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MASTER 2 - 2016-2017
Juliette Guidetti
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TABLE DES MATIÈRES
AVANT-PROPOS
INTRODUCTION
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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CHAPITRE I : LA LUMIÈRE SYMBOLE ET MATIÈRE
1. Qu’est-ce que la lumière ?
1.1 Définitions
De prime à bord, le terme « lumière » paraît évident. Or, toute sa complexité apparait
lorsqu’on tente de le circonscrire. Dès lors, il est possible de retrouver un grand nombre de
définitions, tentant de définir la lumière. Parmi celles-ci, et dans le cadre de cette étude, certaines
retiennent particulièrement l’attention.
Avant tout, la première définition de la lumière qu’il faut retenir est celle qui est purement et
simplement physique. En effet, celle-ci permet de cadrer et de comprendre ce qu’est réellement la
lumière au sens scientifique et donc ce qu’elle constitue. « Selon Maxwell, la lumière n’est autre qu’une onde
électromagnétique. »1, « […] on peut aussi la considérer comme un flux de particules énergétiques dénuées de masse, les
photons. »2.
« Rayonnement émis par des corps portés à haute température (incandescence) ou par des substances excitées
(luminescence), et qui est perçu par les yeux. »3 Par cette définition s’exprime le sens physique et matériel de
la lumière. Celle que l’on perçoit par nos sens.
« Clarté du soleil ; du jour »4 Ici, la lumière reste toujours physique et matérielle mais il est
possible de l’interpréter d’une autre façon. C’est elle qui illumine le jour et contribue à notre vie
quotidienne. Sans elle, le jour n’existerait pas et nous nous retrouverions dans une obscurité totale et
permanente.
« Ce qui éclaire l’esprit ; élément qui fait comprendre. »5 Dans cette dernière définition, la lumière ne
nous illumine pas physiquement mais intellectuellement. Dès lors, nous pouvons définir la lumière
comme source d’éclairement général. Elle est source d’énergie physique et intellectuelle, elle
illumine notre corps et notre esprit, et par la même occasion, notre vie.
1 Richard Feynman, Lumière et matière Une étrange histoire p17, Paris, InterÉditions, « Sciences », 1987, 197 p.
2 Petit Larousse illustré (2011), Paris, Larousse
3 Idem
4 Idem
5 Idem
6 Richard Feynman, Lumière et matière Une étrange histoire p28, Paris, InterÉditions, « Sciences », 1987, 197 p.
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évidence la pureté de la lumière naturelle. Celle-ci est source de vie, de chaleur et de clairvoyance.
Grâce à elle, il est possible de se repérer dans le temps et l’espace. Effectivement, la course de la
terre autour du soleil crée les saisons et les différences climatique sen fonction de la position
géographique. D’autre part, le soleil confère un caractère « sauvage » à la lumière naturelle de par
son mouvement constant. La lumière naturelle est indomptable, elle danse de l’aube au crépuscule,
avec la mer, la terre, les nuages, créant des jeux fascinants de clair-obscur. Même si le comportement
du soleil sur la terre n’a plus aujourd’hui de secret pour nous, ou dans une moindre mesure, le
comportement des particules de lumière sur une matière est impossible à prédire. « Malgré tous nos
efforts pour imaginer une théorie « raisonnable » expliquant comment le photon « décide » de traverser la surface ou
d’être réfléchi, il s’avère impossible de prédire ce qui va arriver au photon. ».7 Ici encore, Richard Feynman nous
fournit une preuve tangible du caractère sauvage et indomptable de la lumière naturelle, en nous
expliquant qu’il est impossible d’appréhender le comportement de son essence même: les photons.
Malgré son caractère imprévu, la lumière naturelle peut être « domptée » lorsqu’on la
transforme en lumière artificielle. Cette dernière naît, d’abord d’un désir d’apport de lumière
supplémentaire, mais aussi du désir de la contrôler afin de l’utiliser à notre guise. La lumière
artificielle apporte un complément à la lumière naturelle. Même si la lumière artificielle est moins
pure que la lumière naturelle, elle n’en est pas moins essentielle à notre existence. En effet, elle
remplit les fonctions que la lumière naturelle ne peut nous apporter, comme celles d’éclairer nos
villes et nos chaumières à la tombée de la nuit. Par ailleurs, la lumière artificielle compte bien
d’autres avantages. Il est possible de l’apprivoiser en l’orientant dans la direction souhaitée, en
dosant son intensité, en choisissant sa couleur, ou même encore en décidant du moment où elle
brillera.
Nous l’ avons compris, la lumière naturelle comme la lumière artificielle possèdent toutes
deux leurs propres caractéristiques. En architecture, elles peuvent être exploitées, séparément l’une
de l’autre, mais c’est en les combinant qu’on pourra magnifier aux mieux leurs compétences
réunies.
2. Interprétation symbolique
2.1 La lumière à travers les siècles
2.1.1 Antiquité
a. L’allégorie de la caverne de Platon
Dans l’allégorie de la caverne, le philosophe antique Platon nous raconte l’histoire
d’hommes enchaînés dans une grotte souterraine, n’ayant jamais aperçu la lumière du jour. Ils n’ont
eu connaissance que du léger contraste créé par l’ombre que projette le feu sur le mur derrière eux.
L’un d’entre eux est libéré et accompagné de force à la lumière. D’abord fortement ébloui, il
n’acceptera pas la réalité du monde extérieur. Platon a déjà perçu deux parties dans le monde réel :
d’une part, le monde « sensible », perçu par les sens, d’autre part, le monde intelligible, perçu par la
raison et l’intelligence. Ainsi, Platon était déjà, sans le savoir, un précurseur de la notion
philosophique de matériel et d’immatériel. Ce n’est que par la maîtrise de la connaissance que
l’homme s’améliore et accède à l’excellence. Force est de constater que la lumière dont parle Platon
correspond à la dernière définition que nous avons citée plus haut. Elle correspond à la lumière
spirituelle, celle qui éclaire notre esprit au monde réel, qui nous permet d’accéder au monde des
idées.
7 Richard Feynman, Lumière et matière Une étrange histoire p36, Paris, InterÉditions, « Sciences », 1987, 197 p.
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b. La lumière selon Vitruve
Vitruve est sans aucun doute l’un des pionniers de l’architecture de l’Antiquité. Ce dernier
fut l’auteur du fameux traité « De Architectura » dont la réputation n’est plus à faire. En effet, celui-ci a
servi de base à beaucoup d’architectes modernes pour apprendre les techniques constructives de
l’Antiquité. Claude Perrault, architecte français du 17e siècle, s’est lancé, non sans difficulté, dans la
traduction de ce traité antique. La traduction de Perrault s’intitule « De l’architecture: Les Dix Livres
d’architecture ». Cette traduction est aujourd’hui très souvent utilisée pour réaliser diverses études sur
l’architecture antique. Celle que Vitruve a réalisée dans ses temples retient particulièrement
l’attention.
Vitruve avait une très grande connaissance des phénomènes que produisaient les effets de la
lumière sur les objets. Cette connaissance lui a permis de jouer avec la lumière de manière à mettre
les divinités des temples en avant, les rendre presque vivantes aux yeux des fidèles. Le secret ? Une
orientation parfaite. «[…] l’orientation des temples : la façade principale regardant l’Ouest, elle sera dans l’ombre
par rapport au soleil levant et le visiteur dans le « pronaos » (dans l’axe de la porte) ou à l’intérieur de la « cella » aura
dans son champ visuel l’intérieur plus ou moins sombre du temple et la statue de la divinité baignant dans un faisceau
de lumière intense provenant de l’oculus pratiqué dans le toit.»8 Pour l’architecte, tout est dans la mise en
scène. En effet, l’orientation est-ouest du temple permettra aux fidèles regardant vers l’orient et se
trouvant dans le champ de vision de la statue divine, d’avoir l’impression que cette dernière se lève
avec l’aube.
