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INTRODUCTION
La criminologie clinique est en effet mal connue, mal située par rapport à
l'ensemble des sciences humaines et de la pratique psychiatrique ou
psychologique. La criminologie clinique est cependant aujourd'hui en plein
développement.
Elle a pour objet d'étudier la personnalité criminelle (c’est-à-dire l'étude
individuelle du délinquant) et son état dangereux, de porter un pronostic sur son
comportement futur mais aussi d'élaborer des mesures, des moyens, des
programmes de traitement et de prophylaxie susceptibles d'éviter la récidive du
délinquant et de favoriser sa réadaptation.
La démarche proposée ici étant clinique, c'est-à-dire centrée sur le sujet, le fil
conducteur de l'ouvrage est le passage à l'acte criminel. De là nous examinerons
naturellement les différents éléments de cette situation d'exception : l'auteur
criminel, les crimes et délits, la victime, le chemin de la pensée à l'acte criminel,
les conditions de développement de l'acte, etc.
Il est indispensable pour le lecteur averti d'approfondir ses connaissances dans les
livres spécialisés. Ici nous voulons essentiellement proposer une initiation à la
criminologie clinique en exposant des éléments de base pour permettre un premier
abord de cette discipline.
Chap I
§1. Définition de la criminologie
Dans une société évoluée comme la nôtre, c'est la justice qui assure cette fonction.
Elle agit dans la conformité à la loi, sanctionne le crime à son juste prix (par le
Code pénal), prévient son apparition par les mesures de prévention et de
réadaptation du criminel.
Il existe pour De Greef deux grandes catégories de délinquants : ceux chez qui
existe en quelque sorte un processus criminogène solidifié, une sorte d'état
structuré d'indifférence affective dont l'explication doit être recherchée sur le plan
génétique et ceux qui commettent des crimes au terme d'un processus criminog.ne
évolutif et réactionnel, suivant que le « Je » consent, tolère ou est aveuglé.
C'est le « Je » qui choisit, qui décide et qui agit. Par-là, dit-il, le crime présente
« un formidable aspect moral ». En prenant comme exemple l'homicide utilitaire,
De Greef a décrit diverses étapes du passage à l'acte criminel à partir d'un schéma
emprunté à un auteur, Raoul Allier dans un livre sur « la conversion religieuse des
pré-civilisés ».
Il reprend notamment la phase, celle de l'acquiescement mitigé ou l'idée
criminelle se présente en quelque sorte indirectement, celle de l'assentiment
formulé et celle de la crise où le sujet constate qu'il devra passer à l'acte. Ces trois
stades jalonnent le développement de toute impulsion agressive que l'on rencontre
chez tous les individus.
Mais chez presque tous l'impulsion s'amoindrit rapidement. Alors que chez le
criminel assassin, celui-ci s'impose à lui-même un processus avilissant, se
préparant ainsi à devenir capable de tuer, à régresser suffisamment pour que son
acte devienne possible. Pour le crime passionnel, De Greef a ajouté à ce cadre
général le processus de réduction et le processus de suicide, le premier amenant
l'être aimé à être dévalorisé, à être dépouillé de ses aspects « sympathiques », le
second à se désengager totalement après son acte jusqu'au suicide.
Pour Matza, il existe une sous-culture délinquante qui participe autant à la culture
conformiste qu'à un système criminel; les mécanismes psycho-sociaux, négation
de la culpabilité, sentiment d'injustice subie trouvant leur origine et leur appui à
partir de la déformation, extension ou justification abusive de la doctrine officielle
repris au compte du système délinquant. Néanmoins, le « drift » ne constitue
nullement en lui-même l'impulsion criminelle. Le passage à l'acte criminel dépend
de la volonté du jeune. Celle-ci dépend dans son développement de la préparation,
de l'apprentissage, du désespoir, du sentiment de fatalisme.
