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CFNTRE INTER N ATIO NA L IG N ORAMUS

LETTRE MENSC E LLE l"'' ~S

Sme ANNÉ:E - JU !\-.TLI LLE T 1961

DE L:\ SAN'fÉ A LA PA IX

Chers Amis,

Voici u ne " Joie de Vivre >> que vous trouverez. peut-étre un peu
monotone.
Nous al/ endons d'avo ir toutes vos réponses à notre questionnaire
conce mant la revue pour mieux choisir les textes qui la composent.
Nous aurions voulu publier un résumé d'une intéressante causerie
de notJ-e a.mie Madam e C!wntereau.
Nous voudrions avoir la place de remercie r tous ceux qui ont cou-
rageusem ent et bénévolement travaillé à l'installation de notre Centre.
Nous voudrions aussi voLis in citer à vous contacter les uns et les
autres.
Nous sommes une grande famille dont les membres s'ignoren t trop
et s'expriment trop peu.
Si vous le désirez, nous publierons vos adresses et même vos pm-
jess ions er il vous sera possible ensuite, soit à l'occasion d'un voyage
ou de tout autre chose, d'écrire et de rencontrer l'Ami I nséparable de
votre choix.
Nous avons l'intention de réserver preque entièrement le prochain
num éro (aoi)t-septembre) aux écrits et aux paroles de Sensei .

SI VOUS N'AVEZ PAS ENCORE REPONDU A N OTRE QUES-


TIONNAIRE, FAITES-LE VITE, IL EST ENCORE TEMPS POUR
QUE NOUS TENIONS COMPTE DE VOS DESIRS.

Institut de Philosophie et des Sciences d'Extrême-Orient - iO bis, rue Lamartine, Paris se


RÉABONNEZ-VOUS SANS TARDER- C.C.P. PARIS 15998-91
abonnement annuel 20 nf
REMERCIEMENTS
(Extrait d'une lettre adressee ù 110li e l'res idenl)

L'effet d e l'anD\\' roof a été foudrowuLt pendant la p1·emière


quinzaine puis mes troubles so nt revenus. Je crois que cela é tait dit a
de petits écarts ou à une lulle intensive de mon organism e.
« Peu à peu les tmubles se sont espacés et je peux dire que de pui5
plus d'tm mois, i'ai trouvé wz équilibre physique et psychique que je
n'avais jamais comu1. J'ai pourtant fourni w1 travail intellectuel coltsi-
dérable, me couchant couramnzent à zme heure du matin, travailla11 t
dix à douz e heures par iour.
« Déjà à Pliques, faisant wz stage de s ki, il m 'es t vite apparu que
mes n!flexes et mon endurance étaient 111 eilleurs.
" Au total, après sept mois de régime OllsaH'a, j'ai accompli des
progrès é tonnants , à tel poinr que m es cunis en restent stupéfaits . "

AMIS DE PROVINCE
Vous pOU\ï:c: z passe r Y US commandes d e proclui ls lorsqu -: ,·ous ·c ri·
vez a u Centre.
Vous pou vez également passer plusieurs comma ndes pa r un e seu k
lettre en indiquant à que lle s dates vous désirez que chacune d 'elles
vous soit expédiée.
Lorsqu'un produit nous manque momentan ément, vo us pom·ez
demander à ce qu'il vous soit expédié dès que nous en aurons reçu.
Un fichi e r sera tenu au Centre, notre approvisionnement sera plu -
f acil e et vous profiterez d<c:s produits don t nous ne dis posons pas tou-
jours suivant nos besoin s tels q ue : Ko uzo u, t isa ne MU, Um ébosi,
Denti , etc ...

Faites de vos prochaines vacances


le point de départ
d'une deuxième jeunesse
- Cure diété tique ma crobiot ique su ivant le Principe Un ique
de la philosophi e d 'Extrème-Ori ent.

- Raymond P essin , discip le el u Maî tre Ohsawa vous accueil-


lera à Tourettes-sur-Loup, clans le cad re me1'\'eilleux de la Côte d 'Azur.

- Renseign eZ-\'Ous en écrivant ~~ :


Pension Macrobiotique à Touret tes-s Lil'-Lou p (Alpes-Ma ri tim es) .

Pour la publicité dan s cett e renJe, s'a dr e,se r à La Joie d e ViL·re.


Servi ce Publicité, 10 b io. ru e Lamartine, Pari, ( 'l") .

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UN AN DEJA
Voici ce qu e S e11sc i écrivait il y a un an.
Son affection pou r notre pays er pour noHs-ll!êmes,
so11 indulge nce et l'espoir qu'il contùwe à exprim er mal-
gré des decc pt io11s n o111brcuses et des attaques injusti-
fiées , tout cela ne peut que fortifier nos reconnaissances
et soutenir nos effort s.
Vous lirez ces lignes avec un e joy euse émotion puis-
aue vou s S(JV C~ maint enan t que dans quelques sem.aines
Georges Olisa\\'a doit être à nou vew1 parmi IIOUS.

ENTERREMENT PAR SOl-MÊME


La verdure Jlamboy;:mte qui enveloppe les collines ct les champs
au sud de Pztris, Sceaux, Robinson , Orly, e tc ... , sous m es ye ux me
caresse doucement. Il fait beau. Nous sommes au mois de mai. Voici
quelques jours que nous sommes occupés par la préparation du démé-
na gement, moi dan s ma chambre , pa rmi des tas de livres, de docu-
ments et de le ttres; Lima clans sa petite cuisine bien ensoleillée qu'elle
:::ime tant, p::1rmi les c::1sseroles et les porce laines j aponaises.
Nous avons eu grane! plaisir de passer à peine une année et demie
dans ce bel appar tement g râce à nos amis f rançais si sincères. Chaque
dima nch e é ta it une fête d'a mi tié m acrobio tique. Nous avons déjeuné
avec bea ucoup de visite urs, y compris, de temps en temps, quelques
Japon ais vovag<c:urs c t é tran ge rs. Après le repas franco-japonais, la cau-
erie am icale, et parfois la discu ssion philosophique, durait jusqu'à
4 ou 5 heu res . La promenad e au Parc de Sceaux de tti:mps en temps
lui succédait...
Que de bons souvenirs de Sceaux !
Nous avons été heureux, très h eureux clans ce bel appartement, au
4' é tage d'un immeuble situé sur la colline de Sceaux. C'est ici que
que Takéuti et Zareh ont retrouvé leur nouvelle vie ...
Et déjà le moment de p artir !
Tout ce qui commence a sa fin ! Quoique je connaisse bien cette
loi, je su is touché à nou veau , le temps passe trop vite. Nous sommes
venus, donc nous devon s partir !
Nous sommes tous voyageurs dans cette vie . En r éalité, ce n'est
pas le temps qui passe, c'est nous qui n ous faufilons à travers le temps
et l'espace infini s. Nous sommes descendus dans un petit hôtel dit
La Terre pour quelques temps. Mais La Terre flotte clans l'espace infini
et vole avec une Yitesse formidabl e, m ême p endant que nous dormons.
Pu is nous devons quitter cet hôtel pour continuer notre voyage
sans fin. Si nous étions attachés à un endroit pour toujours, comme les
végétaux ou les algues, mais il n'y a rien à faire, nous avons a dopté
cette vie animale, nous ne sommes plus végétaux. Comme l'Histoire
de l'Evoluti on de la Nourrit ure et de la Vie nous l'enseigne, l'époque
végétal e est loin de nous .
Mais je dois quitter cet appartement chéri. Avant tout, je dois
classer tous mes documents et toutes les lettres en trois catégories :
« A jeter "• « A conserver " et « A emporter ». Il y a plus d'une dizaine
de milliers de lettres que j'ai gardées soigneusement. Je classe dans la

