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Chapitre 2

CONVERSION ALTERNATIF – CONTINU

2.1 Introduction
Les montages redresseurs sont des convertisseurs alternatif – continu. Il s’agit de la
transformation la plus fréquente. En effet, l’énergie électrique est d’ordinaire disponible en
alternatif. Or, pour de nombreuses applications, le continu est mieux adapté. Ils utilisent
presque essentiellement des composants non commandés (redresseurs à diodes) ou semi
commandés (redresseurs à thyristors). Les applications de ces dispositifs pour le
raccordement sur un réseau monophasé ou triphasé sont nombreuses, surtout en petite et
moyenne puissances. De plus, le passage par la forme continue est souvent nécessaire pour
alimenter d’autres types de convertisseurs (hacheurs ou onduleurs autonomes). Comme
domaines d’applications, citons par exemple la traction ferroviaire, le transport d’énergie à
tension continue (HVDC – High Voltage Direct Current), les alimentations sans interruption
(ASI), la production d’électricité photovoltaïque, l’industrie électrochimique, etc.

Les convertisseurs, qu’ils soient à diodes ou à thyristors, se caractérisent par un rendement


particulièrement élevé, de l’ordre de 98 %, car les pertes par commutations sont négligeables.
De plus, les dispositifs à thyristors sont réversibles en puissance moyenne, c’est-à-dire qu’ils
peuvent renvoyer de la puissance active au réseau.

Soulignons néanmoins les quelques inconvénients suivants :


− le facteur de puissance peut prendre des valeurs très faibles, proches de zéro (cas des
redresseurs à thyristors avec angle de retard à l’allumage proche de 90 degrés) ;
− le fonctionnement engendre des perturbations dues aux courants harmoniques rejetés
sur le réseau, ce qui pose un problème de qualité de l’énergie fournie aux autres
utilisateurs du dit réseau.

2.2 Redresseurs à diodes


Les redresseurs à diodes, ou redresseurs non contrôlables, ne permettent pas de faire varier
le rapport entre la ou les tensions alternatives d’entrée et la tension continue de sortie. La
tension moyenne étant fixée aux bornes de sortie, il est impossible de régler le transfert de
puissance ; celle-ci fluctue naturellement en fonction de la charge et/ou des variations de la
tension d’entrée. En outre, ces dispositifs sont irréversibles, c’est-à-dire que la puissance ne
peut aller que du côté alternatif vers le côté continu. Malgré cela, nous leur consacrons une
part importante dans ce cours car les résultats obtenus pour les montages à diodes sont
directement applicables en grande partie pour l’étude des montages à thyristors.
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-2

2.2.1 Principe de l’étude d’un montage


L’étude en régime permanent d’un montage a pour but de déterminer les caractéristiques
de chaque élément constitutif du redresseur (transformateur d’isolement, composants, etc).
Elle doit également permettre de calculer les protections contre des échauffements éventuels
dus à des surtensions et/ou des surintensités. On procède en quatre étapes :
1. Etude des tensions (de l’entrée vers la sortie). En partant des tensions alternatives à
l’entrée, on calcule la tension redressée à vide et la tension maximale aux bornes des
composants. On suppose négligeable les impédances de la source et des éléments du
montage, hypothèse réaliste compte tenu des faibles chutes de tension qu’elles
occasionnent. Cela signifie que les courants peuvent varier brusquement dans le montage.
2. Etude des courants (de la sortie vers l’entrée). En partant du courant débité à la sortie,
toujours en négligeant les chutes de tension, on détermine les courants dans les
composants, ainsi que dans les enroulements primaires et secondaires du transformateur.
3. Etude des chutes de tension. A l’aide des courants ainsi déterminés, on peut calculer la
diminution de tension redressée lorsque le convertisseur est en débit. On distingue, d’une
part, la chute de tension due aux inductances, d’ordinaire la plus importante, et, d’autre
part, les chutes de tension due aux résistances et aux bornes des composants. Cet aspect
ne sera pas abordé dans l’étude des redresseurs à diodes ; en revanche, il fera l’objet d’une
analyse détaillée dans l’étude des montages à thyristors.
4. Etude du fonctionnement en court-circuit. L’examen des contraintes maximales qu’ont à
supporter le transformateur et les composants en cas de court-circuit côté continu permet
de déterminer les protections. Cette étude, bien qu’importante, ne sera pas abordée ici ; le
lecteur est invité à consulter la littérature spécialisée pour plus de détails.

2.2.2 Hypothèses pour l’étude du fonctionnement idéalisé


2.2.2.1 Composants

Dans l’étude des redresseurs, on peut, du moins dans un premier temps, supposer les
composants parfaits. S’il s’agit de diodes, on néglige la chute de tension directe et le courant
inverse. La caractéristique tension – courant est celle de la figure 1.1c. La diode entre en
conduction dès que sa tension directe est positive ; elle se bloque spontanément dès que son
courant direct s’annule.

2.2.2.2 Source

Dans le cas le plus usuel, le réseau est vu comme est un générateur de forces
électromotrices (f.e.m.) équilibrées sinusoïdales et d’impédance constante. On néglige cette
impédance dans les étapes 1 et 2 de la démarche que nous venons de présenter.
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-3

2.2.2.3 Récepteur

Dans un grand nombre de cas, on peut représenter le récepteur par une charge ohmique
(Ru) et inductive (Lu) présentant aussi, éventuellement, une force contre-électromotrice E0
(f.c.e.m.) en série. Cette dernière est constante en fonction du temps pour un certain point de
fonctionnement. En effet, dans le cas d’une machine à courant continu, Ru et Lu représentent
la résistance et l’inductance du circuit d’induit, tandis que E0 est donnée par la tension
d’induit, qui dépend de l’état d’excitation et de la vitesse de rotation de la machine.

Souvent l’inductance Lu du circuit est augmentée artificiellement par une self de lissage,
pour réduire l’ondulation du courant continu lorsqu’elle est trop forte. Aussi, on effectue
l’étude générale en supposant le courant redressé parfaitement constant : il est donc permis de
confondre sa valeur instantanée iu avec sa valeur moyenne Idc. On dit que le courant est
complètement lissé, c’est-à-dire constant en fonction du temps.

2.2.3 Montage triphasé à point neutre


Pour des applications de puissance supérieure à 10 kW, on utilise des convertisseurs
alimentés par le réseau triphasé.

2.2.3.1 Montage

Le schéma du montage triphasé avec source en étoile est donné à la figure 2.1. Il est
composé d’un transformateur triphasé et de trois diodes D1, D2 et D3. Cette disposition est
souvent appelée montage triphasé à point neutre.

D’ordinaire, le circuit magnétique du transformateur est constitué de trois noyaux,


comportant chacun un enroulement primaire et une bobine secondaire. Le primaire est couplé
en triangle, le secondaire en étoile. Le rôle du transformateur est double : d’une part, assurer
une séparation galvanique du dispositif, et, d’autre part, transformer la tension du réseau en
une autre tension, selon la tension continue désirée à la sortie.

Chaque diode est branchée en série avec une des phases du secondaire du transformateur,
lequel délivre des tensions alternatives sinusoïdales formant un système symétrique équilibré :

 2π   2π 
ea = E M sin ωt , eb = EM sin  ωt −  , ec = EM sin  ωt + .
 3   3 

Les cathodes de ces diodes sont réunies au point P et forment la borne positive de la sortie
du convertisseur. La tension redressée apparaît entre ce point commun et le point neutre n du
secondaire. Ce point neutre constitue la borne négative de la sortie du convertisseur. Le
récepteur, supposé infiniment inductif – on parle aussi de parfait récepteur de courant, − est
branché entre les deux bornes + et −.
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-4

Figure 2.1 Montage triphasé à point neutre

Notons que le montage triphasé avec source en étoile se prête particulièrement bien à
l’étude des divers phénomènes régissant le fonctionnement d’un convertisseur. Les résultats
peuvent être facilement étendus aux autres montages, plus spécialement au montage en pont
triphasé, encore appelé pont de Graetz, qui est à l’heure actuelle le plus employé (voir
paragraphe 2.2.4).

2.2.3.2 Fonctionnement

Seule la diode dont l’anode est au plus haut potentiel peut conduire.

Supposons qu’à un instant donné, la tension ec est la plus élevée. La diode D3 est passante
(uD3 = 0, uu = ec) ; D1 est polarisée sous tension directe uD1 = ea−uu = ea−ec. Comme cette
tension devient positive en ωt = π/6, D1 entre en conduction alors que D3 conduit un courant
non nul Idc. Il s’ensuit un transfert du courant redressé entre les deux composants, appelé
commutation naturelle libre. C’est l’évolution naturelle des tensions alternatives du circuit
qui contraint au blocage la diode D3, suite à l’entrée en conduction de D1 sans commande
extérieure (donc de façon libre). Le transfert du courant suppose le débit simultané, pendant
un temps généralement court, de la diode qui va cesser de conduire (D3) et de celle qui vient
de devenir passante (D1) ; on dit qu’il y a empiétement des intervalles de conduction.

Comme dans l’étude générale, on néglige les inductances de la source et des éléments du
montage, les courants peuvent varier instantanément. Cela revient à faire l’hypothèse de la
commutation instantanée : l’entrée en conduction de D1 entraîne la coupure simultanée de D3.

Quand D1 conduit, il vient uD1 = 0 et uD3 = ec−ea<0. La diode D1 reste passante pour
π/6 < ωt < 5π/6. Ensuite, il y a commutation entre D1 et D2. Etc.
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-5

Sur une période T du réseau, on a donc successivement :


− uu = ea, quand D1 conduit ;
− uu = eb, quand D2 conduit ;
− uu = ec, quand D3 conduit.

La figure 2.2a illustre les formes d’ondes de tension redressée et de tension inverse aux
bornes d’un composant. Le courant complètement lissé n’est pas représenté.

Figure 2.2 Formes d’ondes de tensions et de courants (récepteur de courant parfait)


Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-6

D’après le diagramme des conductions, chaque diode conduit pendant T/3. Les trois
diodes D1, D2 et D3 forment un groupe de commutation. Dans ce groupe de commutation, le
courant Idc commute trois fois d’une diode à une autre pendant une période T. Ceci peut être
caractérisé par l’indice de commutation q. Pour le montage étudié, on a q = 3.

La tension uD1 aux bornes de la diode D1 par exemple, toujours égale à ea−uu, a pour
expressions successives :
− uD1 = 0, quand D1 conduit ;
− uD1 = ea−eb, quand D2 conduit ;
− uD1 = ea−ec, quand D3 conduit.

Elle est donc successivement égale aux différences de tensions entre ea et la plus positive
des tensions secondaires du transformateur.

2.2.3.3 Etude des tensions

ƒ Tension redressée

A tout moment, la tension redressée est égale à la plus élevée des tensions ei (i = a, b ou
c). On dit que le convertisseur fonctionne sur l’alternance positive des tensions secondaires.
Elle est formée de trois sommets de sinusoïdes d’amplitude EM par période T. Sa période
fondamentale est égale à T/3.

