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Janvier 2021

> Entretien
exclusif avec
François Pinault
> Visite en
avant-première
de son musée
à Paris

DOSSIER
Les fascinants
autoportraits
cachés des
artistes

DÜRER, ARCIMBOLDO, NAPOLÉON, RODIN / PICASSO,


Giovanni
Giacometti

MAGRITTE, L’AFRIQUE CONTEMPORAINE, JEFF KOONS… Autoportrait


[détail], 1899

50 expositions qui vous


feront du bien en 2021 !
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sur le registre italien des groupes d’assurances sous le numéro 026.
L’ÉDITO
de Fabrice Bousteau

Les mots de Picasso


e suis un poète qui a mal tourné.» On le sait peu bon au milieu de tableaux mauvais devient un mauvais
« J mais, de 1935 à 1940, Picasso écrivit 280 poèmes
de manière quasi compulsive, au point de cesser
de peindre quelques mois durant, en 1935. Des textes
tableau. Et un tableau mauvais au milieu de bons tableaux
finit par devenir bon.» Véritable bourreau de travail
(«chaque tableau est une fiole de mon sang»), le maître
qui ne respectent d’ailleurs ni l’orthographe ni la espagnol adorait disserter avec ses amis sur ses créations.
ponctuation. Sur la porte de son atelier du Bateau-Lavoir, Au sujet de la période bleue : «Si j’ai peint en bleu, c’est
il avait inscrit «Au rendez-vous des poètes». Apollinaire, parce que la peinture qui coûtait le moins cher était
Cocteau, Jarry, Éluard, Aragon… Picasso aura fréquenté une variété de bleu dans une marque de tubes qu’il
davantage d’hommes de lettres que de peintres. Il est m’était plus facile de me procurer.» «Pourquoi croyez-
À LIRE
même l’auteur de plusieurs pièces de théâtre ! Volubile, vous que je date tout ce que je fais ? C’est qu’il ne
Le Monde selon
amoureux des mots, des formules assassines comme suffit pas de connaître les œuvres d’un artiste, il faut Picasso – Réflexions,
des traits d’humour («J’irai vous voir hier», aurait-il dit aussi savoir quand il les faisait, pourquoi, comment, fulgurances
à son ami Jean Cocteau), l’artiste a cependant fui toute dans quelles circonstances.» Ce qui enchantait et traits d’esprit
par Laurent Greilsamer
sa vie les entretiens avec la presse écrite (moins d’une le plus Picasso, qui avait étudié comme personne éd. Tallandier
dizaine dans toute sa carrière), la radio et la télévision l’histoire de l’art, c’était d’en discuter avec ses amis, 255 p. • 19,90 €
(une seule interview d’à peine six minutes à l’occasion de parler d’œuvres d’artistes du passé mais aussi
de ses 85 ans), nous laissant rarement entendre le son de ses contemporains. «Il n’y a en art ni passé ni futur.
de sa voix. Grâce aux souvenirs et aux confidences des L’art qui n’est pas dans le présent ne sera jamais.»
proches du maître, le journaliste Laurent Greilsamer Sur Tintoret : «J’ai vu quelques Tintoret récemment.
vient de publier le Monde selon Picasso (éd. Tallandier), Ce n’est que du cinéma, du cinéma bon marché.»
un livre passionnant qui lui donne enfin la parole. Sur Rubens : «Rien n’est raconté chez Rubens. C’est
Picasso y parle librement de politique, des femmes, du journalisme, du film historique. Ce n’est même pas
de l’argent, de la vie et, bien sûr, du monde de l’art. peint.» Sur Delacroix : «Le salaud, quel peintre !»
«Les vernissages m’assomment», clamait-il. Sur Léonard de Vinci : «Vinci était à mi-chemin de la
Au point qu’en accord avec son marchand, Daniel-Henry vérité quand il écrivait que la peinture est cosa mentale.
Kahnweiler, il s’en est le plus souvent affranchi, Cézanne, lui, osa affirmer qu’on peint avec ses couilles.
y compris pour ses rétrospectives muséales comme Personnellement, je crois que la vérité, c’est Léonard
celle de la Tate Gallery de Londres, en 1960, qui attira de Vinci plus Cézanne.» Sur Balthus : «Balthus
plus d’un million de visiteurs. «Pourquoi irais-je ? a commencé à Courbet et n’est jamais allé plus loin.»
disait-il. Je les connais toutes ces peintures : c’est moi Et sur son ami Braque : «Oh ! Braque n’est que
qui les ai faites.» À propos des musées, il passera Madame Picasso.» On rêve de lire ce que Picasso
de l’adoration à la calomnie : «Les musées sont autant aurait dit de Picasso !
de mensonges, les gens qui s’en occupent sont pour
la plupart des imposteurs.» Fuyant les salons et autres
expositions collectives, il affirmait aussi : «Un tableau

Beaux Arts I 3
v o U s
D E z -
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A R t iR B R E
à p é c E m
D
DU 15

Enki Bilal, Le Sommeil du Monstre (détail),1998 — Atelier de l’artiste — © FHEL, 2020

RésERvAtioN EN LigNE #expoEnkiBilal


fonds-culturel-leclerc.fr #leFHELchezvous

LANDERNEAU (29)
SOMMAIRE N° 439 JANVIER

EN COUVERTURE

Giovanni Giacometti
Autoportrait
1899, huile sur toile, 40 x 60 cm.

Qui est l’auteur de cet étrange autoportrait


au regard aussi vif et pénétrant que l’air
des montagnes qui l’entourent ? Dans la
famille Giacometti, je demande le père.
Vous connaissez ses fils, Alberto, le célèbre
sculpteur des silhouettes faméliques en
marche vers un avenir incertain, son frère
Diego, designer, et peut-être même le
petit dernier, architecte : Bruno. Découvrez
donc Giovanni, chef de file d’un courant
pictural typiquement suisse, à l’honneur
au musée d’Orsay : l’un des temps forts
du premier semestre de 2021. Bonne année !

JOURNAL GRAND FORMAT GUIDE


6 Vu Arrêt sur images 42 En couverture 111 Musées
12 L’essentiel de l’actualité en France 50 expositions qui vous 112 Quoi de neuf ?
Quel est l’impact du Covid feront du bien en 2021 113 Musée du mois : le Capc, une nef
sur les musées dans le monde ? ouverte à tous les dialogues
44 Archéologie 114 Les expositions en France
14 Nativité contemporaine 45 Art ancien
16 Sur la planète 48 Art moderne 120 Galeries
L’actualité dans le monde 52 Art contemporain Nos coups de cœur
18 Le patrimoine ouïghour en péril 56 Photographie 122 L’enfance de l’art
20 Architecture 57 Mode, musique & cinéma Bêtes de scènes artistiques
Toulon, nouvelle ville phare 58 À l’étranger 124 Calendrier des expositions
de l’urbanisme ?
60 Avant-première
22 Le bambou, ce matériau du futur
Entretien avec François Pinault MARCHÉ & POLITIQUE CULTURELLE
24 Design Visite guidée dans une Bourse
La chaise Carimate de Vico Magistretti de Commerce sublimée 127 À la une
26 Objets de connexion Le Soulages de Senghor
70 Exposition
28 Mode Les plus beaux fiascos du design sera vendu à Caen
Boramy Viguier, nouvelle révélation 128 Elle fait l’actu…
76 Flash-back
du prêt-à-porter masculin Floriane de Saint Pierre,
Insaisissables et saisissantes
30 Cinéma années 2000 chasseuse d’Amis
Hommage aux pionniers de l’image 129 La tribune d’Élisabeth Delacarte
80 Rétrospective
32 Livres Eugène Atget, photographe «En galerie, les prix sont stables
Moisson miraculeuse de la «capitale du rêve» et la passion constante»
34 Culture numérique 86 L’exposition imaginaire 130 La cote de l’art
L’expodcast ou comment voir des historiennes de l’art de AWARE Chers Olmèques
et écouter l’art Comment les artistes écoféministes 132 Bientôt sous le marteau
36 Philo régénèrent le monde Les ventes à ne pas manquer
Qu’est devenu Big Brother ? 96 Autoportraits cachés 134 Adjugé !
38 La chronique de Nicolas Bourriaud Cherchez l’artiste Enchères fraîches
Un monde où rien n’est à sa place 104 Exposition 138 La visite en BD
40 La cuisine de l’art par Alain Passard Les mondes infiniment petits de François Olislaeger
Homard à la Picasso et immenses de Sarah Sze Oscar Murillo à la galerie David Zwirner

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EN PAGE 133 DE CE NUMÉRO
VU
par Mathilde Bonn iec

Une résurrection en couleurs


À Châtelaillon-Plage, cité balnéaire aux abords de La Rochelle, la restauration de l’église
Sainte-Madeleine ne laisse indifférents ni les fidèles ni les curieux. Et pour cause : dans son écrin
Amaury Dubois du XIXe siècle, la modeste bâtisse de style roman abrite désormais une fresque contemporaine
Fresque sur de près de 600 m2. Réalisée par le street artist Amaury Dubois au pinceau et à la bombe aérosol,
la voûte de l’église
l’œuvre déploie ses teintes chatoyantes sur la voûte arquée de l’édifice. Loin des scènes bibliques qui
Sainte-Madeleine,
à Châtelaillon-
peuplent habituellement ces espaces sacrés, le décor mise ici sur l’abstrait. Guidés par la voûte étoilée
Plage (Charente- de l’église, les visiteurs cheminent, au gré des nuées, vers l’autel, enveloppé par d’immenses volutes
Maritime), 2020 colorées. Nul besoin de connaître ses psaumes pour ressentir la spiritualité des lieux : la couleur
amaury-dubois.com et la lumière servent de langage universel. Un joli exemple d’art urbain (con)sacré.

6 I Beaux Arts
PALAIS
ROYAUX
DE
CORÉE

Photographies de Heon-kang SEO Du 16 décembre 2020 au 26 février 2021


Vidéos de Jongwoo PARK Centre Culturel Coréen, 20 rue la Boétie, 75008 Paris
Figurines en papier Hanji de Mi-young YANG Tél. 01 47 20 83 86 www.coree-culture.org
VU
par Daphné Bé tard

Catharsis au cœur des rayons


Voltaire le décrivait comme «un bouton de rose sur une pomme d’ivoire». Objet de fantasme, organe
nourricier, ultrasensible, le sein est l’attribut féminin par excellence. Il est aussi dans la ligne de mire
d’une maladie mortelle : le cancer. Prune Nourry l’a vaincu et en a fait une œuvre cathartique, révélée
en 2019 à la galerie Templon, où l’on pouvait déjà apercevoir cette cible émouvante épousant la forme
d’une mamelle qu’une série de flèches suspendues dans les airs s’apprêtaient à toucher. Sa version XXL
Prune Nourry sera présentée à partir du 9 janvier sous les verrières du Bon Marché (qui donne chaque année depuis 2016
Amazone érogène, carte blanche à un artiste) sous le titre Amazone érogène, jeu de mots évoquant à la fois le caractère
2020 érogène de cette partie du corps et les guerrières de la mythologie grecque. Souvent associées aux femmes
Projet pour les verrières atteintes de cancer, ces dernières se battent contre l’envahisseur jusqu’à subir, parfois, une ablation
centrales du grand magasin
Le Bon Marché, à Paris.
de la poitrine – certaines légendes racontent qu’elles se coupaient le sein droit pour ne pas être gênées
prunenourry.com en tirant à l’arc. Une installation monumentale pour toucher les visiteurs en plein cœur.

8 I Beaux Arts
GIORGIO
MORANDI
La collection
Magnani-Rocca
Musée de Grenoble
16 déc. 2020 – 14 mars 2021
museedegrenoble.fr

Giorgio Morandi, Nature morte, 1936. Huile sur toile. Fondation Magnani Rocca, © Adagp, Paris 2020
VU
par L au rèn e Flinois

Larguer les amarres


Murat Yıldırım se joue des lois de la gravité et s’amuse avec la 3D pour nous hypnotiser
et donner à voir l’impossible. L’artiste turc a pourtant commencé sa carrière avec les pinceaux.
Entretemps, le digital est passé par là, et c’est aujourd’hui accompagné de sa palette graphique
qu’il met en scène ses compositions surréalistes, étranges contrées qui semblent émerger
d’un songe. Dans ce paysage vaporeux aux airs de petit conte nordique, Murat Yıldırım troque
la logique pour la poésie, quelque part entre les toiles oniriques de René Magritte et les constructions
Murat Yıldırım impossibles de Maurits Cornelis Escher, auxquelles il a consacré une série entière. Près de la rive,
Shack, 2020 trois barques sont prêtes à prendre le large, au gré du vent. C’est compter sans les cordes
instagram.com/muartive qui les retiennent à bon port. Comme un dernier sursaut de réalisme, vite balayé.

10 I Beaux Arts
Invitation à
quarante créateurs

Le Musée des Arts Décoratifs vous invite à découvrir


le nouvel accrochage de ses galeries permanentes
consacrées aux collections modernes et contemporaines.
Une exposition qui mêle nouvelles acquisitions
et œuvres majeures des collections.

Cet accrochage est aussi le fruit d’une invitation lancée


à près de 40 designers, créateurs, graphistes et artisans,
tous sollicités pour témoigner de ce « printemps incertain »,
expression empruntée à Virginia Woolf.

Un printemps et une année 2020 qui auront été pour la création,


le design, le graphisme, non pas une année entre parenthèses
mais l’occasion de créer, d’imaginer, de rêver, d’arpenter
le monde en pensée, et autrement.

16 décembre 2020
— 11 mai 2021

Cette exposition a reçu le soutien exceptionnel


de Pierre-Alexis et Sophie Dumas
L’ESSENTIEL FRANCE Par Françoise-Aline Blain

Quel est l’impact du Covid


sur les musées dans le monde ?
Le Conseil international des musées vient de publier sa nouvelle enquête*. Si les chiffres sont
moins alarmants que dans le premier rapport daté de mai, ils restent toutefois préoccupants.

14 %
ont placé une partie
62,4 % du personnel
en chômage partiel
des musées anticipent ou ont licencié.
une baisse du nombre
des expositions.
30,9 %
%
6 % des musées vont
craignent réduire leur personnel
de devoir fermer permanent.
définitivement. Plus de
67,4 % 46 %
planifient vont limiter
une baisse les contrats
des programmes temporaires
publics. eet free-lance.
50 % Environ
prévoient
une diminution
80 %
ont déclaré que les
des horaires mesures de sécurité
d’ouverture. 15 % et de conservation
imaginent une
hausse généralisée étaient
de l’offre maintenues.
Montage d’après
Léonard de Vinci.
en ligne.
* Enquête mondiale réalisée par l’ICOM (International Council of Museums)
auprès de 900 musées de cinq continents en septembre-octobre 2020.

DISPARITION
Daniel Cordier, la liberté en héritage
Il fut le premier à exposer Louise Nevelson et Robert Rauschenberg, puis à acquérir
des œuvres de Robert Morris ou Charles Simonds. Daniel Cordier est décédé le 20 novembre,
à 100 ans. En 1940, à 19 ans, il rejoint très vite le général de Gaulle, à Londres, avant de
Figure de la résistance
devenir le secrétaire de Jean Moulin. Après la guerre, il commence à collectionner, puis ouvre
et grand collectionneur,
Daniel Cordier, une galerie en 1956 à Paris – activité qu’il cesse en 1964. En 1989, il effectue une première
ici en 2014, à Paris. donation au musée national d’Art moderne de 500 œuvres de 66 artistes (Jean Dubuffet, César,
Hantaï, Bernard Réquichot, Dado…). Un ensemble présenté de façon permanente depuis
1999 au musée des Abattoirs de Toulouse. En 2010 et 2015, il fait deux donations au Centre
Pompidou, en particulier d’objets issus de sociétés non occidentales et de nombreuses
archives. Un hommage national lui a été rendu aux Invalides, le 26 novembre.
«Sous le fil – L’art tissu dans les collections de Daniel Cordier
et des Abattoirs» jusqu’au 30 mai • musée des Abattoirs/Frac Occitanie
76, allées Charles de Fitte • 31300 Toulouse • 05 34 51 10 60 • lesabattoirs.org

12 I Beaux Arts
© Hervé Lewandowski - © CA Consulting - © Adagp, Paris, 2020 - © Adélaïde Laurent-Bellue
EXPOSITION
JEAN Jusqu’au 30 janvier 2021

ROYERE 19, avenue Matignon Paris 8


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contact@jacqueslacoste.com

www.jacqueslacoste.com - 19, avenue Matignon Paris 8 + 33 (0)1 42 89 11 11 - 12, rue de Seine Paris 6 + 33 (0)1 40 20 41 82
L’ESSENTIEL FRANCE

Paris veut repenser son esthétique


Comment faire de la ville un espace accueillant ?

Nativité contemporaine À quoi le mobilier urbain doit-il ressembler ?


Pour quels usages ? Quels matériaux choisir ?
Quelle place laisser aux végétaux ? La Ville
de Paris lance une démarche participative sur
l’aménagement de l’espace public. Objectif :
se doter d’une nouvelle doctrine qui sera consignée
dans un «Manifeste pour une nouvelle esthétique
parisienne», fin 2021. Son élaboration s’appuiera
notamment sur le lancement, en janvier, d’une grande
consultation auprès des habitants, accompagnée de
toute une série de «mini-concours» pour qu’architectes
et designers imaginent des «objets totémiques»
de l’espace public de demain. À l’avenir, la Mairie veut
faire du design l’un des éléments de critères dans
les appels d’offres pour les marchés publics,
les délégations de service public ou les contrats
de concession.

Une biennale pour inventer l’éternité


Entre Aix-en-Provence, Marseille et Avignon, la 2e Biennale
des imaginaires numériques fait la part belle à la création
contemporaine, avec cette année Taïwan en invité d’honneur.
Plus d’une quarantaine d’artistes (Jeanne Susplugas,
Laurent Pernot, Abdessamad El Montassir…) y livrent leur
vision de l’éternité. Contexte sanitaire oblige, tout a été
repensé : l’exposition «Kyil Khor», de Félicie d’Estienne
Prosper Legault Étoile du berger, 2020 d’Orves, à la fondation Vasarely a notamment été décalée
du 9 au 24 janvier. En week-end de clôture, du 14 au 17 janvier,

P
our la cinquième année consécutive, l’église Saint-Eustache, à Paris, sous sont proposées des interventions dans l’espace public,
l’impulsion de la galeriste Françoise Paviot, chargée de l’art contemporain des performances, des projections et des Journées
à la paroisse, en partenariat avec Rubis Mécénat, accueille une œuvre sur professionnelles avec pour thème «Qu’en est-il de nos
le thème de la Nativité, fruit d’un appel à projets lancé auprès des élèves de l’École imaginaires ?».
nationale supérieure des Beaux-Arts. Tout juste diplômé, le lauréat Prosper Legault «Chroniques – Biennale des imaginaires numériques»
propose, en écho à l’architecture romane et gothique de l’église, un collage jusqu’au 17 janvier • à Aix-en-Provence, Marseille et Avignon
chroniques.org
en 3D réalisé «à partir de restes d’enseignes ou de mobilier urbain glanés au cours
de ses déambulations». Des «poèmes de rues» pour changer le regard.
Jusqu’au 2 février • saint-eustache.org
Découverte d’un vase rarissime
La trouvaille est exceptionnelle ! C’est même
Le Mobilier national, solidaire de la filière lainière une première en France. Un vase entier
Soutenir les productions françaises de en verre ouvragé, dit «diatrète», datant de la fin
la laine : c’est l’objectif du Mobilier de l’époque romaine, a été mis au jour par
national, engagé au sein du collectif les équipes de l’Inrap à Autun (Saône-et-Loire)
Tricolor, «pour mettre ses productions lors des fouilles de 230 sépultures d’une importante
d’exception au service de la sauvegarde nécropole. Enchâssé dans une sorte de cage elle
des savoir-faire et soutenir la traçabilité aussi en verre, il est orné de motifs décoratifs sculptés,
de nos matières premières», selon rehaussés de lettres en relief formant les mots
Hervé Lemoine, son directeur. «Vivas feliciter» (Vis en félicité). Il ne subsiste qu’une
Aujourd’hui, des tapis et des tapisseries dizaine d’objets complets de ce type dans le monde.
du Mobilier national, destinés
notamment aux lieux officiels, sont
encore confectionnés aux Gobelins
Restauratrice à l’œuvre sur un tapis en laine,
(Paris) et à Lodève (Hérault). Trois
à la manufacture des Gobelins.
cents kilos de laines françaises de
LE CHIFFRE DU MOIS différentes provenances locales
serviront ainsi en avril à l’artiste Sheila

1 224 C’est le nombre


d’ouvrages spoliés par les nazis
Hicks pour une carte blanche à la
manufacture des Gobelins dans le
cadre des Journées européennes des
retrouvés dans les collections de la métiers d’art.
bibliothèque de l’Institut national mobiliernational.culture.gouv.fr
d’histoire de l’art (Inha), à Paris. Découvert dans un sarcophage, l’objet fait 16 cm
de diamètre et serait daté du IVe siècle.

14 I Beaux Arts
  olklore
J4 Exposition Jusqu’au 22 février 2021

F
  atalia Gontcharova © Adagp, Paris, 2020 ; photo © Centre Pompidou, MNAM—CCI, Dist. RMN—Grand Palais / Adam Rzepka

Mucem
N

Avec le soutien des mécènes fondateurs Exposition conçue et organisée En partenariat avec
par le Centre Pompidou-Metz
en partenariat avec le Mucem
SUR LA PLANÈTE Par Françoise-Aline Blain

PAYS-BAS
ÉMIRATS ARABES UNIS / ÉTATS-UNIS
Our House, un musée
Culturespaces étend sa toile 100 % electro
Depuis sa création, en 1990, Culturespaces est devenu «Une expérience innovante
le principal gestionnaire privé de musées, centres d’art et et futuriste.» C’est ce que
monuments en France, avec plus de 4,6 millions de visiteurs proposera le premier musée
par an sur 14 sites. Après Les Baux-de-Provence, Paris, européen exclusivement
Bordeaux et l’île de Jeju en Corée du Sud, l’opérateur étend dédié à la musique électronique,
son réseau de centres d’art numériques en s’installant qui doit ouvrir ses portes cet été
à Dubaï, au pied de la célèbre tour Burj Khalifa, dans le Dubai à Amsterdam. Our House
Mall qui accueille chaque année 80 millions de visiteurs. se veut éducatif, ludique
En ouverture, une exposition dédiée à Van Gogh. Fin 2021, et multisensoriel. Objectif :
ce sera au tour de New York d’inaugurer le Hall des Lumières retracer l’histoire de ce courant
dans une ancienne banque du quartier de Tribeca. musical, de Berlin à Detroit
en passant par Ibiza. Au
programme : immersion visuelle
Deux nouveaux centres d’art numériques
vont voir le jour à Dubaï et New York. et sonore, masterclasses,
concerts et ateliers où les
ÉTATS-UNIS visiteurs pourront eux-mêmes
mixer. our-house.com
Hallucination collective
D’après une étude publiée dans la revue américaine
Proceedings of the National Academy of Sciences,
il s’agirait de «la première preuve d’ingestion
d’hallucinogènes sur un site d’art rupestre».
Dans une grotte sacrée de Californie, à 80 km
de Santa Barbara, fréquentée du XVIe
au XIXe siècle par le peuple des Chumash,
des chercheurs ont mis au jour des boulettes
mâchées de datura (une plante aux propriétés
psychoactives), enfoncées dans les fissures
de la cavité à la manière de vieux chewing-gums
séchés. Cette découverte relance l’hypothèse
selon laquelle les images rupestres seraient
le produit d’hallucinogènes.

NIGERIA
Les bronzes volés reviennent
sur leurs terres royales
L’Edo Museum of West African Art sera dessiné par
la «starchitecte» britannico-ghanéenne David Adjaye.
Destiné à exposer les bronzes volés par les troupes
britanniques en 1897 et aujourd’hui conservés dans
des collections européennes et américaines, ce musée
devrait voir le jour en 2024 à Benin City (anciennement Le monastère
Edo). Le British Museum, qui détient plusieurs milliers arménien de
de ces bronzes provenant de l’ancien palais royal Gandzasar,
du Bénin, s’est prononcé pour le retour de certaines construit au
œuvres, mais sous forme de prêt. XIIIe siècle.

ÉGYPTE HAUT-KARABAKH
Un trésor mortel exhumé à Saqqarah Une mission pour le patrimoine
Une centaine de sarcophages, vieux de plus de deux mille ans, ont été Il s’agirait d’une première. L’Unesco a proposé
découverts à 12 mètres de profondeur à Saqqarah, siège de l’ancienne d’envoyer une mission d’experts au
nécropole de Memphis (capitale de l’Égypte antique). Les cercueils auraient Haut-Karabakh «avec l’accord des parties
appartenu à de hauts fonctionnaires de la Basse Époque (700-300 av. J.-C.) concernées», pour faire un inventaire
et de la période ptolémaïque (332-30 av. des biens culturels de la région. Depuis
J.-C.). Les momies retrouvées à l’intérieur le cessez-le-feu instauré le 10 novembre
sont enveloppées d’un linceul orné de dans la guerre opposant l’Azerbaïdjan
hiéroglyphes colorés et accompagnées à l’Arménie, les inquiétudes étaient vives
d’objets, dont des statues de divinités quant à la préservation d’un patrimoine
et des masques funéraires. culturel millénaire dans les territoires
récemment perdus par les Arméniens.
Présentation d’une partie de la centaine Le périmètre de la mission (biens visés,
de sarcophages découverts. comité d’experts…) est encore à déterminer.

16 I Beaux Arts
L’ESSENTIEL MONDE Par Françoise-Aline Blain

CHINE
Le patrimoine ouïghour en péril
Un rapport accuse Pékin d’avoir
détruit des milliers de mosquées
dans la province musulmane du
Xinjiang. Et somme la communauté
internationale de réagir.

Q ue se passe-t-il dans la province du Xinjiang,


au nord-ouest de la Chine ? Depuis 2016,
la minorité turcophone et musulmane
ouïghoure y subit une implacable répression
de la part du pouvoir central à Pékin, qui l’accuse
de séparatisme et de fondamentalisme islamiste.
Au nom de la lutte contre le terrorisme, la région
a été transformée en «zone interdite». Détentions
massives, disparitions, tortures, viols et stérilisations
forcées sont dénoncés par des journalistes et
des ONG, dans l’indifférence générale.

La Grande Mosquée de Kargilik


flanquée d’un centre commercial
À la surveillance généralisée, aux camps
d’internement et au programme d’endoctrinement
s’ajoute une stratégie de nettoyage culturel. autochtones subordonnées à la “nation chinoise”», Parmi les cibles du
C’est ce qu’avance un rapport publié par l’Institut écrit l’ASPI, qui accuse également l’Unesco et le gouvernement chinois,
le cimetière de Kashgar,
australien de politique stratégique (ASPI) et financé Conseil international des monuments et des sites situé derrière le mausolée
par le département d’État américain. Cette étude (Icomos) de rester silencieux face aux preuves d’Abakh Khoja, et considéré
très détaillée, fondée sur des observations satellites croissantes de ce «génocide culturel». comme le site musulman
et des modèles statistiques, montre que la Chine le plus sacré du Xinjiang.
aurait détruit et endommagé environ 16 000 mosquées «Absence de crédibilité»
(sur les 24 000 que compte officiellement le Xinjiang). Pékin a aussitôt évoqué des «mensonges» et
Sous couvert de motivations sécuritaires, le des «calomnies» et dénoncé «l’absence de crédibilité»
patrimoine et la culture ouïghours sont ainsi devenus de l’ASPI et «ses financements venus de l’étranger».
la cible prioritaire du régime central. La plupart «Le Xinjiang n’a jamais détruit ou démoli par la force
des destructions se seraient déroulées lors des des sites religieux. À l’inverse, il a pris une série de
trois dernières années, et 8 500 mosquées auraient mesures pour les protéger», affirment les autorités,
été complètement démolies, affirme le rapport. mettant en garde contre toute tentative «d’ingérence».
Certaines autres auraient vu leurs dômes et La France a condamné officiellement les violations
leurs minarets retirés. Les chercheurs estiment des droits de l’homme dans la région et proposé
à 15 500 le nombre de mosquées encore debout d’envoyer sur place une mission internationale sous
dans la province. Ainsi, la Grande Mosquée la houlette de Michelle Bachelet, la Haut-Commissaire
de Kargilik, construite en 1540, a vu son portail de l’ONU aux droits de l’homme. Face à la pression,
rasé et reconstruit en plus petit pour faire place de hauts responsables du Xinjiang ont invité,
à un centre commercial. Toujours selon le rapport, mi-novembre, lors d’un point presse, les responsables
30 % des sites sacrés islamiques (sanctuaires, de l’Union européenne à venir visiter la province,
cimetières, routes de pèlerinage) auraient également avant de mettre en garde : «Nous sommes opposés à
été démolis.«Le gouvernement chinois s’est lancé toute enquête basée sur la présomption de culpabilité
dans une campagne systématique et intentionnelle et nous opposons à quiconque examine le Xinjiang
pour réécrire le patrimoine culturel de la région à travers un regard biaisé.»
autonome ouïghoure du Xinjiang. Il cherche
à redéfinir la culture des Ouïghours et des autres aspi.org.au/report/cultural-erasure
communautés turcophones – en supprimant
tous les éléments islamiques, transnationaux ou
autonomes – afin de rendre ces traditions culturelles

18 I Beaux Arts
5 ANS !
LE MACTE
MACTe
CULTURES URBAINES &
3.0 DU
2

AU
23 NOV.
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17 JAN.
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MUSEUM MIAMI
& MÉMORIAL ACTe
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RONALD CYRILLE
AKA B.BIRD
#RÉSIDENCECONNECTÉE
ARTIST IN PROGRESS

ATELIER OUVERT
ARCHITECTURE Par Philippe Trétiack

De l’École supérieure
d’art et de design
Toulon Provence
Méditerranée au jardin
Alexandre Ier,
l’architecte marseillaise
Corinne Vezzoni
assume tout le plan
d’urbanisme de l’îlot
Chalucet, entre la gare
et la rade de Toulon.

Toulon, nouvelle ville phare de l’urbanisme ?


Un quartier délaissé vient de revenir à la vie grâce à Corinne Vezzoni. Mais la cité portuaire ne
compte pas s’arrêter là. Les concours se multiplient et attirent désormais toute la planète archi.

A
près Montpellier, Nantes et Bordeaux, protecteur, isolant le jardin Alexandre Ier, tout
c’est peut-être au tour de Toulon de se faire de plénitude, des sources de nuisances sonores
la capitale de l’architecture contemporaine. du boulevard et des voies ferrées. Pièce de choix
Signe qui ne trompe pas, les grands noms de la de l’école, sa galerie des balcons, chute vertigineuse
profession, alléchés par l’odeur du béton frais, d’escaliers et de de paliers utilisables comme lieux
commencent à s’inscrire en masse aux différents d’exposition. Sas, vide et resserre d’émotions,
concours que la ville, sous l’impulsion du maire cette pièce architecturale est éclairée par des baies
Hubert Falco, lance ici et là. La Marseillaise vitrées qui la dynamisent à la manière des fenêtres
Corinne Vezzoni, honorée très récemment de la des cars Greyhound, dessinés dans les années 1940
grande médaille d’or de l’Académie d’architecture, par Raymond Loewy. Au sud, les salles de classe
avait remporté en 2015 un vaste projet d’aménagement s’ouvrent au soleil et bénéficient d’une vue plongeante
où ne concourraient encore que des Français. sur la petite rade et ses navires de guerre. En dessous,
L’îlot Chalucet dont elle assume le plan d’urbanisme la médiathèque reprend et double en partie l’ancien
est désormais achevé. C’est un sacré morceau. hôpital. Les détails subtils abondent : retraits des
ouvertures créant des alcôves, sauvetage des poutres
Une colline néo-moderniste anciennes, discrétion des luminaires… Quant aux
entre rocaille et mer logements, Vezzoni les a voulus sobres et massifs,
Pour commencer, voici sauvé un jardin magnifique. vaguement paquebot. Entre ces différents pôles
Autrefois possédé par la Marine, il fut délaissé et livré se dresse encore une école de commerce dessinée
au saccage. Vezzoni en a fait un domaine où sont par Christian Devillers, remarquable par la scansion
célébrées les essences exotiques (autrefois rapportées de ses piliers en façade et son large porte-à-faux
par les marins), les simples (plantes médicinales de métal. Parce que chaque rue aboutissant au jardin
utiles à l’hôpital de la Charité, hier présent sur le site) y trouve un accès, l’ensemble joue de la suture
et l’eau sous toutes ses formes et tous ses sons. Plus entre une ville orthogonale du XIXe siècle et une ville
haut se dressent une médiathèque, des logements, du XXe saupoudrée de bâtiments construits en
et l’École supérieure d’art et de design Toulon oblique. D’un coup, c’est tout un quartier qui revit
Provence Méditerranée dont la façade au pan coupé et l’on mesure l’urbanité de cette architecture
et aux ouvertures en bandes forme un redan, une blanche, inspirée en partie par l’enfance de Corinne
saillie spectaculaire face à la gare. En fond de décor Vezzoni en Afrique du Nord. On regrettera peut-être
se dresse, majestueux, le mont Faron, et c’est un surpoids de références au dogme corbuséen
dans cette conque, entre rocaille et mer, que s’élève néo-moderne, reste qu’entre jardin et murs, tout l’îlot
désormais cette colline moderniste aux allures Chalucet chaloupe à présent d’une nouvelle vigueur.
de fortin contemporain. L’école en est la pièce L’architecture sauvera Toulon de la décrépitude.
maîtresse car l’architecte l’a pensée comme un îlot

20 I Beaux Arts
1 ère maison de ventes aux enchères en Europe sur le marché
des Peintres d’Asie du début du XXe siècle et saluée
de multiples records mondiaux

Vente 28 en préparation : février 2021


PEINTRES D’ASIE, ŒUVRES MAJEURES
HỌA SĨ CHÂU Á, TÁC PHẨM QUAN TRỌNG • 亞洲繪畫,經典傑作
4 ventes par an Adjugé 58 500 €
Adjugé 179 400 €
Adjugé 207 760 €
Adjugé 130 000 €

Adjugé 37 700 €

Adjugé 1,165 million d’€, 2ème record mondial

Adjugé 590 560 €

Adjugé 195 000 € Adjugé 179 400 €

0€ Adjugé 220 520 €


4 50
é8
jug
Ad

Cet ensemble d’œuvres a été proposé


à la vente du 6 octobre 2020, totalisant
3,78 millions d’€

Adjugé 62 400 €

Expertises gratuites et confidentielles sur rendez-vous Avec 7 records du monde et près de 8 millions d’euros de résultats
dans toutes les grandes villes de France et en Belgique, en  2020, le département Peintres d’Asie consolide sa place de leader
Luxembourg, Suisse... sur le marché Européen.
L’œuvre Jeune fille aux Pivoines de Le Pho, emportée 1 164 760 euros,
Charlotte Reynier-Aguttes signe un deuxième record mondial pour l’artiste et prouve ainsi
+33 (0)1 41 92 06 49 - reynier@aguttes.com le  fort engouement des collectionneurs et amateurs du Vietnam pour
ce peintre dont la côte ne cesse de monter.
Les collectionneurs internationaux savent aujourd’hui qu’ils vont trouver
Neuilly-sur-Seine • Paris • Lyon • Aix-en-Provence • Bruxelles à chaque vacation Aguttes consacrée aux Peintres d’Asie du XXe siècle
aguttes.com | Suivez-nous des pièces de très grande qualité choisies avec exigence.
ARCHITECTURE

Dormir au cœur
d’une lanterne
Three Hostels • 2016
Baoxi, Longquan (Chine)
Anna Heringer Architecture
Pionnière en matière de construction
vernaculaire contemporaine en terre,
Anna Heringer s’est illustrée également
dans la réalisation d’architectures
monumentales en bambou. En témoigne
ce projet pérenne conçu dans le cadre
de l’International Bamboo Architecture
Biennale de Baoxi (municipalité de
Longquan), un village à 500 km au sud
de Shanghai. Soit deux auberges et une
maison d’hôtes constitués d’une structure
centrale en terre battue et en pierre
sur laquelle sont greffées des unités
de couchage qui s’illuminent la nuit.
L’ensemble est recouvert d’enveloppes
spectaculaires en bambou tressé qui
célèbre la tradition de la vannerie chinoise
à grande échelle tout en préservant
l’harmonie d’un paysage de montagne
et de forêts de bambou. Magique !

Le bambou, ce matériau du futur


Avec son empreinte carbone nulle et son immémoriale histoire artisanale, le bambou
issu des forêts durables d’Asie séduit naturellement beaucoup d’architectes. Qui s’autorisent
toutes sortes d’extravagances, comme autant d’alternatives à la folie du béton.

Faire du sport Déjà réputée pour l’excellence de sa pédagogie qui associe les valeurs du bouddhisme et les vertus
de l’écologie au programme scolaire britannique, l’école internationale Panyaden, à 15 km de Chiang Mai,
dans un lotus s’est doté d’un complexe sportif unique. Soit une structure de 700 m2 entièrement réalisée en bambou,
dont la forme organique évoque la fleur de lotus, symbole de la Thaïlande mais aussi de la pureté du corps
Bamboo Sports Hall Panyaden
et de l’esprit dans le bouddhisme. Fruit d’un travail commun entre architectes, ingénieurs et artisans,
International School • 2017
la construction est soutenue par d’immenses arches culminant à 17 m de hauteur, qui ont été assemblées
Nam Phrae (Thaïlande) à la main au sol puis levées par des grues. Disposés le long du terrain, de larges balcons offrent en outre
Chiangmai Life Architects au public une place de choix sur les différents événements sportifs.

22 I Beaux Arts
Par Céline Saraiva

S’émerveiller Pour décor : le paysage majestueux des montagnes karstiques de Yangshuo,


au sud de la Chine. C’est là que, depuis plus de dix ans, se déroule le show
sous une canopée Impression Sanjie Liu, orchestré par le cinéaste Zhang Yimou. Afin de
préparer à la magie de ce son et lumière, les spectateurs sont accueillis
Bamboo Bamboo • 2018-2020
par une immense structure en bambou (1 000 m2) entièrement tissée
Guilin (Chine) • LLLAB
à la main et coiffée de quatre canopées. Si, de jour, cette architecture
offre le spectacle enchanteur des taches de lumière traversant l’édifice,
la nuit, les piliers se transforment en lanternes lumineuses qui ajoutent
à la féerie des lieux.
DESIGN L’OBJET CULTE Par Pierre Léonforte

La chaise Carimate de Vico Magistretti, 1959

Classique, moderne
et rustique
Prisée par les Beatles comme
par Buckingham Palace, cette icône
du design italien des années 1960
est rééditée par la firme danoise
Fritz Hansen. Cent ans après
la naissance de son concepteur,
le magistral Vico Magistretti.

itué au nord de Milan sur la route menant

S à Côme, Carimate est un bourg historique


groupé autour de son château. En 1955,
la baronne Arnaboldi Cazzaniga, alors propriétaire
de terres et parcs avoisinants, décida de tout vendre
à une puissante société immobilière romaine
qui y projettera un ensemble résidentiel huppé
de 400 villas enfouies dans la nature et d’un site
de loisirs avec piscine, tennis, équitation et golf.
S’y ajoutera en 1962 un club house architecturé
par Vico Magistretti et Guido Veneziani.

