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I-Rousseau 

:il faut distinguer l’amour de soi de l’amour propre


1-l’amour de soi : L’amour de soi est une disposition primitive selon laquelle chacun veille à sa propre conservation. Il consiste à
satisfaire ses besoins immédiats pour survivre et vivre ; « l’amour de soi-même est un sentiment naturel qui porte tout animal à veiller
à sa propre conservation et qui, dirigé dans l’homme par la raison et modifié par la pitié, produit l’humanité et la vertu. »

L’amour de soi est une passion primitive, dit Rousseau. Le primitif est ici l’originaire, ce qui est premier dans l’ordre des
déterminations naturelles. Il est antérieur à la raison car si celle-ci implique certaines conditions pour se développer, en particulier des
conditions sociales (langage, éducation), l’amour de soi renvoie à la spontanéité dans ce qu’elle a de vital. Tout être vivant tend à
persévérer dans son être c’est-à-dire à rechercher ce qui satisfait ses désirs et à fuir ce qui menace son expansion. C’est là son
inclination naturelle et sa préoccupation majeure. C’est dire qu’il ne se contente pas d’éprouver le désir de se conserver mais encore il
y prend intérêt. Prendre intérêt à quelque chose consiste à juger que cela est digne d’attention et d’efforts. « Chacun étant chargé
spécialement de sa propre conservation, le premier et le plus important de ses soins est et doit être d’y veiller sans cesse, et comment
y veillerait-il ainsi s’il n’y prenait le plus grand intérêt ? » L’amour de soi est donc un attachement aussi bien sensible que spirituel à
sa vie. Celle-ci étant le bien propre de chacun, rien n’est plus naturel et légitime que de veiller à la sauvegarder et à la déployer sous
forme heureuse. S’aimer soi-même consiste donc à avoir le souci de son être, à poursuivre toutes choses en vue de cet
accomplissement. Un souci est ce qui occupe l’esprit, ce qui le mobilise avec la nuance d’inquiétude que le terme connote. L’existant
est en souci pour lui-même, autrement dit il se sent en charge de son être .S’aimer soi-même c’est donc être infiniment intéressé
à prendre soin de son être, à avoir de la sollicitude pour tout ce qui le concerne.
  
    Il s’ensuit que l’amour de soi est, en qualité de mouvement naturel, conforme à l’ordre tel que Dieu l’a voulu. Sa légitimité est celle
de l’ordre naturel des choses. Certes il n’est pas bon en ce qu’il ne conduit pas nécessairement l’homme à agir moralement mais si la
satisfaction de ses besoins ou de ses désirs n’est pas inoffensive pour cette même satisfaction chez autrui, la nature a bien fait les
choses en lui inspirant une répugnance innée à voir souffrir son semblable ;le sentiment de pitié empêche l’amour de soi de dégénérer
en violence contre autrui.

 Toutes nos passions, affirme Rousseau, dérivent de cet amour de soi mais sous l’effet de diverses influences, en particulier de la vie
civile, il peut se dénaturer et aller à l’encontre des fins de la nature ; On peut donc dire que la nature est bonne parce qu’il est bon que
chacun veille à sa propre conservation, prenne intérêt à cette recherche, aime sa propre existence et tout ce qui la conserve.
   Tout ce qui écarte l’homme de cette tendance naturelle et le conduit à souffrir plutôt qu’à exister dans le contentement de son état
est mauvais mais cette perversion, l’homme ne la doit qu’à lui-même ou plutôt à ce qui le définit comme homme, à savoir
sa perfectibilité. 

