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CDP_183_Berteretche - 5.9.

2018 - 09:47 - page 178

PROTHÈSES ET RECHERCHE
Édentement
et prothèse
adjointe sans
apport de
Coordination Marie-Violaine Berteretche
l’implantologie ?
PU-PH, Université Paris Diderot-Paris 7
Point de vue du patient.
Étude sur un groupe
de 52 patients

J. LÉVY, M.-V. BERTERETCHE

L ’implantologie occupe aujourd’hui une place de choix


© Initiatives Santé 2018

dans notre approche thérapeutique de l’édentement.


Elle permet incontestablement une amélioration des
fonctions oro-faciales.
Plus particulièrement, face à un édentement complet,
la stabilité et la rétention des prothèses adjointes sont signi-
ficativement augmentées. Cette thérapeutique répond à
l’inconfort rapporté fréquemment, et améliore significative-
Mots-clés ment la qualité de vie des patients.
Implantologie, prothèse adjointe, édentement, choix théra- Pourtant, ces traitements implantaires ne sont pas toujours
peutique acceptés, et ce particulièrement par les sujets âgés [1, 2].
Même si les raisons financières occupent une place non négli-
geable, les raisons de ces refus sont multiples et variées.
Référence Ce constat s’explique-t-il par un réel scepticisme, par des
Lévy J., Berteretche M.-V. Édentement et prothèse adjointe
limitations cliniques excluant cette alternative, ou simple-
sans apport de l’implantologie ? Cah Prothèse 2018;183:
178-185.
ment par une information insuffisante des patients face à
cette possibilité ?
L’objectif de cette étude a été d’aborder les différentes
causes évoquées par les patients qui orientent leur choix
vers des traitements de prothèses adjointes conventionnel-
les, plutôt que vers une prothèse à complément de réten-
tion implantaire, voire une prothèse implanto-portée.

MATÉRIELS ET MÉTHODES

Les patients
Les patients inclus dans l’étude venaient consulter pour
une réhabilitation prothétique pour laquelle une solution

