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06/09/2022 09:37 La mort collective - Chapitre 6.

Quand l’événement se fait résistant - CNRS Éditions

CNRS
Éditions
La mort collective  | Gaëlle Clavandier

Chapitre 6. Quand
l’événement se fait
résistant
p. 215-231

Texte intégral
1 Tout au long de cette recherche, nous avons vu à l’œuvre une
dialectique qui manifeste un désir de passage entre un avant
et un après, passage d’un désordre subi à un retour à la
normale choisi. Ce désir se perçoit à plusieurs niveaux : celui
des pouvoirs publics pour qui le retour à l’ordre est un
témoignage de leur capacité à traiter des situations
potentiellement dangereuses, celui des populations affectées
par un drame ou de celles qui entretiennent une certaine
familiarité avec lui, qui voient dans ce retour la possibilité de
vivre comme avant. Ce désir a une consistance qui se traduit

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par l’inscription du drame dans une perspective temporelle.


La structure du traitement social de la mort collective serait
mue par ce passage. Tout serait organisé en fonction de sa
réalisation. Pour cela il faut comprendre et formaliser les
faits en événement, pour envisager l’action ; agir dans le sens
d’une socialisation en vue de culturaliser un drame que l’on
perçoit comme une agression extérieure ; prendre en charge
les victimes (décédées ou non) et reconstruire les territoires
dévastés pour effacer toute trace morbide  ; élaborer un
souvenir normé conforme au projet d’une mémoire
commémorative.
2 Les différents traitements post-catastrophiques déployés
entrent dans un processus d’ordonnancement encouragé par
le désir d’un passage d’une situation chaotique subie,
porteuse de potentialités nouvelles, à une situation
ordinaire, celle que l’on connaissait avant le drame, une
situation dans laquelle on peut se repérer. L’étude des
figures prises par ce passage a permis de dégager trois
modèles concurrents qui se sont succédé dans l’histoire. Or,
du fait d’une évolution de la représentation des morts
collectives, ce passage est moins évident et nécessite un
traitement spécifique davantage organisé et suivi. Cette
difficulté supplémentaire tient en particulier au fait que,
désormais, l’homme est responsable tant du drame que de
ses effets et des solutions apportées. De ces nouvelles
conditions naissent d’autres alternatives. Le désir de passage
se manifeste dans la prévention, l’anticipation des drames,
mais aussi dans une demande de donner du sens face à une
complexification de nombreux paramètres. Ce savoir social
de la catastrophe a toujours existé, même s’il est négligé par
les experts, d’où parfois l’échec des informations
préventives.
3 L’objet de ce chapitre conclusif sera d’analyser les difficultés
contemporaines à envisager une transition définitive entre la
catastrophe au sens large et son traitement pour ensuite
examiner certains des recours mis en œuvre par les
différentes populations pour minimiser cet obstacle.

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UN « PASSAGE IMPOSSIBLE »
4 Ce passage, entre une situation de départ le plus souvent
subie et une situation d’arrivée, est délicat. Pour preuve,
l’incendie du « 5/7 », du fait d’un déficit de cohésion entre le
groupe des familles de victimes et les pouvoirs publics
locaux, a occasionné un refoulement de l’accident de type
pathologique. Le deuil n’a pas été effectué ou il l’a été dans
de mauvaises conditions. Les familles se sentent rejetées,
abandonnées à elles-mêmes sans le soutien nécessaire de la
collectivité pour appréhender cette mort dans de meilleures
conditions. La municipalité actuelle ne souhaite toujours pas
s’exprimer à ce sujet. Son absence lors de la cérémonie au
mémorial est significative de cette déchirure entre deux
parties pourtant touchées par le même drame. Outre les cas
où la prise en charge post-catastrophique a subi des
complications, il existe des limites non imputables à des
circonstances particulières.

Le retour du drame : démenti des faits et


imaginaire de la dynamique répétitive
5 La première limite est de type factuel. Il s’agit de la
dynamique répétitive. Lorsqu’une catastrophe survient, elle
renvoie aux autres drames du même type que l’on a gardés
en mémoire ou provisoirement oubliés. La présence dans la
presse de séries et la recherche d’un précédent offrent
l’avantage certain de caractériser l’événement, ce qui est une
nécessité, mais a pour inconvénient de faire reémerger des
réalités gérées, c’est-à-dire oubliées ou du moins enfouies
dans les affres du souvenir. De plus, à chaque nouvel
accident, les pouvoirs publics s’appuyant sur la compétence
des experts annoncent qu’il s’agit du dernier de ce type. Ils
veilleront personnellement à cela. Or, pour toute nouvelle
catastrophe, l’on trouve des précédents et les médias ne
manquent pas de les communiquer. La Seconde Guerre
mondiale fait écho à la Première qui, bien que différente, lui
est référencée par son nom, un nombre de morts exponentiel
au regard des conflits précédents, les territoires et nations en
jeu. À l’incendie du Bazar de la Charité (1897) ont répondu
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celui des Nouvelles Galeries de Marseille (1938), puis celui


du « 5/7 » (1970). Cette filiation occasionne nécessairement
un retour en arrière, comme si, irrémédiablement, les faits
s’acharnaient contre ce «  désir de passage  ». Si les experts
peuvent voir dans ces séries un appui pour leurs évaluations
afin d’affiner des systèmes de sécurité et de prévention, la
population, elle, fonctionne également sur une logique
imaginaire circulaire (non linéaire comme la référence au
progrès chez l’expert).
6 Sorte de retour du «  même  », toute nouvelle catastrophe
indique que le passage que l’on avait pu croire réel n’était en
fait qu’une illusion. La preuve est empirique. Ainsi, les
précédents se réactualisent, se régénèrent. Le Titanic est un
modèle, le drame de l’Estonia confirmera sa stature de
référent. De même, le sida a réveillé de vieilles épidémies, la
peste et la syphilis. Malgré un oubli quasi définitif – quand le
chercheur ne peut plus repérer de traces visibles – des faits
rejaillissent. C. Herzlich et J. Pierret ont bien vu que des
figures sont ancrées dans nos mémoires sans pour autant
s’actualiser dans des faits contemporains1. Cette mémoire
collective prend la forme d’un imaginaire qui n’a de sens que
si on le considère sous la forme d’un surgissement.
L’épidémie correspond à ce modèle car, par définition, on
n’est jamais préparé à elle. C’est justement cette
instantanéité de l’événement, l’urgence avec laquelle il faut y
répondre et la nécessité de l’analyser pour le comprendre qui
constituent les premières caractéristiques de ces morts
collectives. Il faut noter que la notion même de catastrophe
contiendrait cette idée d’éternel retour et serait
annonciatrice d’une régénération. Ces jaillissements
successifs sont un défi à chaque fois renouvelé, un défi qui
met à mal les grandes assurances des lendemains de drames.
Toute nouvelle catastrophe remet en cause, au moins
provisoirement, cette modalité du passage, mais elle n’en est
pas l’unique expression, car à elle seule, elle ne peut faire
vaciller une entreprise aussi bien structurée que celle du
traitement social des morts collectives.

