Vous êtes sur la page 1sur 46

Mastère Spécialisé en

Strategy and Management of


International Business

La Responsabilité Sociale
d’Entreprise et les challenges de
son développement au Maroc

Soutenue par

Moulay Hafid ALAOUI HASSANI

Promotion 2011/2012

Directeur de thèse professionnelle : Adil LAMRANI

1
Résumé
La Responsabilité Sociale d‟Entreprise (RSE) est un concept né au 19ème siècle aux
Etats Unis d‟Amérique qui a constitué un laboratoire pour son évolution. Aujourd‟hui, la RSE
est définie comme l‟intégration volontaire et non obligatoire par une entreprise de
considérations sociales et environnementales. Les pays développés ont apprécié l‟impact
positif de ces préoccupations et ils ont entrepris la démarche de l‟intégrer dans la gestion de
leurs entreprises. Plusieurs notions sont directement liées à la RSE et doivent être prises en
considération lors de l‟adoption de ce concept. Il s‟agit de du développement durable, de
l‟éthique des affaires, de la performance sociale d‟entreprise (PSE), des parties prenantes, de
la gouvernance, de la légitimité sociale et de l‟investissement socialement responsable.
Le Maroc est un pays qui a pris la voie de l‟intégration de la RSE dans son identité.
Plusieurs initiatives prises par le Roi du Maroc, l‟Etat et le patronat rendent le Maroc un
pionner en matière d‟initiatives RSE sur la scène Africaine et le monde arabe. Toutefois,
l‟engouement des entreprises ne suit pas car elles rencontrent de réelles difficultés pour
l‟adoption des valeurs de la RSE. On constate la méconnaissance des PME de l‟intérêt et de
l‟impact de la RSE, l‟inégalité des richesses entre les régions et seulement une adoption
partielle des valeurs de la RSE par quelques entreprises. Ceux sont de réels freins à une
intégration du concept d‟une manière globale et égalitaire. Plusieurs efforts sont encore à
déployer par l‟Etat pour inciter les entreprises à devenir conformes aux normes
internationales.
Mots clés : Responsabilité Sociale d‟Entreprise (RSE), environnement, développement
durable, éthique, parties prenantes, Maroc, Confédération Générale des Entreprises du Maroc
(CGEM), performance sociale d‟entreprise (PSE)

Abstract
Corporate Social Responsibility (CSR) is a concept born in the 19th century in the
United States of America which has been a laboratory for its evolution. Today, CSR is
defined as the voluntary integration and not mandatory of social and environmental
considerations by a company. Developed countries have understood the positive impact of the
CSR and they have started the process to integrate it in their management process. Several
concepts are directly related to CSR and should be taken into consideration in the adoption of
this concept. The linked concepts are sustainable development, ethical business, corporate
social performance, stakeholders, governance, social legitimacy and socially responsible
investment.

Morocco is a country that has taken the path of integration of CSR into its identity.
Several initiatives taken by the King of Morocco, the state and employers make Morocco as a
pioneer of the CSR on the African scene and the Arab world. However, the enthusiasm of
companies does not follow because they are facing serious difficulties for the adoption of
CSR values. We notice a lack of awareness by small and medium enterprises (SME) of the
positive impact of CSR, the inequality of wealth between regions and only partial integration
of CSR values by some companies. Those are the real obstacles to integrate the CSR concept.
Several efforts should be made by the State to encourage companies to comply with
international standards.

Keywords: Corporate Social Responsibility (CSR), environment, sustainable


development, ethics, stakeholders, Morocco, CGEM, corporate social performance.
2
Sommaire

Résumé .................................................................................................................................................... 2
Abstract ................................................................................................................................................... 2
Introduction............................................................................................................................................. 5
1. Définition de la RSE ......................................................................................................................... 7
1.1. Aperçu historique de la RSE .................................................................................................... 7
1.1.1. Le régime du marché ..................................................................................................... 11
1.1.2. Le régime associatif ....................................................................................................... 11
1.1.3. Le régime sociétal .......................................................................................................... 12
1.1.4. Le régime de l’efficacité ................................................................................................ 12
1.2. Quelques définitions de la RSE .............................................................................................. 13
1.3. Développement Durable ....................................................................................................... 17
1.4. Ethique des affaires ............................................................................................................... 18
1.5. Performance sociale de l’entreprise ..................................................................................... 19
1.6. La théorie des parties prenantes........................................................................................... 20
1.7. Gouvernance d’entreprise..................................................................................................... 22
1.8. La légitimité sociale ............................................................................................................... 23
1.9. L’investissement socialement responsable ........................................................................... 23
1.10. Les domaines touchés et l’ancrage culturel ...................................................................... 24
2. La situation de Responsabilité Sociale d’Entreprise au Maroc et ses enjeux................................ 26
2.1. Les débuts de la RSE au Maroc .............................................................................................. 26
2.2. Développement durable au Maroc ....................................................................................... 28
2.3. Initiatives de l’Etat et du patronat Marocain en faveur de la RSE ........................................ 30
2.3.1. L’engagement de l’Etat .................................................................................................. 30
2.3.2. L’engagement de la CGEM ............................................................................................ 33
2.4. Les challenges majeurs au développement de la RSE au Maroc........................................... 34
2.4.1. La méconnaissance de la RSE par les PME .................................................................... 34
2.4.2. Une adoption partielle des valeurs de la RSE ................................................................ 36
2.4.3. L’Etat est il socialement responsable ? ......................................................................... 36
2.4.4. L’intérêt relatif des entreprises au label RSE................................................................. 36
2.4.5. Un défi régional ............................................................................................................. 37

3
2.5. Quelques exemples de bonnes pratiques RSE ...................................................................... 38
Conclusion ............................................................................................................................................. 42
Bibliographie :........................................................................................................................................ 44

4
Introduction

A travers mon projet de fin d‟études du Mastère Spécialisé « Strategy and


Management of International Business », j‟ai pu apprécier la sensibilité de quelques dirigeants
d‟entreprises marocaines aux valeurs de la Responsabilité Sociale d‟Entreprise (RSE). Ce
projet, baptisé « ESSEC Solidaire », est à l‟initiative d‟ESSEC Alumni Maroc et en
partenariat avec l'association Noujoum (association marocaine) ayant pour objectif de mener
une soirée de levée de fonds. Le but de cette soirée est la vente de tableaux coréalisés, lors
d‟ateliers artistiques, par des artistes de renom et les enfants malades. Les fonds vont
contribuer au financement de quelques projets au profit des enfants malades. En effet, nous
avons sollicité plusieurs entreprises pour contribuer au succès de cette opération. Le
comportement de ces entreprises a été mitigé et il m‟a paru intéressant de consacrer cette
thèse professionnelle pour étudier et mieux comprendre l‟origine du concept de la RSE et les
réels challenges que rencontrent les entreprises marocaines pour adopter ses valeurs.