La valeur moyenne de la tension uu est donnée par :

5π / 6
3 3 3
U dc 0 =
2π π
∫E
/6
M sin ωt dωt =

EM . (2.1)

Son développement en série de Fourier comprend aussi des termes de pulsation 3ω, 6ω,
etc. … ou d’une façon générale nω avec n = 3k (k, nombre entier strictement positif). On écrit
de manière abrégée :

u u = U dc 0 + ∑ H 3k . (2.2)

ƒ Indice de pulsation

Quel que soit le convertisseur qui délivre la tension redressée, l’importance relative de
l’ondulation de celle-ci et des harmoniques qu’elle contient ne dépend que du nombre de
sommets de sinusoïdes formant uu par période T. Ce nombre p est appelé indice de pulsation.

Pour le montage triphasé à point neutre, cet indice est égal 3.


Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-7

ƒ Tension inverse maximale aux bornes d’une diode

La tension inverse maximale aux bornes d’une diode est égale à l’amplitude de la plus
grande des tensions composées :

,inv =
u Dmax 3E M . (2.3)

2.2.3.4 Etude des courants

ƒ Courants moyen et efficace d’une diode

Les courants moyen et efficace d’une diode sont donnés par :

I dc
I D ,moy = , (2.4)
3

I dc
I D ,eff = . (2.5)
3

ƒ Courants secondaires

Le tracé des courants secondaires est donné à la figure 2.2b. Il s’agit aussi des courants
dans les composants.

Ceux-ci valent Idc pendant une fraction 1/3 de la période T. Le développement en série de
Fourier du courant ia par exemple comprend :
− une valeur moyenne Idc/3 ;
− des termes de rang n = 3k±1, de valeur efficace :

2 I dc nπ 6 I dc
I 2 n ,eff = sin = . (2.6)
nπ 3 2 nπ

On constate que les rangs d’harmoniques de courants secondaires diffèrent de ceux se


rapportant à la tension redressée (n = 3k).

ƒ Courants primaires

La figure 2.2c illustre les formes d’ondes de courants primaires (courants de phase iAB, iCA
et courant de ligne iA).

La force magnétomotrice secondaire par noyau (N2ia par exemple) présente une
composante continue que les ampères-tours primaires ne peuvent compenser. Par conséquent,
au primaire, on obtient :

i A = i AB − iCA ,
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-8

avec

N2  I  N  I 
i AB =  ia − dc  , iCA = 2  ic − dc  .
N1  3  N1  3 

Au rapport de transformation près (m = √3N2/N1), le spectre d’harmoniques du courant de


ligne iA (en valeurs efficaces) est identique à celui du courant secondaire ia, déduction faite de
la composante continue. Il contient des raies de rang n = 3k±1, de valeur efficace :

6 mI dc
I 1n ,eff = mI 2 n ,eff = , (2.7)
2 nπ

Pour caractériser la déformation induite par un rang d’harmonique particulier, on définit le


taux d’harmonique n :

Val. eff . harm. de rang n I 1n ,eff


= . (2.8)
Val. eff. du fondamental I 11,eff

D’après (2.7), on montre aisément que celui-ci est inversement proportionnel au rang
d’harmonique, donc égal à 1/n.

Le courant de ligne n’est pas sinusoïdal ; il a la forme d’une onde alternative rectangulaire
d’amplitude √3/3 mIdc en phase avec la tension primaire (celle-ci est déphasée de π/6 en
arrière par rapport à la tension secondaire ea). Vu du réseau, le convertisseur se comporte
comme une charge non linéaire, donc polluante.

2.2.3.5 Coefficient de surdimensionnement

Les courants primaires et secondaires ont la forme d’ondes rectangulaires et contiennent,


de ce fait, de nombreux harmoniques. Il faut donc surdimensionner le transformateur, aussi
bien du côté du primaire que du secondaire, pour que celui-ci ne présente pas d’échauffements
excessifs.

On définit le coefficient :

puissance apparente Si
ci = = , (2.9)
puissance active max. Pi
ϕi =0

où ϕi est le déphasage du fondamental du courant de ligne par rapport à la tension étoilée1 et


l’indice i (= 1 ou 2) désigne le côté primaire ou secondaire.

1
Pour un redresseur à diodes, ces grandeurs sont toujours en phase (ϕi = 0) ; la puissance active transférée est
donc d’office maximale.
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-9

A l’aide des relations suivantes, on établit facilement le coefficient de


surdimensionnement du convertisseur :
− côté primaire :

S1 = 3U 1,eff I 1,eff , P1 = 3U 1,eff I 11,eff cos ϕ1 , ϕ1 = 0 ,


1 2 6 mI dc
I 1,eff = ∫i dω t = mI dc , I 11,eff =
2
;
2π 2 π
A
0
3

− côté secondaire :

S 2 = 3U 2,eff I 2,eff , P2 ≅ U dc 0 I dc ,

I dc
I 2,eff = I D,eff = .
3

Après simplifications, il vient :

2π 2π
c1 = = 1,21 , c 2 = = 1,481 .
3 3 3 2

2.2.3.6 Inconvénients du montage

Pour conclure l’étude du montage triphasé à point neutre, soulignons ses principaux
inconvénients :
1. Les courants secondaires possèdent des valeurs moyennes non nulles. Celles-ci créent
chacune un flux constant dans un des trois noyaux, qui peut saturer le circuit magnétique.
Cette saturation se traduit par une augmentation du courant magnétisant primaire et des
pertes fer supplémentaires.
2. Le taux d’harmonique de rang bas du courant primaire est particulièrement élevé. Pour
n = 2 par exemple, on trouve un taux égal à 50 % !
3. Le coefficient de surdimensionnement moyen du transformateur est important, égal à
1,346, ce qui constitue un handicap.
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-10

2.2.4 Montage triphasé en pont


2.2.4.1 Montage

Le schéma du montage triphasé en pont, encore appelé pont de Graetz, est donné à la
figure 2.3a. Il s’agit du montage le plus utilisé aujourd’hui. Celui-ci comprend trois
branches, possédant chacune deux diodes en série. Entre ces deux diodes, on connecte une
phase du secondaire. Les cathodes des diodes supérieures D1, D3 et D5 sont reliées ensemble,
elles forment la borne positive de la sortie du convertisseur. La borne négative correspond à
la connexion des anodes des diodes inférieures D4, D6 et D2.

La figure 2.3b donne une représentation modifiée équivalente où le montage en pont de


Graetz apparaît comme la connexion en série, côté continu, de deux montages triphasés avec
source en étoile (voir paragraphe 2.2.3). On a donc aussi deux groupes de commutation en
série. Le point neutre du secondaire n’est pas relié à la sortie ; la ligne en trait pointillé sur la
figure représente une connexion fictive.

Figure 2.3 Montage en pont de Graetz


Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-11

2.2.4.2 Fonctionnement

L’existence d’un courant continu constant Idc à la sortie exige à chaque instant la
conduction de deux diodes, chacune d’elles appartenant à un groupe de commutation
différent. La règle pour déterminer les diodes passantes est la même que pour le montage
triphasé à point neutre :
− pour le groupe de commutation formé de D1, D3 et D5, c’est la diode dont l’anode est
au potentiel le plus élevé qui conduit ; on dit que le groupe travaille sur l’alternance
positive, c’est-à-dire sur les maxima de tensions secondaires ;
− pour le groupe de commutation formé de D4, D6 et D2, c’est la diode dont la cathode
est au potentiel le plus bas qui conduit ; on dit que le groupe travaille sur l’alternance
négative, c’est-à-dire sur les minima de tensions secondaires.

On a ainsi :
− uu = ea−eb, quand D1 et D6 conduisent ;
− uu = ea−ec, quand D1 et D2 conduisent ;
− uu = eb−ec, quand D3 et D2 conduisent ;
− uu = eb−ea, quand D3 et D4 conduisent ;
− etc.

Au sein d’un groupe de commutation, chaque diode conduit pendant T/3. L’indice de
commutation vaut 3.

La figure 2.4a donne le tracé des formes d’ondes de tension redressée, ainsi que de la
tension aux bornes d’une diode.

La tension aux bornes de D1, par exemple, est égale à ea−(VP−Vn). Elle prend les mêmes
expressions successives que pour le montage triphasé à point neutre :
− uD1 = 0, quand D1 conduit ;
− uD1 = ea−eb, quand D3 conduit ;
− uD1 = ea−ec, quand D5 conduit.

De même, la tension uD4 aux bornes de D4, donnée par (VN−Vn)−ea, prend successivement
les expressions ea−ea = 0, eb−ea et ec−ea. A une demi période près, elle est identique à uD1.
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-12

Figure 2.4 Formes d’ondes de tensions et de courants (récepteur de courant parfait)

2.2.4.3 Etude des tensions

ƒ Tension redressée

A tout moment, la tension redressée est égale à la différence entre la plus positive et la
plus négative des tensions secondaires. Elle est formée de six sommets de sinusoïdes
d’amplitude √3EM par période T. On obtient donc un indice de pulsation p = 6. Sa période
fondamentale est égale à T/6.
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-13

La valeur moyenne de la tension uu est donnée par la différence :

U dc 0 = (VP − Vn )moy − (V N − Vn )moy . (2.10)

La tension (VP−Vn) est la tension redressée que donnait, à partir des mêmes tensions
alternatives, le montage triphasé à point neutre. Formée de trois sommets de sinusoïdes par
période T, elle a pour valeur moyenne [voir (2.1)] :

3 3
(VP − Vn )moy = EM .

La tension (VN−Vn), formée par les minima et non plus les maxima des tensions
secondaires, a une valeur moyenne égale et opposée à celle de (VP−Vn). Par conséquent, il
vient pour la tension moyenne entre les bornes P et N :

3 3
U dc 0 = 2U dc 0,triphasé = EM . (2.11)
π

Outre le terme moyen, le développement en série de Fourier de la tension redressée


comprend des termes de pulsation 6ω, 12ω, etc. … ou d’une façon générale nω avec n = 6k
(k, nombre entier strictement positif). On écrit de manière abrégée :

u u = U dc 0 + ∑ H 6 k . (2.12)

ƒ Tension inverse maximale aux bornes d’une diode

A tensions secondaires données, les tensions aux bornes des diodes ont même forme
d’onde et même valeur de crête que pour le montage triphasé à point neutre. On a donc
toujours :

,inv =
u Dmax 3E M . (2.13)

2.2.4.4 Etude des courants

ƒ Courants moyen et efficace d’une diode

Chaque diode, quel que soit le groupe de commutation auquel elle appartient, conduit
pendant un tiers de période du réseau. Ses courants moyen et efficace ont donc mêmes
expressions que pour le montage triphasé à point neutre [voir (2.4) et (2.5)].
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-14

ƒ Courants secondaires

Le tracé des courants secondaires est montré à la figure 2.4b.