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FORMATION & SCIENTIFIQUE


implantaire aurait pu être envisagée, solution refusée par les – La crainte du sentiment de la présence d’un corps étranger ;
patients. – Un temps de cicatrisation trop long ;
L’étude porte sur 52 patients (23 patients d’un cabinet – L’entourage ayant eu une mauvaise expérience ;
privé et 29 patients de l’hôpital Rothschild), âgés de 59 ans – Déclare avoir un os de mauvaise qualité.
(EC ± 14) ; 30 d’entre eux étaient porteurs d’une prothèse Ces différents motifs ont été proposés aux patients qui
adjointe. pouvaient « choisir » la ou les raisons les ayant conduits à ce
Ils ont été informés des objectifs de l’étude et ils ont refus du traitement implantaire. Des différences en fonction
accepté de répondre oralement à chacun des question- du sexe, de l’âge, du port ou non d’une prothèse adjointe
naires. Ceux-ci intéressaient quatre items portant sur : ont été secondairement analysées.
l’évaluation de la qualité de vie ; les motifs de refus ; la
connaissance des implants ; l’évaluation de la qualité des 3e Item : le niveau de connaissance sur les implants
prothèses existantes. Les questions portaient sur la description d’un implant,
sur la connaissance du matériau utilisé, sur la durée de vie et
1er Item : la qualité de vie l’incidence de l’âge du récipiendaire. L’objectif était d’évaluer
Elle est évaluée via le questionnaire GOHAI, qui a été le niveau de culture « implantaire » des patients et comment
proposé en 1990 par Atchison et Dolan [3]. Initialement ils avaient acquis celui-ci (praticien, journaux, télévision,
proposé en anglais, il a été secondairement validé en entourage) puis, dans un deuxième temps d’évaluer son
français [4]. Il comporte 12 items relevant de trois domaines : incidence sur le refus du traitement implantaire.
– Le domaine fonctionnel : manger, parler, avaler (questions
1 à 4) ; 4e Item : Évaluation de l’état des prothèses
– Le domaine psychosocial : inquiétudes, doléances esthé- Cet item, établi d’après les travaux de Sato et coll., per-
tiques, altérations des contacts sociaux (questions 6-7, mettait d’évaluer les qualités de la ou des prothèse(s) exis-
9-11) ; tante(s) de façon reproductible [6]. Il aborde successivement
– Le domaine de l’inconfort ou de la douleur (questions 5 les qualités biomécaniques (sustentation-stabilisation-réten-
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et 8). La dernière question concerne la sensibilité ther- tion), esthétiques et fonctionnelles (dimension verticale
mique, ou la sensibilité aux aliments sucrés des dents d’occlusion).
naturelles. Elle a été rattachée à la notion de confort ou Un point a été attribué à chaque critère biomécanique
d’inconfort. s’il était satisfaisant, ainsi qu’à l’évaluation de l’occlusion
Pour chaque question, un score de 1 à 5 est attribué selon et du montage antérieur et postérieur des dents, ce qui
la réponse apportée par le patient. Le score GOHAI découle donne un ensemble noté sur 5 points. Les scores sont
de la somme des scores obtenus au niveau des 12 items. positifs entre 4/5 et 5/5 ; modérés à 3/5 ; faibles entre
Cette somme « GOHAI add » permet d’évaluer la qualité de 0/5 et 2/5.
vie des patients interrogés. Le total s’élève à 60. Entre 57 Ce score a permis d’établir une relation entre qualité de la
et 60, la qualité de vie liée à la santé orale est considérée prothèse et refus du traitement implantaire.
comme satisfaisante, entre 51 et 56 comme moyenne. Un
score inférieur à 50 correspond à une mauvaise santé
buccale.
RÉSULTATS
Le score obtenu au GOHAI participera à la compréhen-
sion des raisons du refus de certains patients pour le traite- Indicateur de qualité de vie en relation avec la santé
ment implantaire, aux dépens d’un traitement de prothèse orale : le questionnaire GOHAI
adjointe classique. Le score moyen du GOHAI obtenu est de 37,11 ± 4,15.
Aucun patient n’a obtenu un score élevé ; 2 patientes
2e Item : les raisons du refus des implants présentaient un score modéré (patientes portant une pro-
Le questionnaire a été élaboré d’après une étude de thèse adjointe, l’une interrogée au cabinet obtenant un
Müller et coll. portant sur les différents motifs des patients score de 51, l’autre interrogée à l’hôpital avec un score
relatifs au refus du traitement implantaire [5]. de 52). 49 patients présentaient un score faible (entre 22
Huit motifs d’objections potentielles à un traitement et 50).
implantaire ont été choisis, car les plus fréquemment rap-
portés : n Scores GOHAI en fonction du sexe
– Le coût ; Le score total au GOHAI s’élève à 39,27 chez les
– N’en voit pas l’intérêt ; hommes et à 36,31 chez les femmes ; la différence est
– Se considère trop vieux ; non significative (fig. 1). Dans le domaine fonctionnel et
– La peur de l’intervention ; dans celui de l’inconfort ou de la douleur, les résultats

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Édentement et prothèse adjointe sans apport de l’implantologie ?

50
NS
45
40
35

Score GOHAI
30
25
NS
20
NS
15
10 NS
5
0
D. Fonc onnel D. Psychosocial D. Douleur Gohai
Figure 1 - Scores GOHAI en fonction
du sexe : les 3 domaines du GOHAI Homme 14,15 17,26 7,84 39,26
et score du GOHAI add Femme 13,96 15,19 7,15 36,30
(NS : non significatif).

sont quasiment similaires. En fait, quel que soit le par rapport à celui des non-porteurs de PA (13,7,
domaine considéré, les scores du GOHAI ne diffèrent p < 0,01 ; test de Student). Dans le domaine fonctionnel,
pas en fonction du sexe. si leur score est aussi supérieur, cette différence n’est
pas significative (fig. 2).
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n Scores GOHAI en fonction du port d’une prothèse adjointe


Parallèlement, l’évaluation des prothèses adjointes a
Les patients porteurs d’une prothèse adjointe (PA) montré que : 11 patients ont obtenu un résultat négatif
obtiennent un score total moyen de 40,3, donc supé- (entre 0/5 et 2/5) ; 6 patients ont obtenu un résultat
rieur au score de 34,36 obtenu par les non-porteurs de modéré (3/5) ; 13 patients ont obtenu un résultat positif
PA, différence significative (p < 0,01 ; test de Student). (entre 4/5 et 5/5).
De même, les patients porteurs de PA obtiennent un Les patients ayant obtenu un score positif sont ceux qui
score supérieur dans le domaine psychosocial de 18,03 ont obtenu les meilleurs scores au GOHAI proche de 50.

