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CM - DEMARCHES ET OUTILS – M.

Boutanquoi

Introduction

1. La méthodologie de recherche

C’est une démarche dans laquelle « le fait scientifique est conquis, construit, et constaté » (G. BACHELARD). Il faut rompre avec
les pré-notions (Bourdieu), le sens commun, les fausses évidences → Il s’agit d’une rupture entre savoir profane et savoir savant.

2. Les approches qualitatives (cf. le texte de Denise JODELET)

- Considèrent qu’un processus social, psychologique est toujours en lien avec d'autres dans la réalité ;
- Considèrent que les faits humains sont des totalités qu'on ne peut expliquer en étudiant séparément leurs composants ;
- Considèrent qu’il faut tenter de saisir la complexité.
- N’excluent pas le recours à une quantification car quanti et quali se complètent. Là où, par exemple, une approche expérimentale
vise à décomposer certains facteurs d’un phénomène, en en situer leur poids respectif, l’approche qualitative tend à l’appréhender
globalement (approche holiste) ;
- Promeuvent également ce que l’on nomme une triangulation, de la discussion, du débat en se référant à plusieurs théories (≠
cadres de référence), en croisant les sources de données et des méthodes (ex : entretiens et observation), en croisant les analyses
entre chercheur.

3. Le chercheur

• Dans le cadre des approches qualitatives, le chercheur s’interroge sur sa posture. Entretiens, observations, il est en relation avec
des sujets qui s’exposent par leurs paroles, leurs attitudes. Dès lors se pose la question du positionnement clinique non pas dans un
sens thérapeutique mais dans le sens de l’attention qu’il porte à ceux qu’il rencontre, de l’attention dont il fait preuve à leur égard
(nous y reviendrons précisément dans le cadre des entretiens). Le chercheur est engagé dans une relation, dans des interactions : dès
lors il n’est pas neutre même s’il tend à construire et garder une certaine objectivité.

• Conduire un entretien, une observation c’est mettre en jeu sa subjectivité (comment je reçois telle information, pourquoi ?) mais
si dans une démarche scientiste la subjectivité est perçu comme un biais, dans l’approche qualitative il s’agit d’en faire un atout.
C’est justement parce que l’on s’interroge sur son rapport à l’objet de recherche, aux personnes que l’on rencontre que l’on peut
prétendre atteindre une certaine objectivité. L’entretien s’inscrit donc dans une démarche de recherche dont nous allons examiner
les étapes. S’engager dans un travail de recherche, c’est s’engager dans un travail de rupture avec ce que l’on croit savoir (pré-
notions, fausses évidences, représentations, etc.). Cela suppose de comprendre qu’il s’agit de construire des connaissances.

4. Les étapes

• Définir les étapes de la conduite d'une recherche, de sa construction à son


opérationnalisation et à ses conclusions ne signifie en aucun cas que la
démarche soit linéaire. Bien au contraire. Il existe toujours une nécessité,
lorsqu'une étape est franchie, de revenir sur la/ les précédente(s) pour voir en
quoi elle(s) est (sont) affectée(s) par l'avancée du travail.

• Définir les étapes c'est proposer une sorte de guide méthodologique, des repères pour progresser. Auparavant il est possible de
dire qu'une recherche, particulièrement une recherche sur les pratiques sociales, s'appuie sur 3 pôles :
a) un pôle épistémologique relatif à la conception et la construction de l'objet scientifique. C'est l'occasion du travail de
rupture, d'interrogation du rapport à l'objet en autre (3 premières étapes) ;
b) un pôle théorique qui recouvre le cadre de l'organisation des hypothèses puis de la méthodologie. Ici se trouve posée la
question du cadre théorique de la recherche (étapes 3 et 4 mais également 6 et 7) ;
c) un pôle technique qui renvoie aux opérations de collecte des données (étape 5).
4.1. 1ère étape : la question de départ

• Se lancer dans une recherche suppose d'avoir une question à poser. En fin de compte, cela est probablement plus compliqué qu'il
n'y paraît. L'enjeu n'est pas véritablement d'avoir une question mais de savoir transformer un intérêt pour un objet, un sujet en une
question de recherche.

