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IUFM Martinique Espaces normés

Problème sur les espaces normés


Jean-François Culus 1
I.U.F.M. de Martinique
Préparation Capes Maths

Dans tout le sujet, K désigne le corps R ou C et E désigne un espace vectoriel sur K. On note par |.| la
valeur absolue (ou le module) de K.
On rappel qu’une norme sur E est une application k.k : E → R vérifiant les propriétés:
∀x ∈ E, kxk = 0 ⇒ x = 0
∀λ ∈ K, ∀x ∈ E, kλxk = |λ|kxk
∀x ∈ E, ∀y ∈ E, kx + yk ≤ kxk + kyk.
Un espace vectoriel normé (en abrégé e.v.n.) est la donnée d’un K-espace vectoriel E et d’une norme k.k
sur cet espace. On utilisera sans justification le fait que (K, |.|) est un espace vectoriel normée.
Dans la suite, s’il n’y a pas d’autres précisions, (E, k.k) désignera un espace vectoriel normé quelconque. On
considère plus particulièrement deux espaces vectoriels normés:
- Lorsque E sera de dimension finie, et l’on se ramène alors, au moyen d’un isomorphisme, à Kn .
- C 0 ([a, b], K) désigne l’ensemble des fonctions continues, définies sur [a, b] (a < b) et à valeur dans K. On
notera que cet espace est de dimension infinie.

Partie I

0. Dans cette question, E désigne l’ensemble C 0 ([a, b], K) des fonctions définie sur [a, b] et à valeur dans K,
on note Z b
kf k∞ = Supx∈[a,b] |f (x)| et kf k1 = |f (t)|dt.
a

Montrer que k.k∞ et k.k1 sont des normes sur E.

1. Influence de la norme pour la convergence d’une suite d’éléments


On dit qu’une suite (xn )n∈N d’éléments de (E, k.k) est convergente s’il existe x ∈ E tel que

lim kxn − xk = 0.
n→+∞

1.a. Montrer que si la suite (xn ) d’éléments de E converge, alors la limite est unique.
1.b. On considère pour cette question E l’espace de fonctions définies sur [0, 1]. Soit (fn ) la suite de fonctions
définie par:
−n3 x + n si x ∈ [0, n12 ]

fn (x) =
0 si x ∈ [ n12 ; 1]
Calculer, pour tout entier naturel n, kfn k1 et kfn k∞ .
Qu’en déduisez-vous quant à la convergence de la suite (fn )N dans les e.v.n. (E, k.k1 ) et (E, k.k∞ ).

2. Ensemble des fonctions bornées de X ⊂ E à valeur dans E


On dit qu’une suite (xn )n∈N est de Cauchy si pour tout réel ε > 0, il existe un entier naturel Nε tel que pour
tous entiers p et q,
p > Nε et q > Nε ⇒ kxp − xq k ≤ ε
1 jean-francois.culus@iufm-martinique.fr

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On dit qu’un espace vectoriel normé est complet (ou est un espace de Banach) si toute suite de Cauchy de E
est convergente.
Le but de cette question est de montrer que, si X est une partie non vide de E et si B(X, E) désigne l’ensemble
des fonctions bornées de X dans E, alors l’espace vectoriel (B(X, E), k.k∞ ) est complet si et seulement si E est
complet.
2.a. Dans cette question, nous supposons que E est complet. On considère (fn )n∈N une suite de Cauchy de
(B(X, E), k.k∞ ).
2.a.i. Justifier l’existence d’une fonction f : X → E vers laquelle la suite (fn ) converge.
2.a.ii. Montrer que, pour ε > 0 fixé et pour tout x ∈ E, il existe un rang N tel que

kf (x)k ≤ kf (x) − fN (x)k + kfN (x)k ≤ ε + kfN k∞

2.a.iii. En déduire que (B(X, E), k.k∞ ) est complet.


2.b. On suppose à présent que (B(X, E), k.k∞ ) est complet, et l’on considère (yn )n∈N une suite d’éléments
de E.
Montrer, en utilisant la complétude de (B(X, E), k.k∞ ), que la suite (yn ) est convergente dans E.

3. Caractérisation des compacts d’un espace de Banach


Une partie C de (E, k.k) est compacte si de toute suite de C, on peut extraire une sous-suite qui converge vers
un élément de E.
Une partie F ⊂ E est fermée si toute suite de F qui converge dans E converge dans F.
3.a. Montrer que si C est compacte, alors C est fermé.
3.b. Montrer, en raisonnant par l’absurde, que si C est compact, alors C est borné.