«Un symbole des Swinging Sixties»


Fils d’architecte, Magistretti (1920-2006) avait déjà
pas mal construit en ville : logements, bureaux,
magasins, mais aussi un cinéma, une église, souvent
réalisés à quatre mains avec Veneziani. La commande et accessoirement photographe et designer) en passa Disponible en laque noire
du golf club de Carimate lui donnera l’occasion de commande pour Buckingham, non sans exiger ou rouge, la Carimate
a été subtilement modifiée.
se frotter au design mobilier avec un siège (le premier un rabais !», se souviendra l’intéressé bien des années La paille d’origine, par
d’une longue série), dessiné pour asseoir les membres plus tard. Muée en classique du design italien, exemple, a été remplacée
et leurs invités au restaurant ou au bar. «Il s’agissait la Carimate sera éditée par Cassina jusqu’en 2011. par un cordage en lin garanti
d’un siège campagnard traditionnel, entre modernité sans OGM.
et mémoire, commentera-t-il. Un jalon de culture Chaque chaise a désormais
rustique en bois et paille.» Laqué rouge ou noir, sa plaque de laiton numérotée
Carimate, puisque c’était son nom, fera fureur en Ses droits de reproduction ont été confiés début 2020
Angleterre. Bien que produite par Cassina, Terence par les héritiers et ayants droit du maestro
Conran flairera le bon coup et réclamera à Magistretti à la firme danoise Fritz Hansen qui en a donc
de lui en apporter un exemplaire à Londres. «Ce fut présenté l’automne suivant une réédition numérotée
la pire affaire de ma vie. Supérieurement intelligent, (identifiée par une plaque en laiton) et caractérisée
Conran était un pirate qui s’emparera de la Carimate par trois modifications structurelles : dossier
et qui en fera un symbole des Swinging Sixties, redessiné, hauteur d’assise subtilement surélevée
adorée des Beatles et des intellos londoniens. Même et garnissage de l’assise originelle en paille troquée
Lord Snowdown (ex-mari de la princesse Margaret pour une drisse en lin européen garanti sans OGM
– il en faut 110 mètres pour un seul siège ! Bois
de hêtre issu de forêts gérées, laque noire ou rouge :
ce manifeste rustique du design, re-putté scandi-
green, coûte 1 088 €.
fritzhansen.com

24 I Beaux Arts
Rencontre entre les collections du
FRAC Auvergne et du musée Crozatier
Musée Crozatier
Le Puy-en-Velay
Jusqu’au 24 mai
Ouvert 7j/7. toutes les vacances scolaires www.musee.patrimoine.lepuyenvelay.fr
DESIGN

Objets de connexion
À Nancy, l’artiste Pierre Giner poursuit la déclinaison
de son œuvre numérique CNAPN, conçue il y a dix ans pour
le Centre national des arts plastiques (Cnap). Celle-ci génère
des expositions virtuelles à partir des quelque 8 000 objets design
répertoriés dans la base de données des collections du Cnap
et prend d’abord la forme d’un site Internet. Ce «lieu d’art virtuel»
investit aujourd’hui le musée des Beaux-Arts de Nancy.
Commissaire et scénographe de l’exposition «Le droit des objets
à (se) disposer d’eux-mêmes», Pierre Giner interroge le principe
même de collection. Divers dispositifs virtuels infiltrent ainsi
les salles dédiées aux collections permanentes du musée nancéen,
en même temps que des pièces bien réelles prêtées par le Cnap
peuvent être tout autant regardées qu’essayées !
«Le droit des objets à (se) disposer d’eux-mêmes»
jusqu’au 18 janvier • 3, place Stanislas • 54000 Nancy
musee-des-beaux-arts.nancy.fr • cnap-n.fr

Lao
Pierre Charpin • galerie Kreo • 2010
D’une apparence proche de celle d’un mobile, cette suspension aux
couleurs délicates – deux nuances de gris et un «bleu océan» – semble
flotter dans les airs. Cette sensation est donnée par l’asymétrie
des éléments qui la composent, sortes de T à la barre démesurée posée
sur un petit pied fin. L’arrondi des ampoules aux extrémités des
trois longs tubes en métal laqué adoucit la géométrie de la forme,
tout en soulignant son horizontalité.
De 30 000 à 50 000 € • édition limitée à 8 ex. • galeriekreo.com

Gable N°1C Berlin Mehringdamm


Lukas Dahlén • 2012 Bless N°29 Wallscapes
Bless • 2006
En verre soufflé, le corps du luminaire crée l’illusion d’être constitué
d’une matière tendre dans laquelle le câble laisse son empreinte Voici l’un des cinq papiers peints de l’exposition : de format 4 x 3 m,
en le maintenant en suspension. Dissimulant la douille et le culot ils créent des ouvertures vers un ailleurs au cœur du musée. Conçus,
de l’ampoule, un bouchon en liège vient fermer l’objet. C’est l’une à l’origine, pour une exposition au musée Boijmans Van Beuningen
des trois variantes que compte la collection du Centre national de Rotterdam, ces «paysages muraux» renvoient à la tradition des
des arts plastiques avec une version colorée dotée d’une corde noire papiers peints panoramiques. Le duo de créatrices du studio Bless
et une version opaline avec une corde jaune. (Desiree Heiss & Ines Kaag) en a imaginé plus de 60 modèles.
http://lukasdahlen.se 600 € • blesswebshop.com

26 I Beaux Arts
Par Claire Fayolle

Awkward Selfportrait
Laureline Galliot • 2016
Designer et peintre, Laureline Galliot pratique le dessin sur iPad.
Son goût pour les outils numériques et son penchant pour la couleur
et les atmosphères étranges sont communs à l’ensemble de
ses productions. En témoignent le vase Lucky Toad (2013) et la théière
Teapot (2012), fabriqués en impression 3D, qui apparaissent dans cet
autoportrait domestique fauviste, sur le linteau de la cheminée. Au
musée des Beaux-Arts de Nancy, l’impression pigmentaire se confronte
à la collection
de peintures
modernes :
les œuvres
d’Émile Friant
et d’Édouard
Manet.
laureline
galliot.com

85 Lamps
Rody Graumans • 1993
Quatre-vingt-cinq ampoules, douilles et fils électriques reliés à des
dominos : ce sont ces simples éléments, disponibles dans tout magasin
de bricolage, qui constituent ce luminaire. Devenu très rapidement un
objet phare du collectif néerlandais Droog Design, ce lustre n’a pas pris
une ride. Avec sa grappe d’ampoules coiffée d’un chignon de dominos,
il incarne brillamment une économie de moyens décorative.
2 695 € • droog.com

Naufragés sur lit de moquette


Florence Doléac • 2008
Cette assise collective agrège 17 ballons de gymnastique dans
une housse en moquette. Avec elle, Florence Doléac bouleverse
le maintien du corps et son rapport à l’espace. Avec malice, elle dit
autoriser l’utilisateur «à se lâcher alors qu’il pensait “consommer”
de l’art ou du design». Initialement créé pour une exposition au Crac
de Sète, l’objet, par sa forme, rend hommage à une spécialité
culinaire locale : la tielle, sorte de tourte à base de poulpe et de tomate.
doleac.net

Cavea
Olivier Vadrot • 2016
À propos de cette commande du Cnap, Pierre Giner
écrit dans le journal de l’exposition qu’il aurait
aimé avoir l’idée de cet «objet singulier
et spécifique qui manquait à la collection».
Composé d’éléments autonomes, ce mobilier
nomade permet d’organiser divers formats
d’échange – conférence, table-ronde,
workshop – dans des espaces variés.
Déployé dans une salle du musée, le dispositif
s’accompagne d’une lecture et d’une
projection d’œuvres et d’objets de la collection
générée par «une extension de CNAPN».
vadrot.com

Beaux Arts I 27
MODE Par Par Selvane Mohandas du Ménil

Boramy Viguier, nouvelle révélation


du prêt-à-porter masculin
Fortement inspiré par l’art, le jeune créateur parisien mixe occultisme et humour
dans des défilés 3D évoquant autant le jeu vidéo que l’enluminure médiévale.

is-moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es» :

« D l’adage populaire cher à Sancho Panza,


l’écuyer de Don Quichotte, convient
parfaitement à Boramy Viguier, dont la mode made
in France brouille les pistes autant par son ésotérisme
que par son ancrage dans la réalité. Chaque saison,
la collection est ornée d’un symbole qui lui est propre,
et chaque pièce vendue s’accompagne d’une carte
de tarot exclusive. La raison ? Non content de mettre
en avant production locale, artisanat et savoir-faire,
Boramy Viguier vise à réinjecter du spirituel dans
un monde sans repères, mais avec toujours l’air de
ne pas y toucher, un rien narquois. Le ton est donné
dès le premier clic sur son site, sur lequel apparaît
cette devise : «L’âme, comme le corps, s’endurcit par
la peine.» Pour en savoir plus, il faut le mériter.

D’Emmanuel Perrotin à Lanvin


Son parcours est à l’image du personnage : joyeux
et imprévisible. Deux mois après le début de ses
études de droit, il plaque tout pour rejoindre la galerie
Perrotin à Paris, et travailler sur plusieurs projets,
notamment l’exposition de Takashi Murakami
au château de Versailles – où les références à l’irréel
et au mystérieux font mouche et le convainquent
de se tourner vers la mode. Admis à Central
Saint Martins (le berceau de Riccardo Tisci, Stella
McCartney, John Galliano et tant d’autres) à Londres, Puisant dans les vestiaires du défilé et a présenté sa dernière collection
il préfère partir en stage chez Alexander McQueen classique et militaire, sous forme d’un look book vidéo en trois dimensions,
la collection printemps-
et Craig Green quelques mois après la rentrée. été 2021 invite à une avec des vêtements virtuels plus vrais que nature.
Il finit par passer quatre ans aux côtés de Lucas étonnante et presque
Ossendrijver chez Lanvin, avant de lancer sa propre inquiétante parade virtuelle. Repéré par Gucci pour
marque en 2018, à 28 ans. Boramy Viguier propose son nouveau festival de vidéos
une garde-robe inspirante et complète, du pantalon La collection printemps-été 2021 de Boramy Viguier
à la veste de costume en passant par la parka. évoque justement «un personnage complexe et
Mais le créateur continue de brouiller les pistes paradoxal, qui aurait besoin de l’aide d’un écuyer
en annonçant que ses collections, qualifiées de afin de se préparer à braver un voyage spirituel».
mystiques par ses aficionados, sont des vêtements Réincarnation ou simple clin d’œil ? Une chose
réels, à porter, avant d’être des histoires de mode. est certaine, quand Boramy Viguier parle de ses
«Les références, c’est bien, mais pour moi ça n’est pas collections, c’est à la fois en invoquant les esprits
suffisant» : au lieu de se contenter d’énumérer ses fantomatiques et en appuyant sur la qualité
sources d’inspiration – des cinéastes Stanley Kubrick des matières ou les sérigraphies faites localement
et Godfrey Reggio à l’artiste Hans Ruedi Giger – et à la main, ce qui rend chaque pièce unique.
il joue avec les détails, la qualité des matières, Cet univers à la fois menaçant et romantique lui
les poches, les boutons-pression, en gardant en tête a permis de se faire repérer par Gucci, pour son
leur raison d’être et leur utilisation. Pragmatique, tout nouveau festival de vidéos de mode. Avec
habitué à travailler avec des contraintes, il ne s’est pas un brin de malice, le styliste cinéphile ajoute que
laissé démonter par le confinement du printemps «le méchant est toujours plus intéressant quand
dernier. «On ne fait pas de l’art selon un format», il n’est pas juste méchant». Heureusement, c’est
Né en 1989, Boramy Viguier
dit-il, citant les expositions de Johan Creten au musée aussi vrai pour les gentils !
était en 2019 en demi-finale
de la Chasse et de la Nature, à Paris, ou encore l’œuvre du prix LVMH et en finale
de Xavier Veillan. Ainsi réfute-t-il l’inéluctabilité de l’ANDAM Fashion Award. boramyviguier.com

28 I Beaux Arts
SECRETS
DE
MAQUILLAGE
ET COIFFURES
DE L'ÉPOQUE
EDO

BEAUTÉ DANS LES ESTAMPES


JAPONAISES

EXPOSITION
07 octobre 2020
06 mars 2021

MAISON DE
LA CULTURE
DU JAPON
À PARIS
101bis, quai Branly
75015 Paris
M° Bir-Hakeim
RER Champ de Mars
01 44 37 95 00 / 01
www.mcjp.fr
Horaires
Du mardi au samedi
de 11h à 19h30
Réservation obligatoire
Organisation
MCJP,
POLA ORBIS HOLDINGS INC.
POLA Research Institute of Beauty & Culture
Avec le concours de 
JAPAN AIRLINES

MCJP.officiel
@MCJP_officiel
@mcjp_officiel
CINÉMA Par Jacques Morice

ÉGALEMENT À L’AFFICHE
Le Haut-Karabakh, avec des si
Un expert français (Grégoire Colin) débarque
au Haut-Karabakh pour réaliser un audit sur
l’aéroport. Dans l’esprit du Désert des Tartares,
ce film d’attente d’une cinéaste diplômée de
l’Académie des beaux-arts d’Erevan, en Arménie,
se fait prophétique lorsque l’on connaît
l’histoire récente de cette région du Caucase…
Si le vent tombe de Nora Martirosyan
> En salles le 20 janvier

Un territoire, symbolisé par son aéroport,


L’acteur Malik Zidi, en quête de vérité dans le premier long-métrage d’Aurélien Vernhes-Lermusiaux. et filmé tel un personnage de fiction.

Hommage aux pionniers Start-up… and down

de l’image
Six mois après Effacer l’historique, de Benoît
Delépine et Gustave Kervern, voici les 2 Alfred.
Sur fond de start-up très «friendly», cette satire
des valeurs et habitudes liées aux nouvelles
Mandaté par un général français, un photographe tente, technologies est un régal de poésie burlesque,
en 1860, de prendre des clichés de la guerre coloniale aussi débridée que méthodique.
qui sévit au Mexique. Sa mission tourne à l’idée fixe. Les 2 Alfred de Bruno Podalydès
> En salles le 13 janvier

E
st-il fou ? Suicidaire ? Chapeauté et emmitouflé dans son épais
manteau, Louis, photographe, est une sorte de mystique qui poursuit
la guerre. Nous sommes en 1860, perdus quelque part au fin fond
d’une région montagneuse du Mexique, où la France mène une guerre coloniale.
Avec son matériel lourd et encombrant arrimé sur sa mule, il se déplace seul,
bientôt aidé par un paysan. Il veut être au cœur des combats, mais ne les trouve
pas, arrivant toujours à contretemps. Premier long-métrage hardi dans son
ambition comme son rigorisme, Vers la bataille est un film hanté, à plus d’un titre.
Hanté par les fantômes du passé de son héros, par une fascination de la mort,
et enfin par les sédiments des «films-trip» qui l’ont précédé, d’Aguirre, la colère
de Dieu (Werner Herzog) à Dead Man (Jim Jarmusch).

Un western revisité, hypnotique et aventureux


Denis Podalydès, au centre d’une comédie
Pour écrire son scénario, le réalisateur Aurélien Vernhes-Lermusiaux
loufoque signée par son frère, Bruno Podalydès.
s’est pas mal inspiré des écrits de Jean-Charles Langlois, peintre de panoramas
et de diverses scènes militaires, qui a recouru à la photographie durant
la guerre de Crimée, en 1853. Prolongeant les observations de ce dernier, le film
S’autodétruire, dit-elle
ne cesse d’interroger la nature même de la photographie et du cinéma, L’alcool et l’amour, le mensonge et la prison
tout en cheminant entre réalité et rêve, veille et inconscient. Il (se) donne à voir de l’amour. C’est une pièce méconnue
autant qu’à entendre – les bruits de la nature luxuriante et du feu des armes de Marguerite Duras que Benoît Jacquot
ajoutés à la musique de Stuart Staples (Tindersticks) créant une partition sonore – son ex-assistant – a adaptée, brillamment,
des plus enveloppante. À la fois western revisité, traversée géographique, en la transposant dans une villa près
voyage dans la mémoire intime et collective, il rend hommage, à sa manière, de Nice, avec vue sur la mer. Un magnifique
hypnotique et aventureuse, à bien des pionniers. Aux primitifs de la photographie portrait de femme (Charlotte Gainsbourg)
bien sûr, mais aussi à tous les explorateurs en quête de vérité. qui n’en finit pas de chuter et de se sauver.
Suzanna Andler de Benoît Jacquot
Vers la bataille d’Aurélien Vernhes-Lermusiaux > En salles le 30 décembre > En salles le 13 janvier

30 I Beaux Arts
“ Le douanier Rousseau n’est pas loin,
la folie, la poésie non plus.”
Beaux Arts Magazine

ELIO GERMANO
EST ANTONIO LIGABUE

JE VOULAIS
ME CACHER
UN FILM DE

GIORGIO DIRITTI
AU CINÉMA LE 30 DÉCEMBRE
LIVRES

Moisson miraculeuse
Pendant dix ans, Madeleine de Sinéty a photographié le quotidien d’un village breton
dans les années 1970-1980. Un ouvrage émouvant et intense qui montre un monde disparu.

Madeleine de Sinéty La Moisson – Famille Bodin, Bas Morand, août 1974

E
té 1972. Après des vacances passées Les clichés, publiés dans Un village et présentés
à la mer, sur les côtes bretonnes, au centre d’art guingampais de GwinZegal
Madeleine de Sinéty rentre à Paris, où elle (en attendant une prochaine exposition au musée
travaille comme illustratrice pour des journaux Nicéphore Niépce de Chalon-sur-Saône,
et des revues. Sur la route, ça bouchonne. où sont conservées les archives), ne constituent
Elle quitte la nationale et tombe sur un village, qu’une partie infime des quelque 33 280 diapositives
Poilley, à une soixantaine de kilomètres au nord couleur et des 23 076 négatifs noir et blanc
de Rennes. Enchantée par le cadre, rustique que Madeleine de Sinéty laissa à sa mort, en 2011.
à souhait, elle décide d’y passer la nuit. Elle y restera Ces images teintées de la lumière des origines,
Un village
par Madeleine de Sinéty près de dix ans, photographiant jour après jour éclairées par les mines comblées des enfants
éd. GwinZegal • 180 p. • 35 € la vie du bourg et des champs, à une époque où les jouant à travers champs ou par celles, soulagées,
chevaux tiraient encore des charrettes, où les vaches des fermiers qui, sans attendre d’avoir achevé
étaient traites à la main matin et soir, et où les bals la moisson, s’envoient une rasade de cidre
en plein air faisaient danser jeunes et vieux bras bien méritée, suffisent pourtant à émouvoir.
dessus, bras dessous. C’était dans les années 1970. Sans doute, quand on les découvre aujourd’hui,
Il y a un siècle. Il y a une éternité. tirent-elles sur la corde sensible de la nostalgie

32 I Beaux Arts
Par Judicaël Lavrador et Daphné Bétard

d’une douce France, rythmée par les saisons et les Indispensable pour les fêtes :
rites simples des villageois. Sans doute exhument- le livre des recettes détox
elles une manière de vivre que la «rurbanisation», Yeux vitreux, coton dans la tête, cheveux
ses pavillons accolés et le passage à une agriculture qui piquent, gencives qui grattent ?
intensive ont enfoui dans des hangars en tôle Voici l’ouvrage idéal pour remédier à la gueule
ondulée d’où les bêtes ne sortent plus. de bois et faire des lendemains de cuite
Madeleine de Sinéty a d’ailleurs pu mesurer des moments qui chantent. Au menu : shot
la portée mémorielle de son travail, près de dix ans aux huîtres et gingembre, bouillon épicé,
après avoir quitté Poilley et s’être installée
smoothie betterave-avocat, cocktail de bière
salé, toast au labneh, soupe provençale,
aux États-Unis, lorsqu’elle reçut du maire une lettre
nouilles froides aux palourdes, haddock fumé,
accompagnée d’un billet d’avion, la priant de Cuites – 60 recettes
faciles pour
pancakes japonais, moules thaï… Soixante chefs
revenir «photographier le village avant qu’il ne soit nous livrent leurs recettes miracles pour
lendemains difficiles
trop tard». Ce qu’elle fit dans les années 1990, éd. Human Humans passer les fêtes la tête haute. D. B.
constatant les dégâts : «J’ai été très impressionnée 156 p. • 19,90 €
par l’ampleur des changements survenus en si peu
de temps. Les plus petites fermes ont disparu, Les vertus de l’art sur le cerveau
la plupart des talus ont été abattus, les champs
Saviez-vous que la Tentation de saint Antoine
élargis pour ouvrir le passage aux imposantes (vers 1500) de Jérôme Bosch est un véritable
machines agricoles modernes.» atlas de signes cliniques de l’ergotisme (maladie
courante à son époque) ? Croyez-vous
Des images plus subjectives que réelles en la puissance des ex-voto ? Vous sentez-vous
Étonnamment, loin de céder au pessimisme moins seuls face aux autoportraits
rétrograde, elle reconnaît aussi «avoir vu mélancoliques de Dürer et Van Gogh ?
se dérouler la continuité d’une histoire que je n’avais Pourquoi les Nanas de Niki de Saint Phalle nous
pas consciemment projeté de photographier. enchantent et nous troublent autant ?
À travers les inévitables bouleversements de la vie
C’est à un musée imaginaire de l’art qui guérit
que nous invite le neurologue Pierre Lemarquis,
moderne, c’est l’histoire d’une relation qui n’a
accompagné du neuropsychiatre et écrivain
pas fondamentalement changé : celle des habitants
L’Art qui guérit Boris Cyrulnik. Les œuvres ici réunies,
d’un petit village entre eux, et avec la terre qu’ils par Pierre Lemarquis depuis les grottes préhistoriques jusqu’au
travaillent et le bétail qu’ils élèvent». Ces mots disent (préface de street art, démontrent les vertus positives
tout l’optimisme et la joie de vivre de la photographe, Boris Cyrulnik) de l’art sur le cerveau et nous révèlent
éd. Hazan • 192 p. • 25 €
dont les images sont finalement le reflet. les secrets de fonctionnement de l’empathie
Pétries d’une douceur, d’une beauté et d’une grâce esthétique. Ou comment nos neurones
simples, elles témoignent davantage d’un regard interagissent avec la création. D. B.
assumant sa subjectivité que d’une réalité des
choses et de la vie. Elle capture uniquement ce qu’elle
veut, ce qui rentre dans son cadre, ce qui l’attire, Tous des larves !
l’aiguille, l’inspire. Ce qui lui ressemble. Gageons Jugée infâme, répugnante d’aspect,
alors que ces images sont aussi, en creux, un portrait associée aux parasites, à la putréfaction,
de Madeleine de Sinéty. Et qu’elle se reconnaît à un état léthargique, la larve est aussi
dans chacun de ses personnages. synonyme de transformation et de vie.
À commencer par cette vieille femme, dénouant Docteure en esthétique, critique et commissaire
dans un geste apaisé ses longs cheveux gris d’exposition, Marion Zilio a fait de cette forme
embryonnaire qui grouille notre alter ego
en fermant les yeux. Ou ce jeune homme qui,
animal et le point de départ d’un essai
un dimanche matin, sur un terrain gras et boueux,
redoutable et stimulant sur les modes de
shoote dans un ballon de football avec une énergie fonctionnement des sociétés humaines.
telle que son pied semble toucher le ciel. Il y a Convoquant des artistes comme Pierre Huyghe
encore cette petite, en couverture du livre : accoudée Le Livre des larves (qui travaille avec des matières ou espèces
à la table de la cuisine, une télé éteinte en arrière- par Marion Zilio vivantes) et Hubert Duprat (connu pour ses
éd. PUF • 204 p. • 17 €
plan, elle nous fixe intensément, nous interpelle. sculptures façonnées à partir de trichoptères),
Ses grands yeux bleus braqués, pleins de la bonté le texte fait de nous des larves, des cafards
généreuse dont l’enfance est capable, sur Madeleine semblables à Gregor Samsa (le héros de
de Sinéty à l’époque, et sur nous aujourd’hui. la Métamorphose de Kafka), invités à
Le monde ressemble-t-il, cinquante ans plus tard,
reconsidérer notre rapport au monde. D. B.
à celui que contemplait cette enfant ? J. L.

À VOIR
«Un village» jusqu’au 17 janvier • centre d’art GwinZegal
4, rue Auguste Pavie • 22200 Guingamp • 02 96 44 27 78
gwinzegal.com

Beaux Arts I 33
CULTURE NUMÉRIQUE Par Florelle Guillaume & Charlotte Ullmann

L’expodcast ou comment voir et écouter l’art

A
mis de la musique baroque,
préparez-vous à en prendre
plein les yeux et les oreilles
grâce à l’expodcast (contraction d’expo
et podcast) du Centre de musique
baroque de Versailles. Un parcours de
70 mn découpé en 6 épisodes à écouter
sur l’épopée de la chapelle royale
de Versailles et ses musiciens. De la
création de cet écrin, inauguré en 1710,
à la «success story» du grand maître
Lalande, successeur de Lully, en
passant par les messes du Roi-Soleil,
c’est tout un pan de l’histoire de France
qui est ici conté par la commissaire
de l’exposition Suzanne Gervais.
Complété d’un site web riche en
documents, frises chronologiques
et interviews, l’expodcast exploite
pleinement les technologies au service
du savoir. Et si vous avez encore
des doutes sur vos connaissances,
un quiz est là pour vous tester ! C. U.
expodcast.cmbv.fr • podcast également
disponible sur francemusique.fr François Puget Réunion des musiciens, 1688

Un Centre Pompidou virtuel flambant neuf


Tout apprendre sur la bande dessinée
C’est en plein (re)confinement que le Centre Pompidou a lancé fièrement et les liens entre art et pouvoir
son nouveau site web, mis en chantier il y a un an et demi. Exit la plateforme
illisible, figée, où l’essentiel des informations se retrouvait noyé dans La collection des MOOC culturels (cours en ligne gratuits et ouverts à tous)
un dédale de ressources. Sur sa page d’accueil, privilégiant désormais de la fondation Orange s’enrichit de deux opus ! Le premier, créé par la
ergonomie et clarté, la foisonnante programmation du Centre se découvre Cité internationale de la bande dessinée et de l’image d’Angoulême, décrypte
en un coup d’œil. La richesse documentaire n’a pas déserté pour autant : l’histoire du 9e art. Roman graphique, comics, mangas… On découvre ici
90 000 œuvres sont consultables tandis que 27 000 archives ont été mises toutes les étapes de conception d’un album, ses différents codes de lecture,
en ligne. Pour naviguer aisément dans ce fonds colossal, le moteur de les liens du médium avec les autres arts, ainsi que les éditeurs et les auteurs
recherche a entièrement été revu : à la requête Piet Mondrian correspond incontournables, des pionniers du XIXe siècle aux stars actuelles. Le second
une fiche artiste, des œuvres, des ressources audiovisuelles ou sonores, MOOC, lui, porte sur l’art et le pouvoir. Entre propagande et soutien aux
des produits en vente à la boutique… Limpide ! Particulièrement mise artistes, où passe la frontière ? De l’ancienne Mésopotamie aux ors de l’Élysée,
en avant, la vidéo bénéficie d’une section dédiée, proche des plateformes explorez les relations fortes qui ont toujours existé entre les puissants
de streaming, où l’on piochera et les artistes, à travers les commandes de portraits officiels mais aussi sous
des visites d’exposition ou des une forme plus contemporaine : le mécénat. C. U.
pastilles jeune public. Quant Inscription gratuite sur mooc-culturels.fondationorange.com
aux productions numériques plus
innovantes – podcasts, MOOC
ou expositions virtuelles –,
elles sont réunies sous l’onglet YouTube, sésame culturel au potentiel infini
#Le Centre Pompidou chez vous.
Mais la grande nouveauté réside YouTube, nouvelle plateforme pédagogique ? C’est en tout cas l’ambition
dans la création d’un magazine du programme «Savoirs & Cultures» né du partenariat inédit entre le géant
qui, à travers articles, entretiens de la vidéo – filiale de Google –, la chaîne Arte et le Centre national du cinéma.
ou reportages en coulisses, Au cœur du projet, un portail offrant des contenus sélectionnés et organisés
donne la parole aux artistes en playlists sur l’écologie, l’art, le cinéma ou la mode. On y découvre, par exemple,
et aux conservateurs, et s’ancre un excellent décryptage du génocide arménien de 1915 via la web-série animée
dans les débats de société. Horror Humanum Est, une interview d’agnès b. au sujet des Meules (1890-1891)
Pour un site vivant et bouillonnant, de Claude Monet menée par le musée d’Orsay ou encore un documentaire
à l’image du Centre Pompidou. F. G. sur Oscar Wilde. En parallèle, le projet prévoit d’offrir formation et soutien financier
à des producteurs de contenus, youtubeurs et institutions culturelles confondus.
centrepompidou.fr
Parmi eux figurent déjà le musée du Louvre et l’Opéra national de Paris. F. G.
youtube.com/learning

34 I Beaux Arts
ART CONTEMPORAIN
Vente en préparation
Avril 2021

CHU TEH-CHUN (1920-2014) Composition, n°62. 1960. Huile sur toile, 65 x 100 cm (détail). Adjugé 488 480€ le 29 mai 2020

Expertises gratuites et confidentielles sur rendez-vous. Nous recherchons les signatures : Fernando Botero,
Bernard Buffet, Alexander Calder, Christo et Jeanne Claude,
Spécialiste
Robert Combas, Olivier Debré, Sam Francis, Hans Hartung,
*sans actionnaire extérieur

Ophélie Guillerot
Yves Klein, André Lanskoy, Georges Mathieu, Henri
+33 (0)1 47 45 93 02 - guillerot@aguttes.com
Michaux, Yan Pei-Ming, Pablo Picasso, Kazuo Shiraga,
1ère maison de ventes aux enchères indépendante en France*
Niki de Saint-Phalle, Pierre Soulages, Chu Teh-Chun,
Neuilly-sur-Seine • Paris • Lyon • Aix-en-Provence • Bruxelles Walasse Ting, Bernar Venet, Claude Viallat,
aguttes.com | Suivez-nous Fabienne Verdier, Zao Wou-Ki, Huang Yong Ping...
PHILO Par François Cusset

Qu’est devenu Big Brother ?


Alors qu’Orwell entre dans la Pléiade, une nouvelle traduction de 1984 réactive toute la force
originelle de cette dystopie glaçante. 1984 = 2020 ? Oui, mais avec l’espoir en plus.
es grandes œuvres sont comme les stars

L du show-biz : passé un certain niveau


de célébrité, et de familiarité kitsch, elles
en perdent leur vérité première, disparue derrière
l’obligation scolaire, parfois détournée pour servir
les intérêts de ceux qui les promeuvent. De même
que la Nuit étoilée de Van Gogh est un tableau
trop reproduit pour qu’arrive encore jusqu’à nous
la folie dont il a surgi (depuis un asile provençal,
en 1889), ainsi a-t-on oublié, à force de le citer en
référence fourre-tout, de quoi traitait vraiment 1984
de George Orwell. Ce roman publié en 1949 a
tellement été brandi par les anticommunistes
pendant la guerre froide qu’on en a effacé les
convictions socialistes et la pensée radicale de son
auteur, parti rejoindre les Brigades internationales
marxistes en Espagne. On a également oublié que le
régime politique effrayant projeté par sa dystopie
tenait autant du stalinisme que du nazisme. De film
en bande dessinée, 1984 en est tellement venu
à symboliser la fatalité du contrôle totalitaire qu’on
a tiré un trait sur sa trame plus optimiste, celle des
tactiques de résistance et des stratégies de survie.

Le Grand Frère vous néoparle


C’est peut-être pour revenir aux sources, et libérer
les lecteurs de cet excès de (fausse) familiarité,
que son éditeur et traducteur, l’angliciste Philippe
Jaworski, a choisi de substituer aux termes orwelliens
passés dans le langage courant des traductions a donné à l’une de ses émissions pionnières. Ce graffiti de Banksy
plus exactes : on ne cause plus la «novlangue» Et l’art contemporain n’est pas en reste, qui déploie apparu sur un mur de
Newman Street à Londres,
mais le «néoparle» ; pour ne pas être découvert souvent écrans, caméras et installations complexes en 2008, dénonçait
on manie le «double-pense» («Doublethink») ; pour illustrer plus ou moins subtilement la vidéosurveillance
et le monstre invisible qui orchestre l’ensemble, les «sociétés de contrôle» que nous habiterions (CCTV signifiant Closed-
à la fois Parti unique et Leader qui sait tout, n’est plus désormais – selon le mot de Gilles Deleuze. Circuit Television).
Big Brother mais «Grand Frère», en français dans Entre deux confinements, on a même pu voir
le texte. Opération de dépoussiérage lexical mais l’été dernier des œuvres exposées dans l’ancienne
aussi thématique, pour essayer de retrouver l’intense prison d’Autun, en Saône-et-Loire, construite
actualité du chef-d’œuvre d’Orwell. Car il est actuel, selon le schéma panoptique inventé au XVIIIe siècle
terriblement, même si les terreurs politiques qui pour tout voir dans les cellules (et théorisé par
l’inspirèrent, stalinienne et hitlérienne, sont, elles, Michel Foucault). Dès 2001, le ZKM de Karlsruhe,
plus obsolètes. Pour dire leur opposition à l’article 24 en Allemagne, interrogeait déjà, dans une
de la loi sur la sécurité globale, prévoyant d’encadrer exposition géante intitulée «CTRL [SPACE]»,
la diffusion d’images des forces de l’ordre (alors que les rhétoriques de la surveillance, de Jeremy
les caméras policières, elles, filment tout le monde), Bentham à Big Brother. Et de Bruce Nauman
les journalistes et les avocats qui manifestaient en à Dan Graham, ou plus récemment de Banksy
novembre agitaient des pancartes «Abus de tout-voir» à Julien Prévieux, la vidéosurveillance
et «2020 = 1984». Pour dénoncer le sabir en vogue et le quadrillage satellitaire sont devenus
depuis quelques années dans les réunions de des lieux communs de l’art d’aujourd’hui.
management ou sur les réseaux sociaux, essayistes Sans nous protéger pour autant, in real life, Mil neuf cent
et éditorialistes citent volontiers la célèbre de l’omnipotence inédite du Grand Frère. quatre-vingt-quatre
postface de 1984, dans laquelle Orwell détaillait par George Orwell
traduction et édition
le fonctionnement de la novlangue. Quant
de Philippe Jaworski
à la téléréalité, elle joue depuis toujours de l’effroi éd. Gallimard • 512 p. • 7,50 €
suscité par Big Brother, nom que la société Endémol > Parution le 7 janvier

36 I Beaux Arts
ENVIE
D’EXPOSER ?
Contactez
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LUXEXPO THE BOX


10, CIRCUIT DE LA FOIRE INTERNATIONALE
L-1347 LUXEMBOURG-KIRCHBERG
LA CHRONIQUE
de Nicolas Bourriaud

Un monde où rien n’est à sa place


L’apparition de mystérieux monolithes dans l’Utah, en Roumanie et en Californie convoque
à la fois l’artiste minimaliste John McCracken et le prophétique Marcel Duchamp.

L
a Toile bruisse, frémit, s’agite… l’orage ou la pousse
Les informations appartiennent désormais des fleurs, l’internaute
à la famille des vibrations. L’analogie entre ne tolère pas l’absence
Internet et une «toile», et la référence au patient d’un chef d’orchestre
tissage de l’araignée, ne sont pas fortuites : quelque invisible, et encore moins
chose survient, tombe, et voilà le choc qui se la gratuité des bouteilles
réverbère sur toute la surface de la toile ; l’araignée à la mer. Il est possible
localise la chose, l’avale, puis la digère. Les événements que tous ces monolithes,
du monde, vus depuis un écran, relèvent ainsi évaporés depuis, n’aient
de l’entomologie. Les informations «font le buzz» : rien à voir entre eux.
c’est précisément le bourdonnement de l’insecte. L’avenir nous dira
L’une d’entre elles a été particulièrement suivie peut-être s’il s’agit d’une
par le monde de l’art ces derniers temps. Au milieu plaisanterie ou d’un projet
des montagnes rocheuses, on a trouvé un monolithe, concerté, d’un McCracken
un prisme triangulaire aux parois en miroir, dont envoyé par les martiens ou
la forme évoque celui que Stanley Kubrick avait d’un hommage à Kubrick.
mis en scène dans une célèbre séquence de 2001 : En attendant, on peut
l’Odyssée de l’espace. toujours méditer sur
la présence énigmatique
Des sculptures posées de ces objets au milieu
comme des planches de surf de zones désertiques,
Les premiers commentateurs de cette étrangeté font et sur celle aux alentours
d’ailleurs le lien avec le film, avant que ne survienne de pictogrammes
l’idée d’un message adressé par les extraterrestres, amérindiens datant
ou la survivance d’une civilisation disparue. D’autres de la préhistoire, ainsi
évoquent l’art minimal, et en particulier une série que sur la dimension
d’œuvres de John McCracken. Décédé en 2011, mystique que prennent
l’artiste américain avait introduit une atmosphère ces sculptures
pop dans le minimalisme des années 1960, en posant minimalistes en raison
ses rutilantes sculptures monochromes contre le mur de leur emplacement.
des galeries, telles des planches de surf. Son fils,
se souvenant d’une conversation de 2002 pendant L’œuvre d’art est une pollution sacrée Découvert le 18 novembre
dans le désert de l’Utah
laquelle son père avait évoqué l’idée de «placer Car l’art ne fait que cela : déplacer. Lorsque Marcel (États-Unis), ce monolithe
l’une de ses œuvres dans un endroit difficilement Duchamp achète un porte-bouteilles au BHV a depuis été retiré
accessible, pour qu’elle soit retrouvée plus tard», et l’exporte dans une galerie d’art, il réalise la même par des défenseurs de
accrédite cette thèse. J’ai rencontré John McCracken opération magique. Afin de cerner la notion de sacré, l’environnement.
dans les années 1990, à l’occasion de sa première l’anthropologue Mary Douglas comparait cela
exposition parisienne. L’homme était impressionnant : avec la saleté, qu’elle définissait comme «tout ce qui
l’allure raide d’un William S. Burroughs, les traits n’est pas à sa place». L’œuvre d’art est une sorte
de Clint Eastwood, l’aura d’un Donald Judd, il était de pollution sacrée : elle présente un monde où rien
taciturne et légèrement grinçant. Je me souviens n’est à sa place. Duchamp le savait, lui qui voyait
que sa biographie comportait un trou noir d’environ dans l’art une manière de «maintenir vivantes
quinze d’ans durant lesquels il n’avait pas eu les grandes traditions spirituelles avec lesquelles la
la moindre exposition ni réalisé la moindre œuvre. religion elle-même semble avoir perdu le contact […],
L’héroïne, disait-on. Ou avait-il été capturé par maintenir allumée la flamme d’une vision intérieure
une soucoupe volante ? En tout cas, je peux témoigner dont l’œuvre d’art semble la traduction la plus fidèle
que McCracken était tout à fait le genre d’artiste pour le profane». Spiritualité du ready-made…
à installer secrètement des monolithes dans le désert. Ces propos inattendus de la part de l’auteur d’Étant
Mais voilà que les choses se compliquent quand donnés, tenus à la fin des années 1950, résonnent
une deuxième sculpture apparaît en Roumanie, fortement aujourd’hui. Vrais John McCracken ou
puis une troisième en Californie. Le complotisme copies, ces monolithes font écho à une autre prophétie
se déchaîne alors : tout cela cache forcément duchampienne : «The great artist of tomorrow
quelque chose. Comme les premiers groupes will go underground.» Le grand artiste de demain
humains inventèrent des divinités pour expliquer sera un clandestin.

38 I Beaux Arts
LUCY + JORGE
ORTA

VISUEL : LUCY + JORGE ORTA, EXODE: LAUNDRY OF SORROWS #14, 2020 © ADAGP, PARIS, 2020
10 OCT. 2020
21 FÉV. 2021

LE PRIX DELA MONNAIE DE PARIS


PREMIÈRE ÉDITION

A R T I S T E S,
DESIGNERS, JURY

RÉINVENTEZ Joaquin Jimenez (Président)


Guy Savoy (Parrain)

L’ART DE LA
Claire Chazal
DATE LIMITE DE
Anne-Sophie Duroyon-Chavanne
CANDIDATURE
Astrid de la Forest
5 FÉVRIER 2021
Adrien Goetz

MÉDAILLE DANS
© Monnaie de Paris | Jean-Marc Martin

Fabrice Hyber
Béatrice Salmon
Inga Sempé

NOS ATELIERS
Olivier Sévère
APPEL
À PROJETS SUR
MONNAIEDEPARIS.FR
LA CUISINE DE L’ART
d’Alain Passard

Homard à la Picasso
Alain Passard, chef triplement étoilé de l’Arpège, a conçu pour Beaux Arts un plat aux saveurs
terre et mer, ou presque. Du souvenir des terres andalouses où naquit Pablo Picasso aux
profondeurs marines où vit le roi des crustacés, hommage au Minotaure de l’art moderne.

Homard renversé
LA RECETTE
Ò 1 homard vivant (1 kg)
Ò Un gros copeau de beurre
Ò 1 citron
Ò Fleur de sel
Ò Bouillon de légumes (betterave ou autre légume de saison)

➊ Placer le homard dans un plat de cuisson et le mettre dans un four


très chaud (idéalement à 300° C) durant un quart d’heure.
➋ Le sortir pour le découper sur une planche.
➌ Dégager les petites pattes du homard et les concasser,
décortiquer la tête et la queue.
➍ Couper la chair du homard en deux (retirer l’intestin)
avant de la replacer dans la tête de l’animal.
➎ Pour obtenir la forme de la sculpture picassienne, placer
la tête du homard à l’envers et lui associer les deux pinces.
➏ Pour la sauce, dans le plat de cuisson encore chaud,
faire fondre le copeau de beurre.
➐Y mettre tous les éléments récupérés du homard découpé.
Ajouter le jus de citron pressé, une petite louche de bouillon de légumes
et la fleur de sel, bien mélanger.
➑ Faire légèrement chauffer à feu très doux. Servir quelques cuillerées
L’ŒUVRE
délicatement apposées autour du homard.
Pablo Picasso
L’astuce du chef : pour que la chair soit encore plus tendre, lors
Tête de taureau, 1942
de la cuisson, cambrer le homard avec de la ficelle de cuisine en joignant

A
la palme arrière à la tête. Ne rien jeter du homard, garder tous les éléments
ssembler contre un mur une vieille selle de vélo
lors du décorticage pour faire une sauce pleine de saveurs.
et son guidon rouillé, et le tour est joué ! En 1942,
Suggestion de vin : le sauvigon de Touraine Oisly Fabel Barbou
en pleine guerre mondiale, reclus dans son atelier,
Domaine des Corbillières, à servir bien frais.
Picasso compose une œuvre à partir d’objets de récupération.
D’un geste instinctif, en quelques secondes, le maestro
a donné naissance à une sculpture qui deviendra iconique.
Entre le ready-made de Marcel Duchamp (objet manufacturé
promu au rang d’œuvre d’art par la seule volonté de l’artiste)
et l’objet surréaliste (qui réveille les pulsions secrètes
de l’inconscient), sa Tête de taureau est d’une simplicité
déconcertante et d’une redoutable efficacité visuelle.
Le cuir de la selle, le guidon renversé suggérant deux cornes,
l’accrochage à la manière d’un trophée… même sans l’aide
du titre, l’assemblage évoque le taureau, sa puissance
naturelle, la quintessence de son animalité. Ainsi détourné
de sa fonction première, le banal objet du quotidien
déconcerte l’œil, trouble l’esprit, titille la mémoire, pour
éveiller des souvenirs lointains, des sentiments enfouis.
Un véritable tour de force à ajouter aux inventions
malicieuses du monstre sacré de la modernité. D. B.