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première ca té gorie tou tes les le ttrés de rem erc ie m e nts si sin cère::s donr
les auteurs ont disparu , n e donnant pl us a uc un s igne de n e clepuE
longtemps. J e m c rappelle l'émotion qu e c hac une de œs le ttres m :<~
produite, si vivan te; seulement les auteurs ne so n l p lus. Ils son t partis
vers ce que je n e conna·is pas. Ce qui est ~ûr c l ce rt a in c'e_s t qu'ils _sont
partis dans une direction a u tre que la notre ; n o tre Des tm a twn etan t
la Libert é Infinie , le Bonheur Eternel et la Jus llcc Abso lu e, bret k
Royaume des Sept Cieux ! J c mets ces lettres illusoires c t m or les d a n ~
la boîte « A j e ter ». C'est un enterrement très tris te, décbiranl! .
Je mets aussi beaucoup de livres e t cle docu.rn ents cl a ns Ja m cm .:
boîte. C'est auss i un autre enterrement.
L'enterrement de soi-même !
Combien de foi s m e s uis-je enterré ? Il y a 8 an s que j 'ai quitté k
Japon pour toujours. J e l'ai quitté en abandonnai?! tout ce qu e j 'ava i_,
comme ce cultivate ur qu i a trouvé un cbamp qw cacbe un grand t ré-
sor. J'ai donné toute ma propri é té, y compris un très grand ll o te l p é! r-
ticulier donn an t sur le plu s grand lac elu Japon : Biwa, pour le lran '>-
former en un in st it ut pour les pau vr es enfants retardés et aband o n né ~
par leurs p a r ent s. Il y a m a intenant un e cinquantaine cie fill es retar-
dées qui sont logées c t nourries ma crobiol iquement. Cet hôte l va u_l
plus de 30 milli ons de franc s cl'aujour cl'bui. J'a i liquidé au s;; i m a m ai-
son de Toki o, où 30 à 50 pauvres ét udiant s c t lS tudi antes é tai e nt logé-,
et nourri s, m·ec tou s les meubles et les porcelain es servant aux quel-
ques cen tain es de p ersonn es qui é ta ient inv itées ci e temps en tem p s,
une ou de ux fo is pa r m ois pour les fê tes de la Ma ison Jgnoramus ou
pour m es cours extr aordinai r es qui m obili se nt bea ucoup de p a r t ici-
pants de tou s les coin s elu J apon et de l'é tra nge r. J 'a i to u t li qu idé. J"a i
seulemen t conser vé que lques centain es de li v res très préc ieux pour
moi . J'ai di s trib ué ou Yc ndu hui t m ille livres de m a bib li othè que.
C'était beaucoup p lus tris te qu'ab a n donne r le;, ~1 ulre s obj e ts.
Quitter le pays na ta l à l'âge de soixante ~ms c t pou r touj ou rs !
C'étai t t rès t riste et très péni ble pour Lim a . C'étai t la pr emi ère foi::,
et pour toujo m·s pou r elle .
Alors ie lu i a i d it :
- Mais, Lim a, tu devr as q uitter tôt ou t ard ce pays e t tou s t es
amis pour t ouj our s , une fu is, tô t ou tZlrcl, en la issant tou t ce qui t 'ap-
partien t. Ce sera in su pp o t· table pour moi, m a is si lu es habituée à un
tel dét::~chem ent, t u po urras quitter tes amis et ce m on de sa ns beau-
coup d e r em ords q uand t u devr as p artir pour to uj ou rs . Don c, c'es t un
exer cice de p r éparation , cc dépar t. Nou s elevon s êtr e toujours prêt·'
pour q uitte r définitivem ent ce monde : « I l y a di x-sep t occasion s pou•-
partir d e ce m onde pendan t une r espira tion », di t Bouddha. Ou p lu tô t,
nous elevons con sidér er ch aq ue seconde co mm e un en ter r em ent p u i -
qu'elle n e r evien t plus .
Lima a ccepte m es explication s, com me loujoUJ-s. des lar m es bri l-
lant à ses yeu,'<.
Nous avon s liquid é des milli ers d 'obj et s précieu x ou non, m ais
chéris p ar nous.
Nou s sommes par tis . Trois voitures chargGcs avec tant de colis et
de valises étaie n t conduites par nos a mi s très sin cères . Nous avons
quitté ainsi le pays le plus cher en Eu rope, que je con sidérais com m e
mon deuxième pays n a ta l depuis m on enfa nce o\.i j 'ai lu e t dévoré t ou te
sa littératu re, t radui te en jap on ais . Plus de 50 ans ! J e l'ai visi té plus