2-L’amour-propre :son avénement correspond au moment où l’homme va sortir de l’état sauvage ,losrqu’il va perdre son
innocence, cesser d’avoir son centre de gravité en soi pour vivre dans le regard des autres. L’amour de soi se dégradant en amour
propre, le paraître se substituant à l’être, il va payer en aliénation, en méchanceté et en malheur le développement de ses aptitudes
dont la malédiction est de faire éclore ses vices en même temps que ses vertus.
L’amour-propre élargit abusivement le souci de soi à toute une série de relations artificielles, par le jeu des comparaisons que produit
la raison. « L’amour propre n’est qu’un sentiment relatif, factice, et né dans la société, qui porte chaque individu à faire plus de cas
de soi que de tout autre, qui inspire aux hommes tous les maux qu’ils se font mutuellement, et qui est la véritable source de l’honneur.
»
A l’état de nature, l’amour de soi reste moralement neutre : il est profitable à l’individu sans engager une liaison particulière à autrui.
Mais en même temps que se développent les relations interhumaines, la raison permet à l’homme de se comparer à ses semblables et,
du même coup, elle inscrit l’amour de soi dans des rapports sociaux . Dans la société, les comparaisons qui déterminent l’orientation
de l’amour-propre ne dessinent que des relations de concurrence, où il ne s’agit plus simplement de se conserver, mais bien de se
préférer aux autres – et surtout, de réclamer des autres une préférence que chacun sollicite pour son propre compte. Ainsi se forme
l’amour-propre, qui, ne peut jamais être satisfait et constitue le moteur de l’existence passionnelle de l’homme. « L’amour propre est
toujours irrité ou mécontent, parce qu’il voudrait que chacun nous préférât à tout et à lui-même, ce qui ne se peut. »

3-L’amour de soi rend le bonheur possible ,l’amour propre rend le mal possible


Pour expliquer l’origine du mal, Rousseau propose une double distinction conceptuelle, entre amour de soi et amour-propre d’une
part, et entre « vrais besoins » et « nouveaux besoins » d’autre part. Pour Rousseau, le Mal provient de l’amour-propre parce que
celui-ci « se compare ». La comparaison déprave les cœurs. Aussi, pour prévenir la dépravation dans le cœur des individus, il prône
l’exaltation de l’amour de soi, source des passions douces et voie d’un bonheur en harmonie avec la nature , et la répression de
l’amour-propre, source des passions funestes (jalousie, envie, rancune, etc.). C’est au nom des passions de comparaison que les
hommes font le mal. Il faudrait cesser de se comparer à autrui, pour que les individus parviennent à vivre ensemble en bonne
compagnie. L’amour de soi est égocentrique mais il n’est pas égoïste ou narcissique : dans ce cas, le bien moral pourrait provenir de
l’égocentrisme.
L’amour-propre exige que « les autres nous préfèrent à eux » : si en effet l’amour-propre devait être comblé, il faudrait que nous
obtenions ce qui nous fait envie chez les autres – donc qu’autrui nous en fasse cadeau, et ainsi nous donne la préférence : qu’il se
sacrifie pour nous, en somme, ce qui est impossible. La vie en société créé donc des hostilités ; La société, loin d’améliorer les
individus, semble donc provoquer la corruption qui la ronge.
L’amour de soi est la source de la quête personnelle du bonheur, en revanche l’amour-propre recherche la satisfaction . La satisfaction
se distingue du bonheur : puisqu’il est impossible que les faux besoins de l’amour propre soient satisfaits, il s’ensuit que nous ne
pourrons jamais les contenter et être heureux : ils risquent donc de nous rendre malheureux.
S’aimer soi-même consiste donc à aspirer à son propre bonheur . Cette aspiration à être heureux, cet intérêt pris à l’affirmation de son
être est naturel et par voie de conséquence universel.

Texte de Pascal
1. Comment l'amour-propre est-il décrit ? Relevez les principales expressions qui s'y rapportent.
2. Quel regard Pascal porte-t-il sur ce défaut et sur la nature humaine de manière générale ?
3. Quelles contradictions déterminent le comportement humain ? Quel impact cela a-t-il sur les relations sociales ?
4. Quelle serait la bonne réaction à avoir face aux jugements des autres d'après Pascal ? Est-ce ce qui arrive réellement ?