40 I Beaux Arts
09 jan.
> 28 fév. 21
lieu infini d’art
de culture arts visuels
installation
et d’innovation
direction
José-Manuel
Gonçalvès

Iván Navarro
Planetarium
avec la Galerie Templon

GRATUIT POUR LES MOINS DE 26 ANS*


ET AUX ABONNÉS PASSION MONUMENTS

SAISONAFRICA2020.com

#ElAnatsui #SaisonAfrica2020
LaConciergerieDeParis
@leCMN

Exposition conforme aux mesures sanitaires


Modalités de visite et de réservation sur www.paris-conciergerie.fr
Photo © Isabel Penzlien
Ivan Navarro in collaboration with Courtney Smith

* Ressortissants ou assimilés de l’UE ou de l’EEE ou non ressortissants titulaires d’un titre de séjour de longue durée délivré par un de ces États

Comité des mécènes de la Saison Africa2020


EN COUVERTURE

50
expositions
qui vous
feront du bien
en 2021

42 I Beaux Arts
Des splendeurs de l’Iran
d’hier et d’aujourd’hui aux divas
de la chanson arabe, de l’Amazonie
du photographe Sebastião Salgado
à une Saison africaine contemporaine
très attendue, le premier semestre de 2021
promet d’être ouvert à toutes les scènes
et tous les médiums. Avec Beaux Arts,
démarrez l’année en beauté !
Par Daphné Bétard,
Sophie Flouquet
& Emmanuelle Lequeux

Fernando Laposse Pink Beast [détail], 2019


 À voir au Tripostal de Lille [lire p. 55]

Beaux Arts I 43
EN COUVERTURE l 50 EXPOSITIONS QUI VOUS FERONT DU BIEN EN 2021
Archéologie

Paris • Musée du Louvre


Du 21 avril au 23 août

La Grèce,
une passion
française
Ce n’était pas prévu ainsi, mais cette ambitieuse
exposition du Louvre, conçue pour célébrer
le bicentenaire de l’indépendance grecque,
résonnera furieusement avec l’actualité.
En 1821, la Grèce commence son combat pour
s’affranchir du joug ottoman qu’elle subit depuis
quatre siècles. Et la France, comme aujourd’hui
au sujet des nouvelles prétentions turques en
Méditerranée orientale, était déjà l’un des rares
pays à la soutenir ouvertement. Par la voix
de ses intellectuels et artistes fascinés par
l’Antiquité et le peuple grec (Chateaubriand,
Hugo et Delacroix en tête) bien sûr, mais aussi via
une souscription publique et même le départ de
milliers de combattants volontaires. C’est
le président du Louvre lui-même, Jean-Luc
Archéologie

Martinez, spécialiste de la sculpture grecque


antique, qui orchestre cette histoire du
philhellénisme français, dont le point de départ  David d’Angers

☛ET AUSSI…
Jeune Grecque
est fixé à la publication, en 1675, d’une première au tombeau de Marco
relation de voyage française (celle de Jacob Spon), Botzaris, 1827
poursuivie depuis par de fructueux échanges Bordeaux • Cité du vin • Du 9 avril au 29 août
archéologiques. S. F. À la santé des dieux !
«Paris-Athènes – Naissance de la Grèce moderne Placé sous le haut patronage de Dionysos
(1675-1919)» louvre.fr
et de son bruyant cortège de satyres,
le parcours met à l’honneur la place du vin
et de ses rites dans les productions
Nîmes • Musée de la Romanité artistiques de l’Antiquité. Et si ce breuvage
Du 13 mai au 19 septembre était un don de Dieu ?
Mégalomanie «Boire avec les dieux» laciteduvin.com

à la romaine Narbonne • Narbo Via


C’est lui Caius Octavius, fils adoptif Quand Narbonne se disait Narbo Martius
de Jules César, qui le premier mit à bas L’histoire de la Narbonne antique se dévoile
les institutions de la République
à travers les 15 000 pièces archéologiques
romaine. Après avoir battu Marc-
conservées dans le tout nouveau musée Narbo Via !
Antoine et Cléopâtre à la bataille
De quoi écrire le grand récit de la ville et de
d’Actium, il devint le seul maître à bord,
l’Occitanie depuis l’époque romaine jusqu’au
conservant de facto tous les pouvoirs.
haut Moyen Âge.
Recevant du Sénat romain le divin
musees-occitanie.fr
surnom d’Auguste en 27 av. J.-C.,
il posa les jalons de la nouvelle Vif (Isère) • Musée Champollion • À partir d’avril
puissance impériale et développa
L’Égypte antique à Vif
un culte de la personnalité décrypté ici
en plus de 150 œuvres. S. F. La maison familiale des frères Champollion,
«L’empereur romain – Un mortel Jean-François et son frère aîné Jacques-Joseph,
parmi les dieux» museedelaromanite.fr devient le nouveau temple de l’égyptologie,
✶ Hors-série Beaux Arts
cette science dont les deux hommes posèrent
les jalons au XIXe siècle.
 Buste d’Auguste couronné de chêne, musees.isere.fr/musee/musee-champollion-2021
première moitié du Ier siècle ✶ Hors-série Beaux Arts

44 I Beaux Arts
Art ancien

Metz • Centre Pompidou-Metz


Du 29 mai au 22 novembre

Arcimboldo
revu par Maurizio
Cattelan
Reconnaissable entre mille avec ses portraits composés
de légumes, fruits, végétaux ou animaux (voire d’armes,
de livres ou d’ustensiles de cuisine), le peintre milanais
Giuseppe Arcimboldo (1527-1593) a fasciné ses
contemporains qui ont adoré ses images doubles
et ambiguës. Assez vite passé de mode, il est redécouvert
au XXe siècle par les surréalistes, adeptes de ses
calembours et jeux de mots visuels. Ses inventions
formelles ne cessent, depuis, d’inspirer les artistes.
Démonstration au Centre Pompidou-Metz qui a imaginé

Art ancien
un dialogue original et fécond entre ses compositions
et celles de créateurs tels que Lavinia Fontana ou
Niki de Saint Phalle. Un parcours conçu avec la complicité
du très déjanté Maurizio Cattelan, lui-même sous
la coupe de ce génie maniériste amoureux du bizarre
et du monstrueux. D. B.
«Arcimboldo» centrepompidou-metz.fr

 Giuseppe Arcimboldo
Le Bibliothécaire, vers 1562

Lyon • Musée des Beaux-Arts • Du 27 mars au 27 juin


Lumière sur les frères Flandrin
Si Hippolyte, qui fut l’élève préféré d’Ingres, est bien connu des amoureux
du XIXe siècle pour ses portraits, ses scènes historiques mais aussi
ses chatoyants décors d’églises (dont Saint-Germain-des-Prés, à Paris,
qu’une subtile restauration vient de révéler à nouveau), ses frères
le sont nettement moins. Cette dynastie fut pourtant très liée en peinture.
L’aîné, Auguste, disparut prématurément à l’âge de 38 ans, mais le cadet,
Paul, paysagiste de talent, travailla étroitement avec Hippolyte
dans une relation de quasi-gémellité. La dernière grande rétrospective
organisée dans leur ville natale de Lyon remontait à 1984. Depuis,
maintes découvertes ont été faites sur le trio qui laissent présager
une exposition riche de belles surprises. S. F.
«Hippolyte, Paul, Auguste – Les Flandrin : artistes & frères»
mba-lyon.fr

 Hippolyte Flandrin Polytès, fils de Priam, observant


les mouvements des Grecs vers Troie, 1833-1834

Beaux Arts I 45
EN COUVERTURE l 50 EXPOSITIONS QUI VOUS FERONT DU BIEN EN 2021
Art ancien

Paris • Grande Halle de la Villette


Du 14 avril au 19 septembre
Paris • Musée de l’Armée
Du 31 mars au 19 septembre

Napoléon revient !
Voilà deux cents ans, Napoléon
s’éteignait, exilé au milieu de l’océan,
sur l’îlot de Sainte-Hélène. Son héritage
est encore tellement sujet à controverses
que certains annoncent déjà vouloir
chahuter cet anniversaire, quitte à rayer
d’un trait de plume l’histoire. Plusieurs
événements célèbrent ce bicentenaire.
Le musée de l’Armée – Hôtel national
des Invalides (où est conservé le
monumental tombeau de l’Empereur)
promet de décrypter le mythe, tandis
qu’un aréopage de conservateurs, épaulé
par les meilleurs historiens (Jean Tulard,
Thierry Lentz…), a été mobilisé pour
dresser un portrait sans zones d’ombre
à la Grande Halle de la Villette.
Dans une exposition qui devrait autant
attirer les foules que le blockbuster
«Toutânkhamon». S. F.
«Napoléon n’est plus» musee-armee.fr
«Napoléon – L’exposition» lavillette.com
✶ Hors-série Beaux Arts

 Mosaïque d’après Horace Vernet


Napoléon sortant de son tombeau,
milieu du XIXe siècle

Paris • Musée Marmottan Monet


Du 28 janvier au 25 juillet
Le bonheur à la danoise
Les Danois n’en finissent plus de nous ravir
en peinture ! C’est au tour de Peder Severin
Krøyer (1851-1916), contemporain de
Vilhelm Hammershøi, de faire une escale
remarquée à Paris. Le lumineux impressionniste,
formé un temps à Paris dans l’atelier de Léon
Bonnat, prit soin de décortiquer les multiples
effets changeants des paysages maritimes
nordiques depuis le port de Skagen, où il
s’installe en 1882, au cœur d’une bouillonnante
colonie d’artistes. Magnifique portraitiste,
il a laissé un ensemble de tableaux empreints
d’une certaine idée du bonheur. S. F.
«L’heure bleue de Peder Severin Krøyer»
marmottan.fr

 Peder Severin Krøyer


Garçons se baignant à Skagen, soirée d’été, 1899

46 I Beaux Arts
☛ ET AUSSI…
Paris • Musée Gustave Moreau Paris • Petit Palais Giverny • Musée
Du 12 février au 17 mai Du 30 mars au 18 juillet des Impressionnismes
(sous réserve) Du 1er avril au 1er novembre
La Fontaine par Gustave Moreau
Splendeur et décadence Jardins
«Patience et longueur de temps font plus du Paris fin de siècle impressionnistes
que force ni que rage.» Gustave Moreau
(1826-1898) a pu l’éprouver lorsqu’il a Il fut le chroniqueur de toutes Voici un sujet réjouissant :
illustré les Fables de les mondanités de la Belle Époque. le jardin vu par les nabis
 Maurice Denis
La Fontaine dans une série d’aquarelles Ami de Marcel Proust, et les impressionnistes. Le Bain en plein air, 1904
ombrageuses et mélancoliques. Giovanni Boldini, l’Italien virtuose, Soit une centaine d’œuvres
Le musée consacré au peintre symbolise est révélé au Petit Palais rafraîchissantes de ces
en révèle une trentaine (rarement avec son incroyable galerie chantres de la couleur
exposées en raison de leur fragilité) de portraits de la haute société, et du plein air que furent
aux côtés d’études préparatoires un rien décadente... Renoir, Pissarro, Monet,
(remplaçant les feuilles disparues). «Giovanni Boldini (1842-1931) Vuillard et Bonnard.
Les plaisirs et les jours» «Côté jardin – De Monet
«Gustave Moreau – Les Fables petitpalais.paris.fr
de La Fontaine» musee-moreau.fr à Bonnard» mdig.fr

Chantilly • Musée Condé et Jeu de paume

Art ancien
Du 5 juin au 3 octobre
Dürer et son double
Immense artiste, génie universel (et conscient de l’être au point de se figurer
sous les traits du Christ), Albrecht Dürer n’en finira jamais de fasciner.
Deux collections de dessins et de gravures, celles du musée Condé et celles
de la BnF, seront réunies pour cette exposition très attendue consacrée
au maître germanique de la Renaissance, inlassable voyageur et acteur clé
de l’Europe humaniste des arts. Pour cet orfèvre de formation, la gravure
était loin d’être un art subalterne. Elle lui permit d’expérimenter des sujets
et des cadrages inédits, mais aussi de se faire connaître bien au-delà
de Nuremberg. Une visite
à prolonger par la
découverte, au Cabinet des
arts graphiques du musée
Condé, de l’œuvre de
Jean Duvet, pionnier
français de la gravure
 Élisabeth Vigée Le Brun Autoportrait de l’artiste peignant totalement méconnu du
le portrait de l’impératrice Maria Feodorovna, 1800 public, et qui fut souvent
appelé le «Dürer français».
Paris • Musée du Luxembourg Peut-être un peu
Du 3 mars au 4 juillet abusivement même si

Puissantes peintres son univers exubérant


est déconcertant ! S. F.
Dès avant la Révolution, elles sont quelques-unes «Albrecht Dürer
à avoir forcé les portes pour s’imposer dans les Gravure et Renaissance»
«Jean Duvet
instances académiques très masculines. Élisabeth Le Dürer français»
Vigée Le Brun, Adélaïde Labille-Guiard, mais aussi domainedechantilly.com
Marie-Guillemine Benoist, Angélique Mongez,
Marguerite Gérard ou Constance Mayer : autant
de femmes réinscrites dans l’histoire de l’art
grâce à cette exposition décisive. S. F.  Albrecht Dürer
«Peintres femmes (1730-1830) – Naissance d’un combat» Némésis (la Grande Fortune),
museeduluxembourg.fr ✶ Hors-série Beaux Arts vers 1501-1502

Beaux Arts I 47
EN COUVERTURE l 50 EXPOSITIONS QUI VOUS FERONT DU BIEN EN 2021
Art moderne

Rouen • Musée des Beaux-Arts


Du 23 avril au 19 septembre

Flaubert et les artistes


«J’éprouve le besoin de sortir du monde moderne où ma plume
s’est trop trempée.» Au lendemain de la publication de Madame
Bovary (1857), qui lui a valu d’être poursuivi pour offense à la morale,
Gustave Flaubert rêve d’ailleurs. Combinant son goût pour l’épopée
historique, l’archéologie et l’Orient, l’écrivain jette son dévolu
sur l’un des épisodes les plus sanglants de l’Antiquité : la guerre
ayant opposé Carthage aux barbares. C’est ainsi que naquit
son roman Salammbô, récit de passion, de fureur et de désir,
dans lequel nous plonge le musée des Beaux-Arts à l’occasion
du bicentenaire de la
naissance de Flaubert.
Un parcours étourdissant
de 250 œuvres, pièces
archéologiques, photos
d’époque et documents,
témoignant de la genèse
du roman et de son
 Paul Signac Saint-Tropez – Fontaine des Lices, 1895 influence considérable
sur tous les arts,
de l’opéra à la bande
Paris • Musée Jacquemart-André
dessinée, des arts
Du 5 mars au 19 juillet
décoratifs au cinéma. D. B.
Signac, un point «Salammbô»
et ce n’est pas tout mbarouen.fr

Ils sont tous là, autour de lui, réunis dans la grande famille
des divisionnistes de la touche : Henri-Edmond Cross, Maximilien
Luce, Théo Van Rysselberghe et, bien entendu,
le camarade-inventeur Georges Seurat. Paul Signac (1863-1935)
fut l’un des peintres et théoriciens majeurs du post-
impressionnisme qu’il exprima dans de vibrants paysages
à la touche divisée. L’exposition revient sur son travail  Victor Prouvé
et celui des principaux acteurs du mouvement, autour Salammbô, 1893
d’une cinquantaine de tableaux. S. F.
«Signac» musee-jacquemart-andre.com
✶ Journal d’expo Beaux Arts

Paris • Musée d’Orsay • Du 2 mars au 27 juin


Les peintres suisses fédérés à Orsay
Inscrire des stars de l’art suisse dans un courant pictural national :
telle est l’ambition de cette exposition qui fait le point sur l’idée
d’une école suisse qui serait née autour de 1890 et aurait vu émerger
des personnalités artistiques telles que Cuno Amiet, Ferdinand
Hodler, Giovanni Giacometti (le père de Diego et Alberto), Félix
Vallotton, ou encore Ernest Biéler ou Max Buri, généralement montrés
en France via des expositions monographiques. Alors que l’État
fédéral (né en 1848) est encore tout jeune, ces artistes s’inscrivent
dans un mouvement d’échange avec la France et l’Allemagne mais
partagent, au-delà d’une culture commune, un goût marqué pour
l’expressionnisme, la ligne et la couleur. S. F.
«Modernités suisses (1890-1914)» musee-orsay.fr
✶ Hors-série Beaux Arts

 Giovanni Giacometti Autoportrait, 1899

48 I Beaux Arts
☛ ET AUSSI…
Bordeaux • Bassins de Lumières
Du 5 février au 2 janvier 2022
Bain de soleil méditerranéen
De Monet à Chagall, la Méditerranée et sa lumière
écrasante ont libéré maints peintres de leur
carcan, leur offrant la possibilité de renouveler
leur palette et leur manière. Retour en images
et en musique sur cette révolution solaire.
«Monet, Renoir… Chagall
Voyages en Méditerranée»
bassins-lumieres.com ✶ Hors-série Beaux Arts

Les Baux-de-Provence • Carrières de Lumières


Du 4 mars au 2 janvier 2022
Pleins feux sur Cézanne
Le maître provençal sera comme chez lui
dans ce son et lumière inédit ! En explorant
ses tourments mais aussi son rapport à la lumière
et aux couleurs, cette exposition immersive
permettra d’approcher au plus près le processus
créatif de Cézanne et sa déstructuration

Art moderne
pionnière de l’espace pictural.
«Cézanne» carrieres-lumieres.com
✶ Hors-série Beaux Arts

De Paris à Deauville,
le printemps des musées
Prévus pour ouvrir en 2020, de nouveaux
lieux ou des musées fermés pour travaux
devraient enfin (re)trouver leur public
ce printemps. Il en va ainsi du musée
Carnavalet (où sont les trésors historiques
de la Ville de Paris), qui a fait l’objet d’une
 Paul Gauguin Eu haere ia oe (Où vas-tu ?), dit aussi La Femme au fruit, 1893 ambitieuse refonte de son parcours au sein
des deux hôtels particuliers du Marais
Paris • Fondation Louis Vuitton • Du 24 février au 25 juillet qui l’abritent. À quelques rues de là, le musée
de la Chasse et de la Nature prend
De Van Gogh à Gauguin, également ses aises. L’occupation de l’hôtel
joyaux de la collection Morozov voisin lui permet de proposer un parcours
enrichi, notamment sur les relations
Après l’exposition de la collection de Sergueï Chtchoukine – qui valut à la de l’homme à la nature, tout en continuant
fondation Louis Vuitton des records de fréquentation –, voici l’ensemble réuni
à faire cohabiter collections scientifiques
par ses rivaux et amis, les frères Morozov. Mikhaïl (1870-1903) et Ivan (1871-1921)
et art contemporain. Toujours côté vieilles
ont formé l’une des plus importantes collections d’art impressionniste, post-
pierres, le colossal chantier de restauration
impressionniste et moderne français, répartie désormais entre les musées
de l’Hôtel de la Marine arrivera lui aussi
Pouchkine, à Moscou, et l’Ermitage, à Saint-Pétersbourg. Leur tableau de chasse,
à son terme pour ouvrir son magistral balcon
impressionnant, fait défiler les noms de Picasso, Cézanne, Van Gogh, Matisse,
Gauguin et surtout les nabis. Bonnard, dont Mikhaïl s’éprend dès 1902, avant
sur la place de la Concorde en avril.
qu’Ivan n’achète ses tableaux (13 au total) sur le marché parisien, et Maurice À Deauville enfin, les Franciscaines, nouveau
Denis, auquel Ivan commande la décoration du salon de musique de son hôtel lieu culturel polyvalent, ouvriront leurs portes
particulier : un ensemble de panneaux sur l’histoire de Psyché. Tout ce beau en mars. L’exposition inaugurale, programmée
monde se trouve de nouveau réuni à Paris. D. B. en juin, portera sur les représentations
«La collection Morozov – Icônes de l’art moderne» du paradis, de l’Antiquité à aujourd’hui. S. F.
fondationlouisvuitton.fr ✶ Hors-série Beaux Arts

Beaux Arts I 49
EN COUVERTURE l 50 EXPOSITIONS QUI VOUS FERONT DU BIEN EN 2021
Art moderne

Nantes • Musée d’Arts • Du 12 février au 24 mai

Des Américains à Paris


New York «in» et Paris «has been» au lendemain de
la Seconde Guerre mondiale ? Pas si simple, rétorque
le musée d’Arts de Nantes. Dans cette exposition
foisonnante, l’institution montre que la Ville lumière,
entre 1946 et les années 1960, continue d’attirer
les artistes américains, dont la présence redéfinit
l’art abstrait en France. Plus qu’un face-à-face entre
artistes, il s’agit d’échanges féconds dans une période
de grands bouleversements. Le critique Michel Tapié
tente alors, en vain, de créer des ponts entre les tenants
de l’expressionnisme abstrait – Jackson Pollock,
Willem de Kooning, Mark Tobey – et des créateurs
comme Jean Dubuffet et Georges Mathieu,
quand Sam Francis et Joan Mitchell, plus solitaires,
travaillent à l’écart des artistes français de
l’abstraction lyrique. Quant à Ellsworth Kelly,
John Youngerman ou Robert Breer, ils se chargent
de renouveler en profondeur l’abstraction
géométrique. On s’y perdrait tant les nuances sont
subtiles… Heureusement, le musée nantais a conçu
une exposition lumineuse, servie par d’efficaces
repères visuels. Étape suivante : Montpellier. D. B.  Sam Francis Blue Balls, 1961-1962
«United States of Abstraction
Artistes américains en France (1946-1964)»
museedartsdenantes.nantesmetropole.fr
✶ Hors-série Beaux Arts

Paris • Centre Pompidou • Du 5 mai au 23 août Paris • Musées Picasso et Rodin


Ne plus faire abstraction des femmes Du 9 février au 18 juillet

Sonia Delaunay, Vera


Picasso / Rodin :
Molnár, Joan Mitchell, le choc des titans
Lee Krasner, Lygia Clark,
Prêts pour le combat du (XXe) siècle ? À ma droite,
Aurelie Nemours,
Auguste Rodin, génie furieusement inspiré dont l’œuvre
Geneviève Claisse,
scandaleuse et protéiforme révolutionna la sculpture.
Pierrette Bloch, Shirley
À ma gauche, Pablo Picasso, l’ogre insatiable, incarnation
Jaffe et tant d’autres…
de l’art pictural moderne à lui seul, figure de l’artiste
Elles ont participé à la
libre et engagé. Deux créateurs visionnaires, imprévisibles,
grande aventure de l’art
à jamais indétrônables. Deux maîtres de l’émotion
abstrait mais ont été
et du désir dont les œuvres sont bouleversantes.
reléguées au second plan
Les musées parisiens qui leur sont dévolus tissent des
d’une histoire de l’art
liens entre ces monstres sacrés qui ne cessent de fasciner
qui s’écrit encore trop
et inspirer
souvent au masculin.
les jeunes
Dans la lignée des expositions et essais qui, ces dernières années,
générations. D. B.
font une relecture plus complexe et plus juste des mouvements
«Picasso / Rodin»
artistiques, le Centre Pompidou réunit une centaine d’entre elles, museepicassoparis.fr
dont les œuvres courent des années 1860 jusqu’à la décennie 1980. musee-rodin.fr
Une proposition mondiale et pluridisciplinaire avec de nombreuses ✶ Hors-série Beaux Arts
révélations, et qui casse les frontières et hiérarchies traditionnelles
de la création, en l’ouvrant à la danse, au cinéma, à la photographie,
aux arts appliqués, à l’Asie, au Moyen-Orient, à l’Amérique latine. D. B.
«Elles font l’abstraction – Une autre histoire de l’abstraction au XXe siècle»
centrepompidou.fr
 Pablo Picasso
 Saloua Raouda Choucair Fractional Module, 1947-1951 Le Baiser, 1969

50 I Beaux Arts
Paris • Musée d’Art moderne
Du 12 mars au 18 juillet

Josef & Anni Albers


ou les noces de l’art
et du textile
Du couple Albers, l’histoire a surtout retenu Josef.
Mais, aux côtés du maître du Bauhaus, se tenait Anni,
 René Magritte La Moisson, 1943
qui fut bien plus qu’une géniale artiste du textile. Comme
leur amour, leur influence fut mutuelle, portée par leur
Paris • Orangerie • Du 10 février au 21 juin rêve d’inventer un art total. «Par nos expériences, nous
Un coup de soleil signé Magritte contribuons à éduquer des êtres humains créatifs [...]
et à créer une humanité plus unie», espérait Josef avant que
Voilà une bien étrange période qu’ose exposer l’Orangerie. le nazisme ne contraigne le couple à quitter l’Allemagne.
Celle au cours de laquelle René Magritte se prit pour le continuateur Les Albers se nourrissent alors de leurs voyages en Amérique
d’Auguste Renoir… En pleine guerre mondiale, le peintre belge latine, où les géométries mayas et incas ont un impact
se fit adepte de la méthode Coué et ne peignit plus que du bonheur sur leur art. «Pensez que vous obtiendrez souvent plus
sur toile, femmes généreuses et nature luxuriante, quitte à forcer en faisant moins», jurait Albers à ses élèves. Grâce au soutien
le trait. Une affaire très sérieuse puisqu’il adressa en 1946 de la Josef and Anni Foundation de Bethany (Connecticut),
à André Breton un manifeste : le Surréalisme en plein soleil. plus de 350 œuvres (peintures, photographies, dessins,
On vous laisse imaginer la suite… S. F. textiles, mobilier ) sont rassemblées pour rendre enfin
«Magritte en plein soleil – La période Renoir (1940-1947)» hommage au dialogue fécond de ces deux pionniers. E. L.
musee-orangerie.fr ✶ Hors-série Beaux Arts

Art moderne
«Anni et Josef Albers – L’art et la vie» mam.paris.fr

 Josef Albers Study for Homage to the Square: Green Gleam, 1963

Marseille • Centre de la Vieille Charité


Du 11 mai au 19 septembre
Ce que l’art made in USA
doit au surréalisme
Regarder autrement les icônes de l’histoire de l’art moderne
et reconsidérer le surréalisme et l’expressionnisme abstrait,
notamment ce que le second doit au premier, tel est le parti pris
de ce riche parcours. Déjà présent dans les années 1930, avant même
l’arrivée à New York d’André Breton et sa clique, le surréalisme
innerve la création, et c’est bien par sa capacité à libérer les formes
et à s’en remettre à l’inconscient qu’il influence Robert Motherwell,
Jackson Pollock, Mark Rothko ou Clyfford Still. Le surréalisme
reste une force active jusque dans les années 1960, avec des artistes
comme Wallace Berman, Bruce Conner, Jess ou le cinéaste
Kenneth Anger, à retrouver au Centre de la Vieille Charité. D. B.
«Le surréalisme dans l’art américain» vieille-charite-marseille.com

 Peter Saul San Francisco n°2, 1966

☛ ET AUSSI…
Paris • Atelier des Lumières
Du 12 février au 2 janvier 2022
Dalí lumineux et projeté !
Attention, invasion de montres molles et autres formes
surréalistes à l’Atelier des Lumières. Qui mieux qu’Avida
Dollars pouvait se prêter au jeu de l’exposition immersive ?
«Dalí – L’énigme sans fin» atelier-lumieres.com
✶ Hors-série Beaux Arts

Beaux Arts I 51
EN COUVERTURE l 50 EXPOSITIONS QUI VOUS FERONT DU BIEN EN 2021
Art contemporain / Saison africaine

Paris • Musée d’Art moderne • Jusqu’au 2 mai

L’Afrique au féminin
«The personal is political» : le fameux slogan inventé dans les
années 1960, et clamé haut et fort la décennie suivante pour incarner
le Mouvement de libération des femmes, résonne dans les salles
du musée d’Art moderne de Paris, porté par les voix d’artistes africaines.
Identité, corps, maternité, sexualité, spiritualité, famille, image
de la femme noire… Chacune aborde à sa manière la question de l’intime
et du rapport au monde. Njideka Akunyili Crosby mêle les souvenirs
de son pays natal, le Nigeria, et son parcours personnel qui l’a menée
aux États-Unis dans des compositions nostalgiques complexes faites
de collages et de peintures, quand Kapwani Kiwanga (prix Duchamp 2020)
s’interroge sur les liens entre pouvoir et récits historiques à travers
des installations, vidéos, sculptures et performances. Billie Zangewa,
elle, coud à la main, à partir de chutes de soie, la vie quotidienne
de ses contemporains. Venues de différents pays d’Afrique, elles sont
au total seize à se révéler et réveiller la scène contemporaine. D. B.
«The Power of My Hands / Afrique(s) : artistes femmes» mam.paris.fr

 Senzeni Marasela Waiting for Gebane, 2013-2019

Nantes • Musée d’Histoire / Château des ducs de Bretagne


Du 6 mai au 14 novembre
Décoloniser le musée
L’exposition «Expression(s) décoloniale(s)», en 2018, invitait à poser
un regard pluriel sur la collection ethnographique du musée d’Histoire,
issue des anciennes institutions coloniales nantaises. Pour sa deuxième
édition, elle revient sur l’histoire de la traite négrière, en compagnie de
Gildas Bi Kakou, historien ivoirien spécialisé dans les questions mémorielles,
et met à l’honneur le travail de l’artiste béninois Romuald Hazoumè. D. B.
 Romuald Hazoumè
Petrol Cargo, 2012 «Expression(s) décoloniale(s)#2» chateaunantes.fr

52 I Beaux Arts
Paris • Musée de l’Histoire de l’immigration
Du 9 mars au 11 juillet
D’un continent africain
à l’autre
Ce pourrait être le titre d’un roman ; c’est celui
d’une exposition. «Ce qui s’oublie et ce qui reste»,
réalisée avec le musée d’Art contemporain africain
Al Maaden de Marrakech, réunit dix-huit artistes
africains ou de la diaspora. À travers des récits intimes
 El Anatsui AG + BA [détail], 2014
ou des approches plus historiques, se mêlent
la question de la transmission et celle des liens
unissant les générations ou les continents à l’heure
Paris • Conciergerie • Jusqu’au 5 avril
de la globalisation. D. B.
El Anatsui : un Lion d’or «Ce qui s’oublie et ce qui reste» palais-portedoree.fr

et des capsules

Art contemporain / Saison africaine


Lion d’or à Venise en 2015, El Anatsui n’avait encore jamais fait
l’objet d’une exposition monographique en France. Lacune comblée
à la Conciergerie qui a confié ses espaces à cet artiste majeur,
né au Ghana en 1944. Connu pour ses sculptures monumentales
évoquant les forces et fragilités de la nature (composées de bois
ou, plus souvent, de capsules de bouteilles et de canettes récupérées),
il a imaginé une installation intemporelle à la douce mélancolie,
invitant à méditer sur l’histoire et l’oubli. Sous les voûtes de l’édifice
médiéval, l’œuvre évoquera les cinq éléments et mettra en scène
des rivières textiles, en écho à la Seine entourant l’île de la Cité.
Installé sur une haie de pierre, le visiteur découvrira sur les murs
et dans les cheminées gothiques des drapés métalliques étincelants.
Ce sera à n’en pas douter l’un des temps forts de la saison Africa 2020
tant attendue, conçue par la commissaire générale N’Goné Fall. D. B.
«En quête de liberté – Carte blanche à El Anatsui» paris-conciergerie.fr

 Emo de Medeiros Notwithstanding the Forces at Hand, 2018

Paris • Musée du quai Branly • Du 9 février au 27 juin


Aux racines de la création
Ce que les plasticiens doivent aux arts africains anciens, leurs liens
complexes et inattendus, au-delà de la notion de «primitivisme»…
Tel est le point de départ de la nouvelle exposition du Quai Branly
qui interroge le sens politique et social de ces relations à travers les œuvres
spécialement conçues pour l’occasion de Kader Attia, Romuald Hazoumè,
Myriam Mihindou et Pascale Marthine Tayou. En plus de cette grande
réunion où Annette Messager, Jean-Michel Basquiat, Orlan, Chéri Samba
ou encore Théo Mercier se révèlent sous un jour nouveau, Barthélémy Toguo
bénéficie d’une exposition monographique. Où l’on découvrira les multiples
«univers» de cet observateur sensible des dysfonctionnements du monde,
aussi à l’aise avec le dessin qu’avec la céramique, l’installation ou la vidéo. D. B.
«Ex Africa – Présence africaines dans l’art d’aujourd’hui»
«Désir d’humanité – Les univers de Barthélémy Toguo»
quaibranly.fr ✶ Hors-série BeauxArts.com

 Nazanin Pouyandeh Sans titre, 2017

Beaux Arts I 53
EN COUVERTURE l 50 EXPOSITIONS QUI VOUS FERONT DU BIEN EN 2021
Art contemporain

Metz • Centre Pompidou-Metz • Du 30 janvier au 23 août


L’exposition la plus gonflée
Dirigeables, ballons-sondes, nuages artificiels… Artistes et designers
ont rivalisé d’imagination au XXe siècle pour faire prendre l’air
aux formes. Des «utopies réalisées» de Richard Buckminster Fuller
aux pavillons de l’Exposition universelle d’Osaka en 1970,
l’architecture s’est fait montgolfière, et dans son sillage s’est élancé
le rêve d’un nouveau monde aérien, mobile et modulable, tel que
l’avaient développé dans les années 1960 les collectifs Archigram
ou Ant Farm. Le mobilier n’est pas en reste, grâce aux progrès des
polymères plastiques qui ont permis à Quasar Khanh ou au groupe
AJS Aérolande d’inventer un design tout en bulles. Et si la crise
pétrolière des seventies a mis un coup d’arrêt brutal à ces fantaisies,
le gonflable connaît aujourd’hui une nouvelle jeunesse.
Plus organique, plus écolo, il séduit la crème de l’architecture
contemporaine, de l’agence Diller Scofidio + Renfro à Snøhetta
ou Herzog & de Meuron… Attention,
décollage imminent ! E. L.
«Aerodream
Architecture,
design
 Jeff Koons Lobster, 2007-2012 et structures
gonflables
(1950-2020)»
Marseille • Mucem • Du 5 mai au 18 octobre centrepompidou-

Marseille en pincera- metz.fr

t-elle pour Jeff Koons ?


La star américaine invitée à hanter les collections
 Haus-
du Mucem ? L’idée peut sembler incongrue. Quel rapport
Rucker-Co
entre ses sculptures rutilantes et les humbles objets Gelbes Herz
du quotidien préservés par l’institution marseillaise ? (Cœur jaune),
Le pop, le populaire, sans doute, autour duquel l’auteur 1968

du fameux Rabbit a construit tout son programme


artistique, exploitant dans ses sculptures et peintures
la beauté bizarre de bibelots kitsch et ou de jouets
d’enfants. Une vingtaine de ses œuvres, prêtées par
la Collection Pinault, comme Balloon Dog ou Lobster,
tentent ainsi la conversation avec quelques-uns des
trésors d’artisanat dénichés dans les réserves du Mucem,
héritier du musée des Arts et traditions populaires
de Paris, aujourd’hui démantelé. Tantôt formel, tantôt
poétique, ce dialogue est à hauts risques, mais à coup sûr
il attirera les foules. E. L.
«Jeff Koons – Œuvres de la Collection Pinault» mucem.org

Aix-en-Provence • Caumont Centre d’art • Du 7 mai au 10 octobre


Zao Wou-Ki sous un jour nouveau
Zao Wou-Ki (1920-2013) est né à Pékin, mais c’était aussi un enfant du Midi.
Arrivé à Paris juste après guerre, il avait déjà rencontré la lumière de Cézanne
et Matisse dans les manuels lors de ses études aux Beaux-Arts. Mais sa découverte
de la lumière méditerranéenne accentua plus encore son lien avec ces anciens.
Tout au long de sa vie, le maître de l’abstraction lyrique se laissa porter
par le soleil du Sud, du Lubéron à Ibiza. Une influence méconnue révélée
magnifiquement à Aix-en-Provence. E. L.
«Zao Wou-Ki – La recherche de la lumière» caumont-centredart.com

 Zao Wou-Ki Ciel – 12.01.2004, 2004

54 I Beaux Arts
☛ ET AUSSI…
Domaine de Chaumont-sur-Loire
À partir du 3 avril
Rendez-vous au paradis
C’est un petit coin de paradis qui, dès le
printemps venu, ouvre ses 32 hectares de jardins,
son château du XVe siècle, ses écuries, sa cour
et sa grange à la création plastique. Pour
son édition 2021, Chaumont-sur-Loire promet
de belles surprises arty à ses visiteurs, qui
découvriront les nouvelles œuvres commandées
à une quinzaine d’artistes, dont Joël
Andrianomearisoa, Sophie Lavaux, Philippe
 Nick Verstand Anima, 2014
Cognée, Giuseppe Penone et Isa Barbier.
Lille • Tripostal • Du 9 avril au 12 septembre «Saison d’art 2021» domaine-chaumont.fr

Révélations hautes en couleur Paris • Fondation d’entreprise Pernod-Ricard


À partir du 6 février
Préparez-vous à rougir de plaisir, rire jaune, voir la vie en rose, être atteint de Inauguration baroque
blues ou broyer du noir. Conçue comme une expérience immersive, l’exposition
du Tripostal s’interroge sur le pouvoir des couleurs. Partenaire du projet, La fondation dédiée à la jeune scène française

Art contemporain
le Design Museum Gent, en Belgique, tire les leçons de la restauration récente prend ses quartiers dans de nouveaux espaces
du fameux retable que conserve la cathédrale Saint-Bavon de Gand, l’Agneau signés de l’agence NeM / Niney et Marca,
mystique (1432) peint par les frères Van Eyck. Évoquant les subtilités complétés d’un auditorium, d’une librairie-café,
chromatiques de l’œuvre, obtenues par superposition de couches de peinture au sein des nouveaux locaux du groupe Pernod-
et de vernis, le musée flamand invite artistes et designers à raconter la façon Ricard près de la gare Saint-Lazare. Pour fêter
dont ils associent et utilisent aujourd’hui les couleurs. D. B. l’événement, l’ouverture se fera autour d’une
«Color, etc.» lille3000.eu exposition collective joyeuse et baroque,
orchestrée par l’artiste Bertrand Dezoteux
et placée sous l’aura protectrice de Dalí…
Paris • Palais de Tokyo • À partir d’avril «Bertrand Dezoteux – Le juste prix»

L’uppercut Anne Imhof fondation-pernod-ricard.com

L’événement de l’année ? C’est peu dire que les interventions d’Anne Imhof
sont aussi rares qu’attendues depuis son Lion d’or qui bouleversa nombre
des visiteurs du pavillon allemand à la biennale de Venise en 2017. On est
donc particulièrement heureux que le Palais de Tokyo invite la grande
prêtresse de la performance pour une carte blanche, dans la foulée de celles
offertes à Philippe Parreno, Tino Sehgal ou Tomás Saraceno. Une armée
des ombres devrait envahir la totalité
des espaces, avec leurs silhouettes
hésitantes à mi-chemin entre
la virtualité et la vie réelle. Car c’est  Taysir Batniji À géographie variable, 2012

cela que met en scène Anne Imhof Vitry-sur-Seine • Mac Val


à chacune de ses apparitions, Du 6 mars au 22 août
de la Hamburger Bahnhof de Berlin Pour Gaza
à la Tate Modern de Londres :
«Quelques bribes arrachées au vide qui se
la parabole de nos vies de petits
creuse» : emprunté à Georges Perec, le titre
soldats de l’ère ultralibérale, des
magnifique de l’exposition de Taysir Batniji laisse
corps qui peinent à s’approcher,
mais résistent pourtant à la
présager le meilleur. Palestinien vivant en France,
désincarnation, à coups de chants, l’artiste n’a jamais bénéficié d’une exposition
de danses, de luttes. E. L. d’envergure en France. Son œuvre est pourtant
«Natures mortes – Carte blanche riche, de sculptures engagées en photographies
à Anne Imhof» palaisdetokyo.fr documentant le quotidien de ses frères restés
à Gaza. Le Mac Val, qui le soutient fidèlement,
lui offre enfin cette opportunité.
 Anne Imhof Faust, 2017 «Taysir Batniji» macval.fr

Beaux Arts I 55
EN COUVERTURE l 50 EXPOSITIONS QUI VOUS FERONT DU BIEN EN 2021
Photographie

Paris • Jeu de paume • Du 11 mai au 28 août

Berlin alternatif
et vintage
Le Jeu de paume avait bien choisi son moment pour
entreprendre des travaux. Joliment rafraîchi, le centre d’art
rouvre enfin au printemps, avec une rétrospective consacrée
à Michael Schmidt. Disparu en 2014, il est considéré en
Allemagne comme un maître, aussi respecté que le couple
Becher, mais c’est la première grande exposition que lui
consacre la France, à l’occasion d’une saison berlinoise
orchestrée par l’institution, riche notamment d’une
programmation cinématographique hors des sentiers battus.
C’est dans les quartiers alternatifs de Kreuzberg et Wedding,
au pied du mur, qu’il fait ses débuts de photographe,
dans les années 1970. Pendant plus de quinze ans, il ne se
lassera pas d’explorer sa ville, en prise directe avec l’histoire,
avant d’élargir son prisme. Dramatisant ses scénographies
à une époque où la photographie était encore peu considérée
comme un art, il renouvela profondément ce langage. E. L.
«Michael Schmidt – Une autre photographie allemande»
jeudepaume.org
Photographie

 Michael Schmidt Ohne titel (Berlin Kreuzberg, Stadtbilder),


1981-1982

☛ ET AUSSI…
Paris • Maison
européenne
de la photographie Paris • Philharmonie • Du 7 avril au 24 octobre
À partir de mars
La sensation
Écouter, voir, entendre l’Amazonie
Zanele Muholi Voilà des décennies que le Franco-Brésilien Sebastião Salgado arpente
l’Amazonie pour saisir sa beauté fragile, et témoigner du quotidien
Ses autoportraits
de ses communautés menacées. Deux cents de ses photographies
avaient fait sensation
proposent une immersion dans cet écosystème unique au monde,
lors de la dernière
accompagnées d’une bande-son conçue par Jean-Michel Jarre à partir
biennale de Venise.
de prises de sons de la forêt. Grosse bouffée d’oxygène ! E. L.
Mais la photographe
«Salgado Amazônia» philharmoniedeparis.fr
sud-africaine,
ardente militante des
droits homosexuels,
reste méconnue en France. La Maison européenne
de la photographie met enfin à l’honneur son regard,
et ses portraits qui ne vous lâchent pas.
«Zanele Muholi» mep-fr.org

 Zanele Muholi Bester I, Mayotte, 2015

Paris • Musée Guimet • Du 13 janvier au 1er mars


L’Asie dans l’œil de Marc Riboud
Le photographe, membre de l’agence Magnum, a légué
l’intégralité de son fonds au musée national des Arts
asiatiques – Guimet à sa mort, en 2016. Ces trésors
d’archives seront en partie révélés à travers ses
reportages au Japon, en Afghanistan, en Inde, au Népal,
et bien sûr en Chine, sa patrie de cœur.
«Marc Riboud – Histoires possibles» guimet.fr  Sebastião Salgado Indienne Yaminawá, État d’Acre, Brésil, 2016

56 I Beaux Arts
Mode, musique & cinéma

Paris • Lafayette
Anticipations
Du 23 avril au 25 juillet
☛ ET AUSSI…
Martin Paris • Cinémathèque française
Margiela À partir du 13 janvier

se dévoile… Voyage dans l’univers de Méliès


Pionnier du cinéma à l’imagination débordante,
Couturier atypique devenu
Georges Méliès et son fantastique Voyage
un véritable mythe, Martin
dans la Lune (1902) font partie de la mémoire
Margiela a, vingt ans durant
(de son premier défilé en 1988
collective. C’est désormais en sa compagnie
au dernier en 2008), cassé que les visiteurs de la Cinémathèque française
les codes et diktats de la mode découvriront l’histoire du 7e art dans un
pour réinventer le vêtement. parcours permanent repensé, déployant
Diplômé de l’Académie royale une vaste collection de machines, costumes,
des beaux-arts d’Anvers en 1980, accessoires, dessins, affiches, maquettes,
le créateur belge a su imposer photographies et extraits de films restaurés.
son nom en faisant de l’anonymat sa devise : il a ainsi toujours refusé «Musée Méliès» cinemathèque.fr
de montrer son visage. Ses défilés, organisés à la manière de happenings ✶ Vidéo BeauxArts.com

Mode, musique & cinéma


dans des lieux improbables (terrains vagues, parkings abandonnés,
station de métro…), mettaient en scène des mannequins au physique
singulier, de tous âges et de toutes origines, qui pouvaient défiler, par
exemple, avec des chaussures dégoulinant de peinture rouge. Plasticien
dans l’âme, il a joué du monochrome, du trompe-l’œil, du réassemblage.
Il prend possession aujourd’hui de Lafayette Anticipations pour y dévoiler
les multiples facettes de sa pratique artistique, qui passe par le dessin,
le collage et la sculpture, tout en restant fidèle à ses grandes obsessions,
le recyclage, la nudité, l’expérimentation, les corps en mouvement… D. B.
«Martin Margiela» lafayetteanticipations.com

 Jean-Marie Périer Portrait de Martin Margiela, 1998

Paris • Palais Galliera • Du 30 avril au 22 août


… et Vogue s’effeuille
Paris • Institut du monde arabe
Il fait et défait les tendances Du 27 janvier au 25 juillet
depuis un siècle, propulsant
L’âge d’or des divas arabes
sous le feu des projecteurs
et sur papier glacé jeunes D’Oum Kalthoum à Dalida, de «sultane
créateurs prometteurs, talents de la chanson» en reine des nuits du Caire,
confirmés, top models iconiques leurs mélopées nous prennent au corps…
et stars du moment. C’est L’IMA orchestre un hommage à toutes
«le» magazine de mode par celles qui ont fait chanter le monde arabe,
excellence. Vogue Paris de l’Algérie à l’Égypte, et bien au-delà.
s’effeuille dans les nouveaux Panarabistes, avant-gardistes, féministes
espaces du Palais Galliera, en butte à des sociétés éminemment
révélant les secrets de sa patriarcales, toutes furent pionnières
fabrication et l’importance à leur façon. Les artistes Lamia Ziadé,
accordée aux visuels pour servir Shirin Neshat ou encore Youssef Nabil
une ligne éditoriale qui sans
leur déroulent le tapis rouge.
cesse doit se renouveler. D. B.
«Divas – D’Oum Kalthoum à Dalida»
«Vogue Paris – 100 ans» imarabe.org
palaisgalliera.paris.fr
 Pochette de l’album Masr tatahadas an nafsaha
d’Oum Kalthoum, 1976 Affiche du film El-qalb
 Couverture de Peter Knapp pour Vogue, 1967 louh wahid d’Henry Barakat, avec Sabah, 1945

Beaux Arts I 57
EN COUVERTURE l 50 EXPOSITIONS QUI VOUS FERONT DU BIEN EN 2021
À l’étranger

Londres • Tate Britain • Jusqu’au 9 mai

Les hommes noirs


de Lynette
Yiadom-Boakye
Née à Londres en 1977 de parents originaires du Ghana,
formée à la Royal Academy School, la Britannique
Lynette Yiadom-Boakye considère sa peinture comme
un «geste politique». Se revendiquant héritière
de Degas et Manet, elle célèbre la figure de l’homme
noir dans ses toiles qui sont, plutôt que des portraits,
des «suggestions de personnes». E. L.
«Lynette Yiadom-Boakye – Fly In League With the Night»
tate.org.uk

 Lynette Yiadom-Boakye Complication, 2013

Londres • Victoria & Albert Museum


Du 13 février au 30 août
Si l’Iran m’était conté
Des vestiges archéologiques vieux de cinq millénaires,
des céramiques et textiles centenaires au raffinement exquis,
les manuscrits enluminés du Shâhnâmeh (livre des rois),
des peintures de 10 mètres de long, des carreaux d’Ispahan,
des sculptures à couper le souffle, des photographies,
extraits de films, vidéos et pièces de design des dernières
années : les beautés de l’Iran se donnent à voir dans
un parcours vertigineux qui immerge les visiteurs
dans des espaces enchanteurs de villes, jardins, palais,
bibliothèques et paysages infinis. D. B.
«Epic Iran» vam.ac.uk

 Brûle-parfum
en forme de lion,
XIe-XIIe siècle
 Matthew Barney Diana: State Two, 2018

Londres • Hayward Gallery • Du 17 mars au 16 mai


Matthew Barney is back
Voilà quelques années qu’il s’était fait discret… L’auteur
acclamé du cycle Cremaster, qui défraya la chronique dans
les années 2000, revient en fanfare avec un nouveau film,
digression autour du mythe d’Actéon, tourné dans les mon-
tagnes enneigées de l’Idaho. Nul doute qu’il sera tout aussi
exubérant que les œuvres antérieures ! Cette première mon-
diale s’accompagne d’un accrochage de gravures récentes
et de sculptures de bois brûlé, cuivre et laiton, avec une
nouveauté pour Barney : l’usage de techniques digitales de
pointe, qui contribue à complexifier encore sa pratique. E. L.
«Matthew Barney: Redoubt» southbankcentre.co.uk

58 I Beaux Arts
Londres • Saatchi Gallery • Du 28 janvier au 11 avril

Rétrospective JR
Aujourd’hui invité par les plus grandes institutions, le street artist français
a couvert le monde de visages anonymes en format XXL, photographies  Yayoi Kusama
géantes en noir et blanc placardées dans les lieux improbables ou hautement
symboliques de l’espace urbain. La Saatchi Gallery revient sur ses projets
Berlin • Gropius Bau
emblématiques et déroule le fil d’une carrière qui l’a mené des graffitis de son Du 19 mars au 1er août
adolescence à ses interventions architecturales. Portrait d’un électron libre Au pays des merveilles
qui n’a eu de cesse de faire tomber les murs, physiques ou psychologiques, de Yayoi
de séparation entre les hommes. D. B.
«JR: Chronicles» saatchigallery.com ✶ Hors-série Beaux Arts Rien de tel qu’une rétrospective Kusama pour sortir
de la morosité ! La reine aux petits pois envahit
les 3 000 m2 du Gropius Bau, qui retrace les 70 ans
de sa carrière. Particularité de cette rétrospective
psychédélique, la reconstitution de huit de ses exposi-
tions, de 1952 à 1983. Mais aussi la création d’une nou-
velle installation, Infinity Mirror Room, qui enchâsse
le visiteur dans le vertige de milliers de miroirs, et
d’une autre, spectaculaire, dans l’atrium. Au-delà du
spectacle, le désir de rappeler combien l’artiste japo-
naise a marqué l’histoire, de ses années Fluxus à New
York jusqu’à ses champs de champignons géants où
bondissent les enfants. E. L.