-l
ù 'une dizaine de fois sans 6tre enraciné. Je voulais m 'installer définiti-
vement dans ce pays. J'ai fait tout mon possible._ J'ai Vt; des mi!l~er~ de
personnes qui sont ressuscitées grâce à la philosophie-macrobiotique
que je m'efforçais d'introduire depuis plus de 40 ~s.
Mais tout était illu soire ! La plupart ont disparu ! Quelques-uns
m'ont fait tomber clan s la stupéfaction et la déception la plus pro-
fonde de ma vie !
Mais j'aime toujours ce pays, comme mon deuxième pays natal, sa
littérature ses arts, sa philosophie et sa science.
Tout ~s l illu s ion dans cc monde fini et incertain !
« Plus orandc la face , plus grand le dos ! " Malgré cette stupéfac-
tion et cctt~ déception, trahison et désespoir. J'ai ren~ontré q~elq~es
amis in sépara bles. J 'en suis très content et ~econnmssant. J esp~re
qu'ils é tudie ront plus profondément et p l,u s séneusem~nt notre J?hilo-
~ opb i e pour q u 'ils puissent monn·er un echantlll~n b_nllant et vivant
de la liberté infinie, du bonheur éternel et de la JUStice absolue pour
tout le monde qui a des yeux pour vo ir et des oreilles pour entendre.
Tout d'un coup, Lima murmure : . , , , .
- Que sont-ils devenus, nos amis nmrs ? A Lambarene, a Dm-
dinclé à Dar Es Salem, à Nairobi, à Campar a ! Ce pauvre ménage du
Pastc~u- Q... vi eillis ct m alades' ! Mm e Katu de Karamji Karamji, l'avo-
cat Amin du Kenya. Et ces centaines d 'hommes e t de femmes qui sont
venus de si loin par pirogues légères en descendant les rivières de
crocodiles e t les torrents e t en passant des jours et des nuits dans la
j ungle, qui attendaient patiemment leur tour, accroupis au-dessous de
notre véranda, que lquefois plusieurs jours ?
- Qu'est-ce qu'il es t devenu, notre yaJe::t de chambre Obone ? Il
é ta it guéri de sa lèpre et allait se marier, c 'est-à-dire acheter une fille
. 1
n mre ....
Pourrais-je les voir encore une fois ?...
- Ah ! tu aimes nos amis noirs plus que les blancs ?
- Pas tout à fait, mais ils sont gentils et si chers ... Ils sont vic-
times de la civilisation ...
- Mais ils sont très incompréhensifs, trop simples.
- C'est vrai, ils ne comprennent pas, mais ils nous aiment tant ...
Tu te rappelles leur cadeau si modeste, si sincère et si touchant en
remerciement de leur guérison de la lèpre ou des ulcères tropicaux ?
Quelquefois c 'était un œuf, une poignée de fraises sauvages. Ils nous
le donnaient comme si c'éta it un diamant !
En traversant des beaux ch amps ve rts près de Lille, Lima pense
à nos amis noirs si loin. Pour elle le temps n 'existe pas, ni l'espace !
Ses souvenirs se confondent avec ses désirs. Les souvenirs se dressent,
libérés de toutes les difficultés e t de toute l'amertume comme une
grande tour. Même les souvenirs des dangers, de nos vies risquées
dans des aventures audacieuses e n Afr ique Noire Equatoriale, au
Congo, en Afrique Equatoriale Française, sont maintenant brillants,
comme les grandes étoiles lointaines de l'esp ace infini.
Nous en avons visité des étoiles e t des nébuleuses avant de des-
cendre sur cette planète dite la terre, en ven ant de l'infini. Pourquoi
pas en cor e une fois ?...

G. 0., m ai 1960.

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LE CANCER
Quand une irritation locale ou
générale de l'organisme devient excessive
U11e lettre de notre ami Omer Gevaert IZOLIS di! :
« Depuis six ans j'al en trev u la cause du cance r avec une certi-
tude presque totale, et les noun!ltes découvertes indique nt toutes le
même mécanisme que les spécialistes ne peuvent voir parce que c'est
trop clair (un article paru dans Lectures pour Tous explique a uss i tout
ce phénomène, mais m e l Je doigt juste à coté de .la plaie ... )
« Toute menace physique, chimique, toute irritation, carence ou
atteinte de toute sorte provoque dans l'organisme des anti-corps spé-
cifiques. Après ceux provoqués par des microbes, on a découvert l'anti-
corps de survie " Filatov ''• l'anti-corps de la brüJure, et un des p lus
importants, l'anticorps de Ja blessure. La plupart de ces an ti corps
sont des activate urs de Ja mu ltipli cation cellulaire. Quand une irri-
tation locale ou générale de l'organism e devient excessive, la quantité
des a nticorps devient excessive a ussi, provoquant une telle quan tité
d'activation de croissance cellulaire que le produit de défense dépasse
son but et d evient à son tour un irritant incontrôlable - sous form e
de tumeur cancéreuse ...
• *
« Ce m éca ni sme sera - ou n e sera pas - accepté et confirmé,
dans le fu tur, par une « Science » de plus e n plus submergée par Je
détails des mécanismes qu'elle poursuit en vain.
<< Quoi qu'il en soit, le cancer est indu bi tabl c m c n t ca usé p ar les
<< atteintes d e toutes sortes "• selon l'expression de Monsieur Omer
Gevaert, que les c ivilisés ignorants du Principe Un ique font subir à
leur organisme, du fait de leur al imentation déséquilibrée .
<< Qu'il s'agisse de produits animaux, toujo urs intoxicants, ou d'ali-
mentation fruitariennc iss ue d'un complexe sentimental sans discer-
nement, il y a, dans les deux cas, atteinte grave à la vitalité de l'or-
ganisme et il est fort probable qu'à la limite les moyens de défense mis
en œuvre par l'activité subsco nsc iente à une échelle démesurée deYien-
nent source d'intoxication secondaire, alors irrémédiable.

« Peut-ê tre est-il temps de répéter que la suprê me sage sse de l'ali-
mentation équ ilibrée qui nous a été enseignée par Oh sawa, consiste à
adopter, non pas une alimentation Yang destin ée rt corriger des trou-
bles elus à l'excès de Yin, ou un correctif Yin destiné à parer à un excès
de Yang, mais à adopter pendant deux mois une diète parfaiteme1zt
équilibrée selon le Principe Unique Yin el Yang (d iète préparatoire).
« Quelle différence celà fait-il, demandera-t-on? Cclà constitue une
garantie, capitale lorsqu'il s'agit d e mahld cs graves oü la moindre
erreur es t fatale, contre toute erreur d'appréci::ltion - ou de diagn os-
tic des causes réelles de la mal::tdie. Le ;,lrict équ ilibre Yin et Yang
de l'alimentation maintient les bien portan ls en parfaite santé ct rap-
proche les malades, lentement mai :-; infailli!J!elllellt, de l'équilibre qui
est l'autre nom de la santé. En matière de passage de Yin à Yang, il

G
ne fau t pas aller trop vite : « Natura non fecit saltus », la Nature
demande une lente conversion.
<< Pendant ces deux mois ci e diète préparatoire, le problème illu-
soire de la maladie es t résolu par J'appatition de la Santé parfaite,
car les « attein tes de toutes sortes , ont cédé la place à une alimen-
tation épurée des toxines animales aussi bien que des végétaux toxi-
ques. L'orgànisme ne subit plus aucun e atteinte d'aucune sorte pendant
cette période de deu x mois qui est aYant tout préparatoire à la com-
préhension elu problème vital.
<< La cause du cancer é tant connue, nous pouvons alors répondre,
quant au déta il des mécanismes : Ignoramus, ign.orabimus, nous l'igno-
rons ct pouvon s continuer à l'ignorer, comme les petits enfants.
« Mai s la << Science , devra pein er encore longtemps sur ses faux
problèmes, ct il lui faudra passer par l'infinie complexité de tous les
mécanismes physiologiques avant d 'en r evenir à la simple méthode
expérimenta le - pourtant scientifique - qui consiste à faire l'essai
honnête de la « diète préparatoire ».