Chaque enroulement secondaire est parcouru par Idc pendant l’intervalle de durée T/3 où
une diode du groupe de commutation supérieur conduit, et par −Idc pendant l’intervalle de
durée T/3 où c’est une diode du groupe de commutation inférieur qui conduit. Ainsi, on a par
exemple pour ia = iD1−iD4 :
− ia = Idc, quand D1 conduit ;
− ia = −Idc, quand D4 conduit.

Le développement en série de Fourier de ce courant comprend des termes de rang


n = 6k±1, de valeur efficace :

6 I dc
I 2 n ,eff = . (2.14)

Encore une fois, les rangs d’harmoniques de courants secondaires diffèrent de ceux se
rapportant à la tension redressée (n = 6k).

ƒ Courants primaires

Le tracé du courant primaire de ligne iA est donné à la figure 2.4c.

Dans le montage en pont de Graetz, tous les courants secondaires ont une valeur moyenne
nulle ; par conséquent, les ampères-tours secondaires par noyau du transformateur ont
forcément une valeur moyenne nulle également. A la différence du montage triphasé à point
neutre, il n’y a pas de problème de non compensation de la composante continue.

Au rapport de transformation près (m = √3N2/N1), le spectre d’harmoniques (en valeurs


efficaces) du courant de ligne iA est identique à celui du courant secondaire ia. Il contient des
raies de rang n = 6k±1, de valeur efficace :

6mI dc
I 1n ,eff = mI 2 n ,eff = , (2.15)

avec un taux 1/n.

2.2.4.5 Coefficient de surdimensionnement

Le coefficient de surdimensionnement côté primaire/secondaire se déduit des formules :

S1 3U 1,eff I 1,eff S 3U 2,eff I 2,eff


c1 = = , c2 = 2 = ,
P1 3U 1,eff I 11,eff P2 U dc 0 I dc
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-15

avec


1 2 6mI dc
I 1,eff = ∫i d ωt = mI dc , I 11,eff =
2
,
2π π
A
0
3

2
I 2,eff = 2 I D ,eff = I dc .
3

Après quelques simplifications, on obtient :

π
c1 = c 2 = = 1,047 .
3

2.2.4.6 Commentaires

Le montage en pont permet de pallier les principaux inconvénients du montage triphasé à


point neutre :
− les courants secondaires ne contiennent pas de composante continue ; ils ne risquent
donc pas de saturer le circuit magnétique du transformateur ;
− le premier harmonique de courant primaire, de rang n = 5, induit une déformation de
20 % seulement ;
− le coefficient de surdimensionnement (= 1,047) est proche de l’unité, donc excellent.

De plus, la tension redressée, de valeur moyenne double, contient des harmoniques de


rang élevé (n = 6k au lieu de 3k), d’où une ondulation de tension moins importante à la sortie
du convertisseur.

2.2.5 Montage dodécaphasé série


2.2.5.1 Montage

Pour obtenir une tension redressée d’indice de pulsation égal à 12, on peut ajouter les
tensions redressées de deux montages en pont de Graetz, l’un avec source en étoile, l’autre
avec source en triangle. Un tel dispositif est illustré à la figure 2.5.

Les deux secondaires sont alimentés par le même primaire en triangle et fournissent des
tensions alternatives sinusoïdales décalées de π/6. Le transformateur triphasé porte sur
chaque noyau un enroulement primaire de N1 spires et deux enroulements secondaires, l’un de
N2 spires, l’autre de N2’ spires. Pour que les tensions redressées délivrées par les deux ponts
de Graetz aient la même valeur moyenne, il faut que les tensions des deux secondaires
possèdent la même valeur efficace. On s’arrange donc pour avoir :

N 2′
= 3. (2.16)
N2
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-16

Figure 2.5 Montage dodécaphasé série

2.2.5.2 Etude des tensions

A la figure 2.6a, on a représenté les formes d’ondes de tensions redressées des deux ponts
de Graetz, ainsi que la tension redressée totale.

ƒ Tension redressée

A tout moment, celle-ci est égale à la somme des tensions redressées partielles des deux
ponts. A cause du déphasage de π/6 entre celles-ci, la tension totale est formée de 12
sommets de sinusoïdes par période T. On a donc un indice de pulsation p = 12. Sa période
fondamentale est égale à T/12.

La tension moyenne redressée vaut le double de celle fournie par un seul pont de Graetz
alimenté par les mêmes tensions alternatives :

6 3
U dc 0 = 2U dc 0,Graetz = EM . (2.17)
π

En plus du terme moyen, le développement en série de Fourier de la tension redressée uu


comprend des termes de pulsation 12ω, 24ω, etc. … ou d’une façon générale nω avec n = 12k
(k, nombre entier strictement positif). On écrit de manière abrégée :

u u = U dc 0 + ∑ H 12 k . (2.18)
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-17

ƒ Tension inverse maximale aux bornes d’une diode

Aux bornes d’une diode, on obtient la même tension inverse que pour le montage en pont
de Graetz (donc que pour le montage triphasé à point neutre) alimenté par les mêmes tensions
secondaires [voir (2.13)].

2.2.5.3 Etude des courants

ƒ Courants moyen et efficace d’une diode

Les diodes sont soumises aux mêmes contraintes en courant que le montage en pont de
Graetz (donc que pour le montage triphasé à point neutre) alimenté par les mêmes tensions
secondaires. Les relations (2.4) et (2.5) restent donc valables.

ƒ Courants primaires et secondaires

A la figure 2.6b, on donne les formes d’ondes des courants secondaires de ligne ia et ic (y
compris leur différence ia-ic) ainsi que ia’. On montre également l’allure du courant primaire
de ligne iA. Les courants secondaires ont les formes d’ondes déjà vues lors de l’étude du
montage en pont. Il est important de voir que ia’ est déphasé de π/6 en retard par rapport à ia.

Le courant de ligne iA au primaire du transformateur s’écrit :

i A = i AB − iCA , (2.19)

où iAB et iCA désignent les courants de phase.

En négligeant le courant magnétisant, la force magnétomotrice primaire par noyau (par


exemple N1iAB) s’écrit :

N 1i AB = N 2 ia + N 2′ ia 'b ' ,

avec

1
ia 'b ' = (ia ' − ib ' ) .
3

En posant m = √3N2/N1, compte tenu de (2.16), il vient :

m  3 
i AB = ia + (ia ' − ib ' ) .
3 3 

On écrit aussi par analogie :

m  3 
iCA = ic + (ic ' − ia ' ) .
3 3 
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-18

D’après (2.19), le courant primaire de ligne s’exprime finalement comme suit :

 3 
i A = m  (ia − ic ) + ia '  . (2.20)
 3 

Le développement en série de Fourier de ce courant comprend des termes de rang


n = 12k±1, de valeur efficace :

2 6mI dc
I 1n ,eff = , (2.21)

avec un taux toujours égal à 1/n.

On tire la même conclusion que celle déjà évoquée pour les montages précédents : les
rangs d’harmoniques de courants primaires diffèrent de ceux se rapportant à la tension
redressée (n = 12k).

2.2.5.4 Coefficient de surdimensionnement

Du côté des deux secondaires, le coefficient de surdimensionnement est égal à celui


calculé pour le montage en pont : c2 = c2’ = 1,047.

Du côté primaire, il se déduit de :

S1 3U 1,eff I 1,eff
c1 = = ,
P1 3U 1,eff I 11,eff

avec


1 4 2 3 2 6mI dc
I 1,eff = ∫i dωt = mI dc + , I 11,eff =
2
.
2π π
A
0
3 3

Après les simplifications d’usage, on obtient :

π 4 2 3
c1 = + = 1,012 .
2 6 3 3

Le coefficient moyen (1,03) est maintenant quasi unitaire !


Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-19

Figure 2.6 Formes d’ondes de tensions et de courants (récepteur de courant parfait)


Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-20

2.2.6 Réaction sur le réseau d’alimentation


Plaçons-nous dans le cas le plus fréquent d’un récepteur infiniment inductif. Les
convertisseurs étudiés plus haut présentent des imperfections :
− du côté sortie, vis-à-vis du récepteur qu’ils alimentent, car ils lui fournissent une
tension présentant une ondulation résiduelle ;
− du côté entrée, vis-à-vis du réseau qui les alimente, car ils absorbent des courants non
sinusoïdaux et injectent par conséquent dans le réseau des courants harmoniques.

Pour les montages alimentés par le réseau triphasé, ces imperfections ne sont pas
indépendantes l’une de l’autre. En effet, les harmoniques des courants de ligne sont d’autant
plus réduits que l’indice de pulsation p de la tension redressée est grand. Cette dernière se
rapproche alors d’autant plus d’une constante.

Le problème des courants harmoniques est particulièrement important pour deux raisons.
D’une part, ces courants créent de nombreux effets nocifs : interférences avec les réseaux de
télécommunications, pertes supplémentaires dans les machines tournantes, augmentation des
pertes dans les condensateurs, etc. D’autre part, en circulant à travers l’impédance de la
source, les courants harmoniques donnent des tensions harmoniques ; il s’ensuit une
déformation de la tension du primaire qui n’est plus tout à fait sinusoïdale !

Pour ces diverses raisons, il existe des limites imposées par les fournisseurs d’électricité
sur la teneur en harmoniques du courant pris au réseau. Il faut donc piéger ces courants
harmoniques à l’aide de filtres. D’ordinaire, on ne met que trois filtres. Les deux premiers,
de type shunt résonnant, ont des fréquences de résonance égales à celles des harmoniques de
rangs les plus bas, par exemple n = 5 et 7 pour le montage en pont de Graetz. Le troisième est
un circuit résonnant amorti qui présente une impédance faible dans une large bande de
fréquences ; on situe le minimum vers n = 12. Il est important de noter que les filtres
accordés sur les basses fréquences sont des éléments volumineux et coûteux. On a donc tout
intérêt à utiliser des convertisseurs avec un indice de pulsation élevé pour rejeter les
harmoniques vers les rangs plus élevés. Ceci explique d’autre part l’utilisation de filtres en
nombre limité.

Nous donnons à présent quelques définitions liées à la génération d’harmoniques sur le


réseau.

2.2.6.1 Taux global d’harmoniques

Le taux global d’harmoniques (en anglais Total Harmonic Distorsion) est défini comme
suit :

∑I
n≥ 2
2
1n , eff

THD = . (2.22)
I 11,eff
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-21

Il donne une indication globale de la déformation due aux harmoniques de courant


primaire.