Exemple : une étudiante, par ailleurs professionnelle, s'intéresse à la parentalité. Sa question de départ est ainsi rédigée « quelles
sont les stratégies d'intervention à mettre en œuvre pour rendre les parents plus compétents, plus confiants dans leurs moyens et
leurs ressources ? ». Cette question est une question relevant de l'action portée par différents présupposés : il existe des compétences
parentales ; il y a nécessité de mettre en œuvre des stratégies pour les développer. Ce n'est pas une question de recherche. Cela ne
veut pas dire qu'une question de terrain n'a aucune possibilité de devenir une question de recherche mais poser une question sur la
pratique et qui plus est sur une pratique familière impose un travail de rupture (cf. intro). Il s'agit donc de délimiter un champ (ici la
parentalité) et d'essayer d'expliciter pourquoi on s'y intéresse, quelles questions (au pluriel indispensablement !) on se pose, à partir
de quelles observations, de quel regard. Il s'agit ensuite d'interroger les notions utilisées : parentalité, compétences.... Ce premier
travail, s'il n'aboutit pas forcément à une question idéalement formulée, permet de s'interroger sur son rapport à l'objet.

• BOURDIEU a eu l'occasion de souligner que la principale source d'erreur en sociologie se teint dans le rapport non élucidé du
chercheur à son objet (Questions de sociologie, 1980). Il existe le plus souvent un intérêt pour s'attacher à tel objet, intérêt
professionnel, personnel, lié à sa propre histoire, à sa position dans le champ social. Poser une question de recherche demande donc
un certain détachement, un certain recul par rapport à ce que l'on sait ou croit savoir sur l'objet, savoir lié à la position qu'on occupe
par rapport à lui. D'où, encore une fois, l'importance d'interroger les notions qu'on utilise et d'entrer dans un travail de rupture avec
les pré-notions, le sens commun, le sens professionnel éventuellement.

4.2. 2ème étape : l'exploration

L'exploration renvoie à 2 moments distincts :

a) le travail de lecture : il s'agit ici de nourrir sa réflexion non plus à partir des dimensions personnelles d'origine mais par
la confrontation à des points de vue, à des travaux de recherche déjà réalisés sur le sujet. Cela impose de lire avec méthode, de
comparer les textes entre eux. L'utilisation des bases de données s'avère souvent une démarche fructueuse. Dans l'exemple cité on
imagine assez bien la nécessité d'aller voir du côté de la construction historique de la notion de parentalité, de repérer les différentes
acceptions de la notion de compétences, de situer les politiques familiales dans le champ des politiques sociales, etc.

b) les entretiens exploratoires : toujours dans l'exemple cité, si la question tourne autour des effets possibles des groupes
de parents (dont l'objectif définit est de soutenir la parentalité) il peut être utile de conduire quelques entretiens auprès des personnes
concernées (parents, animateurs...) pour observer comment eux-mêmes se saisissent de la question, ce qu'ils en disent. On se trouve
ici dans le cadre d'entretiens d'orientation non-directive ce qui réclame une certaine expérience pour garder une attitude d'écoute
et d'ouverture, une disponibilité pour que l'interlocuteur puisse déployer son discours. Cela suppose une analyse prudente du matériel
recueilli.

4.3. 3ème étape : l'élaboration d'une problématique

• Il s'agit ici de faire le point. Après les lectures, après les éventuels entretiens exploratoires qu'est devenue la question de départ
? Comment se voit-elle reformulée ? Si on considère la recherche comme un travail d'élucidation de mécanismes et de processus à
l'œuvre derrière des faits observables directement ou non alors élaborer une problématique revient non seulement à reformuler la
question de départ mais à l'insérer dans un cadre théorique à partir duquel on va s'efforcer d'expliquer ce que l'on cherche à mettre
en évidence. Il s'agit entre autres de présenter un ensemble de propositions et/ou de questions susceptibles de faire l'objet d'une
recherche empirique.