<< Fort heureusement, de plus en plus nombreux sont les méde-


cins , dentistes et aides médicaux qui comprenn ent l'importance de la
diète équilibrée non-toxique et l'appliquent avec des résultats qui font
autorité. De recentes ct mal ad roi tes critiques contre J'apport très pré-
cieux d'Oh sawa, parues dans une ren1C hygiéniste, par ailleurs très
valeureuse, prouvent que la diète ,quilibr"e selon le principe Yin et
Yang gagne, lent eme nt mais s ûrement , le terrain que J'erreur cède
toujours à la vérité. Il n ous parvient tous les jours des échos de ces
progrès.
« Nou s pouvon s nous en réjouir car, selon la sage formule de
Marie Gevaert, le recul de la fausse médecine fera reculer la fausse
politique, la fausse religion, la fausse économie.
<< L'Ecriture dit :
<< Si vous demeurez dans mon enseignement,
Vous connaîtrez la Vérité,
Et la Vérité vous rendra libres., ,
G. CHARPENTIER

"LA MACROBIOTIQUE" "LES TROIS ÉPIS"


10 bis, rue lamartine PARIS- TRU 74-78
Organisation créée par les membres du Centre
pour les membres du Centre
au bénéfice du Centre
Tous les produits diéLétiques macrobiotiques
Tous les ouvrages d'OHSA WA
Toute littérature odentalistc d spiritualiste
ENVOI CONTRE REl\'IBOURSEMENT
Faites vivre et vivez vous-même - La Macrobiotique.

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LE ZEN
DANS L'ART ~CHEVALERESQUE

DU TIR A L'ARC .
par E. ~HERRIGEL (Editeur Paul Derain- Lyon)
(suite)

Le Tir à l'Arc ne consiste nullement ~t poursuivre u n résultat ext<'-


rieur avec un arc et des flèches, mais uniquement à réaliser que lque
chose en soi-même.
L'ar t est dépouillé de son art, le tir cesse d'être un tir, le monÏ·
teur devient élèYe, le maître redevient un débutant, la fin devient le
commencement, et le début es t achèvement.

Le philosophe raconte scs difficultés e t ses JOles au cours des c inq


années durant lesquelles il s'est fa miliarisé avec l'art du Tir à l'Arc
sous la conclui te du célèbre maître Kenzo Awa.

Après bien des difficultés, He rrige l o été ac/111is auprès du


maître. Celui-ci laisse son élè ve se d é/)[i/ t re plusieurs se moin es
avec ses problèmes. Il lui e11seigne en suite à règle r sa respi-
ration sur ses nWtlve m enl s, el l'élève comprend alors l'impor-
tance de la respiration. Et le 11WÎ/re dit : « Concentrez-vous
exclusivement sur la respiration comme si vous n'aviez. rien
d'autre à faire » . Au bout de quelque temps Herrigel constate
que les premiers actes du Tir à l'Arc semblent s'occomplir sim·
'p lement avec la respira tion .

..
* •

Malgré la décomposition en phases successives, l'acte fait l'effet


d'un tout vivant en soi, et qui ne peut être comparé à un exercice de
gymnastique où l'on peut ajouter ou retrancher certains gestes sans en
détruire pour cela le sens ou le caractère.
Quand je me reporte à cette époque, je ne puis m 'empêcher de me
souvenir combien, au début, il me parut difficile de faire produire tous
ses effets à l'acte respiratoire. Pourtant, je respirais selon les règles de
la technique; mais, dès qu'en bandant l'arc je veillais à tenir les mus-
cles des bras et des épaules relâchés, les muscles de mes jambes se

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raidissaient involontairement, comme s'il me fallait absolument
compter sur un appui solide et, tel Antée, aspirer toute ma_ force d_u
sol. Souvent, le maître n'avait plus d'autre ressource que d 'mtervemr
avec la rapidité de l'éclair e t d e me pincer douloureusem~nt tel o~ tel
muscle de la jambe, en un endroit particulièrement sen~rble_. Un Jour·
que je lui faisais remarquer combien je m'efforçais consC1enc1eusemen1
à rester décontracté, celui-ci répliqua : « C'est justement parce qu~
vous vous y efforcez, parce que vous y pensez. Concentrez-vous exclust-
\ vement sur la respiration, comme si vous n'aviez rien d'autre à
faire ! ... » .

J Avant que je réussisse à exécuter ce que le maître exigeait de mOl:


il s 'écoula p as mal de temps encore. J'appris à m'absorber avec une st
parfaite quiétude dans l'acte respiratoire. que j'avais parfois la sensa·
tion, non pas de respirer moi-même, mais, quelque etran~c. qu~ cela
puisse paraître, d'être respiré. Et, lorsque aux heures de medlt_atwn_,, Je
reprenais pleine conscience et me défendais contre cette smguhere
impression, je ne pouvais cependant douter pl~s long~emps ql!e la res·
piration n'assurât tous les bénéfices qu'en avait promis l_e mmtre .
Les jours passèrent; il m'arrivait de plus en plus fre_que~ment d<;
bander l'arc, le corps parfaite me n t rel â ché, et de le mamtemr bande
jusqu'au départ du coup, sans toutefois pouvoir dire ~om~en~ cela ,;e
faisait. La différence qualitative entre ces rares essms reussis et le
grand nomb re de ceux qui étaien t ratés se révélait si probante que
j'étais prêt à concéder qu'enfin je comprenais Je sens de l'expressiOn
bander l'arc en « esprit "· C'était donc cela tout le sortilège ! Il ne
s'agissait nullement d 'un procédé technique, que vainement j"avai~
essayé cie découvr ir, mais tout uniquement de trouYer clans la resp i-
ration de nouvelles possibilités de libéra tio n . J e ne prononce pas ce5
paroles à la légère : je sa is combien e n pareil cas Ia tentation cl ~ su:-
combcr à une for le influ ence est proche, c t Je sa1s aussi que l expe-
rience, si pe u ordinaire, peut en r::~ison rnème de cet aspect et sous
l'emprise de l'illusion, voir sa portée e xagé rée . . . .
Le succès conditionné par ce nouveau mode de respiratiOn parlalt
un langage trop clair, en dépit de tous les scrupules de la ré_flexion et
de toute la réserve d'un esprit positif. Je puis le dire, je devms même
capable, avec le temps, de tendre sans me crisper l'arc puissant du
maitre.
Un j o LII·, au cours d'e n e ntretien poussé à fond, je demandai à
M. Komac hi ya pourquoi le maître s'était si longtemps borné à observer
mes vains efforts pour bander l'arc << en esprit », et pourquoi dès le
début, il n'ava it pas insisté pour obtenir la respiration convenable. " I l
faut qu'un grand moniteur soit en même temps un grand éducateur »,
répondit-il. << Ici, nous sommes d'avis que de toute é\·idenc-: les cl~ux
choses doi vent a lle r de p<1Î r . S'il av~1it commencé son e nseignement p::J.r
des exercices res piratoires, il n'eût jamais pu vous persuader que vous
leur deviez que lque chose de décisif. Il fallait d'abord éprouver vos pro-
pres échecs, avant que vous fussiez prêt à saisir la bouée de sauvetage
qu'il vous lançait. Croyez-moi, je sais par expérience personnelle que le
maître nous c01maît, vous et chacun de ses élè\'CS, m ieux que nous ne
nous connaissons nous-mêmes. Il lit dans les âmes de ses élèves plus
que ceux-ci n'en voudraient convenir ».
Etre capable, au bout d'un an, de bander l'arc << en esprit » c'est-à-
dire à la fois puissamment et sans peine , n'est pas un résultat sensa -
tionnel. Et pourtant, je m'en déclarai satisfait. Je commençai s en effet