Certains criminologues pensent qu’il existe toujours des raisons qui expliquent le
passage à l’acte criminel comme, un assassinat, un meurtre… Souvent, ces raisons
nous allons les retrouver dans des explications simples : elle n’a pas eu une
enfance heureuse, ses parents la maltraitaient, elle buvait beaucoup, elle n’a pas
supporté sa grossesse, son mari l’a quittée ou ne lui consacrait aucun moment, elle
n’avait plus d’argent pour nourrir ses enfants… Bref toute une série de raisons ou
des causes qui viendraient expliquer directement et facilement les faits, sans
prendre le temps indispensable de la compréhension. La criminologie du fait
social ou étiologique essai d’expliquer ce qui s’est passé en distinguant des causes
biologiques, psychologiques ou sociales et en tentant éventuellement de
comprendre comment tous ces éléments jouent ensemble dans une explication
globale satisfaisante (C. Adam, 2014). Nous disons que cette manière de voir est
utile mais suffisante. Elle ouvre certaines portes mais elle ne dit pas l’essentiel.
Pour certains auteurs, la loi pénale crée l’infraction (pas le comportement bien
entendu, mais son existence en tant que crime) par son institution même (Robert,
1984,107). Ou encore : pas de crime sans incrimination préalable, pas de crime
sans une « réaction sociale » préalable à un acte débouchant sur sa définition
comme crime (...). La règle pénale est constitutive du crime, sans référence à elle,
il est aussi impossible de parler de crime qu’il l’est de parler de football sans
référence aux règles de ce jeu (Robert, 1995,269). Le crime, ce n’est donc pas un
fait brut mais bien le rapport entre un acte et une manière de définir celui-ci (Pires,
1995a, 65). De manière logique, la perception du criminel bouge également et se
fait elle aussi constructiviste d’individu pathologique, doté d’une personnalité
particulière : le criminel ou «déviant», devient le produit d’un processus de
labelling ou d’étiquetage. Le déviant, c’est celui qui commet un acte défini
comme crime et qui, au terme de son parcours dans le système pénal, sera nommé
et étiqueté comme tel (Becker, 1963).
Les questions du genre : «boni boni moto oyo abuki mobeku» ? ebandi ndenge
nini abuka mobeko » to akoma mobuki mibeko » ? «po nani asali boye, ou encore
ebandi ndenge nini aya kokoma bongo to koya kosala makambu ya boye, nini
etindi ye asala bongo ?» traversent la mémoire de beaucoup de Congolais. Les
réponses souvent qui y sont données sont d’ordre spirituel, démoniaque ou
pathologique. Les criminels répondent souvent qu’ils ne savent ce qui leur arrive,
ou qu’ils sont possédés par les esprits mauvais. Il est parfois difficile de concilier
les réponses d’ordre spirituel à celles d’ordre scientifique. Il est « ndumba » ou
pute parce qu’il (elle) est de X tribu, il est voleur parce que c’est un signe de
bravoure dans sa tribu…. Mais question est celle de savoir pourquoi tout le monde
dans cette tribu ne sont pas de pute ou de voleur ? C’est ici que les approches
scientifiques peuvent nous être utiles pour expliquer ou comprendre le passage à
l’acte délinquant.
LA CRIMINALITE
Nous avons jusqu'ici étudié le passage à l'acte criminel dans son développement
et son déroulement individuel. Pour saisir pleinement le phénomène criminel, il
nous faut à présent le situer comme un phénomène de société, bref un phénomène
collectif. La criminalité désigne ainsi l'ensemble des infractions pénales qui se
produisent au cours d'une période et dans une région donnée. Il s'agit d'un
phénomène quantitatif qui ne peut être étudié qu'à partir de statistiques
criminelles. Il est courant aujourd'hui d'articuler le phénomène individuel avec le
phénomène collectif. Ainsi, dès que le crime est analysé sur le plan qualitatif de
la personne du criminel, il est interrogé aussitôt sur le plan quantitatif, c'est-à-dire
sur le plan de son existence, de sa place dans la société. La presse se fait de nos
jours l'écho de ces interrogations en soulignant l'influence du milieu social global,
de l'environnement sur les situations précriminelles, en évoquant par exemple
l'augmentation de la criminalité par les guerres, les crises économiques,
l'affaiblissement des structures sociales, des structures familiales, en stigmatisant
l'insuffisance de la présence polici.re dans un quartier, en incriminant un seuil
délinquantiel (notion mise à la mode par Kinberg). Certaines théories comme celle
de J. Pinatel insistent sur cette articulation en montrant l'influence des facteurs de
société sur le développement de la formation de la personnalité criminelle.