• Pour toujours continuer sur l'exemple de la parentalité, observant la multiplication des groupes de parents on peut s'interroger sur
leurs effets en termes de pratiques parentales, d'estime de soi, d'identité, de lien social. Les pratiques parentales renvoient pour partie
au champ de l'éducation familiale, l'estime de soi à la psychologie du développement, l'identité à la psychosociologie, etc. Construire
une problématique à partir d'un cadre théorique conduit à une explicitation des choix opérés.

4.4. 4ème étape : les hypothèses

Une hypothèse est un énoncé qui formule une explication plausible d'un phénomène qu'il s'agit ensuite de vérifier. Une définition
opérationnelle implique la définition de variables (les mesures, c-à-d les VD) des sources de variations (VI). Si on suppose que
les groupes de parents produisent un (des) effet(s), on peut parfaitement imaginer (grâce aux lectures, aux entretiens exploratoires)
que cet (ces) effet(s) soi(en)t variable(s) en fonction d'un certain nombre de paramètres : degré d'implication dans le groupe, mode
de recrutement, population concernée, type d'animation, composition du groupe.... A ce stade on peut remarquer combien le point
d'entrée a été modifié : il ne s'agit plus de poser une question d'action (comment faire ?) mais de s'intéresser à un fait social (les
groupes de parents) et à leurs effets possibles en fonction des contextes d'observation.
4.5. 5ème étape : le recueil des données

• Il est question ici en premier lieu de définir le ou les terrains de la recherche, de prévoir le type d'outil le plus adapté au recueil des
informations recherchées. Il est question ici de choix méthodologiques au sens où ceux-ci ne sont pas sans effets. On ne recueille
pas les mêmes informations avec un questionnaire ou avec un entretien. Rien n'interdit bien sûr de croiser les méthodes afin de
déplacer le regard, de multiplier les points de vue. Il est également nécessaire de tester à minima les outils : s'il s'agit d'un
questionnaire, il peut exister des problèmes dans la formulation des questions, dans leur ordonnancement. S'il s'agit d'entretiens,
qu'en est-il de la pertinence du mode d'entrée. Si on a recours à des instruments déjà validés (questionnaire des pratiques parentales
par exemple) il n'est pas inutile d'en faire passer quelques-uns pour s'exercer. Il n'y a pas de bonnes ou de mauvaises méthodes, il y
a des méthodes adaptées à l'objet de la recherche, adaptées aux terrains de la recherche.

• Choisir une méthode c'est déjà envisager le traitement des données recueillies, c'est anticiper sur les difficultés qui peuvent surgir.
On ne se lance par par exemple dans un ensemble d'entretiens sans essayer de prévoir les types d'analyse possibles, sans informations
sur les traitements informatiques disponibles. Si on a des données textuelles (discours) et des variables il n'est sans doute pas inutile
de se renseigner sur les analyses multidimensionnelles (les analyses factorielles par exemple).

• Il n'y a sans doute rien de pire que de partir à l'aventure sur le terrain avec une vague question, une méthode en poche et de revenir
sans trop savoir quoi faire des données recueillies faute d'avoir construit avec un minimum de rigueur une démarche scientifique.
Une méthode n'a pas pour fonction de vérifier une hypothèse mais de permettre de recueillir les informations nécessaires à sa
vérification. Dire « je vais faire des entretiens pour vérifier mon hypothèse » n'a aucun sens. La question sera de savoir si les
entretiens peuvent permettre un recueil de données pertinentes.

4.6. 6ème étape : l'analyse des données

L'analyse des données est un travail méthodique :

- cela passe d'abord par une phase de description : les personnes participantes, les conditions de recueils, les premiers éléments qui
permettent de caractériser les réponses obtenues ;
- vient ensuite le travail d'analyse à proprement parlé : une série d'opération sur les données recueillies (analyse de contenu, tris
multiples, tableaux de contingence, etc.) pour mettre à jour des éléments non directement observables et surtout tenter de mettre en
relation les variables retenues au départ ;
- enfin, arrive le moment où le chercheur se retrouve face aux résultats de sa recherche, à comparer les résultats attendus et les
résultats observés, à explorer la signification des écarts éventuels, à donner sens à l'ensemble de son travail par un retour sur les
hypothèses.

