................................219
1.1.10. Les avantages concurrentiels ....................................................................................221
1.2. LA COMPATIBILITE.................................................................................................225
1.2.1. Les valeurs................................................................................................................225
1.2.2. Les besoins ...............................................................................................................226
1.2.3. Les innovations passées ...........................................................................................226
1.2.4. Le nom positif ...........................................................................................................229
1.3. LA COMPLEXITE ......................................................................................................230
1.4. LA TESTABILITE ......................................................................................................231
1.5. L’OBSERVABILITE ..................................................................................................231
2. LES CARACTERISTIQUES DE L’ORGANISATION ...........................................234
2.1. LA VEILLE INFORMATIONNELE ..........................................................................234
2.1.1. Les sources d’information ........................................................................................234
2.1.2. La diffusion de l’information....................................................................................235
2.2. L’INNOVATIVENESS ...............................................................................................236
2.2.1. La taille ....................................................................................................................237
2.2.2. Le positionnement ....................................................................................................237
2.2.3. Le profil international ..............................................................................................238
2.2.4. Le management participatif .....................................................................................238
2.2.5. L’engagement de la Direction ..................................................................................240
2.2.6. Les caractéristiques structurelles .............................................................................240
2.3. LES CARACTERISTIQUES TECHNOLOGIQUES .................................................245
2.3.1. La maturité technologique .......................................................................................245
2.3.2. L’infrastructure partenaires .....................................................................................247
3. LES CARACTERISTIQUES DE L’ENVIRONNEMENT ......................................251
3.1. LE ROLE DES PARTIES PRENANTES ...................................................................252
3.1.1. L’identification des parties prenantes générales des conditionneurs de dattes en
Tunisie ..................................................................................................................................252
3.1.2. Identification des parties prenantes de l’adoption de la traçabilité dans la filière des
dattes en Tunisie .....................................................................................................................256
3.2. LE CHAMPION ..........................................................................................................262
3.3. L’ENVIRONNEMENT CONCURRENTIEL .............................................................263
4. LES « FREE NODES » OU NŒUDS LIBRES ..........................................................264
4.1. LA TRAÇABILITE : UNE MOTIVATION FINANCIERE « INDIRECTE » ..........264
4.2. LA TRAÇABILITE : PLUS FACILE LORSQUE LES PARTENAIRES SONT AU
« MEME NIVEAU » ..............................................................................................................265
4.3. LA TRAÇABILITE : L’ATOUT DES BONNES RELATIONS ENTRE
PARTENAIRES .....................................................................................................................266
338
CONCLUSION .......................................................................................................................267

CONCLUSION GENERALE ………………………………………………270


1. SYNTHESE DE LA RECHERCHE ...........................................................................270
2. LES APPORTS DE LA RECHERCHE .....................................................................278
2.1 LES APPORTS THEORIQUES……………………………………………………… 278
2.2 LES APPORTS MANAGERIAUX………………………………………………….. 278
3. LES LIMITES DE LA RECHERCHE .......................................................................279
4. LES PERSPECTIVES DE LA RECHERCHE……………………………………. 280

BIBLIOGRAPHIE………………………………………………………… 284

ANNEXES………………………………………………………………….. . 298

TABLE DES MATIERES………………………………………………… . 334

LISTE DES FIGURES……………………………………………………... 340

LISTE DES TABLEAUX………………………………………………….. 342

LISTE DES ENCADRES…………………………………………………. .343

339
LISTE DES FIGURES

Figure 1. Emergence de la question de recherche.......................................................................5