g
à comprendre pourquoi on donne le nom « d 'art bénin " à ce mode àe
self-défense qui permet de venir à·bout d'un advet·saire en ne lui oppo-
sant, à sa grande surprise, qu'un recul élastique sans aucune dépense
de force, et par lequel on obtient comme résultat que la force de l'anta-
goniste se retourne contre lui-même. De tout temps, on a vu le proto-
type de cette tectique ·dans l'action d'une eau qui cède sans jamais
s'éloigner, de sorte que Lao-Tseu peut elire a 1·cc profondeur que la vie
véritable est semblable à l'eau, qui s'adapte à tout, parce qu'elle subit
tout.
Dans l'école du Maître, on avait coutume de dire : Celui qui se
fa cilite les débuts se prépare des lendemains d'a utant plus difficiles .
Mes propres débuts ayant paru très pénibles, j'avais donc quelque
raison de me montrer confiant devant tout ce qui m'attendait ct dont
je pressentais la difficulté.
L'étape suivante fut l'étude du lâcher elu coup. Ju squ'alors il nous
avait été permis de procéder au petit bonheur. C'était en qu e lque sorte
une parenthèse en marge des exercices. Nous ne nous préoccupions pas
encore de ce que devenait notre flèche. Qu'elle pénétrât dans le disque
de paille qui représentait à la fois la cible et la butte de tir nous suffi-
sait amplement. Toucher le but n'est pas un tour de force : on est éloi-
gné de lui de deux mètres au maximum.
Jusqu'alors, je m'étais borné à lâcher la corde dès qu'il m'était
devenu impossible de rester plus longtemps au maximum de tension,
dès que je sentais qu'il allait falloir céder sous peine de voir se rejoin-
dre brusquement les deux mains que j'écartais avec effort. La tension
n'est cependant pas douloureuse. Un gant de cuir au pouce renforcé et
rembourré empêche la pression de la corde d'être gênante et de pro-
voquer un relâchement prématuré de la tension maxima.
Pour bander l'arc, on place le pouce sous la flèch e, replié autour
de la corde qu'il embrasse; l'index, le majeur et l'an nulaire s'appliquent
sur lui, l'enserrent très solidement, assurant ai n si, en même Lemps, une
ferme assiette à la flèche. Lâcher le coup consis te alors à ouvrir les
doigts qui embrassent le pouce de manière à libérer celui-ci. La violente
traction de la corde l'arrache de sa position, le détend; la corde vibre
et la flèche est lancée.
Jusqu'à présent ,le coup lâché m'ébranlait chaque fois visiblement
d'une violente secousse qui se prolongeait dans tout le corps et aussi
dans l'arc et la flèche. Impossible ainsi d'obtenir un coup aisé et sûr,
car il était inévitable que le tremblement le fasse dévier.
« Tout ce que vous avez appris jusqu'ici, dit un jour le Maître, lors-
qu'il ne vit plus rien à reprendre à ma façon de bander l'arc sans cris-
pation, tout n'était que préparation au déclenchement du coup. Nous
voici donc en présence d'une nouvelle tâche, particulièrement difficile,
et nous nous élevons en même temps à un nouvel échelon du tir à
l'arc».
Ayant parlé, il saisit son arc, le banda et tira. Alors seulement, mon
attention étant spécialement attirée sur ce point, je m'aperçus que la
main droite du Maître, subitement ouverte et libérée de la tension,
partait en arrière en un brusque mouvement de ressort, mais sans
entraîner la moindre agitation du corps. Le bras droit qui, avant le
coup, formait un angle aigu, cédait, il est vrai, à l'effort qui l'ouvrait,
mais se détendait sans violence, de sorte que l'inévitable secousse était
reçue et compensée élastiquement.