4.7. 7ème étape : conclusion et mise en perspective

Cette étape débute par un moment essentiel : l'interrogation sur la validité des résultats càd le chercheur observe-t-il vraiment ce
qu'il croit observer selon le propos de LESSARD-HEBERT, GOYETTE et BOUTIN ? Il s'agit donc d'interroger :

- la validité instrumentale : avec d'autres outils obtiendrait-on des résultats similaires ;


- la validité théorique : la théorie rend-t-elle compte des faits ;
- les faiblesses éventuelles : les données sont-elles suffisantes pour conclure ? L'analyse prend-t-elle suffisamment en compte les
données divergentes ?
- conclure implique ensuite de rappeler la démarche, de présenter les principaux résultats et de chercher à mettre en évidence les
connaissances nouvelles que la recherche a permis de mettre à jour, de situer les limites du travail achevé voire de dessiner de
nouvelles perspectives de recherche. Rien ne s'oppose à ce moment de peut-être faire retour sur une question de départ trop attachée
à des considérations d'action et de pratique pour examiner en quoi les résultats obtenus interrogent peut-être la pratique.

4.8. 8ème étape : la restitution

• Si les étapes écrites se situent dans le cadre de la recherche classique, quelques principes de la recherche-action peuvent compléter
la démarche. En effet, un travail sur le terrain qui s'intéresse à des acteurs, à des pratiques, est un travail qui ne s'effectue jamais
dans une totale extériorité, non seulement par ce qui a déjà été souligné l'impossible neutralité, mais plus fortement par le fait qu'il
s'agit d'un travail en interaction, que dès lors les données recueillis ne sont pas seulement des données construites par le chercheur
mais le sont également par ceux qui y participent. Dans la phase de délimitation du terrain de recherche on est souvent amené à
discuter avec des professionnels en tant que facilitateurs pour accéder à un public par exemple ou en tant que sujet/objet de la
recherche. Inévitablement ceux-ci sont en attente d'un retour à moins de les considérer comme de simples informateurs.

• La recherche en sciences de l'éducation prend souvent comme objet la pratique. On peut s'interroger sur l'utilité sociale de la
recherche si les résultats qui peuvent intéresser et questionner les praticiens restent confinés dans les tiroirs de l'université ou dans
les pages de revues inaccessibles. La diffusion des résultats de la recherche fait partie des missions des chercheurs non pour dire
aux praticiens comment faire, c'est de leurs compétences, mais pour les inviter à intégrer des résultats de la recherche dans les
questions d'action qu'ils se posent.
→ En d'autres termes le travail de restitution est un travail de communication, un travail de confrontation par lesquels se poursuit
un travail d'élaboration.
CM2 : L’entretien de recherche

I. Problématiques
1. Cadre

Il s’agit d’une approche clinique mais n’a pas de visée thérapeutique. Si l’entretien dans le cadre d’une démarche professionnelle
suppose une demande d’un sujet, dans le cadre de l’entretien de recherche c’est le chercheur qui est demandeur. Il ne s’inscrit pas
dans la même temporalité.

2. Objectifs

Le chercheur veut savoir, l’entretien est un outil :


- il cherche à mettre à jour ce qui est caché (sans chercher le dévoilement du secret) ;
- il intéresse aux connaissances des sujets, à leurs représentations (opinions, croyances, idéologies) ;
- il s’intéresse à leur parcours de vie (cas particulier des récits de vie).
→ Fondamentalement, le chercheur vise à recueillir un discours pour ensuite dégager par l’analyse du sens.

3. Un contrat

Tout entretien s’inscrit dans une forme de contrat qui suppose la confidentialité ; une explicitation de la demande, des motifs, de
l’objet de la recherche ; que le chercheur soit clair avec sa démarche (problématique, hypothèses, visée exploratoire ou non,
approfondissement d’une approche quantitative, préparation d’une approche quantitative, approche d’une population peu explorée,
etc.).