2.2.6.2 Facteur de distorsion harmonique

On appelle facteur de distorsion harmonique le rapport de la valeur efficace du


fondamental à la valeur efficace du courant total :

I 11,eff
fd = < 1, (2.23)
I 1,eff

I 1,eff = ∑I
n ≥1
2
1n , eff . (2.24)

Compte tenu de la définition (2.22) du taux global d’harmoniques, on écrit aussi à la place
de (2.23) :

1
fd = . (2.25)
1 + (THD) 2

2.2.6.3 Facteur de puissance global

On nomme facteur de puissance global le rapport de la puissance active et de la puissance


apparente, généralement au primaire du transformateur :

P1
FPgl = . (2.26)
S1

En négligeant toutes les pertes du système, il est permis de confondre P1 avec la puissance
moyenne transférée côté continu. On a alors par exemple pour le montage en pont de Graetz :

U dc 0 I dc 3
FPgl ≅ = = 0,955 .
3U 1,eff I 1,eff π

2.2.6.4 Facteur de puissance fondamental

Le facteur de puissance fondamental se définit comme suit :

P1
FP1 = . (2.27)
S11

La différence avec (2.26) est que l’on ne considère que la puissance apparente liée au
fondamental du courant primaire.
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-22

En triphasé, on a :

P1 = 3U 1,eff I 11,eff cos ϕ1 , (2.28a)

S11 = 3U 1,eff I 11,eff , (2.28b)

où ϕ1 est l’angle de déphasage entre la tension du réseau, de valeur efficace U1,eff, et le


fondamental du courant primaire. Par conséquent :

FP1 = cos ϕ1 . (2.29)

Quand on considère le montage en pont de Graetz à diodes, ou plus généralement l’un des
montages étudiés plus haut, raccordé à un récepteur de courant parfait, les ondes
fondamentales des grandeurs électriques au primaire du transformateur sont en phase
(ϕ1 = 0) ; le facteur de puissance fondamental est donc égal à 1. Ce résultat n’est plus valable
lorsqu’on étudie les montages à thyristors commandés avec un angle de retard à l’allumage
différent de zéro (voir ci-après).

ƒ Lien avec le facteur de puissance global

D’après ces définitions, on montre que le facteur de puissance global est égal au produit
du facteur de distorsion harmonique par le facteur de puissance fondamental :

FPgl = f d FP1 . (2.30)

Comme fd est inférieur à l’unité, il s’ensuit l’inégalité FPgl < FP1 ; autrement dit, les
harmoniques de courant primaire ont un effet nuisible sur le facteur de puissance global dont
elles réduisent la valeur par rapport au facteur de puissance fondamental.

2.3 Redresseurs à thyristors


Dans bon nombre d’applications, il est nécessaire de pouvoir opérer un contrôle du
transfert de puissance afin, par exemple, de réguler la tension moyenne redressée. Les
redresseurs à thyristors offrent une telle possibilité grâce à la commande par action sur l’angle
de retard à l’allumage. En outre, il est possible de travailler en onduleur non autonome, c’est-
à-dire de renvoyer de la puissance active au réseau. On parle aussi d’onduleur assisté par le
réseau. Ces dispositifs se caractérisent donc par une réversibilité en puissance moyenne,
contrairement aux montages étudiés dans la partie précédente.

Les redresseurs à thyristors utilisent les mêmes schémas que les redresseurs à diodes.
Leur étude fait référence dans une large mesure aux résultats obtenus pour ces derniers. Pour
cette raison, dans cette partie, on s’intéressera uniquement au montage triphasé à point neutre
et au montage en pont de Graetz. On en profitera pour étudier les chutes de tension en charge
et l’influence de la nature du récepteur sur le fonctionnement d’un montage.
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-23

2.3.1 Hypothèses pour l’étude du fonctionnement idéalisé


Les hypothèses générales pour l’étude du fonctionnement idéalisé d’un montage à
thyristor sont les mêmes que pour un montage à diodes. Le lecteur peut dès lors se reporter
au paragraphe 2.2.2.

La caractéristique tension – courant d’un thyristor est celle montrée à la figure 1.3c. Il
présente le comportement idéal suivant :
− le thyristor s’allume instantanément quand, sa tension anode-cathode étant positive, il
reçoit une impulsion de gâchette. On néglige alors la chute de tension directe ;
− le thyristor s’éteint quand son courant direct passe par zéro ;
− le thyristor étant bloqué, on néglige les courants de fuite direct et inverse.

2.3.2 Montage triphasé à point neutre


La figure 2.7 donne le schéma d’un montage contrôlable triphasé avec source en étoile. Il
s’agit du même schéma que celui montré à la figure 2.1 dans lequel on a remplacé les diodes
par des thyristors. A la sortie, on considère un appareil dont le comportement est celui d’un
récepteur ou d’un générateur infiniment inductif, selon le sens de transfert de la puissance.

Figure 2.7 Montage triphasé à point neutre (à thyristors)

2.3.2.1 Fonctionnement

On étudie le fonctionnement lorsque tous les thyristors sont commandés avec le même
angle de retard à l’allumage α.

A un instant donné, on suppose que T3 est passant (uT3 = 0, uu = ec) ; le thyristor T1 est
polarisé sous tension directe uT1 = ea−ec. En ωt = π/6, ea devient supérieure aux autres
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-24

tensions secondaires ce qui rend uT1 positive ; T1 est susceptible de conduire dès qu’on envoie
une impulsion de commande sur sa gâchette.

Le déblocage s’effectue avec un temps de retard α/ω par rapport à l’instant d’allumage
naturel correspondant à ωt = π/6. Ce dernier correspond à l’instant où la diode D1 dont le
thyristor a pris la place entrait en conduction. Le montage étudié, comme son équivalent à
diode, fonctionne en commutation naturelle. C’est l’évolution naturelle des tensions
alternatives du circuit qui contraint au blocage le thyristor T3, suite à l’amorçage commandé
(donc non libre) de T1 en ωt = α. Il vient uT1 = 0 et uT3 = ec−ea<0 (pour autant que α soit
inférieur à π). Le thyristor T1 conduit pour π/6+α < ωt < 5π/6+α. Ensuite, il y a
commutation entre T1 et T2. Etc.

Sur une période T du réseau, on a donc successivement pour la tension redressée :


− uu = ea, quand T1 conduit ;
− uu = eb, quand T2 conduit ;
− uu = ec, quand T3 conduit.

Chaque composant conduit pendant T/3. Les trois thyristors T1, T2 et T3 forment un
groupe de commutation dans lequel le courant Idc commute trois fois d’un thyristor à un autre
pendant une période T.

La tension uT1 par exemple, toujours égale à ea−uu, a pour expressions successives :
− uT1 = 0, quand T1 conduit ;
− uT1 = ea−eb, quand T2 conduit ;
− uT1 = ea−ec, quand T3 conduit.

Suivant que α est inférieur ou supérieur à π/2, le sens du transfert de la puissance change.

ƒ Marche en redresseur : α < π/2


Quand α est nul, le montage fonctionne comme un redresseur à diodes. On obtient les
formes d’ondes montrées à la figure 2.2.

Quand α croît, la tension redressée uu est formée de trois portions de sinusoïdes par
période T. Le tracé des formes d’ondes pour α = π/4 est donné à la figure 2.8a. Durant
l’intervalle de conduction d’un thyristor, la puissance instantanée pu = uu⋅Idc est tantôt
positive, tantôt négative. Le courant de sortie, dont le sens est imposé par l’orientation des
composants (Idc>0), passe par le dernier thyristor en débit même si cela entraîne une valeur
négative pour uu, donc pour pu, durant une partie de son intervalle de conduction. En
moyenne, la tension redressée reste positive (Udc0>0), de même que la puissance :

U dc 0 I dc > 0 .
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-25

Celle-ci est donc transférée du réseau triphasé vers la sortie. Le montage fonctionne en
redresseur ; l’appareil placé à la sortie est récepteur.

Figure 2.8 Formes d’ondes de tensions et de courants lors de la marche en redresseur (α = π/4)

ƒ Marche en onduleur : α > π/2


Lorsque α est égal à π/2, la tension uu est nulle en moyenne, donc Udc0 = 0.

Quand α continue de croître, la tension redressée, donc la puissance instantanée, présente


des intervalles à valeur négative d’une durée plus importante que ceux à valeur positive (voir
figure 2.9a). La valeur moyenne Udc0 devient négative et augmente (en valeur absolue) au fur
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-26

et à mesure que l’on se rapproche de π. Le courant débité gardant forcément le même sens
positif, la puissance moyenne fournie à la sortie est négative :

U dc 0 I dc < 0 .

Du côté continu, il n’y a plus à proprement parler un récepteur mais un générateur ;


l’énergie passe de la partie continue à la partie alternative. On dit que le montage fonctionne
en redresseur inversé. On parle aussi d’onduleur non autonome ou encore d’onduleur assisté
par le réseau, car ce dernier impose la forme d’onde et la fréquence des tensions alternatives.

Figure 2.9 Formes d’ondes de tensions et de courants lors de la marche en onduleur (α = 3π/4)
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-27

2.3.2.2 Etude des tensions

ƒ Tension redressée

L’allure de la tension redressée est montrée aux figures 2.8a et 2.9a pour la marche en
redresseur et pour la marche en onduleur non autonome.

Quel que soit le mode de fonctionnement, la tension moyenne redressée est donnée par

α + 5π / 6
3 3 3
U dc 0 =
2π ∫E
α π
+ /6
M sin ωt dωt =

E M cos α . (2.31)

Il s’agit de l’expression déjà établie pour le montage à diodes, multipliée par le cosinus de
l’angle de retard à l’allumage des thyristors. En faisant varier α de 0 à π, on peut
théoriquement faire passer Udc0 de +3√3EM/(2π) à −3√3EM/(2π).

L’ondulation crête à crête de la tension uu augmente au fur et à mesure que |cos α|


diminue.

Les harmoniques du développement en série de uu, de rang n = 3k, ont une amplitude qui
croît au fur et à mesure que |cos α| diminue.

ƒ Tension maximale aux bornes d’un thyristor

Comme pour le montage à diodes, la tension inverse maximale aux bornes d’un thyristor
est donnée par :

,inv =
u Tmax 3E M . (2.32)

La tension aux bornes d’un thyristor bloqué devient positive à partir de l’instant où la
diode correspondante entrait en conduction. La valeur maximale que peut présenter la tension
directe est égale au maximum de la différence ea–ec par exemple (tension aux bornes de T1
quand T3 conduit). La valeur maximale que peut présenter la tension directe est donc égale à
la tension inverse maximale :

, dir = u T ,inv
u Tmax max
(2.33)

Il est important que le convertisseur puisse bloquer cette tension directe sans qu’il n’y ait
d’amorçage intempestif d’un thyristor.

2.3.2.4 Etude des courants

ƒ Courants moyen et efficace d’un thyristor

A même valeur de Idc, les courants moyen et efficace dans un thyristor ont mêmes
expressions que pour le montage à diodes.
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-28

ƒ Courants primaire et secondaire

A même valeur de Idc, les courants primaires et secondaires ont mêmes formes d’ondes et
mêmes valeurs que pour le montage équipé de diodes ; ils présentent entre eux les mêmes
déphasages ; ils sont simplement tous décalés de α (voir figures 2.8b et 2.9b). Le courant pris
au réseau contient les mêmes harmoniques que pour α nul. La valeur relative de ces
harmoniques est la même.

2.3.3 Compléments sur le fonctionnement en onduleur


Pour bien montrer la différence entre la marche en redresseur proprement dit et celle en
onduleur, nous avons indiqué à la figure 2.10 le sens réel de la tension moyenne redressée et
le sens d’écoulement de la puissance.

