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Algérie  Naissance d’une stratégie


industrielle en Algérie
La première promotion d’une formation de 3e cycle en IE,
créée dans une université algérienne, vient de se terminer.
L’occasion pour Francis Moaty(1) de revenir sur les débuts
de l’IE en Algérie

D
écembre 2006. Le Premier développement de la fonction prospective ce qui est bien gênant dans le cadre
Ministre de l’époque, Abdelaziz par la mise en système des institutions d’une politique libérale de développe-
Belkhadem, dans un commu- publiques, des entreprises, des universités, ment industriel. Ce recensement aurait
niqué du conseil de gouvernement des centres de recherche et des acteurs donc commencé. Quant à la forma-
annonce que l’Etat est conscient de ce économiques, à l’effet de cerner les évo- tion, objectif prioritaire, des réponses
besoin d’une véritable politique d’IE lutions et de déceler les actions stratégi- importantes sont actuellement en
pour contribuer au développement ques à entreprendre sur le moyen et le préparation(2).
industriel du pays. Dans sa politique de long terme pour l’industrie nationale. »
relance et de développement industriels, Cette déclaration fit couler beaucoup Premiers pas
« L’intelligence économique [doit repré- d’encre. Elle fut suivie d’effet en mars
senter] un volet important de la stratégie 2008 lorsque Monsieur Temmar, On le voit, les conditions sont désormais
nationale industrielle et viser la réalisation ministre de l’Industrie et de la favorables à cette prise de conscience
de quatre objectifs majeurs : la diffusion Promotion des Investissements (MIPI), attendue depuis les années 2002-2003
d’une culture de l’intelligence économique décida d’y créer une nouvelle Direction et singulièrement depuis les premiers
en faveur d’une évolution des comporte- en charge de l’IE des études et de la colloques que nous organisâmes dès
ments individuels et collectifs des acteurs prospective (DGIEEP). 2005 à Alger. Les colloques « Intelligence
économiques publics et privés, dans une S’agit-il du démarrage d’une véritable économique, outil de management et
vision collective et pluridisciplinaire, la politique d’IE ? Nous pouvons l’espé- d’action publique », IEMA I, II et III
création d’une synergie public-privé et rer car les premières décisions concer- en 2005, 2006 et 2007, nous permirent
le développement d’une perception nent deux éléments forts d’une telle de nouer les premiers contacts avec
nouvelle de leurs relations basées sur la politique : la formation et la construc- des acteurs du public et du privé. Dès
confiance mutuelle, indispensable à tion de bases d’information concer- 2005, nous nous sommes rendu
l’essor de l’industrie nationale, la nant les données du secteur privé. En compte que si les participants, res-
garantie de la sécurité du patrimoine effet, si les données économiques et ponsables d’entreprises, universitai-
technologique et industriel national par statistiques du secteur public sont res, cadres administratifs, avaient déjà
la mise en place des dispositifs de veille bien maîtrisées, celles du secteur une bonne idée de la veille stratégi-
capables de faire face aux enjeux de privé, et de ses filières industrielles, que, ils se méfiaient de l’intelligence
l’ouverture du marché national à la font encore partie des informations économique tout en reconnaissant, en
concurrence en décourageant les pratiques hypothétiques et on ignore beaucoup revanche, son intérêt dans le cadre
déloyales des concurrents, et enfin le sur le potentiel réel du secteur privé, d’une modernisation des méthodes