Pascal décrit l’amour propre comme un défaut humain qui pervertit les relations sociales 
L’amour-propre source d’aveuglement et de tromperie :dans son égoisme l’homme oublie que son moi est plein de défauts et de
misères. ;tout le renvoie à sa propre déchéance .
Au lieu de prendre conscience de ses défauts l amour propre inspire à l homme une attitude que Pascal juge criminelle à savoir la
haine de la vérité.
Il se plait à cacher la vérité aux autres : Ce qu’il vise c’est de paraitre parfait et aimable à ses yeux et aux yeux des autres mais il ne
peut pas ne pas voir son imperfection foncière. Pascal en déduit la passion qui anime l’amour-propre qu’il qualifie d’injuste : le
mépris de la vérité.
Il critique cette attitude puisqu’elle ajoute au mal de l’imperfection le mal de la tromperie volontaire. Il la qualifie d’injuste puisque
nous faisons aux autres ce que nous ne voulons pas qu’ils nous fassent : les tromper. Pascal lui oppose l’attitude juste, que les autres
dévoilent nos défauts, qu’ils nous délivrent de l’erreur.
Elle présuppose selon lui un homme bon. Or, comme ce n’est pas le cas, il prouve ainsi par un raisonnement par l’absurde la
méchanceté intrinsèque de l’homme. Pascal énonce cette méchanceté de l’homme par deux questions rhétoriques ouvertes pour laisser
à son lecteur le soin d’en tirer la conséquence.

L’amour propre que Pascal appelle aussi de concupiscence est l’amour de la créature qui ne dépend plus de Dieu,abandonné par le
seigneur,l’homme est voué à la déchéance et à la misère de sa condition. . Pascal suit saint Augustin, pour qui c’est la volonté qui
aime, au sens où elle désire, est attirée, comme aimantée par son objet. 
Si c’est par Dieu, cela donne la charité, mais si c’est par la créature, cela donne la concupiscence. L’amour mobilise l’âme, lui donne
force et vie ; il la conduit vers son « lieu naturel » : « Mon poids, c’est mon amour », Pondus meum amor meus, disait saint Augustin
dans les Confessions (XIII, 9). 
Il n’existe qu’un seul amour différencié par les créatures qu’il choisit :Dieu ou le monde matériel,charité ou amour de concupiscence.
L’amour-propre est une horreur car l’homme s’y aime au lieu d’aimer Dieu.
Les manifestations de l'amour propre: Il se présente essentiellement sous trois formes :
L'intérêt : C'est le moteur de l'amour propre. La quête de la fortune en est l'illustration la plus simple et la plus répandue: je cite : «
Toutes les occupations des hommes sont à avoir du bien « (frag 62) 
Généralement, l'amour propre relève de ce que la théologie appelle la concupiscence , une convoitise excessive et qui pousse à nuire à
autrui. C'est en ce sens que Pascal écrit 
« Ils [les hommes] n'ont point trouvé d'autre moyen que de satisfaire leur concupiscence sans faire de tort aux autres. « frag 108
 La gloire: Rechercher la gloire cela veut dire avoir une haute estime de soi. Elle implique l'admiration des autres et est ainsi une
sorte de miroir dans lequel on se complait
La vanité: L'orgueil, la prétention, la suffisance  conduisent à se mettre en scène, à parler ou à faire parler favorablement de soi,  à
propos de choses et d'activités jugées futiles au regard de Dieu.
Le Tableau du Caravage 
Toile peinte à la fin du XVIᵉ siècle, plus précisément en 1598. Cette œuvre est l’une des plus connues du peintre italien de la
Renaissance.
1-L’amour de soi est une passion ravageuse : fascination , ,pathologie, dépendance maladive,
2-L’amour de soi une utopie déréalisante :chimère, aveuglement , paranoïaque ,prendre l’image pour la réalité
3-Un amour sans issue : absence d’interaction ; un amour tragique ; la prison du narcissisme (hypertrophie narcissique).
Sur cette toile, on observe un jeune garçon qui demeure éclairé dans un environnement à dominante sombre. Il est agenouillé au bord
d’une étendue d’eau et s’appuie sur ses mains. Il contemple son propre reflet qui apparaît à la surface de l’eau alors qu’il se désaltère.
Quelle question pose ce tableau sur le thème de l’amour ?
Finalement avec sa représentation de Narcisse, Le Caravage nous invite à nous poser la question suivante : dans quelle mesure
l’amour de soi peut-il être toxique ?
Analyse – L’amour nocif de Narcisse pour lui-même
Le Caravage propose ici une représentation des excès de l’amour de soi et de ses potentielles conséquences. Le peintre met en exergue
le piège dans lequel tombe Narcisse, celui d’un amour autocentré qui le mène à sa perte. Étudions ensemble les modalités de cet
amour toxique.
I. Un amour, mais quel amour ?
A. Un amour passionnel poussé à son paroxysme
Narcisse du Caravage est une représentation d’une passion, une passion soudaine, inattendue. Narcisse aime éperdument ce qu’il
découvre dans l’eau. Ce sentiment, que l’on peut définir comme de l’amour propre, devient capital et prend le pas sur toutes les autres
émotions.
Le Caravage représente dans ce tableau un jeune homme transi par l’amour, dont la posture témoigne d’une forme de surprise et
d’admiration face à son propre reflet. Ainsi, le Narcisse du Caravage a la bouche entrouverte, il est ébahi, fasciné par l’image qu’il
découvre à la surface de l’eau. De plus, la position de Narcisse est ambiguë : il est à la fois ancré au bord de l’eau et comme prêt à
plonger pour étreindre l’objet de cet amour.
B. Un amour envahissant
Le Caravage donne l’impression que le sentiment qu’éprouve Narcisse devient toxique et envahit son esprit ainsi que tout
l’environnement du jeune homme. Tout s’assombrit autour de Narcisse ; Le Caravage donne ainsi l’impression que cette obscurité,
symbolisant un amour de soi poussé à l’extrême, menace de causer la perte de Narcisse .
II. Les pièges de cet amour
A. Un amour illusoire
En réalité, Narcisse est prisonnier d’une illusion. Plus précisément, il est victime d’une double illusion : d’abord une illusion
d’optique face au miroir que constitue l’étendue d’eau dans laquelle il se regarde. Mais il est surtout victime d’une illusion amoureuse
qui lui fait ignorer qu’il tombe amoureux de sa propre image. Cette illusion, qui fait croire à un amour sincère envers un autre que soi,
et qui efface toute autre réalité comme le signale la noirceur au second plan du tableau, plonge Narcisse dans un état tel qu’il perd
conscience de lui-même et du monde qui l’entoure, jusqu’à se noyer dans son propre reflet.