À l’étranger
«Yayoi Kusama : A Retrospective» gropiusbau.de

☛ ET AUSSI…
L’Aquila (Italie) • En début d’année
 JR Migrants, Picnic à travers la frontière, Tecate, Mexique-USA, 2017 Maxxi renaissance dans les Abruzzes
Comment redonner vie à un territoire ravagé ? Le Maxxi
Bâle • Fondation Beyeler • Jusqu’au 16 mai de Rome propose une solution originale, en ouvrant
Arp et Rodin, de courbes une annexe dans un palazzo du XVIIIe siècle de la région
et contrecourbes de l’Aquila, violemment mise à mal par le tremblement
de terre de 2009. Il y dévoile cinq commandes passées
Pour l’un, le tourment de la chair, les contorsions sen- à des artistes italiens, dont Ettore Spalletti, récemment
suelles du bronze et du marbre ; pour l’autre, décédé, une dizaine d’œuvres de sa collection, ainsi
la quiétude des formes lisses, les arrondis organiques.
que des photographies de Paolo Pellegrin témoignant
A priori, tant de choses séparent Auguste Rodin
de la renaissance de ces terres. E. L.
et Hans Arp… Mais ce dialogue de plus d’une centaine
Ouverture du Maxxi Aquila maxxi.art • maxxilaquila.art
d’œuvres entre les deux géants de la sculpture moderne
crée de lumineux rapprochements. Ou comment,
en quelques décennies, la sculpture s’est libérée Venise • Punta della Dogana • Du 21 mars au 9 janvier
de tous les carcans académiques. E. L. Un nouveau Bruce Nauman
«Rodin / Arp» fondationbeyeler.ch/fr
Il avait déjà fait événement à Venise lors de la biennale
de 2009 en décrochant le Lion d’or. L’Américain Bruce
Nauman revient hanter la Sérénissime avec une série
d’installations vidéo récentes, en écho à sa pièce historique
de 1968, Walk with Contrapposto. Composée comme
une spirale ascendante, l’exposition se met elle-même
en contrapposto, cette torsion de la silhouette qui met
au défi les sculpteurs depuis la Grèce antique, et rappelle
combien le plus insaisissable des géants contemporains
met la question du corps au centre de son œuvre
 Jean Arp
Torse gerbe, 1958 en chorégraphiant jusqu’aux pas des visiteurs. E. L.
 Auguste Rodin «Bruce Nauman: Contrapposto Studies»
Le Penseur, 1880 palazzograssi.it

Beaux Arts I 59
AVANT-PREMIÈRE

Sous une fresque panoramique


(une allégorie du commerce de 1889)
et une verrière spectaculaire surgit
le cylindre de béton de Tadao Ando.
Un cercle dans le cercle à la beauté
minimaliste, «symbole d’éternité»,
selon l’architecte.

60 I Beaux Arts
La Collection
Pinault s’installe
enfin à Paris
C’est le 23 janvier que l’une des plus importantes
collections privées d’art contemporain au monde
ouvrira ses portes au public, dans une Bourse de
Commerce métamorphosée par l’architecte japonais
Tadao Ando. Rencontre exclusive avec François
Pinault et visite guidée du bâtiment vide avant
l’accrochage des œuvres (que nous dévoilerons
dans notre prochain numéro).

Par Fabrice Bousteau & Philippe Trétiack

Beaux Arts I 61
AVANT-PREMIÈRE l COLLECTION PINAULT

«J’ai la même anxiété qu’un


adolescent avant un examen !»
Après le Palazzo Grassi et la Punta della Dogana à Venise, François Pinault exauce son rêve de
créer un musée en plein cœur de Paris, dans un cadre patrimonial d’exception. Au point d’avoir
assuré lui-même le commissariat de l’exposition inaugurale, intitulée «Ouverture». Entretien.

Propos recueillis par Fabrice Bousteau

François Pinault
photographié
par Maxime Tétard
en décembre
dernier à la Bourse
de Commerce.

62 I Beaux Arts
Les rendez-vous de votre Collection avec Paris sont
décidément semés d’embûches… Après un premier projet
sur l’île Seguin abandonné en 2005, voilà que la crise sanitaire
a encore repoussé la rencontre du public avec celle-ci.
Mais nous y sommes enfin. Dans quel état d’esprit êtes-vous ?
Je suis très impatient et ému. Comme vous le savez, je caressais
depuis longtemps l’espoir de pouvoir un jour présenter ma Collec-
tion à Paris, afin de partager avec le public ma passion pour l’art.
D’un point de vue symbolique, il était essentiel pour moi de créer
un projet d’envergure en France, le pays où je suis né et où je me suis
construit, et de contribuer ainsi à l’énergie de la vie culturelle et
artistique. En ces temps de crise, j’ai plus que jamais foi en l’art, en
sa capacité à nous élever, à révéler de nouveaux horizons et à mon-
trer que l’être humain peut créer du bien. Enfin, pour tout vous dire,
à quelques semaines de l’ouverture, j’ai la même anxiété qu’un ado-
lescent avant un examen ! Je consacre beaucoup d’attention à
chaque détail, notamment à ce premier accrochage, car je souhaite
que les visiteurs y prennent du plaisir, de l’intelligence, et ressortent
de là différents et plus heureux. Ce sera un musée accueillant, je
l’espère, où l’on ne s’ennuiera pas. Un lieu conçu comme une pro-
menade surprenante où l’on pourra regarder, réfléchir et rêver.
L’architecte Henri Blondel transforma l’ancienne halle aux blés
en Bourse de Commerce pour l’Exposition universelle de 1889.
Parlons tout d’abord du lieu, la Bourse de Commerce.
Ce monument historique a été restauré avec une grande
rigueur, tant patrimoniale qu’intellectuelle. Il constituera Ando et son travail depuis une vingtaine d’années. Il est l’un des rares
une véritable révélation pour les Parisiens, qui architectes au monde à savoir concilier un geste architectural d’en-
le connaissaient très peu jusqu’à présent. Pourquoi vergure avec le respect rigoureux du patrimoine. Dans tous les pro-
était-il important pour vous d’inscrire votre collection jets que nous avons menés ensemble [le Palazzo Grassi en 2006 et la
d’art contemporain dans un lieu chargé d’histoire, Punta della Dogana en 2009], Tadao Ando a toujours veillé à mettre
et non pas dans un nouvel édifice comme cela devait en lumière l’histoire et à créer des espaces forts qui s’inscrivent plei-
être le cas sur l’île Seguin ? nement dans notre temps et embrassent l’avenir. Pour la
Qu’un musée ouvre dans un nouvel édifice ou restauration et la transformation de la Bourse de
qu’il investisse un bâtiment classé, l’objectif est Commerce, il s’est associé avec deux jeunes
le même : créer un lieu dédié à l’art de la talents, Lucie Niney et Thibault Marca, de
manière la plus adaptée possible. Il n’y a l’agence NeM, et a collaboré étroitement
pas de modèle unique et c’est tant mieux,
car plus il y a de contextes différents,
«Pour l’inauguration, avec Pierre-Antoine Gatier, architecte en
chef des monuments historiques.
plus les artistes sont stimulés, plus le j’ai voulu une exposition J’ajoute que l’équipe s’est enrichie et
regard sur les œuvres s’enrichit… Un j’ai mis en œuvre de nouvelles collabo-
musée doit avant tout répondre à sa qui manifeste le désir rations. J’ai ainsi confié la conception
mission : présenter les œuvres dans
les meilleures conditions d’exposition
d’ouverture – à de nouveaux des mobiliers intérieurs et extérieurs à
Ronan & Erwan Bouroullec et le res-
et de visite. Il doit inspirer les artistes, horizons, de nouvelles taurant à Michel & Sébastien Bras.
sublimer les œuvres, être accueillant
pour le visiteur. À Venise et à Paris, cette sensibilités, de nouvelles De la Bourse de Commerce
vision s’exprime à la faveur du dialogue
entre architecture ancienne et art contem-
interrogations.» se dégage une écriture architecturale
très minimale. On sait que l’art minimal
porain. Un dialogue que l’architecte star est l’une de vos passions,
Tadao Ando sait instaurer avec maestria, tant les or il est absent de ce premier accrochage.
deux architectures «s’augmentent». Cela fonctionne Est-ce justement parce qu’il est intrinsèque
très bien, c’est une fusion entre le passé et le présent. Plus à cette architecture ?
encore, en ouvrant ces bâtiments mythiques à l’art, c’est aussi une S’agissant du minimalisme, l’architecture de la Bourse de Com-
façon de les restituer au public. merce parle d’elle-même. Pour l’inauguration, j’ai voulu une expo-
sition qui manifeste le désir d’ouverture – à de nouveaux horizons,
Ce projet semble esquisser une filiation constituée de fidélités de nouvelles sensibilités, de nouvelles interrogations – et témoigne
– à vos architectes, votre équipe, vos artistes –, qui porte du dynamisme de cette Collection. Il fallait que les lieux soient
au final un projet choral. Est-ce exact ? ouverts aux artistes que la Collection suit, pour certains, depuis des
Je vous répondrais qu’on ne change pas une équipe qui gagne ! décennies, pour d’autres, depuis quelques années. Plasticiens
Plus sérieusement, ma plus grande fidélité est celle que j’ai pour mon confirmés ou en devenir se côtoient, comme se côtoient les formes
projet culturel : partager ma passion pour l’art contemporain avec le d’expression, les esthétiques, les préoccupations. Il faut faire l’ef-
plus grand nombre. Un projet de cette ampleur ne peut pas se conce- fort d’écouter chaque voix si l’on veut se faire une idée de la richesse
voir sous le seul prisme de la fidélité. Il se trouve que je connais Tadao qui nous entoure.
QQQ
Beaux Arts I 63
AVANT-PREMIÈRE l COLLECTION PINAULT

Le toit de la Bourse
de Commerce offre
une vue imprenable
sur une tour
astrologique, dite
«colonne Médicis»,
seul vestige de
l’hôtel particulier
de Catherine
de Médicis.

Vous avez plus qu’activement participé à cet accrochage. ce nouveau musée. Inutile de dire que le contexte actuel rend encore
Vous en êtes le commissaire, en collaboration avec vos plus pertinente l’idée d’ouverture.
équipes. C’est la première fois que vous vous affirmez ainsi
face à votre Collection. Pourquoi ? On perçoit dans cet accrochage, et peut-être même dans
Le collectionneur s’affirme par les choix qu’il fait et les risques qu’il votre Collection si riche et multiple, deux axes quasi opposés.
prend. Une collection, c’est un regard. Faire un projet d’exposition à D’un côté la radicalité, qu’elle soit formelle ou intellectuelle,
partir de la Collection, c’est forcément prendre position par rapport et de l’autre un profond attachement à la figure et la condition
à ce regard, s’y confronter, et cela est très stimulant. Il s’agit de la seule humaine, ainsi qu’à des pratiques picturales qui s’inscrivent
exposition dont je suis le commissaire, même si j’ai toujours été très notamment dans une tradition et une certaine recherche
attentif à chaque étape des expositions présentées depuis 2006 – du de la beauté. Qu’en pensez-vous ?
choix des thèmes ou des artistes aux principes d’accrochage et de Encore une fois, cette Collection doit être en résonance perma-
scénographie –, et cela en étroite collaboration avec mon équipe. nente avec son temps. J’ai voulu qu’elle ne se limite pas aux seules
œuvres qui flattent mon goût, mais qu’elle s’ouvre à la création artis-
Cette première séquence de la Bourse s’appelle tique dans toute sa diversité. Les voies de la radicalité, de la
sobrement «Ouverture». Comment faut-il l’entendre ? recherche de la beauté et de l’engagement dans les réalités du
Pour son sens musical annonçant un crescendo ? monde ne sont pas contradictoires ! Ce sont des modes d’expression.
En écho aux violents débats qui agitent aujourd’hui Ce qui est encore plus intéressant, c’est la manière dont
le monde de l’art, autour de la question les artistes parviennent à influencer notre percep-
des femmes ou des minorités ? tion du monde qui nous entoure.
Derrière le jeu de mots, le terme «ouver- «L’œil, ça se
ture» renvoie à une idée précieuse : l’ouver- Dans un entretien, vous aviez
ture d’esprit, l’ouverture au monde. L’ou- travaille ! C’est déclaré vous considérer davantage
verture, c’est l’accueil, mais c’est aussi
l’humilité. C’est admettre qu’on ne sait
parce que j’ai vu comme un amateur d’art que
comme un collectionneur.
pas tout, qu’on ne peut pas tout, et que beaucoup d’expositions, Vous êtes pourtant l’un des
l’autre vient non pas nous mettre en plus grands collectionneurs
danger mais nous compléter. C’est visité beaucoup d’ateliers, d’art contemporain au monde.
accepter le risque de se remettre en
question et aller au-devant de ce qui
que je peux sans doute Quelle différence faites-
vous entre amateur d’art
nous inquiète. L’art même est une mieux mesurer la et collectionneur ?
école d’humilité, parce qu’il nous Je collectionne parce que je suis un
enseigne qu’on n’en a jamais fini avec la
puissance d’un travail amateur d’art. Ce qui m’anime, c’est
beauté du monde, ni avec ses zones artistique.» d’abord et avant tout l’émotion que me
d’ombre, et que nos vies, si passagères, ont procure une œuvre d’art bien plus que le
tout à gagner à embrasser le monde plutôt qu’à désir de possession. Quand j’acquiers une
prétendre le dominer. C’est d’ailleurs tout l’enjeu de œuvre, c’est vraiment pour la partager.

64 I Beaux Arts
Vous passez beaucoup de temps dans les ateliers auprès Paris, avec ses musées, ses fondations – je songe notamment
des artistes, contrairement à certains collectionneurs à la fondation Cartier qui va s’installer au Louvre des
qui préfèrent ne pas les rencontrer. Vous avez même tenu Antiquaires –, ses galeries, propose une offre d’expositions
à ce que le public soit accueilli à la Bourse de Commerce unique au monde. Comment, en tant que collectionneur et
par les artistes eux-mêmes, en présentant un certain nombre président de Christie’s, envisagez-vous l’avenir de la capitale ?
de leurs autoportraits. Pourquoi est-ce si essentiel à vos yeux ? Je suis très optimiste. Peu de capitales au monde présentent une
La rencontre avec un ou une artiste peut être passionnante. Ou telle offre culturelle, à laquelle prennent part aussi bien l’État, la Ville,
pas. Si ce n’est pas le cas, cela n’est pas grave. À l’inverse, il faut tou- que les acteurs privés. Le marché parisien a su manifester un très beau
jours prendre garde à ne pas confondre la sympathie ou l’intérêt dynamisme, comme en témoignent l’installation de galeries étran-
qu’on peut éprouver à leur égard, et le jugement sur la qualité de leur gères et le développement des galeries françaises, mais aussi la place
œuvre. Lorsque les deux vont de pair, ce sont des moments uniques reconquise par les foires dans le paysage international. Concernant
– comme lors de mes rencontres avec Robert Ryman, impression- la Fiac, je tiens à saluer le travail accompli pour son renouveau par
nant à la fois par son intelligence et sa simplicité. C’est le cas aussi Jennifer Flay et Martin Béthenod. S’agissant de la création, je me
avec David Hammons, que je connais depuis plus de quarante ans. réjouis là encore de la vitalité de la scène française, qui possède depuis
Et de beaucoup d’autres heureusement. De ces derniers mois, je longtemps cette très grande qualité de réunir à la fois des artistes qui
garde par exemple le souvenir très vif de ma rencontre avec Xinyi sont nos compatriotes et des plasticiens venus d’ailleurs qui ont fait
Cheng, formidable jeune peintre chinoise travaillant à Paris, dans le choix de Paris et de la France. Tout cela produit une très belle effer-
le XXe arrondissement, ou de mes visites à l’atelier de Tatiana vescence à laquelle, je l’espère, la Bourse de Commerce prendra part.
Trouvé, à Pantin. Les directions récentes de son travail – que je suis C’est la mission que je lui ai assignée. n QQQ
attentivement depuis longtemps – sont plus qu’intéressantes.

Selon quels critères décidez-vous de suivre un artiste


et d’acheter une œuvre plutôt qu’une autre ? On dit de vous
que vous avez «l’œil» pour repérer les masterpieces…
Il n’y a pas de relation authentique avec une œuvre d’art sans que
la passion s’en mêle. Il est donc très difficile et même improbable de
réduire la décision d’acquérir une pièce à la seule prise en compte
mécanique de «critères». S’il y a cependant critères, ceux-ci ne
peuvent renvoyer qu’à l’idée qu’on se fait de l’importance d’un
artiste et de l’intérêt tout particulier de l’œuvre qu’on est susceptible
d’acquérir. Cette quête peut parfois être très longue. Dans d’autres
cas, la rencontre avec une œuvre peut se faire très rapidement, sur
un coup de cœur. Quant à «l’œil» que vous évoquez, je tiens à vous
dire que l’œil, ça se travaille ! C’est parce que j’ai vu beaucoup d’ex-
positions, visité beaucoup d’ateliers, admiré beaucoup d’œuvres que
je peux sans doute mieux mesurer la puissance d’un travail artis-
tique. Pour moi, il est essentiel de s’intéresser sans cesse à ce qui se
crée. Ceux qui rejettent la création contemporaine et se réfugient
dans le passé pensant que tout a été fait me désespèrent !

Vous avez l’habitude de dire qu’il ne faut pas perdre de temps.


Avec l’ouverture du Palazzo Grassi, de la Punta della Dogana
et aujourd’hui de la Bourse de Commerce à Paris, vous êtes
devenu, en moins de quinze ans, le seul collectionneur
au monde à posséder trois lieux d’exposition. Allez-vous
continuer à accroître cet archipel en créant de nouveaux
espaces, à Shanghai par exemple, ou ailleurs ? Quelle est
votre vision de la Collection Pinault en 2030 ?
Je suis très heureux d’avoir créé un réseau de musées à Venise et
à Paris. À chaque fois, la décision d’aller de l’avant a été motivée par
mon désir de mettre la Collection à la disposition du public, mais
également par la qualité des bâtiments dont j’ai eu la responsabilité
– à Venise, un palais du XVIIIe siècle et un édifice emblématique de
la ville ; à Paris, ce bâtiment fort et singulier qu’est l’ancienne Bourse
de Commerce. L’enthousiasme manifesté par les acteurs locaux a
été tout aussi déterminant. À Venise, ce fut ma rencontre avec le
maire de l’époque, Massimo Cacciari. À Paris, ce fut avec Anne
Hidalgo. J’observe d’ailleurs que si, à Lens, j’ai décidé de réaliser une
résidence d’artistes, ce fut suite à une rencontre passionnante avec
l’ancien président de la Région, Daniel Percheron. Pour ce qui est
de l’avenir, il faut laisser le temps faire son œuvre. Vous le savez, les
grandes aventures doivent autant à la nécessité qu’au hasard.

Beaux Arts I 65
AVANT-PREMIÈRE l COLLECTION PINAULT

Visite guidée dans une Bourse


de Commerce sublimée

A
Amoureux du patrimoine et amateurs vant même d’y dévoiler une (petite) partie de
sa pléthorique collection d’art contempo-
d’architecture contemporaine seront rain, François Pinault aura réussi, avec l’ou-
subjugués. Tadao Ando, dont c’est verture de la Bourse de Commerce, une

la première réalisation à Paris, a réussi double prouesse : révéler au public parisien


un élément méconnu de son patrimoine et lui offrir l’un
l’exploit d’emboîter passé et présent des rares projets menés dans l’Hexagone par son architecte
en faisant dialoguer radicalité et sacralité, fétiche, Tadao Ando. Associé à l’agence NeM / Niney et
Marca Architectes, ce grand maître du béton a composé
pour le seul culte de l’art. une imbrication parfaite, minimale et radicale, entre patri-
moine et création contemporaine. Le talent de l’architecte
en chef des monuments historiques Pierre-Antoine Gatier
Par Philippe Trétiack n’y est pas étranger. Il a en effet accepté de laisser couler
un cylindre de béton dans un édifice classé du XVIIIe siècle.
Cet élément importé a été pensé pour être temporaire et
simple à retirer si besoin – ce qui risque peu de se produire.
D’autant qu’il permet de révéler la beauté cachée d’un édi-
fice quelque peu oublié, fruit d’une stratification complexe,
dont l’écriture radicale, sobre et viscéralement urbaine est
désormais magnifiée. Il se dit que l’idée en revient à Fran-
çois Pinault lui-même, qui se serait montré inflexible sur
ce point. Qu’importe, les dessins ont été revus, le niveau du

66 I Beaux Arts
cylindre abaissé – il n’est qu’à regarder la première giga- a donc érigé un cylindre gris de 29 mètres de diamètre, La charpente
maquette qui avait été construite –, et le résultat sublimé. 9 mètres de haut, 50 centimètres d’épaisseur, constitué métallique de la
coupole a été
Au final, l’amoureux du patrimoine comme l’amateur d’ar- de tatamis de béton et ponctué de 863 trous de banche. conservée et une
chitecture contemporaine seront subjugués. Magie d’un Une œuvre en soi que l’on viendra découvrir en même nouvelle verrière
travail collectif. temps que les travaux d’artistes exposés en ces lieux. Plus a intégré des
qu’une architecture, ce cercle dans le cercle est une signa- produits verriers
Un cercle pur et quasi mystique ture, celle d’un virtuose des enceintes percées d’un petit
dont la technologie
améliore la
En vérité, Tadao Ando est un architecte paradoxal. Loué oculus. Cette fois, l’ouverture est grandiose, et sa verrière conservation
pour son minimalisme, voici qu’à la Bourse de Commerce, d’exception, restaurée avec maestria, donne à voir le ciel préventive
des décors peints
il a choisi d’en rajouter. Au lieu de dégarnir un bâtiment en même temps qu’une splendide fresque qui la ceinture :
et des œuvres
iconique de quelques-uns de ses éléments, il l’a démulti- une ode très XIXe siècle aux vertus du commerce entre les exposées.
plié, édifiant en écho à sa rotonde une sorte de pelure d’oi- cinq continents, faisant écho à la vocation initiale de l’édi-
gnon dont la pureté subjugue. Il s’en explique : «Par son fice. S’il est vrai que les musées se substituent parfois aux
caractère unique, la Bourse de Commerce a rendu pos- lieux de culte, ici la sacralité s’impose. «Au fil des heures,
sible la naissance d’une architecture qui n’aurait pu se des variations de la lumière et des ombres, un sentiment QQQ
trouver édifiée ailleurs.» Et de poursuivre : «Pour exploiter
au mieux la structure existante, j’ai imaginé une confron-
tation entre l’ancien et le nouveau, en traitant deux enti- Cinq siècles d’histoire
tés indépendantes qui ne seraient ni des mises à jour, ni 1574-1584 Construction pour Catherine de Médicis de sa résidence par
des ajouts superficiels. Je voulais faire naître un dialogue Jean Bullant. Il n’en subsiste que la tour astrologique, dite «colonne Médicis».
passionnant, et donner ainsi une nouvelle vie à l’édifice 1763-1766 Une halle aux blés est construite à cet emplacement par Nicolas
pour les siècles à venir. Afin de concrétiser cette idée, j’ai Le Camus de Mézières, architecte expert de Louis XV : un édifice avec cour centrale
dont il ne reste que le plan.
intégré une construction nouvelle dans un bâtiment his-
torique. L’ancien resterait tel quel et le nouvel espace s’y 1806-1813 Reconstruction de la coupole en fonte de fer par François-Joseph
Bélanger après l’incendie, en 1802, de la première coupole, en bois, datant de 1783.
insérerait à la façon d’une “architecture dans l’architec-
1885-1889 Henri Blondel entreprend la transformation radicale de la halle aux blés,
ture”. Sa puissance vient alors de sa pureté géométrique,
fermée en 1873, en bourse des marchandises. Il lui donne l’aspect actuel de l’édifice
de sa forme platonicienne.» inauguré, comme la tour Eiffel, pour l’Exposition universelle.
Une idée qui s’inscrit dans la lignée des autres projets
2020 Installation de la Collection Pinault. L’édifice a été restauré sous la direction
menés par le Japonais pour François Pinault à Venise, au de Tadao Ando, associé à l’agence NeM, qui partagent la maîtrise d’œuvre avec
Palazzo Grassi et à la Punta Della Dogana. À Paris, Ando Pierre-Antoine Gatier, architecte en chef des monuments historiques.

Beaux Arts I 67
AVANT-PREMIÈRE l COLLECTION PINAULT

Pris entre la
façade de 1889
et le cylindre
implacable
de béton gris,
le visiteur
peut choisir
de multiples
parcours.

mystique s’empare du lieu», confirme l’architecte Thi- avec vue panoramique sur l’église Saint-Eustache. À
bault Marca, associé avec Lucie Niney au projet global. Et droite du hall s’ouvre le «Salon», première salle et teaser
d’ajouter : «Tadao Ando parle de purification dans ce des accrochages en cours. Un vestiaire, des bancs de
cercle où totalité et néant se superposent.» Au point d’oser repos, une librairie et… le choc. Voilà que s’offre au regard
la comparaison avec Stonehenge dans ce cercle à l’oni- le cylindre, muraille dressée dans la lumière zénithale
risme pur et muet. déversée par la verrière.
Pour les visiteurs, le parcours débute à l’extérieur. L’an-
cien petit commissariat, sis sur la rue du Louvre, qui flan- Parcours libre avec vue sur tout Paris
quait la rotonde de ce qui fut autrefois une halle aux blés, «Il fallait que les visiteurs puissent embrasser d’un
abrite désormais la billetterie. L’entrée se fait plus loin, regard la totalité de l’espace pour en jouir, mais il fallait
dans le hall de la Bourse. À gauche, un escalier et un aussi, explique Lucie Niney, les aider à se repérer. Car un
ascenseur conduisent directement au troisième étage où espace circulaire désoriente toujours.» Un déambulatoire,
se situe le restaurant tenu par Michel & Sébastien Bras, large de cinq mètres, permet d’en faire le tour, et d’en sai-

68 I Beaux Arts
Il en naît un léger fumet antique –  on se croirait dans
quelque arène romaine. Partout, une certaine retenue s’ex-
prime. En assurant la circulation autour du cylindre, les
espaces ont été dégagés des couloirs qui les coupaient en
deux autrefois. Ces couloirs ne subsistent que dans les ate-
liers pédagogiques, au premier et au troisième étage, dans
le restaurant. À leur place s’ouvrent désormais de majes-
tueuses salles d’exposition, dont une carrée.

Un restaurant perché et un mobilier jouissif


conçu par les frères Bouroullec
Au deuxième étage, le parcours permet d’admirer encore
le seul escalier à double révolution qui subsiste des deux
édifiés au XVIIIe siècle. S’ensuivent d’autres salles d’expo-
sition, certaines éclairées par des ouvertures en demi-lune,
demi-cercles dont le cylindre semble l’écho. Si le dais
culmine à neuf mètres du sol, c’est pour laisser libre la vue
sur l’ensemble du bâtiment, fresque et verrière comprises
depuis le deuxième étage. Une continuité visuelle s’opère
d’une façade l’autre, l’espace se dilate. Cette hauteur idéale
a fait l’objet de nombreux essais et tâtonnements.
Monté à 13 mètres au début des études, rabaissé ensuite,
le cylindre de béton a pris sa juste mesure. Les clients du
restaurant, sis à ce troisième étage qui fut ajouté en 1889,
en même temps que se construisait la façade extérieure de
la halle aux grains, découvriront la finesse, eux, des déco-
Au sous-sol, l’auditorium de 284 places est modulable. rations fin de siècle. Celles-ci s’accordent désormais au
mobilier dessiné par les frères Bouroullec – qui ont égale-
sir l’immensité. Pris entre la façade édifiée en 1889 pour ment conçu le mobilier urbain des abords de la Bourse. Ici,
l’Exposition universelle, avec ses vitrines en bois déambuler est au programme, pour bénéficier des vues sur
d’époque, et ce cylindre de béton gris, le visiteur peut Paris, se purifier au contact des œuvres et du béton. Le
choisir son parcours. Contourner le cylindre ou bien cylindre sera-t-il détruit dans cinquante  ans, quand la
emprunter l’escalier de béton et verre qui monte au pre- concession accordée par la Ville à la Collection Pinault
mier étage, ou bien encore plonger vers le sous-sol pour touchera à son terme ? Le cercle se refermerait alors sur
rejoindre l’auditorium. Il peut aussi faire le grand saut et cette architecture dont l’élégance semble résoudre, comme
pénétrer dans le cercle. «Pour moi, le cercle est un sym- par magie, la quadrature du cercle. n
bole d’éternité. Il génère dans l’espace des lignes d’axialité
et de centralité. C’est une géométrie pure et simple, sans «Ouverture» à partir du 23 janvier • Bourse de Commerce /
début ni fin, qui a la capacité de devenir un microcosme Pinault Collection • 2, rue de Viarmes • 75001 Paris
architectural», explique Tadao Ando. 01 55 04 60 60 • boursedecommerce.fr

Ce cylindre a été percé de quatre ouvertures dissymé-


triques. «Elles commandent les vues, précise Lucie Niney,
et s’inscrivent dans des axes préexistants. Ainsi, l’une, est-
ouest, connecte du regard la rue du Louvre à la Canopée
des Halles, tandis que deux autres tendent une droite ima-
ginaire entre le monte-charge géant et la tour de l’astro-
logue, cette fameuse colonne Médicis, vestige d’un ancien
hôtel particulier du XVIe siècle.» «Le plus extraordinaire,
poursuit Thibault Marca, est de voir à quel point le refus
du white cube, au profit de salles d’exposition largement
percées de baies et de fenêtres, fait de ce lieu un espace
hors normes.» En effet, ce qui magnifie l’ensemble, ce sont
les échappées visuelles sur Saint-Eustache, le restaurant
Au Pied de Cochon, les toits de la ville et les ciels de Paris.
Au cœur de la capitale, le cercle de béton prend enfin sa
place… centrale. Au sous-sol, l’auditorium de 284 places
est modulable. Deux poteaux en fonte de fer y sont tou-
jours visibles, deux autres y ont été coupés. Ils supportent
le plancher d’origine que les architectes ont conservé. La
L’une des salles destinées à accueillir des accrochages thématiques,
décoration est minimale : du béton et du tissu. Du gris, du des expositions monographiques, mais aussi des productions nouvelles,
noir. Les sièges, posés à même le sol, forment les gradins. des commandes, des cartes blanches et des projets in situ.

Beaux Arts I 69
EXPOSITION l CITÉ DU DESIGN
Jusqu’au 21 février

TOP OF THE FLOPS


Les plus beaux fiascos
du design
Entre création et marché, marketing et communication, le design
aligne autant les best-sellers qu’il se casse les dents commercialement.
Une exposition à Saint-Étienne analyse ses flops, bides et autres ratages.
Inventaire ubuesque et moqueur, dressé par empirisme.

Par Pierre Léonforte

inéma, théâtre, chanson, littérature… Aucun table de Katerina Kamprani, architecte et designer basée à

C
Rejuvenique
Electric Facial domaine n’échappe à ce que la télévision a Athènes. Double flûte à champagne, arrosoir à bec tordu,
Mask, 1999 baptisé l’«accident industriel». Quand l’in- fourchette molle, brosse à dents coudée… Ses objets anti-
Inventé par un succès frappe un objet passé par les arcanes fonctionnels, imaginés après des études en design indus-
dermatogue qui
avait juste oublié
du marketing et de la communication, son triel avortées, forment l’un des trois volets de l’exposition
de le tester avant sa revers, plus cuisant encore, interroge sur la nécessité d’un «Flops ! Quand le design s’emmêle», à la Cité du design de
commercialisation, bilan cognitif en coulisses. En matière de design, le bide ne Saint-Étienne. Outre ces «Inconfortables», les autres pans
ce masque de concerne pas les projets restés dans les tiroirs et les proto- de la manifestation s’intéressent aux «Introuvables» –
stimulation
électrique des types ; il épargne les ready-made, les objets fous d’artistes, variation autour du Catalogue d’objets introuvables de
muscles du visage les pièces uniques vendues en galerie et esquive les com- Jacques Carelman (1969), parodiant le catalogue Manu-
fut vanté à la télé mandes spéciales et privées. Sa cible préférée, c’est le pro- france – et aux «Improbables».
par Linda Evans,
duit de masse destiné au plus grand nombre.
star de Dynasty Électrostimulez-vous avec Linda Evans
et cyborg de la Designers et fabricants sont ici très chatouilleux. Évo-
chirurgie plastique. quer le moindre fiasco est tabou. Les uns avanceront qu’ils Cette dernière partie est alimentée par le Museum of
Insupportable étaient trop en avance sur leur temps, d’autres estimeront Failure [lire p. 74], fondé en 2017 par un psychologue sou-
à porter, inefficace,
cher, ce fut avoir simplement raté leur rendez-vous avec le succès. Pire : cieux d’analyser en quoi des objets innovants peuvent
un beau flop. le public n’était pas prêt. Non, en effet, le public n’était pas rater leur cible. Au-delà de l’échec esthétique, utilitaire,
prêt à manger les pâtes Man- commercial ou financier, il y a aussi la déroute d’une pen-
dala, dessinées en 1987 par Phi- sée, d’un projet, d’une conception. Avec en fil rouge, la
lippe Starck pour Panzani, qui question qui taraude tout le monde : mais comment ces
ne cuisaient pas à cause de leur objets ont-ils pu arriver sur le marché ? «Flops !» donne
forme en yin-yang. Idem pour ainsi à voir une flopée de flops. Certains enfoncent des
celles conçues par le designer portes ouvertes, comme les voitures DeLorean ou Ford
automobile Giorgetto Giugiaro Edsel, d’autres relèvent du gadget désastreux, tel le
pour Voiello (marque du groupe masque de beauté électronique Rejuvenique, vanté par
Barilla). Aucun avenir sinon à l’actrice Linda Evans (Dynasty) en 1999. Ou, en 2007, la
finir en colliers de nouilles pour Hawaii Hula Chair, fauteuil reproduisant des mouve-
la Fête des Mères. ments de hula-hoop censés «stimuler la conscience du
Ces deux bricoles édifiantes corps et le dynamisme tout en massant les organes
mériteraient de figurer dans la internes». Résultat : une veste, classée par Time Magazine
série loufoque The Uncomfor- comme l’une des 50 pires inventions. QQQ
70 I Beaux Arts
Katerina Kamprani
Twin Champagne Glasses,
série The Uncomfortable, 2015
Plus objet d’artiste pervers
que produit industriel pensé
par un designer affligé d’un
dédoublement de personnalité,
cette flûte à champagne
surréaliste est à ranger à côté
de la tasse à thé pour gaucher.

Beaux Arts I 71
EXPOSITION l LES FLOPS DU DESIGN

Au catalogue des «Improbables», on trouve du lourd


impardonnable comme le Bic for Her (2011), stylo rose ou
violet spécialement conçu pour les femmes et aussitôt
descendu en flammes par les féministes aux États-Unis,
l’ordinateur personnel Olivetti Envision (1995), vite
bazardé car sans doute trop-en-avance-sur-son-temps, le
Crystal Pepsi (1992), un soda sans doute trop transparent
pour être honnête, le vélo en plastique Volvo Itera (1981)
qui laissera aux Suédois le goût amer de la défaite, ou
encore la bouilloire Hot Bertaa de Philippe Starck pour
Alessi (1987), aujourd’hui perfidement présentée comme
«une œuvre» pour lui éviter le sceau infamant du bouil-
lon. Toujours chez Alessi, les ustensiles de cuisson Pasta
Pot dessinés par Patrick Jouin sous la houlette d’Alain
Ducasse auguraient un nouveau mode de cuisson des
pâtes sans eau, façon risotto. La chose qui coûtait un rein
fera chou blanc en dépit d’un Compas d’or qui est l’équi-
valent d’un Oscar du design. Alessi se dédouanera de ce Ron Arad /
flop en en faisant don au Centre Pompidou. Kartell
Étagère
Un pot à bactéries signé Starck Bookworm, 1994
«Ne dessinez jamais quelque chose de laid, quelqu’un Entrée dans
le décor
pourrait l’acheter», disait Raymond Loewy. La laideur, des années 1990,
subjectivement indissociable de la beauté, n’a rien à voir Bookworm
avec le flop d’un objet, d’un meuble. D’autres facteurs y était cette
étagère sur
participent et en précipitent la mauvaise fortune : c’est la
laquelle
prolifération des bactéries au fond de son petit réceptacle rien ne tenait,
– et aussi la forme accidentogène de sa tête pour les gen- ni livres, ni CD.
cives – qui obligea Fluocaril à retirer de la vente la fameuse
brosse à dents dessinée par Starck et vendue sous blister
clippé. Un packaging qui inspirera plus tard Ferruccio
Laviani pour sa lampe de table Take, éditée par Kartell.
Composée de deux coques moulées et clippées-collées
pour ne former qu’un seul volume, la Take, allumée, se
décollait à l’usage, ce qui n’empêcha pas Kartell d’en faire Bic for Her, 2011
un best-seller. C’est tout le paradoxe du bide dont Kartell C’est l’animatrice
et humoriste féministe
est coutumier : l’étagère flexible Bookworm (1994) de Ron Ellen DeGeneres
Arad en témoigne. Infernale à monter, meurtrière à qui fustigea en direct
démonter… rien ne tenait dessus, ni livres, ni objets. Mais dans son talk-show
cet oukase genré
elle entra dans le décor en force et reste le symbole déco-
lancé par Bic. Il n’y a
ratif (inutile) d’une époque, à l’instar de la Guirlande pas que les roses
cubiste lumineuse des Tsé-Tsé. qui ont des épines !

Patrick Jouin / Alessi


Casserole Pasta Pot, 2007
Cuire les (petites) pâtes comme un risotto :
métabolisée par Alain Ducasse, formalisée
par Patrick Jouin, l’idée ne fera pas
long feu et sera traînée comme
une casserole.

Philippe Starck / Fluocaril


Brosse à dents, 1992
Retirée de la vente pour
cause sanitaire, la brosse
starckienne avait les dents
du fond qui baignaient
dans les bactéries.
Marque-modèle lancée
en fanfare en 1957, la Edsel
était un hommage au fils
unique de Henry Ford, décédé
en 1943. Promise comme
la voiture du futur, gadgétisée
à outrance, mal fabriquée et
hors de prix, la Edsel, flanquée
de sa calandre vaginale
– un des motifs de son
insuccès selon les psys –
et d’une gamme de couleurs
pensée par un confiseur,
symbolise le bide industriel
parfait. Un cas d’école de
mauvaise conduite.