50
**
45

40

35
Score GOHAI

30

25
**
20
NS
15

10 NS

0 Figure 2 - Score GOHAI en fonction du


D. Fonconnel D. Psychosocial D. Douleur Gohai port ou non d’une PA : les 3 domaines
PA 14,53 18,03 7,73 40,3 du GOHAI et score GOHAI total.
Sans PA 13,41 13,77 7,39 34,36 (** p < 0,01, Test t de Student,
NS : non significatif).

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même, la peur de l’intervention est objectée plus fréquem-
État de connaissance des implants ment chez les femmes (17,3 % chez les femmes et 7,6 % chez
La majorité des patients (n = 46) venus consulter avaient les hommes). Le manque d’intérêt pour un traitement
déjà entendu parler des implants dentaires, contre 6 patients implantaire est retrouvé pour 11,5 % des hommes contre
(11,6 %) qui n’en avaient jamais entendu parler. 5,7 % des femmes ; et enfin, 7,7 % des femmes refusent le
Sur les 46 patients ayant entendu parler des implants traitement implantaire du fait d’une mauvaise expérience
dentaires, 38 ont été en mesure de décrire l’implant, pour rapportée par des amis, mais 5,7 % seulement des
la plupart tel une vis, voire un pivot. hommes (fig. 3).
25 patients ont entendu parler de l’implant dentaire par
des personnes en ayant bénéficié, 15 en ont entendu parler n Raisons du refus en fonction du lieu de consultation
par les médias (télévision, journaux), 4 par leur chirurgien- En fonction du lieu de consultation, les refus liés au coût
dentiste et 2 par d’autres moyens. du traitement sont peu différents et représentent 32,60 %
Pour 47 % des patients, l’âge n’est pas un facteur chez les patients à l’hôpital contre 31,57 % pour les patients
déterminant pour la pose d’un implant dentaire. Plus de du cabinet. En revanche, la peur de l’intervention est beau-
la majorité des participants (64,8 % soit 33 patients) coup plus présente chez les patients du cabinet avec 17,3 %,
affirment ne pas connaı̂tre la durée de vie d’un implant. par rapport à ceux de l’hôpital avec 7,7 %. Mais ces derniers
sont plus nombreux à répondre qu’ils ne voient pas l’intérêt
Raisons du refus d’un traitement implantaire d’un traitement implantaire (9,6 %) par rapport à ceux du
Les raisons principales du refus du traitement implantaire cabinet (7,7 %). Inversement, l’objection de l’âge est un
sont en premier lieu le coût (52 %), suivi de la peur de facteur qui revient plus fréquemment en cabinet (9,6 %)
l’intervention (25 %). par rapport aux patients de l’hôpital (5,7 %).
Puis les patients déclarent : avoir un os de mauvaise
n Raisons du refus en fonction du port d’une prothèse
qualité (17,3 %), ne pas en voir l’intérêt (17,3 %), se considé-
rer comme trop âgé (15,4 %), avoir des amis qui ont eu une adjointe ou non
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mauvaise expérience (13,4 %). Enfin, avec moins de 10 % de Des différences très nettes sont rencontrées entre les
réponse, les raisons sont : le temps de cicatrisation trop long patients porteurs et non porteurs d’une PA.
(9,6 %), la crainte du sentiment de corps étranger (5,7 %). Les patients porteurs d’une PA se considèrent trop âgés-
pour avoir recours au traitement implantaire (15,4 % des cas)
n Raisons du refus en fonction du sexe par rapport aux non-porteurs de PA (2 % des cas). De même,
Le coût est un motif de refus du traitement implantaire les patients porteurs d’une prothèse ne voient pas l’intérêt
objecté par 34 % des patientes et 30 % des patients. De du traitement implantaire avec 15,4 % contre 2 % (fig. 4).