D’autre part, Vitruve n’utilisait pas uniquement l’orientation de la lumière naturelle pour
illuminer les divinités dans ses temples. Il faisait appel à des techniques particulières pour créer des
illusions d’optique. Grâce au changement d’éclairage de la lumière naturelle, Vitruve parvenait
même a générer une illusion de mouvement sur les statues des divinités leur permettant ainsi de
prendre vie devant les fidèles. « Dans la pratique, Vitruve semble rechercher une autre spatialité dans le temple,
basée cette fois-ci sur un jeu de lumière contrastée. Un champ fortement éclairé et un champ plus ou moins sombre vont
composer une situation de figure / fond. Dans ce jeu, la statue de la divinité baignant dans le faisceau de lumière va
constituer la figure ; elle se détachera du fond par sa « couleur » et surtout par les contours qui affirment sa forme. »9
A l’inverse de ses successeurs, Vitruve tend à utiliser la lumière de la manière la plus
matérielle qui soit. En effet, il l’utilise et la transforme en matière lorsqu’il la fait créer des illusions
d’optique sur les statues et les temples dédiés aux divinités. Cette lumière ainsi transformée en réelle
matière donne vie aux temples et aux divinités. Les dieux sont animés et deviennent presque réels et
vivants. Au Moyen-Âge, la dimension de la lumière est beaucoup plus allégorique et suggérée. Dans
l’Antiquité, rien n’est suggéré, tout doit être vrai et vu de façon directe.
2.1.2 Moyen-Âge
a. La métaphysique de la lumière
La métaphysique de la lumière est une théologie philosophique symbolique que l’on retrouve
dans les traités chrétiens d’inspiration néo-platonicienne. En effet, le néo-platonisme a exercé une
influence considérable sur la théologie chrétienne du Moyen-Âge. La métaphysique de la lumière fut
en partie développée par le Pseudo-Denys l’Aéropagite, influençant la spiritualité chrétienne. La
particularité des traités que celui-ci aurait écrits réside dans le fait qu’ils ont une portée à la fois
8 Abdelouahab Bouchareb, « Vitruve : temples et lumière », Cahiers des études anciennes, XLVIII | 2011, 325-342.
9 Abdelouahab Bouchareb, « Vitruve : temples et lumière », Cahiers des études anciennes, XLVIII | 2011, 325-342.
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philosophique et chrétienne. « Selon le Pseudo-Aéropagite, l’univers est créé, animé et unifié par l’auto-
effectuation de ce que Plotin appelle « Le Un », de ce que la Bible appelle « Le Seigneur » et de ce que lui-même appelle
« la lumière superessentielle » ou même « le Soleil invisible » […]».10 Nous interprétons ces paroles comme si,
dans cette pensée, théologie et philosophie étaient étroitement mêlées, voire indissociables. Ce
miracle est rendu possible par la « grâce » de la lumière. Le philosophe et le chrétien aboutissent
tous deux à leur principe suprême, leur Dieu, que le Pseudo-Denys l’Aéropagite réunit par la
« lumière superessentielle ».
Dans la métaphysique de la lumière, Dieu le Père est considéré comme « Pater luminum »,
soit le Père des lumières. Le Christ, en revanche, apparaît comme « phôtodosia claritas Patrem clarificavit
mundo », soit le premier rayonnement qui a révélé le Père au monde. La lumière divine est
immatérielle et intelligible. Elle constitue la sphère existentielle au plus haut point. La lumière
« visible », quant à elle, est matérielle. Elle constitue la sphère d’existence humaine, « la sphère la plus
basse », le commun des mortels et donc la matière tangible. Étant donné que l’homme est assujetti à
ses sens, son unique moyen de percevoir la lumière divine, et par là même d’atteindre la sphère la
plus haute, réside dans la matérialité. Dès lors, la lumière divine ne peut nous parvenir que par
l’intermédiaire de la lumière matérielle des choses. « […] toutes les choses visibles sont des « lumières
matérielles » qui reflètent les lumières « intelligibles » et, en définitive, la vera lux de Dieu Lui-même : « Toute créature,
visible ou invisible, est une lumière portée à l’existence par le Père des lumières… ».11 La lumière de Dieu est
présente dans chaque élément matériel. C’est en le regardant et en l’admirant que l’homme peut
passer au-delà de sa simple matérialité. L’homme doit transcender la matérialité pour comprendre
et accéder à Dieu à travers la lumière. En outre, nous remarquons que les philosophes rejoignent la
même conception de la lumière que la métaphysique: « D’après La République de Platon, l’idée suprême du
Bien est intimement constituée de lumière et elle a, comme la lumière, la propriété de faire être et de faire connaître les
choses en les illuminant : de là vient la problématique néoplatonicienne d’une métaphysique de la lumière, dont le thème
central est celui d’une causalité gnoséologique et ontologique de la réalité, dont l’essence intime est définie comme lumière
intelligible ou spirituelle. »12.
En ce qui concerne l’architecture gothique, le plus grand adepte de la métaphysique de la
lumière fut l’abbé Suger. Celui-ci assimilait la lumière divine à la beauté. Ainsi, la somptuosité de
l’abbatiale de Saint-Denis nous permet de comprendre que l’abbé s’était abandonné à la
métaphysique néo-platonicienne de la lumière. L’une des ambitions principales de l’abbé de Suger
fut d’agrandir l’abbatiale de Saint-Denis, nécropole des rois de France. Etant donné l’obscurité de
l’abbatiale d’origine, la motivation première de la rénovation fut d’amener la lumière au sein de
l’édifice. « Le chevet nouveau devait être pour la crypte carolingienne comme un écrin : sa luminosité devait contraster
aussi avec l’obscurité qui domine l’église partiellement souterraine. »13. La nouvelle architecture procure une
« lux nova », soit une lumière nouvelle, réveillant la lumière du Nouveau Testament et supprimant
l’obscurité des ténèbres. Selon Suger, et comme nous le retrouvons dans la métaphysique de la
lumière, c’est grâce à la lumière matérielle que l’on peut atteindre la lumière suprême, soit la
lumière divine. Nous retrouvons ici, une justification de l’apport de lumière dans la nouvelle
abbatiale. Comme vu précédemment, l’homme, assujetti à ses sens, ne peut s’élever à l’immatériel
10E. Panosfsky (1967) Architecture gothique et pensée scolastique p. 38 (traduction et postface de Pierre Bourdieu) Le sens commun, Paris, les
éditions de minuit
11E. Panosfsky (1967) Architecture gothique et pensée scolastique p. 38 (traduction et postface de Pierre Bourdieu) Le sens commun, Paris, les
éditions de minuit
12Federici Vescovini Graziella, « De la métaphysique de la lumière à la physique de la lumière dans la perspective des xiiie et xive siècles », Revue
d'histoire des sciences 1/2007 (Tome 60) , p. 101-118
e e
13 R. Recht (1999) Le croire et le voir l’art des cathédrales (XII -XV siècle) Bibliothèque des Histoires, Paris, éditions Gallimard
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qu’en transcendant ce qui est matériel. Or, pour Suger, il faut tout d’abord que le matériel soit beau
pour que l’homme puisse accéder à l’immatériel de la sphère divine. En effet, l’abbé est un
amoureux inconditionnel de la magnificence. Selon lui, la beauté matérielle est un ascendant vers la
magnificence spirituelle. Par conséquent, il a voulu accorder à son abbatiale une somptuosité
incroyable. « Ainsi, s’il mettait toute sa conviction dans son combat pour la prééminence spirituelle de Saint-Denis,
c’est dans son embellissement matériel qu’il mettait toute sa passion […] »14 . L’abbatiale de Saint-Denis est
comme un escalier vers les cieux de par sa somptuosité esthétique et sa qualité architecturale.
b. La théologie de la lumière
Nous l’avons compris, la lumière prend une place primordiale dans la religion chrétienne. La
lumière permet aux fidèles d’atteindre Dieu. Elle est source de message divin. Mais comment ce
lumineux message peut-il toucher le commun des mortels ? C’est là tout l’objet de la théologie de la
lumière. À l’époque médiévale, la majorité de la population était illettrée et donc incapable de décrypter les
textes bibliques. Le seul moyen que possédait la communauté ecclésiastique de transmettre son savoir était la
messe ou le dessin. L’apparition du style gothique avec ses vitraux dans les cathédrales a eu l’effet d’une
révolution. En effet, les vitraux représentant majoritairement des scènes bibliques ou la vie des saints, permet
d’enseigner la religion chrétienne de manière illustrée. Nous pouvons considérer que les vitraux faisaient
office du catéchisme moderne.