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7 Une seconde preuve est de l’ordre des représentations, elle


inscrit les accidents collectifs dans un temps cyclique, non
linéaire. Pour le « quidam », la distance d’avec l’événement
n’est pas temporelle, elle est essentiellement émotive et
correspond à la capacité de résonance d’un drame, comme
en atteste l’étude de la mémoire événementielle. Cette
distance ne se mesure pas en nombre d’années. L’événement
fondateur, la première fois, a une consonance à la fois
anthropologique et ontologique, il est atemporel. On entre
dans le registre du «  re  », celui de la répétition. Une
répétition différente de celle du rite commémoratif dans la
mesure où elle est inaugurale, elle signifie «  à nouveau  »,
mais pas nécessairement de la même et unique façon. Ici,
c’est le mode du recommencement qui prévaut. Toute
catastrophe, parce qu’elle est unique, signifie une
inauguration radicale. Dans cette perspective le temps
linéaire n’a pas de prise sur le réel, ce qui explique, par
exemple, que pour la catastrophe de Furiani l’événement
référentiel se soit produit durant l’Antiquité. Cette référence
historiquement lointaine est proche à un niveau
anthropologique, dans le sens où la proximité de contenu
(nature de la catastrophe, dégâts, ressenti de la population,
mises en causes…) prime sur la distance temporelle. Le
temps linéaire est aboli au profit d’une compréhension, d’un
sens donné à ces événements dans une filiation nécessaire.
Cette dernière permet de minimiser, sans le détruire, le
caractère unique d’une catastrophe qui est vécue comme
dangereuse du fait de l’absence de repères fiables. La
conjuration de la calamité suppose toujours que l’événement
désastreux se soit déjà produit quelque part, dans un espace-
temps précis.

Des responsabilités multiples ne permettant pas


l’actualisation d’une sanction
8 Cette modalité du «  passage impossible  » se perçoit sur un
autre registre  : celui du droit de la responsabilité. À la
différence des actes criminels, délictueux, les morts
collectives et en particulier les accidents trouvent rarement

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un substitut à l’événement, pouvant ainsi, par un processus


de mise en décalage, décharger sur un responsable les
conséquences de celui-ci et le socialiser davantage par une
distanciation. P. Fauconnet dans un ouvrage sur la
responsabilité a montré l’importance d’ordre légal, mais
aussi social, du substitut au crime. Seul ce transfert autorise
une condamnation jugée juste par les victimes. En son
absence, le drame demeure premier. À partir de ce modèle
de la responsabilité et du crime (qui, bien qu’ancien, reste
pertinent pour notre propos), on peut voir comment les
morts collectives contemporaines posent une difficulté
d’ordre juridique sur le thème du substitut symbolique à
l’événement. La sanction ou la rétribution s’opèrent à partir
d’un schéma d’imputation de la responsabilité qui nécessite
un passage entre l’acte, le fait (la catastrophe, le délit) et le
traitement juridique et social de ce même fait (le
dédommagement, la condamnation)2. Ce passage dans le cas
des crimes est déterminé par la découverte d’un criminel.
L’idée défendue par P. Fauconnet est la suivante : « C’est au
crime même, que s’appliquerait la peine, si elle pouvait le
saisir et l’annihiler3.  » Cependant, le législateur est face à
une impasse  : comment l’événement, qui appartient
désormais à une représentation passée, peut-il être évacué ?
Une médiation doit nécessairement s’opérer entre le fait et la
sanction car la peine vise le crime à travers le criminel : « La
peine se dirige vers le crime. C’est seulement parce qu’elle ne
peut l’atteindre en lui-même qu’elle rebondit sur un
substitut du crime4. » L’intérêt de cette démonstration est de
montrer, contrairement à une perception première, que les
trois termes de la causalité peuvent être dissociés : le crime,
la sanction et la responsabilité. Pour que la sanction puisse
s’appliquer, il est nécessaire de trouver un responsable, ici le
criminel. Un code existe pour choisir le meilleur substitut
pour qu’il n’y ait pas de contestation  : il faut découvrir
«  l’être qui symbolise vraiment le crime5  ». Ainsi, les
émotions suscitées par l’événement vont pouvoir se
transférer sur une personne. Cette opération rend possible la
symbolisation du crime par un responsable. Ce n’est pas le

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fait en lui-même qui est jugé et plus largement traité, mais la


représentation de ce fait qui nécessite une médiation  : la
responsabilité d’un homme ou d’une collectivité. La qualité
du crime est donc transférée à un ou des individus sur
lesquels la sanction a un poids dans le sens où ils sont
impliqués dans un système de relations sociales – ce qui
n’est évidemment pas le cas de l’acte jugé. Est responsable
d’un crime celui qui est jugé comme tel (d’où la nécessité
d’une imputation) et qui pourra en conséquence subir une
sanction. Ce n’est qu’au terme de ce processus que le circuit
se referme, la réaction sociale prenant le pas sur la
«  dépression  » provoquée par le crime. Or, pour l’objet
d’étude que constituent les catastrophes, la situation est plus
complexe.
9 Les morts collectives confrontent les pouvoirs publics à une
situation paradoxale qui se décline à deux niveaux : absence
de substitut au drame avec impossibilité de déterminer un
ou plusieurs responsables ; ou découverte d’un substitut qui,
n’étant pas à la hauteur du drame, ne peut par conséquent
jouer son rôle de remplaçant symbolique. Dans tous les cas
ou presque, le drame prévaut sur les responsables et
responsabilités dans la mesure où l’on n’a pu trouver un
médiateur satisfaisant englobant la totalité de la charge
émotionnelle. Le paradoxe est que la responsabilité humaine
n’a jamais été autant engagée. Les catastrophes
«  naturelles  » n’existent plus, au sens où elles renvoient à
des décisions et actions considérées comme à l’origine des
conséquences dramatiques. La recherche des causes est
conduite de manière rigoureuse par des collèges d’experts.
Cependant, la responsabilité dont il est question ici est une
responsabilité plurielle d’acteurs et d’institutions multiples
qui ont des statuts distincts. Elle ne permet pas la réalisation
d’une sanction univoque qui seule serait du même ordre que
le drame. Des réponses diffuses ne permettent pas de
dépasser l’événement premier, d’où l’idée défendue dans cet
ouvrage d’un «  passage impossible  » du point de vue du
droit et plus particulièrement de l’imputation des
responsabilités. Or, ces questions sont au cœur des