Figure 2.10 Fonctionnements en redresseur et en onduleur non autonome

ƒ Note sur le générateur

Dans le fonctionnement en onduleur (α > π/2), la tension moyenne redressée et le courant


vérifient :

U dc 0 < 0 , I dc > 0

Pour que ces deux inégalités soient compatibles entre elles, il faut que le générateur
présente une force électromotrice continue E0 dite "favorable", c’est-à-dire qui tend à pousser
un courant dans le sens direct des thyristors. Comme la résistance interne Ru du générateur
est faible en pratique, il faut aussi que E0 ait une valeur suffisante, proche de Udc0 en valeur
absolue, pour que le courant ne devienne pas trop élevé.

Comme exemple de sources de forces électromotrices, on peut citer notamment les


dispositifs suivants : batterie d’accumulateurs, montage redresseur délivrant une tension
moyenne, machine à courant continu fonctionnant en génératrice, etc.
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-29

ƒ Condition de stabilité

Quand α augmente, supérieur à π/2, la tension Udc0 croît en valeur absolue. En théorie, il
est permis d’augmenter l’angle de retard à l’allumage jusque π ; au maximum de tension
redressée correspond alors le maximum de puissance active renvoyée au réseau. Cependant,
d’un point de vue pratique, on est contraint de limiter α à une valeur inférieure à π. La raison
en est la suivante.

On se réfère au fonctionnement du montage triphasé à point neutre. A un instant donné,


T3 conduit. On allume T1 en ωt = π/6+α, ce qui provoque l’extinction de T3. Pendant un
temps relativement court µ/ω (négligé jusqu’à présent), il y a empiétement des intervalles de
conduction des deux composants ; autrement dit, T3 ne s’éteint réellement qu’en
ωt = π/6 + α + µ (= ωt1). En ωt = 7π/6 (= ωt2), c’est-à-dire une demi période après qu’il est
devenu possible d’allumer T1, la tension uT3 = ec−ea aux bornes du thyristor venant de
s’éteindre (T3) redevient positive. Pour que T3 ne se rallume pas de façon indésirable (on
parle de recommutation), il faut que l’intervalle de temps compris entre les instants t1 et t2
n’excède pas le temps tq de recouvrement des propriétés de blocage du thyristor. On note :

7π  π 
ω (t 2 − t1 ) = −  + α + µ  ≥ ωt q (2.34)
6 6 

En posant δ = ωtq l’angle de garde, on déduit la condition dite "de stabilité" de


l’onduleur :

α + µ +δ ≤π (2.35)

Elle permet de déterminer l’angle critique α au-delà duquel on ne peut plus garantir la
sécurité de fonctionnement de l’onduleur.

Remarquons que la condition précédente peut être mise en défaut en cas de creux de
tension du réseau. En effet, la tension moyenne redressée Udc0 chute alors de manière
anormale suite à la diminution des tensions secondaires, tandis que la force électromotrice E0
du générateur reste constante ; il s’ensuit une augmentation importante du courant Idc.
Comme l’empiétement µ croît lorsque le courant augmente, la condition de stabilité de
l’onduleur risque de ne plus être satisfaite, en particulier si α est élevé.

2.3.4 Caractéristique externe


Jusqu’à présent, on a supposé la source et le redresseur parfaits. En réalité, les
impédances de la source et des éléments du montage entraînent une diminution de la valeur
moyenne de la tension redressée à mesure que le courant Idc augmente.
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-30

D’ordinaire, au début de la caractéristique de tension Udc(Idc), c’est-à-dire entre le


fonctionnement à vide et le fonctionnement à pleine charge, la chute de tension totale ∆U est
faible par rapport à la tension à vide Udc0 (celle considérée dans les paragraphes précédents).
On peut donc, avec une bonne approximation, calculer la chute de tension totale :
− en ajoutant les chutes de tension dues aux diverses causes ;
− en calculant chacune de ces chutes de tension partielles sans tenir compte des
phénomènes qui sont à l’origine des autres.

La chute de tension totale se décompose en plusieurs termes comme suit :

∆U = ∆U X + ∆U R + ∆U 0 , (2.36)

avec

− ∆UX, la diminution de tension due aux commutations ;


− ∆UR, la diminution de tension due aux résistances ;
− ∆U0, la diminution de tension due aux composants.

On écrit :

U dc = U dc 0 − ∆U ( I dc ) (2.37)

Il s’agit de la caractéristique externe du convertisseur. L’angle de retard à l’allumage α


apparaît comme paramètre par l’intermédiaire de Udc0 donnée par (2.31).

2.3.4.1 Chute de tension par empiétement

Il s’agit du terme prépondérant dans (2.36). En effet, surtout pour les montages de forte
puissance, c’est le phénomène de commutation qui est à l’origine de la principale chute de
tension.

A cause de l’inductance des fuites du transformateur et de l’inductance du réseau, le


courant ne peut varier de façon discontinue dans les enroulements et dans la ligne
d’alimentation. Quand une diode ou un thyristor entre en conduction, le courant direct ne
peut pas varier instantanément de zéro à Idc. De la même manière, le courant du composant
en train de s’éteindre évolue continûment à partir de Idc avant de s’annuler. La commutation
n’est pas instantanée ; il y a empiétement des intervalles de conduction des deux composants.

En se référant toujours au montage triphasé à point neutre, la figure 2.11 montre le schéma
du circuit de commutation lorsque T3 s’éteint et T1 s’allume. Comme les deux thyristors sont
simultanément en débit, les tensions secondaires ea et ec sont court-circuitées via les deux
inductances de commutation Lc. Celles-ci regroupent chacune, par phase, l’inductance du
réseau et l’inductance totale des fuites du transformateur, toutes deux ramenées au secondaire.
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-31

Figure 2.11 Schéma de circuit pendant la commutation

Les équations de circuit s’écrivent pendant le déroulement de la commutation :

dia
u u = ea − Lc , (2.38a)
dt

dic
u u = ec − Lc , (2.38b)
dt

ia + ic = I dc . (2.38c)

A calculant la moyenne arithmétique membre à membre des deux premières équations et


en dérivant la troisième par rapport au temps, on trouve facilement :

e a + ec  di di 
uu = − Lc  a + c 
2  dt dt 
(2.39)
e + ec
= a .
2

La tension redressée s’établit au niveau moyen entre les deux tensions secondaires ea et ec,
au lieu d’être égale à ea comme dans le fonctionnement idéalisé (commutation instantanée),
d’où une diminution de la tension moyenne redressée :

π/6 +α + µ
3  e + ec 
∆U X =
2π ∫
π α
/6 +
 ea − a
 2 
 dωt
π/6 +α + µ
3 3E M
=
4π ∫
π α
sin(ωt-π / 6) dωt
/6 +
(2.40)

3 3E M
=− [cos(α + µ ) − cos α ] ,

avecµ l’angle d’empiétement.


Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-32

La figure 2.12 montre les modifications de formes d’ondes de tension uu et des courants
dans les thyristors, dues aux commutations. Chaque aire hachurée contribue pour un tiers à la
chute de tension moyenne ∆UX. Les courants ia et ic varient quasi linéairement sur la durée
µ/ω d’une commutation. En réalité, on a pour le courant du thyristor T1 par exemple, une
évolution de la forme :

3E M
ia = − [cos(ωt − π / 6) − cos α ] . (2.41)
2ωLc

Celle-ci est solution de l’équation différentielle :

dia 1
= (e a − ec ) , (2.42)
dt 2 Lc

obtenue en remplaçant uu par son expression (2.39) dans (2.38a), avec la condition initiale
ia(π/6+α) = 0.

Figure 2.12 Formes d’ondes de tension et de courants dues aux commutations

A partir de (2.41), on peut établir la loi de l’empiétement µ en fonction du courant Idc et de


l’angle de retard à l’allumage des thyristors. En effet, réécrivons cette équation pour
ωt = π/6+α+µ. Etant donné que ia = Idc à la fin de la commutation, il vient :
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-33

2ωLc I dc
cos(α + µ ) − cos α = − . (2.43)
3E M

En remplaçant dans l’expression de ∆UX [voir (2.40)] le terme entre crochets par le
membre de droite de l’équation ci-dessus, la chute de tension par empiétement du
convertisseur triphasé à point neutre s’écrit finalement :

3
∆U X = ωLc I dc . (2.44)

On voit que ∆UX est d’autant plus grande que l’inductance de commutation Lc est élevée
et le courant à commuter important.

ƒ Note sur la durée d’empiétement


La relation (2.43) indique que l’angle d’empiétement est fonction de α ainsi que de
l’intensité du courant à commuter :
− pour Idc donné, µ diminue quand on varie α de zéro à π/2 (marche en redresseur) ; a
contrario, il augmente quand on varie α au-delà de π/2 (marche en onduleur) ;
− pour α donné, µ augmente quand Idc croît ;

A Idc donné, la façon dont varie l’empiétement s’explique aisément si l’on se réfère à la
tension de commutation, c’est-à-dire à la différence de tensions ea−ec. C’est elle qui fait
croître (décroître) le courant dans T1 (T3) [voir (2.42)] et ce, à une vitesse d’autant plus grande
que sa valeur est élevée pendant le déroulement de la commutation. A partir de l’angle
d’allumage naturel π/6 du thyristor T1, pour α < π/2, ea−ec augmente en même temps que
l’angle de retard à l’allumage ; la durée d’empiétement est ainsi réduite. Pour α > π/2, la
tendance est inversée car la tension de commutation diminue quand α augmente.

ƒ Limite de commutation binaire


La caractéristique externe totale est la courbe reliant le point à vide (Udc0, 0) au point en
court-circuit (0, Idc0). Or, la chute de tension due aux commutations, donnée par (2.44), n’est
pas valable jusqu’au point en court-circuit. En effet, dans le raisonnement tenu plus haut,
nous avons fait l’hypothèse que, pendant la durée d’empiétement, seuls deux thyristors
pouvaient conduire simultanément. La limite de validité de la commutation binaire est
obtenue lorsque µ est égal à l’intervalle de conduction 2π/3 d’un thyristor. Quand Idc devient
plus fort, le convertisseur fonctionne en commutation ternaire (µ > 2π/3) ; le débit du courant
s’effectue par trois thyristors au lieu de deux. La chute de tension par empiétement varie alors
moins vite en fonction de Idc.

Dans le plan de la caractéristique de tension, la courbe correspondant à la limite de


commutation binaire est le lieu des points tels que µ = 2π/3, quand α varie. On montre qu’il
s’agit d’un secteur d’ellipse centrée à l’origine.
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-34

2.3.4.2 Autres chutes de tension

De même que la chute de tension due aux commutations a été calculée en négligeant les
résistances et la chute de tension dans les composants, on peut calculer les diminutions de
tension dues aux résistances et aux thyristors en débit sans tenir compte du phénomène
d’empiétement.

ƒ Chute de tension due aux résistances

En désignant par R la résistance totale par phase, ramenée au secondaire, du réseau et du


montage redresseur (principalement la résistance totale des enroulements de son
transformateur), la chute de tension ohmique s’écrit :

∆U R= RI dc .