Figure 2. Traçabilité ascendante/descendante...........................................................................24
Figure 3. Traçabilité amont/ interne / aval ................................................................................26
Figure 4. Principes de base de la traçabilité totale ....................................................................36
Figure 5. Schématisation d’une chaîne d’entreprise .................................................................38
Figure 6. La mise en œuvre d’une démarche de traçabilité ......................................................39
Figure 7. Représentation des symboles des sept candidats et de la solution retenue : la « IBM
Committee Final Proposal »..............................................................................................43
Figure 8. Exemple d’une structure du code GTIN-13 ..............................................................45
Figure 9. Calcul de la clé de contrôle .......................................................................................46
Figure 10. Codification unité logistique : solution GTIN-13 ...................................................47
Figure 11. Codification unité logistique : solution GTIN-14 ...................................................47
Figure 12. Exemple d’un code à barres bidimensionnel : Le Datamatrix ................................49
Figure 13. Composantes d’un système RFID ...........................................................................51
Figure 14. Système RFID : fonctionnement et échange d’information ....................................52
Figure 15. EDI hébergé .............................................................................................................60
Figure 16. Les impératifs d’une démarche de traçabilité ..........................................................68
Figure 17. Evolution de la production et des exportations de Deglet Nour ..............................73
Figure 18. Calage des périodes de récolte et de vente de la datte pour l’année 2006...............74
Figure 19. Positionnement des dattes tunisiennes sur le marché mondial (entre 1998 et
2006) …………………………………………………………………………………. 75
Figure 20. Répartition moyenne des importations de 5 pays européens entre 2002 et 2007 ....75
Figure 21. Répartition des exportations tunisiennes (en valeur %)
Campagne 2006/2007 ...............................................................................................................77
Figure 22. Répartition des exportations tunisiennes (en quantité %) Campagne 2006/2007 ...78
Figure 23. Structuration des opérateurs dans la filière .............................................................79
Figure 24. Récolte de dattes : cas du tri à la parcelle et au local ..............................................84
Figure 25. Les étapes du conditionnement des dattes ...............................................................88
Figure 26. Variation des prix des dattes par variété et période (2006) .....................................93
Figure 27. Synthèse des prix et modalités de paiement ............................................................95
Figure 28. Exemple d’une fiche terroir relative à une oasis figurant sur le site Web Intranet du
GIFruits ...........................................................................................................................104
Figure 29. Cartographie de l’ancienne oasis de Tozeur (Echelle 1/50000) ...........................105
Figure 30. Répartition des Web’s intranet du GIFruits et des conditionneurs de dattes autour
du système de traçabilité en amont de l’unité de conditionnement ................................106
Figure 31. Modèle de l’entreprise en termes de parties prenantes d’Evan et Freeman
(1983)……………………………………………………………………………………… .114
Figure 32. Identification des parties prenantes de Mitchell et al. (1997) ...............................118
Figure 33. Diffusion vs Adoption d’une innovation ...............................................................129
Figure 34. Les catégories d’adopteurs dans le temps .............................................................134
Figure 35. Proposition d’une modélisation de l’adoption de la traçabilité .............................162
Figure 36. La démarche de recherche retenue ........................................................................168
Figure 37. Espace de travail NVivo 8.0 ..................................................................................189
Figure 38. Exemple d’annotation dans NVivo 8.0 .................................................................191
Figure 39. Evolution des exportations (en quantités) de dattes de la société (A) ...................195
Figure 40. Etapes d’indentification et de traçabilité chez l’entreprise (A) .............................198
Figure 41. Front Office du Web conditionneur (C) ................................................................206

340
Figure 42. Poids des avantages relatifs ...................................................................................223
Figure 43. Graphique de synthèse des caractéristiques de la traçabilité .................................233
Figure 44. Veille informationnelle et avantage relatif ............................................................236
Figure 45. Caractéristiques technologiques comme facteurs d’adoption de la traçabilité ......245
Figure 46. Les caractéristiques organisationnelles .................................................................250
Figure 47. Les caractéristiques de l’environnement ...............................................................251
Figure 48. Typologie des parties prenantes de la filière des dattes en Tunisie d’un point de vue
général .............................................................................................................................254
Figure 49. Poids des parties prenantes de l’adoption de la traçabilité ....................................257
Figure 50. Des partenaires au même niveau ...........................................................................265
Figure 51. Nouvelle modélisation de l’adoption de la traçabilité ...........................................268
Figure 52. Les quatre blocs de déterminants de l’adoption de la traçabilité ..........................276
Figure 53. Récapitulatif de l’ensemble des facteurs d’adoption de la traçabilité des dattes en
Tunisie……………………………………………………………………………………… 277
Figure 54. Typologie des parties prenantes de l’entreprise (A) d’un point de vue
général……………………………………………………………………………………… 326
Figure 55. Typologie des parties prenantes de l’entreprise (B) d’un point de vue général.. 329
Figure 56. Typologie des parties prenantes de l’entreprise (C) d’un point de vue général.. 332

341
LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1. Comparaison entre les caractéristiques de la RFID et du code à barres .................54


Tableau 2. Avantages/inconvénients des trois types d’EDI......................................................61
Tableau 3. Comparaison des traitements traditionnel et EDI (Exemple d’une commande) .....62
Tableau 4. Production des dattes (2008-2009) et estimation pour la campagne 2009-2010 ....72
Tableau 5. Exportations des dattes tunisiennes par pays en valeur (Dinar Tunisien ou DT) et
en quantité (Kilogramme) (2006/2007) ............................................................................76
Tableau 6. Types d’exploitations oasiennes .............................................................................80
Tableau 7. Planning de la première phase exploratoire 2007 ...................................................98
Tableau 8. Entretiens réalisés avec les responsables d’organismes d’appui ............................99
Tableau 9. Le choix d’une méthode qualitative en Sciences de Gestion ................................170
Tableau 10. Les responsables interrogés chez (A), (B) et (C) ................................................182
Tableau 11. Présentation de l’ensemble des acteurs interrogés…………………………… 184
Tableau 12. Codes couleurs de l’origine et opérations de traitement des dattes de l’entreprise
(B) ...................................................................................................................................202
Tableau 13. Tableau d’identification des parties prenantes selon le modèle de Mitchell et al.
(1997) ..............................................................................................................................252
Tableau 14. Classification des parties prenantes générales des conditionneurs de la filière des
dattes en Tunisie .............................................................................................................256
Tableau 15. Récapitulatif des principales propositions de recherche .....................................272