La Responsabilité Sociale d‟Entreprise est devenue un thème stratégique dans les


réflexions sur les régulations de la mondialisation. La RSE est née suite à une prise de
conscience de la communauté face aux abus de quelques dirigeants lors des échanges de biens
et de services. L‟intensification de ces échanges et des abus résultant ont légitimé le
développement de ce concept et l‟adoption de ses valeurs sur l‟ensemble des secteurs
d‟activités. Au delà du contrôle des dirigeants, la RSE est censée mettre en place un climat de
l‟investissement performant avec comme principales caractéristiques une justice rapide et
impartiale, le respect des règles de compétition, la consolidation du cadre macroéconomique
et la mise en place d‟infrastructures performantes. La RSE est connue depuis les vingt
dernières années mais son origine est bien lointaine. Pour mieux comprendre l‟intérêt des
entreprises à ce concept, il est important de revenir à ses origines, décrire son évolution et
expliquer quelles sont les objectifs espérés après l‟adoption de ce concept. Nous allons
essayer de répondre à ce questionnement dans la première partie de cette thèse
professionnelle.

Le Maroc, terrain de profonds changements économiques et politiques durant ces dix


dernières années, a pour sa part tout intérêt à se conformer aux normes internationales en
matière de respect d‟environnement, de droit de l‟homme et d‟une manière générale mettre la
RSE au cœur de sa stratégie de développement. En effet, la signature par le Maroc des
accords de libre échange avec les Etats Unis, la Turquie, l‟Egypte ou encore le statut avancé
avec l‟Union Européenne obligent le Maroc à se mettre au niveau pour devenir une
plateforme économique, politique et sociale attractive et ainsi tirer profit des accords signés.
L‟adoption de la RSE favoriserait la croissance des firmes locales, améliorerait leur
performance et leur compétitivité et permettrait de créer un climat social plus apaisé.
L‟ouverture du Maroc au reste du monde est le mot d‟ordre de la stratégie du pays, c‟est la
raison pour laquelle le Maroc ne cesse d‟adopter de nouveaux textes de lois sur les plans
environnemental, écologique et social. Les obligations induites des ces textes de lois et
accords internationaux sont de réelles contraintes aux entreprises et en particulier les PME.
Sauront-elles répondre favorablement ? Comment les secteurs du public et du privé ont-ils
réagi à ces mesures contraignantes ? Quelles sont les moyens d‟accompagnement mis à
disposition des entreprises pour devenir conformes aux nouvelles règles et lois ?

5
Les écrits montrent que le Maroc a été pionner en matière de RSE en Afrique et dans
les pays arabes. Sous le règne du Roi Mohammed VI, plusieurs initiatives ont vu le jour pour
le respect des droits de l‟homme, du respect de l‟environnement et le développement de
l‟économie. Mais quels sont les réels freins à une adoption totale des valeurs de la RSE ? Y‟a-
t-il des inégalités entre les PME et les grands groupes ? Nous allons tenter de répondre à ces
questions dans la deuxième partie de cette thèse professionnelle.

6
1. Définition de la RSE

Le concept de la RSE est vieux de plus d‟un siècle. En effet, la prise en considération
et la pratique des responsabilités sociales par les entreprises a commencé depuis le 19ème
siècle ans et particulièrement en Amérique du Nord. Cependant, la notion RSE a été instaurée
dans les années 1950 par Bowen (ouvrage 1953) qui est considéré comme le « père
fondateur » de la RSE. Depuis, plusieurs recherches académiques et pratiques en entreprises
ont permis d‟évoluer le concept de la RSE pour en devenir une mode managériale
aujourd‟hui.

A travers ce chapitre, nous allons proposer un aperçu historique de la RSE, dresser


quelques définitions du concept de la RSE et définir les concepts liés à la RSE tels que le
développement durable, les éthiques des affaires ou la performance sociale d‟entreprise qui
permet de mesurer la RSE.

1.1. Aperçu historique de la RSE

Les premiers pas de la RSE remontent à la phase d‟expansion industrielle aux Etats
Unis vers la fin du 19ème siècle. En effet, la société n‟a cessé de se questionner sur son
système capitaliste afin de trouver le juste équilibre entre la société, l‟individu et les
institutions. On note aussi le questionnement des philosophes qui ont évolué la relation entre
le commerce et la morale.

En 1953, Howard Bowen « père fondateur » du concept de la RSE a publié l‟ouvrage


« Social Responsibilities of the Businessman » où il instaure l‟expression CSR « Corporate
Social Responsibility » dans l‟ère contemporaine du management. On parle en français de la
RSE « Responsabilité Sociale de l‟Entreprise ». Howard Bowen, figure de la recherche en
économie et dans l‟enseignement supérieure aux Etats Unis, a réussi à exposer les
problématiques de la RSE qui n‟ont au jour d‟aujourd‟hui pas trouvé de réponse. Dans son
ouvrage, il incite les chefs d‟entreprises à s‟intéresser au-delà des profits financiers que
peuvent générer leurs entreprises en assumant leurs responsabilités morales envers la société.
Dans cet ouvrage, référence en terme de l‟approche de la RSE, Bowen enrichit le point de vue
des chefs d‟entreprises en terme de responsabilités sociales de l‟entreprise avec des idées
tirées des revendications et critiques de la société civile américaine de l‟époque d‟après
guerre.

Si on pousse les recherches sur l‟origine de la RSE, on note que les philosophes ont
joué un rôle précurseur en se questionnant sur la relation entre le commerce et la morale. La
création du concept de la RSE a permis de traduire cette pensée philosophique en obligations
sociales. En effet, cette pensée philosophique, destinée particulièrement aux chefs
d‟entreprises, est d‟ordre moral telle que la corruption (Gendron C. et al., 2004). Aussi, on
note que les grandes entreprises ont participé à institutionnaliser la pratique de la RSE par
leurs activités philanthropiques comme le fait de sponsoriser les musées.

Dans les années 20, plusieurs chefs d‟entreprises ont commencé à s‟intéresser
ouvertement à la RSE et ses conséquences. D‟ailleurs, ils estimaient qu‟une évolution et mise
en place de pratiques morales et sociales au sein d‟une entreprise pourraient responsabiliser
davantage les employés. Par conséquent, ces pratiques amélioreraient le bien être des
employés d‟un côté et permettraient d‟augmenter la production et diminuer le nombre de
grèves d‟un autre côté.
7
Dans une dimension plus large, la population américaine s‟intéressa aux
problématiques liées à la responsabilité sociale des grands groupes juste après la crise de
1929. En 1932, Berle et Means démontrent que la pression sociale exercée sur les chefs
d‟entreprises les a conduit à changer leur mode de management. En effet, ces chefs
d‟entreprises étaient amenés à assumer leurs nouvelles responsabilités envers les salariés, les
consommateurs et l‟Etat. Par conséquent, cette évolution a permis de diluer le pouvoir des
dirigeants et elle a donné plus de contrôle aux travailleurs sur leurs conditions de travail et de
bien être.

La société assiste à une lente institutionnalisation du concept de la RSE défini par


Bowen et poussée par le développement du syndicalisme ouvrier. En parallèle, la séparation
entre contrôle (actionnaires/propriétaires) et gestion de l‟entreprise (gestionnaires des
entreprises) a aidé à sociabiliser les chefs d‟entreprises. « C‟est dans ce contexte de
modifications profondes de l‟organisation et de recherche de légitimité de l‟entreprise qu‟il
faut restituer l‟émergence des discours sur la responsabilité sociale aux États-Unis » (Acquier
A., Gond J.-P., 2005, p.6).