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représentations et des réponses apportées aujourd’hui à une


mort collective. Contrairement à l’association crime-criminel
(association entre le fait et l’acteur qui commet l’acte ou en
est jugé responsable), une telle relation symétrique n’existe
pas dans le cas des catastrophes collectives.
10 On peut invoquer la différence de nature entre les
événements étudiés : les crimes sont des actes volontaires et
répréhensibles, pas les accidents, ni les épidémies. Deux
critiques peuvent être formulées à l’égard de cette position.
Tout d’abord, le substitut du crime n’est pas nécessairement
son auteur, il est celui que l’on juge comme tel. Un
handicapé mental sera inapte à porter une responsabilité
alors qu’un parent pourra assumer celle de son enfant.
Ensuite, le contexte actuel – où la recherche des
responsabilités est capitale et où la vengeance divine s’est
dissoute – fait qu’en cas de catastrophes la responsabilité
civile, voire pénale, est mise en jeu6. Lors de l’épidémie du
sida, la demande des parties civiles de qualifier
d’»  empoisonnement  » la distribution de lots de sang
contaminé répond à cette évolution du droit et surtout à la
place occupée actuellement par les victimes.
11 L’évolution de la jurisprudence fait que l’on est passé d’une
logique de sanction à celle de l’indemnisation des victimes.
Aujourd’hui, le système des causalités et les processus de
retour à l’ordre sont rendus complexes du fait de la
représentation d’une responsabilité humaine et de la
multiplication des facteurs en causes. Reprenons la
modélisation qui prévaut de nos jours  : elle fait suite aux
modèles du châtiment divin et de la responsabilité de la
nature.
Retour à l’ordre sur le long terme grâce à un
traitement social d’ordre événementiel et rituel

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12 Si la découverte des causes d’un drame est un souci constant


des experts et des pouvoirs publics, si les moyens mis en
œuvre pour approcher la « vérité » d’une catastrophe (c’est-
à-dire son origine, ses modalités de réalisation, les facteurs
aggravants…) n’ont jamais été aussi importants  ;
paradoxalement la sanction des responsables identifiés est
de plus en plus aléatoire. Pourtant les familles des victimes,
qui peuvent aujourd’hui se porter partie civile, demandent à
ce qu’il y ait une réparation en sus de l’indemnisation. Nous
sommes au cœur de la problématique actuelle du droit de la
responsabilité : entre droit restitutif et droit rétributif. Pour
comprendre cette idée de « passage impossible » d’un point
de vue juridique, il faut revenir sur les évolutions récentes en
ce domaine et voir leurs implications sur l’objet étudié.
13 On assiste à une sorte de paradoxe  : parallèlement à
l’accroissement quantitatif et qualitatif des domaines
impartis à la responsabilité, ses fondements premiers
semblent disparaître7. La notion de responsabilité a évolué
autour de celles de risque, de réparation pécuniaire du
dommage et de victime. Qui est responsable de quoi ? Peut-
on être responsable mais pas coupable ? Comment réagit un
droit fondé sur la notion de personne à des morts collectives
où la responsabilité est de plus en plus partagée ? Toutes ces
questions nécessitent de s’interroger sur la législation
française et ses évolutions en fonction d’un contexte qui
prend acte des catastrophes contemporaines et de leurs
nouvelles modalités. Le regard que porte le sociologue sur le

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droit n’est pas d’ordre technique. Il s’agit, à partir de


l’analyse de grands fondements du droit civil en particulier,
des grandes ruptures et des évolutions actuelles, de mieux
comprendre l’appréciation de la responsabilité et plus
largement des morts collectives. Ce débat qui dépasse le
cadre du droit repose sur des principes philosophiques et
moraux, sur des choix de société et des visions du monde.
14 Il y a environ deux mille ans, le droit romain ne conférait
aucune signification particulière à la notion de
responsabilité  : «  Le responsable était originairement un
garant, une personne donnant sa parole pour autrui. Il ne
s’agissait nullement d’un coupable ni d’un débiteur tenu de
réparer le dommage causé à autrui8. » Plus généralement, le
terme de «  responsable  » désignait ceux qui pouvaient être
convoqués devant un tribunal en raison d’une obligation
pesant sur eux. Aujourd’hui, à cette conception antique qui
voit le désordre (le dommage) comme une atteinte à
l’harmonie du monde ou de la cité et vise à la restauration de
l’équilibre rompu, s’est substituée une conception de la
responsabilité « dont le sujet, acteur ou victime, est la seule
et unique mesure »9.
15 Le droit civil – plus que le droit pénal – s’est transformé
pour mettre au centre de ces préoccupations le risque et la
réparation du dommage. La figure de la victime va alors se
développer aux dépends de celle du coupable. La notion de
faute, qui repose sur un fondement moral (principes
chrétiens qui trouvent leur source dans le droit canonique et
le jansénisme), tend à disparaître du droit civil au profit de
celle de risque et de sécurité. Par ailleurs, les conditions
d’engagement de la responsabilité se sont assouplies. Dans
un certain nombre de cas, il semble que le dommage soit
calculé plus en fonction d’une représentation de la victime
que d’une définition juridique. La responsabilité est
fréquemment attribuée par les juges à celui qui a les moyens
de payer, nous sommes alors dans une logique
d’indemnisation. L. Engel considère qu’il s’agit d’une
objectivation de la responsabilité mettant l’accent sur le
produit, pour éviter de mettre en cause une quelconque

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personne10. On peut parler avec C. Labrusse-Riou de


«  dépersonnalisation du mal11  ». Aujourd’hui, même si la
faute peut être encore prise en compte pour demander une
indemnisation, même si elle est invoquée pour expliquer à
une victime qu’elle est à l’origine du dommage subi, la
notion de faute n’est plus un critère décisif de jugement, ce
qui a des conséquences sur l’application de la sanction : « On
est en effet passé d’un système de responsabilité pure où le
comportement fautif du responsable, la volonté de désigner
et l’espoir de le voir disparaître primaient, à un système
d’indemnisation où l’attention est très largement focalisée
sur les victimes12. »
16 La notion de faute caractérise le droit français jusqu’au xixe
siècle, celle de risque fait son apparition au xxe siècle. Cette
dernière peut être dégagée de toute intervention humaine à
la différence de la faute, qui, pour s’actualiser, doit se
manifester sur un auteur. L’ère de l’industrialisation, des
progrès techniques et des accidents majeurs a été sans
conteste un levier de cette évolution, le désir toujours
croissant de sécurité qui lui est corrélatif en est un autre. Le
droit civil et le droit pénal diffèrent sur cette question. En
théorie le pénal correspond à la répression (droit restitutif)
et le civil à la réparation (droit rétributif).
17 À la naissance du Code civil en 1804, ses rédacteurs ont pour
objectif de limiter les cas où la responsabilité peut être
engagée. Le droit repose alors sur une logique libérale
fondée sur la libre entreprise. Il vise à éviter que les
individus ne fassent porter sur un tiers les dommages13.
Trois types de conditions sont requis pour que celui qui a
subi un préjudice soit reconnu comme victime  : l’existence
d’un dommage, d’une faute et d’un lien causal entre les deux.
La responsabilité civile est tout entière orientée vers la
réparation du dommage, la rétribution interpersonnelle.
C’est en s’ouvrant à d’autres notions encore floues que le
Code civil va élargir la responsabilité et son imputation.
Désormais on va parler de «  présomption de faute  », de
«  fautes et de dommages quelconques  » et de
«  responsabilité sans faute  », lesquelles permettent une