10
Si la puissance de la détente ne s'était révélée par le claquement
sec de la corde qui rebondit vers sa position initiale, et par la force de
pénétration de la flèche, on ne l'aurait jamais soupçonnée derrière ce
qu'on voyait. Chez le Maître du moins, le lâcher du coup paraissait
chose a u ssi simple et aussi exempte de toute prétention que s'il se fùt
agi d 'un simple jeu.
L'aisance avec laquelle s'exécute un acte de force est, sans aucun
doute, un spectacle dont un homme d'Extrême-Orient apprécie et goûte
particulièrement la beauté.
Quant à moi, mon état d'avancement ne me permettait pas d'atta-
cher de l'importance à autre chose qu'au fait que la justesse du tir
dépendait de l'aisance de la détente. Mon expérience du tir au fusil
m'avait appris les conséquences de la moindre déviation de la ligne de
visée provoquée par un tremblement du tireur.
Tout ce que j'avais appris et réalisé jusqu'alors n'avait de sens
pour moi que de ce point de vue : le relâchement lors de la tension
des muscles, le relâchement encore en maintenant la tension maxima .
en lâchant le coup, e n recevant et compensant le choc du recul, tout
cela était au set·vice de la précision du tir, c'est-à-dire du but pour
lequel on apprenait avec tant de peine et de patience à tirer à l'arc .
Pourquoi donc le Maître s'était-il exprimé comme s'il s'agissait d 'un
acte sortant totalement de l'ordinaire et largement supérieur à tous les
exercices antérieurs ?
Quoi qu'il en fül, je continuai à m 'exercer laborieusement ct avec
conscience selon les directives du Maître. Cependant, tous mes efforts
restèrent vains. Souvent, j'avais l'impression d'avoir mieux tiré autre-
fois, a lors que je lâchais encore le coup au petit bonheur. Maintenant .
je remarquais, avant tout, que je ne réussissais pas à ouvrir la main
droite sans effort, et pour commencer les doigts qui pressaient le pouce.
Il en résultait au moment du départ du coup une secousse qui le fai-
sait dévier. J'étais encore moins capable de compenser élastiquement Je
choc de la main subitement libérée. Le Maître ne se lassait pas d'exé-
cuter devant moi le décle nchement convenable du coup. Je m'efforçais
de l'imiter, inlassablement, sans autre résultat que de me montrer plus
hésitant encore. J'étai s, semb le-t-il, comme le mille-pattes qui ne pou-
vait plus se mouvoir, depuis qu'il s'était cassé la tête à chercher dans
quel ordre il m ettait ses pattes en mouvement.
Le Maître éta it visiblement moins épouvanté que moi-même de
mon échec. Savait-il p:tr expérience que je devais nécessairement passer
par là? « Ne pensez pas à ce que vous avez à faire, ne réfléchissez pas
pour savoir comment il faut s'y prendre ! me criait-il. Le coup n'a
l'aisance requise que lorsqu'il surprend le tireur lui-même. Il faut que
la corde ait l'a ir de trancher subitement le pouce qui la retient. Il ne
faut donc pas que vous ouvriez intentionnellement la main droite ».
Des sem ai n es et des mois d'entraînement infructueux suivirent. Le
Maître, par la façon dont il tirait, me permettait de découvrir la
norme, l'essence du véritable coup. Mais je n'en réussissais pas u n.
M'arrivait-il, attcnclan t vainement le départ, de céder à la tension parce
qu'elle commença it tt se faire intolérable, m es mains se trouvaient len-
tement rapprochées l'une de l'autre, et il n'y avait pas de coup du tout.
S'il m'arrivait de résister obstinément jusqu'à l'épuisement du souffle,
il me fallait faire appel alors à l'aide des muscles des bras et des
épaules. Il est vrai qu 'alors je réussissais à me tenir immobile, mais

11
crispé, « comme une statue ,, disait ironiquement Je Maître, ct c'en
était fait de toute décontraction !
Par un hasard qui était peut-être intentionnd, nous nous t rouvâmes
un jour ensemble, le Maître et moi, devant une tasse de t hé. Je saisis
J'occasion, fort à mon gré, d 'une explication ct je vidai mon cœur.
« Je comprends bien, dis-je, qu'il ne faut pas ouvrir la main brus-
quement, si l'on ne \'eut pas gâter le départ elu coup, ma is de quelque
façon que je m'y prenne, c'est toujours raté. Si je ferme la main auss1
fortement que je Je puis, il m'est impossible d'éviter la secousse en
l'ouvrant. Si, par contre, je m'efforce de la lai sser rd'ichée , la corde
est arrachée à l'improviste, il est vrai, mai s trop tôt, avant que ne soit
atteinte la tension maxima. Je ne cesse d'aller de l'une à l'autre de ces
deux formes de l'erreur, et je ne trouve aucune issue "·
Le Maître répliqua : « Il faut que vou s teniez la corde tendue
comme un enfant tient Je doigt qu'on lui ofl're. Il Je tient si fermement
serré qu'on ne cesse de s'émerveiller de la force d'un poing si menu.
Et, quand il lâche Je doigt, il le fait sans la plus légère secousse. Sav~z­
vous pourquoi ?... Parce que l'enfant ne pense pas par exemple : Mam-
tenant je vais lâcher ce doigt pour saisir cet autre chose ... C'est bien
plutôt sans ré flexion et à son insu qu'il passe de l'un à l'autre, et il
f audrait dire qu'il joue avec les choses, s'il n'é tait aussi exact de penser
que les choses jouent avec lui.
Il me semble que je comprends votre comparaison, fis-je, mais ne
suis-je pas clans une situation totalement différente? Quand j'ai bandé
J'arc, le moment vient où je sens que si le coup ne part pas tout de
suite, je ne pourrai plus supporter la tension. Et que s'est-il produit
subitement? Le souffle me manque tout simplement et, coûte que
coûte, il faut que je lâche moi-même Je coup immédiatement, parce
que je ne puis attendre plus longtemps qu'il parte "·
Le Maître répondit : << Vous n'avez que trop exactement décr it en
quoi consiste pour vous la difficulté. Savez-vou s pourquoi vous ne pou-
vez attendre le départ elu coup, et pourquoi le souffle vous manque
avant qu'il ne survienne ? Le coup parfait ne se produit pas au moment
opportun parce que vous ne vous détachez pas de vous-même. Vous ne
tendez pas vos forces vers l'accomplissement, mais vous anticipez
votre échec. Tant qu'il en est ainsi, vous ne pouvez qu'appeler vous--
même un acte indépendant de vous, et aussi longtemps que vous
l'appelez, votre main ne s'ouvre pas comme il convient, comme la main
d'un enfant. Elle n 'éclate pas comme la silique d'un fruit mûr ».
Je dus avouer au Maître que cette interprétation ne faisait qu'aug-
menter ma confusion. « Finalement, je bande l'arc et je tire en vue
d'atteindre le but, objectai-je. La tension est donc un moyen en vue
d 'une fin, et je ne puis perdre de vue ce rapport. L'enfant l'ignore
encore, mais moi, je ne puis en faire abstraction .
- L'art véritable, s'écria le Maître, est sans but, sans intention. Plus
obstinément vous persévérerez à vouloir apprendre à lâcher la flèche
en vue d'atteindre sôrement un objectif, d'autant moins vous y réus-
sirez, d'autant plus le but s'éloignera cle vous. Ce qui pour vous est un
obstacle, c'est votre volonté trop t endue vers une fin . Vous pensez que
ce que vous ne faites pas par vous-même ne se produira pas.
- Mais, objectais-je, n'avez-vous pas dit très souvent vous-même que
le tir à l'arc n'était pas un passe-temps, un jeu sans but, mais une
affaire de vie ou de mort ?
- Je m'y tiens absolument. Nous autres, Maîtres de l'arc, nous