4. Théorème de Bolzano-Weierstrass
Montrer, en utilisant le principe de dichotomie, le théorème de Bolzano-Weierstrass: De toute suite bornée de
réels, on peut extraire une sous-suite convergente.

5. Théorème de Heine
Soit C une partie non vide de (E, k.k), et f une fonction définie sur C et à valeur dans un e.v.n. (F, k.k0 ). On
dit que f est continue en x0 ∈ C si:

∀ε > 0, ∃η > 0, ∀x ∈ C, kx − x0 k ≤ η ⇒ kf (x) − f (x0 )k0 ≤ ε.

On dit que f est continue sur C si elle est continue en tous points de C.
Soit C un compact de (E, k.k) et f : C → R. Le but de cette question est de montrer que si f est continue
sur C compacte de E, alors elle y est bornée et atteint ses bornes.
5.a. On considère (yn ) une suite de f (C).
Montrer l’existence d’un x ∈ C ainsi que d’une sous-suite (yϕ(n) ) de (yn ) telle que limn→+∞ yϕ(n) = f (x).
En déduire la compacité de f (C).
5.b. On note m = infx∈C f (x).
Montrer l’existence, pour tout entier n > 0 d’un élément xn ∈ C tel que m ≤ f (xn ) < m + n1 .
En déduire l’existence d’un élément x1 ∈ C tel que f (x1 ) = m.
5.c. Conclure au théorème.

6. Complétude de (C 0 ([a, b], E), k.k∞ ) quand E espace de Banach


Le but de cette question est de montrer que si E est un espace de Banach, alors pour tout intervalle [a, b],
l’espace vectoriel normé (C 0 ([a, b], E), k.k∞ ) est complet.
6.a. Montrer que si F ⊂ C 0 ([a, b], E) est fermé, alors (F, k.k∞ ) est un espace vectoriel normé complet (un
espace de Banach).
6.b. Montrer que C 0 ([a, b], E) est un fermé de B([a, b], E) et en conclure au théorème.

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Partie II

1. Théorème du point fixe de Banach


Soit F une partie non vide de E. L’application ϕ : F → E est strictement contractante s’il existe une constante
λ ∈ [0, 1[ telle que ∀(x, y) ∈ F × F, kϕ(x) − ϕ(y)k ≤ λkx − yk.
Le but de cette question est de prouver le théorème suivant:
Si (E, k.k) est un e.v.n. complet et si ϕ : F → F est une application λ-contractante (λ ∈ [0, 1[), alors ϕ admet
un unique point fixe y ∈ F .
1.a. Montrer que si ϕ est λ-contractante, alors ϕ est continue.
1.b. On définit la suite (xn ) par récurrence de la façon suivante: x0 ∈ F et, ∀n ∈ N∗ , xn+1 = ϕ(xn ).
Montrer que, pour tout entier naturel k, kxk+1 − xk k ≤ λk kx1 − x0 k.
En déduire que la suite (xn ) est de Cauchy dans (E, k.k). On note x sa limite dans E.
1.c. Montrer que x ∈ F et en déduire ϕ(x) = x.
1.d. Prouver l’unicité du point fixe de ϕ.

2. Applications linéaires continues


Soient (E, k.k) et (F, k.k0 ) deux espaces vectoriels normés, et u une application linéaire de E dans F .
Montrer que les applications suivantes sont équivalentes:
i. u est continue en 0
ii. u est continue sur E.
iii. u est bornée sur la sphère unité SE (0, 1) = {x ∈ E, kxk = 1}.
iv. Il existe une constante réelle C > 0 telle que ∀x ∈ E, ku(x)k0 ≤ C.kxk.

3. Homéomorphismes
Soient (E, k.k) et (F, k.k0 ) deux espaces vectoriels normés, et u une application linéaire surjective de E sur F .
Montrer les équivalences suivantes:
i. u est un homéomorphisme de E sur F .
ii. Il existe des constantes réelles α > 0 et β > 0 telles que x ∈ E, αkxk ≤ ku(x)k0 ≤ βkxk.
iii. Il existe des constantes réelles α et β strictement positives, telles que, pour tout élément x de la
sphère unité de E, α ≤ ku(x)k0 ≤ β.
4. Application aux formes linéaires
Dans la suite, ϕ désigne une forme linéaire non nulle sur le K-espace vectoriel E.
4.a. Montrer qu’il existe un vecteur a non nul de E tel que E = ker(ϕ) ⊕ Ka.
4.b. Le but de cette question est de montrer que si ϕ est une forme linéaire sur (E, k.k), alors ϕ est continue
si et seulement si ker(ϕ) est un fermé de (E, k.k).
4.b.i. On suppose que ϕ est continue. Soit (xn ) une suite d’éléments de ker(ϕ) qui converge vers x ∈ E.
Montrer que x ∈ ker(ϕ) et en déduire ker(ϕ) fermé.
4.b.ii. On suppose à présent ker(ϕ) fermé. En raisonnant par l’absurde en en supposant que ϕ est non
continue, montrer qu’il existe (xn ) une suite de SE (0, 1) non bornée.
En déduire l’existence, pour tout entier n, de l’écriture xn = yn + λn a avec yn ∈ ker(ϕ) et λn ∈ K dont on
donnera l’expression en fonction de ϕ(a) et ϕ(xn ).
Montrer que la suite (− λ1n yn ) converge vers a et en déduire une contradiction.