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indemnisation même si aucun responsable n’a pu être


découvert. Il établit une distance entre la victime et le
coupable. Le résultat est le lien devenu opaque entre une
rétribution (financière le plus souvent) et l’imputation des
responsabilités. Les victimes en conservent une
insatisfaction, elles font observer qu’une seule partie de la
responsabilité a été prise en charge14.
18 Aujourd’hui, au-delà du préjudice matériel, de la douleur
physique et du préjudice esthétique, les troubles de
condition d’existence et la douleur morale sont retenus
comme des critères pouvant conduire à l’imputation d’une
responsabilité. Le risque et l’indemnisation des victimes sont
devenus les principaux «  acteurs  » du droit de la
responsabilité. Selon C. Labrusse-Riou, «  à partir de la
notion de risque dont la nature est d’être sociale et non
individuelle, le droit de la responsabilité civile s’est en partie
recomposé autour d’un principe de répartition collective de
la dette de réparation15  ». Mais la faute, elle, n’est pas
collective. Or, une personne non avertie mélange
fréquemment le payeur et le fautif. D’où l’impression parfois
que l’on est tous des coupables en puissance16.
19 Les effets pervers de ce système sont multiples. Il vise plus la
charité, l’assurance et l’indemnité que la dissuasion, la
prévention et la précaution. En l’absence de coupable et de
faute définis, il suscite la méfiance et peut entraîner
l’apparition de boucs émissaires. La multiplication des
facteurs d’imputation de la responsabilité pose la question
des limites. Le droit en matière de responsabilité civile
accepte de réparer pécuniairement tous les préjudices. En
cela, il engage des personnes, voire la société tout entière, à
« répondre de dommages dont la représentation ne dépend
plus du droit mais de la prévention subjective de celui qui se
dit lui-même victime17 ». Pourtant, le droit est limité par des
contraintes techniques et matérielles (incapacité financière à
tout assurer) et il provoque des pratiques défensives en
matière de recherche notamment médicale. Pour éviter ce
travers, certains auteurs, dont F. Ewald, proposent de

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distinguer nettement l’indemnisation de l’imputation des


responsabilités.
20 Une autre critique nous intéresse tout particulièrement
parce qu’elle est invoquée par les parties civiles. La
philosophie du risque, actuellement à l’œuvre, fait l’impasse
sur la vérité, or la seule compensation financière ne satisfait
pas les victimes ou leurs familles qui veulent comprendre et
savoir, selon leur propre terminologie. Si le droit tient
compte de la demande croissante de sécurité, il élude cette
question qui lui est corrélative. L. Engel indique que la
demande du corps social ne correspond pas à une
philosophie du risque (qui est celle des assureurs et des
experts) mais bien à un mécanisme de « juste imputation de
la responsabilité  »18. Le public demande aujourd’hui un
double mouvement qui est paradoxal  : faciliter les
indemnisations et renforcer la sanction. Cette dualité pose
problème, dans la mesure où l’évolution du droit s’est
concentrée sur le premier paradigme. Seule la logique de
réparation lui est congruente, pas celle de la responsabilité.
Ne serait-il pas alors nécessaire de différencier l’acte
d’indemniser de celui d’imputer une responsabilité, qui dans
notre culture, est encore fondé sur la représentation d’une
faute et donc d’une sanction à venir ? Cette distinction serait
ainsi un moyen de comprendre «  l’affaire  » du sang
contaminé19. Dans le cas contraire, la justice s’appuie sur le
premier paradigme et, effet pervers du système actuel, les
victimes continuent à rechercher un fautif en dehors de toute
logique juridique qui ne peut en la circonstance leur
apporter de réponse.
21 Cette analyse de l’évolution du droit, qui passe d’une logique
restitutive (application d’une sanction à un coupable
déterminé) à une logique rétributive (où l’indemnisation
prend le dessus sur la qualification des responsabilités et la
recherche d’un responsable à qui pourrait s’appliquer la
sanction), nous autorise à réinterroger la première partie de
l’analyse sur l’absence de substitut au drame.
22 Devant la multiplication des facteurs pouvant entraîner une
responsabilisation, devant l’impossibilité bien souvent de

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déterminer une intention de nuire, face à la multiplicité des


acteurs en présence et au degré de finesse des différents
paramètres, il devient fort difficile d’opérer une imputation
de la responsabilité de nature restitutive. De manière tacite,
le droit a évolué vers une prise en charge économique de ces
événements tout en laissant la place à un second système
venant équilibrer la représentation d’un retour à l’ordre
possible. Ce système consiste à identifier les causes exactes
d’un drame et à vouloir «  punir  » les responsables, d’où
l’insatisfaction des victimes et parfois la recherche de
responsables à tout prix, ce en dehors d’un cadre légal.
23 Ainsi, d’un point de vue sociologique et non plus juridique,
nous pouvons dire que le retour à une situation dite
normale, c’est-à-dire le circuit dont parlait P. Fauconnet (1.
événement, 2. découverte d’un responsable faisant office de
remplaçant symbolique à l’événement, 3. application de la
sanction sur ce responsable), n’est pas de nos jours assumé
par la législation. Ces arguments ne sont pas une critique du
droit actuel qui, de toute évidence, ne peut assumer
conjointement une logique financière d’indemnisation et une
logique restitutive de sanction d’une faute. Il s’agit pourtant
d’une demande expresse du public qui veut voir appliquer
les deux, ce qui rend impossible un passage entre une
situation accidentelle et un retour à la normale. Dans
certains cas, cette absence de passage est perçue par un
public restreint (quelques familles), dans d’autres ce sont
des publics variés et nombreux qui sont concernés. Tel est
l’exemple du sang contaminé qui a eu pour effet de
déclencher des interrogations sur les principes qui fondent le
droit civil aujourd’hui. Ainsi, le système peut-il être en partie
ébranlé ou réajusté.
24 Depuis, la notion de responsabilité des personnes morales20
a vu le jour et, même si elle ne correspond pas à une forme
de responsabilité collective inadaptée aux fondements même
du droit, elle s’attache à envisager des solutions autres
qu’individuelles21. Elle correspond à la responsabilité des
institutions, des associations, des entreprises, en tant que
groupements préconstitués (existant avant le drame) qui