Narcisse est donc victime d’un amour de soi illusoire, un amour qui l’enferme et fait peu à peu disparaître tout ce qui l’entoure.
B. Un amour qui prive Narcisse de sa conscience
L’amour peut se définir comme un lien fort qui lie les individus entre eux, un lien qui établit donc une relation entre des personnes
distinctes. Mais Narcisse est seul, amoureux de lui-même. Il ne sait plus qui se trouve dans le reflet qu’il contemple. Alors que le lien
amoureux permet normalement, grâce à la discussion et à l’échange, de prendre conscience de soi, Narcisse est ici enfermé dans un
amour toxique qui le prive de la distance et du contact de l’altérité, tous deux nécessaires à une véritable prise de conscience de soi et
du monde.
C. Narcisse ou le prisonnier de ses sentiments
En outre, le cercle formé par le corps de Narcisse et son propre reflet témoigne de l’enfermement dans lequel se trouve Narcisse,
prisonnier d’une situation qu’il subit, étreint par des sentiments qu’il ne maîtrise pas. Narcisse aime, il s’aime lui-même, mais cet
amour, qui habituellement rapproche deux êtres différents, fait perdre ses repères à Narcisse : il ne sait plus qui il est, il est happé par
ses sentiments. Narcisse est donc prisonnier de cet amour toxique qu’il éprouve pour lui-même.
Que retenir ?
Avec Narcisse, on se rend compte que l’amour de soi peut être toxique, qu’il n’est parfois qu’une chimère qui enferme l’homme et qui
le prive de sa conscience. Le Caravage, à travers la figure mythologique de Narcisse, met en lumière les pièges d’une telle forme
d’amour. Il montre ainsi que l’amour implique, pour être bénéfique à l’homme, une mise à distance entre le sujet aimant et l’objet
aimé. Aimer oui, mais aimer autrui, car s’aimer trop condamne. Si celui qui aime est à la fois sujet et objet, alors l’amour enferme, il
prive l’homme de sa liberté et le conduit à sa perte.

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