Depuis la création du concept de la RSE, la recherche académique a permis de


comprendre et d‟analyser la RSE. Le « père fondateur » Bowen (1953), mais aussi certains
réfractaires comme Friedman (1970) pour qui l‟unique responsabilité sociale d‟une entreprise
est de faire du profit ou Levitt (1958) pour qui c‟est au gouvernement de s‟occuper du
bienêtre général, ont réussi à déclencher le débat. Dans un autre registre, des travaux plus
formels ont connu le jour à travers les travaux de Carroll (1979) qui a construit une typologie
de quatre responsabilités présentées sous la forme d‟une pyramide (voir figure ci-dessous)

Responsabilités
philanthropiques
Faire du bien à la
communauté
Désiré par la société

Responsabilités éthiques
Se comporter d'une façon éthique
Attendu par la société

Responsabilités légales
Respecter la loi
Exigé par la société

Responsabilités économiques
Etre profitable
Exigé par la société

Figure 1 : Pyramide de Carroll

8
Selon Pasquero (2005), les trois groupes de raisons philosophiques, éthiques et
pragmatiques ont approfondi la réflexion autour du concept de RSE.

- les raisons philosophiques : Comme évoqué précédemment, le questionnement de la société


américaine sur son système capitaliste a été ponctué par plusieurs crises. En effet, le
capitalisme américain minimise les interventions de l‟Etat dans le secteur privé. Par
conséquent, de nombreux dérapages ont été enregistrés qui ont poussé l‟Etat à apporter des
modifications plus ou moins sévères comme l‟instauration des lois anti trust en 1860.
L‟objectif de ces lois étant de réduire les abus sociaux et économiques connus dans les grands
groupes. L‟instauration de ces nouvelles lois a profondément réorganisé l‟économie
américaine. Toutefois, malgré les dérives et abus constatés, le système est considéré
fondamentalement bon car il prône les libertés d‟initiative, d‟entreprendre et d‟accumuler des
richesses contrairement aux systèmes d‟un grand nombre de pays européens qui a ont été
influencés par le modèle socialiste qui pousse à une prise en charge des intérêts publics par
l‟Etat.

- Les raisons éthiques : La littérature qu‟on retrouve dans les manuels montre une grande
diversité dans la définition de l‟éthique des affaires. Pourtant, un consensus est notable sur les
définitions très générales. Pour Buchholz (1989), l'éthique est « l'étude des idées concernant
ce qu'est une vie bonne et juste ». Pour Carroll (1989), « l'éthique des affaires se réfère au
degré de bien et de mal (rightness and wrongness) véhiculé par les comportements, décisions,
ou actions de gens qui travaillent dans des organisations d'affaires (business organizations) ».
Par contre, dès que les définitions deviennent plus profondes, nous notons des différences
importantes. Pour Buchholz (1989), une décision d'affaires a un contenu éthique « quand elle
a des conséquences pour le bien-être (welfare) d'au moins un tiers ». Ailleurs, le même auteur
(Buchholz, 1989) déclare que l'éthique des affaires s'attache à définir les « outils, concepts et
préoccupations » des gestionnaires et employés, à partir de normes générales de bonne
conduite en société. Pour Carroll (1989), « l'éthique des affaires concerne les jugements
moraux, eux-mêmes formés de trois éléments: l'imagination, l'identification et l'évaluation de
facteurs de type moral (moral issues) ».

Selon Pasquero (2005), « l‟entreprise éthique, au même titre que l‟individu, est
celle qui sait assumer son rôle social. Ce rôle est basé sur une certaine loyauté envers les
acteurs sociaux auxquels elle doit sa réussite. L‟État est exclu de ces acteurs. L‟entreprise
éthique sera celle qui fabriquera des produits de qualité, dont les normes de sécurité seront
élevées, dont les employés seront bien rémunérés et bien traités, bref qui se comportera selon
les normes considérées comme légitimes par le public ». Enfin, l‟entreprise qui génère
d‟importants bénéfices doit partager son succès avec le reste de la communauté à travers des
actions philanthropiques d‟envergure. Henry Ford, est l‟un des rares chefs d‟entreprises à
avoir intégré une nouvelle vision de la RSE (mélange de moralisme, idéalisme et
pragmatisme à l‟américaine). Cette vision avant gardiste lui a valu des accusations d‟abus de
pouvoir par ses partenaires.

- Des raisons pragmatiques : La réflexion sur le rôle sociale des entreprises a connu une
avancée remarquable dans les années 1960. Selon Pasquero, « la critique sociale envers le
système économique et les grandes entreprises en particulier s‟est intensifiée. C‟est que le
capitalisme américain, devenu plus efficace que jamais après la Deuxième Guerre mondiale,
avait entraîné avec lui une dégradation incontrôlée de l‟environnement socioéconomique de la
nation. » En effet, les entreprises étaient responsables de dégradations à plusieurs niveaux tels
que la sécurité des citoyens et de l‟environnement. D‟ailleurs, le non respect de
l‟environnement a conduit à polluer des rivières gorgées d‟hydrocarbures, à fabriquer des

9
automobiles dangereuses pour la sécurité de ses utilisateurs et donc de « nombreuses
discriminations devenaient insupportables ». Ces catastrophes sont le fruit du système
capitaliste américain qui au nom des progrès économique et technologique ne prenait pas en
considération le respect de l‟environnement et du bien être des travailleurs et donc rend
automatiquement les entreprises responsables de ces abus. Afin de remédier à cette situation,
plusieurs entrepreneurs « socialement visionnaires » ont pris les devant en poussant l‟Etat à
mettre en place des réglementations sévères forçant la main aux entreprises à respecter les
consommateurs, l‟environnement, la santé des travailleurs et les droits des minorités.

Un certain nombre de grandes entreprises ont décidé de répondre favorablement à ces


réglementations devenues publiques. Selon Pasquero, « elles se disaient que la dégradation
généralisée de plusieurs aspects de l‟environnement sociétal ne pouvait à long terme que créer
de l‟instabilité et nuire aux affaires. Au nom de l‟intérêt bien compris (enlightened
selfinterest) de leur prospérité future, les entreprises devaient donc réagir pour préserver leurs
options. C‟est ainsi que le concept de RSE a commencé à sortir du simple cadre théorique
pour investir progressivement le discours public.

Le débat autour de la RSE a connu plusieurs périodes d‟accalmie notamment durant la


deuxième guerre mondiale ou encore dans les années 80 et 90. Entre temps, de nouveaux
mouvements sociaux ont haussé la voix dans les années 60 et 70 pour faire respecter l‟impact
écologique de l‟entreprise, son positionnement politique, l‟égalité de traitement des sexes ou
encore la discrimination raciale (Smith N.C ., 2003). Au milieu des années 90, les médias et
les gouvernements profitent des nombreux scandales et crises économiques de l‟époque pour
remettre d‟actualité la responsabilité d‟entreprise. « Les thèmes de l‟éthique
organisationnelle, de la responsabilité sociale de l‟entreprise et du développement durable
(ces trois préoccupations se recouvrent largement) font l‟objet d‟un intérêt croissant depuis la
fin des années 1980 » (Mercier S., 2004).