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sont reconnus statutairement comme des «  personnes


morales  ». La préoccupation grandissante des juristes à
propos d’un droit des catastrophes, la possibilité pour les
familles de se constituer en associations reconnues de
manière légale, les discussions engagées depuis les années
1980 et surtout 1990, montrent qu’il est question d’un enjeu
qui dépasse le cadre des accidents collectifs, même s’ils sont
au cœur du débat du fait de leur caractère idéal-typique.
25 Cette modalité du «  passage impossible  », que ce soit d’un
point de vue factuel (nouveaux drames), symbolique
(logique répétitive) ou juridique (évolution de la
responsabilité), est problématique. Elle est profondément
anxiogène car, comme tout passage, elle remet en cause
momentanément une organisation du monde. Développer
une lecture nihiliste du fait même d’une incertitude sur le
thème de la responsabilité en droit serait se tromper d’objet.
Le droit a dû s’adapter à une nouvelle situation : celle de la
multiplication des risques et des acteurs pouvant être à la
fois victimes et responsables. Cet objet de discussion montre
que la situation actuelle n’est pas figée, mais aussi qu’elle ne
répond pas aux attentes de tous, victimes, victimes
potentielles, assureurs, élus, entrepreneurs…
26 Contre ces impossibilités conjoncturelles – celles du droit et
de la jurisprudence – et celles plus structurelles d’un
décalage d’appréciation entre une logique imaginaire
(répétition des drames) et une logique «  progressiste  »
(limitation des risques), répondent des recours la plupart du
temps d’ordre rituel. Ces derniers, même s’ils ne permettent
pas de créer des substituts au drame, décalent l’événement
et ses enjeux, pour les faire pénétrer sur un terrain connu et
maîtrisé. En dernière instance, l’oubli et le souvenir maîtrisé
sont des recours efficaces.

FAIRE ÉCRAN À L’ÉVÉNEMENT


27 L’un des premiers recours est sans conteste une prise en
charge rituelle du drame à long terme. Ici, le rite a pour
fonction première d’organiser le passage d’un avant à un
après. La problématique du passage (possible ou
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impossible), qui nourrit la représentation des morts


collectives, peut s’analyser à partir d’une dimension annexe,
celle de la prise en compte d’une donnée temporelle.
Plusieurs logiques sont à l’œuvre qui ne s’appuient pas
toutes sur une même perception du temps. Deux temps sont
présents dans la représentation de la catastrophe : un temps
linéaire correspondant à un axe de progrès où les risques
sont minimisés du fait de l’expérience et du savoir, et un
temps circulaire rappelant la perception d’une durée
cyclique et répétitive dont le mythe est l’idéal-type. Cette
dichotomie se perçoit dans le caractère toujours unique d’un
accident et la référence quasi archétypale à une catastrophe
générique ou virtuelle. Elle permet également de repérer,
une nouvelle fois, que la représentation du drame du point
de vue de la population est différente de celle des pouvoirs
publics et des experts. Le traitement à court et moyen terme
des morts collectives s’appuie essentiellement sur une
logique linéaire  : il faut aller de l’avant et se servir des
événements passés pour améliorer le futur. Seul le rituel
peut, non pas résoudre cette dichotomie entre linéarité et
caractère cyclique, mais prendre en charge une partie de la
logique circulaire. Les cérémonies commémoratives
parviennent à mettre en scène ces deux registres  : celui
d’une répétition basée sur d’autres motifs que la dynamique
répétitive des drames, celui d’une considération de la donnée
historique en tant qu’anniversaire.

La ritualisation comme recours symbolique à la


catastrophe
28 Ces rites ou organisations sociales répétitives sont des
recours efficaces dans la mesure où ils incorporent la
dimension temporelle qui est ici primordiale. Ils
s’approprient l’idée d’une répétition en lui donnant une
consonance culturelle. Le fait qu’elle soit choisie, non
imposée par les circonstances, et qu’elle soit régulière, est
déterminant  ; cela permet de ne pas remettre en cause la
nécessaire coupure d’avec la catastrophe. Ainsi, la figure
d’un temps cyclique se trouve réalisée, sans en avoir les

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inconvénients. Ici, ce n’est pas l’événement archétypal qui


est engagé, mais une réponse sociale à un événement donné.
Ce registre de la répétition est bien différent suivant les cas :
d’un côté on se situe sur une mémoire d’images fondée sur
une vision syncrétique mêlant plusieurs catastrophes
passées ou potentielles, de l’autre on traite rituellement un
drame qui porte un nom et qui est référé à un espace-temps.
La répétition de certains symboles ou actes symboliques
déterminés a pour finalité de réduire l’ambiguïté inhérente à
la condensation des significations que le symbole opère22. En
imposant un choix, en le répétant, les cérémonies
commémoratives tendent à simplifier les représentations et
les croyances relatives aux grandes catastrophes. Elles
proposent une lecture simple et relativement univoque
comprise de tous. Ainsi, elles accentuent la distance d’avec
l’événement premier. Cette ritualisation a dans la plupart
des cas un aspect normé, puisqu’elle est gérée par les
pouvoirs publics. Elle existe cependant sous une seconde
forme – différente des cérémonies funèbres et des
commémorations – en empruntant une logique du
« même » qui se situe sur le registre de la catastrophe, et non
celui de son traitement. Il s’agit des micro-rituels qui
relèvent plus de la quotidienneté du drame, même s’ils
peuvent s’inscrire à long terme, et qui visent à le conjurer.
Les populations menacées directement ou indirectement par
un drame mettent en œuvre des micro-rituels de conjuration
du danger pour anticiper tout nouveau risque. Parallèlement
à l’idée d’une maîtrise – qui prévaut pour les pouvoirs
publics – existe une seconde modalité de la conjuration de la
menace qui relèverait plus de pratiques conjuratoires que
d’une gestion anticipatrice.
29 Cependant, quelle que soit la forme empruntée par ces rites
(cérémonies funèbres, commémorations, micro-rituels de
conjurations, micro-rituels du souvenir…), ils répondent
tous à une nécessité, celle d’apporter des recours, des
solutions pour dépasser une situation problématique. Qu’elle
soit consciente ou non, cette finalité place la notion de

