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L’APPAREIL FORMEL DE L’ENONCIATION : É.

BENVENISTE

Il existe, au sein des énoncés produits par les locuteurs individuels, des marques de la « mise en
fonctionnement de la langue » : c’est ce que Benveniste appelle « l’appareil formel de l’énonciation »,
qui porte dans les productions verbales la subjectivité des locuteurs.

La situation d’énonciation
La situation d’énonciation est constituée par l’ensemble des paramètres qui permettent la
communication : Le locuteur, l’interlocuteur, le lieu et le moment de leur échange. Ces paramètres
s’inscrivent dans certaines formes de la langue, à travers la deixis.
Deixis est un mot grec qui signifie « ostension, fait. de montrer » et qui est employé pour désigner
l’identification langagière des paramètres de la situation d’énonciation.
Les déictiques : les indicateurs personnels et spatio-temporels, bien que Benveniste n’emploie le
terme que pour les derniers.
Jakobson utilisera le terme embrayeur, traduction de l’anglais shifter, emprunté à Jespersen (1922). Il
le définit ainsi :

« Tout code linguistique contient une classe spéciale d’unités grammaticales qu’on peut appeler les
embrayeurs : la signification générale d’un embrayeur ne peut être définie en dehors d’une référence
au message » (1 963 : 1 78).

Les déictiques personnels


Les pronoms personnels : ils marquent la présence du locuteur et de l’interlocuteur dans l’énoncé.
Benveniste a montré que les pronoms de 1 ère et 2ème personne ont un statut différent de ceux de 3 ème
personne, justement parce qu’ils constituent des marqueurs de la situation d’énonciation.
En effet, les personnes 1 et 2 n’ont de réalité que dans le discours et n’ont pas de signifié stable et
universel :

« Quelle est donc la « réalité » à laquelle se réfère je ou tu ? Uniquement une “réalité de discours, qui
est chose très singulière » (1966 : 252).

Les déictiques spatio-temporels

L’espace et le moment de l’énonciation s’inscrivent dans d’autres formes de la langue qui ne peuvent
elles aussi s’élucider qu’à partir de la situation d’énonciation :

« Ce sont les indicateurs de la deixis, démonstratifs, adverbes, adjectifs, qui organisent les relations
spatiales et temporelles autour du ‘sujet” pris comme repère : « ceci, ici, maintenant », et leurs
nombreuses corrélations « cela, hier, l’an dernier, demain », etc. Ils ont en commun ce trait de se
définir seulement par rapport à l’instance de discours où ils sont produits, c’est-à-dire sous la
dépendance du je qui s’y énonce » (1966 : 262).

Les déictiques spatiaux peuvent être :


- des démonstratifs (Fermez cette porte),
- des adverbes et locutions adverbiales (Il faut tourner à gauche),
- des présentatifs (Voilà Paul) ;
Les déictiques temporels peuvent être :
- des adverbes et locutions adverbiales (J’étais en vacances le mois dernier),
- des éléments de démonstratifs (Ce mois-ci, les choses iront mieux),
- des temps verbaux (ceux qui s’ordonnent autour du moment d’énonciation ont une valeur déictique
plus ou moins évidente, puisqu’ils se comprennent en prenant pour repère le moment où le locuteur
parle).

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Les modalités d’énonciation

Il existe également des marques d’énonciation non déictiques : c’est le cas de la modalité, c’est-à-dire
de la manière dont le contenu de l’énoncé est envisagé.

Chaque phrase comporte un dictum, le contenu représenté, et un modus, l’opération psychique par
laquelle Ie locuteur donne une certaine forme linguistique » à ce dictum.
La modalité d’énonciation concerne le rapport subjectif que le locuteur installe avec l’interlocuteur.

D’un point de vue grammatical phrastique, il est d’usage d’attribuer quatre modalités à la phrase
française:

— assertive : Tu restes souvent silencieux.


— interrogative : Restes-tu souvent silencieux ?
— exclamative : Tu restes souvent silencieux!
— jussive : Reste silencieux!

Les modalités d’énoncé

Les modalités d’énoncé concernent le dictum lui-même. Elles expriment l’attitude du locuteur par
rapport au contenu de l’énoncé.

Les modalités logiques


On distingue généralement cinq types de modalité.

— les modalités aléthiques, qui concernent la nécessité et la possibilité ;


— les modalités temporelles, qui ont trait à la représentation du passé et du futur;
— les modalités déontiques, signalant la permission et l’obligation;
— les modalités bouliques, exprimant le regret et le désir;
— les modalités épistémiques, concernant la connaissance et la croyance.

Les modalités appréciatives


Les modalités appréciatives sont celles qui permettent au locuteur d’exprimer sa subjectivité de
manière non déictique.

Kerbrat-Orecchioni (1980)

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