4. Cela renvoie donc à l’amont : Que cherche-t-on ? A partir de quelques références ?

5. Précautions

• Peut-on tout dire sur l’objet de la recherche ? Ne doit-on pas passer parfois par un mensonge (par omission comme le dit
BEAUVOIS, 1990), ne pas tout dire sinon à courir le risque que l’interviewé cherche à coller à la demande ? Exemple : on ne dira
pas forcément qu’on travaille sur la précarité (au risque d’orienté le discours) des étudiants mais sur leurs conditions de vie. Comme
le remarque GRIZE (1989) demander à quelqu’un ses représentations sur un objet revient à recueillir les représentations de ses
représentations.

• L’entretien n’est pas qu’une technique de recueil de données ; c’est un échange (une interlocution). On doit se poser la question
de ce que l’entretien peut apporter à la personne rencontrée et de ses effets (mise à nu d’éléments douloureux).

• L’entretien ne va pas de soi ; il n’existe pas de guide méthodologique pour répondre à toutes les situations, il n’y a pas de recette.
Le chercheur ne fait pas qu’enregistrer, il réagit (interaction). Cela implique la nécessité d’une constante interrogation.

II. Une situation sociale

• Même à des fins de connaissance la situation d’entretien est une situation sociale (BOURDIEU 1993) car il y a une relation entre
un enquêteur et un enquêté, un observateur et un observé mais l’observateur lui-même observé (l’observé n’est pas passif).

• L’entretien est une mise en scène où s’affrontent des représentations réciproques sur l’objet de l’enquête, sur l’observateur, sur
l’observé, sur la situation → Il y a donc une évaluation réciproque, pas de même nature et qui se joue sur de la valeur.

• C’est un rapport de force symbolique, une communication asymétrique car il s’agit d’une situation de domination dans
laquelle l’enquêteur engage les règles du jeu, il maîtrise les codes langagiers (capital linguistique d’où une attention à la formulation
des questions, des relances, etc.), il juge celui qui énonce, son énonciation, son discours.
→ Cela peut être une situation de violence symbolique (BOURDIEU) par le travail d’imposition, le rapport de classe, le rapport au
savoir, la position sociale, etc.

III. Une démarche

- Suivant le type d’entretien, prévision plus ou moins serré d’un canevas.


- Si on pense qu’un certain nombre de caractéristiques (sociales, familiales…) jouent un rôle dans l’élaboration du discours, cela
implique un échantillonnage.
- Trouver les personnes (prendre garde au biais des intermédiaires qui permettent l’accès aux personnes).
- Entrer dans l’échange (installer l’entretien, accepter aussi que l’interviewé installe l’enquêteur…) et parfois commencer par
d’autres considérations que la raison de l’entretien.
- Eviter le caractère interrogatoire.
- Ecouter, rassurer, accompagner par les relances, les reformulations, les attitudes (y compris corporelles).
- Savoir conclure.
CM 3 : FORMES D’ENTRETIEN

Introduction

• Selon certains, les entretiens n’ont pas de statut scientifique face à l’approche expérimentale par exemple. Néanmoins, l’entretien
peut tendre vers l’objectivité. Il s’inscrit dans une approche qualitative car il ne cherche pas à montrer des causalités/ corrélations -
qui pourront être étudiées dans une approche expérimentale. Il cherche des processus (holistique), à recueillir un discours au travers
d’un échange → visée compréhensive.
→ Quelles sont les conditions dans l’exercice de l’entretien qui conduisent à l’objectivité et la validité ? Un entretien = une
interaction car des choses circulent et chacun est dans un état émotionnel précis. Mise en danger du chercheur car il est son propre
instrument. Il est dans un rapport de place voire de pouvoir. Il s’agit de poser une série d’interrogation : que cherche-t-on et
pourquoi ? des réponses à des questions ? On va chercher à ce que quelqu’un puisse s’exprimer → ouvrir un certain nombre
d’éléments.

→ Exemple : souvent les sondages sont faits sur la notion d’insécurité. La réponse à cette question sera souvent de l’ordre de 70%.
La rép est dans la question. En revanche, si on demande « avez-vous connu ou vos proches situations d’insécurité ? » 20% seulement.
Les réponses ouvertes permettent de s’exprimer plus librement, pour aller au-delà des questions du chercheur.