Raisons du refus
20

18 17,3
Pourcentage des raisons du refus

16

14
11,5
12
9,6
10
7,6 7,6 7,6 7,6 7,7
8
5,7 5,7 5,7
6
3,8 3,8
4
1,9
2

0
J'ai peur de Je n'en vois pas Je me considère Je crains un J'ai un os de Le temps de Amis qui ont eu
l'interven on l'intérêt trop âgé sen ment de mauvaise qualité cicatrisa on est une mauvaise
corps étranger trop long expérience
Figure 3 - Raisons du refus du traitement
hommes femmes
implantaire en fonction du sexe.

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Édentement et prothèse adjointe sans apport de l’implantologie ?

Raisons du refus
18

16 15,4

Pourcentage des raisons du refus


14 13,4 13,4

12 11,5

9,6 9,6
10
7,7 7,7
8

6
3,8 3,8 3,8
4
2 2 2
2

0
J'ai peur de Je n'en vois pas Je me considère Je crains un J'ai un os de Le temps de Amis qui ont eu
l'interven on l'intérêt trop âgé sen ment de mauvaise qualité cicatrisa on est une mauvaise
Figure 4 - Raisons du refus du traitement corps étranger trop long expérience
implantaire et port d’une prothèse Pa ent porteur d'une PA Pa ent non porteur d'une PA
adjointe.

Cependant, Walton mettait en évidence que, dans le


DISCUSSION
cadre du traitement de patients édentés mandibulaires,
Aujourd’hui, proposer aux patients une solution prothé- plus de 30 % des patients avaient refusé la mise en place
tique intégrant des implants en prothèse fixée ou en pro- d’un ou deux implants symphysaires, implants qui étaient
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thèse à complément de rétention implantaire est une offerts. L’objectif de l’étude était, en supprimant le paramè-
obligation légale, quel que soit le type d’édentement. De tre financier, de déterminer les raisons du choix ou du refus
plus, l’avancée des techniques chirurgicales, entre autres de ce type de traitement [2]. Ainsi plusieurs facteurs influant
d’augmentation du volume osseux, permet de traiter le choix de ne pas réaliser ce traitement ont été mis en
« presque » tous les cas cliniques [7-9]. Toutefois ces techni- évidence, parmi lesquels l’anxiété et la crainte du geste
ques, en raison de leur complexité et de la durée du traite- chirurgical.
ment, ne sont pas toujours indiquées ou acceptées par les
patients. Mais, au-delà des situations complexes, un nombre L’anxiété, la crainte du geste chirurgical
réduit d’implants permet le plus souvent d’améliorer les Dans l’étude présentée, la peur de l’intervention est la
résultats des traitements, aussi bien sur le plan biomé- première raison du refus du traitement implantaire (25 %),
canique que cosmétique. Enfin, l’apport des traitements après le « coût de l’implant ». Puis un temps de cicatrisation
implantaires dépasse le domaine fonctionnel, apportant long et la crainte d’un sentiment de corps étranger viennent
des bénéfices socio-psychologiques indéniables [10]. renforcer l’anxiété liée au geste chirurgical. L’ensemble de
C’est pourquoi la question du refus des patients vis-à-vis ces arguments revient de façon récurrente et constitue une
de ce type de traitement interpelle. des causes majeures du non-traitement par la thérapeu-
tique implantaire.
Le coût Ces objections (la peur de la chirurgie, le temps de cica-
La raison principale du refus du traitement implantaire trisation, la crainte d’un sentiment de corps étranger et la
est en premier lieu le coût (52 % des patients interrogés) et peur du rejet de l’implant) sont retrouvées dans plusieurs
ceci quel que soit le groupe de patients considéré. études et mettent en exergue cette frontière représentée
Ce frein aux traitements implantaires est déjà connu. Une par le geste chirurgical.
étude suédoise sur l’évolution de la demande et de l’intérêt Les résultats rapportés par Walton et Mc Entee avaient
des patients pour ce type de traitement à 10 ans d’intervalle mis en évidence les raisons de l’acceptation et du refus des
(1989-1999) a permis de mettre en évidence un souhait et implants : pour 101 patients auxquels la pose de deux
une demande significativement augmentés pour ces théra- implants symphysaires était offerte, après acceptation ini-
peutiques ; néanmoins, le coût restait la raison principale de tiale de 79 % des volontaires, seuls 64 % ont finalement
leur non-réalisation [11]. De façon similaire, cette même accepté après réflexion [2]. Les raisons invoquées pour le
raison était la plus fréquemment objectée lors d’une étude refus du traitement étaient les risques chirurgicaux (43 %),
conduite chez des sujets âgés édentés [5]. le risque de complication (implant rejeté) 26 %, et le temps