Ferruccio Laviani /
Kartell
Lampe de table
Take, 2002
Composée de deux
modules clippés-collés
en six points, traitée
en plusieurs coloris,
la lampe Take
se décollait au fur
et à mesure que
l’ampoule chauffait. Katerina Kamprani
Un fiat lux par défaut. The Uncomfortable
Chair, série The
Uncomfortable, 2012
Un exemple des
Utilisation problématique, usage malaisé : à quoi pen- flait à l’improviste. Coup de pompe fatal aux ventes. Tenu explorations menées
saient Patricia Urquiola et Eliana Gerotto quand elles des- pour un créateur génial, l’Italien Joe Colombo essuya pour- par la curatrice
de l’exposition «Flops !»
sinèrent la lampe Bague (2003) pour Foscarini ? Non seule- tant quelques flops, notamment avec les verres à whisky
et rassemblées
ment elle n’éclaire rien mais son volume supérieur au pied encoché d’un espace où glisser un pouce ou un dans le volet des
disproportionné et trop lourd la fait basculer et tomber. cigare pour fumer et boire de la même main. Produit en «Inconfortables».
D’autres projets comme les Tools for Life, un ensemble 1964 par le verrier Arnolfo di Cambio, Smoke boira la tasse.
mobilier de l’agence d’architecture OMA (Rem Koolhaas) Réédité voilà quelques années, son prix prohibitif est Vélo en plastique
pour Knoll présenté à Milan en 2013, resteront lettre morte indexé sur le denier du culte. Sur le terrain, il fut un temps Volvo Itera, 1981-1985
Tout en plastique
devant la porte de la mise en production. Aucune vente, où architectes et designers – Odile Decq, Rudy Ricciotti,
composite et fibre
rien. Les Ateliers Jean Nouvel feront, eux, les frais d’un bide Constance Guisset, Jakob+MacFarlane – se prenaient un de verre, ce vélo
du packaging avec les tablettes de chocolat suisse Cailler, Parpaing d’or, récompense cinglante elle-même liquidée suédois teinté dans
en 2006. Glissées dans un étui en plastique transparent QQQ la masse fut vendu
à 30 000 exemplaires,
«illustré», elles donnaient l’impression d’avoir fondu, livré en boîte
blanchi, moisi. Ulcéré, le distributeur Metro les retirera sans et à monter soi-même,
état d’âme des rayonnages. Autre gadin pur sucre, le avec pièces et outils
Macarré (2001), lancé par le traîteur-pâtissier Lenôtre dans manquants.
l’idée de casser le moule trop rond du macaron.

Ozoo, le matelas qui crevait et fondait


La génèse du flop devient plus réjouissante
encore quand elle est racontée par ceux qui
l’ont initiée. Le designer Marc Berthier
raconte volontiers comment, en 1968, le
matelas en mousse polystyrène posé
sur le lit de la collection Ozoo réagissait
mal au contact du plastique : ou il cre-
vait ou il fondait ! Le mobilier gonflable
Aerospace (1967) de Quasar Khanh
connut les mêmes avanies : livré dégon-
flé à plat avec kit de réparation, il se dégon-
EXPOSITION l LES FLOPS DU DESIGN

en 2015. Dommage : le trophée aurait pu distinguer les


récents urinoirs écologiques de l’entreprise nantaise Faltazi
(mini-vespasienne destinée à fabriquer du compost), les
nouveaux kiosques à journaux dûs à Matali Crasset ou les
fontaines du rond-point des Champs-Élysées bricolées par
Ronan & Erwan Bouroullec.

Une yaourtière greffée sur un inhalateur


Rayon numérique, le nom d’Apple tourne en boucle
autour des flops, l’iPhone X (2017), étant ici le plus mécham-
ment dézingué. Citons également l’enceinte connectée
Djingo d’Orange retirée du marché en octobre dernier.
«Design morne» fut la moindre de ses critiques. Star du bio-
design cautionné par la science, Mathieu Lehanneur reste
ici l’inventeur de l’objet le plus bête du début du XXIe siècle :
la boîte à dépolluer la chambre à coucher. Le truc ressemble
à une yaourtière greffée sur un inhalateur, le tout cautionné
par les labos. Après les acariens, le grand rien. Enfin, l’échec
d’un produit peut aussi être provoqué par son nom ou celui
de son producteur. Quand Toyota a lancé en 1990 son petit Le designer Quasar Khanh et sa femme, la styliste
bolide runabout MR-2, nul au Japon ne se doutait que la Emmanuelle Khanh, présentent le mobilier gonflable
presse auto francophone le surnommerait «mer-deux». Aerospace au Trocadéro, le 25 septembre 1967.
Changement de nom sur les jantes, sans trop se fouler, pour
MR. L’histoire de l’automobile est remplie de ce genre de En revanche, rien de cela n’est arrivé à l’éditeur allemand
gaffes. Voilà quelques années, le fabricant italien d’usten- ClassiCon. Quid du nouveau et superbe canapé signé
siles de cuisine et ménage Con&Con, en dépit d’un bon Rodolfo Dordoni pour Minotti ? Présenté en octobre 2020,
design, se cassa les dents sur les marchés francophones et baptisé Connery – un hommage anticipé à Sean 007 ? –, ça
anglo-saxons (à cause des neocon, les néo-conservateurs). risque de coincer en français. C’est bien ce que tu as acheté,
Résultat : la firme est tombée aux oubliettes. c’est qui, c’est quoi ? Une Connery. n

Museum of Failure : le musée des catastrophes commerciales


En suédois, flop se fit «flopparna». Psychologue diplômé, Samuel West Glass, la vidéocassette Sony Betamax, l’Amazon Fire Phone, la poupée
décida en 2016 de faire un musée des flopparna du design. Inauguré connectée Cayla, le véhicule électrique monoplace Segway, la caméra
en juin 2017 à Helsinborg, son Museum of Failure (MOX) est un anti-choc Fisher Price, l’anneau connecté Logbar, l’eau de toilette
réjouissant succès faisant œuvre pédagogique – des échecs sortent Harley-Davidson, le téléphone Motorola Iridium ou encore la bouteille
les succès – et démonstrative, avec une ample collection d’objets d’eau Plup, flacon plat et rond dessiné par Stefan Lindfors, designer
visitable virtuellement. En partie itinérante, celle-ci tourna à Los finnois qu’on a connu mieux inspiré. Quant aux lasagnes surgelées de
Angeles, à Shanghai et à Paris, à la Cité des sciences et de l’industrie Colgate, lancées aux États-Unis en 1982, elles firent un four. Sinon,
en 2019, en même temps que se déroulait la première édition des Foirés, mention spéciale à la Trump University et au jeu Trump The Game :
festival dédié aux «flops, bides, ratés et inutiles». Aujourd’hui montré double bide, mais pas autant que l’UroClub, appareil permettant aux
à la Cité du design de Saint-Étienne, l’inventaire du MOX recense la golfeurs de se soulager sans lâcher le green.
caméra digitale Kodak DC40, les lunettes de réalité augmentée Google museumoffailure.com

Lasagnes au bœuf Colgate (1982), eau de toilette Harley-Davidson (1996-2005),


Donald Trump The Game (1989-1990 / 2004), l’improbable mais véritable collection
du Museum of Failure s’expose aujourd’hui à Saint-Étienne.

74 I Beaux Arts
Philippe Starck / Alessi
Bouilloire Hot Bertaa, 1987
Prolifique, la collaboration
entre Starck et Alessi ne fut pas
sans accident. Aussi peu
maniable et dangereuse
qu’une grenade dégoupillée,
la grosse Bertaa en est l’exemple
le plus cuisant.

L’EXPOSITION
«Flops ! Quand le design s’emmêle» jusqu’au 21 février
Cité du design • 3, rue Javelin Pagnon • 42000 Saint-Étienne
04 77 49 74 70 • citedudesign.com

Découvrez la folle histoire de la DeLorean,


mythique raté de l’industrie automobile devenu
star de cinéma sur BeauxArts.com

Beaux Arts I 75
EXPOSITION l MO.CO. MONTPELLIER
Jusqu’au 4 avril

Insaisissables
et saisissantes années 2000
Que reste-t-il des années 2000 ? En s’appuyant sur la collection Cranford, réunie
depuis 1999 par Muriel et Freddy Salem à Londres, le Mo.Co. déroule les temps forts
de cette bouillonnante décennie, orchestrant de singuliers dialogues entre des
artistes qui ont façonné le début du millénaire.

Par Judicaël Lavrador

e retourner sur la décennie 2000-2010 est un choses, suggère Nicolas Bourriaud. Et qui rend difficile
Isa Genzken
Orang-Utan
À travers
cet orang-outan
affublé d’une
couronne en
plastique et
d’une tenue
S exercice mémoriel acrobatique auquel se
risque avec mille précautions l’exposition du
Mo.Co., à Montpellier. Ses commissaires le
disent sans ambages : «Les années 2000 ne
sont pas encore identifiables», ni identifiées comme telles,
alors même que l’histoire de l’art a déjà bien condensé les
années 1980 et 1990. Alors qu’est-ce qui coince ? Pourquoi
toute thématisation de la production artistique de ces
années-là. L’exposition ne trace donc pas de fil conducteur
reflétant à lui seul un (pour l’heure) introuvable esprit des
années 2000. Elle fait mieux en faisant profil bas. D’une
part, selon le principe appliqué à chaque fois à l’Hôtel des
collections, elle ne présente que des œuvres issues d’une
seule et même collection privée. En l’occurrence, le Mo.Co.
d’apparat en tissu
synthétique,
ne sait-on pas en analyser les traces et évaluer leur portée ? a choisi 44 artistes et quelque 80 pièces parmi les 700 que
l’artiste Tout simplement parce qu’elles ne sont pas encore révolues ! comprend la collection Cranford, constituée par Muriel et
allemande singe «Les années 2000, on n’en est pas encore sorti», affirme ainsi Freddy Salem, à Londres, à partir de 1999. Le corpus est
avec humour Nicolas Bourriaud, le directeur du Mo.Co. De fait, ce qui sur- donc subjectif. Tout en étant conséquent, il ne prétend pas
les statues
que l’on érige git, entre 2000 et 2010, ce sont bien «tous les grands thèmes être tout à fait représentatif. On pourra ainsi estimer que
à la gloire qui nous préoccupent aujourd’hui» : «l’ultra-mondialisation les artistes français sont bien mal lotis puisque pas un ne
des hommes et la surcommunication, le développement exponentiel du figure dans la liste. D’autre part, renonçant à thématiser la
de pouvoir.
numérique et d’Internet», mais aussi l’émergence de la décennie, le show montpelliérain épouse une ligne de
2008, animaux
en peluche, plastique, Chine comme puissance économique, «l’idée d’un choc des conduite chronologique dont il tire profit au maximum en
peinture en aérosol, civilisations» au moment de la guerre en Afghanistan, sans réunissant dans une même salle des œuvres créées la
acrylique, métal,
tissu, MDF,
oublier les premières pandémies, comme celle du Sras dès même année. Une règle de présentation qui donne lieu à
175 x 100 x 130 cm. 2002, et la montée d’une prise de conscience du désastre des confrontations inattendues.
écologique qui menace la
planète (le mot «anthropo- Génération plurielle et décomplexée
cène», qui nomme l’impact Au seuil de l’exposition, une Maison de Louise Bourgeois,
désastreux de l’homme sur maquette grillagée renfermant des effets intimes, partage
son environnement, date l’espace avec Fuck Destiny de Sarah Lucas, un canapé-lit
de 2001). En somme, «la rouge défoncé posé sur un coffre en bois et traversé par des
décennie 2000 est intermi- néons fulgurants. Or, en 2000, la vénérable vieille dame est
nable». On y est encore. à l’apogée de sa carrière, tandis que la jeune Anglaise com-
Dès lors, impossible de mence à peine à se faire un nom dans la foulée des Young
prendre du recul. D’autant British Artists. «C’est comme si nous avions fait une expo-
plus que le nouveau siècle a sition sur les années 1920 en plaçant Claude Monet, qui
commencé sur une image peint à cette époque les Nymphéas, aux côtés d’André Bre-
sidérante, une déflagration ton, qui acte simultanément la naissance du surréalisme»,
sans précédent : les atten- explique Nicolas Bourriaud. Pour autant, ce rapprochement
tats du 11 septembre 2001, n’atteste aucun clash des générations. La veine cultivée par
dont l’onde de choc ne s’est l’une et l’autre artiste, laissant déborder des douleurs et une
toujours pas dissipée. On rage trop longtemps contenue, n’est étonnamment pas si
subirait un effet post-trau- éloignée. Vieux et jeunes, établis ou émergents, d’Edward
matique qui nous empêche- Ruscha à Kelley Walker, de Gerhard Richter à Abraham
rait de nous remémorer les Cruzvillegas, tous sont légitimes à incarner les années 2000. QQQ
76 I Beaux Arts
Cindy Sherman Untitled #419
Quels que soient l’habit et le masque qu’elle revêt, comme ici ceux d’un clown ou d’un pantin combinant les attributs de la femme
et de l’enfant, la reine de la métamorphose explore les questions de genre et d’identité avec une bonne dose d’extravagance.
2004, impression couleurs, 167,6 x 124,5 cm.

Beaux Arts I 77
EXPOSITION l LES ANNÉES 2000

durant cette décennie, pour la vidéo documentaire. Nico-


«C’est comme si nous avions fait las Bourriaud le rappelle : «La Documenta de 2002, dont le
une exposition sur les années 1920 curator était Okwui Enwezor, fut ainsi dominée par le
médium privilégié du recueil de la parole : la vidéo. Cette
en plaçant Claude Monet aux côtés mode du document rapporté témoignait à la fois d’un enga-
d’André Breton.» gement politique et d’une conception réaliste de l’art.» Or,
de cette veine, il n’y a que peu de traces à Montpellier, à
Nicolas Bourriaud, directeur du Mo.Co l’exception peut-être de la vidéo de Phil Collins mettant en
scène deux groupes de danseurs, jeunes gens de Ramallah,
en Palestine, engagés dans une chorégraphie endiablée de
Damien Hirst sept heures. À l’exception encore d’une magnifique vidéo
Something de Francis Alÿs, qui suit à la trace, par le biais des caméras
and Nothing de surveillance, l’errance d’un renard lâché, une nuit, dans
Avec ses animaux les salles de la National Portrait Gallery de Londres.
plongés dans
des bacs remplis Si les années 2000 ne sont finalement pas solubles dans
de formol, l’artiste le genre documentaire ni dans la vidéo, c’est que, suggère
britannique l’exposition du Mo.Co, elles sont surtout placées sous le
a défrayé la
signe de la montée en puissance, quel que soit le médium
chronique.
Il incarne aussi adopté, de la technologie dans l’art et du désir des artistes
le passage d’observer ce phénomène et de s’y confronter. C’est le cas
de l’art à l’ère dans les photographies de Wolfgang Tillmans, qui se
du gigantisme.
contente d’imprimer au jet d’encre ses clichés, qu’il pré-
2004, verre, acier
inoxydable, nickel, sente non encadrés, simplement punaisés dans une constel-
laiton, caoutchouc, lation outrepassant les genres. Portraits, natures mortes,
MDF peint et laqué,
acrylique, poissons, abstractions, ses accrochages volatils ont anticipé sur les
squelettes de cimaises le méli-mélo d’images éphémères qui défilent
poisson et formol,
205,7 x 375,9 x 121,9 cm.
aujourd’hui sur nos écrans de toutes tailles via les réseaux
sociaux. Mais ce qui ressort aussi de ces années 2000, ce
sont toutes ces peintures augmentées en quelque sorte par
Car, au fond, si la décennie vit émerger de nouveaux les nouvelles technologies.
artistes, elle vit aussi se consolider au plus haut niveau des
créateurs établis. Tous profitèrent de l’envergure étourdis- De l’expressionnisme, mais numérique !
sante prise par les galeries d’art, dont les plus puissantes Kelley Walker et Wade Guyton ne peignent pas vraiment :
(Gagosian, White Cube, David Zwirner, Hauser & Wirth) ils livrent leurs toiles aux imprimantes. Qui saturent sous
démultiplient leurs mètres carrés et leurs adresses à travers l’épaisseur du tissu et barbouillent des motifs truffés d’er-
le monde, encouragées dans cette croissance effrénée au reurs et de débords. Ou bien les deux artistes américains
gigantisme (et l’encourageant simultanément) par l’essor recourent au scan en faisant gicler sur la vitre des matières
considérable des salons. En 2002 est ainsi inaugurée Art gluantes comme du dentifrice pour imiter et figer la vieille
Basel Miami Beach. En s’offrant une foire d’art satellite, la patte expressionniste de leurs aînés. Les fameuses pein-
maison mère, reine du marché, intègre la logique nouvelle tures abstraites de Gerhard Richter relèvent finalement
d’une course à la globalisation du monde de l’art, qui se d’une même volonté de se gausser de l’expressionnisme : à
poursuivra avec la création, en 2013, d’une troisième mani- leur surface, des couleurs striées, liquides, mouvantes, ver-
festation parallèle : Art Basel Hong Kong. Entre 2003 et ticalement alignées, mais comme prises dans le ressac de
2004 sont créées à Londres Frieze Art Fair et Zoo Art Fair, la raclette qui leur est passée dessus. On dirait un écran
À DROITE qui vont permettre au marché de l’art en Grande-Bretagne d’ordinateur défectueux. Et, en effet, si les écrans et les por-
Glenn Brown de se repositionner au rang de leader avec les États-Unis. tables commencent à s’imposer au cœur des années 2000,
Lemon Sunshine au point de devenir l’outil qui filtre aujourd’hui nos repré-
Cette étrange Faire du spectacle et du luxe sentations du monde, les artistes ont d’abord eu cette intui-
silhouette,
à la fois grotesque À ce marché qui voit gros, il fallait des artistes de son tion qu’il fallait les subvertir pour en tester les limites, et en
et inquiétante, calibre. Takashi Murakami a le profil. Avec un indiscutable montrer le véritable éclat : un peu flou.
figure à merveille flair, il sent le vent tourner pour l’art : il n’est plus question Décidément, cette exposition sommative consacrée aux
la passion de
l’artiste
d’être à l’avant-garde, et donc de se confiner dans des années 2000 ne se dépatouille guère, et n’y tient pas, de ce
britannique pour niches où ni le public ni l’industrie culturelle ne vous sui- soupçon inaugural : la décennie baigne encore dans un
la science-fiction vront. Il s’agit de faire le spectacle et de collaborer avec des épais brouillard. Où la collection Cranford, ses artistes, et
et la peinture marques de luxe (Louis Vuitton en l’occurrence) pour, se les chefs-d’œuvre exposés à Montpellier, percent malgré
en trompe-l’œil :
malgré l’apparente faisant fort de l’héritage de Warhol, réconcilier les beaux- tout comme des repères éclairants. n
épaisseur du arts, la mode et la culture populaire. Pourtant, le plasticien
trait, la surface «00s. Collection Cranford – Les années 2000»
japonais ne figure pas dans l’exposition du Mo.Co., qui
demeure jusqu’au 4 avril • Mo.Co. • Hôtel des collections • 13, rue de
dresse quand même, au fil des salles, un panorama exi- la République • 34000 Montpellier • 04 99 58 28 00 • moco.art
totalement lisse.
2001, huile sur
geant et pointu de l’art dans les années 2000. Une vision Catalogue de l’exposition bilingue anglais / français
planche, 71 x 57 cm. qui passe aussi au tamis d’un recul critique l’engouement, coéd. Silvana / Mo.Co. • 184 p. • 35 €

78 I Beaux Arts
Beaux Arts I 79
RÉTROSPECTIVE l FONDATION HENRI CARTIER-BRESSON
Du 19 janvier au 25 avril

EUGÈNE ATGET (1857-1927)

Photographe
de la «capitale du rêve»
Des surréalistes parisiens à l’avant-garde new-yorkaise, il a été adulé par les plus grands.
D’abord marin, puis acteur, Atget se considérait avant tout comme un photographe
commercial. Mais ses images fascinantes de Paris à l’aube du XXe siècle n’ont pas fini
d’illuminer nos jours et de hanter nos mémoires. Portrait.
Par Emmanuelle Lequeux

C
À DROITE

«
ette énorme collection, artistique et fin cet acteur qui, «rebuté par son métier, effaça son
Kiosque à Paris, documentaire, est aujourd’hui ter- masque, puis se mit en devoir de démaquiller aussi le réel».
vers 1910
minée. Je puis dire que je possède Ses débuts dans la photographie remontent à 1888. Atget
Les images
d’Atget nous font tout le vieux Paris.» Qui était donc réalise alors des documents à destination des artistes. Pay-
voyager dans cet insensé, qui pouvait se targuer sages, végétaux, c’est un Karl Blossfeldt avant l’heure.
un Paris voué d’avoir mis la capitale en bouteille ? Eugène Atget est un Quand se crée la Commission du Vieux Paris, en 1897, l’idée
à disparaître,
personnage de roman qu’aurait pu inventer Honoré de Bal- le prend de photographier les quartiers anciens de la capi-
alors que la ville
mute vers zac : un photographe solitaire qui a traîné ses guêtres pen- tale, de témoigner de tous ces petits métiers promis à une
la modernité. dant des décennies dans les rues de Paris, pour en saisir rapide désuétude. Ce qui fera dire à l’écrivain Pierre Mac
les secrets les plus humbles, la beauté décrépie. De la cité Orlan, qui préface la première monographie en 1930 : «On
tout en dédales qui disparaissait sous les coups de boutoir rencontre là l’élite populaire, celle qui donne à la rue son
du baron Haussmann, il a arpenté les moindres recoins. histoire, ses angoisses et ses triomphes.» Un condensé, à ses
Sur l’épaule, sa lourde chambre à soufflet. De 1888 à 1927, yeux, du «fantastique social actuel». Balustrades de fer
il a ainsi produit des milliers de plaques photographiques. forgé, volutes d’escaliers, heurtoirs, enseignes et fontaines…
Un incomparable trésor, qui ressuscite aujourd’hui sous À partir de 1901, Atget commence à documenter systéma-
nos yeux l’esprit du Notre-Dame de Paris (1831) de Victor tiquement tous ces éléments décoratifs qui font Paris.
Hugo. Lutèce à son crépuscule, avant que ne se lève l’aube
moderne. Mais comment ce petit monsieur, qui passait L’explorateur des bas-fonds
comme une ombre d’arrière-cours en impasses, est-il La ville n’a aucun mystère pour lui. Il fouine dans les
devenu celui que le collectionneur et expert André hôtels délabrés du Marais, se glisse dans chaque église,
Jammes appelle le «père de l’Église de la photographie» ? Saint-Gervais, Saint-Roch, Saint-Sulpice… De boutiques de
Balzac ne s’étant pas attelé à la tâche, on en sait peu de vin de bourgogne en commerce de lingerie fine, il bat tous
la biographie d’Eugène Atget. Il n’a laissé quasiment aucun les pavés épargnés par l’urbanisme pragmatique que néces-
écrit, sa vie était à mille lieues de toute mondanité. Il est né site la révolution industrielle. Il saisit chaque pulsation de
à Libourne, en 1857, très tôt orphelin. On lui prête des la capitale. Faubourg Saint-Germain, Odéon, Saint-Ger-
débuts de marin, avant qu’en 1879, il n’entre au Conserva- main-des-Prés, Saint-André-des-Arts : le Quartier latin se
toire national de musique et de déclamation, rêvant de brû- détruit sous ses yeux, il le documente pas à pas. Maubert,
ler les planches. Il vivote en participant à diverses pièces l’île Saint-Louis, les entrepôts vinicoles de Bercy, le couvent
de théâtre, mais renonce vite à cette vocation. Enfin, pas des Carmes, les bords d’une Bièvre promise à l’enterre-
tout à fait, selon Walter Benjamin, qui fut parmi les pre- ment… Ce piéton de Paris ne connaît pas la fatigue. À la fois
miers à décrypter ces images, au début des années 1930. archéologue, ethnologue et flâneur, il pousse jusqu’à la
Aux yeux du théoricien allemand, Atget restera jusqu’à la «zone», au pied des fortif’ qui ceinturent Paris, dont il livre QQQ
80 I Beaux Arts
Beaux Arts I 81
RÉTROSPECTIVE l EUGÈNE ATGET

À DROITE un témoignage plein de vie. La rue est devenue son théâtre,


Groupe de même si les figurants s’y font rares. Comme Marcel Proust,
curieux pendant
il est lancé dans «une exploration totale du monde», ana-
l’éclipse. Place
de la Bastille, lyse Éric Hazan dans son Invention de Paris (éd. Seuil). Mais
17 avril 1912 sa recherche du temps perdu se fait dans les bas-fonds, les
Ce cliché fait cours branlantes, les fermes sans âge.
partie de la série Ses négatifs, il les tire en verre sur papier albuminé, puis
d’Atget publiée
les vire à l’or, comme pour en réchauffer la mélancolie. Il
en juin 1926
dans la Révolution destine ces motifs aux artistes, toujours, mais approche
surréaliste. aussi des institutions publiques comme le musée Carnava-
En plus d’en let ou la Bibliothèque historique de la Ville de Paris, pour
détourner
le sens originel
leur proposer d’acheter ses images, qu’il classe de façon très
sous le titre systématique en séries, sous-séries, albums. Walter Benja-
«Les dernières min l’imagine comme s’il l’avait rencontré, cet «homme qui
conversions», passait le plus clair de son temps à faire le tour des ateliers,
la bande à Breton
en révèle la sacrifiant ses clichés pour quelques sous, le prix souvent
polyphonique de l’une de ces cartes postales qui, vers 1900, montraient
poésie à la une de beaux paysages urbains plongés dans une nuit bleutée,
de leur numéro.
avec une lune retouchée». Peu à peu, son corpus grossit,
jusqu’à se faire encyclopédie d’un
monde finissant. «En art, en
hygiène, il était absolu», confiera
son ami l’acteur André Calmettes à
sa mort. Mais ce sont peut-être ses
dernières images qui le sauveront
de l’oubli.

Voisin de Man Ray,


rue Campagne-Première
À la fin de sa vie, Atget se pas-
sionne pour les vitrines de magasin
qui enchantent la ville moderne.
Eugène Atget, vers 1890. Man Ray découvre ces clichés au
milieu des années 1920. Le photo-
Qui était graphe américain, exilé à Paris pour
Eugène Atget ? cause de surréalisme, est son voisin
dans la rue Campagne-Première,
Il aurait pu passer à la trappe de près de Montparnasse. Il est subju-
l’histoire, sans l’intérêt des surréalistes gué par sa découverte, qu’il partage
pour son œuvre. Et pourtant quelle avec sa clique, aussitôt happée par
somme ! À l’aube du XXe siècle, l’inquiétante étrangeté de ces
Atget s’est attaché à témoigner images. Robert Desnos ouvre grand
du vieux Paris, menacé par la marche ses mirettes pour se faire l’ambas-
sadeur de cette incroyable somme.
du progrès haussmannien.
«En une trentaine d’années, Atget a
Ses photographies fonctionnent
photographié tout Paris avec l’ob-
aujourd’hui comme une fascinante jectif merveilleux du rêve et de la
machine à remonter le temps. surprise, écrit-il dix ans après la
1857 Naissance à Libourne. mort du photographe. Ce ne sont
1878 Entre au Conservatoire de Paris. pas les albums d’un artiste qu’il
1885 Intègre une troupe de comédiens laisse en héritage à des biblio-
et rencontre sa future femme. thèques. Non, ce sont les visions
1888 Se lance dans la photographie.
d’un poète léguées aux poètes.»
1897 Entreprend de photographier
Desnos lui trouve «la fraîcheur
les quartiers anciens de Paris.
1901 Commence à vendre ses photographies d’âme d’un douanier Rousseau, et
au musée Carnavalet, à la Bibliothèque la minutie d’un flâneur parisien».
historique de la Ville de Paris, à la Commission Et de poursuivre : «Ses albums […]
municipale du Vieux Paris.
constituent le dossier le plus fantas-
1925 Rencontre Man Ray et Berenice Abbott
qui propulsent ses images dans la sphère
tique des merveilles que nos yeux
surréaliste. peuvent voir chaque jour, mais aux-
1927 Meurt à Paris. quelles trop souvent ils ne prêtent QQQ
82 I Beaux Arts
Beaux Arts I 83
vit une statue nous émeuvent autant, photographiées par
Atger [sic], qu’une toile de Chirico.» Atget meurt l’année
suivante. En 1920, il plaidait sa cause dans une missive
adressée à Paul Léon, le directeur l’École des Beaux-Arts,
s’avouant «inquiet et tourmenté sur l’avenir de cette belle
collection de clichés qui peut tomber dans des mains n’en
connaissant pas la valeur». L’État l’entendra, qui acquerra
près de 2 500 clichés. Et Berenice Abbott tout autant.
La photographe new-yorkaise l’a rencontré en même
temps que Man Ray, dont elle était l’assistante, et lui a
acheté aussitôt quelques plaques. Elle a même réalisé de
lui deux  portraits. À sa mort, elle décide d’acheter
1 500 négatifs et 10 000 tirages restés dans l’atelier, avec
l’aide du marchand américain Julien Levy. Elle vendra
cette collection en 1968 au Museum of Modern Art de
New York. Mais dès les années 1930, elle dévoile ces trésors
à l’avant-garde de la photographie américaine. Son ami
Walker Evans s’avoue stupéfait par la fluidité et l’aisance
d’Atget, «comme si le monde avait été organisé pour
récompenser son regard». Une même ambition les habite
tous deux : «Savoir qu’une perception claire peut produire
un mystère irrésistible plutôt qu’une banale objectivité.»

«C’est le photographe le plus traditionnel


qui est venu annoncer la photo de l’avenir»
Également salué en Allemagne dans plusieurs exposi-
tions qui clament l’avènement de la Nouvelle Vision à la
fin des années 1930, Atget se voit peu à peu érigé en père
de la photographie moderne. «Paradoxalement, c’est le
La Villette, plus d’attention.» C’est cette même «jouissance de l’œil» photographe le plus traditionnel qui est venu annoncer
rue Asselin, que célèbre aujourd’hui Agnès Sire, l’une des deux com- la photo de l’avenir», clame André Jammes. C’est donc à
Paris, 1921
missaires de l’exposition «Eugène Atget – Voir Paris», à la cela que tient cette magie ? Car, quoi, les cadrages d’Atget
Rares sont
les silhouettes
fondation Henri Cartier-Bresson. sont simplissimes, le regard frontal, l’intention sans
qui apparaissent apprêt. Il n’a pas la superbe d’un Le Gray, ni la grâce d’un
dans ses clichés. Berenice Abbott, admiratrice Lartigue. Et pourtant il continue d’enchanter, aujourd’hui
Mais Atget et collectionneuse de la première heure plus encore. Anne de Mondenard, co-commissaire de l’ex-
a consacré
deux séries aux Mannequins, prostituées, maisons closes… En 1926, position et responsable du département photographie du
Parisiens qui font Man Ray achète à son voisin vieillissant une quarantaine musée Carnavalet, à Paris [lire ci-contre], s’émerveille de
le sel de la ville : d’images et en publie trois dans le numéro 7 de la revue la ce «regard libre et poétique, cohérent et résolu aussi», qui
la première
Révolution surréaliste. Elles sont anonymes, à la demande porte «parfois sur des objets les plus simples, leur confé-
aux petits métiers,
la seconde, de cet «homme simple, quasiment ingénu, comme un rant, par son sens du cadrage, une aura inattendue». Wal-
plus tardive, peintre du dimanche» que décrit Man Ray. Atget refuse ter Benjamin l’avait déjà pointé du doigt : «Il recherchait
aux prostituées que son nom apparaisse, car à ses yeux ces photographies ce qui avait disparu et sombré. [Ses images] sucent l’aura
du nord-est
de la capitale. sont de «simples documents». Pourtant, se faisant porte- de la réalité comme l’eau d’un navire en perdition.»
parole de la bande à Breton, l’écrivain Roger Vailland loue Le catalogue de l’exposition Atget à la Bibliothèque
au contraire son «sens très aigu et quasi prophétique de nationale de France en 2007, l’une des premières à dévoiler
l’art qui allait venir. Les mannequins de cire presque la richesse de son corpus, fait un parallèle éclairant avec
vivants dans une vitrine où se reflète toute la rue, une Georges Perec : «J’aimerais qu’il existe des lieux stables,
femme debout sur le pas d’une porte, une cour déserte où immobiles, intangibles, intouchés et presque intouchables,
immuables…» Ces mots sont ceux de l’écrivain, mais on
croirait entendre la voix d’Atget. «Mes espaces sont fragiles :
«La ville meurt. Les tombes se dispersent. le temps va les user, va les détruire : rien ne ressemblera
plus à ce qui était, mes souvenirs me trahiront, l’oubli s’in-
Mais la capitale du rêve dressée par Atget filtrera dans ma mémoire», poursuit Perec. À Paris, Atget a
offert le plus beau des cadeaux : son Je me souviens. Et il
dresse ses remparts inexpugnables sous hante aujourd’hui encore Paname, comme le prophétisait
un ciel de gélatine.» Robert Desnos, 1928 Desnos : «La ville meurt. Les tombes se dispersent. Mais la
capitale du rêve dressée par Atget dresse ses remparts inex-
pugnables sous un ciel de gélatine. Le dédale des rues pour-
suit son cours comme un fleuve. Et les carrefours servent
toujours à de pathétiques rendez-vous.» n

84 I Beaux Arts
Un coin de l’entrepôt de Bercy, rue Léopold, Paris XIIe, 1913
«Ce n’est pas pour rien qu’on a comparé les prises de vue d’Atget avec celles d’un lieu du crime, décryptait Walter Benjamin dans les années 1930.
Mais le moindre recoin de nos villes n’est-il pas un lieu du crime ? Les passants ne sont-ils pas tous des criminels ? Le photographe – successeur
de l’augure et de l’haruspice [devins du monde antique romain] – n’est-il pas celui qui dépiste la culpabilité sur nos images et identifie le coupable ?»

Pour en savoir plus


¢ 
UN VOYAGE DANS LE TEMPS ACTIVÉ PAR LE MUSÉE CARNAVALET ¢ 
LE CATALOGUE NEC PLUS ULTRA
Chassé-croisé entre deux géants de la photographie, deux amoureux Eugène Atget – Voir Paris
éd. Atelier EXB • 146 photographies • 224 p. • 42 €
de Paris. La fondation Henri Cartier-Bresson accueille un florilège d’images
› Cette remarquable anthologie nous fait naviguer dans une cité
d’Atget, fruit d’une véritable chasse aux trésors dans les collections disparue, du Marais à Saint-Germain-des-Prés en passant
du musée Carnavalet, révélant nombre de photographies oubliées. par Belleville. Les textes d’Anne de Mondenard, responsable
du département photographies du musée Carnavalet, d’Agnès Sire,
En retour, l’institution dédiée à l’histoire de Paris, qui rouvre après d’importants directrice artistique de la fondation Henri Cartier-Bresson,
travaux, évoquera au printemps les errances parisiennes de Cartier-Bresson, et de Peter Galassi, du MoMA de New York, offrent un éclairage
novateur sur l’apport d’Atget à la photographie moderne, ainsi
des quais de Seine à la banlieue. Point névralgique de ce dialogue : que sur sa place dans les collections publiques. Quant à la qualité
le surréalisme, qui a révélé le premier, et nourri le regard du second. de l’impression, elle est tout aussi exceptionnelle.
«Eugène Atget – Voir Paris» du 19 janvier au 25 avril
Fondation Henri Cartier-Bresson • 79, rue des Archives • 75003 Paris
01 40 61 50 50 • henricartierbresson.org
Balade dans le Paris d’Eugène Atget
> Et aussi  : «Henri Cartier-Bresson – Paris» du 20 mars au 11 juillet (sous réserve) en diaporama sur BeauxArts.com
Musée Carnavalet • 23, rue de Sévigné • 75003 Paris • 01 44 59 58 58 • carnavalet.paris.fr
EXCLUSIF

Nos expositions imaginaires (épisode 9)

Comment
les écoféministes
régénèrent le monde

De la Pologne au Mexique en passant par le Kenya, l’association


d’historiennes de l’art AWARE nous propose de faire un tour
de la planète écoféministe, tout en revenant sur cinq décennies
de luttes, de poésie et d’espoir. Parce que le combat contre
l’exploitation de la nature et pour l’égalité des genres est plus
important que jamais, cette exposition imaginaire nous
entraîne au cœur d’une création qui n’a qu’un but : protéger
la Terre en célébrant la vie dans toutes ses différences.

Par AWARE (Archives of Women Artists, Research


and Exhibitions) : association cofondée en 2014 et dirigée par l’historienne
et conservatrice du patrimoine Camille Morineau, pour créer, diffuser et indexer
l’information sur les artistes femmes du XXe siècle. Elle a contribué à cette proposition
manifeste de concert avec Manuela Danescu, Justine Lacombe, Clothilde Naudeau,
Anaïs Roesch, Eleni Pantelaras, Matylda Taszycka, Fanny Verdier.

86 I Beaux Arts
Wangechi Mutu
Tree Woman
Mi-femme
mi-arbre, cette
amazone de
l’écoféminisme
ne compte pas
prendre racine
mais plutôt
donner l’assaut
d’une lutte vitale.
2016, pâte à papier,
terre, bois,
198 x 86,3 x 76,2 cm.

Beaux Arts I 87
EXPOSITION IMAGINAIRE l COMMENT LES ÉCOFÉMINISTES RÉGÉNÈRENT LE MONDE

N
ous vivons à l’époque du grand changement planétaire. Ce bouleversement, que
l’anthropologue et philosophe féministe Donna Haraway désigne sous le nom énig-
matique de «chthulucène», touche tous les êtres vivants et questionne notre rapport
au monde et à toutes les productions humaines. L’art – ses modes de créa-
tion, d’exposition, la place des artistes et le rôle de ses institutions – doit
La couverture être repensé à la lumière de ce bouleversement majeur. La présente exposition est une
du 13e numéro
tentative d’inventer un nouveau modèle : celui d’une projection imaginaire collective
de la revue
féministe conçue par l’association AWARE (Archives of Women Artists, Research and Exhibitions).
américaine Son engagement écologique, son féminisme, mais aussi la multiplicité des voix qu’elle
Heresies, paru fait entendre sont programmatiques.
en 1981, montre
l’éruption Comme le souligne la philosophe Émilie Hache, la modernité s’est construite sur le
catastrophique double processus d’exclusion des femmes et d’exploitation de la nature, sur la conviction
du mont Saint que les femmes sont inférieures car plus proches de la nature, et que celle-ci doit être
Helens, dans l’État exploitée en raison de sa féminisation. Le lien entre le féminisme et les luttes contre le
de Washington,
le 18 mai 1980. changement climatique, le patriarcat et le capitalisme, s’est construit très progressive-
La question du ment, à partir des années 1970, porté par des figures comme la philosophe Françoise
rôle des femmes d’Eaubonne et des activistes britanniques et américaines dans le contexte de la menace
pour la sauvegarde
de notre planète
nucléaire. Il a fallu d’abord remettre en cause le féminisme matérialiste tel qu’il s’était
y est abordée pour développé en France après la Seconde Guerre mondiale, sous l’influence de Simone de En 1980, la revue
la première fois. Beauvoir. Considérant qu’«on ne naît pas femme, on le devient», il cherchait d’abord à extirper les Sorcières consacre
femmes de leur relation présupposée «innée», et donc son 20e numéro
(illustré avec
dévalorisante, avec la nature. une sculpture
À l’intérieur de ces débats, l’art occupe une place de Bernadette
ambiguë. Le système capitaliste, basé sur l’industrie, Faraggi) à «la
a fasciné les avant-gardes du XXe siècle et rendu pos- nature assassinée».
Et acte la
sibles les excès que nous connaissons : la multipli- naissance de
cation des foires, biennales et méga-expositions dans l’écoféminisme.
le monde, qui engendre des flux exponentiels de per-
sonnes et d’œuvres. La capacité de l’art – production
culturelle par excellence – à s’inscrire dans un contexte
naturel et à agir en sa faveur reste donc à démontrer.

Témoins des débats animant les


milieux féministes à l’aube des années 1980,
deux documents inaugurent notre parcours : le n° 20
de la revue française Sorcières, au titre prémonitoire
(«La nature assassinée»), et le n° 13 de la publication
américaine Heresies, «Earthkeeping/Earthshaking»,
qui prône l’activisme des femmes en faveur de l’envi-
ronnement. Artistiquement, l’affiche 10 Trashy Ideas
about the Environment sérigraphiée sur un sac plas-
tique par le collectif Guerrilla Girls (fondé en 1985)
incarne, non sans humour, la convergence des luttes
féministes et écologiques, auxquelles s’ajoutent pro-
gressivement, à partir des années 1990, de nouvelles
revendications de justice climatique et sociale por-
tées par ceux et celles qui ne se sentent pas représen-
tés par la première génération d’écoféministes.
C’est à partir du constat de cette triple dévaluation,
celles des femmes, de la nature et des voix considérées
comme «minoritaires» ou résistantes, que cette expo-
sition interroge la place des artistes femmes dans l’his-
toire de l’art, à la lumière de leur engagement dans un
système en crise de représentation de la nature.

Guerilla Girls
10 Trashy Ideas about the Environment
«J’aime utiliser le plastique, en particulier pour créer
des œuvres sur l’environnement. Après tout, l’art est
éternel, le plastique aussi.» Une absurdité parmi tant
d’autres relevées avec malice par le collectif féministe.
1995, lithographie couleur dans un sac plastique, 33 x 22,8 cm.

88 I Beaux Arts
Des sorcières
d’un nouveau genre
CI-DESSUS
Ana Mendieta
Certaines artistes cherchent à sortir
Untitled
du dualisme nature/culture dès les
(Silueta Series, années 1970, en s’appuyant sur les croyances et spiritua-
Mexico) lités païennes, s’intéressant aux rituels de fertilité, et
Une silhouette s’appropriant l’image de la Terre-Mère ou de la Grande
féminine tombée Déesse qui symbolise l’énergie créatrice et sacrée de la
à terre, laissant
une empreinte
nature. Dans la série Silueta, Ana Mendieta imprime dans la terre la trace de son propre corps lors Pony Express
rouge vif à même d’un rituel filmé. Face à elle, se trouve Rzeźby dla Ziemi [Sculptures pour la terre], une pièce quasi Ecosexual
le paysage. contemporaine, réalisée par Teresa Murak à l’occasion d’une exposition en plein air en Norvège. Bathhouse
Entre body art Bienvenue dans
L’artiste polonaise a laissé une empreinte plus abstraite, en creusant une demi-sphère de 162 cm de
et land art, cette un monde virtuel
œuvre de l’artiste profondeur (soit sa propre taille) et en érigeant, à côté, un monticule aux mêmes dimensions. La délirant, où vous
américano- sculpture tellurique dela Portugaise Clara Menéres, Mulher-Terra-Viva (1977), complète cet pourrez réaliser
cubaine irradie ensemble avec un paysage foisonnant aux formes anthropomorphes et attributs sexuels féminins, vos fantasmes
de poésie. écolos sans tabou,
qui rompt avec les clichés de l’iconographie occidentale. La figure de la déesse apparaît aussi dans dans la boue,
1973-1977,
photographie couleur, l’œuvre de la Kényane Wangechi Mutu, Tree Woman [ill. p. 87], femme grandeur nature enveloppée le sauna
50,8 x 40,6 cm. de branches et de racines cueillies dans les environs de Nairobi, où se situe son atelier. Cette créa- post-capitalocène
ou la chambre
ture, à la fois séduisante et monstrueuse, défie toute catégorisation, célébrant les forces productives
des copulations !
de la nature tout en dénonçant l’objectivation des femmes africaines.
2016, performance.
EN HAUT À DROITE
Teresa Murak La vision idéalisée de la fusion entre corps féminins et terre nour-
Rzeźby ricière est remise en cause par la Nigériane Otobong Nkanga, qui utilise son propre
dla Ziemi corps comme métaphore de l’Afrique spoliée. Dans Alterscape Stories: Spilling Waste (2006), elle
Pionnière de se glisse dans la peau d’une déesse créatrice et destructrice, déversant dans le paysage des subs-
la performance,
l’artiste polonaise
tances toxiques. Avec son projet Ecosexual Bathhouse (2016), le duo Pony Express (Ian Sinclair &
fait émerger Loren Kronemyer) nous convie, quant à lui, à entretenir des rapports sexuels avec notre environ-
de la terre des nement à l’aide de nouvelles technologies, dans une tentative à la fois sensuelle et absurde de com-
sculptures munier avec lui. En réinterprétant le Printemps de Botticelli, chef-d’œuvre de la Renaissance ita-
éphémères
évoquant l’énergie lienne où le renouveau cyclique de la nature est incarné par une femme au ventre arrondi, la peintre
du cycle de la vie. française Apolonia Sokol invite des modèles transgenres à incarner une féminité libérée de tout
1974, performance. rapport à la fécondité. Elle dénonce ainsi la discrimination subie par les femmes trans mais aussi QQQ
Beaux Arts I 89
EXPOSITION IMAGINAIRE l COMMENT LES ÉCOFÉMINISTES RÉGÉNÈRENT LE MONDE

la réduction des femmes cisgenres (dont l’identité de


genre est en accord avec leur sexe) au rôle de mères.
Le «nouveau» Printemps devient ainsi une sorte de
sabbat de corps non conformistes et discriminés, de
nouvelles sorcières au sein de nos sociétés.