12
disons : Un coup, un e \·ie ! Vous ne pouYez encore compr~n~re ce q u .
cela veut dire, mai s p eu t-être tirerez-vous profit d'une autre n:'age_ qu t
traduit la m êm e expérience . Nou s disons a ussi : D'une extre mlte de
son arc l'arche r p erce le ciel; à l'autre bout, fixée à un fil de s01e, es~
la terre. Si J'on déclenc he Je coup d'une violente secousse, on est expos:
au danger de voir le fi l sc rompre. Et la fa ille est définitive pour celm
qui est animé d'un dessein précis e t qui. cmp~oi e la _vi?l~nce; !'ho;nme
reste entre c iel c l t<.:ne cl::lns cette pOSJtlOn mtermed1a1re qm n offre
pas de s alut. .. , .
- Qu e eloi-j e donc faire ? ciemandm-Je tres p erple?'e. - Apprendre a
bien attendre ! - Comme nt apprend-on? - Liberez-vous de vous-
même laissez derrière vous tout ce que vous êtes, tout ce que vous
avez, de sorte que de vous il ne reste plus rie n, ~ue la te:1 sion san-
aucun but. - Donc , il faut qu'intentionn ell e me nt Je me depouill e de
toute intention? r épliquai-j e précipitamment. - J amais auc_un élèœ
ne m'a en core posé pareille question, de sorte que Je ne sa1s pas b
répon se qui convient. - Et quand co mmen~erons-nous ces n ouveau;'\
exercices ? - Attendez que le moment en s01t venu » .
Il va de so i que cette conversation, premier entretien un peu
poussé que j 'ai c u avec le Maître depui s Je début de ses leçon s, m:::~
singuli èrement frappé. J e to uch ais enfin le thème en vu e duque l JC
m'étais proposé d'a pprendre l'art de tire r à l'arc. , . .
Cette libé ratio n ck so i-même dont avait parlé le Mmtre n'et <:u t-e lk
pas sur la voie cond ui s;:mt au dépouillement et au détach em ent J
N'étais-j e donc pas p;:n-venu ainsi au point où commençait à. se faire
sentir l'influence du Zen sur l'art du tir à l'arc? Je ne pouva1s certe;
pas e ncore déterminer à quoi se rapportait le f~it. d'être capa~ le d'at.-
tendre, sans intention personnelle, le moment prec1s cie la tenswn par-
faite où le trait doit ê tre libéré.
Mais à quoi bon vouloir anticiper par la pensée sm- ce que l_a seule
expérience peut enseigner ! N'était-il pas gr~nd t~~1ps cl~ ~e deb a~-ras­
ser de cette propension stérile ? Que de fms , cleJa , avms-J e en\'le en
secret les nombreux: discipks du Maitre qui se laissaient saisir p ar l:J.
m ain et conduire comme des enfants ! Quelle félicité ce doit être de
pouvoir le faire san s n~se rv c ! Ce comportement ne conduit pas né ces-
sairement à J'i ndifférence ct à un e paralysie spirituelle . Les enfants n e
posent-ils pa s bea ucoup de questions? . ,
Durant la leçon qui sui vit, à mon grand désappomtement, le Ma1tre
ncotinu a les exerc ices précédents : bander l'arc, le maintenir à la ten-
sion maxima lâcher Je coup. Mais tous ses encouragem ents restèrent
con tinu a les ~xcrcicc s précéden ls : L1ander l'arc, le maintenir à b ten-
sion, mais de la dépasser en p ensée, comme si la nature de l'arc ne lui
eût imposé au cune limite; je m'efforçai bien d 'attendre en m ême temps
que la tens ion atte igne son maximum et se résolve clans le cou p, et
néanmoins chaqu e coup fut raté, voulu, provoqué, tremblé.
Ce ne 'fut qu'au moment où, non seulement les exercices n 'appor-
taient plus au cun progrès, mais devenaient plutôt un danger, parce q ue
de plus en plu s la hantise de l 'échec les entravait, que le Maître s'inter-
rompit pour com mencer une série toute nouvelle . Il nous donna cette
consigne : << A J'avenir, il conviendra, lorsque vous Yiendrez au cours ,
que vous vous recue illi ez déjà en chemin. Mettez-vous dans l'espri t de
ce qui se passe ici dans la salle d'exercices . Passez auprès de toutes les
choses sans y accorclLT auc une attention. comme s'il n'existait au
monde qu'une chose i rn portante et réelle, le tir à l'arc >>.

13
CHOIX DE PENSÉES
DU MAHATMA GANDHI
LE MONDE EST FATIGUÉ DE LA HAINE
Je n'ai rien de nouveau à enseigner au monde. La \·érité c t la non-
violence sont aussi vieilles que les montagnes.

Que des hommes puissent se sentir honorés par l'humiliation de


leurs semblables a toujours été pour moi un mystère.

'' Haïssez Je p éché et non Je pécheur ,, est un précepte qui est rare-
ment mis en pratique, bien que facile à comprendre; c'est pourquoi
Je poison de la haine se r épand à trave rs le monde.

II vous faut faire face au monde entier, même si \'Ous devez être
seul. Il vous faut ref!:arder le monde en face, même si Je monde vous
r egarde avec des ye~x injectés de sang. Ne craignez rien. Faites con-
fiance à cette petite chose qui réside en votre cœur et qui dit : « Aban-
donnez vos amis, votre femme, tout; mais attestez J'existence d e ce
pour quoi vous avez vécu, et pour quoi vous aurez à mourir. ,

Dieu a créé différentes croyances comme il en a rou rni ks dévôts.


Comment pourrais-j e, m ême sec rè te m ent, pen se r q ue la foi de mon
voisin est inférieure à la mienne et souhaiter qu'il J'abandonne pour
embrasser la mienne? Ami loyal et sincère, je ne puis que souhaiter et
prier qu'il vive et se perfectionne dan s sa propre foi. Da ns la maison
de Dieu, il y a bien des demeures, e t tout es sont également sacrées.

**
Ne laissez personne - même pour un instant - nourrir la crainte
qu'une étude respectueuse des autres religions puisse affaiblir ou ébran-
ler sa foi en sa propre religion. La doctrine de philosophie hindoue
considère toutes les religions comme contenant en elles-mêmes les élé-
ments de la vérité; elle enjoint envers toutes une attitude de profond
respect. Ceci présuppose évidemment le respect de la religion de cha-
cun. L'étude et l'appréciation des autres religions n'ont pas pour corol-
laire l'affaiblissement de ce respect; elles devraient signifier l'exten-
sion de ce respect aux autres religions.
*
**
La plus grande force dont puisse disposer l'humanité est la non-
violence. Elle est plus puissante que la plus pui ssante des armes de
destruction élaborées par l'intelligence de l'homme. La destruction
n'est pas la loi des humains. L'homme vit libre parce qu'il est prêt à
mourir, si besoin est, de la main d e son frère, jamais en le tuant. Tout
meurtre commis, toute blessure infligée, quelle qu'en soit la cause, est
un crime contre l'humanïté.
* *
Si un homme atteint le cœur de sa propre religion, il atteint éga-
lement Je cœur des autres religions.