Dans l’étude de la théologie de la lumière, nous comprenons que Dieu incarne la lumière en
traversant les vitraux. En outre, la lumière prend une dimension symbolique en passant par les
scènes bibliques des vitraux venant illuminer les fidèles. Les vitraux sont semblables à des
théophanies brillant de mille feux grâce à la lumière, à la fois multicolore et symbolique des vitraux
gothiques.
c. Le principe de clarification
Le principe de clarification est une des idées maîtresses développées dans l’ouvrage d’Erwin
Panofsky « Architecture gothique et pensée scolastique ». Nous nous inspirerons principalement de cet
ouvrage au cours de notre analyse. Il ne s’agit pas ici d’un principe qui concerne la lumière à
proprement parler, mais il semble tout de même très intéressant d’y consacrer un peu de temps pour
le mettre en relation avec la lumière.
Le principe de clarification découle du principe général de la scolastique. L’idée est de réunir
la raison et la foi non pas en faisant la preuve des articles bibliques mais en les clarifiant. Saint
Thomas d’Aquin illustre ce principe à travers sa « Summa Theologiae ». Les principaux adeptes de
cette philosophie « [...] se sentaient tenus de rendre palpables et explicites l’ordre et la logique de leur pensée [...]
»15 . Il convient de comprendre que les scolastiques tentaient, par ce principe, de clarifier leurs idées
et de les organiser de façon à pouvoir les analyser plus facilement. « [...] le raisonnement est censé élucider
pour son intellect la vraie nature de la foi. »16. Force est de constater qu’une comparaison à la lumière est
ici plus qu’évidente. En effet, la lumière ne prend ici, en aucun cas une forme matérielle ou une
symbolique divine, mais elle constitue plutôt une illumination de l’esprit. Nous pouvons alors
comparer la clarification et la lumière. La lumière prend ici une nouvelle dimension, celle de
14E. Panosfsky (1967) Architecture gothique et pensée scolastique p. 31 (traduction et postface de Pierre Bourdieu) Le sens commun, Paris, les
éditions de minuit
15E. Panosfsky (1967) Architecture gothique et pensée scolastique p. 95 (traduction et postface de Pierre Bourdieu) Le sens commun, Paris, les
éditions de minuit
16E. Panosfsky (1967) Architecture gothique et pensée scolastique p. 92 (traduction et postface de Pierre Bourdieu) Le sens commun, Paris, les
éditions de minuit
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permettre d’ouvrir la pensée, de la clarifier et de l’ordonner. N’y a-t-il pas dans le mot « clarifier » la
même racine que le mot clarté, indissociable de la lumière.
C’est dans l’architecture que l’on retrouve le plus la lumière et l’idée obsédante de la
clarification. Cette dernière est devenue pratiquement une contrainte mentale qui doit alors
s’appliquer au style architectural gothique. Les plans des cathédrales sont clairs, proportionnés,
transparents, et absolument lumineux. Les cathédrales s’illuminent grâce à la clarification de la
pensée.
2.1.3 Renaissance
En raison d’un manque de sources et d’une préférence pour d’autres points me semblant
plus importants dans le développement de cette étude, ce sujet sera développé de plus ample
manière ultérieurement dans mon travail.
2.1.5 Aujourd’hui
Aujourd’hui, et depuis déjà quelques d’années, nombreux sont les architectes ayant analysé
et questionné la signification de la lumière. Mystique, visuelle, matérielle, immatérielle, éclairante,
cette dernière a permis aux architectes actuels de la décliner et de l’explorer de multiples façons.
Grâce à toutes ces analyses et connaissances sur la lumière, accumulées au fil des siècles, les visions
de la lumière dans l’architecture se sont progressivement affinées, de façons diverses et variées.
En tant qu’architecte, il est primordial d’analyser la lumière sous toutes ses facettes pour
pouvoir créer une symbiose entre nature et architecture. La lumière est le lien qui permet de les
connecter entre elles. Une vision intéressante serait de personnifier la lumière, celle-ci faisant partie
intégrante de la nature. Il faut la laisser s’épanouir pour que naisse une architecture personnelle,
ayant une âme à son tour. C’est vrai, nous pensons trop souvent que la lumière est au service de
l’architecture mais ne serait-ce pas plutôt l’inverse? « J’aime en effet penser que il y a quelque chose
d’incontrôlable dans la lumière, comme si elle avait une âme, une intelligence propre qui en fonction de notre capacité et
17 L.I.Kahn (1955-1974) Silence et lumière p.164 (traduction par M.Bellaigue et C.Devillers) Editions du linteau, Paris
18 L.I.Kahn (1955-1974) Silence et lumière p.164 (traduction par M.Bellaigue et C.Devillers) Editions du linteau, Paris
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attitude à l’observer se révèle et décide de se poser sur une architecture et pas sur une autre, de magnifier un objet, d’en
cacher un autre. »19
Quel que soit le lieu, les architectes ne peuvent éviter de jouer avec la lumière. Le concept de
lumière a évolué à travers le temps et reste encore aujourd’hui une notion interprétable de mille et
une façons. De l’antiquité à nos jours, elle est passée d’une valeur immatérielle suggérant la
conscience divine au fondement de l’architecture structurant l’espace. « Nécessaire pour exprimer la
beauté anagogique, elle favorise par son rayonnement l’idée du divin en sublimant les ambiances des lieux de méditation.
Chez les architectes contemporains, la maîtrise de la lumière est devenue une condition nécessaire à l’expression spatiale
et artistique. » 20
3. Interdépendance Lumière/Matière
3.1 Qu’est-ce que la « matière » ?
Avant de débuter l’étude concernant les différents liens existant entre la lumière et la
matière, il semble important de définir les différents sens du mot « matière ». De prime à bord,
lorsqu’on entend ce terme, le premier sens qui nous vient à l’esprit est bien évidemment un élément,
une « chose » qui a trait à ce que l’on peut toucher, à ce qui existe. « Substance, réalité constitutive des
corps, douée de propriétés physiques. […] Corps, réalité matérielle […] Substance particulière dont est faite une chose
et connaissable par ses propriétés. »25 En architecture, la tendance serait plutôt d’associer le mot matière
aux différents matériaux qui sont utilisés pour façonner et construire un projet. Ce sont ces
matériaux qui vont donner le caractère à l’édifice. Plus que d’être de simples matériaux de
construction, ils possèdent, à l’instar de la lumière, une dimension symbolique qui va contribuer à
exprimer un sentiment, une émotion à travers l’ouvrage architectural. Opaque, rugueuse,
transparente, translucide ou encore réfléchissante, la matière a l’avantage d’exister sous différents
aspects ayant chacun leurs propres caractéristiques. Cet avantage va permettre à l’architecte de
décliner les matérialités de son œuvre selon ses envies et son inspiration créative.