La sorcière représente le versant


subversif de la Déesse mère. Devenue
une figure féministe – nous pouvons évoquer de nou-
veau la revue Sorcières mais aussi les actions du mou-
vement W.I.T.C.H. et les cours octroyés aux femmes
par l’artiste suisse Doris Stauffer –, la sorcière est la
figure de la révolte contre les multiples formes d’op-
pression, femme rebelle consciente de sa puissance.
La sociologue Silvia Federici perçoit le lien de causalité entre la naissance du capitalisme et la sou- Manifestation
mission des femmes, qui se traduit par une chasse aux sorcières des temps modernes. Les guéris- du mouvement
Fabiana W.I.T.C.H.
seuses, sages-femmes, herboristes et avorteuses ont été annihilées en raison de leur connaissance
Ex-Souza (Women’s
mystérieuse de la nature et ont dû laisser la place à la médecine faite par les hommes. La sorcière International
Plusieurs
contemporaine renaît donc de ses cendres comme une figure de résistance de l’ordre établi. Terrorist
manteaux
Cette réappropriation positive peut être observée dans des œuvres célébrant des corps exta- Conspiracy from
to Bispo Hell) à New York,
La performeuse tiques, à l’image de Hexentanz [Danse de la sorcière], en 1926, de la pionnière de la danse moderne le 15 février 1969.
afro-brésilienne Mary Wigman. Les performances de Myriam Mihindou sont aussi des moments de mise à
interroge les
l’épreuve rituelle. Dans No Sensibility (2013), la plasticienne marche sur du verre, recouvre sa peau
récits dominants
de l’histoire en d’aiguilles ou manipule de la glace pour transcender ses traumatismes. Quant à l’Afro-Brésilienne
mettant en scène Fabiana Ex-Souza, elle réalise un cycle de performances ritualisées baptisé Plusieurs manteaux
le «corps to Bispo, qui réhabilite l’artiste brut Arthur Bispo do Rosário, dont le fastueux Manto da Apresen-
politique» et
sa condition
tação (vêtement cérémoniel, nécessaire au passage dans l’au-delà) est devenu un objet de collec-
de femme noire tion au lieu d’être enterré au moment de sa mort. Dans notre exposition, nous montrons la vidéo
issue de que la performeuse réalise dans le cadre de l’appel à projets «La vie bonne», organisé par AWARE
la diaspora. et le Centre national des arts plastiques. Fabiana Ex-Souza documente l’ensevelissement d’un
2019, performance
à Un lieu pour respirer,
vêtement brodé de graines destinées à germer – une restitution symbolique du manteau à son pro-
aux Lilas. priétaire. Grâce au pouvoir de transformation de l’art, elle remet en mouvement ce qui semblait
emprisonné dans des vitrines muséales et instaure un
dialogue avec l’artiste décédé.

La sorcellerie, tout comme le cha-


manisme, permet de communiquer avec les
forces de la nature. Dès la fin des années 1960, dans une
action cosmogonique, Gina Pane se positionnait en
intermédiaire entre la terre et le ciel, une place qui,
selon elle, devait être celle de l’artiste (Situation idéale :
terre-artiste-ciel, 1969). Plus tard, allongée sur un ter-
rain vague au cours d’un cycle d’actions intitulées Terre
protégée, la performeuse recouvrait la terre avec son
propre corps dans un geste symbolique contre son
anéantissement. En 1977, dans le cadre d’une action
intitulée Modlitwa o deszcz [Prière pour la pluie], la
Polonaise Maria Pinińska-Bereś délimitait à l’aide de
bannières roses un espace au milieu duquel elle
invoque la pluie. Accusée d’avoir été à l’origine
d’averses, elle prépare un rituel de pénitence publique,
finalement jamais réalisé.
Sans pour autant renoncer au combat politique, les
sorcières d’aujourd’hui incarnent l’approche spiritua-
liste au sein de l’écoféminisme, une religion «faite d’ex-
périences, de rituels, de pratiques qui changent la
conscience et réveillent le pouvoir-du-dedans», comme
la définit la sorcière et militante Starhawk. Dans sa
lutte, elle célèbre les pouvoirs de la vie qui résiste à l’op-
pression en puisant leur force dans les éléments fonda-
mentaux : la terre, l’air, le feu et l’eau.

90 I Beaux Arts
CI-DESSUS
Apolonia Sokol À GAUCHE

Le Printemps Gina Pane


Cachez ce pénis que je ne saurais voir ! Les nymphes Terre protégée II
d’Apolonia Sokol arborent un drôle de genre, refusant Dès les années
de se plier aux codes de la binarité homme-femme 1960, cette icône
qui gouverne la société. de la performance
2020, huile sur toile, 380 x 200 cm.
alertait sur les
dommages causés
par l’homme
à la nature en
mettant en jeu
son propre corps.
1970, tirage
gélatino-argentique
sur papier,
100 x 67,5 cm.

À GAUCHE
Maria Pinińska-Bereś
Modlitwa o deszcz
L’artiste balise un fragment de territoire pour
se l’approprier et aborder les questions d’annexion,
de délimitation et de gestion de l’espace.
1977, performance.
QQQ
Beaux Arts I 91
EXPOSITION IMAGINAIRE l COMMENT LES ÉCOFÉMINISTES RÉGÉNÈRENT LE MONDE

Réparer
le vivant
Suzanne Husky nous invite à réveiller ce
«pouvoir-du-dedans» pour passer à l’action.
Sans être directement participatives, ses œuvres sont toujours le fruit
de collaborations avec des paysans, artisans ou militants. L’artiste
altermondialiste met en forme les conflits environnementaux en s’ins-
pirant de faits réels. Sa tapisserie Euro War Rug illustre les affronte-
ments entre les militants de la ZAD (zone à défendre) de Notre-Dame-
des-Landes et les forces de l’ordre. La Noble
Pastorale (2016-2017), elle, met en scène un acti-
viste tentant de stopper une abatteuse forestière.
Autant de stratégies de résistance qui transpa-
raissent dans ses créations face à un système
néolibéral. Autre œuvre textile, The Leftovers
d’Otobong Nkanga dénonce l’extraction des
Suzanne ressources non renouvelables pour l’exportation. Les minerais d’Afrique subsa-
Husky harienne se métamorphosent en bijoux une fois arrivés en Europe, tant et si bien
Euro War Rug que là d’où provient la richesse, il ne reste que des trous en guise de parures. «Ni
La traditionnelle la Terre ni les femmes ne sont des territoires à conquérir», écrit sur les murs de
tapisserie est La Paz le collectif féministe bolivien Mujeres Creando, s’opposant à l’emprise
ici détournée
pour représenter d’un système patriarcal, colonial, raciste et écocide.
un face-à-face
entre militants Ces artistes écoféministes rendent visibles les
de la ZAD (zone
à défendre)
enjeux de pouvoir au cœur de la notion de paysage,
de Notre-Dame- marquant de ce fait une rupture avec une histoire de l’art dans laquelle celui-ci
des Landes et était un outil visuel – lié à la beauté et au sublime – dans un rapport de domi-
forces de l’ordre.
Les activistes
s’opposaient
à la construction CI-DESSUS
de l’aéroport Otobong Nkanga The Leftovers
du Grand Ouest, Sur un fond aux couleurs de l’azurite
un «grand projet et de la malachite, ce drôle de biijou
inutile» – dont le prix à payer est celui de
finalement l’épuisement des ressources naturelles
abandonné en Afrique – montre ces béances.
en 2018. 2017, tissus, 165 x 250 cm.
2015, tapis en laine,
CI-DESSOUS
266 x 196 cm.
Céline Pelcé & Tiphaine Calmettes
En grattant la terre
CI-CONTRE j’ai trouvé mon empreinte
Mujeres Plus qu’un dîner-performance
Creando en sept tableaux, un nouveau rituel
«Ni la tierra, pour réveiller notre instinct sauvage
ni las mujeres et partager des terres consommables.
somos territorio 2019, dîner-performance au Paris Art Lab.

de conquista»
«Ni les femmes
ni la terre ne sont nation à la nature. Elles recentrent notre point de vue sur ce que le théoricien
des territoires
Nicholas Mirzoeff nomme des «stratégies de contre-visibilité émancipatrices».
à conquérir»,
clame le collectif La poétesse et performeuse Kathy Jetñil-Kijiner dénonce dans Monsters
féministe (2017) et Anointed (2018) les conséquences sanitaires et climatiques des essais
bolivien sur les nucléaires américains dans les îles Marshall dont elle est originaire. Près de 70
murs de La Paz
depuis 1992. bombes ont été larguées entre 1946 et 1958, et plus de soixante ans plus tard,
Ce slogan résonne le niveau de radioactivité dans la zone provoque toujours fausses couches et
dans toute malformations de fœtus. Double condamnation pour ce paysage aux périphé-
l’Amérique latine,
ries de la modernité qui menace de disparaître avec la hausse du niveau des
conceptualisant
le «territoire mers liée au réchauffement climatique, et que l’artiste défend jusqu’aux ins-
corps-terre». tances des Nations unies, lors du sommet sur le climat, en 2014. Militante pour

92 I Beaux Arts
Ágnes Dénes
Tree Mountain-
A Living
Time Capsule-
11,000 Trees,
11,000 People,
400 Years
Entre sciences,
philosophie
et éthique, Ágnes
Dénes est cette
artiste capable
de faire planter
11 000 arbres
en spirale sur
les flancs d’une
colline artificielle
en Finlande après
avoir fait pousser
un champ de blé
à Manhattan.
1992-1996,
impression couleur,
91,5 x 91,5 cm.

la justice climatique, elle a par ailleurs cofondé Jo-Jikum, une organisation non gouvernementale
formant les jeunes aux enjeux écologiques.
Créer des images agissantes, telle était déjà la quête d’Ágnes Dénes, pionnière de l’art écologique
dans les années 1960. Chacune de ses œuvres est une tentative de réponse pragmatique à un pro-
blème d’origine humaine, conférant à l’art une fonctionnalité par nécessité. Il en va ainsi de Tree
Mountain-A Living Time Capsule-11,000 Trees, 11,000 People, 400 Years, projet de reforestation sur
un site mis à nu par l’activité minière en Finlande. La politologue Joan Tronto et la militante des
droits civiques Berenice Fisher définissent le fait de prendre soin – le care en anglais – comme l’acti-
vité de «maintenir, perpétuer et réparer notre monde de telle sorte que nous puissions y vivre aussi
bien que possible ». Réparer le monde c’est aussi réparer l’histoire, celle qui a placé sous silence de
nombreuses cosmogonies au profit d’une modernité universelle. I Was Born on the Ice est le titre du
poème de la conteuse, artiste, actrice et interprète d’uaajeerneq (une danse du masque groenlan-
daise) Laakkuluk Williamson Bathory : «On nous a arraché nos histoires de tant de façons qu’elles
ne peuvent être les nôtres que si nous les racontons.»

Réparer puis relier nos corps, nos environnements, réunir les


humains et les non-humains en reconnaissant le maillage complexe de notre éco-
système terrestre. L’art fait partie de ce «travail qui relie» comme le suggère la militante Joanna
Macy, qui nous invite à concevoir une culture régénératrice. Partageant ce rapport de l’art à la vie,
la designer Anne Fischer a cherché, à travers son projet Rising from its Ashes, des pistes de valori-
sation du travail incroyable de décontamination des sols réalisé par certains végétaux. Deux fleurs
des champs, Anthyllis vulneraria et Noccaea caerulescens, poussant sur le site d’une des plus
anciennes mines de zinc des Cévennes, se sont adaptées pour développer des propriétés qualifiées
par les scientifiques d’hyperaccumulatrices. De ces plantes qui extraient puis stockent les métaux
lourds des esubstrats pollués, Anne Fischer a tiré des émaux. En s’inspirant de la tradition céramiste
de la région, elle espère contribuer à revitaliser son patrimoine.
Nous avons mangé la Terre, épuisé en à peine plus de cent ans toutes les ressources qu’elle a mis
des millions d’années à créer. C’est contre ce régime de prédation que Tiphaine Calmettes (prix
AWARE 2020) nous invite à renouer avec notre être terrestre. En résistance face à un monde de l’art
qu’elle qualifie de «hors sol», elle propose de co-construire avec le vivant. En grattant la terre j’ai
trouvé mon empreinte est une activation de paysages consommables où elle attire nos sens sur les
histoires produites par ce que nous ingérons. L’alimentation est un fait politique interspécifique,
comme le souligne le philosophe Emanuele Coccia, et sans doute l’expérience d’entremêlement la
plus directe, franchissant les barrières du corps et fusionnant ainsi les mondes et les êtres. QQQ
Beaux Arts I 93
EXPOSITION IMAGINAIRE l COMMENT LES ÉCOFÉMINISTES RÉGÉNÈRENT LE MONDE

L’eau et les rêves


d’un monde plus fluide
L’écologie se trouve aujourd’hui à la croisée des rhétoriques
féministes, queer et décoloniales. L’écoféminisme contemporain se fonde sur la
conviction que ces luttes fonctionnent selon une logique d’interconnexion. Dans le domaine artis-
tique, ces engagements se manifestent à travers un intérêt pour un état de fluidité, de flux. L’eau, en
tant que ressource vitale en mouvement constant, agit comme une
force reliant la terre, l’organisme et la machine de manière cyclique.
En 1991, l’artiste féministe Betsy Damon fondait l’ONG Keepers of
the Waters, décidant, à l’âge de 50 ans, de recentrer sa pratique autour
de l’eau mais surtout d’informer le public sur les enjeux de protection
et de restauration des systèmes aquatiques vivants. Une vingtaine
d’années plus tard, la chercheuse Astrida Neimanis forge le terme
«hydroféminisme», postulant que l’eau agit comme la manifestation
physique, le moyen même de l’interconnexion entre les espèces et
l’environnement, le vivant et le non-vivant. L’eau, selon Astrida Nei-
manis, est cette «archive planétaire de sens et de matière» à laquelle
fait écho Saskia Calderón dans son œuvre Monodia H20 (2013), pièce
musicale performée dans un ancien réservoir de pluie. Bianca Bondi
projette, elle, une vision du monde envahie par les flots dont les élé-
ments se cristallisent sous
l’effet du sel.
La performance Aquatic
Bianca Bondi Invasion (2020), réalisée au Palais de Tokyo par Josèfa
The Sacred Ntjam, a été conçue comme une marée sonore et visuelle
Spring and ascendante, emportant le public sur son passage. Peuplée
Necessary par des figures de cultes aquatiques, l’œuvre appelle à la
Resevoirs révolte, soulignant le potentiel subversif d’infiltration de
Figée dans l’eau. Cette dernière est toutefois porteuse de matières
un écrin de sel,
la nature morte toxiques permettant aux déchets, produits en majorité par
de la jeune les anciennes puissances coloniales, de se répandre dans
plasticienne d’autres régions du monde. La production et l’élimination
se joue de
de la pollution sont réciproquement racialisées. Veins
la beauté des
phénomènes Aligned (2018), d’Otobong Nkanga, illustre cette idée.
naturels et Cette installation monumentale de 26 mètres de long, faite
scientifiques, de verre et de marbre, rend visibles, par sa forme cartogra-
maîtrisés
ou aléatoires. phique et son évolution chromatique, les séquelles de l’ex-
2019, installation ploitation coloniale de la terre et de ses ressources trans-
in situ dans le cadre portées par les rivières. Les vidéos réalisées par l’artiste
de la 15e biennale Josèfa Ntjam
de Lyon.
chinoise Chen Qiulin, qui composent la trilogie The Garden Series, documentent la démolition de & Sean Hart
sa ville natale, Wanxian, après la construction du barrage des Trois Gorges sur le fleuve Yangzi Jiang. Mélas de
Elles montrent les conséquences tangibles du capitalisme : la destruction de l’environnement, la Saturne
subordination de la nature aux besoins de l’homme. Un film pour
explorer
l’insondable
Le déchet est «un signe de la réussite du capitalisme», et son traitement mélancolie
ou son nettoyage comportent une implication morale en tant que tâche reposant quasi exclusive- de l’être virtuel
ment sur les femmes racisées, dénonce la politologue et militante féministe décoloniale Françoise à travers la
mythologie,
Vergès. Si le Manifesto for Maintenance Art (1969) de Mierle Laderman Ukeles et l’image représen-
la cosmologie
tant l’artiste en train de nettoyer l’escalier du Wadsworth Atheneum Museum of Art, à Hartford et la science,
(Connecticut), restent des références importantes dans l’histoire de l’art, notre exposition les associe quelque part
à des œuvres contemporaines questionnant la division du travail et des pratiques de soin dans le aux confins
du darknet.
monde d’aujourd’hui. Ainsi, dans l’intervention performative Washing River, réalisée pour la pre-
2020, film, 11’49”.
mière fois en 1995, Yin Xiuzhen lave, avec l’aide des passants, 10 m3 de glace de la rivière polluée
Funan, à Chengdu (Chine). Depuis 2007, l’artiste Simryn Gill collectionne et transforme les détritus
ramassés sur les plages. Telles les reliques de notre époque, mi-sculptures, mi-déchets, ses œuvres
défient toute classification : l’organique et le non-organique se retrouvent entrelacés dans un corps

94 I Beaux Arts
CI-DESSUS
Annie Sprinkle & Beth Stephens Dirt Bed
Le duo américain invente des rituels pour célébrer
son union avec la terre dont il est épris.
2012, performance avec Holly Faurot and Sarah Paulson,
au Grace Exhibition Center, à New York.

À GAUCHE
Chen Qiulin The Garden No. 2
Des vendeurs de fleurs sillonnant la ville en perdition ou
comment mêler recherches esthétiques et travail documentaire.
2007, photographie, 118,4 x 148 cm.

commun, et la nature et la culture semblent indisso-


CI-DESSOUS ciables de la notion même de débris.
Thirza Cuthand Le brouillage des dichotomies sur lesquelles le capi-
Reclamation talisme et le patriarcat sont construits est également
(still)
encouragé par l’approche queer de l’écoféminisme, ini-
C’est en tant
que femme tiée à la fin des années 1990 par l’écrivaine Greta Gaard.
autochtone, L’écologie queer défie la conception binaire du monde
lesbienne et et célèbre les formes de vie dans toute leur différence.
vidéaste que
Selon le philosophe britannique Timothy Morton, la
Thirza Cuthand
aborde les thèmes diversité du genre et la biodiversité ne peuvent pas être
de l’exclusion, séparées. «La Terre est notre amante», écrivent Eliza-
de l’identité beth Stephens et Annie Sprinkle dans leur Manifeste
et d’une société
qui pourrait être écosexuel. En érotisant notre rapport à l’environne-
plus inclusive. ment, ce couple d’artistes et activistes invite à traiter la
2018, film, 13’. Terre comme un être aimé. Ainsi que le remarque Paul
B. Preciado, leur approche
rejoint des revendications
autochtones de reconnaître l’eau et la Terre comme des entités juridiques. Yin Xiuzhen
L’artiste queer Thirza Jean Cuthand, membre de la Première Nation Little Washing River
Pine (Ontario), imagine avec Reclamation (2018) une fiction futuriste. Dans Yin Xiuzhen
transforme en
un style documentaire, elle décrit un monde post-dystopique au Canada, blocs de glace
dans lequel les peuples autochtones sont laissés pour compte après un l’eau d’une rivière
exode des colons blancs vers Mars, et tentent de restaurer une planète de Chengdu,
détruite par des décennies de guerre et d’exploitation de la nature. l’une des villes
les plus polluées
de Chine, et invite
La pandémie de Covid-19 a stoppé le monde de les passants à les
l’art dans son élan de manière inattendue. Confi- nettoyer avec elle.
nés, nous sommes invités à repenser le monde afin de le rendre plus juste. Au-delà des déclarations 1995, photographie,
80 x 120 cm.
d’intention, il est urgent d’agir : ralentir, réduire les échelles, relocaliser, éco-concevoir et apprendre
à renoncer. Depuis les années 1960, les artistes écoféministes nous montrent le chemin. N’est-il
pas grand temps de les suivre ? n

awarewomenartists.com

Beaux Arts I 95
LIVRE

96 
I 
Beaux Arts
Cherchez
l’artiste
On connaît l’appétence d’Hitchcock
pour le caméo, c’est-à-dire l’art
d’apparaître furtivement dans
ses propres productions. Mais
cette pratique a un long passé
pictural, comme le raconte l’historien
et romancier Pascal Bonafoux
dans un ouvrage érudit et jubilatoire,
Autoportraits cachés. Zoom avant,
de la Renaissance au XXe siècle.

Par Daphné Bétard

Benozzo Gozzoli
Procession des Rois mages [détail]
1459-1460, fresque du mur est de la chapelle des Mages,
du Palazzo Medici-Riccardi, Florence.

Péché d’orgueil ?
L’identification du peintre ne laisse planer ici aucun doute.
Non seulement Benozzo Gozzoli s’est représenté plusieurs fois
dans la chapelle des Médicis à Florence, mais il a aussi apposé
sa signature sur son bonnet rouge. Oui, c’est bien lui, au milieu
de la procession de Balthazar, qui nous fixe d’un air circonspect,
comme pour signaler l’incongruité de notre présence dans cet
espace prestigieux dévolu aux Rois mages. L’homme en habit noir
à dos de mulet (signe de son humilité) est Cosme de Médicis.
Devant lui se trouve son fils Pierre, dont
le cheval porte le blason de la famille sur
son harnachement. À l’arrière, les jeunes
fils de ce dernier, Laurent et Julien.
Plus haut, l’artiste lui-même arbore
sur sa coiffe l’inscription latine
opus benotii, «l’œuvre de Benozzo».
Jamais avant Giotto (1267-1337)
un peintre n’aurait osé revendiquer
ainsi son statut d’artiste.

Beaux Arts I 97
LIVRE l AUTOPORTRAITS CACHÉS

L’
artiste est là, au beau milieu de la foule. Il
fixe le spectateur dans les yeux, l’interpelle.
Dès que l’on croise son regard, impossible de
l’ignorer. On ne voit plus que lui. Lui, le
peintre qui s’est représenté dans son propre
tableau, comme s’il avait pu assister à l’histoire qu’il
raconte. À la joie d’avoir su le débusquer s’ajoute la fasci-
nation de cette intrusion de la réalité dans la fiction. Pour-
quoi s’incruster dans l’image ? Par pure vanité ? Pour adres-
ser un message aux initiés qui sauront le reconnaître ou
faire un pied de nez aux commanditaires ? Parce que le
peintre, complice du spectateur, invite celui-ci à se plon-
ger et se perdre lui aussi dans un morceau de peinture ? Ou
peut-être espère-t-il gagner l’éternité en se représentant
ainsi, à jamais indissociable de son œuvre ? L’historien de
l’art, commissaire d’expositions et romancier Pascal Bona-
foux a fait des autoportraits cachés dans les tableaux une
obsession. Dans un ouvrage stimulant pour l’œil et l’esprit,
il nous livre le fruit de ses recherches et celles de ses
confrères qui, au terme d’enquêtes parfois laborieuses,
sont parvenus à repérer dans les œuvres du passé les
visages plus ou moins bien dissimulés de leurs auteurs.
Les exemples sont nombreux. Certains sont célèbres :
Raphaël en jeune disciple de philosophie dans l’École
d’Athènes (où il donne à Platon les traits de Léonard et à
Héraclite ceux de Michel-Ange), Véronèse en joueur de
viole de gambe dans les Noces de Cana (en compagnie de
ses contemporains et rivaux Tintoret, Titien et Bassano),
Van Eyck dans le minuscule reflet du miroir des Époux
Arnolfini… Les cas les plus anciens remonteraient à l’Anti-
quité grecque. Le peintre Apelle se serait ainsi peint lui-
même dans un portrait de Campaspe, la maîtresse
d’Alexandre le Grand. Mais aucun élément tangible ne
permet à ce jour de l’affirmer avec certitude.

Rembrandt dans la foule des lapidateurs


Pascal Bonafoux, lui, commence son histoire à l’aube
de la Renaissance. Avec Giotto, génie visionnaire du Tre-
cento, qui figurerait parmi le cortège des Bienheureux sur
les murs de la chapelle des Scrovegni à Padoue. Or le pre-
mier autoportrait attesté est celui d’un artiste beaucoup
moins connu, un certain Cola Petruccioli, qui s’est repré-
senté dans un cartouche d’une église de Pérouse vers
1400. Quelques années plus tard, Masaccio allait révolu-
tionner la peinture avec son traitement humaniste des certains laisseront apparaître leur reflet dans la boule de
figures, laissant à la postérité les fresques de la chapelle cristal d’une nature morte ou, comme chez la Flamande
Brancacci où il fait une discrète mais remarquable appa- Clara Peeters, dans le pied d’un bougeoir a priori anodin.
rition dans l’encadrement d’une porte… en plein milieu Le peintre joue aussi son propre rôle, celui d’un artiste qui
d’un épisode sacré. affirme son statut, tel Goya surgissant dans l’ombre de ses
Peindre pour la gloire de Dieu et de soi-même ? Pour- portraits de groupe de la noblesse espagnole.
quoi pas. Les artistes n’hésitent pas à prendre part à des Les modernes, quant à eux, se montrent volontiers dans
scènes de l’Ancien et du Nouveau Testament. Pérugin et leur atelier, aux côtés de leurs compagnons de fortune. Ou
Botticelli participent à l’Adoration des mages, Fra Filippo s’inscrivent dans les combats politiques et l’histoire
Lippi est témoin du Couronnement de la Vierge et Tintoret sociale de leur époque, comme Diego Rivera durant la
assiste au Miracle de saint Marc délivrant l’esclave. révolution mexicaine ou les peintres de la Nouvelle Objec-
D’autres préfèrent assister aux supplices des martyrs. tivité pendant la République de Weimar. Avec érudition
Rembrandt est dans la foule entourant la Lapidation de et sensibilité, Pascal Bonafoux nous donne à voir chacun
saint Étienne. Caravage, lui, dans son David avec la tête de de ces peintres caressant «l’ambition de tenir tête au
Goliath, a prêté ses traits au géant décapité. Plus discrets, temps». Morceaux choisis. n

98 I Beaux Arts
Hans Memling
L’Adoration des Rois mages [panneau central]
Vers 1470, huile sur bois, 95 x 145 cm.

Le roi des voyeurs


s’invite à Bethléem
La réputation de Hans Memling n’est plus à faire.
Couronnant le siècle des Primitifs flamands,
le peintre brugeois d’origine allemande est l’auteur
d’une œuvre à l’harmonie suave, destinée à plaire
à de riches commanditaires dont il immortalisait les traits
avec virtuosité. Mais l’artiste pouvait également faire preuve
d’autodérision. On le voit ici apparaître à une fenêtre, la main
agrippée au rebord, pour assister en douce à la visite des
Rois mages après la naissance du Christ. Une vision savoureuse
de Memling en voyeur-observateur d’un des épisodes fondateurs
de la culture chrétienne.

Beaux Arts I 99
Diego Rivera
Sueño de una tarde dominical en la Alameda Central
1947, huile sur bois, 470 x 1 560 cm.

L’enfant géant
de l’épopée
mexicaine
Gloire nationale, figure
de proue du muralisme
(mouvement pictural né
à la suite de la révolution de 1910
et inspiré de la tradition murale James Ensor
précolombienne), Diego Rivera Les Cuisiniers dangereux
se lance en 1947 dans une fresque 1896, huile sur bois, 38 x 46 cm.
monumentale réunissant les figures
emblématiques de l’histoire du Mexique.
On reconnaît dans ce Rêve d’une promenade d’un dimanche
La vengeance est un plat
après-midi sur l’Alameda (un jardin public du centre de poisson froid
de Mexico) le conquistador Hernan Cortés (qui découvrit
le Mexique en 1519), un Aztèque au dos lacéré par des coups Décapité, le visage prolongeant le corps d’un hareng prêt
de fouet, le révolutionnaire Emiliano Zapata à cheval, à être servi à table, James Ensor rejoue l’un des grands
la Calavera Catrina, reine de la fête des morts dans classiques de l’histoire de l’art, qui met en scène la tentatrice
des habits à la mode européenne, la main gauche posée Salomé réclamant la tête de saint Jean-Baptiste sur un plateau
sur le bras du graveur José Guadalupe Posada (qui lui donna pour le festin d’Hérode. Mais ici, la victime, c’est lui, l’artiste,
la vie), la droite dans celle d’un gamin joufflu… qui n’est cible de commentaires acides et injustes. Les critiques qu’il
autre que Diego ! L’artiste s’est représenté comme l’enfant exècre sont d’ailleurs à l’arrière-plan, serviette autour du cou,
de cette histoire, avec à ses côtés son épouse Frida Kahlo, prêts à le dévorer, certains vomissant déjà leur bile. Le
elle aussi connue pour ses autoportraits sans concession. cuisinier qui sert le repas est l’avocat et critique d’art Octave
Maus, fondateur du cercle avant-gardiste du groupe des XX
dont Ensor fit partie. L’autre est Edmond Picard, jurisconsulte
et l’un des fondateurs (avec Octave Maus et
Émile Verhaeren notamment) de la revue
l’Art moderne. Il fait frire à la poêle
(dans une sauce tomate évoquant
un bain de sang) la tête du peintre
belge Guillaume Vogels. Une pique
acerbe à l’attention de ceux qui
édictent les règles. Quant au choix
du poisson, il n’est pas anodin,
puisqu’il renvoie à un jeu de mots
dont il avait été victime. Mais l’art
d’Ensor réduit à un «hareng saur»
devient ici le symbole de sa persécution.

100 I Beaux Arts
I 
Beaux Arts 101
LIVRE l AUTOPORTRAITS CACHÉS

Otto Griebel
Norman Rockwell
L’Internationale
Christmas Homecoming
1928, huile sur toile, 124 x 185 cm.
1948, huile sur toile.

Peintre du genre humain La famille Rockwell


Hommes et femmes de tous âges et de toutes origines,
ouvriers et paysans, damnés de la terre et forçats de la
au grand complet
faim, tous chantent en chœur l’Internationale. Le peintre On ne voit pas son visage, seulement sa silhouette
allemand Otto Griebel est parmi eux. On le voit au premier plan, de dos, les bras chargés de cadeaux de Noël
en bleu de travail, la main posée sur l’épaule d’un mineur, partageant les colères et et d’une valise débordante. C’est un G.I. parmi tant
convictions de ses camarades. Ensemble, ils forment un tout solidaire, déterminé, d’autres, démobilisé sur le tard, qui retrouve les siens
dont la force de cohésion recouvre l’ensemble de la toile. Cet ami d’Otto Dix, qu’il après guerre. Est-il heureux ? Impossible de le savoir,
rencontre durant la Première Guerre mondiale et dont il partage le style réaliste, mais il fait l’objet d’un accueil euphorique. Les enfants,
avait une prédilection pour les sujets marginaux – exclus, chômeurs, prostituées, intimidés, l’observent avec des yeux pleins d’amour,
artistes de cirque… Inscrit au Parti communiste allemand, Griebel participe en 1918 quand sa femme le serre fort dans ses bras – sans qu’il
à la révolution de novembre (qui voit la chute de l’Empire et l’instauration de la puisse lui rendre la pareille, car il est trop encombré,
République). Membre du Novembergruppe, créé à ce moment d’effervescence à moins qu’il ne soit stupéfait
politique, il caresse le rêve de réconcilier le public allemand avec l’art moderne. par tant de chaleur humaine.
Parmi les cousins, tantes,
oncles, parents et grands-parents
venus l’accueillir en héros
se trouve Norman Rockwell,
l’artiste illustrateur du
Pour aller plus loin magazine Saturday Evening
Post. Qui a profité de ce
moment de liesse pour
¢ 
UN CACHE-CACHE ENTRAÎNANT
inviter dans cette scène
Autoportraits cachés de retrouvailles sa famille,
par Pascal Bonafoux • éd. Seuil • 236 p • 39 € ses amis et même ses voisins !
› «C’est une longue histoire… Depuis longtemps, très longtemps,
les auteurs ont voulu être présents dans leurs œuvres. Présence
dont je ne sais s’il faut la dire clandestine, ou cachée, ou secrète.»
Se prêtant à un jeu de cache-cache érudit, l’écrivain et historien
de l’art Pascal Bonafoux a débusqué un à un des artistes apparaissant Plongée enchantée et en détails dans
dans des peintures, de la Renaissance à la modernité. Le plaisir qu’il la chapelle des Mages peinte par Benozzo Gozzoli
a pris à l’exercice ne fait aucun doute et rend son texte jubilatoire. Une belle occasion de sur BeauxArts.com
regarder les œuvres autrement, au plus près des intentions et désirs enfouis de leurs créateurs.

102 I Beaux Arts
Beaux Arts I 103
EXPOSITION l FONDATION CARTIER POUR L’ART CONTEMPORAIN
Jusqu’au 7 mars

Les mondes
infiniment petits
et immenses
de Sarah Sze
Jouant avec les échelles, de la vaste trajectoire du soleil jusqu’à la vie
cellulaire observée au microscope, l’artiste américaine investit la fondation
Cartier avec deux installations spectaculaires. Où elle encapsule notre
petite planète à la manière d’un univers en suspension et à fragmentation.

Par Natacha Carron Vullierme

P
lus la fenêtre est étroite, plus on peut Sarah Sze commence sa carrière en 1997-1998, alors

«
voir loin», pensait Gaston Bachelard. qu’elle est encore étudiante, en détruisant les murs de l’es-
C’est de son atelier new-yorkais que pace que lui a confié le centre d’art new-yorkais P.S.1. Il n’y
Sarah Sze a regardé l’espace. Et c’est à a cependant jamais chez elle de destruction qui ne soit aus-
la fondation Cartier que l’on peut s’y sitôt constructive et destinée à remplir l’espace ainsi occupé
promener. On y trouve un parcours destiné à l’émerveille- par des émotions plus riches et des expériences nouvelles.
ment, même si la plupart des éléments qui le constituent Elle construit des paysages éphémères en vue de prome-
font ordinairement l’objet d’indifférence ou de crainte. nades vivantes : «J’essaie de créer pour le visiteur un envi-
Sarah Sze reste délibérément une artiste classique, tout en ronnement où ses sens sont actifs afin de lui offrir un état
travaillant avec des matériaux très modernes et sur des de découverte permanent. C’est cela le merveilleux. Ce
sujets d’actualité. Sous l’influence d’une famille d’archi- moment où vous trouvez quelque chose […], cette manière
tectes, et ayant fait des études de peinture, elle accorde un dont l’œuvre vous emmène de l’extérieur vers l’intérieur,
primat à l’architecture, en s’abstenant de la dissocier de ce puis dans le monde… J’essaye de comprendre comment
qui lui paraît nécessaire à la rendre complète, la peinture l’œuvre va vous faire sentir plus vivant.»
et la sculpture. Combinant les disciplines, elle les traite
conjointement sans jamais les confondre. Tendre des fils Des installations pour cheminer
en structures cristallines bleues constitue pour elle un Le parcours n’étant pas fléché, on y déambule comme
geste pictural. Tout comme créer un espace par la sculpture dans une construction monumentale du passé, à cette dif-
est un acte d’architecture qui, repris à son tour par l’image, férence près qu’il n’y a ici aucun point focal à la gloire de
s’apparente à de la peinture d’architecture… Un exercice quelque Puissance ou vers lequel on se sentirait contraint
déjà pratiqué au Quattrocento par Piero della Francesca. de se diriger. Comme le suggérait le poète Antonio Machado,
«Bien que le mélange des médiums soit important pour «il n’y a pas d’autre chemin que l’acte de cheminer».
moi, ce qui m’intéresse, explique-t-elle, c’est de savoir ce L’homme moderne s’était caractérisé par sa conquête de
qu’une discipline fait mieux qu’une autre : une sculpture l’Espace, qui lui inspire fascination et peur à la fois,
prend de l’espace, une peinture en donne.» puisqu’il s’agit de la seule réalité du monde qu’il ne peut QQQ

Twice Twilight
Reflet d’une vie qui se transforme en permanence et que nos propres communications modifient sans cesse,
cette installation multimédia nous propulse dans une dimension spatiale indéfinie, sans début ni fin.
Des recoins s’entrouvrent au sein d’un ensemble plus vaste qui se reproduit de manière quasi fractale. Seule certitude
pour le visiteur : la bienveillance de l’artiste-démiurge qui l’a placé dans cet environnement nouveau.
2020, bois, acier inoxydable, acrylique, vidéoprojecteurs, tirages jet d’encre, céramique, dim. variables.
Vue de l’exposition «De nuit en jour» à la fondation Cartier, à Paris.

104 I Beaux Arts
Beaux Arts I 105
EXPOSITION l SARAH SZE

espérer maîtriser. Celui offert par Sarah Sze ne nous saisit


pas d’emblée de l’effroi que «Le silence éternel de ces
espaces infinis» inspirait à Blaise Pascal. Il est au contraire
presque familier, parcouru qu’il est d’écrans qui sont deve-
nus nos repères, et de fils représentant notre communica-
tion avec eux, comme avec nos congénères.
L’artiste a conçu Twice Twilight et Tracing Fallen Sky
durant le premier confinement. Astreinte qu’elle était aux
murs de son domicile et de son atelier, soumise à une inte-
raction humaine limitée, elle a cherché à refléter dans ces
deux installations composant l’exposition «De nuit en jour»
ses émotions et ses pensées pendant cette période de mise
à l’arrêt de la société. Mais aussi sa percep-
tion nouvelle du temps et de l’espace
quand la réalité s’est peu à peu déformée.
Tandis que nos jours calendaires se brouil-
laient, les écrans sont devenus l’enceinte
principale de nos communications, lais-
sant des traces affaiblies dans la mémoire.
Les médias, réduits à l’immédiateté, à l’ur-
gence de l’actualité ou au divertissement,
ont défait plutôt que fourni des repères.
Comme nous tous, Sarah Sze est devenue
consommatrice décontextualisée d’objets
livrés anonymement et d’échanges spora-
diques avec les autres, comme autant de
Qui est Sarah Sze ? notifications sur un smartphone. L’artiste
a aussitôt relié cette expérience inusitée à
L’artiste américaine conçoit sa conscience déjà ancienne des maux de
de vastes et savantes l’anthropocène, impliquant conduites
installations interrogeant modifiées et responsabilité face à la pers-
la prolifération des images pective d’un anéantissement du monde.
Elle est animée depuis longtemps d’une
qui sans cesse nous traversent.
conscience aiguë qui l’amène à s’interro-
Associant technologie
ger, de manière naturelle et physique sur
numérique et fragments le destin de notre surconsommation,
du monde physique, ses entraînant déchets, exploitation sans
assemblages combinent limite des ressources naturelles, perturba-
écrans vidéo, projections, tions climatiques et déplacements de
sculptures, objets naturels populations.
et manufacturés… De big bang en big crunch
1969 Naissance à Boston. Twice Twilight et Tracing Fallen Sky L’inspiration rétracte jusqu’aux objets planétaires, et
1991 Diplômée de Yale University transforment l’espace de la fondation Car- même les outils techniques, dans un système compact tenu
(New Haven) puis de la School of Visual
tier par changements d’échelle, au point par la gravité, qui en préserve les régularités circulaires ou
Arts (New York), en 1997.
de coloniser la surface extérieure du bâti- elliptiques. Mais le risque centripète, qui pourrait aller
1997 Hans-Ulrich Obrist lui offre
sa première exposition en Europe à ment de Jean Nouvel. Chaque installation jusqu’au big crunch – l’effondrement de l’Univers sur lui-
l’ARC-musée d’Art moderne de Paris. dérive d’outils destinés à la connaissance même – est en premier lieu l’envahissement des déchets,
1999 Solo show au MCA de Chicago exacte de l’Univers, tels le planétarium et conséquence de l’accumulation des produits innombrables
et à la fondation Cartier, à Paris. le pendule de Foucault, forçant aussitôt le formant notre quotidien. La phase d’expiration correspond
2013 Représente les États-Unis spectateur à abandonner l’illusion du au big bang dont l’élan initial continue de nous porter, avec
à la biennale de Venise.
savoir, par un mouvement qui le happe, le nos projets et nos espoirs. Elle représente cependant l’autre
2015 Entreprend sa série Timekeeper,
désoriente et le pousse à lâcher prise. Les danger qui serait de se perdre dans une course sans fin vers
toujours en cours, explorant
le flux constant d’informations deux installations sont les deux phases l’insensé, avec le risque que nos créations enthousiastes ne
dont nous sommes submergés. distinctes d’une respiration. se retournent contre nous. QQQ
106 I Beaux Arts
Timekeeper
Quel objet fabriqué par l’homme pourrait
«C’est par l’abstraction de la figure du
conserver le temps ? Timekeeper oscille entre
l’analogique et le numérique : les informations
monde que Sarah Sze mène à l’exactitude.»
stockées numériquement sont projetées
à la fois sur des écrans et des morceaux de Bruno Latour, sociologue, anthropologue et philosophe des sciences
papier déchirés ; les projecteurs, eux,
sont recouverts de collages de papier, comme
des couches protectrices. Notre histoire
a survécu à des milliers d’années consignées
sur papier, mais qu’adviendra-t-il de
l’histoire que nous enregistrons aujourd’hui
sous forme numérique ?
2016, miroirs, bois, acier inoxydable, impressions
pigmentaires, vidéoprojecteurs, lampes, bureaux, tabourets,
pierre, dim. variables.