Depuis les années 90, les entreprises deviennent confrontées régulièrement à des
pressions émanant des consommateurs, des gouvernements ou encore des institutions
internationales les incitant davantage à prendre en considération les « normes » éthiques dans
leurs activités. Cette pression s‟est renforcée avec l‟appui du mouvement antimondialisation,
des ONG (Organisation Non Gouvernementale) et des investisseurs. Cette pression dénonce
l‟excès de pouvoir de certains grand groupes mais aussi le non respect des « normes »
éthiques dans les nouveaux investissements.

L‟économie américaine a connu différentes phases dans les relations entre l‟entreprise
et la société ce qui a fait d‟elle un « véritable laboratoire institutionnel » (Pasquero). Chaque
phase de changement institutionnel a connu une nouvelle réglementation publique qui a
modifié le type des responsabilités sociales de l‟entreprise. Depuis un siècle, quatre régimes
se sont ainsi succédés (Eisner, 1993). « Chacun est né dans la controverse, mais il a fini par
ajouter ses exigences à celles des régimes précédents. Cette superposition constitue le
contexte institutionnel de l‟économie américaine d‟aujourd‟hui. » (Pasquero). Chaque régime
de réglementation publique est l‟ensemble de politiques et d‟institutions visant délibérément à
structurer les relations entre acteurs sociaux (entreprises, syndicats, société civile, État). Dans
le tableau suivant, nous présentons les liens entre les régimes de réglementation publique qui
se sont succédés aux États-Unis et les formes de RSE auxquelles ils ont donné naissance.

10
Régime Avènement Cible Méthode Type de RSE
De marché 1880 - 1920 Prix abusifs Lois antitrust Provoquée
Associatif New Deal Coordination Autoréglementation Encadrée
(1930) économique sectorielle

Sociétal 1960 - 1980 Qualité de vie Agences de Obligatoire


réglementation

D‟efficacité 1980 - 2010 Rigidités Déréglementation Volontaire


Structurelles
Tableau 1 les régimes de réglementation publique

1.1.1. Le régime du marché

Aux alentours du début du 20ème siècle, le régime dit « de marché » a vu le jour et


spécifiquement pendant la période « Progressive Era », une phase d‟industrialisation rapide et
de réformes sociales. Il s‟agissait d‟institutionnaliser le grand capitalisme industriel par
l‟instauration de lois anti monopoles. Selon Pasquero, « le libre marché restait le cadre
fondamental des échanges commerciaux, mais il était assujetti à des obligations légales de
préservation de la concurrence et de loyauté en affaires ». L‟Etat avait pour mission de
protéger les consommateurs contre les prix abusifs. Ce trait sera permanent dans l‟histoire
institutionnelle américaine. Avec le temps, ces impositions poussèrent les entreprises à
adapter leurs stratégies à long terme pour une meilleure croissance sur le marché.

La mise en place du règlement à l‟amiable « consent decree » donna un coup de pouce


au processus. En effet, « Il s‟agissait de permettre aux entreprises poursuivies par l‟État de
mettre fin aux poursuites en signant un accord volontaire avec le ministère concerné, dans
lequel elles s‟engageaient, sous surveillance, à pratiquer diverses formes d‟autodiscipline pour
résoudre le problème qui leur était reproché. » Parfois, les accords convenus dans ces
règlements dépassaient bien souvent les obligations systématiquement imposées aux autres
entreprises, créant ainsi des précédents. Les entreprises sujettes à un renouvellement auprès
des autorités de leur permis d‟opération étaient très réglementées et formaient un laboratoire
en matière d‟innovation concernant les responsabilités sociales. Car ayant pour objectif de
gagner la confiance de leurs clients, elles ont développé des offres exemplaires en faveur de
des consommateurs. Le secteur de la téléphonie a été précurseur dans ce type d‟évolution en
termes de gestion responsable et ainsi leurs innovations devinrent des cas d‟écoles discutés
dans l‟enseignement supérieur. Enfin Jean Pasquero dans son article la responsabilité sociale
de l‟entreprise comme objet des sciences de gestion conclut que « de nombreuses grandes
entreprises soumises au régime de marché sont devenues des chefs de file de la RSE. Dans ce
cas, on peut parler d‟une RSE provoquée ».

1.1.2. Le régime associatif

Après la crise de 1929, les acteurs politiques ont eu pour mission de stabiliser
l‟environnement économique. Afin d‟éviter de nouvelles crises, de nombreux organismes
d‟autoréglementation ont vu le jour dans un but de responsabiliser les industries face aux
risques démesurés que peut engendrer une mauvaise gestion de leur part. Plusieurs industries
étaient concernées en particulier les services financiers. L‟Etat a facilité le terrain pour la

11
création de puissants syndicats, ce qui bascula les relations entre l‟entreprise et le monde du
travail. Ce qui nous amène à un régime de « RSE encadrée »

1.1.3. Le régime sociétal

Les années 1960-1970 ont connu un nouveau régime dit « sociétal ». Pour atteindre
des objectifs d‟ordre sociale, « l‟État réglementa les pratiques des entreprises pour préserver
la qualité de la vie des citoyens contre les dégradations causées par le progrès économique et
la production à grande échelle (consommation, environnement, travail, non discrimination,
etc.) ». En effet, l‟émergence des agences de réglementation, aux pouvoirs souvent très
étendus, a permis de créer un nombre conséquent d‟articles de loi ainsi appelée « nouvelle
réglementation sociale ». Malgré la forte résistance, les entreprises ont finit par accepter et
appliquer cette réglementation d‟où le régime dit « RSE obligatoire » durant cette époque.

1.1.4. Le régime de l’efficacité

Après une phase de réglementation intensive, la déréglementation de la RSE a vu le


jour vingt ans plus tard. Est-ce la faute de lois sévères ou juste un changement de mentalité ?
En effet, la réglementation pensée et instaurée durant les crises économiques a été
fonctionnelle pendant deux décennies avant que les acteurs économiques et politiques ne
reconnaissent qu‟elle est trop rigide pour permettre une croissance économique.
L‟encadrement étatique est ainsi devenu étouffant. Il fut décidé de laisser droit à plus
d‟initiatives aux entreprises en allégeant le dispositif légal. Selon Pasquero, « ce dernier
régime, dit de l‟efficacité, consista surtout à « déréglementer » les activités des entreprises et à
favoriser un certain retour à la liberté du marché ». Aussi, en allégeant ce dispositif, cela a
permis de voir de nouvelles formes de la « RSE volontaire » des entreprises. Un certain
nombre d‟entreprises, « pour lesquelles la RSE était le meilleur rempart contre un retour de la
volonté de puissance de l‟État et de ses lourdeurs réglementaires ». Il ne dura pas, mais il
légitima de nouveau l‟idée que la société attendait toujours plus de ses entreprises sur le plan
socioéconomique.

Sujet phare de grandes rencontres économiques mondiales, la RSE n‟a jamais été aussi
populaire qu‟aujourd‟hui. A titre d‟exemple, le World Economic Forum consacre une part
importante de ses recherches. Les associations d‟entreprises et les NGO ne cessent de
promouvoir la RSE à travers des recommandations d‟actions concrètes comme des audits.
« Les entreprises semblent donc redécouvrir la nécessité de mieux gérer leur responsabilité
sociétale, qui peut se définir en première analyse comme une prise en compte plus explicite
des parties prenantes dans la stratégie » (Dejean F., Gond J.-P., 2004, p.6).