23 http://www.lumiere2015.fr/culture/
24Richard Zarytkiewicz, « L’enseignement de l’histoire de la vision de la lumière à travers les âges et les cultures », Professional Lighting
Design, n°100, janvier-février 2016
25 Petit Larousse illustré (1997), Paris, Larousse
26 http://lewebpedagogique.com/choukette/files/2011/12/La-lumière.pdf
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privés de vision et donc dans l’impossibilité de percevoir quoi que ce soit. Lorsque la lumière éclaire
un corps, quel qu’il soit, notre œil a la capacité de le percevoir par le simple fait que la lumière va lui
envoyer l’image exacte de ce corps. Sans lumière, le corps ne serait pas perceptible et notre cerveau
ne recevrait pas son image. Notre perception du monde en serait complètement modifiée. Ensuite, il
y a les détecteurs photoélectroniques, comme les appareils photographiques, et les photochimiques.
En architecture, la lumière et la matière sont indissociables. L’une dépend de l’autre, la
lumière révèle la nature et la beauté de la matière et cette dernière rend la lumière perceptible.
Lorsque la lumière rencontre la matière, l’architecture prend forme. Au sein de cette dernière, le
couple lumière/matière peut changer un espace, attirer le regard dans une direction plutôt que dans
une autre, mettre un objet en valeur ou encore transmettre une émotion. Cependant, ces ressentis
vont dépendre de la nature de la matière sur laquelle la lumière décide de briller. En effet, la lumière
ne va pas se comporter de la même manière selon que la matière est opaque, transparentes,
translucide ou réfléchissante. « Je suppose que vous connaissez tous les propriétés manifestées par la lumière dans
la vie de tous les jours, que vous savez tous que la lumière va en ligne droite, qu’elle se réfracte en entrant dans l’eau,
qu’elle se réfléchit sur un miroir sous un angle égal à l’angle d’incidence […] »27 La lumière se propage de
façon rectiligne dans le vide. Si celle-ci vient à rencontrer un corps, elle n’aura d’autre choix que de
modifier sa trajectoire de différentes manières et cela dépendra du type de matière rencontrée.
b. La diffusion
Nous avons expliqué le phénomène d’absorption de la lumière par une matière.
Inversément, la diffusion de la lumière aura une réaction opposée. Au contact d’une matière
opaque, une partie de la lumière sera encore absorbée mais que se passe-t-il pour la partie restante?
En réalité, la partie lumineuse qui n’a pas été absorbée sera alors diffusée. C’est-à-dire que cette
27 Richard Feynman, Lumière et matière Une étrange histoire p32, Paris, InterÉditions, « Sciences », 1987, 197 p.
28 Anish Kapoor, article le monde
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lumière va être réfléchie et se propager dans toutes les directions. Ce phénomène arrive lorsque la
lumière rencontre une matière qui n’absorbe que peu de longueurs d’onde, comme c’est le cas pour
une matière à couleur claire, par exemple le blanc. C’est cette diffusion qui va souvent attirer notre
regard dans une direction plutôt que dans une autre. En effet, l’œil humain est attiré par la lumière
qu’il dirige vers notre cerveau pour lui révéler, et lui faire comprendre l’existence de tel ou tel objet.
À ce sujet, des élèves de l’Ecole d’Architecture de Saint-Etienne en France, ont réalisé une
expérience assez intéressante. Ils ont essayé de comprendre comment il était possible de «changer la
perception d’un couloir traversé de manière quotidienne »29 . Pour se faire, ils ont déplacé des bandes de
couleur blanche dans d’autres directions que les murs existants, créant ainsi une nouvelle diffusion
de lumière qui attirait le regard sur les bandes plutôt que sur les murs habituels. L’effet a été
immédiat et l’espace a été perçu différemment, insistant sur les jeux de lumière et de regards.
c. La réflexion
Outre les phénomènes complémentaires d’absorption et de diffusion sur les matières
opaques, un autre phénomène vient se greffer sur les réactions de la lumière face aux surfaces
opaques. Il s’agit de la réflexion. La réflexion se distingue de la diffusion par le fait qu’elle renvoie ou
dévie la lumière dans une seule autre direction sous le même angle d’incidence. D’autre part, les
matériaux qui permettent la réflexion se différencient de ceux qui propagent la diffusion. En effet,
sur une surface opaque blanche, il est impossible de voir notre reflet car nous ne distinguons en
réalité que notre ombre. En revanche, les matériaux réfléchissants permettent de voir notre reflet
complètement. Le plus souvent, ce phénomène se produit sur des surfaces comme certains métaux
ou les miroirs. En architecture, les matières miroitantes vont permettre de créer l’illusion dans le
sens où un miroir pourra aller au-delà de la réalité, la dépasser voire l’exacerber. Leur forme, leur
orientation, leur taille vont influencer notre perception de celles-ci et modifier le ressenti de l’espace
par exemple. Ce genre d’illusion dans l’architecture suscitera des émotions. On pourrait se sentir
désorienté et sans repère. Ce sujet sera développé plus profondément ultérieurement.
Il est primordial de différencier les termes transparents et translucides qui portent souvent à
confusion. Transparent signifie : « Qui, se laissant aisément traverser par la lumière, permet de distinguer
nettement les objets à travers son épaisseur. »30, alors que translucide évoque: « Qui laisse passer la lumière, sans
permettre toutefois de distinguer nettement les contours des objets »31 .
a. La transmission
Il est évident que le facteur qui différencie les matières transparentes des matières opaques
réside dans le fait que la lumière peut traverser les matières transparentes alors que les matières
opaques l’absorbent, la diffusent ou la réfléchissent. Ce phénomène propre aux matières
transparentes s’appelle la transmission. La lumière traverse la matière et continue de se propager au-
delà de celle-ci. Il convient de préciser que les matières transparentes ne laissent pas uniquement
passer la lumière mais elles en réfléchissent aussi une partie. Cependant, la perception de la
réflexion dépendra de l’intensité lumineuse et du contraste. « J’imagine que vous savez tous que la lumière
est partiellement réfléchie par une surface, telle que la surface de l’eau. Songez aux innombrables tableaux romantiques
29 http://www.violetteprost.com
30 Petit Larousse illustré (1997), Paris, Larousse
31 Idem
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représentant le reflet du clair de lune à la surface d’un lac. Lorsqu’on regarde la surface de l’eau, on voit à la fois
(surtout le jour) ce qui se trouve au fond de l’eau sous la surface, et ce qui est réfléchi par la surface. Le verre se
comporte de la même façon : si vous allumez une lampe en plein jour dans une pièce et que vous regardez dehors, vous
voyez à la fois les choses qui se trouvent dehors et le reflet (atténué) de la lampe dans la vitre. » 32 Le physicien
Richard Feynman nous fournit ici l’explication de la réflexion qui vient s’ajouter à la transmission de
la lumière dans les matières transparentes. Force est de constater que lorsque la lumière est d’une
intensité moins forte à l’extérieur de la matière transparente, une fenêtre par exemple, la lumière
réfléchie sur le corps transparent sera davantage perçue de l’intérieur et vice versa. En d’autres
termes, le contraste entre l’intérieur et l’extérieur fera davantage ressortir la réflexion que la
transmission. Il en va de même, évidemment, pour les matières translucides sauf qu’elles ont en plus
la particularité de diffuser également la lumière. En effet, les parois translucides laissent passer la
lumière bien qu’il ne soit pas possible de voir distinctement à travers elles. Dès lors, on pourrait
comparer ce genre de matière à des filtres laissant passer la lumière mais ne permettant pas la vue.
Cette matière translucide revêt un grand intérêt dans l’architecture car elle attire le regard, non
seulement parce qu’elle laisse passer la lumière mais aussi parce qu’il est impossible de discerner
clairement ce qui se trouve derrière et cela incite à la curiosité.