La société est criminogène car elle stimule, favorise le développement des traits
de la personnalité criminelle. Ainsi pour J. Pinatel la société contemporaine agit
sur « le noyau central » de cette personnalité en hypertrophiant les traits
d'égocentrisme, de labilité, d'agressivité et d'indifférence affective. L'auteur décrit
également divers processus socio-criminogènes comme l'indigence économique
et culturelle dans la délinquance d'inadaptation, l'opposition juvénile qui renvoi
les jeunes vers la violence et la drogue, l'imitation bureaucratique dans le
phénomène criminel du trafic de drogues, etc.
Il existe enfin des statistiques scientifiques établies par des chercheurs, comme
des statistiques publiques dress.es par des organismes officiels divers (minist.res,
INSEE, etc.).
Les résultats obtenus à l'aide de l'analyse de ces statistiques ont des portées
limit.es car elles laissent dans l'ombre des donn.es non mesurables. En effet, les
statistiques criminelles ne mesurent à dire vrai que la criminalité apparente c'est-
à-dire les crimes découverts ou portés à la connaissance des services de police et
légale, c'est-à-dire les crimes punis. La criminalité réelle reste une inconnue. Il
existeé entre la criminalité apparente et réelle, ce qu'on a appelé le chiffre noir de
la criminalité ou encore la criminalité cachée.
Pour Quetelet il existerait entre la criminalité connue et celle cachée un écart
constant. Cette opinion n'est guère partagée par les criminologues contemporains.
L'analyse fine des statistiques criminelles permet de voir qu'elles ne mesurent en
dernier ressort que les infractions connues. Celles-ci doivent être visibles,
dénoncées par les victimes sachant que des crimes sans victime existent. De m.me,
comme le fait remarquer Barberger-Damamme C., il faut retenir que beaucoup de
d.lits ne parviennent pas jusqu'à la Police étant réglés à un autre niveau (d.lits
.conomiques, fiscaux, etc.).
Le retour à la vie libre doit être une période de postcure, de réadaptation sociale
avec utilisation du régime progressif, mise à l'épreuve, libération conditionnelle,
etc. Le problème qui reste posé est celui de l'efficacité du traitement
criminologique. Celui-ci apparaît en France essentiellement développé dans le
domaine des mineurs. Mais même dans ce domaine, les moyens mis en œuvre
sont insuffisants. En effet, sensibles aux opinions publiques, elles-mêmes
promptes à s'alarmer, mais aussi promptes à s'assoupir, administrations comme
gouvernements sont souvent sujets à des changements d'attitude allant d'un excès
de sévérité à une certaine forme de laxisme, d'où des politiques en matière
criminelle pas toujours cohérentes. Il faut dire que les recherches en criminologie
sur l'efficacité des peines et traitements délinquants ont abouti à des résultats plut.t
décevants, d'où le désenchantement et le scepticisme actuel. Par ailleurs, il existe
une confusion fâcheuse entre traitement et thérapeutique. Le programme de
traitement du délinquant s'inspire trop manifestement du modèle médical. Il
semble assimiler le délinquant au malade et poser la question équivoque « faut-il
traiter plutôt que punir? ». Pour certains auteurs, cette attitude thérapeutique
affaiblit l'action de la répression. Or, l'équivoque, aujourd'hui, est qu'il n'existe
pas encore de toute évidence une « médecine du crime ». Ainsi, Jussy écrit peut-
être avec pertinence : « On n'ose plus punir, tandis qu'on ne sait pas traiter ».
Cette affirmation sans doute quelque peu polémique, a le mérite de marquer les
limites du traitement criminologique. On ne peut en effet, concevoir le traitement
du crime, à travers seulement le traitement individuel du criminel. Le traitement
criminologique doit s'envisager dans le cadre large d'un programme
criminologique, englobant prévention, lutte contre la criminalité, mais aussi
transfert éventuel de certaines charges du système pénal sur d'autres systèmes,
révision des concepts trop anachroniques, désuets ou sans fondement. La
criminologie clinique ne doit pas se limiter à la criminalité apparente, aisée à
découvrir. Elle doit envisager une stratégie plus approfondie, et à plus long terme
pour démasquer la criminalité cachée.