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de cicatrisation trop long (17 %). Cette étude démontrait En revanche, plusieurs études montrent l’existence d’une
ainsi la crainte des patients vis-à-vis des actes chirurgicaux. corrélation entre l’âge et l’acceptation de l’implant [15-17]. Les
En 2008, ces mêmes auteurs abordaient la problématique patients âgés estiment que, par rapport à leur espérance de
du recrutement pour un essai clinique portant sur la pro- vie, l’investissement dans des traitements dentaires aussi
thèse sur implant : 32 % des patients reçus refusèrent d’y sophistiqués est inutile. Indirectement, l’âge entraı̂ne aussi
participer, évoquant à nouveaux les risques chirurgicaux à une attitude négative face au traitement implantaire, car il
45 % (la peur de l’intervention), le traitement implantaire est inévitablement lié à d’autres facteurs de refus tels que
trop compliqué à 37 % (greffe), et le temps de cicatrisation l’état de santé générale et la perte d’autonomie.
trop long à 17 % [12]. Enfin, tout changement est plus difficilement accepté
Enfin, l’étude de F. Müller en 2011, portant sur l’attitude avec l’âge. Il apparaı̂t ainsi que les patients les plus âgés
des personnes âgées face aux implants, confirmait la pro- auraient une « préférence » pour une déficience fonction-
blématique de la « peur » de la chirurgie [5]. Pourtant, il a été nelle et ne seraient pas prêts aux changements d’apparence
montré que les croyances, tant au niveau de l’intensité de la et à une nécessaire adaptation sur le plan fonctionnel et
douleur que de sa durée, étaient infondées [13]. de confort engendrée inévitablement par la nouvelle
prothèse [18]. Les patients plus jeunes, moins sceptiques,
Influence du sexe ont répondu plus favorablement à une proposition d’amé-
Le score GOHAI moyen obtenu chez les hommes et chez lioration de leur prothèse par un traitement implantaire.
les femmes n’est pas significativement différent. Une diffé-
rence existe dans le domaine psychosocial où les hommes Incidence du port d’une prothèse adjointe
ont obtenu un score légèrement supérieur comparative- Le port ou l’absence de PA semblent aussi impacter le
ment au score obtenu par les femmes. Néanmoins, ces refus du traitement implantaire. Un plus grand nombre de
variations peuvent être interprétées par le plus grand refus est noté lorsque les patients portent une PA.
souci des femmes par rapport à leur santé bucco-dentaire Le score GOHAI obtenu par ces patients est supérieur, et
et au regard extérieur. L’image de soi aurait une incidence plus encore le score intéressant le domaine psychosocial,
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plus forte sur leur prise de décision. avec des différences significatives statistiquement.
Dans le même esprit, les raisons évoquées pour le refus De façon similaire, Müller et coll. montrent qu’un tiers
du traitement implantaire et ainsi formulées : « je n’en vois des patients édentés qui ont l’expérience d’un déficit fonc-
pas l’intérêt » sont de 11,5 % chez les hommes contre 5,7 % tionnel avec une prothèse complète refusent la PAC à com-
chez les femmes. S’appuyant sur les résultats obtenus au plément de rétention implantaire [5]. Le mauvais état de la
GOHAI dans le domaine psychosocial, le score plus élevé prothèse laisserait présager une attitude négative envers les
obtenu pour les hommes dans ce domaine peut être inter- implants ! Une évaluation menée à l’aide d’un questionnaire
prété par le moindre intérêt qu’ils porteraient à leur santé sur l’attitude des patients vis-à-vis d’un traitement implan-
bucco-dentaire et au sourire par rapport aux femmes. taire avait déjà mis en évidence que les patients présentant
Une différence est également relevée dans la raison un mauvais état buccodentaire étaient les moins intéressés
du refus quant à la peur de l’intervention, plus souvent par un traitement implantaire. La satisfaction obtenue avec
évoquée chez les femmes, plus craintives que les hommes. une prothèse adjointe existante, à laquelle le patient est
De façon similaire, des études dont l’objectif était d’éva- « habitué » constitue aussi un non-intérêt pour un traite-
luer l’impact de l’anxiété pré-opératoire sur la douleur ment associé à une thérapeutique implantaire [19].
dans la chirurgie implantaire ont montré que les femmes Il faut cependant remarquer que les résultats obtenus
sont significativement plus anxieuses [5, 14]. Enfin, il apparaı̂t dans l’étude présentée dans cet article mettent en évidence
qu’elles ont davantage peur du rejet de l’implant et d’avoir que les meilleurs scores du GOHAI sont obtenus par les
un os de mauvaise qualité, l’ostéoporose étant plus élevée patients dont la PA avait été évaluée positivement. Il est
chez les femmes [5]. important de signaler enfin que la majorité des patients
porteurs de PA ont un âge très avancé plus de 80 ans en
Influence de l’âge moyenne. Les facteurs âge et port d’une prothèse adjointe
Parmi les raisons du refus d’un traitement implantaire, se combinent ainsi dans le refus d’un traitement implantaire.
l’âge intervient pour 15,4 % des patients interrogés, et 53 %
des patients pensent que l’âge est un facteur déterminant. Incidence du lieu de soin
Cette « croyance » qu’une limite d’âge existe pour un traite- Les scores GOHAI obtenus sont indifférents au lieu de
ment implantaire est connue [5]. Mais, sur un plan objectif, soin. Cependant, concernant la connaissance des implants,
aucune confirmation d’une incidence de l’âge sur ces théra- les seules réponses au questionnaire rapportant une « non-
peutiques et sur leur succès chez des patients âgés n’a été connaissance » des implants concernaient des patients
démontrée. ayant consulté à l’hôpital. De plus, la majorité des patients