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ritualisation au centre de la problématique, face à celle


d’événementialité.
30 La ritualisation, comme action combinée de plusieurs rites
formant un ensemble dynamique qui répond à une fin, peut
donc être considérée comme une ressource face à l’accident,
aux ruptures qu’il a engendrées. En insistant sur la
répétitivité du traitement – par exemple lors des
commémorations où les codes utilisés sont redondants – de
fait la répétition première (répétition de nouveaux drames)
est minimisée. Si nécessité de reproduction il y a, elle
suppose ici d’employer des formes de répétitivité maîtrisées
et comprises de tous. Par son aspect programmé et répétitif,
dans ses formes et dans ses contenus, le rite permettrait de
structurer le temps. Qu’il soit funéraire ou commémoratif, il
aurait pour effet de proposer un cadre temporel non plus
incertain, accéléré et coupé des rythmes habituels comme
celui de l’accident, mais un temps qui repose sur une
représentation cyclique et régulière. Ce temps de la
ritualisation viendrait contrebalancer l’urgence provoquée
par le drame. Le cycle commémoratif a la particularité d’être
régulier, puisque tous les ans une cérémonie vient marquer
le souvenir de la catastrophe.
31 La ritualisation présente un mode de résolution de la
rupture temporelle. Ce mode repose sur un autre registre
que celui de l’événementialité. L’événement, par des
médiations, des changements effectifs ou souhaités, offrait
une manière de comprendre et de traiter l’accident selon un
régime analogue à ce dernier  : urgence, rareté, rupture,
accélération, etc. Le mode de résorption que sous-tend la
ritualisation fonctionne sur un raisonnement tout autre  : la
catastrophe est traitée par son inverse. Le rite instaure de la
régularité, un rythme plutôt stable et connu. Nous sommes
en présence de deux régimes qui ne sont guère assimilables.
La réitération rituelle est scandée de manière régulière (ici
les commémorations annuelles) et n’a rien d’inédit comme
peut l’être tout nouveau drame.
32 Outre cet aspect temporel, le rite, grâce à une codification,
une normalisation des actions et des représentations,

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institue des repères. La ritualisation, même si elle véhicule


des messages, des contenus, est aussi un support. Son
organisation, sa forme reconstituent des repères bouleversés
par la catastrophe. Si l’accident pouvait remettre en cause
des catégories que l’on croyait fixes, les rituels qui lui font
suite permettent de les recadrer. Les rites des morts
collectives se caractérisent par des forces plutôt stables dans
le temps (caractère durable) et stabilisantes pour le groupe
(caractère fédérateur). En cela, ils « supportent » des actions
et des représentations en leur proposant un cadre connu, un
support de communication compris de tous qui, bien
qu’ouvert, laisse moins de place à l’incertitude et donne une
impression de maîtrise de l’événement que l’on croyait
autonome. L’efficacité du rite, son caractère plutôt
consensuel et anxiolytique, en font un recours idéal. La
ritualisation – qu’elle jouxte l’accident ou qu’elle soit de
l’ordre de la mémoire – permet de lutter contre la
représentation d’une menace externe ayant le pouvoir
d’affecter durablement ou non l’ordre social et politique.
33 La cérémonie funèbre est un moment privilégié d’expression
d’une mobilisation, de solidarités et indique que le pouvoir
(celui de l’État notamment) prend en charge l’accident. De
même, par leur caractère consensuel, les cérémonies
commémoratives, bien qu’elles soient distantes du drame,
insistent très largement sur le rôle des pouvoirs publics dans
sa résolution. Le rite doit être envisagé comme un des
moments clefs du traitement social de la catastrophe,
comme une occasion de fort investissement collectif.
34 Ainsi, les notions d’événementialité et de ritualisation nous
permettent-elles d’étudier deux faces de la prise en charge
sociale des morts collectives, l’une toute proche de la
catastrophe par ses caractéristiques, l’autre opposée qui
travaille sur la distinction pour proposer des solutions. G.
Balandier dans Le Désordre a mis en évidence le jeu
dialectique qui s’instaure entre rite et événement : « Le rite
apporte une réponse à l’événement, à l’inattendu, à
l’aléatoire  ; il conjure la menace qu’ils recèlent, ou
administre la parade à leurs méfaits, devenus apparents23. »

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Dans le cas des morts collectives, l’événement ne peut se


concevoir que s’il s’accompagne simultanément ou
ultérieurement d’une ritualisation. Cette dernière se situe du
côté de la gestion et de l’oubli de certains paramètres du
drame. Elle établit un décalage, une coupure d’avec le temps
et l’espace de l’accident en instaurant des barrières
symboliques. Elle crée du continu, des repères, un cadre sur
lequel peuvent reposer une partie des traitements post-
catastrophiques.

L’oubli comme ultime défi


35 Autre recours possible, plus définitif que le précédent, l’oubli
est certainement le plus usité malgré une plus faible visibilité
du fait de sa nature. Ayant étudié au préalable cette question
à propos des rituels commémoratifs, nous souhaiterions
nous concentrer sur un aspect précis : celui du rôle de l’oubli
dans la représentation de la mort. Pour cela, nous nous
sommes référée à une grille d’analyse des tombes
occidentales proposée par J.-D. Urbain. Cet auteur indique
qu’il existe plusieurs stratégies possibles à l’égard de ce qu’il
nomme la «  barre  ». Cette notion de «  barre  » peut être
considérée comme une ligne de partage entre, d’une part, la
disparition physique et ontologique et, d’autre part,
l’idéologie de la conservation. Elle marquerait une
séparation entre une réalité subie (la mort finitude) et un
imaginaire rêvé (la conservation). Pour être plus précis, cette
limite scinde deux représentations de la mort  : celle du
cadavre signe de destruction inévitable et celle d’un signe qui
prend corps renvoyant à l’idée d’une mort survie, d’une mort
sommeil. D’après une étude de terrain menée sur l’objet
funéraire, l’auteur répertorie trois modèles, non exclusifs,
qui sont autant de stratégies à l’égard de cette dite barre, en
vue de mettre à distance un réel que l’on souhaite rejeter et
de rendre opérant un désir que l’on souhaite voir prendre
forme24.
36 La première stratégie revient à annuler la barre, à créer une
transparence symbolique : le gisant en est un bon exemple.
Ainsi, l’on peut approcher l’idéal de la conservation parce