ƒ Chute de tension due aux composants

A chaque instant, le circuit du courant Idc passe par un thyristor. La chute de tension
correspondante ∆U0 a pour valeur la chute de tension directe lue pour le courant Idc sur la
caractéristique statique des thyristors utilisés.

2.3.5 Influence de la nature du récepteur


Pour étudier les divers montages redresseurs, on a commencé par supposer que :
− les impédances du réseau et des différents éléments du montage étaient négligeables ;
− le courant côté continu était complètement lissé (récepteur infiniment inductif).

Ensuite, pour corriger les résultats obtenus, on a calculé la chute de tension totale lorsque
le convertisseur est en débit sur un récepteur de courant parfait.

Afin de compléter cette étude, l’influence de la charge montée côté continu sur le
fonctionnement et les principales caractéristiques pour un montage triphasé à point neutre va
maintenant être discutée. On supposera comme on l’a fait précédemment que les diverses
impédances sont négligeables.

On se place dans le cas le plus général d’un "récepteur"2 actif du type Ru, Lu, E0 (avec E0
d’un signe ou d’un autre suivant que l’on fonctionne en redresseur ou en onduleur non
autonome) pour montrer surtout les effets de la conduction discontinue. L’équation des
tensions s’écrit :

diu
u u = Ru iu + Lu + E0 . (2.45)
dt

2
On indique ce terme entre guillemets car, lors de la marche en onduleur, l’appareil raccordé aux bornes de
sortie du convertisseur est en réalité un générateur.
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-35

En tenant compte de l’inductance finie du "récepteur", le courant redressé est ondulé. Aux
faibles débits (c’est-à-dire aux faibles valeurs moyennes Idc), il est possible que la valeur
instantanée iu devienne nulle avant que le prochain thyristor soit allumé. En effet, le courant
iu ne peut pas devenir négatif vis-à-vis du sens de conduction directe des composants. Le
courant redressé est intermittent en restant pendant une durée plus ou moins longue égal à
zéro.

2.3.5.1 Fonctionnement en conduction discontinue

La figure 2.13 montre les formes d’ondes de la tension et du courant redressés ainsi que le
diagramme des conductions des trois thyristors pour le fonctionnement en conduction
discontinue du montage triphasé avec source en étoile.

Figure 2.13 Formes d’ondes de tension et de courant redressés en conduction discontinue

On considère par exemple la conduction du thyristor T1. A l’instant d’amorçage,


caractérisé par l’angle de retard à l’allumage α, le courant iu est nul. Ensuite il augmente,
atteint une valeur maximale et diminue pour redevenir égal à zéro en ωt = π/6+β. L’angle de
conduction de T1 vaut β−α < 2π/3. On tire évidemment la même conclusion pour T2 et T3.

Pendant la durée de conduction d’un thyristor, la tension redressée uu est formée d’une
portion de tension secondaire sinusoïdale. Pendant la lacune de courant, la tension uu est
égale à la force électromotrice continue E0 du "récepteur", parce que le convertisseur sans
conduction d’un thyristor ne peut imposer aucune tension. L’indice de pulsation est toujours
égal à trois.
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-36

2.3.5.2 Etude du courant redressé

Afin de réduire le nombre de paramètres, on néglige la résistance Ru du "récepteur".


Cette simplification est légitimée par le fait que, dans la plupart des applications, on donne à
l’inductance Lu une valeur suffisante pour que la valeur Idc,lim du courant moyen au-dessous de
laquelle la conduction est discontinue soit très faible par rapport à la valeur nominale de ce
courant. Dès lors, dans la zone où Idc est compris entre zéro et Idc,lim, la simplification est
rendue possible car on ne l’applique qu’à des fonctionnements voisins de la marche à vide.
Dans (2.45), l’amplitude du terme de chute de tension résistive (Ruiu) est alors très faible
devant uu et Ludiu/dt. L’équation des tensions se réduit à :

diu
u u = Lu + E0 . (2.46)
dt

Tenant compte du fait qu’en ωt = π/6+α, le courant redressé doit être nul, on tire comme
solution de l’équation différentielle précédente :

EM  π   E0  π 
iu =
ωLu cos 6 + α  − cos ωt  − ωL ωt −  6 + α  , (2.47)
    u   

quand T1 conduit.

A l’instant correspondant à ωt = π/6+β, le courant iu est de nouveau nul. Cette condition


donne l’équation transcendante :

 π  π 
E M cos + α  − cos + β  = E 0 (β − α ) , (2.48)
 6  6 

qui permet de déterminer l’angle d’extinction β (repéré par rapport à l’angle d’allumage
naturel π/6).

On obtient la valeur moyenne Idc du courant redressé en intégrant l’équation (2.47) sur
l’intervalle de conduction de T1 et en divisant par 2π/3 :

π / 6+ β
3
I dc =
2π ∫ i dωt
u
π / 6 +α

 EM  π π π  E 0 (β − α ) 
2
3  
=

 (β − α ) cos 6 + α  − sin  6 + β  + sin  6 + α  − ωL ⋅
ωLu        u 2 

L’équation (2.48) permet encore d’éliminer la force électromotrice E0 de l’expression


précédente. Après transformation, il reste :
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-37

3 E M  (β − α )   π  π  π  π 
I dc =   cos + α  + cos + β  − sin  + β  + sin  + α 
2π ωLu  2   6  6  6  6  (2.49)
.

2.3.5.3 Limite de la conduction discontinue

Si l’angle de conduction du courant β−α d’un thyristor est égal à 2π/3, il a atteint la limite
de la conduction discontinue. De l’équation (2.49), on tire pour la valeur moyenne du courant
limite :

3 EM  π π π
I dc ,lim =
π ωLu cos 6 − 3 sin 6  sin α . (2.50)

Pour Idc < Idc,lim, la conduction est intermittente, tandis que pour Idc >Idc,lim la conduction
est continue. Le courant limite est maximal pour α = π/2, d’où :

,lim sin α .
I dc ,lim = I dcmax (2.51)

On constate ainsi que pour α nul, le courant limite est égal à zéro. Dans un montage à
diodes, la conduction est donc toujours continue.

2.3.5.4 Tension moyenne redressée

La valeur moyenne Udc de la tension redressée est égale à la force électromotrice E0. En
effet, il n’y a pas de chute de tension côté continu car on a négligé la résistance Ru et, aux
bornes de l’inductance Lu, il n’existe aucune chute de tension moyenne.

On peut déduire E0 de l’équation (2.48). Avec Udc = E0, on a :

EM  π  π 
U dc =
β −α cos 6 + α  − cos 6 + β  . (2.52)
    

A la limite de la conduction discontinue, c’est-à-dire pour β−α = 2π/3, on trouve après


une simple transformation trigonométrique :

3 3
U dc = E M cos α ,

ce qui correspond bien à l’expression (2.31) de la tension moyenne déjà établie pour le
montage triphasé à point neutre. En effet, lorsque le courant est intermittent, il n’y a pas de
chute de tension par empiétement et la tension Udc est égale à sa valeur idéale Udc0 (si on
néglige les chutes de tension dues aux résistances et aux composants).
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-38

2.3.5.5 Commentaires

ƒ Condition d’amorçage

En fonction de la force électromotrice E0, il existe un domaine d’angle de retard à


l’allumage α, où l’amorçage des thyristors est possible. A l’instant d’allumage de T1 par
exemple, la tension secondaire ea doit être plus grande ou au moins égale à E0. Dans le cas
contraire, la tension directe aux bornes du thyristor à allumer (T1) est négative et ce dernier ne
s’amorce pas. Le convertisseur reste bloqué et aucun courant redressé ne circule. L’angle
limite est déterminé par :

π 
E M sin  + α  = E 0 ,
6 

d’où l’on tire :

 E0  π
α lim = arcsin  − . (2.53)
 EM  6

ƒ Caractéristiques de tension

A partir des relations (2.49) et (2.52), il est possible d’établir les caractéristiques de
tension Udc(Idc) en conduction discontinue pour α donné, en variant β entre α et α+2π/3
(limite de la conduction discontinue). La conduction intermittente est même possible pour la
marche en onduleur non autonome (valeurs négatives pour Udc). La pente de ces
caractéristiques, c’est-à-dire la résistance interne équivalente, est très élevée. Elle est très
supérieure à celle de la conduction en continu [voir la relation (2.44)]. Ce comportement pose
un problème pour les circuits de réglage, parce qu’il faut réadapter le régulateur. En pratique,
on cherche à diminuer le plus possible le domaine de la conduction discontinue en
augmentant l’inductance Lu, si nécessaire par des selfs de lissage supplémentaires.

2.3.6 Montage triphasé en pont


La figure 2.14 donne le schéma d’un montage contrôlable triphasé en pont. Il s’agit du
même schéma que celui montré à la figure 2.3a dans lequel on a remplacé les diodes par des
thyristors.

2.3.6.1 Fonctionnement

Tous les thyristors sont débloqués avec le même angle de retard α.

A chaque instant, deux thyristors conduisent à la fois, chacun d’eux appartenant à un


groupe de commutation différent fonctionnant comme un montage triphasé à point neutre. La
règle pour déterminer les composants qui conduisent est la suivante :
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-39

Figure 2.14 Montage triphasé en pont de Graetz (à thyristors)

− pour le groupe de commutation formé de T1, T3 et T5, le thyristor passant est toujours
celui dont l’anode est au potentiel le plus élevé à partir de son instant d’allumage
naturel, à condition qu’il ait reçu une impulsion de déblocage ;
− pour le groupe de commutation formé de T4, T6 et T2, le thyristor passant est celui
dont la cathode est au potentiel le plus bas à partir de son instant d’allumage naturel, à
condition qu’il ait reçu une impulsion de déblocage.

On a :
− uu = ea−eb, quand T1 et T6 conduisent ;
− uu = ea−ec, quand T1 et T2 conduisent ;
− uu = eb−ec, quand T3 et T2 conduisent ;
− uu = eb−ea, quand T3 et T4 conduisent ;
− etc.

Au sein d’un groupe de commutation, chaque thyristor conduit pendant T/3.

La tension aux bornes de T1 par exemple, donnée par ea−(VP−Vn), prend les mêmes
expressions successives que pour le montage triphasé à point neutre :
− uT1 = 0, quand T1 conduit ;
− uT1 = ea−eb, quand T3 conduit ;
− uT1 = ea−ec, quand T5 conduit.

A une demi période près, la tension uT4 aux bornes de T4, donnée par (VN−Vn)−ea, est
identique à uT1.
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-40

2.3.6.2 Etude des tensions

ƒ Tension redressée

L’allure de la tension redressée est montrée aux figures 2.15a et 2.15b pour la marche en
redresseur (α<π/2) et pour la marche en onduleur (α>π/2). Quel que soit le mode de
fonctionnement, elle est toujours formée de six portions de sinusoïdes d’amplitude √3EM par
période T. Sa période fondamentale est égale à T/6.

