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M. Lucien Bouchard Premier ministre du Québec M™ Pauline Marois Ministre de la Santé et des Services Sociaux du Québec M. Gilles Baril Ministre chargé de la Protection de la Jeunesse du Québec M. Pierre Lamarche, Directeur général Association des Centres Jeunesse du Québec M. Claude Fillion, Président Commission des Droits de la Personne et des Droits de la Jeunesse du Québec Président Comité des Nations Unies des droits de l'enfant Pour votre aimable considération et attention. MA COMPREHE] ET MO! IR L’HISTORIQUE ETLA SITUATION ACTUELLE CONCERNANT LA LEGALITE (LILLEGALITE) DAVOIR RECOURS A DES UNITES SECURITAIRES EN VERTU DE LA ‘LOLSUR LA PROTECTION DE LA JEUNESSE jer les droits d’un enfant qui n’a pas encore 18 ans c’est abuser de cet enfant Respectueusement soumis par — GEORGE STAMATIS ‘Défenseur des droits des enfants et de la jeunesse Février 2000 Introduction Depuis, j'ai cherché & en connaitre davantage sur cette situation. J'ai d’abord été membre d’un comité sur la jeunesse auprés des Centres de la jeunesse et de la famille Batshaw, comité dont je devais par la suite assurer la vice-présidence. Depuis, je n'ai cessé de faire valoir le point QU’AUCUN jeune qui n'est pas un criminel ne devrait étre emprisonné parce qu’il éprouve des difficultés. Selon moi, ces jeunes ont besoin tre aidés et non emprisonnés. jet du prés ycument Le présent document vient souligner le fait important que les Centres Jeunesse du Québec, depuis dgja quelques années, et encore aujourd’hui, détiennent arbitrairement dans des unités sécuritaires des jeunes en difficulté. Les Centres Jeunesse refusent de reconnaitre cet état de fait et ce, depuis bon nombre d’années. ‘Mes travaux de recherche Pour mes travaux de recherche, je me suis tourné vers diverses sources (Ja bibliothéque de T'U.Q.AM., la bibliothéque de l'Université McGill, accés a divers documents (en vertu de la Loi sur V'accés & l'information), la biblioth¢que de Assemblée Nationale de méme que des entretiens avec diverses personnes). Enrésumé L Au début des années 1970, les centres de détention de jeunes étaient fortement critiqués par la presse. 2- En 1975, le Rapport du Comité d’Etude sur la Réadaptation des Enfants et Adolescents placés en centre d’accueil, présidé par Emanual Batshaw (ancien travailleur social bien connu), devait recommander ce qui suit : - LaRecommandation n° 83 déclarait ‘«Que aucun enfant faisant l’objet d’une mesure de protection en vertu de la Lot sur la Protection de la Jeunesse ne puisse étre admis dans un centre ou une unité sécuritaire.» En novembre 1982, le Rapport de la Commission Parlementaire spéciale sur la Protection de la Jeunesse, dont Ia présidence était assurée par Jean-Pierre Charbonneau (ancien membre de l’Assemblée Nationale de Verchéres) et la vice-présidence par Christos Sirros (membre de I’ Assemblée Nationale de Laurier-Dorion), déclarait : - A lapage n®.204 (2° par.) «all nous apparait essenticl d’affirmer trés clairement dans notre législation que ces cunités sécuritaires» ne doivent jamais devenir des «prisons pour adolescents».» En 1986, l'Honorable Juge Jacques Dugas, juge de la Cour Supérieure, dans I’affaire portant le n° 500-24-000038-850, ordonnait et déclarait illégal le fait de placer dans une unité sécuritaire un jeune faisant lobjet de mesures en vertu de la Loi sur la protection de a jeunesse. Par conséquent, on est en droit de se demander si la pratique actuelle ne constitue par un outrage au tribunal? La Commission des Droits de la Personne et des Droits de la Jeunesse du Québec, dans ses conclusions du rapport d’enquéte daté de mai 1997 sur I’unité La Chapelle, déclarait ce qui suit : -2.2.1 Le permis de I’unité La Chapelle, signé par le ministre de la Santé et des Services sociaux, prévoit le placement de jeunes contrevenants faisant objet @une ordonnance en garde fermée ou qui sont en détention provisoire en attente d'une comparution au tribunal. Ce permis n’autorise par ’hébergement de jeunes en protection de la jeunesse. La recomman¢ yui suit -42.1 QUE le Directeur de la protection de la jeunesse et le Directeur général des Centres de la jeunesse et de la famille Batshaw mettent fin 4 application du programme «arrét @agim («A.C.LS.T. bed») pour les jeunes faisant Pobjet de mesures en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse. Dans un bulletin daté d’avril 1996 (vol. 2, n° 2), Céline Giroux (Vice-présidente de la Commission des Droits de la Personne et des Droits de la Jeunesse du Québec) déclarait que: «Aucune mesure disciplinaire ou de contréle en situation de danger ne peut étre dans Vintérét d’un jeune, si elle va encontre d’un droit reconnu par la charte.» Dans une lettre datée du 16 février 1998 adressée 4 M. Robert Hatton, un des enquéteurs de la Commission des Droits de la Personne et des Droits de la Jeunesse déclarait que : Directive concernant I’application d’un encadrement intensif «Nous sommes en contacts avec le Ministére et une date d’adoption définitive n’a pas encore été fixée.» Toutefois, selon moi, une directive ministérielle est insuffisante pour traiter d’une question aussi importante touchant les droits de la jeunesse. (voir «Note» a la fin du présent document) Une opinion juridique adoptée lors de 1a 433° séance de la Commission des Droits de la Personne et des Droits de la Jeunesse du Québec, tenue le 9 octobre 1998, par sa résolution COM-433-5,2.1, qu’avait préparée M* Hélene Tessier, avocate ~ Chef du contentieux, concluait clairement et je cite : «Compte tenu de la rédaction actuelle de la Loi sur la protection de la jeunesse, des