14
Mon expencnce chaque jour enrichie et renforc..:e m'apprend qLt 'i!
n'y a pas de paix pour les individus ou les nations sans la pratique,
dans la plu s large m c:surc possible, de la vérité et de la non-violence.
La politique des représ a illes n'a jamais été couronnée de succès.

Mon amou1· pour 1::t non-1·iolence est supeneur à toutes choses, ter-
restres ou SUJJrat.erresln:s . ll n'est égalé que par mon amour de la
vérité, qui es t pour moi synonyme de non-violence, car c'est à travers
la non-violen ce , cl seuJement grâce à ei!e, que je puis contempler et
atteindre la vérité. Si ma conception de la vie ne fait aucune distinc-
tion entre les différentes religions cl e l'Inde, elle n'en fait pas clav::m-
tage entre les différentes races. Pour moi, " un homme est un homme ,
en dépit de tout "·

La non-violence, telle que je l'entends, n'admet pas que l'on fuie


devant le danger· et que l'on laisse sans protect ion ceux qui nous son t
chers. Entre la 1·ioJenœ et la lâcheté, je ne puis que préférer la pre·
mière. Il n e m'est pas possible de prêche1· la non-violence à un lâche,
pas davantage à inviter un aveugle à apprécier les paysages. La non-
violence es t k somm et d e la bravoure. Je n'ai eu jusqu'ici aucune
difficulté à démontn.:r la supériorité de la non-violence aux homm es
ayant sui vi l'école d e la violence. Le lâche que je fus pendant des
années préconisa it la 1·iolcn ce . Je n'ai apprécié la non-dolence qu'à
partir du jcur où j'ai r·ej e té la lâcheté.

Ne sachant pas de quoi est faite la non-viole nce, nombre d'hommes


ont cru sincèremt:nt que la fu ite systémat ique devant le danger consti-
tue une vertu comparable à celle de la résistance, notamment quand le
danger menace une Yie humaine. Je prêch e la non-violence , mai s je
dois, autant qu'il m'est possible , mettre en garde contre une convict ion
aussi indigne d'un homm t: .

Je ne suis pas un l'is ion nLtirt:. Jt: prétends ê tre un idéaliste pra-
tique. Le religion d e la n0n-viole ncc nt: s'adresse pas seulement aux
saints, m a is a u commun clcs morlds. La non-violence est la loi de notre
espèct: co mmt: la violen ce c:sl la lo i de la brute. L'esprit sommeille
dans la brule, qui nt: connaît d'autre loi que celle de la force phys ique.
La dignité ck l'ho mm e rt:qu ie rt l'obéissance à une loi supérieure, à la
pui ssa nce de l 'e~pr ir .

La n on-1·iok ncc. dan~ so n sens dynamique . signifie « souffrance


consc iente "· cci ne n :u l pas dire humble soumission à la volonté des
malfaiteurs, mai s opposition complète de l'âme à la Yolonté du tyran.
En obé issant ~~ L· ~· ttc règle . un individu peut défier la puissance d 'u n
empire injus tt:, afin d e sa uver son honneur, sa religion, son âme e t
créer les condition s nL·ccssaires à la chute ou a u relèvement de cet
empire .
* *
Bien SOLI\T nt , le bon découle du mauyai s . Mais ceci est l'affaire de
de Dieu, non cks hommes . L 'homme croit que seul le mal peut sorti r
du mal, comm t: le bon ne peu t sortir que du bon ... La morale que l'on

15
peut légitimement tirer de la tragédie suprême de la bombe atomique
est que la bombe ne sera pas détruite pZlr des contre-bombes, comme
la violen ce ne p eut pas être détrui le par lZl contre-1·iolence. L'hum anité
ne pourra se libérer cie la violence que par b non-vi olence. Seul l 'amour
peut vai ncr e la haine. En opposant la h a ine à la h aine, on n e f a it que
la répandre, en surface comme en profond eur.
*
* *
Il est impossible d'êtt·e intern ::t liona li s tc sar;s être nationaliste.
L'internationali sme n'est possible que lorsqu<" le nat io.n a lisme devient
une réalité . c'est-à-dire quand des habit ants de différents pays se sont
organ isés et peuvent 8gir comme un seul homme. Le nation8lism e n'est
pas un mal en soi, mais l'étroitesse d'esprit ct l'égoïsme des nations
modernes sont des fléaux. Chacun n: u l 1i re r profit de l'autre et s'élever
sur ses r uines .

L'in terdépendance es t c t doit ê t re l'idéal de l'homme au même titre


que l'indépendance. L'homme est un ê tre social. Sans interrela tions
avec Ja société, il ne p eut pas réa li ser son iden ti té a 1·ec l'u ni.vers ou se
libérer de son égoïsme. Son interdépendance sociale lui permet de
mettre sa foi à l'épreuve et de se prouver à lui-m êm e, gr âce à la pierre
de touche de la réalité. Si l'homme était placé ou pouvait se placer de
façon à ê tre absolument indépendant vis-à-vis de ses semblables, il
deviendrait si a rroga nt qu'il serait une charge pour la socié té. Le fait
de dépendre de la société lui don ne une leçon d'hum ilité.

Quelle est la cause du ch aos a clue! ? C'est l'exp loi tati on non pas
des nations faibles par d'autres plus fortes, mais de nations sœurs par
d'autres nations sœurs . Et mon objecti o n fondamenta le a u machinisme
est basée sur le fa it que c'est Je machi nisme qui a perm is à ces nations
d'en exploiter d'autres .
Nous devons être heureux de mourir si nous ne pouvons pas vivre
en hommes et e n femm es libres.

Le gouvernement le plus despotique ne peut pas durer s'il ne dis-


pose pas du consentement des gouvernés, et ce consentement est sou-
vent obtenu de forc e par le despote. Dès que le sujet cesse de craindre
la puissance despotique, le pouvoir de celle-ci disparaît.
.
.. *
Le vrai démocrate est celtù qui, grâce à des moyens purement
non-violen ts, défend sa liberté, par conséquent celle de son pays et
finalemen t celle de l'humanité tout entière.
*
**
La véritable éducation consiste à tirer le meilleur de soi-même.
Quel meilleur livre peut exister que Je livre de l'humanité ?
(Reproduit du « Courrier de l'UNESCO ».)
CENTRE IGNORAMUS · Re.rponsaol< : Jean-Louis ROCHE - Irnp. LIENHART & C0

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