Selon la Commission Européenne l‟intérêt croissant pour l‟implication des entreprises


dans la RSE peut s‟expliquer par plusieurs tendances différentes :

 Les consommateurs préfèrent les produits qu‟ils considèrent comme socialement


responsables. Selon une étude menée pendant l‟année 2000 sur 12162 Européens y
compris des Suisses, un quart des Européens laissent entendre que l‟image sociale de
l‟entreprise est un facteur très important pour les décisions d‟achat ;
 Les parties prenantes sont en train de changer leurs attentes envers le secteur privé. Il
est attendu à ce qu‟il aide de plus en plus le secteur public à faire face aux questions
sociales ;

12
 La transparence dans les affaires devient un élément crucial pour faire la différence
entre les entreprises. Dans un contexte de concurrence et de grande mobilité des
consommateurs et des fournisseurs et avec l‟amélioration des communications, rend la
réputation et la transparence dans les affaires importantes ;
 L‟effet cascade le long de la chaîne d‟approvisionnement ;
 La part importante du savoir et de l‟information dans les décisions d‟achats ;
 La prise de conscience par les entreprises de leur application de la RSE ;
 La remarquable croissance de l‟investissement socialement responsable contribue à
l‟intérêt que l‟on porte à la RSE.

Plusieurs conclusions s‟imposent de cet aperçu historique de la RSE :


 La RSE n‟est pas une idée nouvelle mais elle tire ses origines du 19ème siècle ;
 Les Etats Unis ont été un laboratoire institutionnel durant plus d‟un siècle pour
pouvoir définir une conception contemporaine de la RSE ;
 La mise en pratique de la RSE par les entreprises est un souhait de répondre aux
exigences du bien être des travailleurs et de la société d‟une manière plus globale mais
aussi pour atteindre des intérêts financiers ;
 D‟autres économies de pays industrialisés ou émergents essayent de s‟approcher et
d‟appliquer une conception contemporaine de la RSE au sein de leurs entreprises.
Arriveront-ils aux mêmes résultats ?

1.2. Quelques définitions de la RSE

Donner une définition de la RSE est une opération complexe comme périlleuse.
Depuis la publication de l‟ouvrage de Bowen dans les années 50, chaque période de l‟histoire
a permis d‟ouvrir le débat sur les limites de la responsabilité d‟une entreprise et faire l‟objet
de nombreux développements idéologiques de plusieurs écoles de pensée. Malgré les
différents définitions, concepts, approches ou encore les définitions des aspects que couvrent
la RSE, aucun consensus ne s‟est dégagé. Nous assistons à une théorisation de la RSE par
vagues successives de nouveaux concepts. Dans cette partie, nous allons essayer de retracer
l‟évolution du concept de la RSE et ensuite partager quelques définitions de ce concept.

Chaque culture ou chaque personne peut concevoir différemment l‟expression


Corporate Social Responsibility (CSR). D‟ailleurs la traduction française conduit à des
interprétations divergentes ce qui a soulevé une polémique sur le sens du mot social. Aussi,
l‟imprécision de l‟expression RSE mène à une confusion fréquente avec d‟autres concepts
comme par exemple celui de Corporate Citizenship (en français citoyenneté d‟entreprise) qui
décrit la stratégie qu‟une entreprise engage envers la société.

Selon Wood (1991) et Gond et Igalens (2008), on peut dégager trois phases majeures
de la construction théorique de la RSE. La première phase renvoie au régime dit « associatif »
et donc aux débats des années 50 et 60. Ce régime où la RSE était « encadrée » a connu des
débats sur la délimitation des responsabilités de la définition du concept RSE et ses concepts
liés tels que l‟éthique et la performance économique. Les années 70 ont connu des
mouvements sociaux et environnementaux contre les entreprises ce qui a constitué la seconde
phase de l‟élaboration théorique de la RSE. Dans cette phase, le régime de marché est
« sociétal » et la RSE est dite obligatoire. Le concept a évolué vers une préoccupation plus
managériale comme le témoigne les travaux de Ackerman et de Bauer (1976) qui débâtent sur
la gestion des problèmes sociaux et environnementaux des entreprises. Ils introduisent à cet
13
effet la notion réactivité ou sensibilité sociale de l‟entreprise (Corporate Social
Responsiveness) qui renvoie « aux processus de gestion de la RSE par les entreprises
ainsi qu‟au déploiement et à la mise en œuvre des pratiques de RSE ». Enfin la troisième et
dernière phase correspond au régime de l‟efficacité dans les années 80 et 90. La RSE devient
obligatoire et voit l‟apparition d‟un nouveau concept lié à la RSE et intitulé la Performance
Sociale de l‟Entreprise (PSE) ou encore en anglais « Corporate Social Performance ». La PSE
est un nouveau concept qui synthétise les capacités de la gestion de la RSE, les impacts des
politiques RSE et la mesure de ces impacts. Nous reviendrons plus longuement sur la
définition de la PSE dans la section qui lui est consacré.

La figure ci-dessous résume les 3 trois phases majeures de l‟élaboration théorique du


concept de la RSE. (Source Gond et Igalens, 2008)

RSE 1 RSE 2 RSE 3


Responsabilité Sensibilité sociale
sociale de Performance
de l’entreprise sociétale de
l’entreprise Corporate Social
Corporate Social l’entreprise
Responsiveness Corporate Social
Responsability
Performance
• Années 1950-60
• Orientation • Années 1970-80
philosophique et • Orientation • Années 1980-
normative stratégique et 2000
• Discussion des pragmatique • Orientation
frontières et du intégrative et
contenu de la synthétique de
RSE la RSE

Figure 2 : les 3 trois phases majeures de l’élaboration théorique du concept de la RSE

Plusieurs chercheurs ont essayé de définir le concept de la RSE sans pour autant
arriver à un consensus. Les contours flous et les points de vue de chaque chercheur ont poussé
l‟émergence de définitions non uniformes et ceux depuis plus d‟une cinquantaine d‟années.
En effet, chaque auteur s‟est penché sur la question en se référant à des disciplines différentes
comme le social, l‟environnement ou encore la performance économique. Dans cet exercice,
nous allons définir le concept de la RSE en illustrant plusieurs définitions provenant de
différents chercheurs. Pour cela, il serait judicieux de classer ces définitions selon l‟évolution
des conceptions et leur diversité sémantique. Ci-dessous le tableau propose les différentes
approches qui sous-tendent l‟évolution du concept de RSE tirées des travaux de Gond et
Mullenbach (2004) et de Caroll (1999).