Beaux Arts I 107
EXPOSITION l SARAH SZE

Triple Point En encapsulant notre monde comme une poupée russe, pendule en mouvement. Quand on observe le centre, on
(Pendulum) Twice Twilight fait passer de l’extérieur à l’intérieur de la ne peut manquer de remarquer des images réfléchissantes
Représentant fondation Cartier, au moyen de films et d’images projetés qui flottent vers le bord. Dans cette périphérie s’aperçoivent
les États-Unis
à la biennale sur son architecture d’acier et de verre. Il en ressort une les rejets de la société industrielle dessinant un amas d’élé-
de Venise en 2013, confusion sans désagrément entre le réel et son reflet. Dès ments, pareils à un anneau de Saturne.
Sarah Sze avait les premiers pas, tout commence à se réduire. Un projec-
conçu son
teur central fait office de planétarium. En s’en approchant, La beauté de l’humain et de l’artificiel
pavillon comme
un lieu le visiteur découvre un autre intérieur, puis un autre plus S’inscrivant dans la série Timekeeper que Sarah Sze a
d’observation et petit, et ainsi de suite jusqu’à atteindre l’échelle de sa propre inaugurée en 2015, ces deux installations sont une œuvre
d’expérimentation main. Pendant ce temps d’immersion, son corps et celui de d’espérance fondée sur la possibilité matérielle de vivre et
en direct.
Où les objets
ces voisins sont filmés et projetés. Ils deviennent ensemble de trouver encore des beautés sur une planète que nous
tentaient des silhouettes à l’intérieur de l’espace. Les existences phy- avons cruellement et dangereusement altérée. Il ne s’agit à
de devenir des siques fusionnent avec les numériques, dessinant peut-être aucun moment d’un travail philosophique, sociologique
instruments les prémices d’un répertoire pour écosystèmes architectu- ou politique, mais d’une appréhension émotionnelle d’un
de mesure
et de raux du futur. La visite n’est pas linéaire. Des recoins s’en- monde à la fois humain et artificiel, devenu chaque jour
modélisation trouvrent sur de petits habitacles individuels presque cha- plus distant et plus proche. Il y a là une manière assez spé-
de l’Univers. leureux. Ils sont les cellules d’un ensemble plus vaste qui cifiquement féminine de s’emparer de l’univers technique,
2013, technique mixte, se reproduit à divers niveaux. Des passerelles semblent monumental, conceptuel dont les hommes s’étaient arrogé
dim. variables.
Vue du pavillon réfléchir les images de quelque lanterne magique destinée l’apanage tant dans la vie réelle que dans la sphère artis-
américain de la aux enfants. Ce ne sont en réalité que les reflets changeants tique. Sarah Sze ne réclame pas, ne revendique pas, mais
biennale de Venise.
d’une vie qui se transforme en permanence et que sa propre montre qu’une autre voie, sans doute plus vivable, est pos-
communication modifie. sible. Elle le fait sans violence, depuis sa petite fenêtre. Avec
La seconde pièce Tracing Fallen Sky est conçue comme cette capacité unique d’y voir de vastes espaces qu’elle
un bassin de Narcisse, dont le périmètre est dessiné par un construit avec la longue-vue de son imaginaire. n

108 I Beaux Arts
Poke (Times Zero)
Présentée cet été à la galerie
Gagosian (Paris), cette œuvre
fait référence à un film
de Charles & Ray Eames,
Powers of Ten (1968), qui traite
de la mesure de l’infiniment
grand et de l’infiniment petit,
et de la façon dont nous
essayons de nous situer entre
les deux. Dans Poke, Sarah Sze
enrichit la nature des images
en les superposant et
les assemblant en un grand
nombre de parties composites.
Des projections de peinture
recouvrent la surface
et semblent créer l’illusion de
mondes ou d’espaces-temps
encore plus profonds.
2020, huile, acrylique, polymères,
encre, aluminium, papier, graphite,
Dibond et bois, 187,3 x 124,8 x 7 cm.

Pour en savoir plus


¢ 
LE PLUS DE L’EXPOSITION ¢ 
À VOIR EN LIGNE
Sarah Sze a développé avec l’agence digitale française Cher Ami Sarah Sze et Bruno Latour : une balade-discussion
dans l’exposition «De nuit en jour»
une expérience en réalité augmentée, qui permet au visiteur 49 min • fondationcartier.com
de se déplacer n’importe où pour découvrir les extraits vidéo utilisés › L’artiste américaine et l’intellectuel français nous proposent d’assister
dans l’exposition et même d’y intégrer son visage ! L’application en livestreaming à leur «balade-discussion» : où l’on arpente avec eux
cette exposition immersive, passant d’une salle à l’autre comme du yin
Night Vision 20/20 est disponible sur IOS et Android. au yang, au rythme de leurs réflexions, projections, émotions.
«Sarah Sze – De nuit en jour» jusqu’ au 7 mars
Fondation Cartier • 261, boulevard Raspail • 75014 Paris
01 42 18 56 50 • fondationcartier.com

Beaux Arts I 109
© Colette Dupriez (Lille, 1945-Milan, 1998), Variazione simultanea-détail, 1985, acrylique et collage sur toile, inv. 2009.1.7

EXPOSITION 21 NOV 2020 >


14 MAR 2021

musée de Cambrai - 15, rue de l’Épée - F-59400 Cambrai - tél : +33 3 27 82 27 90 www.villedecambrai.com
ouvert de 10h à 12h et de 14h à 18h du mercredi au dimanche à tous les publics musee.cambrai@wanadoo.fr
N O 439 Janvier 2021

GUIDE DES EXPOSITIONS Pages coordonnées par


Emmanuelle Lequeux

MUSÉES
& CENTRES D’ART

112
Quoi de neuf ?

113
Le musée du mois

114
Les expositions en France

GALERIE

120
Nos coups de cœur

L’ENFANCE DE L’ART

122
Bêtes de scènes artistiques

Marc Chagall
La Paix ou l’Arbre de vie, 1974

118
Chagall, du patchwork aux vitraux
Les magnifiques vitraux réalisés par Marc Chagall pour la cathédrale de
Metz sont mis en lumière par le Centre Pompidou lorrain. Une rétrospective
qui permet de découvrir d’autres réalisations d’art sacré, comme cet
Arbre de vie imaginé pour Sarrebourg, dont voici une étonnante étude.

Beaux Arts I 111
L’ACTUALITÉ DES MUSÉES & CENTRES D’ART par Françoise-Aline Blain

Quoi de neuf ?
1 Deux Gauguin rejoignent
le musée de Pont-Aven
Le fonds du musée de Pont-Aven (Finistère) s’enrichit chaque année de nouvelles œuvres.
Parmi les dernières acquisitions, deux zincographies (un procédé de gravure sur zinc)
réalisées par Paul Gauguin pour une exposition du groupe impressionniste et synthétiste
au Café des Arts de monsieur Volpini à Paris, en 1889. Deux œuvres appartenant à une
série de onze formant la «Suite Volpini». Deux manquent désormais au musée breton pour
la compléter : les Cigales et les fourmis et Bretonnes à la barrière. Mais ce n’est pas tout,
la collection permanente s’est également enrichie d’un bois gravé d’Armand Seguin,
Trois Bretonnes avec enfants (1894), et d’une huile sur toile les Clairin et les Correlleau
en pique-nique à Lezaven (1924) de Pierre-Eugène Clairin. museepontaven.fr

Giambattista Tiepolo
Junon au milieu des nuées,
Paul Gauguin Les Drames de la mer – Une descente dans le maelström vers 1735

2 3
et Pastorales – Martinique, 1889

Jumelage inédit entre un château- Tiepolo a fresco


musée français et un village anglais au Louvre
Alors qu’ils portent le même nom depuis près de huit cent cinquante ans, le château Du peintre baroque italien, le Louvre ne possédait
de Montsoreau et le village anglais de Mountsorrel viennent de se jumeler. Objectif : jusqu’à présent que des peintures de petite taille, pour la
renforcer les liens historiques et culturels initiés sous Henri II Plantagenêt (1133-1189). plupart des esquisses pour des décors. La fresque Junon
«Ce rapprochement trouve ses fondements dans les origines britanniques du mouvement au milieu des nuées (3,5 x 2,1 m) de Tiepolo a rejoint les
de l’art conceptuel. C’est à l’université de Coventry, située à quelques kilomètres de collections du musée parisien. Elle fut réalisée vers 1735
Mountsorrel, qu’apparaît pour la première fois, en 1969, une définition du terme», précise pour le procurateur de Saint-Marc, Gerardo Sagredo,
Marie-Caroline Chaudruc, vice-présidente de l’association culturelle du château de qui l’avait commandée pour son palais vénitien.
Montsoreau. Le lieu abrite d’ailleurs depuis 2016 la plus importante collection mondiale Son achat auprès d’un collectionneur privé italien a été
d’œuvres d’Art & Language, un collectif d’artistes pionniers du mouvement. Premier geste rendu possible grâce à la Société des amis du Louvre
symbolique : un accès gratuit au musée accordé aux habitants de Mountsorrel. L’exposition qui a soutenu cette acquisition à hauteur de 1,5 million
en kit «Home from Home», imaginée par Art & Language, sera notamment fournie aux d’euros. L’œuvre, avant d’être exposée dans l’aile Denon,
écoles du village anglais. En attendant d’autres projets. chateau-montsoreau.com fera l’objet d’une restauration. louvre.fr

4 Cinq nouvelles œuvres


et une Fée restaurée
En 2019, le musée d’Art moderne (MAM) de Paris rouvrait
ses portes après plus d’un an de travaux, et une profonde
restructuration imaginée par h2o architectes. Sur sa lancée,
l’établissement a achevé fin octobre la restauration
de la fresque de Raoul Dufy, la Fée Électricité, réalisée pour
l’Exposition universelle de 1937. Ce dépoussiérage, financé
à hauteur de 80 000 euros par la Ville de Paris, est assorti
de nouveaux outils numériques qui seront dévoilés en ce
début d’année. Dans le même temps, la fondation Lafayette
Anticipations-Fonds de dotation Famille Moulin a fait don
de cinq œuvres d’art contemporain, réalisées par les artistes
Pauline Curnier Jardin, Trisha Donnelly, Marguerite Humeau,
Anne Imhof et Mélanie Matranga, à la suite de leur
présentation dans l’exposition «You». mam.paris.fr Le MAM dote d’outils numériques la Fée Électricité (1937), tableau monumental de Raoul Dufy.

112 I Beaux Arts
MUSÉES
MUSÉES l l EXPOSITIONS
LE MUSÉE DU MOIS
Samara Scott
The Doldrums, 2020

u BORDEAUX• CAPC

Une nef ouverte à tous les dialogues


L
a nef du Capc, tous les artistes en rêvent autant de son installation, qui devait par moments
qu’ils la craignent. Avec ses arcades de briques se transformer en night-club et accueillir un millier
blondes et ses dimensions déraisonnables, de personnes…
elle pose un même défi aux têtes pensantes de
l’institution bordelaise : comment occuper le monstre. Des visites «Babel» en arabe,
Mais Sandra Patron, arrivée il y a un an à peine à la portugais ou chinois
direction, a pris sa mission à bras-le-corps. Sa première Pas question pour autant de revoir les projets à la
invitée dans la nef, la jeune Britannique Samara Scott, baisse. Le Capc présente ainsi un nouvel accrochage
a imposé son emprise sur l’espace. Elle y a déployé de sa collection, enrichie de nombreux prêts
un ciel qui laisse surgir des motifs diaphanes du Centre national des arts plastiques (Cnap) :
du plus bel effet, quasi numérique. À l’étage, c’est «Le tour du jour en quatre-vingts mondes». Emprunté
un fragment du septième continent qui se révèle à l’écrivain Julio Cortázar, ce titre en dit long sur
au regard : une mer de déchets. «L’installation a été la polyphonie orchestrée ici. «Je tiens à ce que
très complexe, et nous sommes heureux de pouvoir la collection soit constamment activée, mais nous
enfin la rouvrir et de la prolonger, car elle offre devions aussi régler la question de ce patrimoine,
«Samara Scott une expérience folle de l’architecture, avec ses silences, produit d’une histoire problématique, masculin
The Doldrums» ses pauses, ce jeu étonnant avec les arches, se félicite à 85 % et occidental à 90 %, plaide Sandra Patron.
jusqu’au 28 mai
Sandra Patron. Il s’agit presque de deux expositions Comment ouvrir ces récits ? En réactivant une relecture
«Caroline Achaintre»
en une, avec une arrivée très séduisante, douce, et par le dialogue avec des œuvres venues d’ailleurs,
jusqu’au 25 avril
la violence du drame écologique qui se joue ensuite.» d’artistes femmes, ce que nous permettent
«Le tour du jour en
quatre-vingts mondes» Prochaine étape, une carte blanche à la Tchèque désormais les 114 œuvres en dépôt long du Cnap.»
jusqu’au 27 février 2022 Eva Koťátková, «une exposition très anti-Covid, En concertation avec des associations locales,
où les visiteurs activent les sculptures, touchent, des «visites Babel» seront proposées pour la première
7, rue Ferrère
s’entretouchent». Prévue cet automne, elle a dû être fois, en arabe, portugais, chinois, pour «ouvrir
33000 Bordeaux
05 56 00 81 50 reportée à l’automne 2021. Samara Scott a elle aussi un peu plus les géographies», et commencer à inventer
capc-bordeaux.fr pâti de la crise, et renoncé à la dimension festive le musée citoyen de demain. Emmanuelle Lequeux

Beaux Arts I 113
MUSÉES
MUSÉES l l EXPOSITIONS
EXPOSITIONS

u LYON • MUSÉE JEAN COUTY JUSQU’AU 11 AVRIL Philippe Francq


Largo Winch
Doisneau et Couty : la rencontre et sa complice
Melly, 1995
Doisneau, c’est Paris ; Paris, c’est Doisneau. Vraiment ? Le musée
Jean Couty fait vaciller le cliché en dévoilant des images prises à Lyon
par le photographe humaniste, dont une vingtaine d’inédits. Dédiée
au peintre figuratif qui a chanté les louanges de sa ville natale tout au
long du XXe siècle, l’institution privée met en parallèle ses toiles aux
couleurs vives avec le noir et blanc de Doisneau. La majesté de la place
Bellecour, le mystère des traboules (passages) de la Croix-Rousse d’où
surgit une petite communiante, les écolières et les soieries : toute
la tendresse du Baiser de l’Hôtel de Ville, mais sur les bords de Saône.
Sont également exposées des images plus fameuses prises par Doisneau
au gré de ses flâneries dans les ateliers d’artistes – Pablo Picasso
bien sûr, mais aussi Alberto Giacometti, les frères Duchamp ou encore
Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely. E. L.
«Robert Doisneau – Portraits d’artistes et vues de Lyon»
1, place Henri Barbusse • 69009 • 04 72 42 20 00 •museejeancouty.fr
✶ Hors-série Beaux Arts • 52 p. • 9,50 €

u PARIS • CITÉCO JUSQU’AU 10 FÉVRIER

Un golden boy sort de sa case


Trente ans d’existence, 22 albums traduits en 20 langues, et 12 millions
de ventes. Largo Winch, le golden boy en blue-jeans, valait bien
une exposition. Héritier d’une immense fortune et patron philanthrope
du groupe W, le héros de bande dessinée est la star de Citéco, la Cité
de l’économie. Au cœur de cette bâtisse en briques rouges et tourelles
du XVIIe arrondissement de Paris, ex-succursale de la Banque de France,
on peut suivre notre aventurier sous un angle inédit : «Avec Largo Winch,
on traverse l’économie mondiale et ses évolutions», explique Didier Pasamonik,
commissaire du parcours grand public. Nul besoin d’être étudiant en
commerce pour en profiter ! Ici, on perce les secrets de fabrication d’une BD,
du lettrage à l’encrage, en découvrant les rouages de l’économie. Au fil des
planches virtuoses de Philippe Francq, de New York à Hong Kong, en passant
par Londres, l’exposition offre une plongée dans cette saga haletante,
qui a puisé ses origines dans des romans de Jean Van Hamme avant d’être
adaptée en BD. Un best-seller dont Éric Giacometti poursuit le scénario
depuis le tome 21 (2017), intitulé l’Étoile du matin. Malika Bauwens
«Largo Winch – Aventurier de l’économie»
1, place du Général Catroux • 75017 • 01 86 47 10 10 • citeco.fr
✶ Hors-série Beaux Arts • 52 p. • 10 €
Robert Doisneau Place Bellecour, Lyon, 1950

u PARIS • MUSÉE D’ORSAY Quel singulier personnage que Joseph-Philibert


JUSQU’AU 14 MARS Girault de Prangey ! Passionné de patrimoine,
éditeur fortuné, archéologue fasciné par la culture
Le daguerréotype islamique, collectionneur de plantes exotiques et
à son zénith d’oiseaux rares, explorateur, le natif de Langres fut
aussi parmi les premiers à s’emparer de la technique
«Girault de Prangey, du daguerréotype pour enregistrer le monde.
photographe (1804-1892)» De son voyage réalisé entre 1842 et 1844 nous sont
1, rue de la Légion d’Honneur • 75007
parvenues un millier de plaques de verre, dont
01 40 49 48 14 • musee-orsay.fr
la richesse a longtemps été ignorée. À l’occasion
de cette première et formidable rétrospective,
une centaine d’images dévoilent ses souvenirs
d’Italie, d’Égypte, de Grèce, de Turquie, de Jérusalem
ou de Palestine. Autant de clichés exceptionnels
qui évoquent nombre de monuments aujourd’hui
Joseph-Philibert détruits ou détériorés. L’accent est aussi mis sur
Girault de Prangey la série, réalisée juste avant son long périple, qu’il
Djèbel Selsêleh – Petit temple, consacre à Notre-Dame de Paris. Déambulation
Égypte, 1842-1843 dans les mille et une nuits de sa chambre noire. E. L.

114 I Beaux Arts
© Santiago Borja, Humo, 2016 / Design graphique : Caroline Pauchant, 2021
06. 02
> 19. 09. 2021

LE QUADRILATÈRE∕BEAUVAIS
22, rue Saint-Pierre, 60 000 Beauvais
03 44 15 67 00 ∕ culture.beauvais.fr GRAND LARGE —HAUTS-DE-FRANCE

TOXICTOYS
16.10.20
> 27.06.21
Champion
Métadier
© JOËL ANDRIANOMEARISOA . 2020

Musée des Arts et Métiers artsetmetiers


60 rue Réaumur, Paris 3e musee.des.arts.et.metiers
arts-et-metiers.net museedesartsetmetiers
WWW.CLERMONTMETROPOLE.EU #ExpoTOXICTOYS
MUSÉES
MUSÉES l l EXPOSITIONS
EXPOSITIONS

Alain Fleischer
Le Regard des morts, 1998

«Nowhere, Now Here» : ici et


maintenant, nulle part. Le néon
portant ce double message
clignote de ses lettres géantes
dans le ciel du Centquatre.
Façon, pour Alain Fleischer,
de nous introduire à son art
tout en ambivalence. Être dans
le présent paradoxal des images,
et résister à leur effacement,
comme au nôtre : sa rétrospective
est hantée de cette obsession,
que l’artiste a déployée de
mille manières, à travers films,
récits ou photographies. D’autres
fantômes nous bousculent,
ceux des soldats morts durant
la Grande Guerre, dont les visages
vacillent – images en suspens,
non fixées, que seule préserve
la lumière rouge, mais que même
u PARIS • CENTQUATRE JUSQU’AU 17 JANVIER
notre présence menace d’effacement. Ou ces portraits d’êtres disparus, que
l’artiste a projetés sur des sites romanesques pour en photographier la mise
Dans les yeux d’Alain Fleischer en scène. Pour chaque œuvre, il est question de révélation. Ainsi de la série
Des hommes dans les draps, où Fleischer traque les anamorphoses jusque dans les
«Alain Fleischer – L’aventure générale» plis et replis des lits défaits, faisant surgir des profils d’hommes en ombres chinoises.
5, rue Curial • 75019 • 01 53 35 50 00 • 104.fr De poissons volants comme par miracle dans la cour du Centquatre en navire
perdu sur un micro-océan de reflets, Alain Fleischer a orchestré cette première
grande rétrospective comme une gigantesque machine à regarder. Une invite à être
vraiment ici, et pas ailleurs. E. L.

u PARIS • PALAIS DE TOKYO JUSQU’AU 3 JANVIER

Faire corps au temps du virus


En développer ou pas ? La question des anticorps est étrangement
devenue l’un des leitmotivs 2020. Le Palais de Tokyo s’en empare non pour
jouer au petit scientifique, mais comme parabole. «Avions-nous oublié
à quel point nous étions poreux-ses ?», s’interroge ainsi l’équipe de curateurs,
désireuse de réagir à vif à l’actualité tout en la mettant à distance. Palliant
le chamboulement de la programmation, l’exposition est à l’image de cette
urgence, brouillonne et polyphonique, inspirante et mélancolique (le site
internet est heureusement riche de textes éclairants). Certaines œuvres
pénètrent dans le secret de nos corps devenus depuis des mois notre seul
enjeu, comme ce film expérimental réalisé par le Néo-Zélandais Len Lye dans
les années 1920, cosmologie de cellules proliférant qui semblent prophétiser
le regard qu’offrira, des décennies plus tard, le microscope électronique.
Ou le dessin animé troublant, réalisé en 2019 par Tala Madani, qui prend
le point de vue du fœtus dans l’utérus. La menace plane, quand on traverse
la salle de Tarek Lakhrissi, qui suspend au-dessus de nos têtes des armes
de métal fantasmagoriques inspirées d’un essai féministe. La révolte
gronde, comme le clament les voix de manifestants balancés dans l’espace
par Dominique Petitgand. Mais l’œuvre la plus forte est-elle celle que
l’on ne voit pas ? Florence Jung a recruté des quidams qui ont répondu
à cette annonce : «Si vous considérez aller bien, écrivez à info@newoffice.fr».
Ils arpentent désormais les salles, infiltrés, invisibles. Mais peut-être
entourés d’une aura de bien-être. Cette notion bizarrement devenue
si exotique, paradoxale, et si peu virale. E. L.
«Anticorps» 13, avenue du Président Wilson • 75116 • 01 81 97 35 88
anticorps-palaisdetokyo.com Josèfa Ntjam Unknown Aquazone, 2020

116 I Beaux Arts
2021
MUSÉE

www.sortiradole.fr
85 rue des Arènes
DE DOLE
JOURNAL

39100 Dole - entrée libre,

www.facebook.com/museedole
www.musees-franchecomte.com
renseignements : 03 84 79 25 85
D´UN PEINTRE

PROLONGATION
JUSQU’AU 16 MAI
DES BEAUX-ARTS

de
du
CUECO,
Henri Cueco, Autoportrait aux cacahuètes, 2002 (détail) - Collection particulière © David Cueco - Service communication - Alan Giboudeaux

18 DÉCEMBRE 2020 - 16 MAI 2021

www.musee-soulages-rodez.fr
Machines de production
GILLES BARBIER
Gilles Barbier, Some of the most popular and effective Anti-Adhesives 2011, Gouache noire sur papier 123 x 189 cm, Collection privée; Courtesy Galerie GP & N Vallois, Paris © Jean-Christophe Lett Conception graphique : Julie Pradalié
MUSÉES
MUSÉES l l EXPOSITIONS
EXPOSITIONS

EN BREF
Par Stéphanie Pioda

Limoges / Musée des Beaux-Arts


Il fallait une sacrée force de caractère aux
femmes artistes pour affronter les préjugés
de la bourgeoisie et s’affirmer dès l’aube
de la modernité. À l’instar de Suzanne Valadon,
nombre de ses contemporaines ont su
s’imposer comme des fers de lance
des avant-gardes. En réunissant les travaux
d’une cinquantaine d’entre elles, l’exposition
entend montrer combien Mallarmé avait
raison lorsqu’il disait de ces «dissidentes»
qu’elles «nous donnent […] une leçon de
virilité». Au printemps, l’exposition sera
présentée au monastère royal de Brou,
à Bourg-en-Bresse.
«Valadon et ses contemporaines
Peintres et sculptrices (1880-1940)»
Jusqu’au 14 février • 1, place de l’Évêché • 87000
05 55 45 98 10 • museebal.fr

Mulhouse / Kunsthalle
L’exposition proposée par Leïla Couradin
reprend le titre d’un roman de Milan Kundera,
la Fête de l’insignifiance, dans lequel
l’auteur traite de sujets sérieux avec la plus
grande légèreté. Ainsi, la Kunsthalle garde
l’esprit de l’écrivain et invite des artistes
à percer le mystère de l’existence humaine,
autour de thématiques comme le kitsch
et l’humour, l’identité et l’altérité, la matérialité
du monde et l’ironie de l’histoire. L’exposition
est proposée dans le cadre de la Régionale,
programme trinational annuel.
«La fête de l’insignifiance – Régionale 21»
jusqu’au 10 janvier • 16, rue de la Fonderie
68100 • 03 69 77 66 47 • kunsthallemulhouse.com

Paris / Musée d’Art et d’Histoire


de l’hôpital Sainte-Anne (Mahhsa)
Pour la première fois, le Mahhsa s’associe
à la collection Prinzhorn de Heidelberg
et fait dialoguer les deux collections
hospitalières pour un aperçu de la création
«des fous», de 1900 aux années 1980. Si
Marc Chagall lorsqu’on pense aux personnes internées, les
Vitrail de la cathédrale Saint-Étienne de Metz, 1963-1964 mots «souffrance» et «drame» nous viennent
spontanément à l’esprit, les œuvres choisies
u METZ • CENTRE POMPIDOU-METZ JUSQU’AU 15 MARS démontrent que leurs auteurs peuvent avoir
de l’humour, grivois chez Eduard Paul Kunze
Chagall ou la passion du vitrail ou Maurice Blin, jouant de la caricature pour
«Le vitrail est exaltant, il lui faut de la gravité, de la passion. Il doit vivre à travers la lumière Caroline Macdonald ou de la critique même
perçue.» Marc Chagall (1887-1985) le sait tout particulièrement, lui qui a magnifié cette des psychiatres chez Erich Spiessbach.
technique dans des compositions enchanteresses, où les couleurs vibrent à l’unisson. «Follement drôle / Wahnsinnig komisch»
Aboutissement de sa carrière, les nombreux vitraux qu’il a réalisés pour des monuments du 6 janvier au 31 mars • Centre hospitalier
à Reims, Nice, Sarrebourg, mais aussi en Israël ou aux États-Unis, lui ont permis de Sainte-Anne • 1, rue Cabanis • 75014
01 45 65 86 96 • musee-mahhsa.com
déployer son imaginaire plein d’allégresse, hanté par les souvenirs de sa ville natale de
Vitebsk, en Biélorussie, et les avant-gardes parisiennes de sa jeunesse.Démonstration à
Metz (dont il créa les vitraux de la cathédrale) à travers des maquettes de vitraux,
peintures, sculptures, céramiques et esquisses préparatoires. Daphné Bétard
«Chagall – Le passeur de lumière»
1, parvis des Droits de l’Homme • 57000 • 03 87 15 39 39 • centrepompidou-metz.fr

118 I Beaux Arts
LE FRESNOY
CONCOURS 2021
APPLICATIONS
LE FRESNOY
CONCOURS
APPLICATIONS
Martine Aballéa
Boris Achour
John Armleder
Silvia Bächli
Julie Béna
Carole Douillard
Ernest T.
Richard Fauguet
Hans--Peter Feldmann
Hans
Esther Ferrer
Emmanuelle Lainé
Louise Lawler
Lefevre Jean-
Jean-Claude
Micah Lexier
Hanne Lippard
Hanna Putz and
Sophie Thun
Patrick Raynaud
Silvana Reggiardo
Pierre--Lin Renié
Pierre
LE FRESNOY
Irma Blank
Eva Eszter Bodnar
Antonio Gallego
Dora Garcia
Marie--Ange
Marie
Peter Liversidge
Gilles Mahé et
Jean--Philippe Lemée
Jean
Rafaël Rozendaal
Jean--Jacques Rullier
Jean
Matthieu Saladin
studio national des arts contemporains
Inscription en ligne www.lefresnoy.net
Alighiero Boetti
Louise Bourgeois Guilleminot Genêt Mayor Yvan Salomone
Raymond Hains Allan McCollum Seth Siegelaub
Marie Bourget Helene Hellmich Alfred Stieglitz
Date limite 22 avril 2021, 14h
Sophie Calle Annette Messager
David Horvitz Aleksandra Mir Stilinović
Mladen Stilinović
Hsia--Fei Chang
Hsia Pierre Huyghe Jonathan Monk Batia Suter
Claire Chevrier
Information et visite  10 mars 2021, 14h
Fabrice Hyber Mrzyk & Moriceau Eva Taulois
Claude Closky Ana Jotta Julien Nédélec Niele Toroni
Delphine Coindet Véronique Joumard Valère Novarina Endre Tót

Application forms www.lefresnoy.net


Anne-Lise Coste Valérie Jouve Camila Oliveira Penelope Umbrico
Hanne Darboven On Kawara Fairclough Sofi Urbani
David de Tscharner Annette Kelm Kristin Oppenheim Corinne Vionnet

Deadline 22 April 2021, 2 pm


Dector & Dupuy Martin Kippenberger Bruno Peinado Eric Watier
Claire Dehove Karen Knorr Emmanuel Pereire Elsa Werth
Denicolai & Provoost LAb[au] Benoit Platéus Heidi Wood
Mirtha Dermisache Suzanne Lafont Eric Poitevin Auteurs anonymes
Information & tour 10 March 2021, 2 pm
X, un projet d’exposition de Claude Closky autour de la collection du Frac des

LE FRESNOY
Pays de la Loire. Jusqu’au 04 juillet 2021, au Frac, 44470 Carquefou
STUDIO NATIONAL DES ARTS CONTEMPORAINS

www.fracdespaysdelaloire.com images Olivier Cheval, Rose Minitel et Mélissa Medan, Loïc a mal au cœur
EN BREF
GALERIES l EXPOSITIONS Par Stéphanie Pioda

Paris / Galerie Jacques Lacoste


Nos coups de cœur Jacques Lacoste, spécialiste du décorateur
Jean Royère (1902-1981), réunit une soixantaine
Robert Smithson de pièces, dont certaines désormais
Algae, Algae, emblématiques – comme le fauteuil Ours
1961-1963 polaire, l’applique Liane, la table basse Flaque
en marqueterie de paille… – et d’autres
moins connues, tel le guéridon Petites boules.
À noter aussi l’exceptionnel canapé commandé
en 1937 à l’occasion de l’Exposition universelle.
Une salle dévoile une partie de la documentation
riche de plus de 10 000 archives.
Galerie «Jean Royère – Ligne, forme, couleur»
Marian jusqu’au 30 janvier • 19, avenue Matignon
75008 • 01 42 89 11 11 • jacqueslacoste.com
Goodman
Robert
Smithson
avant
le land art
Ses expositions sont aussi rares que précieuses. Mort à la fleur de l’âge en 1973, Robert Smithson
a peu produit. Mais la galerie Marian Goodman est parvenue à réunir un ensemble exceptionnel
de dessins, toiles et collages. Articulée autour de la notion de «commencements primordiaux»
qui hanta l’auteur de la Spiral Jetty, l’exposition le met en scène en tant qu’«acteur géologique»,
comme il aimait à se définir. Fasciné par les humeurs de la terre, soumettant ses créations
au phénomène de l’entropie, ce grand amateur de science-fiction réalisa en 1961 une série
de toiles restée largement méconnue. Dinosaures et volcans, îles imaginaires et coulées Ensemble Jean Royère : fauteuils Boule / Ours
d’asphalte, ces œuvres précoces annoncent les chefs-d’œuvre de land art qu’il réalisa à la fin polaire et Œuf, table basse Flaque (vers 1955)
des années 1960. À Londres, la galerie présente en parallèle un second volet de cet hommage et applique Liane (1961).
à l’un des sculpteurs les plus influents du siècle passé. E. L.
«Robert Smithson – Primordial Beginnings» jusqu’au 9 janvier
79, rue du Temple • 75003 Paris • 01 48 04 70 52 • mariangoodman.com Paris / Galerie Lazarew
«De la peinture de Guillaume Toumanian
émane un faux calme, un silence traversé
de sourdes perturbations, comme en tension»,
Galerie Nathalie Obadia observent les galeristes, Laura de Pontcharra
L’utopie verte de Fabrice Hyber & Alexandre Lazarew. Dans cette série, il saisit
le génie des lieux des différents endroits
Fabrice Hyber n’a pas attendu que l’écologie soit à la mode pour tomber en amour avec tous qui l’ont marqué. Et parce qu’il s’agit d’un travail
les phénomènes naturels. Voilà vingt ans qu’il s’acharne notamment à planter des dizaines sur la mémoire, Toumanian partage ses
d’hectares de forêt autour de son atelier, en Vendée. Cet écosystème est aujourd’hui au cœur sensations avec distance en les traduisant par
de sa nouvelle exposition. des monochomes rouges ou bleus. Il s’agit de
Branches tentaculaires et la première exposition de l’artiste à la galerie.
prolifération de champignons «Guillaume Toumanian – Genius Loci»
envahissent ses dernières jusqu’au 23 janvier • 14, rue du Perche • 75003
toiles, en une forêt de signes. 01 44 61 28 73 •galerie-lazarew.com
Les cellules se font planètes
et les racines chevelures,
les énergies vibrent tandis que Paris / Galerie Polaris
monte la sève, et les gratte-ciel Depuis les années 1980, Speedy Graphito mène
se fichent sur pilotis de bois. une réflexion autour des œuvres incontournables
Avec son style bien à lui, tout de l’histoire de l’art, qu’il transpose dans son
en rhizomes et annotations univers coloré en y introduisant des personnages
scientifico-poétiques, Fabrice de la culture populaire. Aujourd’hui, le temps
Hyber livre ici un ensemble est venu de porter un regard rétrospectif
des plus redynamisant. E. L. sur son propre travail. Deux figures dominent :
le Speedy anguleux qu’il tague dès 1984 sur les
«Fabrice Hyber – Habiter
la forêt» jusqu’au 23 janvier
murs de Paris (et qui sera l’emblème de l’affiche
18, rue du Bourg-Tibourg la Ruée vers l’art en 1985) et le Lapinture,
75004 Paris • 01 53 01 99 76 un double de l’artiste. Speedy Graphito,
nathalieobadia.com ou la réinvention permanente de soi-même.
«Speedy Graphito vu par Speedy Graphito»
jusqu’au 6 février • 15, rue des Arquebusiers
75003 • 01 42 72 21 27 • galeriepolaris.fr
Fabrice Hyber
Cables, 2020

120 I Beaux Arts
Slavs and Tatars
Villa Arson Nice
E xp os i t i on

MUSÉE
MANDET

RE
Riom (63)

’Ê T
D
G IO N S
É R

14, rue de l’Hôtel de Ville . 63200 Riom


Tél. : 04 73 38 18 53
musee.mandet@rlv.eu
facebook.com/MuseeMandet

Prolongation
jusqu’au
14.02.2021
villa-arson.org

Slavs and Tatars, Dunjas, Donyas, Dinias, 2012, fibre de verre, acier, 52 × 30 × 25 cm
L’ENFANCE DE L’ART Par Malika Bauwens

Bêtes de scènes artistiques


C’est l’hiver mais pas question d’hiberner ! Expositions, spectacles, livres…
Les animaux ont tout prévu pour vous rendre la vie plus douce et plus sauvage.

Une ménagerie belle comme un camion TROIS ALBUMS JEUNESSE À DÉVORER


Guettez le calendrier : demain, Vasarely et ses amis seront peut-être en bas de chez vous !
Avec son camion conçu par la designer matali crasset, le musée mobile MuMo rend l’art Pop-up de stars
contemporain accessible à tous. L’Ile-de-France d’abord, puis la région Auvergne-Rhône- de l’histoire de l’art
Alpes, la Nouvelle-Aquitaine et enfin la Bretagne… Attaquant une nouvelle tournée, Le Rhinocéros de Dürer,
le musée itinérant accueille 25 œuvres du Centre Pompidou pour son exposition «Les l’Ours blanc de Pompon,
animaux sortent de leur réserve», qui bénéficie du soutien d’Art Explora, la fondation la chèvre de Robert
pour la démocratisation culturelle créée par Frédéric Jousset (propriétaire de Beaux Arts Rauschenberg, l’araignée
Magazine). Mais ce n’est pas tout. D’ici décembre 2021, un autre camion, réalisé par de Louise Bourgeois, le drôle
l’agence Hérault Arnod Achitectures en collaboration avec l’artiste Krijn de Koning, d’oiseau de Jérôme Bosch…
se lancera sur les routes d’Europe, et au-delà. De quoi conquérir de nouveaux publics !
5 animaux d’artistes Autant d’animaux stars
Depuis sa création il y a presque dix ans par Ingrid Brochard, le MuMo est allé à la
par Dominique Ehrhard & de l’histoire de l’art que cet
rencontre de 150 000 visiteurs à travers le monde. Anne-Florence Lemasson élégant livre pop-up nous
«Les animaux sortent de leur réserve» exposition gratuite éd. Les Grandes Personnes offre à contempler. Un court
> Dates et lieux d’itinérance à consulter sur musee-mobile.fr 14 pages animées
texte accompagne chaque
29,50 € > Dès 5 ans
sculpture de papier. À réserver
aux mains les plus délicates.

Les plus fripons


des chatons
nippons
C’est l’histoire de chatons
facétieux qui traversent bien
des péripéties, mais c’est aussi
et surtout un livre jeunesse
culte au Japon. Cette pépite
du mangaka Noboru Baba
Onze chatons dans (1927-2001), ami d’Osamu
un sac par Noboru Baba Tezuka (le père d’Astroboy),
éd. 2024 • 46 p • 14,50 €
> Dès 2 ans
est tirée d’une série de
sept albums, réalisés entre
1967 et 1996.