I. L’entretien non-directif de recherche

• Notion de degré de liberté : + la personne a une liberté pour aborder certains sujets, + la profondeur des réponses sera importante.
Si on sollicite qqu’un en proposant un thème, une direction, on impose. Le totalement non-directif n’existe pas vrmt en soi mais il
faut essayer d’ouvrir le + possible le champ des possibles. Ce n’est pas un entretien thérapeutique. On cherche qqchose et l’entretien
est au service de cette recherche.

• On veut diminuer la distance. Il y a des interactions sociales, un rapport hiérarchique (savant vs personne en situation de faiblesse)
→ Comment diminuer la distance ? Il faut se mettre à la place d’autrui en pensée. On est dans un engagement pas totalement neutre.
Ecoute active et méthodique. On cherche à faciliter le discours de quelqu’un. Ecoute du silence, reprendre le discours de l’autre
pour qu’il aille le + loin possible. Bienveillant et accompagnant. Le chercheur a une approche clinique mais pas au sens thérapeutique
plutôt dans le sens accompagnement. Faire accoucher la personne. Neutralité n’existe pas car enjeux de relation intersubjective.
C’est l’interrogation qui tend vers l’objectivité ;

• On cherche à mettre au jour des éléments de croyances, d’idéologie, de représentations, des parcours de vie via les récits de vie.
Ce n’est pas qu’un recueil de matériel. Il autorise une expression plus affective, moins intellectualisée, plus significative. Mener un
entretien c’est s’engager dans la confidentialité. La manière de poser les questions est importante surtout le langage.

• L’entretien ça s’installe, l’enquêté vous installe. Il faut accepter d’accueillir et d’être accueilli. Savoir conclure un entretien

→ BOURDIEU est connu pour ses travaux sur les structures sociales. Comprendre. Sur les entretiens, il a une position clinique
dans le sens attention pour autrui, il définit ainsi l’entretien comme « un exercice spirituel visant à obtenir par l’oubli de soi une
véritable conversion du regard que nous portons sur les autres » ; « Contribuer à créer les conditions d’apparition d’un discours
extraordinaire qui aurait pu ne jamais être tenu et qui pourtant était déjà là, attendant ses conditions d’actualisation » (BOURDIEU).

→ Le discours est présent chez l’autre avant le chercheur, il y a juste création des conditions d’attention

II. Se préparer à l’entretien : préparation d’un canevas d’entretien

• Il ne s’agit pas de préparer une liste de questions mais plutôt d’envisager les différents thèmes à explorer. Celui ci-dessous a été
pensé dans le cadre d’une étude exploratoire sur l’intégration scolaire. Parmi les personnes rencontrées il y avait des parents
d’enfants en situation de handicap. Nous voulions explorer leur vécu, le soutien social et familial dont ils avaient pu ou non
bénéficier, la manière dont avait été envisagée la scolarisation (ou la poursuite de la scolarisation si la situation de handicap avait
été révélée à l’école) les relations avec les professionnels.

• Historique :

• Deux cas de figure : avant scolarisation, après scolarisation

- avant : - après :
• Situation actuelle :

• Conclusion :

Toutes les questions n’ont pas été posées ou par forcément ainsi, pas forcément dans cet ordre. Le canevas est un repère par une
grille. Il faut rester attentif à son interlocuteur, à sa manière d’aborder les différents sujets.

• Installer l’entretien :

Il s’agit de prendre le temps d’installer la relation, de situer le travail, les attentes. Dans l’exemple ci-dessous, nous sommes d’abord
dans le champ de la conversation presque banale autour d’un café. Au moment où l’enregistrement est enclenché, nous finissons les
premiers échanges avant d’entamer l’entretien : – Pr, Mme : les parents ; Mb et Jpm les chercheurs

Un exemple pour monter qu’on ne pose pas les questions comme prévues mais en fonction d’un contexte : les parents expliquent
une partie de leur parcours de parents