14
Source Définition associée
1. La RSE au-delà de l’intérêt économique de la firme
La RSE renvoie à l‟obligation pour les hommes d‟affaires d‟effectuer les
Bowen, 1953 politiques, de prendre les décisions et de suivre les lignes de conduite
répondant aux objectifs et aux valeurs qui sont considérées comme
désirables dans notre société.
La RSE renvoie à la prise en considération par l‟entreprise de problèmes
qui vont au-delà de ses obligations économiques, techniques et légales
étroites ainsi qu‟aux réponses que l‟entreprise donne à ces problèmes
Davis, 1973 […] Cela signifie que la responsabilité sociale débute là où s‟arrête la
loi. Une entreprise n‟est pas socialement responsable si elle se conforme
au minimum requis par la loi, car c‟est ce que n‟importe quel bon
citoyen est tenu de faire.
McGuire (1963) L‟idée de responsabilité sociétale suppose que la firme n‟a pas
seulement des obligations légales ou économiques, mais
qu‟elle possède également des responsabilités envers la société, qui
dépassent le simple cadre de ces obligations
Backman (1975) La RSE renvoie aux objectifs et aux raisons qui donnent une âme aux
affaires plutôt qu‟à la recherche de la performance Economiques
L‟idée selon laquelle les entreprises, par delà les prescriptions légales ou
Jones, 1980 contractuelles, ont une obligation envers les acteurs sociétaux.
Mc Williams et La RSE est l‟ensemble des actions qui répondent aux attentes de la
Siegel société et qui vont au-delà des intérêts économiques de la firme dans le
(2001) respect des lois

2. La RSE consiste à maximiser le profit pour les actionnaires


Friedman (1962) Rien n‟est plus dangereux pour les fondements de notre société que
l‟idée d‟une responsabilité sociétale des entreprises autre que de
générer un profit maximum pour leurs actionnaires
Friedman (1970) La responsabilité sociétale de l‟entreprise est celle d‟accroître ses
profits. Elle consiste à utiliser ses ressources et à s‟engager dans des
activités destinées à accroître ses profits, dans la mesure où elle respecte
les règles du jeu, c‟est à dire celles d‟une concurrence ouverte et libre

3. La RSE vue comme une simple responsabilité publique


Preston et Post La responsabilité publique des entreprises (RPE) met l‟accent sur
(1975) l‟importance du « public policy process ». Elle consiste en un ensemble
de principes et d‟engagements que la firme est tenue de respecter

4. La RSE consiste à répondre aux attentes de la société de façon volontaire


Manne (1972) La responsabilité sociétale est l‟idée selon laquelle les firmes répondent
aux attentes de la société de façon volontaire
Caroll (1979) La responsabilité sociétale est ce que la société attend à un moment
donné des organisations en matière économique, légale, éthique et
volontaire
Jones (1980) La RSE n‟est en aucun cas une obligation de nature coercitive.
L‟entreprise est tenue d‟adopter un comportement responsable, mais
toute action sociale influencée par une contrainte légale n‟est en aucun
15
cas volontaire
Frederick (1994) L‟acceptation volontaire des principes de responsabilité est toujours
préférable à la réglementation ou à l‟intervention contraignante

5. La PSE se compose d’un ensemble de principes se déclinant aux niveaux


institutionnel, organisationnel et managérial
Wood (1991) La responsabilité sociétale ne peut être appréhendée qu‟à travers
l‟interaction de trois principes: la légitimité, la responsabilité publique,
et la discrétion managériale. Ces principes résultent de trois niveaux
d‟analyse institutionnelle, organisationnelle et individuelle.
Swanson (1995) Le RSE intègre une double perspective de contrôle social sur l‟entreprise
et de respect volontaire par celle-ci d‟un ensemble de devoirs. Ces deux
orientations se déclinent au niveau de macro-principes institutionnels et
organisationnels et de micro-principes mis en œuvre dans les processus
de prise de décision.

6. La PSE comme intégration des multiples approches de la responsabilité


sociétale
Caroll (1979) La PSE est l‟articulation et l‟interaction entre :
 différentes catégorie de responsabilités sociétales ;
 des problèmes spécifiques liés à ces responsabilités ;
 des philosophies de réponse à ces problèmes.
Watrick et La PSE est l‟interaction sous-jacente entre les principes de responsabilité
Cochran sociétale, le processus de réceptivité sociétale et les politiques mises en
(1985) œuvre pour faire face aux problèmes sociaux

Wood (1991) La PSE est une configuration organisationnelle de principes de


responsabilité sociétale, de processus de réceptivité sociétale et de
programmes/politiques/résultats observables liée aux relations sociétales
de la firme
Swanson (1995) La PSE est une configuration résultant d‟une interaction entre macro-
principes et micro-principes de la RSE, d‟une part, et culture
organisationnelle et impact social d‟autre part.

7. La PSE comme capacité à satisfaire les « stakeholders »


Clarkson (1995) La PSE peut se définir comme la capacité à gérer et à satisfaire les
différentes parties prenantes de l‟entreprise.
Van Marrwijk La RSE est un « ensemble d‟activités, volontaires par définition,
(2003) prenant en compte les préoccupations sociales et environnementales
dans l‟activité de l‟entreprise ainsi que dans son interaction avec ses «
stakeholders ».

8. La PSE vue comme un système « guidé »


Mitnick (1993) La PSE est un sous-système d‟un système plus global de
performance guidé par des normes. Il se décompose en un
ensemble d‟inputs transformés par un processus de conversion en des
outputs véhiculés par l‟environnement. L‟enjeu est d‟optimiser le
fonctionnement du système.

16
9. La PSE, un concept contingent
Husted (2000) La PSE incarne la logique de la contingence, elle serait donc une
fonction d‟interaction entre, d‟une part, les problèmes sociaux, et
d‟autre part la stratégie et la structure organisationnelle qui sont
inhérentes à ces problèmes.

Tableau 3 : les différentes approches de l’évolution du concept de RSE

Les définitions et approches ci-dessus nous montrent la complexité et la multi


dimensionnalité du concept de la RSE. L‟inexistence d‟une définition uniforme n‟est pas
forcément un handicap car elle incite les différents acteurs à approfondir leur réflexion et à
adapter la responsabilité sociale selon la culture et les enjeux de la RSE. D‟ailleurs la
Commission Européenne souligne qu‟« en dépit du fait qu‟il n‟y a pas de définition
communément acceptée de la RSE, ce concept se réfère à l‟intégration des préoccupations
sociales et environnementales dans les affaires courantes des entreprises et dans leur
interaction avec les parties prenantes sur une base volontaire » (Commission Européenne,
2002a, p.7). La RSE définit les responsabilités des entreprises vis-à-vis de ses parties
prenantes, c‟est-à-dire les individus ou groupes d‟individus qui sont affectés par la politique et
les pratiques de l‟entreprise (Smith N.C., 2003).

« Les entreprises adoptent un comportement socialement responsable en allant au-delà


des prescriptions légales et elles s‟engagent dans cette démarche volontaire parce qu‟elles
jugent qu‟il y va de leur intérêt à long terme. Avec cette approche, la RSE est intrinsèquement
liée au concept de développement durable : les entreprises devraient intégrer les retombées
économiques, sociales et environnementales dans leur gestion. La RSE n‟est pas une option à
rajouter aux activités centrales de l‟entreprise, elle a trait à la gestion même de l‟entreprise »
(Commission Européenne, 2002a, p.3).

Pour conclure cette section, La RSE est concept devenu volontaire depuis les années
80. Elle concerne l‟intégration volontaire par les entreprises de considérations sociales et
environnementales. Elle désigne ce que les entreprises peuvent faire et non pas ce que les
entreprises doivent faire car c‟est une question de possibilités et non d‟obligations ou de
nouvelles réglementations.

Pour appréhender plus en profondeur la RSE, nous distinguons sept concepts liés à la
RSE que nous définirons dans les sections suivantes. Il s‟agit du développement durable, de
l‟éthique des affaires, de la performance sociale d‟entreprise (PSE), des parties prenantes, de
la gouvernance, de la légitimité sociale et de l‟investissement socialement responsable.