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que la vie semble encore présente. La représentation du


corps prévaut alors sur celle du cadavre. Cette option
n’existe pas pour la monumentalité commémorative des
accidents, la représentation de la mort est la grande absente
de la mémoire officielle des catastrophes. Au même titre, elle
est peu présente pour celle des guerres, en particulier pour
les deux guerres mondiales en France25.
37 La stratégie médiane consiste à reconnaître la barre, à
manifester son opacité, tout en signifiant une possibilité. La
symbolique joue alors sur les images d’ouverture et de
fermeture. L’image de la porte est représentative de ce
schème. Cette représentation marque la possibilité d’un
passage, elle propose l’idée d’un franchissement. Nous
n’avons pas rencontré de tels cas de figure. La porte, le livre
ouvert, ne sont pas des symboles de la monumentalité
commémorative des morts collectives. Le tourniquet du
mémorial du «  5/7  » de Saint-Laurent-du-Pont ne répond
pas à ce type d’objet puisqu’il est, dans ce cas, symbole de
fermeture uniquement. Ici, la double réalité fermeture-
ouverture a disparu au profit d’une image obsédante, celle de
la dalle qui se referme sur les corps enchevêtrés26.
38 Massivement, c’est la troisième stratégie qui est manifeste.
Elle nie la barre. En ne lui reconnaissant rien, ce choix
procède à une autonomisation de la représentation. Elle
devient le seul référent et prend le pas sur la réalité vécue.
Cela implique une localisation de la représentation – ici le
monument commémoratif. La présence des cadavres et plus
largement la catastrophe en elle-même sont niées. Ainsi, la
mort est évacuée, oubliée. Elle fait place à une
représentation qui s’actualise comme élément de « réalité ».
Le fait brut en soi n’existe plus, il est réinterprété au regard
de ce que l’on veut qu’il soit, un événement, d’où un oubli
fondamental de certains aspects. Ici, la représentation se
veut autosuffisante, le signifiant absorbant le signifié.
L’enjeu de cette dynamique conflictuelle, en dernier ressort,
est de faire oublier l’élément premier  : le drame, pour
«  magnifier  » un second niveau de signification, de l’ordre
d’une représentation qui prend corps pour devenir l’objet

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référent. Le mémorial par sa présence – parce qu’il est un


signe factuel, une construction matérielle de pierre, de métal
– contribue à terme à être positionné comme le seul référent
contemporain d’un drame. Pour J.-D. Urbain, il n’y a guère
que dans le cas du cénotaphe que les sémiotiques
conflictuelles semblent aboutir, «  c’est-à-dire conduire au
stade suprême de l’illusion, à l’effet de somatisation non
médiate du signe27  ». Cependant, cette réussite demeure de
l’ordre de l’illusion, dans la mesure où cette stratégie repose
sur une dissimulation. Les cénotaphes ou mémoriaux
cachent bien plus qu’ils ne montrent. Ils masquent les traces
du drame en reconstruisant l’espace même de celui-
39 ci. Les lieux sont modelés à partir d’un souvenir reconstruit
et éludent les stigmates de la mort. C’est à ce propos que la
dynamique conflictuelle atteint un paroxysme. Cette
stratégie de négation fait exister une représentation
construite en tant que réalité factuelle. La dialectique
fondatrice sur laquelle reposent nombre de composantes de
la mort collective est patente lorsque l’on étudie les
manifestations de la mémoire et nécessairement de l’oubli.
C’est sur la base de cet idéal, entre ce que les pouvoirs
publics veulent oublier (ou faire oublier) et ce qu’ils
souhaitent affirmer comme valeurs fondamentales, que se
construit cette stratégie. Cette mémoire, reposant sur un
oubli du drame, ne parvient pas à une efficacité totale, dans
la mesure où elle est concurrencée par une réalité factuelle
(retour de drames) et un imaginaire de la répétition, pour
lequel catastrophes réelles et virtuelles composent une
même réalité, celle d’une mémoire sociale.
40 Si « l’oubli n’a pas d’autres serviteurs que lui-même dans sa
fonction défensive contre le retour du passé à la conscience,
en particulier lorsque celui-ci a été collectivement
refoulé28  »  ; si l’oubli, comme la mémoire, revêt une forme
institutionnalisée dans le sens où il est nécessaire à la survie
du groupe et qu’il a été intégré comme tel par les pouvoirs
publics  ; si la mémoire collective officielle repose sur un
refoulement, ces diverses entreprises ne peuvent aboutir
totalement. L’existence d’une seconde mémoire, une

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mémoire fondée sur l’événement et les images du drame,


vient contrecarrer cette démarche en rappelant l’accident
sous une forme brute. Ce dernier est contenu dans la
représentation d’une catastrophe virtuelle où il est
susceptible de s’actualiser à tout moment. L’oubli n’est
jamais ni univoque, ni définitif, preuve s’il en est qu’il est
bien partie intégrante d’une mémoire. Malgré tout, il reste
incontestablement l’un des recours essentiels et constitue
l’une des modalités du retour à la vie.

Notes
1. Lors d’entretiens semi-directifs les figures anciennes de la peste ou de
la tuberculose peuvent se manifester. Voir C. Herzlich et J. Pierret,
Malades d’hier, malades d’aujourd’hui – De la mort collective au devoir
de guérison, Paris, Payot.
2. Sanction et rétribution référent à deux conceptions du droit  : droit
restitutif et droit rétributif.
3. P. Fauconnet, La Responsabilité – Étude de sociologie, Paris, Alcan,
1920, p. 227.
4. Ibid., p. 234.
5. Ce peut être la personne qui l’a commis volontairement, une personne
contiguë à l’acte ou un bouc émissaire : ibid., p. 246.
6. Même les catastrophes dites «  naturelles  » et les épidémies
occasionnent la recherche de responsabilités. L’allégation de la «  force
majeure  » reste relativement rare et dans bien des cas elle est dotée
d’une vertu exonératoire partielle parce que le juge va tout de même
chercher à établir des responsabilités. Voir B. Hagège, «  La
reconnaissance de la force majeure à l’occasion de catastrophes
naturelles  : mythe ou réalité  ?  », Petites Affiches, n° 179, septembre
2002, p. 3-8.
7. Un numéro thématique de la revue Esprit aborde ces
questionnements, tout particulièrement les textes de O. Mongin, «  Les
équivoques de la responsabilité », p. 5-7, et de P. Ricœur, « Le concept
de responsabilité  », p. 28-48, dans Esprit, n° 206, novembre 1994. C.
Labrusse-Riou, dans un article consacré à l’évolution de la responsabilité
civile, propose également une réflexion autour des notions de faute, de
culpabilité, de responsabilité et d’indemnisation. Elle insiste sur une
ligne de partage entre la victime et l’auteur du dommage. C.
Labrusseriou, «  Entre mal commis et mal subi  : les oscillations du
droit  », Autrement, série Morales, «  La responsabilité  », n° 14, janvier
1994, p. 94-115.