5. Continuité d’une application bilinéaire


On considère (E, k.k) un espace vectoriel normé, et on munit l’espace vectoriel produit E × E de la norme
produit k(x, y)k = max(kxk; kyk).
Montrer qu’une application bilinéaire ϕ : E × E → E est continue si et seulement si il existe une constante
α > 0 telle que
∀(x, y) ∈ E 2 , kϕ(x, y)k ≤ λkxk kyk.

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Partie III.

Dans cette partie, E désigne l’espace vectoriel de dimention finie Kn (avec n ≥ 1) et on désigne par
{e1 , · · · , en } une base de E. Pour x ∈ E, on définit la norme k.k∞ par kxk∞ = max1≤i≤n |xi |.

1. Compacité de la sphère unité


Le but de cette question est de montrer que la sphère unité SE (0, 1) est un compact de (E, k.k∞ ).
1.a. On désigne par (xk ) une suite d’éléments de la sphère unité. Ainsi, pour tout entier k, xk = (xkj )1≤j≤n .
Montrer que, ∀k ∈ N, ∀j ∈ {1, · · · , n}, |xkj | ≤ 1.
ϕ(n)
1.b. Montrer qu’il existe une sous-suite (x1 ) de (xn1 ) qui converge vers un scalaire x1 ∈ K, vérifiant
|x1 | ≤ 1.
1.c. En déduire l’existence d’une sous-suite (xϕ(n) ) telle que:
ϕ(n)
∀j ∈ {1, · · · , n}, lim xj = xj .
n→+∞

avec |xj | ≤ 1.
1.d. En déduire que la suite (xϕ(n) ) converge dans SE (0, 1) vers x et conclure à la compacité de la sphère
unité.

2. Equivalence des normes


Soient k.k et k.k0 deux normes sur E. Elles sont dites équivalentes si l’application Id : (E, k.k) → (E, k.k0 ) est
un homéomorphisme. Le but de cette question est de démontrer le théorème suivant:
Théorème de l’équivalence des normes
Les propositions suivantes sont équivalentes:
i. E est de dimension finie sur K
ii. Toutes les normes sur E sont équivalentes
iii. Quelle que soit la norme k.k choisie sur E, toute forme linéaire définie sur (E, k.k) est continue.
On admettra le résultat suivant: Si (E, k.k) et (F, k.k0 ) sont deux K-espaces vectoriels normés et si u est une
application linéaire de E dans F de rang fini, alors u est continue si et seulement si son noyau est un fermé de
(E, k.k).
2.a. En supposant que k.k et k.k0 sont deux normes sur E de dimension finie, montrer que l’application
Id : (E, k.k) → (E, k.k0 ) est continue.
En déduire i. ⇒ ii..
2.b. On suppose à présent que toutes les normes sur E sont équivalentes, et on considère ϕ : E → C une
forme linéaire sur E. Montrer que N : E → K définie par N (x) = kxk + |ϕ(x)| est une norme sur E.
En déduire que ii. ⇒ iii..
2.c. On suppose à présent que, pour toute norme, toute forme linéaire sur E est continue. Supposons de
plus que E est de dimension infinie.
Montrer l’existence d’une famille libre de vecteurs (en )n∈N telle que ∀n ∈ N, ken k = 1.
On désigne par H = V ect({ei }i∈N ) et par G un supplémentaire de H dans E. Soit ϕ la forme linéaire définie
par: ∀x ∈ G, ϕ(x) = 0 et ϕ(en ) = n.
Justifier que les formules précédentes suffisent à définir une unique forme linéaire ϕ : E → K.
Montrer que cette forme linéaire n’est pas bornée sur la sphère unité.
En déduire que iii. ⇔ i. ⇔ ii..

3. Lien e.v.n. de dimension finie et complétude


3.a. Montrer que si E est un espace vectoriel de dimension finie, alors (E, k.k∞ ) est complet.
3.b. En déduire que tout espace vectoriel normé de dimension finie est complet.