La tension moyenne redressée vaut le double de celle du montage triphasé à point neutre :

3 3
U dc 0 = 2U dc 0,triphasé = E M cos α . (2.54)
π

L’ondulation de la tension redressée croît au fur et à mesure que |cos α| diminue. Les
harmoniques du développement en série de uu, de rang n = 6k, ont une amplitude qui croît
lorsque |cos α| diminue.

ƒ Tension maximale aux bornes d’un thyristor

La tension aux bornes d’un thyristor a la même valeur de crête et la même forme d’onde
que pour le montage triphasé avec source en étoile redressant les mêmes tensions secondaires.
On a donc toujours :

, dir = u T ,inv =
u Tmax max
3E M . (2.55)

2.3.6.3 Etude des courants

A même valeur de Idc :


− les courant moyens et efficaces dans un thyristor ont mêmes expressions que pour le
montage en pont de Graetz équipé de diodes ;
− les courants primaires et secondaires ont mêmes formes d’ondes et mêmes valeurs que
pour le montage à diodes ; ils présentent entre eux les mêmes déphasages mais tous
décalés de α. Le courant pris au réseau contient les mêmes harmoniques que pour α
nul ; la valeur relative de ces harmoniques est la même.
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-41

Figure 2.15 Formes d’ondes de tension redressée lors de la marche en redresseur (α = π/4) et en
onduleur (α = 3π/4)

2.3.6.4 Caractéristique externe

L’expression de la caractéristique externe est donnée par (2.37).

ƒ Chute de tension par empiétement

Le transfert du courant Idc d’une phase à la suivante quand l’un des thyristors du groupe de
commutation T1, T3 et T5 est débloqué se déroule comme pour le montage triphasé à point
neutre. Par conséquent, les relations (2.43) et (2.44) établies au paragraphe 2.3.4 sont
utilisables.
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-42

L’angle d’empiétement µ est donc toujours donné par :

2ωLc I dc
cos(α + µ ) − cos α = − ,
3E M

et la diminution de la valeur moyenne de la tension (VP−Vn) par :

3
∆U X ,triphasé = ωLc I dc .

Pour le groupe de commutation T4, T6 et T2, les commutations se déroulent de la même


façon ; l’angle d’empiétement est le même et la réduction de − (VN−Vn)moy est la même que
celle de (VP−Vn)moy.

A même valeur de Idc, la chute de tension totale par empiétement est donc le double de
celle obtenue pour le montage triphasé à point neutre :

3
∆U X = 2∆U X ,triphasé = ωLc I dc . (2.56)
π

ƒ Autres chutes de tension

A même valeur de Idc, on montre facilement que la diminution de tension due aux
résistances et la chute de tension due aux composants valent, elles aussi, le double de celles
obtenues pour le montage à point neutre.

2.3.6.5 Remarque

A la mise en route du montage en pont, pour que la conduction puisse s’établir, il faut
débloquer deux thyristors à la fois, l’un du groupe de commutation T1, T3 et T5, l’autre du
groupe T4, T6 et T2. Une première possibilité consiste à commander les composants par des
signaux (créneaux rectangulaires ou trains d’impulsions) de largeur angulaire égale à
2π/3+∆θ, où ∆θ/ω représente une durée supérieure au temps d’amorçage des thyristors. Si on
ne veut pas recourir à cette forme de signaux, on doit utiliser le procédé de la double
impulsion : en même temps qu’on applique une impulsion sur la gâchette du thyristor à
débloquer, on en envoie une sur celle du thyristor de l’autre groupe de commutation
normalement déjà conducteur puisque débloqué T/6 auparavant. Si ce dernier conduit déjà,
cette impulsion de confirmation est inutile ; sinon elle permet aux deux thyristors d’entrer en
conduction en même temps au démarrage et donc au courant redressé iu de s’établir.
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-43

2.4 Amélioration du facteur de puissance


On a défini aux paragraphes 2.2.6.3 et 2.2.6.4 le facteur de puissance global et le facteur
de puissance fondamental. Ceux-ci sont liés entre eux par la relation :

FPgl = f d FP1 ,

où fd désigne le facteur de distorsion harmonique.

En pratique, on a toujours FPgl ≤ FP1 car le facteur de puissance global tient compte de la
déformation due aux harmoniques du courant primaire (fd ≤ 1).

Dans les redresseurs contrôlables, l’angle de retard à l’allumage α des thyristors est aussi
la grandeur de réglage du transfert de puissance entre la partie alternative et la partie continue
ou vice versa. Quand α varie, le facteur de puissance fondamental FP1 (= cos α) est modifié ;
pour α voisin de π/2, il peut devenir très mauvais, voire même nul si α = π/2.

On conçoit donc la nécessité de compenser la puissance réactive absorbée par le


convertisseur afin de maintenir le facteur de puissance dans des limites acceptables. Plusieurs
solutions sont envisageables :
− pour un réglage discret, on utilise une batterie de condensateurs que l’on
enclenche/déclenche grâce à des interrupteurs électroniques ;
− pour un réglage continu, un compensateur synchrone joue le rôle de capacité variable.

Une autre possibilité consiste en l’amélioration du facteur de puissance par action sur le
convertisseur lui-même : il s’agit de la commande décalée.

Enfin, la mise en oeuvre de la modulation de largeur d’impulsion, par exemple dans un


pont monophasé à commutation forcée, offre une solution élégante au problème du facteur de
puissance. On remplace les thyristors par des composants entièrement commandés de façon à
maintenir, moyennant une commande appropriée, le courant fondamental de la source en
phase avec la tension.

2.4.1 Commande décalée


Pour expliquer la commande décalée, on considère dans un premier temps le montage en
pont triphasé à thyristors étudié au paragraphe 2.3.6. Le fondamental du courant primaire est
déphasé de α en arrière par rapport à la tension du réseau. Il s’écrit en valeur efficace :

6
I 11,eff = mI dc .
π

A ce courant fondamental peut être associé le substitut complexe :


Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-44

6
I 11 = mI dc e − jα . (2.57)
π

Par définition, on a pour les puissances active et réactive au primaire du transformateur :


P = 3 Re[U 1 I 11 ] = 3U 1,eff I 11,eff cos α , (2.58a)


Q = 3 Im[U 1 I 11 ] = 3U 1,eff I 11,eff sin α , (2.58b)

avec U1 le substitut complexe associé à la tension du réseau (supposée parfaitement


sinusoïdale).

Dans un diagramme P-Q, le point de fonctionnement à Idc donné décrit la trajectoire


d’équation :

2
3 6 
P + Q = 
2 2
U 1,eff mI dc  . (2.59)
 π 

Pour 0 < α < π, on obtient un demi cercle centré à l’origine, de rayon :

3 6
U 1,eff mI dc .
π

On a vu que le montage en pont de Graetz correspond à la connexion en série, côté


continu, de deux montages triphasés à point neutre, chacun formant un groupe de
commutation. Le groupe formé des thyristors T1, T3 et T5 absorbe un courant dont le
fondamental s’exprime en substitut complexe :

6
I dc e − jα ,

tandis que le groupe formé de T4, T6 et T2 absorbe un courant dont le fondamental possède la
même valeur efficace mais est décalé de π :

6
I dc e − j (α +π ) .

Le courant primaire de ligne, donné par iA = m (iT1−iT4), possède donc un fondamental de


substitut complexe :

I 11 =
6

[
mI dc e − jα − e − j (α +π ) ]
6
= mI dc e − jα
π
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-45

On retrouve évidemment le résultat indiqué plus haut [voir (2.57)].

Le principe de la commande décalée ou séquentielle consiste à utiliser deux angles de


retard à l’allumage différents, α1 et α2, pour commander les deux groupes de commutation.
Ceux-ci absorbent ainsi des courants fondamentaux donnés par :

6 − jα1 6 − jα2
I dc e , I dc e ,
2π 2π

et le fondamental du courant prélevé au réseau s’exprime en substitut complexe :

I 11 =

6
mI dc e ( − jα + e − jα )
1 2

6
= mI dc [cos α 1 + cos α 2 − j (sin α 1 + sin α 2 )] (2.60)

6 α −α2  α + α2 
= mI dc cos 1 exp − j 1 .
π 2  2 

Il vient pour les puissances active et réactive au primaire du transformateur :

3 6 α1 − α 2 α1 + α 2
P= U 1,eff mI dc cos cos , (2.61a)
π 2 2

3 6 α1 − α 2 α1 + α 2
Q= U 1,eff mI dc cos sin . (2.61b)
π 2 2

En pratique, on retient les deux cas suivants.

ƒ Cas 1 : α1 = 0 et α2 variable

Pour imposer α1 nul, il suffit de remplacer une série de thyristors, par exemple ceux du
groupe T1, T3 et T5, par des diodes. Le convertisseur ainsi réalisé porte le nom de pont mixte.

Les expressions (2.61) se simplifient comme suit :

3 6
P= U 1,eff mI dc (1 + cos α 2 ) , (2.62a)

3 6
Q= U 1,eff mI dc sin α 2 . (2.62b)

Dans le diagramme P-Q, le point de fonctionnement à Idc donné décrit à présent la


trajectoire d’équation :
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-46

2 2
 3 6  3 6 
P − U mI  + Q2 =  U mI  . (2.63)
 2π
1, eff dc   2π 1, eff dc 
   

Pour 0 < α2 < π, on obtient un demi cercle centré non plus à l’origine mais au point de
coordonnées :

3 6 
 
 2π U 1,eff mI dc , 0  ,
 

de rayon moitié par rapport au résultat obtenu plus haut :

3 6
U 1,eff mI dc .

La figure 2.16 montre que la puissance réactive consommée (Q > 0) par le pont mixte est
fortement réduite par rapport au montage en pont de Graetz. Ceci amène une amélioration
significative du facteur de puissance. On remarque toutefois que :
− d’une part, le dispositif est incapable de fonctionner en onduleur car la tension
moyenne redressée est toujours positive :

3 3
U dc 0 = E M (1 + cos α 2 ) > 0, ∀α 2 ; (2.64)

− d’autre part, en comparaison du montage tout thyristors, le développement en série de


Fourier de la tension redressée comprend des termes de rang n = 3k (k, entier
strictement positif) au lieu de n = 6k ; celui du courant primaire comprend des termes
de rang n = 3k±1, de valeur efficace variable avec α2, au lieu de termes de rang
n = 6k±1, de valeur efficace indépendante de l’angle de retard à l’allumage. Il s’ensuit
des conditions de filtrage plus contraignantes.

ƒ Cas 2 : α1 = π et α2 variable

Les expressions (2.61) se simplifient comme suit :

3 6
P= U 1,eff mI dc (cos α 2 − 1) , (2.65a)

3 6
Q= U 1,eff mI dc sin α 2 . (2.65b)

Dans le diagramme P-Q, le point de fonctionnement à Idc donné décrit la trajectoire


d’équation :
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-47

2 2
 3 6  3 6 
P + U mI  + Q2 =  U mI  . (2.66)
 2π
1, eff dc   2π 1, eff dc 
   

Pour 0 < α2 < π, on obtient un demi cercle symétrique au précédent par rapport à l’axe de la
puissance réactive.