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8. Ibid., 101.
9. Ibid., p. 102. L’histoire du droit est inhérente à la notion de personne
ou de sujet, la lecture du Code civil en atteste.
10. L. Engel, «  Vers une nouvelle approche de la responsabilité – Le
droit français face à la dérive américaine », Esprit, n° 192, juin 1993, p.
8.
11. C. Labrusse-Riou, « Entre mal commis et mal subi : les oscillations
du droit  », article cité, p. 104. On parle de «  fait des choses  »,
parallèlement au «  fait des personnes  ». Les arbres qui tombent, les
explosions de bouteilles de gaz…, sont désormais des causes de
dommages réparables, même si à terme les choses ne sont pas
responsables (seule une personne peut l’être), d’où l’idée de pouvoir
d’usage, de direction et de contrôle sur la chose.
12. L. Engel, « Vers une nouvelle approche de la responsabilité », article
cité, p. 15.
13. Dans cette conception la victime porte seule les dommages qu’elle
subit ou doit faire la preuve qu’une faute a été commise et en désigner
l’auteur. Ibid., p. 16.
14. « Mais il y a une incommensurabilité entre la souffrance des victimes
et la malice ou la paresse des coupables […]. Quand le travail de
l’imputation est terminé, il reste un excès de souffrance qui ne peut être
imputé : non parce que l’infirmité de notre investigation nous interdirait
de remonter à toutes les sources du malheur, ou de suivre toutes les
suites d’un acte, mais simplement parce qu’il y a un point où la logique
de l’imputation, en tant qu’elle relève de la logique de la rétribution doit
se taire.  » (O. Abel, «  La responsabilité incertaine  », Esprit, n° 206,
novembre 1994. L. Engel insiste sur le fait que les victimes veulent
toujours comprendre et savoir au-delà d’une compensation financière  :
« Vers une nouvelle approche de la responsabilité », article cité.
15. C. Labrusse-Riou, « Entre mal commis et mal subi : les oscillations
du droit », article cité, p. 109.
16. O. Mongin parle d’une résignation latente  : «  Les équivoques de la
responsabilité  », article cité. O. Abel dans le même numéro de la revue
Esprit développe un point de vue similaire. Pour lui, la confusion
conceptuelle entre faute morale, erreur d’expertise, responsabilité
politique fait que l’opinion oscille entre le sentiment que l’on est tous
coupables de tout et l’imputation de cette responsabilité à quelques
individus qui deviennent des boucs émissaires  : «  La responsabilité
incertaine », article cité, p. 20.
17. C. Labrusse-Riou, « Entre mal commis et mal subi : les oscillations
du droit », article cité, p. 99-100.
18. L’auteur se fait ici le porte-parole d’un courant spécifique d’analyse
du droit, dont F. Ewald est l’un des premiers représentants. L. Engel,
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« Vers une nouvelle approche de la responsabilité », article cité, p. 27-28.


19. M.-A. Hermitte montre que les victimes de la transfusion sanguine
amalgament le registre de la responsabilité et celui de la faute. Le fait
d’être indemnisé et d’avoir le soutien moral d’un État et de sa population
ne suffit pas. Du point de vue des victimes, la nécessité de la découverte
de la faute qui a occasionné le préjudice est au moins aussi importante.
Or l’évolution du droit a laissé de côté, provisoirement ou non, la
fonction de désignation de la culpabilité. M.-A. Hermitte, «  Le droit
dans le drame de la transfusion sanguine  », Autrement, n° 14, janvier
1994, p. 208.
20. Loi de 1992 qui stipule que des collectivités telles que des
associations, des entreprises, des collectivités locales peuvent être mises
en cause.
21. Cette responsabilité diffère d’une hypothétique responsabilité
collective qui prendrait acte de l’implication d’acteurs divers, dont le seul
lien serait consécutif au drame lui-même. Par conséquent elle serait de
nature, non plus a priori et institutionnelle, mais a posteriori, en
fonction des origines et des conséquences de l’événement.
22. C. Rivière, Les Rites profanes, Paris, PUF, 1995, p. 53.
23. G. Balandier, Le Désordre – Éloge du mouvement, Paris, Fayard,
1988, p. 33.
24. J.-D. Urbain, La Société de conservation – Sémiologie des
cimetières en Occident, Paris, Payot, 1978, p. 176.
25. Nous disposons d’un panel très large de mémoriaux notamment de la
Première Guerre mondiale. Sur près de trois cents objets, nous n’avons
répertorié qu’un seul gisant, à Vienne (Isère).
26. À Saint-Laurent-du-Pont le tourniquet est la négation de tout
passage. En se bloquant, il devient l’objet par qui la mort survient. À la
différence de la porte qui sépare et rend proche à la fois, le tourniquet
produit une distance encore plus grande, jusqu’à rendre impossible l’idée
même d’un passage (réel ou métaphorique). Habituellement signe de
passage, il va s’avérer le signe du non-passage absolu, un mur.
27. J.-D. Urbain, La Société de conservation, op. cit., p. 185.
28. G. Balandier, Le Dédale – Pour en finir avec le xxe siècle, Paris,
Fayard, 1994, p. 40.

© CNRS Éditions, 2004

Conditions d’utilisation : http://www.openedition.org/6540

Référence électronique du chapitre


CLAVANDIER, Gaëlle. Chapitre 6. Quand l’événement se fait résistant
In : La mort collective : Pour une sociologie des catastrophes [en ligne].
https://books.openedition.org/editionscnrs/1603 25/27
06/09/2022 09:37 La mort collective - Chapitre 6. Quand l’événement se fait résistant - CNRS Éditions

Paris : CNRS Éditions, 2004 (généré le 06 septembre 2022). Disponible


sur Internet  : <http://books.openedition.org/editionscnrs/1603>.
ISBN  : 9782271077981. DOI  :
https://doi.org/10.4000/books.editionscnrs.1603.

Référence électronique du livre


CLAVANDIER, Gaëlle. La mort collective  : Pour une sociologie des
catastrophes. Nouvelle édition [en ligne]. Paris  : CNRS Éditions, 2004
(généré le 06 septembre 2022). Disponible sur Internet  :
<http://books.openedition.org/editionscnrs/1589>. ISBN  :
9782271077981. DOI  :
https://doi.org/10.4000/books.editionscnrs.1589.
Compatible avec Zotero

La mort collective

Pour une sociologie des catastrophes


Gaëlle Clavandier

Ce livre est cité par


Lucini, Barbara. (2014) Humanitarian Solutions in the 21st
Century Disaster Resilience from a Sociological Perspective.
DOI: 10.1007/978-3-319-04738-6_2
Mazel-Cabasse, Charlotte. (2019) Waiting for the Big One. DOI:
10.1007/978-3-030-15289-5_2
Mazel-Cabasse, Charlotte. (2017) Resilience: A New Paradigm of
Nuclear Safety. DOI: 10.1007/978-3-319-58768-4_30
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