1.3. Développement Durable

Popularisé par la norvégienne Gro Harlem Bruntlend, présidente de la Commission


mondiale sur l‟environnement et le développement en 1987 à travers le rapport « Our
Common Future » (notre avenir à tous), le développement durable (sustainable development)
est selon ce rapport « un développement qui répond aux besoins du présent sans
compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. Deux concepts sont
inhérents à cette notion : le concept de besoins et plus particulièrement des besoins essentiels
des plus démunis auxquels il convient d‟accorder la plus grande priorité et l‟idée des

17
limitations que l‟état de nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité
de l‟environnement à répondre aux besoins actuels et à venir » (Brundtland G.H., 1987).

Lors du sommet de la Terre à Rio en 1992, plusieurs principes ont été émis pour
définir le concept du développement durable. L‟un des principes énonce que « les êtres
humains sont au centre des préoccupations relatives au développement durable. Ils ont droit à
une vie saine et productive en harmonie avec la nature ». L‟autre principe concernant le
développement durable suggère que « pour parvenir à un développement durable, la
protection de l‟environnement doit faire partie intégrante du processus de développement et
ne peut être considéré isolement ».

La Responsabilité Sociale d‟Entreprise est une composante du développement durable


dans les entreprises. Les règles relatives au développement durable et applicables aux
entreprises ne peuvent être, en partie, que le fondement de la responsabilité sociale
d‟entreprise. La différence entre ces deux concepts est leur cible. Le développement durable
vise l‟ensemble des acteurs tels que l‟Etat, le marché, les citoyens, les consommateurs et la
RSE ne vise que les entreprises. Par conséquent, la RSE est un moyen pour contribuer au
développement durable.

1.4. Ethique des affaires

L‟éthique des affaires confère une dimension morale à la responsabilité sociale


d‟entreprise. En effet, intégrer un code éthique dans le management d‟une entreprise est une
composante indispensable pour considérer cette entreprise respectant la responsabilité sociale
d‟entreprise.

Dans les années 1960, le concept de responsabilité sociale a connu son essor et
spécifiait que les « entreprises ont une obligation morale de contribuer au mieux-être de la
société qui rend leur prospérité possible ». L‟éthique des affaires est aussi définie par
« l‟ensemble des règles de conduites partagées et typiques d‟une société donnée. Ces règles
sont fondées sur la distinction entre le bon et le mauvais par opposition à la morale qui est
fondée sur la discrimination entre le bien et le mal et qui serait plus un ensemble de principes
à dimension universelle, normative voire dogmatique ». (Wunenburger, 1993)

L‟éthique des affaires peut être définie comme l‟art et la discipline d‟appliquer des
principes éthiques pour accompagner des situations complexes d‟ordre moral. L‟éthique des
affaires se demande ce qui est juste ou faux, bon ou mauvais dans l‟activité économique
(Weiss J.W., 1998). Les chefs d‟entreprises prennent souvent des décisions complexes qui
demandent une dimension morale et donc une sensibilité éthique (Vyakarnam S. et al., 1997).

Mercier en 2004 a défini l‟éthique comme « un champ de tension qui se situe entre
l‟intérêt de l‟entreprise, l‟intérêt général, et les intérêts d‟autrui. L‟enjeu de la réflexion
éthique est de trouver un équilibre quand les intérêts des parties prenantes ne peuvent se
réaliser simultanément ». Les grands débats sur l‟éthique des affaires tournent autour de la
relation entre « l‟éthique et le profit, le conflit entre le gain privé et le bien public et le
contraste entre les résultats du capitalisme et les intentions des gens » (Vyakarnam S. et al.,
1997). « La dimension éthique de l‟économie privée est essentiellement appréhendée comme
une éthique de la responsabilité commandant que chacun réponde des conséquences
prévisibles de ses actes » (Capron M., 2003). Dans le cas d‟une entreprise, nous pensons que

18
la RSE fait référence à l‟éthique d‟un décisionnaire pour juger entre le bon et le mauvais, d‟où
le questionnement si le concept est transposable à l‟entreprise.

1.5. Performance sociale de l’entreprise

Le concept de la Performance Sociale de l‟Entreprise (PSE) ou Corporate Social


Enterprise (CSP) a pour objectif de mesurer la responsabilité sociétale dans une entreprise ou
de permettre l‟évaluation de la capacité d‟une entreprise à gérer sa responsabilité sociétale
(Carroll A.B., 2000).

Dés les années 70, il y a eu plusieurs tentatives de créer un modèle de PSE en intégrant
tous les définitions et concepts les plus pertinents. Depuis, plusieurs chercheurs se sont
intéressés à ce concept ce qui a permis une émergence d‟une multitude de définitions et de
modèles. Dans cette section, nous allons essayer de proposer quelques modèles pour vous
donner un aperçu historique et conceptuel sur les modèles de la PSE existants.

En 1975, Sethi a proposé un modèle à triple dimensions à savoir les obligations


sociales, les responsabilités sociales et la réceptivité sociale. Pour lui, les obligations sociales
renvoient aux responsabilités économiques et légales d‟une entreprise alors que la
responsabilité sociale renvoie à sa responsabilité éthique. La responsabilité sociale de
l‟entreprise doit donc aller au delà des obligations sociales et se conformer aux valeurs,
normes ainsi qu‟aux attentes de sa performance.

En 1979, Carroll formula une définition de la Responsabilité Sociale (RS) en faveur


d‟un modèle à trois dimensions qui sont les catégories de la RS, les enjeux sociaux et les
philosophies de la réceptivité sociale. Selon Carroll ce concept de la RS va au-delà des seules
exigences économiques et légales mais aussi il couvre les exigences éthiques que la société
civile peut réclamer aux entreprises à un moment donné. Ainsi, Carroll a réussi à apporter
l‟une des premières conceptualisations capable de donner une représentation simplifiée de la
RS.
D‟autres modèles pertinents sont ceux établis par Watrick et Cochran en 1985, Wood
en 1991 et Clarkson en 1995 dans la mesure où ils synthétisent les dimensions afin d‟obtenir
une mesure de la RSE assez exhaustive. A cet effet, les modèles de Caroll (1979) et de Wodd
(1991) établissent une « distinction claire des principes de RSE sur lesquels doit s‟appuyer
une entreprise, les principes de gestion que celle-ci doit déployer et finalement les résultats
qu‟elle obtient en matière de RSE ». Quant au modèle de Clarkson (1995), il complète le
tableau en insistant sur le fait que l‟évaluation de la RSE devra s‟effectuer partie prenante par
partie prenante.