Bien que la lumière et le regard soient capables de franchir les parois transparentes comme
le verre, il est cependant impossible de les traverser physiquement. Cette incapacité physique à
traverser une paroi transparente peut engendrer un sentiment de frustration, étant à la fois tellement
proche du monde qui se situe derrière la paroi et en même temps si loin. « La transparence, opposée à
l’opacité, symbolise une relation idéale au monde et aux autres, analogue à la pure surface réfléchissante d’une eau
limpide. Mais cette relation n’est que visuelle. La paroi de verre transparente reste un écran infranchissable autrement
que par le regard. Le regarder est donc renvoyé à lui-même et peut se sentir prisonnier de ce dispositif de transparence
qui maintient une séparation. La transparence se transforme en clôture réflexive. »33
b. La réfraction
La réfraction est un phénomène propre à certaines matières transparentes comme le verre et
l’eau par exemple. Lorsque la lumière traverse ces matières, elle entre dans un nouveau milieu qui
est différent de l’air ce qui va provoquer une déviation de sa trajectoire. Ce phénomène va avoir
comme effet de déformer la perception que l’on a des objets. Par exemple, si on plonge dans l’eau
une règle graduée, on aura l’impression que la partie immergée a changé de trajectoire.
32 Richard Feynman, Lumière et matière Une étrange histoire p32, Paris, InterÉditions, « Sciences », 1987, 197 p.
33Jean-François Chevrier et Claude Pétry « Le miroir, objet de spéculation » dans Claude Pétry (dir.), À travers le miroir de Bonnard à
Buren, Paris, Editions de la Réunion des musées nationaux, « Musée des Beaux-Arts », 2000, pp.24-54
34La Lumière dans l’art depuis 1950, Collectif, Figures de l’art n°17, PUPPA - 2009 / L’art “phénoménal” du Light and Space. Pour
une phénoménologie de l’évanescence », Charlotte Beaufort, Figures de l’art n°12, PUPPA - 2006 / L’art et la lumière, Manuela de
Barros, Leurs lumières, Paris 8 - 2013 (La lumière comme matière site http://mjccaussimon.fr/?La-Lumiere-comme-matiere)
!14
transforment. » 35La lumière est donc une condition sine qua non pour l’existence de la matière à nos
yeux. Mais évidemment, l’inverse est vrai aussi car la lumière ne serait pas visible sans la matière.
« […] Elle habite l’air mais ne se voit qu’en rencontrant la matière… »36 La lumière ne constituerait-elle pas
alors une matière à part entière ?
La lumière défie toutes les lois de la gravité. Elle est présente, flottant dans l’air, tout en
dansant en toute légèreté sur les matériaux, dans la nature, se propageant sur le globe terrestre tel
un « fluide vivant »37 . En anglais, le mot « light » revêt un double sens très intéressant. Effectivement,
il exprime d’abord la lumière mais ensuite il signifie aussi légèreté. En français comme dans les
langues étrangères, la lumière évoque un élément léger et flottant, semblable à une plume qui
s’esquive lorsqu’on souhaite la toucher. Le bureau d’architectes ATELIER 2/3/4/ dans le livre
« Qu’est-ce que la lumière pour les architectes » cite la phrase d’Alberto Campo Baeza : «La lumière construit
le temps, la lumière avec sa capacité ineffable de vaincre la gravité ».
Toutes ces idées tendent encore et toujours à nous rappeler que la lumière est immatérielle :
« Nous traitons la lumière, matière insaisissable et inépuisable, comme une denrée rare et précieuse. »38 . Pourtant, le
fait de lui conférer un facteur « poids » lui donne un caractère matériel. En réalité, il est
complètement erroné de penser que la lumière ne constitue pas une matière puisqu’elle est formée
de particules de matière, infiniment petites, certes, mais de matière tout de même. Nous avons ici la
preuve scientifique que la lumière est en réalité de la matière. En effet, dans son livre « Lumière et
Matière : Une étrange histoire », le physicien Richard Feynman ne fait que répéter que la lumière est
faite de particules : « Je ne saurais trop insister sur cet aspect de la lumière: la lumière est faite de particules. Il est
très important - particulièrement pour ceux d’entre vous qui ont été à l’école, et à qui on a appris que la lumière se
comporte comme une onde - de savoir que la lumière se comporte comme des particules. Croyez-moi : la lumière se
comporte en réalité comme des particules. ».
Par ailleurs, c’est dans l’architecture que la lumière trouve toute son utilisation en tant que
matière à part entière. Les architectes en abusent, se servant des différents matériaux pour insister
sur une chose plus que sur une autre afin que le visiteur ressente ce que le concepteur a voulu
transmettre à travers son œuvre architecturale. « La lumière est une matière de l’architecture. C’est la matière
des matières. Celle qui révèle les autres, leur donne sens, corps; celle qui filtre, accepte le temps. La lumière fixe les
textures, leur offre des variations, définit les limites: elle exprime la matérialité. »39 Grâce à l’architecture, la
lumière est transformée en matière mais gardant sa composante symbolique et mystique, c’est une
matière immatérielle.
35Beckmann/N’Thépé Architectes, dans Alice Dubet (dir.), Qu’est-ce que la lumière pour les architectes, Paris, Archibooks + Sauteareau
Editeur, 2013, pp. 43-45
36 DGLa, dans Alice Dubet (dir.), Qu’est-ce que la lumière pour les architectes, Paris, Archibooks + Sauteareau Editeur, 2013, pp. 59-54
37Arte Charpentier Architectes, dans Alice Dubet (dir.), Qu’est-ce que la lumière pour les architectes, Paris, Archibooks + Sauteareau
Editeur, 2013, pp. 19-22
38 Arte Charpentier Architectes, dans Alice Dubet (dir.), Qu’est-ce que la lumière pour les architectes, Paris, Archibooks + Sauteareau
1981, p. 8
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en communion avec l’esprit du lieu. « Pour acquérir un point d’appui sûr dans la vie, l’homme doit être capable
de s’orienter, il doit donc savoir où il est, mais il doit aussi être capable de s’identifier au milieu, ce qui signifie savoir
comment est un certain lieu. »45
1.2.2 L’immatériel
L’immatériel constitue l’idée. Le vide. L’intangible. L’imaginaire. L’abstrait. Ce que l’on
s’imagine, ce que l’on entend, ce que l’on sent. L’immatériel fait référence à deux autres sens : l’ouïe
et l’odorat. Il provoque également la réflexion car il pousse à l’imagination de ce que l’on ne voit
pas. Essayons de définir le terme « immatériel » lorsqu’on cherche son sens. D’abord, « Qui n’est pas
formé de matière. Incorporel, spirituel. »50, ensuite « Qui est étranger à la matière, ne concerne pas la chair, les
sens. ». 51 Pour pouvoir faire parvenir l’immatériel aux deux premiers sens, il faut bien que celui-ci se
matérialise.
Dans l’architecture, l’immatériel ne constitue pas quelque chose que l’on voit mais plutôt un
ressenti. C’est l’esprit d’un lieu, d’une lumière, d’une ambiance, d’un souvenir qui formera la notion
d’immatériel dans l’architecture. Evidemment, c’est grâce à sa manifestation matérielle par
l’architecture que l’immatériel imposera une certaine atmosphère, un certain sentiment.
45 Idem
46 Le Petit Robert (2006), Paris
47 Idem
48 Idem
49 L.I.Kahn (1955-1974) Lumière blanche, ombre noire (Traduit de l’anglais par Jacques Bosser), Éditions Parenthèses, collection eupalinos
50 Le Petit Robert (2006), Paris
51 Idem
!17
1.2.3 La mémoire
Comme la notion d’immatérialité, celle de mémoire est étroitement liée à notre esprit.