• Question de relance : Et comment vous l'avez vécu cette première phase de relations avec les professionnels différents qui essaient
de comprendre, qui essaient de recherche mais qui après vous renvoient à d'autres spécialistes ? Vous avez le sentiment que les
choses se passaient comment pour vous ?
Autre relance sur le même thème : ces manières d'agir de la part des professionnels, quand vous y repensez, vous y pensez en disant
c'est des précautions qu'ils prennent parce qu'ils ne savent pas non plus comment vous allez réagir ?
• Des choses à ne pas trop faire :

Il s’agit d’un entretien mené par une étudiante auprès d’un médecin qui a dû cesser son activité du fait de sa maladie. Le médecin a
commencé à expliquer son itinéraire :

- Premier souci, l’enquêtrice ne cesse de ponctuer ses interventions de l’interjection « d’accord ». Ici il marque souvent l’hésitation,
la difficulté d’accompagner, et laisse l’interlocuteur dans une sorte d’incertitude
- Ex en 2 et 3 le d’accord interrompt l’interlocuteur qui ne peut que dire « voilà ».
- En 6, 8 et 10, on perçoit le fait que l’enquêtrice est un peu perdue. A-t-elle suffisamment préparé l’entretien ? Elle cherche des
questions.
- En 12, elle est prise par ce que son interlocuteur vient lui révéler : « je suis désolée » et son interlocuteur s’oblige à la réconforter.
- Situation classique où on se trouve pris par une émotion, par ce que vient de livrer la personne rencontrée.
- Il faut à la fois marquer son attention et continuer à porter le discours qui s’énonce.
- Au lieu de « je suis désolée » une formule comme « je comprends que tout cela est difficile » permet d’accueillir la parole sans se
laisser submerger, tout en invitant l’interlocuteur à poursuivre.
- En 14 : à nouveau un d’accord qui n’accompagne pas.
- L’attention au discours pourrait conduire ici à relever « être malade c’est pas plus confortable que travailler ». Exemple : quand
vous dites « être malade c’est pas plus confortable que travailler « , que voulez-vous dire ?
- On pourrait également relever que la maladie l’oblige à s’arrêter (ce n’est pas un choix) et en même temps il se dit soulager par
rapport à la pression du travail. Il s’agit donc bien d’être attentif à ce qui se dit, au moment où s’est énoncé.

• Attention aux influences :

L’extrait d’entretien ci-dessous a été réalisé dans le cadre d’une étude auprès de chômeurs qui ont bénéficié d’un temps de formation.
- En 1, le terme « positif » est suggéré. Et la réponse suit « C’est très, très, très positif. » La réponse n’est pas forcément de
complaisance mais une question plus ouverte « comment vivez-vous le fait de ... » laisse plus de place à l’interlocuteur pour choisir
ses mots.
- En 3, on peut faire une remarque similaire. La question suggère, la réponse va dans le sens proposé mais « le besoin de sortir »
(fin de la réponse en 2) peut vouloir dire autre chose. « que voulez-vous dire en disant j’ai besoin de sortir ».
- Bien sûr la suite souligne que ce n’était pas une mauvaise direction (5 et 6) mais en 7 cela est repris avec une interprétation qui
laisse l’interlocuteur un peu désarmé. (l’enquêtrice renvient sans prévenir à la situation de chômage et propose une interprétation
un peu rapide, d’où le silence.
- Elle se reprend très vite et pose une question ouverte qui va permettre de reprendre le fil de l’entretien.

• Conclusion provisoire :

L’entretien nécessite une forme d’apprentissage pour acquérir de l’assurance, du sens clinique. On n’est jamais satisfait de ces
premières réalisations et même avec de l’expérience on peut parfois ne pas être suffisamment attentif, laisser passer quelque chose
d’important. L’entretien exige d’une certaine manière un double exercice : mener l’entretien, s’interroger dans le même temps sur
sa conduite (s’analyser réalisant l’entretien). La retranscription (le verbatim) est un bon moyen d’analyser dans l’après-coup la
manière dont on a mené l’entretien. En le relisant, il n’est pas difficile de se rendre compte des hésitations, des questions mal
formulées (ou de l’enchaînement de questions qui fait que l’interlocuteur ne retient le plus souvent que la dernière), de ce qu’on n’a
pas entendu.

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