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Édentement et prothèse adjointe sans apport de l’implantologie ?

de l’hôpital qui connaissaient l’implant dentaire n’étaient BIBLIOGRAPHIE


pas en mesure de le décrire.
Or une des raisons revenant fréquemment par rapport 1 Müller F, Wahl G, Fuhr K. Age-related satisfaction with complete
au refus du traitement implantaire semblerait aussi être la dentures, desire for improvement and attitudes to implant treatment.
Gerodontology 1994;11:7-12.
connaissance des implants [5]. La méconnaissance des
modalités du traitement implantaire aurait ainsi une inci- 2 Walton JN, MacEntee MI. Choosing or refusing oral implants:
dence sur l’intérêt porté à cette thérapeutique ; plus la a prospective study of edentulous volunteers for a clinical trial. Int
J Prosthodont 2005;18:483-488.
connaissance est grande, plus l’intérêt est grand. De
même, il existe une corrélation sociodémographique avec 3 Atchison KA, Dolan TA. Development of the geriatric oral health
le refus des implants. Les personnes ayant reçu une édu- assessment index. J Dent Educ 1990;54:680-687.
cation seraient plus sensibles à un traitement implan- 4 Tubert-Jeannin S, Riordan PJ, Morel-Papernot A, Porcheray S, Saby-
taire [17]. Ainsi, les patients habitant dans les zones Collet S. Validation of an oral health quality of life index (GOHAI) in
urbaines à revenu élevé et avec un haut niveau d’éducation France. Com Dent Oral Epidemiol 2003;31:275-284.
sociale seraient les plus favorables à cette thérapeutique. 5 Müller F, Salem K, Barbezat C, Herrmann FR, Schimmel M. Know-
Finalement, les raisons du refus reposent davantage ledge and attitude of elderly persons towards dental implants. Gero-
sur une méconnaissance des patients, sur des croyances et dontology 2012;29:e914-e923.
légendes autour de l’implant ainsi que sur une mauvaise 6 Sato Y, Tsuga K, Akagawa Y, Tenma H. A method for qualifying
expérience dans l’entourage du patient [20, 21]. complete denture quality. J Prosthet Dent 1998;80:52-57.
La connaissance contribue donc de façon non négligeable 7 Vanzeveren C, Grimonster J, Grivegnée A. Apport de l’implantologie
à l’intérêt porté à un traitement. en prothèse amovible partielle. Real Clin 1995;6:503-511.
8 Gochtovtt F, Greux G, Hassin M, Kurc M. Apport de l’implantologie
en 1998 : des indications plus larges dans les cas de prothèse adjointe
CONCLUSION partielle. Implant 1998;28:21-24.
L’implantologie apporte des bénéfices structuraux
© Initiatives Santé 2018