Victor Vasarely Zèbres, 1939-1943 Boyd Webb Elephant Legs, 1982


Parkie, histoire
d’une égérie
Grande parade de dodos, singes, paons
Le romancier Stéphane
et dinosaures au musée d’Orsay Audeguy brosse dans ce livre
Un parcours adapté au jeune public avec des cartels dédiés (à partir de 7 ans), illustré de belles planches,
un spectacle, des visites guidées où l’on croise dodos, singes, paons et «dinos»… cartes, dessins et gravures
L’exposition «Les origines du monde», qui explore «l’invention de la nature» au XIXe siècle le destin de Parkie, éléphante
en reliant les sciences et les arts, vous accueille à bras ouverts au musée d’Orsay ! d’Asie dont la dépouille
Clou des réjouissances, un week-end familles, les 23 et 24 janvier, avec bien naturalisée est conservée
des surprises. L’Ours blanc, fameuse sculpture de François Pompon et mascotte au Muséum d’histoire naturelle
du musée, prendra même vie à l’auditorium, le temps d’une création musicale… à Paris. Le 26 janvier 1786,
Parkie quitte Ceylan (actuel
«Les origines du monde – L’invention de la nature Parkie – Une histoire
au XIXe siècle» jusqu’au 14 février • musée d’Orsay d’éléphant par Stéphane
Sri Lanka) et embarque
1, rue de la Légion d’Honneur • 75007 Paris • 01 40 49 48 14 Audeguy • coéd. Musée pour un périple sans retour.
musee-orsay.fr ✶ Hors-série Beaux Arts Éditions • 68 p. • 11 € d’Orsay / Atelier EXB Destination les Pays-Bas,
> Spectacle Pompon valse les 23 et 24 janvier à 15 h 54 p. • 22 € > Dès 9 ans puis la cour du roi de France !
45 min • entrée gratuite sans réservation, dans la limite
des places disponibles (à partir de 5 ans)
> Visites guidées thématiques «De Buffon à Darwin
Les animaux ont une histoire» sur réservation

Gabriel von Max Gruss, 1901-1915

122 I Beaux Arts
05.12.20
18.04.21

Chiffres
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Le leader de la
presse artistique
+ 2,38%
française 66 395
EXEMPLAIRES/MOIS
VS 2018

Source OJD 2019

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EXEMPLAIRES/MOIS
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63 430 400 000 lecteurs/mois
EXEMPLAIRES/MOIS
Source OJD 2017 dont 223 000 lecteurs Premium
NE MANQUEZ PAS LES RÉSULTATS DE NOTRE ÉTUDE
DE RÉFÉRENCE ONE NEXT INFLUENCE 2020 DE L’ACPM

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LE CALENDRIER DES EXPOSITIONS
Musée d’Art moderne de Paris Muséum national
11, avenue du Président Wilson d’histoire naturelle
75116 • 01 53 67 40 00 • mam.paris.fr 36, rue Geoffroy Saint-Hilaire
Sarah Moon / Hubert Duprat / 75005 • 01 40 79 56 01 • mnhn.fr
Victor Brauner Pierres précieuses
Jusqu’au 10 janvier Jusqu’au 14 juin
 Hors-série Beaux Arts  Hors-série Beaux Arts
Musée Cernuschi Palais Galliera
7, avenue Velásquez • 75008 10, avenue Pierre Ier de Serbie
01 53 96 21 50 • cernuschi.paris.fr 75016 • 01 56 52 86 00
Voyage sur la route palaisgalliera.paris.fr
du Kisokaidō Gabrielle Chanel
Jusqu’au 17 janvier Jusqu’au 14 mars
 Hors-série Beaux Arts  Hors-série Beaux Arts
 Vidéo sur BeauxArts.com
Musée Guimet
6, place d’Iéna • 75016 Palais de la Porte dorée
01 56 52 54 33 • guimet.fr 293, avenue Daumesnil
Carte blanche 75012 • 01 53 59 58 60
à Daniel Arsham palais-portedoree.fr
Jusqu’au 1er mars Christian Louboutin
L’exhibition(niste)
Musée Jacquemart-André Jusqu’au 3 janvier
158, bd Haussmann • 75008  Hors-série Beaux Arts
01 45 62 11 59
musee-jacquemart-andre.com Petit Palais
Turner – Peintures et aquarelles Avenue Winston Churchill • 75008
Jusqu’au 11 janvier 01 53 43 40 00 • petitpalais.paris.fr
 Journal d’expo Beaux Arts L’âge d’or de la peinture
danoise (1801-1864)
Musée du Louvre Jusqu’au 17 janvier
Quai du Louvre • 75001  Vidéo sur BeauxArts.com
01 40 20 50 50 • louvre.fr Laurence Aëgerter
Figure d’artiste Jusqu’au 28 février
Jusqu’au 5 juillet
Paul Sérusier La Guirlande de roses [détail], 1898 Le corps et l’âme SÈVRES
Jusqu’au 18 janvier Manufacture
Avec l’exposition «Folklore», le Mucem, à Marseille, propose une extraordinaire exploration et musée nationaux
des dialogues méconnus entre tradition populaire et art moderne. Musée du Luxembourg 2, place de la Manufacture • 92310
19, rue de Vaugirard • 75006 01 46 29 22 05
01 40 13 62 00 sevresciteceramique.fr
museeduluxembourg.fr A table !
ILE-DE-FRANCE Centre Pompidou Fondation Louis Vuitton Man Ray et la mode Jusqu’au 6 juin
Place Georges Pompidou 8, avenue du Mahatma Gandhi Jusqu’au 17 janvier  Hors-série Beaux Arts
Musées & centres d’art 75004 • 01 44 78 12 33 75016 • 01 40 69 96 00  Hors-série Beaux Arts
centrepompidou.fr fondationlouisvuitton.fr VERSAILLES
COURBEVOIE  Hors-série Beaux Arts Cindy Sherman Musée Marmottan Monet Château
Musée Roybet Fould Global(e) Resistance Jusqu’au 3 janvier 2, rue Louis Boilly • 75016 Place d’Armes • 78000
178, boulevard Saint-Denis • 92400 Jusqu’au 4 janvier  Hors-série Beaux Arts 01 44 96 50 33 • marmottan.fr 01 30 83 78 00 • chateauversailles.fr
01 71 05 77 92 Prix Marcel Duchamp 2020 Cézanne et les maîtres Hyacinthe Rigaud
museeroybetfould.fr Jusqu’au 4 janvier Gaîté Lyrique Rêve d’Italie ou le portrait Soleil
Ferdinand Roybet Martin Barré 3 bis, rue Papin • 75003 Jusqu’au 3 janvier Jusqu’au 18 avril
graveur et dessinateur Jusqu’au 4 janvier 01 53 01 52 00 • gaite-lyrique.net  Vidéo sur BeauxArts.com
Jusqu’au 14 février Matisse, comme un roman Faire corps – Adrien M & Claire B Musée d’Orsay
Jusqu’au 22 février Jusqu’au 3 janvier 1, rue de la Légion d’Honneur VITRY-SUR-SEINE
PARIS  Hors-série Beaux Arts  Vidéo sur BeauxArts.com 75007 • 01 40 49 48 14 MAC VAL
L’Atelier des Lumières musee-orsay.fr Place de la Libération • 94400
38, rue Saint-Maur • 75011 Cinémathèque française Grand Palais Léon Spilliaert 01 43 91 64 20 • macval.fr
01 80 98 46 00 51, rue de Bercy • 75012 3, avenue du Général Eisenhower Jusqu’au 10 janvier Le vent se lève
atelier-lumieres.com 01 71 19 33 33 • cinematheque.fr 75008 • 01 44 13 17 17  Hors-série Beaux Arts Jusqu’au 31 janvier
Monet, Renoir… Chagall Musée Méliès grandpalais.fr Aubrey Beardsley  Vidéo sur BeauxArts.com
Jusqu’au 17 janvier La magie du cinéma Noir & blanc – Une esthétique Jusqu’au 10 janvier David Brognon
 Hors-série Beaux Arts Du 13 janvier au 31 décembre de la photographie D’un M/Musée à l’autre… et Stéphanie Rollin
Yves Klein  Vidéo sur BeauxArts.com Jusqu’au 1er février Jusqu’au 10 janvier Jusqu’au 31 janvier
Jusqu’au 17 janvier  Hors-série Beaux Arts Girault de Prangey
Citéco Jusqu’au 7 février Galeries
Bibliothèque 1, place du Général Catroux Hôtel de Ville de Paris Les origines du monde
François Mitterrand (BnF) 75017 • 01 86 47 10 10 • citeco.fr Salle Saint-Jean • 5, rue de Lobau L’invention de la nature Galerie Brugier Rigail
Quai François Mauriac • 75013 Largo Winch 75004 • 01 42 76 40 40 • paris.fr au XIXe siècle 40, rue Volta
01 53 79 59 59 • bnf.fr Aventurier de l’économie Le rire de Cabu Jusqu’au 2 mai 75003 • 01 42 77 09 00
L’Invention du surréalisme Jusqu’au 10 février Jusqu’au 9 janvier  Hors-série Beaux Arts galerie-brugier-rigail.com
invite – des champs  Hors-série Beaux Arts M. Chat – C’est pas le Pérou !
magnétiques à Nadja MAD (musée des Arts décoratifs) Musée de La Poste Jusqu’au 30 janvier
Jusqu’au 14 mars Fondation Cartier 107-111, rue de Rivoli • 75001 34, boulevard de Vaugirard • 75015
261, boulevard Raspail • 75014 01 44 55 57 50 • madparis.fr 01 42 79 24 24 • museedelaposte.fr Galerie Jacques Lacoste
Centre culturel coréen 01 42 18 56 50  Hors-série Beaux Arts Rêver l’Univers 19, avenue Matignon
20, rue la Boétie • 75008 fondationcartier.com Harper’s Bazaar Jusqu’au 8 février 75008 • 01 42 89 11 11
01 47 20 84 15 Sarah Sze – De nuit en jour Jusqu’au 3 janvier jacqueslacoste.com
coree-culture.org Artavazd Pelechian Luxes Musée du quai Branly Jean Royère
Palais royaux de Corée Jusqu’au 7 mars Jusqu’au 2 mai 37, quai Branly • 75007 Jusqu’au 30 janvier
Jusqu’au 26 février 01 56 61 70 00 • quaibranly.fr
Fondation Henri Cartier-Bresson Maison de Victor Hugo Les Olmèques et les cultures Galerie Kamel Mennour
Centquatre 79, rue des Archives • 750O3 6, place des Vosges du golfe du Mexique 5, rue du Pont de Lodi
5, rue Curial • 75019 01 40 61 50 50 75004 • 01 42 72 10 16 Jusqu’au 25 juillet 75006 • 01 56 24 03 63
01 53 35 50 00 • 104.fr henricartierbresson.org maisonsvictorhugo.paris.fr Roger Boulay kamelmennour.com
Alain Fleischer Eugène Atget – Voir Paris François-Auguste Biard Carnets Kanak Daniel Buren / Philippe Parreno
Jusqu’au 17 janvier Du 19 janvier au 25 avril Jusqu’au 7 mars Jusqu’au 16 mai Jusqu’au 27 février

124 I Beaux Arts
LE CALENDRIER DES EXPOSITIONS
Galerie Lelong & Co. CALAIS LILLE SAINT-PRIEST-EN-JAREZ PAYS-BAS
13, rue de Téhéran • 75008 Musée des Beaux-Arts Palais des Beaux-Arts Musée d’Art moderne et AMSTERDAM
01 45 63 13 19 25, rue Richelieu • 62100 Place de la République • 59000 contemporain de Saint-Étienne Rijksmuseum
galerie-lelong.com 03 21 46 48 40 • calais.fr 03 20 06 78 00 Rue Fernand Léger Museumstraat 1
David Hockney – Ma Normandie Peintures des lointains pba.lille.fr 42270 • 04 77 79 52 52 +31 20 6747 000
Jusqu’au 27 février Voyages de Jeanne Thil Open Museum #6 Music mamc.saint-etienne.fr rijksmuseum.nl
Jusqu’au 28 février Jusqu’au 11 janvier Déjà-vu – Le design Ed van der Elsken
Galerie Loevenbruck dans notre quotidien Jusqu’au 10 janvier
6, rue Jacques Callot CARQUEFOU LIMOGES Jusqu’au 22 août Willem Diepraam
75006 • 01 53 10 85 68 Frac des Pays de la Loire Musée des Beaux-Arts  Hors-série Beaux Arts Jusqu’au 10 janvier
loevenbruck.com 24 bis, boulevard Ampère 1, place de l’Évêché • 87000
Philippe Mayaux La Fleuriaye • 44470 05 55 45 98 10 SARS-POTERIES Stedelijk Museum
Butterfly Divinities 02 28 01 50 00 museebal.fr MusVerre Museumplein 10
Jusqu’au 16 janvier fracdespaysdelaloire.com Valadon et ses contemporaines 76, rue du Général de Gaulle +31 20-5732911 • stedelijk.nl
Arnaud Labelle-Rojoux X – Un projet d’exposition Jusqu’au 14 février 59216 • 03 59 73 16 16 In the Presence of Absence
Étant damnés de Claude Closky autour musverre.lenord.fr Jusqu’au 31 janvier
Du 22 janvier au 13 mars de la collection du Frac LYON Julie Legrand From Thonet to Dutch Design
des Pays de la Loire Musée des Beaux-Arts Jusqu’au 17 janvier Jusqu’au 21 mars
Galerie Marian Goodman Jusqu’au 4 juillet 20, place des Terreaux • 69001
79, rue du Temple 04 72 10 17 40 • mba-lyon.fr TOURS Van Gogh Museum
75003 • 01 48 04 70 52 CHAMBÉRY Picasso – Baigneuses CCC OD Museumplein 6 • +31 20 570 52 00
mariangoodman.com Musée des Beaux-Arts et baigneurs Jardin François Ier • 37000 vangoghmuseum.nl
Robert Smithson Place du Palais de Justice • 73000 Jusqu’au 3 janvier 02 47 66 50 00 Van Gogh Inspires
Jusqu’au 9 janvier 04 79 33 75 03 • chambery.fr  Hors-série Beaux Arts cccod.fr Jean-Luc Mylayne
Christian Boltanski Spirites – La peinture guidée Étendue, corps, espace Jusqu’au 14 février
Du 22 janvier au 13 mars par les esprits Musée Jean Couty Olivier Debré et les artistes
Jusqu’au 4 avril 1, place Henri Barbusse • 69009 architectes ROTTERDAM
Galerie Nathalie Obadia 04 72 42 20 00 Jusqu’au 28 mars Kunsthal
18, rue du Bourg-Tibourg CLERMONT-FERRAND museejeancouty.fr  Hors-série Beaux Arts Museumpark • Westzeedijk 341
75004 • 01 53 01 99 76 Musée d’Art Roger-Quilliot Robert Doisneau +31 10 4400 300 • kunsthal.nl
nathalieobadia.com (MARQ) Jusqu’au 11 avril VILLENEUVE-D’ASCQ Black Album / White Cube
Fabrice Hyber Place Louis Deteix  Hors-série Beaux Arts LaM Jusqu’au 17 janvier
Habiter la forêt 63100 • 04 43 76 25 25 1, allée du Musée • 59650
Jusqu’au 23 janvier clermontmetropole.eu MARSEILLE 03 20 19 68 68 SINGAPOUR
Joël Andrianomearisoa Mucem musee-lam.fr SINGAPOUR
Galerie Papillon Jusqu’au 21 février 7, promenade Robert Lafont Laure Prouvost Gardens of the Bay
13, rue Chapon 13002 • 04 84 35 13 13 Jusqu’au 16 mai West Lawn • 18 Marina Gardens
75003 • 01 40 29 07 20 DOLE mucem.org Drive • +65 6420 6848
galeriepapillonparis.com Musée des Beaux-Arts Folklore ÉTRANGER orient-express.com
Frédérique Loutz 85, rue des Arènes Jusqu’au 22 février Once Upon a Time
Du 5 janvier au 27 février 39100 • 03 84 79 25 85 ESPAGNE on The Orient-Express
musees-franchecomte.com MARTIGUES BILBAO Jusqu’en juin
Galerie Vallois Cueco – Journal d’un peintre Musée Félix Ziem Guggenheim Bilbao  Hors-série Beaux Arts
33 et 36, rue de Seine • 75006 Du 2 janvier au 16 mai 11, boulevard du 14 Juillet Avenida Abandoibarra, 2
01 46 34 61 07 13500 • 04 42 41 39 50 +34 944 35 90 00 SUISSE
galerie-vallois.com FONTEVRAUD ville-martigues.fr guggenheim-bilbao.eus BÂLE
Paris Photo @Home Musée d’Art moderne Alain Sauvan Kandinsky Kunstmuseum
La promenade Abbaye royale • 49590 Production et dépossessions Jusqu’au 23 mai St Alban Graben 8
Jusqu’au 30 janvier 02 41 51 45 11 • fontevraud.fr Jusqu’au 31 janvier +41 61 206 62 62
 Hors-série Beaux Arts MADRID kunstmuseumbasel.ch
RÉGIONS Collections nationales METZ Museo Nacional L’Orient de Rembrandt
Martine et Léon Cligman Centre Pompidou-Metz Centro de Arte Reina Sofía Jusqu’au 14 février
AIX-EN-PROVENCE Ouverture du musée le 19 décembre 1, parvis des Droits de l’Homme Calle Santa Isabel, 52 Isa Genzken
Fondation Vasarely 57020 • 03 87 15 39 39 +34 91 774 1000 Jusqu’au 24 janvier
1, avenue Marcel Pagnol GRASSE centrepompidou-metz.fr museoreinasofia.es
13090 • 04 42 20 01 09 Musée international Le ciel comme atelier Mondrian y De Stijl RIEHEN/BÂLE
fondationvasarely.fr de la Parfumerie Yves Klein et ses contemporains Jusqu’au 1er mars Fondation Beyeler
 Hors-série Beaux Arts 2, boulevard du Jeu de Ballon Jusqu’au 1er février Baselstrasse 101
Sud-Est 06130 • 04 97 05 58 11 Chagall – Le passeur de lumière LUXEMBOURG +41 61 645 97 00
Jusqu’au 31 janvier museesdegrasse.com Jusqu’au 15 mars LUXEMBOURG fondationbeyeler.ch
Leonetto Capiello Casino Luxembourg Le lion ayant faim...
Musée Granet L’affiche et la parfumerie MONTPELLIER 41, rue Notre-Dame Jusqu’au 28 mars
Place Saint-Jean de Malte Jusqu’au 7 mars Mo.Co. Hôtel des collections +352 22 50 45 Roni Horn
13100 • 04 42 52 88 32 13, rue de la République • 34000 casino-luxembourg.lu Jusqu’au 17 janvier
museegranet-aixenprovence.fr GRENOBLE 04 99 58 28 00 L’homme gris Rodin / Arp
Pharaon, Osiris et la momie Musée de Grenoble moco.art Jusqu’au 31 janvier Jusqu’au 16 mai
Jusqu’au 14 février 5, place Lavalette • 38000  Hors-série Beaux Arts Arnaud Eubelen
04 76 63 44 00 • museedegrenoble.fr 00s – Collection Cranford Unified Glare Rating ZURICH
AMILLY Giorgio Morandi Les années 2000 Jusqu’au 21 février Kunsthalle
Les Tanneries Jusqu’au 14 mars Jusqu’au 4 avril Limmatstrasse 270
234, rue des Ponts • 45200 Mudam Luxembourg +41 44 272 15 15
02 38 85 28 50 • lestanneries.fr LENS NICE Musée d’Art moderne kunsthallezurich.ch
Lucy + Jorge Orta Louvre Lens Villa Arson Grand-Duc Jean Jacqueline Fraser
Jusqu’au 21 février 99, rue Paul Bert • 62300 20, avenue Stephen Liégeard 3 Park Dräi Eechelen Jusqu’au 21 février
03 21 18 62 62 • louvrelens.fr 06100 • 04 92 07 73 73 +352 45 37 85 1
BORDEAUX Soleils noirs villa-arson.org mudam.com Migros Museum
Bassins de Lumières Jusqu’au 25 janvier Slavs and Tatars Charlotte Posenenske Limmatstrasse 270
Base sous-marine Régions d’être Work in Progress + 41 44 277 20 50
impasse Brown de Colstoun LES BAUX-DE-PROVENCE Jusqu’au 31 janvier Jusqu’au 10 janvier migrosmuseum.ch
33000 • 05 35 00 00 90 Carrières de Lumières Leonor Antunes Potential Worlds 2
bassins-lumieres.com Route de Maillane • 13520 NOGENT-SUR-SEINE Joints, Voids and Gaps Eco-Fictions
Gustav Klimt 04 90 54 47 37 Musée Camille Claudel Jusqu’au 5 avril Jusqu’au 21 février
Jusqu’au 24 janvier carrieres-lumieres.com 10, rue Gustave Flaubert
 Vidéo sur BeauxArts.com Gaudí 10400 • 03 25 24 76 34
 Hors-série Beaux Arts Jusqu’au 24 janvier museecamilleclaudel.com
Paul Klee Dalí Les sculpteurs du travail Tenez-nous informés de votre actualité sur
Peindre la musique Jusqu’au 24 janvier Meunier, Dalou, Rodin... calendrier@beauxarts.com
Jusqu’au 24 janvier  Hors-série Beaux Arts Jusqu’au 7 mars

Beaux Arts I 125
Musée Jean Couty

Les Pains de Picasso, Vallauris, 1952 © Atelier Robert DOISNEAU - © Succession Picasso 2020

ROBERT DOISNEAU
Portraits d’artistes et vues de Lyon

Exposition photos jusqu’au 11 avril 2021

Musée Jean Couty


1, place Henri Barbusse - 69009 LYON • Tel. 04 72 42 20 00 - www.museejeancouty.fr
N° 439 Janvier 2021

MARCHÉ & POLITIQUE CULTURELLE Pages coordonnées


par Armelle Malvoisin

CIRCUIT COURT

Le Soulages de Senghor
sera vendu à Caen
Pierre Soulages
Peinture 81 x 60 cm,
3 décembre 1956
1956, huile sur toile, 81 x 60 cm.
Estimation :
800 000 € à 1 M€

128
L
a première fois que je vis un tableau de Pierre Soulages, ce fut un choc. Je reçus

«
ELLE FAIT L’ACTU
au creux de l’estomac un coup qui me fit vaciller, comme le boxeur touché qui Floriane de Saint Pierre,
soudain s’abîme. C’est exactement la sensation que j’avais éprouvée à la première vue chasseuse d’Amis
d’un masque Dan. Ce n’est pas un hasard, les peintures de Soulages me rappellent toujours

129
les peintures, voire les sculptures négro-africaines. C’est le même mépris de toute vaine
élégance, la même évidence qui s’impose, la même saisie du spectateur à la racine de la vie»,
écrit Léopold Sédar Senghor (1906-2001) dans les Lettres nouvelles, en 1958. Le poète, écrivain
et futur président de la République du Sénégal ne cachait pas son admiration pour le peintre LA TRIBUNE
de l’Outrenoir. Un an plus tôt, il épousait en secondes noces Colette Hubert, une Normande. D’ÉLISABETH DELACARTE
Et s’offrait un tableau de Pierre Soulages, choisi dans l’atelier de l’artiste. Une toile de 1956 «En galerie, les prix
qu’il installera chez lui à Verson, dans le Calvados. Une commune à laquelle le chantre de sont stables et la passion
la négritude restera très attaché, au point d’y passer les dernières années de sa vie, aux côtés constante»

130
de son épouse, qui s’est éteinte l’an dernier.

«La provenance normande apporte une plus-value incroyable»


La logique du marché veut qu’un tableau de Soulages historique, auréolé d’une provenance
LA COTE DE L’ART
prestigieuse, soit confié à une maison de ventes internationale. Et c’est d’ailleurs ce qui a failli
Chers Olmèques
se passer. Mais la légataire de l’œuvre, respectant la volonté d’Odette, la sœur de Mme Senghor,

132
en a décidé autrement. Tout le village de Gonneville-en-Auge, près de Verson, où elle réside,
se souvient encore avec émotion de Senghor qui y inventa même le terme de «normandité».
«La cliente a voulu vendre le tableau dans son contexte historique. La provenance normande
apporte une plus-value incroyable à cette œuvre, exposée à plusieurs reprises, mais qui BIENTÔT SOUS LE MARTEAU
n’est jamais passée sur le marché», défend la jeune commissaire-priseuse Solène Lainé de la Les ventes à ne pas manquer

134
maison Caen Enchères. C’est elle qui tiendra le marteau le 23 janvier pour vendre le Soulages
de Senghor, assistée de l’experte Agnès Sevestre-Barbé. La peinture est estimée à peine 1 M€,
mais ce n’est qu’un prix d’appel. Le marché devrait en vouloir pour bien plus cher. A. M.

«Mobilier et objets d’art» le 23 janvier • Caen Enchères ADJUGÉ !


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Beaux Arts I 127
POLITIQUE CULTURELLE l LES ACTEURS

Up Elle fait l’actu…


Floriane de Saint Pierre
Élisabeth Caude
Chasseuse d’Amis
Responsable depuis 2014
des collections «Mobilier La nouvelle présidente de la Société
et objets d’art» au musée national des Amis du Centre Pompidou mobilise
des châteaux de Versailles et Trianon,
son réseau pour soutenir l’institution
elle prend la tête de quatre institutions :
le musée national des châteaux de et les artistes éprouvés par la crise.
Malmaison et de Bois-Préau, les musées
napoléonien et africain de l’île d’Aix et le

D
musée de la maison Bonaparte à Ajaccio. ans l’univers feutré de la mode, 15 œuvres d’artistes de la scène française.
la discrète Floriane de Saint Manière de soutenir les plasticiens,
Pierre est connue de tous. particulièrement éprouvés par la crise.
Françoise Adamsbaum
Elle a créé la collection de montres Dénicheuse de talents, elle a créé «Cette année marquera un tournant
d’artistes Lito et la galerie Keza à seulement 26 ans un cabinet de dans l’histoire des Amis du Centre
à Paris, en 2008. Elle prend la «chasseurs de têtes», implanté à Paris, Pompidou grâce à la remarquable
direction du musée international d’Arts New York et Milan. Depuis cet été, mobilisation et générosité de nos
modestes de Sète (Miam) / Association c’est elle qui est aux commandes membres et donateurs en ce moment
de l’art modeste, après en avoir été de la Société des Amis du Centre si particulier», insiste la présidente.
vice-présidente pendant plus de dix ans.
Pompidou, 800 membres au compteur.
Redoutablement efficace, l’association Aider à la production d’œuvres
Christian Caujolle est le premier mécène du musée Comment, toutefois, envisager l’avenir
Le cofondateur de l’agence VU’, national d’Art moderne, auquel elle en cette période d’incertitude ? La force
qui a été directeur artistique a offert cette année, en dépit de la crise, de collecte de l’association épaulera-t-
des Rencontres de la photographie une centaine d’œuvres. Valeur estimée : elle différemment le musée épuisé
d’Arles en 1997, est nommé conseiller 2,5 millions d’euros… soit davantage financièrement par les longues
artistique de la galerie du Château d’eau
que son budget annuel d’acquisition. semaines de fermeture ? «Aujourd’hui,
à Toulouse, créée en 1974 par le photographe
toulousain Jean Dieuzaide (1921-2003). Floriane de Saint Pierre n’est pas arrivée nous faisons des acquisitions car elles
à la tête de cette cohorte par hasard. permettent d’aider les artistes et de
Fille de collectionneurs (d’art tchèque, donner les moyens au musée d’avoir
Nicolas Gourault des années 1950 à aujourd’hui), elle s’est la plus belle collection au monde,
Il a reçu le prix StudioCollector à son tour prise de passion pour l’art explique Floriane de Saint Pierre. Il est
2020 pour son film VO. Créé contemporain, réunissant un ensemble important pour nous de maintenir
par les collectionneurs Isabelle pointu de travaux de femmes artistes. cette participation à “l’écosystème”.
& Jean-Conrad Lemaître en 2008 et doté
Membre depuis 2017 d’un groupe Mais nous pouvons faire davantage.
de 6 000 €, cette distinction récompense
depuis 2007 un étudiant du Fresnoy- 1964
d’acquisition de ces fidèles Nous aidons déjà la recherche, nous
Studio national des arts contemporains Naissance à Loudéac supporters du musée, elle pourrions aussi soutenir les expositions,
(Tourcoing), repéré lors de l’exposition (Côtes d’Armor). connaît le fonctionnement ou encore contribuer à la production
annuelle «Panorama». 1984
de l’association pour en d’œuvres en fonction des besoins
Entre à la direction
financière de la maison avoir assumé les fonctions du musée.» Déterminée, cette native
Loucia Carlier Christian Dior. d’administratrice des Côtes-d’Armor, à qui François
Diplômée de l’École nationale 1985 et de secrétaire générale. Pinault (lui aussi breton) a remis la
supérieure des Arts décoratifs, Diplômée de l’Essec.
1990
Pourtant, c’est en pleine crise Légion d’honneur en 2007, entend
la jeune artiste est lauréate de
Ouvre le cabinet de du Covid-19 qu’elle a relevé d’abord rester à l’écoute du musée.
la 7e bourse Révélations Emerige. À la clé,
conseil en recrutement le gant pour succéder Et élargir le cercle des Amis, qui compte
entre autres, une dotation de 15 000 € dans le domaine du luxe à Léopold Meyer, parti pour
pour réaliser une exposition personnelle déjà de nouveaux adhérents pour 2021.
Floriane de Saint Pierre
à la galerie parisienne Art : Concept. & Associés. des raisons personnelles. L’association devrait aussi capitaliser
2011 Parmi les urgences, il a fallu sur la forte expérience du numérique

Down
Fonde Ethics & Boards, gérer le report du traditionnel de sa nouvelle présidente pour accélérer
place de données
dîner de gala prévu au sa digitalisation et multiplier son offre
sur la gouvernance
des entreprises printemps, celui qui engendre de contenus. «Ce qui plaît aux Amis,
cotées en bourse. la plus grosse levée de fonds, c’est la dimension intellectuelle du
2012 et qui n’a finalement pas eu musée et la qualité de ses conservateurs»,
Agnès Thurnauer Crée la plateforme
digitale Eyes on Talents,
lieu. Tous les participants ont assure-t-elle. Soit un appétit pour
Elle poursuivait en justice été convaincus de renoncer des nourritures plus intellectuelles
dédiée à la recherche
Thu-Van Tran – nommée au prix de profils management au remboursement et que terrestres. Sophie Flouquet
Marcel Duchamp 2018 – pour et créatifs.
le plagiat de son œuvre Matrice. L’artiste d’accepter que les sommes
2020
franco-suisse a été déboutée de l’accusation Présidente des Amis (entre 10 000 et 12 000 €
par le tribunal judiciaire de Paris. du Centre Pompidou. la table) servent à acquérir

128 I Beaux Arts
MARCHÉ l LES ACTEURS
L’œil
La tribune de… de la collectionneuse

Élisabeth Delacarte Marianne Dollo


Décoratrice et directrice de la galerie Avant-Scène (Paris) Conseillère en acquisitions artistiques,
agence Yellow Over Purple (Paris)

«En galerie, les prix sont


stables et la passion constante»
« Le musée reste
ma principale source
d’inspiration»
Maisons de ventes et galeries œuvrent de manière complémentaire Comment est né votre
intérêt pour l’art ?
au développement du marché de l’art et à la reconnaissance Ma sensibilité à l’art
des artistes. Mais le boom des enchères menace cet équilibre. remonte à mon enfance :
mes parents sont
collectionneurs des
peintres de l’abstraction

S
i les maisons de ventes aux enchères s’intéressent depuis de nombreuses années lyrique des années 1950.
aux arts décoratifs, le nombre de vacations s’intensifie et les prix s’envolent, À leur époque, la façon
avec des records liés notamment à la dispersion de collections prestigieuses qui de collectionner était bien différente :
on ne parlait pas du tout de marché de l’art.
ont pour nom Pierre Bergé & Yves Saint Laurent, Jacques Grange ou encore Félix Marcilhac.
La plupart des foires internationales
À une tout autre échelle, ma propre collection, mise en vente chez Artcurial en 2014, n’existaient pas ou n’en étaient qu’à leurs
a été un succès pour les artistes que je représente : les pièces débuts. La rencontre avec les artistes était
ont toutes trouvé preneur et le plus souvent à des prix bien essentielle. Il s’agit donc d’une passion
supérieurs à ceux de la galerie. Les créateurs vivants connaissent familiale que je perpétue avec mes deux fils.
donc une réussite croissante en ventes publiques. Il y a
une grande complémentarité entre ces deux marchés. Les lots Quel a été votre premier achat ?
Et comment se sont guidés vos choix ?
proposés aux enchères sont des pièces de seconde main,
J’ai acheté un tableau de Philippe Cognée,
réalisées par des artistes connus, et qui ont déjà eu une vie quand il n’était pas encore représenté
chez des particuliers. Parce qu’elles ont une clientèle variée par la galerie Templon : une sublime
et internationale, les maisons de ventes contribuent au peinture sur bois fidèle à sa technique de
rayonnement des artistes français à l’étranger. Pour cette l’encaustique à la cire d’abeille mélangée
raison, leur travail est incomparable et nécessaire à la vitalité aux pigments, recouverte d’un film
plastique puis chauffée au fer à repasser.
du marché. Et leurs catalogues, avec des photos des meubles
Le sujet lui était très personnel puisqu’il
en situation, sont très inspirants pour les amateurs d’art. s’agissait de son espace de vie : une pièce
à la décoration sobre composée d’un poêle
D’un côté, le goût du risque, à bois noir et d’un sofa blanc. À mes débuts,
de l’autre, un échange humain j’achetais beaucoup de peintures pour
Les vacations d’art décoratif contemporain se multipliant leur pouvoir ornemental. Avec le temps,
à un rythme effréné, allons-nous, galeries et salles de ventes, je m’intéresse à la valeur spirituelle
et culturelle des œuvres, mais aussi
continuer à nous compléter sur des parts de marché distinctes
au propos des artistes, je crois beaucoup
ou devenir de réels concurrents ? Des collectionneurs achètent en leur capacité d’anticiper les
ainsi des pièces encore disponibles en galeries à des prix changements majeurs de la société
beaucoup plus élevés en salles des ventes, et ce sans bénéficier – avec, je dois l’avouer, un intérêt
de nos prestations de service. Prenons l’exemple de la table particulièrement sensible pour les artistes
Fleurs d’Hubert Le Gall : proposée dans ma galerie à 13 600 €, femmes. Je me rends souvent aux
Hubert Le Gall
expositions, car, selon moi, le musée reste
Lampadaire elle a été adjugée 33 800 € chez Artcurial en mai dernier !
la principale source d’inspiration du
Odilon Le rapport du client-collectionneur avec l’œuvre et l’artiste collectionneur. L’art nourrit l’esprit et va
2016, bronze patiné, est tout autre selon qu’il achète sur un coup de cœur aux jusqu’à donner un sens à sa vie.
édition de 8 ex.
+ 4 épreuves d’artiste,
enchères – avec un rapport plus financier et un certain goût
h. 185 cm. du risque – ou dans une galerie qui suit les créateurs qu’elle Vos derniers coups de cœur ?
Adjugé 77 200 €
porte sur le long terme, dans l’échange humain et la passion Le merveilleux et minutieux travail
en octobre 2019
chez Christie’s, constante. Si les ventes publiques contribuent à affiner la cote d’Eva Jospin et ses forêts sculptées
à Londres. dans le carton, mais aussi d’autres envies
des artistes, les prix y fluctuent aussi beaucoup, jusque
En vente
autour des créations d’Amélie Bertrand,
dans l’irraisonnable. De notre côté, les prix sont stables Nicolas Daubanes, Marion Verboom,
à 20 000 €
à la galerie
et nous pouvons offrir de belles opportunités à nos clients. Clément Bagot, Abdelkader Benchamma,
Avant-Scène Avec l’évolution de la commercialisation online, les galeries Bianca Biondi, Vojtěch Kovařík,
doivent se réinventer et élargir leur clientèle, qui n’est Klara Hosnedlova, Zhanna Kadyrova,
plus constituée uniquement de fidèles clients mais aussi Justin Fitzpatrick, Nú Barreto ou encore
de nouveaux collectionneurs à solliciter. Ornaghi & Prestinari.

Beaux Arts I 129
MARCHÉ l LA COTE DE L’ART

Chers Olmèques
Homme-jaguar
À l’honneur jusqu’au 25 juillet
au musée du quai Branly, à Paris, Personnage debout
900-400 avant J.-C. (au cours
l’art olmèque du Mexique fascine du préclassique moyen),
serpentine vert-brun foncé,
le public. Mais mieux vaut avoir gravure rehaussée par
de l’aquarelle imitant le cinabre
des moyens considérables pour d’origine, h. 13 cm.

se lancer dans une telle collection.


Galerie Mermoz, Paris.
> Autour de 80 000 €

Petit masque anthropomorphe,


culture olmèque, Mexique
900-400 avant J.-C. (au cours du préclassique moyen),
serpentine verte à surface blanc-beige, h. 10,9 cm.
> Adjugé 148 940 € le 18 juin 2020
à Drouot (Binoche & Giquello), Paris

C
onsidérée comme la mère des sociétés mésoaméricaines, la civilisation olmèque
(1600-400 av. J.-C.) a précédé les Mayas (de 250 à 950 de notre ère), les Aztèques Objet votif
(de 1300 à l’arrivée des conquistadors), ainsi que d’autres cultures moins Hache gravée
connues du grand public, comme le Veracruz classique, les Toltèques ou les Huastèques. Vers 1200-400 avant J.-C.
(au cours du préclassique
Déployés le long du golfe du Mexique, les Olmèques ont largement influencé les moyen), pierre grise
productions artistiques de leurs suiveurs, jusqu’au Costa Rica. Sont à découvrir des et cinabre, h. 18,3 cm.
Galerie 1492, Paris.
pièces exceptionnelles – notamment une statuaire monumentale d’une insigne beauté –,
> Autour de 20 000 €
prêtées par les plus grandes institutions mexicaines. «Près des trois quarts des
300 pièces réunies sont présentés pour la première fois en Europe», se réjouit le musée
du quai Branly. «C’est un art admirable, très recherché, mais il y a peu d’objets sur
le marché et ils sont financièrement inabordables», résume de son côté le marchand
Bernard Dulon, dont le père était un grand collectionneur d’art précolombien.
Heureusement pour les amateurs, deux galeries parisiennes – Mermoz et 1492 – proposent
parfois quelques pépites olmèques à saisir, à condition d’en avoir les moyens.

Des objets en jadéite très prisés par les Chinois Céramique


Parmi toutes les créations olmèques, les masques sont les plus prisés et les plus chers. Vase en forme de poisson
Surtout ceux, anthropomorphes, aux allures de jaguar. On les reconnaît à leur forme 1200-600 avant. J.-C. (au cours du préclassique
moyen), site de Las Bocas, céramique
trapézoïdale, à leur lèvre supérieure charnue, aux commissures tombantes, aux canines à engobe noir à surface brillante, traces
prononcées et à leurs sourcils en forme de flammes. Comptez 8 000 € minimum de pigment rouge, h. 15,6 cm.

pour un petit masque pendentif. Le prix augmente avec la taille, mais pas seulement. > Adjugé 44 700 € le 20 mars 2018,
«Les sculptures en jadéite rappelant la couleur de l’eau (symbole de renaissance) à Drouot (Binoche & Giquello), Paris
sont plus onéreuses – du simple au double – que les objets en serpentine, pierre
qui n’a pas la translucidité du jade, ni sa brillance, souligne l’expert Jacques Blazy.
Les collectionneurs chinois, pour lesquels le jade est un matériau sacré, en sont fous.
Ils font monter les prix sur le marché depuis quatre ans, jusqu’à plusieurs millions
d’euros pour un masque exceptionnel en jadéite.» Dans la statuaire, les «baby faces»,
des personnages joufflus aux babines de félin, plaisent beaucoup également : comptez
jusqu’à 500 000 € pour une grande pièce de 40 cm. Enfin, la céramique olmèque
de couleur noire lustrée (parfois avec un engobe blanc) présentant un dépôt de cinabre
imitant le sang atteint également des sommets. Si l’on trouve des petites «Vénus»
à moins de 5 000 €, le bestiaire retient l’attention des aficionados : vases funéraires
en forme de hiboux, toucans et autres oiseaux… mais aussi félins et poissons qui peuvent
s’envoler jusqu’à 100 000 € ! A. M.

130 I Beaux Arts
BeauxArts.com
L’art comme vous ne le verrez nulle part ailleurs !

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MARCHÉ l BIENTÔT SOUS LE MARTEAU

Les ventes à ne pas manquer

Hergé
Le Lotus bleu
1936, encre de Chine, aquarelle
et gouache sur papier, pour
YSL haute
la couverture initiale de l’album couture
le Lotus bleu, 34 x 34 cm. Robe brodée
Estimation : 2 à 3 M€ de franges
de perles
Yves Saint Laurent
et Zizi Jeanmaire Collection
printemps-été 1969.
photographiés
par Jean-Luce Huré, Estimation :
en 1992. 3 000 à 5 000 €

Paris • christies.com • du 13 au 26 janvier

Paris • Artcurial • 14 janvier Ses trucs en plumes,


perles et paillettes
Une gouache inédite et rarissime «La garde-robe signée Saint Laurent de Zizi Jeanmaire»
du Lotus Bleu sort de sa cachette 9, avenue Matignon • 75008 Paris • 01 40 76 85 85 •christies.com
«L’univers du créateur de Tintin»
7, rond-point des Champs-Élysées • 75008 Paris
C’est l’histoire d’une admiration réciproque et inspirante
01 42 99 20 20 • artcurial.com qui passe devant le marteau virtuel de christies.com : celle qui unit
la reine du music-hall, Zizi Jeanmaire «de l’Opéra de Paris»,
Sachant que les dessins originaux des couvertures des Aventures de Tintin s’arrachent au couturier Yves Saint Laurent pendant plus de quarante années
à prix d’or, combien va faire celle, initiale, du Lotus Bleu, déjà estimée 2 M€ minimum ? de carrière. Danseuse de ballet, chanteuse, meneuse de revue
«Trop coûteuse à reproduire à l’époque en raison de la technique de colorisation et comédienne, l’inoubliable interprète de Mon truc en plumes,
utilisée – la quadrichromie –, cette couverture fut refusée en 1936 par Casterman, décédée l’été dernier à l’âge de 96 ans, laisse derrière elle une
rapporte l’expert Éric Leroy. La rareté de cette gouache s’explique par le fait que l’on a garde-robe extravagante faites de paillettes, sequins, broderies,
perdu sa trace pendant plus de huit décennies. Elle fut offerte par Hergé en personne perles et plumes. À saisir, smokings, vestes, robes, pantalons,
au jeune fils de l’éditeur Louis Casterman qui, ne soupçonnant pas du haut de ses souliers et accessoires forment une centaine de lots griffés YSL.
7 ans la future valeur inestimable de ce trésor, conserva ce dessin dans un tiroir après Parmi eux, deux pièces emblématiques : la fameuse robe courte
l’avoir soigneusement plié en six. Il est aujourd’hui dans un bel état de conservation de la collection africaine de 1967 (est. 4 000 €), brodée de perles
puisqu’il n’avait jamais vu la lumière. Ce dessin est un vrai chef-d’œuvre qui représente et de paillettes de rhodoïd, ainsi qu’une robe courte brodée
tout le génie de Hergé, probablement la plus belle couverture d’album de Tintin !» A. M. de franges de perles [ill. ci-dessus]. De quoi raviver le souvenir
de cette danseuse aux cheveux de jais, dont Boris Vian disait :
«Elle a des yeux à vider un monastère.» A. M.

Nantes • Ivoire • 6 janvier

Redécouverte d’un excellent élève de Rembrandt


«Tableaux anciens et modernes» 8-10, rue Miséricorde • 44000 Nantes • 02 40 89 24 44 • ivoire-france.com

Les découvertes et redécouvertes de tableaux anciens n’en finissent pas


de ravir les amateurs. Le prochain dénouement aura lieu à Nantes
pour une grande toile du XVIIe hollandais signée et datée Gerbrand van
den Eeckhout (1621-1674), peintre appartenant à la seconde génération
Gerbrand van des élèves de Rembrandt. Repérée dans un château du Poitou par
den Eeckhout le commissaire-priseur nantais Bertrand Couton, cette toile est «l’un
Pharaon rend des plus grands tableaux que l’on connaisse de l’artiste. Elle possède
à Abraham son tous les éléments constitutifs d’une œuvre de Rembrandt : la manière
épouse Sara de situer les personnages, l’importance de l’architecture, le traitement
1669, huile sur toile, de la lumière, l’opulence des matières et le côté oriental des figures
139 x 174 cm. narratives et bibliques, qui montrent qu’il a assimilé la leçon du maître»,
Estimation : explique l’expert Stéphane Pinta, du cabinet Turquin. Auteur de
60 000 portraits et de scènes de genre, Eeckhout a peint de nombreux sujets
à 80 000 € de l’Ancien Testament, alors très appréciés de la bourgeoisie hollandaise.
Ses tableaux montrent à la fois une grande parenté avec le style tardif
de Rembrandt, un goût pour le décor orientaliste et une connaissance
de l’art baroque flamand dans l’ampleur des compositions. Vers quel
sommet de prix nous conduira-t-il ? A. M.

132 I Beaux Arts
Partez à la découverte
du monde de l’Art
L’école supérieure d’art du RODIN
Nord-Pas de Calais / Dunkerque-Tourcoing
tion face à t
cézanne DesceND
c’est à lA fois u
générAtionn
père de lA
Aux pro
enise, les arts et l’Europe au

recrute
come

Renoir père et fils

Son(sa) Directeur(trice) Général(e) LE CUBISME

Joan Miró
la couleur de mes rêves

AU GRAND PALAIS

Candidatures à déposer au plus tard


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MARCHÉ l ADJUGÉ ! L’addition
Collection d’un amateur de XVIIIe français,

3 enchères fraîches
dispersée le 4 novembre chez Sotheby’s,
à Paris.

Ivoire • Chartres • 14 novembre


Toy story
made in Japan
Dans cette vacation réalisée à huis clos, 95 % des lots
de jouets anciens ont trouvé preneur à Chartres, 1 638 €
haut lieu des ventes aux enchères dans cette spécialité Paire de bougeoirs
très active et internationale. C’est un jouet japonais
Époque Louis XIV, bronze doré finement
des années 1950 qui a créé la surprise : un petit ciselé de lambrequins, h. 22 cm.
hydravion, en parfait état de marche, qui s’est envolé
à 4 720 € pour atterrir chez un collectionneur
suisse. «C’est l’exemple même du coup de foudre,
+
commente le commissaire-priseur Jean-Pierre Lelièvre.
Il n’y a pas d’explication particulière si ce n’est que l’objet
était beau et rare. Les Japonais ont fabriqué de très beaux
jouets après la Seconde Guerre mondiale.» A. M.

Hydravion mécanique Gee Bee TN


Japon, années 1950, tôle lithographiée, long. 18 cm.
4 720 € Estimation : 150 à 200 €

2 394 €
Tabouret aux montants balustres
Osenat • Versailles • 15 novembre reliés par une entretoise en X

La chaussure Époque Louis XIV, bois de noyer et tapisserie,


42 x 49 x 41 cm.
de l’archiduchesse
Pour bien vendre un objet (aussi futile fût-il) +
ayant appartenu à un personnage historique, il faut
une provenance en béton, c’est-à-dire certifiée proche
dudit personnage et sans «trou» dans son pedigree
jusqu’à nos jours. Ce soulier de Marie-Antoinette
descend de la famille de Charles Gilbert de Lachapelle,
commissaire général de la Maison du Roi, qui
fut guillotiné en 1794. Sa femme Marie Émilie,
née Leschevin, était une amie proche de Madame
Campan – première femme de chambre de la Reine –,
et avait conservé ce souvenir que se sont disputé
de nombreux enchérisseurs en ligne : des Français
10 080 €
mais aussi des Américains et des Russes fascinés par Commode à trois tiroirs
Alain Jacquet Camouflage Lichtenstein / l’histoire de France. La royale relique devrait Époque Louis XIV, placage de bois satiné
et d’amarante, ornementation de bronze verni
Picasso, Femme dans un fauteuil bientôt traverser l’Atlantique. A. M. aux poignées et à motif de masques de satyre
1963, huile sur toile, 130 x 97 cm. aux entrées de serrure, 120 x 62 x 81 cm.

=
122 940 € Estimation : 60 000 à 80 000 €

Piasa • Paris • 28 octobre


Alain Jacquet,
un pop français au top
Pour cette ultime vente de 90 lots consacrée
à la collection du galeriste genevois d’art
moderne et contemporain Daniel Varenne, disparu
en mars 2018, le succès était au rendez-vous.
Sa carrière était indissociable de celle de Jean
Dubuffet, Jean Pierre Raynaud, Ben ou encore
Alain Jacquet dont les œuvres ont fait ici un carton.
À commencer par Camouflage Lichtenstein/
Picasso, Femme dans un fauteuil, attendu autour
de 60 000 €, et envolé au double. Selon la maison
de ventes Piasa, «ces résultats confirment Soulier de couleur de la reine
13 860 €
l’importance sur le marché de l’artiste français Marie-Antoinette Paire de chenets
dont le travail s’inscrit indéniablement dans XVIIIe siècle, soie et chevreau, rubans plissés,
Époque Louis XIV, en forme de pyramide
reposant sur une base à décor de médaillon
la lignée du pop art américain et du Nouveau talon de 4,7 cm, long. 22,5 cm.
sur des pieds en griffe, h. 42 cm.
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