 50  R.IE # 29 • Avril/Mai/Juin 2009


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de management, du travail « collabo- comme les étudiants du MISTE- Algérie, Algérie Télécom, et quelques
ratif » et des questions défensives tou- ESIEE, sur un projet de manifestation PME-PMI innovantes). Partout l’on a
chant propriété industrielle et gestion publique, lieu incontournable de déve- constaté un grand intérêt et de vérita-
de crise. La fonction influence était loppement des réseaux. bles expériences inscrites dans la
moins bien perçue. Trois grands durée ou alors de toutes premières
sujets dignes d’intérêt pour l’Algérie Relation formation/ expériences, mais toujours et partout
furent développés : l’ouverture à une très vive curiosité pour la forma-
l’économie de marché, l’ouverture industrie tion, les méthodes, les dispositifs. La
internationale et l’entrée dans la demande vers les diplômés a néan-
mondialisation, et enfin l’IE comme L’UFC a pu mettre en place cette moins été assez prudente. Si prendre
outil de la politique d’industrialisa- formation grâce à notre expérience à un stagiaire ou confier une étude sont
tion du pays. Une question revenait la direction du MISTE-ESIEE-Paris et des démarches couramment acceptées
régulièrement : « l’IE n’est-elle pas un à l’appui du service de coopération et par les entreprises en France, en Algérie
“luxe” pour les pays émergents ? Peut- d’action culturelle de l’ambassade de ceci est souvent considéré comme
elle contribuer à la croissance d’un pays France à Alger. Le projet consiste à intrusif et nécessite autorisation et délai
en transition comme l’est l’Algérie ? » former des cadres algériens en activité parfois interminable pour obtenir un
Nous avons montré que ce serait une capables d’implanter et de manager des rendez-vous ou une proposition de
erreur de ne pas le croire car, plus que dispositifs d’intelligence économique projet. Il est tout de même arrivé que
d’autres, les pays émergents souffrent dans les organisations publiques et l’interlocuteur professionnel joue le
d’un grand déficit informationnel. Ils privées. Si l’UFC a été choisie par l’Etat jeu et s’investisse à fonds dans le projet
ont besoin d’information à valeur pour mener à bien ce programme c’est confié au stagiaire.
ajoutée. Les entreprises algériennes pour une raison simple : elle joue un
peuvent largement profiter de la rôle déterminant dans le renforcement La mise en place du diplôme de l’UFC
vision éclairée offerte par l’intelli- des compétences des cadres et fonction- et le vécu de la première promotion
gence économique. Ainsi, elles évite- naires. C’est la culture du changement ont été des expériences passionnantes.
raient de se lancer dans un partenariat que représente l’IE qui a été recherchée, Cependant, il apparait parfois des
douteux, de céder leurs actifs à un surtout pour l'importante partie des éléments contradictoires et un regard
prix trop bas, ou d’être victime d’une diplômés issue de la Présidence de la très critique sur les efforts des autres
campagne de désinformation. République. en Algérie. Nous espérons pourtant
Le colloque « Gouvernance des que cette nouvelle manière de penser
Institutions et Intelligence économique » Cette formation nous a permis d’en- et d’agir qui caractérise l’IE mettra
(14-16 juin 2008) a apporté au débat tendre les témoignages des entreprises peu de temps pour irriguer les entre-
la dimension éthique et organisation- qui ont tenté de mettre en place des prises et l’administration. Tel fut le
nelle de l’IE. Il a été l’occasion pour les dispositifs de veille et d’IE (Sonatrach, cas, sans état d’âme, dans d’autres
futurs diplômés de l’UFC de travailler, Cévital, Sonelgaz, Naftal, Saïdal, Air pays. Ici, le poids du secteur public
rend possible l’action de sensibilisa-
tion entreprise par le MIPI. Compte
Les objectifs de la Direction de l’IE au MIPI pour 2008-2010 tenu du besoin global de modernisa-
tion que nécessite l’Algérie, cet effort
ne sera pas un luxe. Souhaitons-lui de
Grâce à ces premières mesures :
réussir.
• Promotion des réseaux de l’IE liant enseignement, recherche et industrie ;
• Centre d’analyse et d’expertise de l’information industrielle ;
• Identification des matériels et procédures de sécurisation de l’information ;  Francis Moaty,
• Fonds d’appui à la promotion de l’IE et de la veille technologique. professeur et créateur du MISTE-ESIEE,
fmoaty@yahoo.fr.
La DGIEEP a mené ou espère mener à bien les missions suivantes :
• Dispositif d’IE public pouvant agir sur l’environnement des entreprises ; Notes :
• Banque de données des : économie, industrie, technologies et marchés ; 1. Francis Moaty, professeur et consultant,
• Réseau d’échanges des services chargés d’informer ces domaines ; directeur du Mastère Spécialisé en IE de
• Analyse de l’impact sciences et technologie sur l’industrie ; l’ESIEE-CCIP, a créé, avec l’aide de la coopéra-
• Proposer tout moyen pour améliorer croissance et efficience industrielles ; tion française et à l’Université de la Formation
• Veille technoologique sur les marchés industriels et internationaux ; Continue d’Alger, le premier diplôme universi-
• Formation des cadres de la DGIEEP et d’autres organismes publics/privés ; taire de 3e cycle algérien en IE.
• Séminaires de sensibilisation des entreprises à la démarche d’IE ; 2. Voir encadré
• Ateliers sur l’apport de l’agro-industrie à la sécurité alimentaire ;
• Recensement des entreprises industrielles ;
• Participation à des colloques. R.IE # 29 • Avril/Mai/Juin 2009  51 

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