« Faculté de conserver et de rappeler des états de conscience passés et ce qui s’y trouve associé; l’esprit, en tant qu’il
garde le souvenir du passé. »52 ou encore « Ensemble des fonctions psychiques grâce auxquelles nous pouvons nous
représenter le passé comme passé. »53 . Deux mots de ces différentes définitions méritent réflexions :
« souvenir » et « passé ». En effet, la mémoire se caractérise par l’union de ses deux termes.
« Je crois profondément que l’architecture est liée à la mémoire, à la manière de la décrypter, de la fabriquer, de
la transmettre. »54 Cette phrase exprime avec délicatesse et pureté ce que la mémoire est à
l’architecture. Force est de constater que la notion de mémoire dans l’architecture évoque
inévitablement la notion de patrimoine. L’architecture constitue elle-même une mémoire à travers
son patrimoine. En effet, l’architecture est l’un des moyens de transmettre la mémoire, l’histoire,
révélant ainsi les stigmates du passé à travers son patrimoine.
2. Patrimoine maritime
2.1 Interdépendance Patrimoine/Esprit du lieu
« La notion d’esprit du lieu permet de mieux comprendre le caractère à la fois vivant et permanent des
monuments, des sites et des paysages culturels. Elle donne une vision plus riche, dynamique, large et inclusive du
patrimoine culturel. »59 La notion d’esprit du lieu va de pair avec celle de patrimoine. En effet, c’est
dans des lieux anciens que l’on s’imprègne d’un esprit qui donne envie de le pérenniser. Qu’elle soit
culturelle, monumentale, naturelle ou même encore religieuse, la mémoire liée à ces lieux est tantôt
matérielle tantôt immatérielle. « Tenir compte de toutes les dimensions de l’esprit et du lieu nous permet d’avoir
un patrimoine plus inclusif, participatif, dynamique et riche. »60
De prime abord, il semblerait que le patrimoine architectural soit constitué du patrimoine
matériel à part entière. Or, le patrimoine immatériel reste présent, sans aucun doute, dans nos
édifices anciens mais cela dépend aussi du lieu et de l’esprit qui lui est associé. Le patrimoine est
constitué, évidemment et avant tout, de la mémoire. D’abord, la mémoire matérielle, celle qui se
forme par les traces palpables, et dont le patrimoine est encore visible aujourd’hui et pour les
générations futures. Il s’agit, par exemple, de ruines d’un château ou d’un territoire détruit par la
guerre. Néanmoins, même si les traces encore existantes sont matérielles, il y a une autre partie de
celles-ci qui forme la mémoire immatérielle des lieux. Ce côté de la mémoire se transmet souvent de
génération en génération, par le biais d’histoires racontées, pour assurer sa pérennité.
Malheureusement, cette situation n’est pas toujours possible et les traces restent parfois difficiles à
retrouver. La sauvegarde de l’esprit du lieu et de sa mémoire n’est garantie que lorsqu’un
patrimoine, issu de notre histoire, témoigne sa présence de manière matérielle et immatérielle dans
notre présent. « L’idée de patrimoine se trouve au cœur d’une configuration socio-culturelle dans laquelle sont
57L.I.Kahn (1955-1974) Lumière blanche, ombre noire p.28 (Traduit de l’anglais par Jacques Bosser), Éditions Parenthèses, collection
eupalinos
58L.I.Kahn (1955-1974) Lumière blanche, ombre noire p.28 (Traduit de l’anglais par Jacques Bosser), Éditions Parenthèses, collection
eupalinos
59 Déclaration du Québec sur la sauvegarde de l’esprit du lieu, CANADA (2008)
60 L.Turgeon L’esprit du lieu : entre matériel et immatériel, colloque
!19
étroitement imbriquées les notions de, transmission, de mémoire, d’histoire, de territoire, d’identité, de temps et même de
sacré. »61
L’Article 13 de la Charte de Nara sur l’authenticité stipule : « Selon la nature du monument ou du
site, son contexte culturel et son évolution dans le temps, les jugements sur l'authenticité sont liés à quantité de sources
d'information variées. Ces dernières peuvent comprendre conception et forme, matériaux et substance, usage et fonction,
traditions et techniques, situation et emplacement, esprit et sentiment, ou autres facteurs internes ou externes à l’œuvre.
L'utilisation de ces sources offre la possibilité l’examen du patrimoine culturel dans ses dimensions artistique, technique,
historique et sociale spécifiques. ». Force est de constater ici, le lien entre patrimoine et esprit du lieu. En
effet, ces deux notions sont étroitement liées pour la préservation de l’authenticité d’un patrimoine
immatériel. La notion de patrimoine n’est pas réservée à l’architecture. En effet, il existe d’autres
lieux naturels, des souvenirs constituant un patrimoine en soi. Malheureusement, ces lieux sont
démunis d’architecture ou de patrimoine matériel pouvant former une base à la reconstitution de
l’esprit du lieu ou de sa mémoire. Pour ne citer qu’un exemple tout le territoire Syrien décimé par la
guerre. Ici, une architecture nouvelle peut être établie permettant ainsi d’ajouter sa part de
matérialité, nécessaire pour garantir le maintien de l’esprit du lieu immatériel.
Comme l’esprit du lieu, le patrimoine est composé d’éléments matériels et immatériels.
Malheureusement, le patrimoine est souvent considéré comme quelque chose de vieux, de démodé
ou même encore de passé. Pourtant il n’en est rien, la « définition du « patrimoine » le sens premier du mot -
ce qui est transmis par le père-, […] »62 . Il n’est pas forcément obligatoire de toujours associer patrimoine
avec conservation. Tout comme l’esprit du lieu, le patrimoine est lié à la culture et évolue avec son
temps lui conférant un second souffle, en apportant de nouvelles pierres à l’édifice, afin de le
transmettre, de manière moderne, aux générations futures « L’idée du patrimoine est profondément liée à la
conception nouvelle du développement d’un temps linéaire, tendu vers le futur, opposé au temps cyclique éternellement
reproductible de saisons, qui fut, durant des millénaires, celui des sociétés humaines prémodernes. »63 . Ray Riley
exprime parfaitement la modernité du patrimoine dans « Patrimoine maritime au Royaume-Uni: quelques
exemples » en le définissant comme étant « l’utilisation contemporaine du passé ».