4. Formule de Holder
1 1
Soient p et q deux réels strictement positifs vérifiant p + q = 1.

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4.a. En utilisant la concavité de la fonction logarithme, démontrer:


∀λ ∈ [0, 1], ∀(u, v) ∈ R2+ , uλ v 1−λ ≤ λu + (1 − λ)v.
4.b. On considère à présent deux n-vecteurs, x = (xi )1≤i≤n et y = (yi )1≤i≤n à coordonnées complexes.
p q
En posant λ = p1 , ui = Pn|xi ||xj |p et vi = Pn|yi ||yj |q , montrer l’inégalité de Holder :
j=1 j=1

n n
!1/p n
!1/q
X X X
p q
k xi yi k ≤ |xi | |yi | .
i=1 i=1 i=1
4.c. Montrer que, pour tout x et y dans Cn , nous avons:
n n
!1/p n
!1/q
X X X
p−1 p p
|xi ||xi + yi | ≤ |xi | |xi + yi |
i=1 i=1 i=1
Pn 1/p
4.d. En déduire que, pour tout réel p ≥ 1, l’application de C dans C définie par x 7→ kxkp = ( i=1 |xi |p )
n
définit une norme sur C .
4.e. Montrer que kxk∞ ≤ kxkp ≤ n1/p kxk∞ .
4.f. En déduire la limite, quand p → +∞, de kxkp .

Partie IV.
Dans cette partie, E désigne l’espace vectoriel C 0 ([a, b], K) des applications continues sur l’intervalle [a, b] et
à valeur dans K.
Pour tout réel p ≥ 1, on considère l’application k.kp : E → K, définie par
!1/p
Z b
kf kp = |f (t)|dt
a

1. Normes k.kp
1
Soient f et g deux fonctions non-identiquement nulles de E, p un réel vérifiant p ≥ 1 et q le réel tel que p + 1q .
1.a. Montrer que, pour tout t ∈ [a, b],
|f (t)| |g(t)| 1 |f (t)|p 1 |g(t)|q
≤ p + .
kf kp kgkq p kf kp q kgkqq
1.b. En intégrant cette relation, montrer l’inégalité de Holder:
Z b Z b
| f (t)g(t)dt| ≤ |f (t)||g(t)|dt ≤ kf kp kgkq .
a a
Rb p/q
1.c. En déduire kf + gkpp = a |f (t) + g(t)|p−1 dt ≤ (kf kp + kgkp )kf + gkp .
1.d. En déduire que k.kp vérifie l’inégalité triangulaire.
1.e. Démontrer que k.kp est une norme sur E.

2. Démontrer que limp→+∞ kf kp = kf k∞ .

3. Non complétude de (E, k.kp )


3.a. On considère, pour n ≥ 2 entier naturel, l’application fn définie sur [0, 1] par:

 1 si 0 ≤ x < 12
fn (x) = n( 2 + n − x) si 12 ≤ x < 21 + n1
1 1

0 si 12 + n1 ≤ x ≤ 1.

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Montrer que, pour tout réel p ≥ 1 et pour tout entier m ≥ n,


1 1 1
kfn − fm kpp ≤ ( + ).
p+1 m n

3.b. En déduire que (fn ) est une suite de Cauchy de (E, k.kp ).
3.c. Montrer que la suite (fn ) converge simplement vers f (x) = 1 si x ∈ [0, 1/2] et f (x) = 0 si x ∈ [1/2, 1].
3.d. On suppose à présent que (fn ) converge dans (E, k.kp ) vers une fonction g.
Montrer que kf − gkp = 0.
3.e. En déduire une contradiction.

4. Non compacité de la boule unité de (E, k.k∞ )


Considérons (fn ) la suite de fonctions définies sur [a, b] par

∀x ∈ [a, b], fn (x) = cos(nx).

4.a. Montrer que, ∀n ∈ N, fn appartient à la boule unité de (E, k.k∞ ) et que, pour n assez grand, kfn k∞ = 1.
4.b. On suppose dans cette question qu’il existe une sous-suite (fϕ(n) ) d’éléments de (fn ) qui converge vers
f dans (E, k.k∞ ).
Justifier que la fonction f est continue sur [a, b].
Montrer que, pour tout x ∈ [a, b], on a:
Z x
1
f (x)dx = lim [sin(ϕ(n)x) − sin(ϕ(n)a)] = 0.
a n→+∞ ϕ(n)

4.c. En déduire que la boule unité de (E, k.k∞ ) n’est pas compacte.

Fin

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