modifications Iégislatives apportées & cette loi en 1984, qui ont supprimé toute référence aux unités sécuritaires et aux sauvegardes procédurales qui encadraient le recours ce type d’hébergement, I’encadrement intensif dit statique, qui se caractérise de mesures restrictives de liberté de telle sorte que l’enfant, dont la liberté est déja restreinte pour des motifs prévus par la loi et selon la procédure prescrite a la suite d’une ordonnance @hébergement obligatoire, se retrouve privé de sa liberté résiduelle, ne respecte pas les droits garantis 4 l'enfant par l'article 24 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, et, en conséquence, ne respecte pas les droits qui Iui sont reconnus par les articles 3 et 8 de la Loi sur la protection de la jeunesse.» Lois et obligations applicables a ce sujet La Convention relative aux droits de ’enfant La Convention est la premiére loi internationale en matiére de droits de la personne s*adressant exclusivement aux enfants. En 1991, la Convention relative aux droits de enfant, qui avait été fortement approuvée par le Québec (Décret 1676-91), fut ratifiée par le Canada. Par conséquent, le Québec doit respecter cette loi internationale sur les, droits de la personne. La Charte Canadienne des Droits et Libertés Le 17 avril 1982 est une date importante dans I’histoire du Canada. C’est a cette date que la Charte a pris effet. La Charte est une loi des plus importantes au Canada et fait partic de la Constitution canadienne. En vertu de cette Charte, les lois qui tentent d’en limiter la portée peuvent étre déclarées invalides. Le libellé de I’article 9 de 1a Charte se lit comme suit : «Chacun a droit a la protection contre la détention ou l’emprisonnement arbitraires.» ‘Le Code Criminel canadien = Le Code Criminel canadien est-il applicable? Je ctois savoir que ’emprisonnement arbitraire constitue une offense en vertu du Code Criminel. La Charte des droits et libertés de la personne du Tel qu’il a été mentionné ci-dessus, la Commission des Droits de la Personne et des Droits de la Jeunesse du Québec déclarait clairement, dans son rapport, que cette situation en respecte pas I’article 24 de la Charte du Québec. Le Code Civil du Québec Li sur la protection de la jeun Ici encore, tel qu’il a é&é mentionné précédemment, la Commission des Droits de la Personne et des Droits de la Jeunesse du Québec déclarait clairement, dans son rapport, que cette situation ne respecte pas les articles 3 et 8 de la Loi sur la protection de la Jeunesse. La Loi sur les services de santé et les services sociaux Conclusion et recommandation lus A la lumiére des preuves ainsi recueillies, je ne peux que conclure que le recours aux unités sécuritaires dans le cas de jeunes faisant l'objet de mesures en vertu de la Loi sur la protection de 1a jeunesse constitue une violation grave des droits prévus en vertu de la loi, et que les Centres Jeunesse et autres institutions du Québec en sont conscients et ce, depuis longtemps. Par conséquent avis que. 1) La Commission des Droits de la Personne et des Droits de la Jeunesse du Québec doit prendre les mesures légales nécessaires pour remédier & cette situation qui ne fait qu’empiéter sur les droits des jeunes tels qu’ils sont spécifiés 4 article 23 de la Loi sur la protection de la jeunesse. AMOINS QUE 2) Le ministre de la Santé et des Services Sociaux du Québec et son ministre chargé de Ia Protection de la Jeunesse ne prennent des mesures afin de corriger cette situation sans tarder. 5-6 (a) @) © @) Selon moi, il n’en demeure pas moins qu’une directive ministérielle est insuffisante pour traiter d’une question aussi importante portant sur les droits de la jeunesse, bien que cela puisse, temporairement, éire utile afin de mettre un terme aux pratiques actuelles. Bien que certains puissent, possiblement avec raison, prétendre que quelques jeunes en difficulté (jeunes faisant l'objet de mesures de protection en vertu de Loi sur la protection de la jeunesse), puissent, comme dernier recours et pour la période minimum requise, devoir étre placés dans des unités sécuritaires, cette pratique n’en demeure pas moins, & Vheure actuelle, illégale et l'on ne saurait permettre qu’elle continue. Si des dispositions doivent étre établies afin de régir le recours aux unités sécuritaires, Jrestime que 1- ces dispositions doivent se fonder sur le droit actuel, étre assorties de critéres stricts et ne constituer qu’un demier recours et ce, pour une période minimum requise. 2- Le Tribunal de la jeunesse doit, lorsqu’il ordonne qu’un jeune soit placé en unité sécuritaire, lors d’une audience laquelle le jeune est Iégalement représenté, Gtablir des droits d’interjeter appel de méme que prévoir, le plus tat possible et de fagon fréquente, la révision du dossier de ce jeune. 3+ Les locaux doivent étre convenables et les jeunes doivent étre entiérement tenus & Pécart de jeunes contrevenants contre lesquels des accusations ont été portées ou qui ont été reconnus coupables, ce que les conditions physiques actuelles pour la garde en unité sécuritaire sont loin d’offtir. 4- Les jeunes devraient légalement avoir le droit d’obtenir tous les services requis et ce, de facon prioritaire. 5- De fréquentes inspections indépendantes de méme qu’un controle impartial devraient étre exercés. Car aprés tout, nous ne ferions qu’emprisonner un jeune qui n’a pas été reconnu coupable @un crime, Je croyais que tout le monde s’indignait lorsqu’une personne était emprisonnée arbitrairement (mais, de toute évidence, cela n’est pas le cas si vous étes un Jeune en difficulté)!

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