61Françoise PÉRON, « Construction, signification, rôle social et géographique », dans Françoise PÉRON (dir.), Le Patrimoine maritime
Construire, transmettre, utiliser, symboliser les héritages maritimes européens, Rennes, Presse Universitaire de Rennes, « Art & Sociétés », 2002,
pp.15-33
62Jacques VAN WAERBEKE, « Patrimonialisation immatérielle et ville portuaire Marseille dans l’œuvre de Jean-Claude Izzo », dans
Françoise PÉRON (dir.), Le Patrimoine maritime Construire, transmettre, utiliser, symboliser les héritages maritimes européens, Rennes, Presse
Universitaire de Rennes, « Art & Sociétés », 2002, pp. 124-129
63Françoise PÉRON, « Construction, signification, rôle social et géographique », dans Françoise PÉRON (dir.), Le Patrimoine maritime
Construire, transmettre, utiliser, symboliser les héritages maritimes européens, Rennes, Presse Universitaire de Rennes, « Art & Sociétés », 2002,
pp.15-33
64Ray RILEY, « Patrimoine maritime au Royaume-Uni: quelques exemples», dans Françoise PÉRON (dir.), Le Patrimoine maritime
Construire, transmettre, utiliser, symboliser les héritages maritimes européens, Rennes, Presse Universitaire de Rennes, « Art & Sociétés », 2002,
pp. 51- 57
!20
que l’on retrouve au sein même du nationalisme, du langage, de la religion et des traditions culturelles […] »65. Le
patrimoine maritime s’est construit à partir des différents héritages de l’histoire comprenant : « […]
des bateaux (militaires, de travail, de plaisance), des bâtiments (forteresses, arsenaux, abris du marin…), des quais,
des docks, des outils, des façons de faire, des rites, des chansons, des objets de matelotage, des lettres et témoignages
divers, des paysages liés à des techniques de maîtrise de l’eau (salines) à des sociétés maritimes (quartiers portuaires),
des textes littéraires ayant conditionné les perceptions des milieux marins de générations successives de lecteurs, et même
des animaux marins imaginaires issus de périodes antérieures (tels le serpent de mer ou la pieuvre géante). »66
65 Idem
66Françoise PÉRON, « Construction, signification, rôle social et géographique », dans Françoise PÉRON (dir.), Le Patrimoine maritime
Construire, transmettre, utiliser, symboliser les héritages maritimes européens, Rennes, Presse Universitaire de Rennes, « Art & Sociétés », 2002,
pp.15-33
67Marc PABOIS, « Le patrimoine maritime : prise de conscience et évolution des mentalités », dans Françoise PÉRON (dir.), Le
Patrimoine maritime Construire, transmettre, utiliser, symboliser les héritages maritimes européens, Rennes, Presse Universitaire de Rennes, « Art &
Sociétés », 2002, pp. 108-114
68 Guy DI MÉO, « Retrouver la mer par l’imaginaire et la fiction », dans Françoise PÉRON (dir.), Le Patrimoine maritime Construire,
transmettre, utiliser, symboliser les héritages maritimes européens, Rennes, Presse Universitaire de Rennes, « Art & Sociétés », 2002, pp. 241-243
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pouvons définir le patrimoine portuaire et maritime comme étant le point de contact entre la terre
et la mer. Les traditions et cultures maritimes nous renvoient à celles de la terre. Il conviendrait de
parler plutôt d’un patrimoine littoral plutôt que maritime. « Au fond, les cultures auxquelles fait référence le
patrimoine maritime sont davantage littorales que maritimes, au sens strict du terme; des cultures d’imbrication de la
terre et de la mer. »69.
« Il y a, à mon avis, une série d’éléments, des caractéristiques invariantes, matérielles et immatérielles qui
composent le genius loci de plusieurs villes historiques de la Méditerranée. Cet esprit s’est enrichi pendant des siècles au
cours des différentes phases de développement et de croissance grâce à des mouvements successifs de conquête et de
69Françoise PÉRON, « Les patrimoines maritimes, quelles originalités communes ? », dans Françoise PÉRON (dir.), Le Patrimoine
maritime Construire, transmettre, utiliser, symboliser les héritages maritimes européens, Rennes, Presse Universitaire de Rennes, « Art & Sociétés »,
2002, pp. 241-243
70Philippe LACOMBE, « Le patrimoine maritime frénésie et/ou contournement ? », dans Françoise PÉRON (dir.), Le Patrimoine
maritime Construire, transmettre, utiliser, symboliser les héritages maritimes européens, Rennes, Presse Universitaire de Rennes, « Art & Sociétés »,
2002, pp.115-120
71 Nathalie Roelens, « La Villes et ses prosopopées fabuleuses », dans Nathalie Roelens (dir.), L’imaginaire : texte et image, Boston,
« Interaction », 2015
72 Françoise PÉRON , « Avant-propos », dans Françoise PÉRON (dir.), Le Patrimoine maritime Construire, transmettre, utiliser, symboliser les
héritages maritimes européens, Rennes, Presse Universitaire de Rennes, « Art & Sociétés », 2002, pp. 9-12
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migration, dont la mer a été justement le véhicule essentiel. »73 . L’esprit du lieu méditerranéen se caractérise
par des composantes invariables matérielles et immatérielles parmi lesquelles nous retrouvons : la
stratification urbaine, soit le palimpseste historique de la ville, une typologie propre à l’habitat
méditerranéen, des structures urbaines qui s’adaptent à différents facteurs et enfin les ambiances
urbaines, les voix, les couleurs, les traditions etc…
73 Teresa Colleta, Une réflexion sur l’esprit du lieu de la ville méditerranéenne, colloque, Université de Naples Federico II
74 Petit Larousse illustré (1997), Paris, Larousse
75 Nathalie Roelens, « La Villes et ses prosopopées fabuleuses », dans Nathalie Roelens (dir.), L’imaginaire : texte et image, Boston,
« Interaction », 2015
76Christian Norberg-Schulz, Genius Loci : Paysage, Ambiance et Architecture, Sprimont, (Traduction française Pierre MARDAGA), Hayen,
1981, p. 5
!23
restent très générales ou stéréotypées mais peuvent cependant varier d’une ville à l’autre. « La
recherche sur les systèmes constructifs traditionnels a mis en relation les modalités de construction avec les conditions du
contexte et a mis en évidence aussi des éléments technologiques qui se répètent (les toits à terrasse, les maisons en pierres,
les arches, les voûtes et les coupoles « in battuto », mais aussi escaliers ouverts avec arches sur les routes, les petits
escaliers- i gradoni, le gradelle- les passages couverts avec voûtes- i sottopassi- les petites routes cailloutées, etc.) et qui
constituent le lexique commun d’un langage qui exprime l’habitat humain de ces lieux »77.(le texte entre guillemets
a été écrit par la professeur italienne. Je me suis permis de corriger quelques fautes bien excusables
mais j’ai laissé la formulation inchangée.)
77 Teresa Colleta, Une réflexion sur l’esprit du lieu de la ville méditerranéenne, colloque, Université de Naples Federico II
78Françoise PÉRON, « Construction, signification, rôle social et géographique », dans Françoise PÉRON (dir.), Le Patrimoine maritime
Construire, transmettre, utiliser, symboliser les héritages maritimes européens, Rennes, Presse Universitaire de Rennes, « Art & Sociétés », 2002,
pp.15-33
79 Spécificités du patrimoine architectural Méditerranéen, Colloque, Fréjus, http://cicrp.info/wp-content/uploads/2016/11/Ripam5.pdf
80 Teresa Colleta, Une réflexion sur l’esprit du lieu de la ville méditerranéenne, colloque, Université de Naples Federico II
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CHAPITRE III : LA LUMIÈRE ET ARCHITECTURE, SOURCE
RÉVÉLATRICE DE L’ESPRIT DU LIEU D’UN PATRIMOINE OUBLIÉ
1. L’esprit du lieu dans la lumière de l’architecture
1.1 Révélation de l’esprit du lieu par la lumière dans l’architecture
Il est vrai que la lumière est très souvent considérée comme un élément immatériel utilisé par
l’architecte comme matériau pour révéler l’esprit du lieu. Les différents jeux de lumière pourront
distiller des ambiances et des atmosphères pleines de nuances et de sensibilité qui permettront au
visiteur d’y trouver ce qu’il cherche. La responsabilité de l’architecte est énorme. La lumière va
révéler l’identité du lieu et permettra de transcender le matériel par l’immatériel. Ainsi, chacun y
trouvera un ressenti personnel de l’espace et y créera un espace vécu par un espace perçu. « Depuis
que l’humanité a été en mesure de représenter son environnement, la lumière a été un excellent moyen de communiquer
les idées et les émotions.»81 La lumière est synonyme de pouvoir révélateur comme nous avons pu le voir
en confrontant la signification de la lumière au temps et aux cultures. L’esprit du lieu lui aussi
dépendra toujours des cultures et de l’histoire qui lui est liée car il est lui-même synonyme de
mémoire. Il semble alors judicieux d’utiliser la lumière pour caractériser l’esprit d’un lieu puisqu’ils
sont tous deux dépendants d’une même culture et d’une même histoire. « En chaque lieu, l’homme a dû
s’adapter en inventant des dispositifs pour filtrer l’exacte quantité du rayonnement solaire. Ses découvertes techniques,
combinées aux matériaux locaux, ont façonné un art de bâtir qui, harmonieux, a composé l’esprit du lieu. »82.