9 Davarpanah M, Szmukler-Moncler S. Manuel d’implantologie cli-


(préservation du capital osseux), fonctionnels, esthétiques, nique. Concepts, intégration des protocoles et esquisse de nouveaux
psychologiques et sociaux. Pourtant, nombre de patients paradigmes. Malakoff : collection JPIO, Éditions CdP, 2012.
ne souhaitent pas avoir recours au traitement implantaire. 10 Wismeijer D, Van Waas MA, Vermeeren JI, Mulder J, Kalk W.
L’analyse des raisons du refus a permis de mettre en Patient satisfaction with implant-supported mandibular overdentures.
évidence que le coût n’était pas le seul motif d’objection A comparison of three treatment strategies with ITI-dental implants.
au traitement, même s’il demeure le motif principal. Int J Oral Maxillofac Surg 1997;26:263-267.
L’anxiété, les douleurs postopératoires, la crainte d’un 11 Narby B, Kronström M, Söderfeldt B, Palmqvist S. Changes in
sentiment d’un corps étranger et principalement la peur attitudes toward desire for implant treatment: A longitudinal study
de la chirurgie ont été des motifs récurrents du refus. À of middle-aged and older Swedish population. Int J Prosthodont 2008;
cela s’ajoute une durée de traitement longue décourageant 21:481-485.
le patient. L’âge est également un facteur prépondérant, 12 Walton JN, MacEntee MI. Screening and enrolling subjects in a
même si aucune étude scientifique n’a démontré que l’âge randomized clinical trial involving implant dentures. Int J Prosthodont
était une contre-indication au traitement implantaire. 2008;18:483-488.
L’ensemble de ces différents motifs semblent ainsi reposer 13 Morin C, Lund JP, Villarroel T, Clokie CM, Feine JS. Differences
sur une méconnaissance de l’implant. Finalement, il faut between the sexes in post-surgical pain. Pain 2000;85:79-85.
s’interroger sur la connaissance et l’information en posses- 14 Candido MC, Andreatini R, Zielac JC, De Souza JF, Losso EM.
sion du patient. De toute évidence, le chirurgien-dentiste est Assessment of anxiety in patients who undergo surgical procedures
la personne la plus indiquée pour informer et apporter des for tooth implants: a prospective study. Oral Maxillofac Surg 2015;19:
renseignements objectifs sur le traitement implantaire. Une 253-258.
bonne information permet de diminuer les angoisses et rend 15 Tepper G, Haas R, Mailath G, Teller C, Zechner W, Watzak G, Watzek
le patient sensible aux avantages de cette thérapeutique. G. Representative marketing-oriented study on implants in the Aus-
Une relation de confiance doit s’établir avec le patient. trian population. II. Implant acceptance, patient- perceived cost and
La communication doit se construire autour de ses patient satisfaction. Clin Oral Implants Res 2003;14:634-642.
préoccupations. Ainsi, l’information et les connaissances 16 Zimmer CM, Zimmer WM, Williams J, Liesener J. Public awareness
dans le domaine de l’implantologie doivent être déve- and acceptance of dental implants. Int J Oral Maxillofac Implants 1992;
loppées, et le rôle du praticien en tant que principal média- 7:228-232.
teur de l’information est capital afin de transmettre au 17 Berge TI. Public awareness, information sources and evaluation of
patient les avantages et les inconvénients liés au traite- oral implant treatment in Norway. Clin Oral Implants Res 2000;11:401-
ment implantaire. n 408.

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FORMATION & SCIENTIFIQUE


18 Müller F. Interventions for edentate elders –What is the evidence?
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19 Palmqvist S, Soderfeldt B, Arnbjerg D. Subjective need for implant Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts concernant
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Docteur en chirurgie dentaire
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© Initiatives Santé 2018

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