342
LISTE DES ENCADRES

Encadré 1. Les fonctions « tracking » et « tracing » .................................................................22


Encadré 2. L’HACCP ...............................................................................................................28
Encadré 3. La construction du questionnaire ..........................................................................100
Encadré 4. Extrait du guide d’entretien : Généralités .............................................................176
Encadré 5. Extrait du guide d’entretien : Caractéristiques de la traçabilité ............................177
Encadré 6. Extrait du guide d’entretien : Caractéristiques organisationnelles .......................178
Encadré 7. Extrait du guide d’entretien : Caractéristiques de l’environnement .....................180
Encadré 8. Extrait du guide d’entretien : Informations supplémentaires................................181
Encadré 9. Extrait de codage d’un entretien ...........................................................................213

343
Résumé :
La traçabilité est considérée comme une réponse à l’état d’incertitude lié principalement aux
crises alimentaires de la fin du XXème siècle. Avec la mise en application de la réglementation
européenne n°178/2002 le 1er janvier 2005, tous les acteurs de la chaîne alimentaire doivent
être mobilisés afin d’apporter le maximum de garantie et d’assurance aux consommateurs
finaux, que cela soit en termes de qualité et en termes de sécurité. Pour le cas de la filière des
dattes tunisienne, la traçabilité -en tant que démarche de management stratégique- apparaît
comme une innovation managériale qui se situe toujours en phase d’adoption.
Notre travail de recherche s’inscrit dans ce cadre. L’objectif est d’identifier les déterminants
de l’adoption d’une démarche de traçabilité dans le cadre spécifique des entreprises de
conditionnement de dattes en Tunisie. Nous présentons une modélisation en ce sens, en
proposant d’associer la théorie des parties prenantes à celle de la diffusion et de l’adoption
d’une innovation de Rogers (1962, 2003).
Nous discutons les trois propositions génériques de recherche émises, en se fondant sur une
analyse qualitative auprès des conditionneurs de dattes considérés comme « pionniers » en
matière de traçabilité tunisienne.
Les résultats de la recherche aboutissent à l’élaboration d’un ensemble de déterminants de
l’adoption de la traçabilité dans le cadre du maillon conditionneurs de la filière des dattes en
Tunisie. Il s’agit (1) des caractéristiques de la traçabilité, (2) des caractéristiques de
l’organisation et, (3) des caractéristiques de l’environnement tels que précisés dans notre
modèle, auquel il convient d’ajouter un quatrième élément issus de l’analyse des entretiens et
qui concerne (4) les facteurs transversaux.
Mots clés : Traçabilité, TIC, industries agroalimentaires, le conditionnement des dattes,
Tunisie, Théorie des parties prenantes, Théorie de diffusion et d’adoption de l’innovation.

Abstract :
The traceability is considered as an answer to the state of uncertainty due mainly to the food
crises of the end of the XXth century. With the application of the European regulations
n°178/2002 on January 1st, 2005, all the actors of the food chain must be mobilized to bring
the maximum of guarantee and insurance to the final consumers, in terms of quality and
safety. In the case of the Tunisian date sector, the traceability - as an approach of strategic
management- appears like a managerial innovation which always comes within the phase of
adoption.
Our research comes within the scope of this framework. The aim of this research is to identify
the determiners of the adoption of an approach of traceability with the example of the
companies of date conditioning in Tunisia. So we present a modelling by suggesting
associating the theory of the stakeholders to the theory of diffusion and adoption of the
innovation.
We discuss three generic propositions of research put forward by basing on a qualitative
analysis with conditioning date companies considered as "pioneers" in tunisian traceability.
The results of this research end up in the elaboration of a set of determiners of the adoption of
the traceability within the conditioning date companies’ link in Tunisia. It represents (1) the
characteristics of the traceability, (2) the characteristics of the organization and, (3) the
characteristics of the environment such as specified in our model, to which it is advisable to
add the fourth element stemming from the analysis of the interviews and which concerns (4)
the transversal factors.
Key words : Traceabiliy, ICT, Food industries, The date conditioning, Tunisia, Stakeholders
Theory, Theory of diffusion and adoption of the innovation.

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