De prime abord, il semblerait que la lumière soit une composante immatérielle de l’esprit du
lieu. Le pouvoir révélateur de la lumière apparaît non seulement à travers sa matérialisation dans
l’architecture mais elle a aussi ce don de rendre visible l’invisible, de rendre perceptibles les éléments
intelligibles comme Dieu. On peut retrouver cette théorie dans la métaphysique de la lumière datant
du Moyen-Age. Pour que l’esprit du lieu se perpétue, il se doit d’exister par l’expression de
l’immatériel par le matériel. Or, la lumière lui confère ce pouvoir révélateur, d’abord de manière
mystique, et ensuite par le biais de sa qualité en matière architecturale. De ce fait, il semble évident
que la lumière soit en réalité un outil au pouvoir révélateur, qui, à travers l’architecture, sera mis au
service de l’esprit du lieu, lui garantissant la pérennité à travers les âges. « L’émotion en architecture
provient toujours de la parfaite adéquation entre les singularités d’un lieu et la pertinence d’une
technique constructive, domptant, pour un temps en tout cas, la puissance de la lumière
primitive. »83
81Richard Zarytkiewicz, « L’enseignement de l’histoire de la vision de la lumière à travers les âges et les cultures », Professional Lighting
Design, n°100, janvier-février 2016
82Gaëtan Le Pendule Architectes, dans Alice Dubet (dir.), Qu’est-ce que la lumière pour les architectes, Paris, Archibooks + Sauteareau
Editeur, 2013, pp. 91-92
83 Idem
!25
1.2.1 La cathédrale d’Amiens et l’Abbaye Sainte-Foy de Conques
Dans cette magnifique cathédrale gothique érigée au 13e siècle, esprit du lieu et lumière ne
font qu’un. C’est Robert de Luzarches qui définit la conception de l’édifice et lui confère une grande
unité stylistique. On peut dire que la perfection du gothique classique est atteinte grâce à la clarté de
la structure architecturale et la maitrise de la verticalité. Les voûtes s’élèvent à 42,5 mètres de
hauteur. Cette structure gracile est baignée de lumière. Dans le transept, l’élévation est à trois
niveaux et le triforium à claire-voie, permettent un éclairage très généreux, encore accru par les
deux grandes rosaces. C’est un modèle à retenir pour toute architecture future désirant allier esprit
du lieu et lumière.
En effet, la cathédrale est le symbole de la maison de Dieu. « La cathédrale n’est pas seulement un
bel et puissant édifice, paré d’ornements, elle devient un rêve d’église, une utopie d’architecture, une image terrestre de la
Jérusalem céleste comme l’a proclamé Suger. Elle s’élance à l’assaut du ciel et laisse largement pénétrer la lumière venue
de Dieu. Le mur disparait au profit du vide et de la couleur des vitraux qui l’éclairent de chatoiements célestes et invitent
le fidèle à la méditation. »84 Ce lieu ancien, n’échappe toutefois pas à l’évolution inévitable de l’esprit
du lieu. Les changements des vitraux au cours du temps en sont une bonne illustration. En effet,
ceux-ci ont dû faire l’objet de rénovations pour garder la lumière à l’intérieur de la cathédrale. Il
semblerait que les vitraux d’antan étaient beaucoup plus sombres, dû à la saleté et ne laissaient donc
pas réellement entrer la lumière. La cathédrale était éclairée par l’unique couleur des vitraux de
l’époque représentant des scènes bibliques à but didactique pour les profanes. Ce faible éclairage
conférait à la cathédrale une ambiance encore plus mystique qu’aujourd’hui.
Ainsi par exemple, à l’Abbatiale romane Sainte-Foy de Conques, Pierre Soulage a effectué
une rénovation des anciens vitraux transparents lui conférant ainsi une lumière beaucoup plus claire
et sobre. Une lumière très claire et très pure caresse l’architecture de la cathédrale nous permettant
de nous rendre compte de sa complexité et de sa perfection constructive. L’esprit du lieu est alors
toujours le même mais ressentit de manière différente en accord avec le désir de l’Ordre des
Prémontrés. « Les vitraux de Pierre Soulages expriment ainsi le passage du temps. Leur nature « physique » est un
tremplin pour une expérience poétique, une méditation d’ordre métaphysique. Elle révèle une lumière qui, selon les mots
de l’artiste, « propose de la contemplation, du silence, de la concentration, de l’intériorité »85
LIVRES
Duborgel Bruno, «Pierre Soulage, Conques/ La lumière révélée»
R. Flanagan (2013) La route étroite vers le nord lointain traduit de l’anglais par France Camus-Pichon,
ACTES SUD, France
Abdelouahab Bouchareb, « Vitruve : temples et lumière », Cahiers des études anciennes, XLVIII | 2011,
325-342.
E. Panosfsky (1967) Architecture gothique et pensée scolastique (traduction et postface de Pierre Bourdieu)
Le sens commun, Paris, les éditions de minuit
R. Recht (1999) Le croire et le voir l’art des cathédrales (XIIe-XVe siècle) Bibliothèque des Histoires, Paris,
éditions Gallimard
L.I.Kahn (1955-1974) Lumière blanche, ombre noire (Traduit de l’anglais par Jacques Bosser), Éditions
Parenthèses, collection eupalinos
F. Schwarz (2012) Symbolique des cathédrales, p.22, Les Éditions du Palais, Paris
Richard Feynman, Lumière et matière Une étrange histoire , Paris, InterÉditions, « Sciences », 1987, 197 p.
Jean-François Chevrier et Claude Pétry « Le miroir, objet de spéculation » dans Claude Pétry (dir.),
À travers le miroir de Bonnard à Buren, Paris, Editions de la Réunion des musées nationaux, « Musée des
Beaux-Arts », 2000, pp.24-54
Marc Mimran, Penser la ville par la lumière, Paris, Éditions La Villette, 2003, p.50
Françoise PÉRON (dir.), Le Patrimoine maritime Construire, transmettre, utiliser, symboliser les héritages
maritimes européens, Rennes, Presse Universitaire de Rennes, « Art & Sociétés », 2002, pp.15-33
Nathalie Roelens, « La Villes et ses prosopopées fabuleuses », dans Nathalie Roelens (dir.),
L’imaginaire : texte et image, Boston, « Interaction », 2015
!29
CHARTES ET COLLOQUES
L.Turgeon L’esprit du lieu : entre matériel et immatériel, colloque
La Lumière dans l’art depuis 1950, Collectif, Figures de l’art n°17, PUPPA - 2009 / L’art
“phénoménal” du Light and Space. Pour une phénoménologie de l’évanescence », Charlotte
Beaufort, Figures de l’art n°12, PUPPA - 2006 / L’art et la lumière, Manuela de Barros, Leurs
lumières, Paris 8 - 2013 (La lumière comme matière site http://mjccaussimon.fr/?La-Lumiere-
comme-matiere)
Teresa Colleta, Une réflexion sur l’esprit du lieu de la ville méditerranéenne, colloque, Université de Naples
Federico II
http://desfontaines.blog.lemonde.fr/2006/09/04/2006_09_la_tourette/
https://etudesanciennes.revues.org/341#text
http://www.icomos.org/victoriafalls2003/articles_fre.htm
http://www.lan-paris.com/fr/writings/quest-ce-que-la-lumiere-pour-les-architectes
http://www.crdp-montpellier.fr/themadoc/Architecture/reperes2.htm
https://fr.wikipedia.org/wiki/Vitruve
http://la-philosophie.com/platon-caverne-allegorie
http://www.couventdelatourette.fr/le-batiment/presentation.html
http://www.lumiere2015.fr/culture/
http://lewebpedagogique.com/choukette/files/2011/12/La-lumière.pdf
http://www.violetteprost.com
DOCUMENTAIRES
Film ARTE Le couvent de la tourette de Le Corbusier
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