Comme pour le pont mixte, on constate une nette amélioration du facteur de puissance.
Cependant, la marche en redresseur est maintenant impossible car :

3 3
U dc 0 = E M (− 1 + cos α 2 ) < 0, ∀α 2 . (2.67)

Figure 2.16 Diagrammes P – Q à courant imposé

2.4.2 Pont monophasé à commutation forcée


2.4.2.1 Montage

On considère le montage à quatre interrupteurs de la figure 2.17, appelé Pont Monophasé


à Commutation Forcée (PMCF). Il s’agit d’une représentation simplifiée où le transformateur
vu du secondaire est réduit à une source de tension sinusoïdale :

u s = U M sin ωt .

Une bobine "tampon" d’inductance Ls et de résistance propre Rs est placée en série avec la
source de tension us. A la sortie, on suppose un appareil dont le comportement est celui d’un
récepteur ou d’un générateur infiniment capacitif, selon le sens de transfert de la puissance.
On fait donc l’hypothèse que la tension uu aux bornes de sortie est constante, notée Udc
(parfait "récepteur" de tension).
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-48

Les tensions alternatives e1 et e2 sont mesurées par rapport à un point neutre fictif nf ; les
fondamentaux de ces deux tensions forment un système biphasé de déphasage égal à π. La
tension composée e, qui est la tension monophasée à l’entrée du pont d’interrupteurs, est
donnée par la différence des tensions simples e1 et e2. On écrit :

e = e1 − e2 .

Il est important de noter que e1 et e2 ne sont pas sinusoïdales ; leurs formes d’ondes sont
imposées par la commande des interrupteurs.

Figure 2.17 Montage en pont monophasé à commutation forcée

2.4.2.2 Etude du fonctionnement

ƒ Commande des interrupteurs

Pour élaborer la séquence d’ouverture/fermeture des interrupteurs, on utilise une


technique très répandue en électronique de puissance, appelée Modulation de Largeur
d’Impulsion (MLI).

Parmi l’éventail de stratégies possibles, on considère une modulation basée sur la


comparaison entre deux ondes modulantes sinusoïdales déphasées de π, à la fréquence du
réseau (fm = 50 Hz), et une onde porteuse triangulaire isocèle à fréquence plus élevée fp.
Considérant séparément chaque onde modulante, ce sont les intersections avec la porteuse
unique qui déterminent les instants de basculement des interrupteurs d’un même bras du
PMCF. Le bras formé des interrupteurs S1 et S4 est donc commandé en opposition de phase
par rapport au bras formé de S2 et S3.
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-49

A la figure 2.18, on montre les formes d’ondes des tensions simples ainsi obtenues, de
même que l’allure de la tension composée e à l’entrée du pont, quand on fait correspondre le
neutre fictif nf avec la borne négative du récepteur. Les formes d’ondes sont constituées de
créneaux d’amplitude fixe, égale à la tension de sortie Udc, et de largeur variable se répétant à
la fréquence fm commune aux deux modulantes.

Figure 2.18 Modulation de largeur d’impulsion (type sinus – triangle synchrone)

Pour caractériser une modulation de type sinus−triangle, on définit habituellement l’indice


et le taux de modulation. Ces grandeurs s’expriment respectivement comme suit :
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-50

fp
M = , (2.68)
fm

Am
k= , (2.69)
Ap

avec Am l’amplitude de l’onde modulante et Ap celle de l’onde porteuse.

Lorsque l’indice de modulation M est entier, on parle de modulation synchrone (cas


envisagé à la figure précédente); le cas échéant, il s’agit d’une modulation asynchrone.

Le développement en série de Fourier de chaque tension simple ej (j = 1,2) fait apparaître :


− une valeur moyenne Udc/2 ;
− un terme fondamental à la fréquence de la modulante, de même phase initiale que celle
de la modulante associée à ej, et d’amplitude valant kUdc/2;
− des termes de rang n = pM ± q (p et q, deux entiers positifs tels que p+q impair) liés au
découpage à fréquence fp.

En adoptant une notation abrégée pour le terme relatif aux harmoniques de rang n>1, on
obtient pour la tension composée en modulation synchrone :

e = e1 − e2 = kU dc sin (2πf m t + φ m ) + ∑H n . (2.70)


n impair

où φm désigne la phase initiale de la modulante associée à e1 (celle associée à e2 étant φm+π).

L’onde modulante apparaît donc comme une image du fondamental de la tension


d’entrée e du pont.

La valeur moyenne présente dans le développement en série de Fourier des tensions


simples ne se retrouve évidemment pas dans le développement de la tension e ; en outre,
l’amplitude du fondamental est double. Il est possible de régler sa valeur en variant le taux de
modulation k. Pour ce faire, on choisit généralement Ap = 1 et on varie l’amplitude de l’onde
modulante (0<Am<1).

ƒ Phases de fonctionnement

Lors de la marche du convertisseur, le courant peut emprunter des chemins différents


selon la configuration du circuit à un instant donné, celle-ci étant dictée par la commande des
interrupteurs (MLI).
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-51

On distingue :
− deux phases actives durant lesquelles la source d’entrée et le récepteur sont connectés
entre eux. Il s’agit des configurations d’interrupteurs S1 et S3 fermés (S2 et S4
ouverts), et, S2 et S4 fermés (S1 et S3 ouverts) ; la tension e vaut respectivement +Udc
et –Udc.
− deux phases "de roue libre" où la source d’entrée est court-circuitée (e = 0) pour
assurer la continuité du courant is ; le récepteur raccordé aux bornes de sortie est
déconnecté de la source d’entrée. Il s’agit de S1 et S2 fermés (S3 et S4 ouverts), et, S3
et S4 fermés (S1 et S2 ouverts).

Les autres configurations d’interrupteurs sont interdites car elles correspondent :


− soit à la mise en court-circuit du récepteur capacitif, quand deux interrupteurs d’un
même bras sont fermés en même temps ;
− soit à la mise en circuit ouvert de la source d’entrée de nature inductive (Ls), quand
deux interrupteurs d’un même bras restent ouverts en même temps.

ƒ Identification des interrupteurs

Un interrupteur fermé doit être capable de conduire le courant alternatif is, quelle que soit
sa polarité. Il est donc bidirectionnel en courant. Un interrupteur ouvert est, quant à lui,
toujours soumis à la même tension +Udc, l’autre interrupteur du même bras étant
obligatoirement fermé. On en déduit le caractère unidirectionnel en tension. D’autre part, la
commande MLI impose l’utilisation d’interrupteurs entièrement commandés, c’est-à-dire
commandés à la fois à l’ouverture et à la fermeture.

Compte tenu de ces considérations, on conclut que les interrupteurs du montage PMCF
peuvent être synthétisés chacun à l’aide d’un transistor (par exemple un IGBT) et d’une diode
montée en tête-bêche (le rôle de celle-ci étant d’assurer la conduction du courant dans le sens
inverse du transistor).

A la figure 2.19, on donne quelques exemples de phases actives et de phases "de roue
libre" qui illustrent le fonctionnement du PMCF (le parcours du courant est indiqué en gras).
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-52

Figure 2.19 Exemples de phases actives [schémas a) et b)] et de phases "de roue libre" [schémas c)
et d)], les flèches indiquent le sens réel du courant

ƒ Facteur de puissance unitaire

Bien que la mise en œuvre de la modulation de largeur d’impulsion entraîne des formes
d’ondes complexes très différentes de sinusoïdes, le raisonnement qui suit est basé sur les
fondamentaux de ces formes d’ondes. Une étude plus poussée montrerait que les conclusions
tirées ne sont pas modifiées de façon significative.

A cause de l’impédance inductive de la bobine "tampon", le fondamental de la tension


d’entrée e du pont, de substitut complexe E1 = E1,eff∠δ, est déphasé par rapport à la tension
sinusoïdale us de substitut complexe Us = Us,eff∠0. La figure 2.20a illustre le diagramme de
en substituts complexes dans un cas quelconque.

Lorsque le fondamental du courant source, de substitut complexe Is1 = Is1,eff∠-ϕ, est en


phase avec la tension us (ϕ = 0), on obtient le diagramme de la figure 2.20b. Celui-ci
correspond à un fonctionnement à facteur de puissance fondamental unitaire (FP1 = 1). Il
vient dans ce cas :

U s ,eff − Rs I s1 − jωLs I s1 = E 1 . (2.71)


Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-53

En égalant chaque membre en module et en phase, on trouve les deux relations :

E1,eff = (U s , eff − Rs I s1,eff ) + (ωL I


2
s s1,eff )
2
,

− ωLs I s1,eff
tan δ = .
U s ,eff − Rs I s1,eff

Celles-ci permettent de calculer l’amplitude du fondamental de la tension d’entrée e du


pont, ainsi que son déphasage par rapport à la tension us, afin d’obtenir un fonctionnement à
facteur de puissance fondamental unitaire. On note :

(e ) fond = 2 E1,eff sin (ωt + δ ) . (2.72)

En égalant le membre de droite de la relation précédente avec le premier terme du membre


de droite de (2.70), à Udc donné, on déduit les caractéristiques de l’onde modulante pour avoir
FP1 = 1 :

Am 2 E1,eff
k= = ,
1 U dc

2πf m = ω ,

φm = δ .

Figure 2.20 Diagrammes en substituts complexes dans un cas quelconque et à FP1 unitaire
Chapitre 2 – Conversion alternatif – continu 2-54

A la figure 2.21, on montre quelques formes d’ondes typiques obtenues par simulation,
qui illustrent le fonctionnement du montage en redresseur à facteur de puissance fondamental
unitaire. On constate que :
− La tension de sortie ondule autour de sa valeur moyenne Udc à la fréquence
fondamentale de 100 Hz, c’est-à-dire le double de la fréquence du réseau ; l’amplitude
crête à crête de cette ondulation reste très limitée grâce à la capacité importante du
récepteur ;
− Le courant is est presque en phase avec la tension sinusoïdale à 50 Hz. En raison du
découpage par la MLI, il fluctue rapidement autour de son harmonique fondamentale,
à une fréquence qui varie, proche du double de la fréquence de la porteuse.
L’inductance Ls de la bobine "tampon" joue le rôle de filtre ; son dimensionnement
doit être prévu pour limiter l’ondulation maximale du courant autour du fondamental.
En plus de remédier au problème du facteur de puissance, le montage étudié apporte
donc une solution avantageuse au problème des courants harmoniques rejetés sur le
réseau.

Figure 2.21 Formes d’ondes typiques lors la marche en redresseur

2.4.2.3 Commentaire sur la réversibilité du montage

Le montage présenté est réversible en puissance moyenne, c’est-à-dire qu’il est possible
d’échanger de l’énergie entre la partie alternative et la partie continue ou vice versa. On note
cependant que, contrairement aux montages à thyristors où la réversibilité en puissance
découle d’un changement de signe de la tension redressée, dans ce montage elle est obtenue
par la réversibilité en courant du "récepteur", la tension Udc aux bornes de sortie conservant
toujours la même polarité.

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