Les définitions de la PSE sont nombreuses. Husted en 2000 en a dénombra quatorze et


il les a classé en 2 catégories :
 Les définitions basées sur les processus qui stipulent qu‟un certain nombre de
processus doivent être implémentés en amont tel que le processus de sensibilité sociale
de l‟entreprise.
 Les définitions basées sur les résultats semblent idéales car elles ne prennent en
compte que la performance directement mesurable. Mais cela pose le problème de la
mesure. Cette pensée a mené à la notion de Triple Bottom Line créée par John
Elkington et popularisée dans son livre en 1998. Cette notion propose qu‟une
entreprise ne doit pas être évaluée uniquement d‟après des critères économiques mais
en prenant en compte les 3P : people, planet, profit.
19
« Traditionnellement, on admet que la contribution principale des entreprises à la
société se fait via la fourniture d‟emplois et la création de richesses, et que toute intégration
des affaires dans les activités sociales aura un effet de balancier contre les activités
profitables. Cette perspective traditionnelle est en train d‟être dépassée par un débat théorique
et politique en développement qui établit une relation positive entre la responsabilité sociale et
la performance économique des entreprises » (Commission Européenne, 2002b, p.7). Mais
pour le moment aucune expérience tirée du monde de l‟entreprise ne permet de confirmer le
lien positif entre la RSE et la performance économique. En effet, la recherche d‟un lien n‟a
jamais donné de résultats consistants (Gond J.-P., 2001). Malgré ce constat, de nombreuses
entreprises mettent en avant l‟existence d‟un lien positif. Bien qu‟il soit difficile de le chiffrer,
elles y croient (Chrisman J.J., Archer R.W., 1984) ! L‟instauration de cette croyance a
provoqué des effets de comportements, une sorte de mythe rationnel (Capron M., Quairel-
Lanoizelée F., 2007).

1.6. La théorie des parties prenantes

La modèle des parties prenantes stipule que l‟entreprise doit être gérée dans l‟intérêt
de l‟ensemble des parties prenantes. Ce modèle vient remettre frontalement en cause le
modèle des actionnaires (shareholder) où l‟entreprise ne doit être gérée qu‟uniquement par
l‟intérêt des actionnaires. Par ailleurs, ce modèle de la thèorie des parties prenantes ou aussi
appelé stakeholder est une référence pour la RSE qui apparait comme une composante de ce
modèle.

Freeman (1984) avait défini une partie prenante comme «individu ou groupe
d‟individus qui peut affecter ou être affecté par la réalisation des objectifs de l‟organisation ».
Cette définition étant la plus commune. Toutefois l‟origine de cette approche est attribuée au
travail de Berle & Means 1932 et le débat qui s‟en suit (Dodd, 1932). Berle et Means
soulignent l‟existence et le développement d‟une pression sociale s‟exerçant sur les chefs
d‟entreprises pour qu‟ils reconnaissent leurs responsabilités auprès de tous ceux dont le bien
être peut être affecté par les décisions de l‟entreprise, « le contrôle des grandes entreprises
devrait conduire à une technocratie neutre équilibrant les intérêts des différents groupes de la
communauté » (Berle & Means, 1932). Dans un autre registre, Dodd plaide en faveur de la
reconnaissance éthique et légale des droits de tous les partenaires.

Le concept de stakeholder peut signifier « partie prenante » ou « partie intéressée ». Ce


concept fait constater que l‟actionnaire n‟est pas la seule partie qui a intérêt dans l‟entreprise
et que ce qui est en jeu n‟est pas la seule satisfaction de l‟actionnaire.
Plusieurs définitions et approches permettent de justifier le fondement de la prise en
compte des acteurs autres que les actionnaires et leurs demandes. La définition large de
Freeman, citée ci-dessus, permet d‟inclure dans l‟analyse stratégique des groupes autrefois
négligés tels que les ONG, activistes, riverains, groupes politiques, société civile et lobbies.
Aussi, elle permet en plus des aspects économiques et commerciaux d‟inclure dans la
réflexion les aspects environnementaux et sociopolitiques. Aussi, cette approche permet
d‟intégrer une dimension morale et en particulier éthique aux objectifs organisationnels et
managériaux traditionnels d‟une firme. La justice sociale serait une illustration de ce
qu‟apporte cette nouvelle approche.

20
Une deuxième approche, cette fois ci dite managériale ou instrumentale est définit par
Post, Preston & Sachs en 2002. En effet, ils considèrent que « individus et éléments
constitutifs qui contribuent de façon volontaire ou non à la capacité de la firme à créer de la
valeur et à ses activités et qui en sont les principaux bénéficiaires et/ou en supportent les
risques ». Cette approche permet de mettre en exergue la valeur ajoutée que peut apporter les
parties prenantes en termes d‟objectifs financiers. En effet, grâce à une bonne gestion des
parties prenantes, ces dernières permettent à l‟entreprise d‟atteindre directement ou
indirectement les objectifs financiers. Par conséquent, l‟entreprise gagne un avantage
concurrentiel dans le sens où elle devient plus profitable, plus croissante et plus stable.
Pour résumer sur l‟intérêt de la théorie des parties prenantes, Donaldson et Preston
(1995) ont montré qu‟elle peut être justifiée selon trois approches : descriptive, instrumentale
et normative. L‟approche descriptive explique comment existe réellement le monde, la
deuxième s‟interroge sur les relations éventuelles entre un management de type stakeholder et
la performance économique de l‟entreprise, et l‟approche normative porte sur la légitimité
morale et philosophique des parties prenantes à faire valoir leur intérêt.
Le graphique qui suit détaille l‟ensemble des acteurs des parties prenantes. Nous
comprenons donc la complexité des responsabilités qu‟une entreprise doit assumer et
harmoniser. Chacune se rapporte à une relation à une composante de la société qui,
directement ou indirectement, est impliquée dans l‟activité économique.

Actionnaires

ONG Consommat
eurs

Autorités
Syndicats
publiques
Entreprise

Autres
acteurs Collectivités
locales

Clients/Four
nisseurs Collaborateurs

Figure 3 : Les acteurs des parties prenantes

En guise d‟illustration de la relation entre la théorie des parties prenantes et la RSE,


nous avons choisi de partager un aperçu de la perception de la Commission
interdépartementale du développement durable (CIDD) en Belgique : « L‟idée sous-jacente au
rôle des parties prenantes est que les entreprises font partie intégrante de la société. Elles ne
constituent pas des entités isolées. Elles influencent de nombreux groupes et individus et
en subissent à leur tour l‟influence. Pousser cette réflexion un stade plus loin conduit
à constater que la responsabilité d‟une entreprise ne se limite pas à ses actionnaires et à ses
administrateurs, mais qu‟elle s‟étend à d‟autres parties directement ou indirectement
associées à l‟entreprise, notamment les travailleurs, les fournisseurs, les clients, les

21
consommateurs, la communauté locale d‟entrepreneurs, les associations environnementales
et autres ONG. Selon cette vision, une entreprise ne pourra pas être performante sur les
plans économique, social, et environnemental si elle ne connaît pas les besoins et attentes de
la société qui l‟entoure ainsi que ceux de ses parties prenantes. La concertation et le dialogue
avec les parties prenantes constituent alors un élément essentiel de la définition de la RSE. En
outre, l‟implication des parties prenantes est une forme d‟assurance de la qualité dans le cadre
de la RSE. Autrement dit, le fait d‟engager le dialogue avec les parties prenantes et
d‟assumer une responsabilité sociétale induit des attentes et des attentes mutuelles ».

1.7. Gouvernance d’entreprise

La gouvernance se définit comme « l‟ensemble des principes et des règles qui dirigent
et limitent les actions des dirigeants » (Perez, 2003). D‟une manière générale, la gouvernance
d'entreprise ou corporate gouvernance représente l'organisation du contrôle et de la gestion de
l'entreprise. C‟est aussi l‟ensemble des facteurs qui influent la manière dont l‟entreprise est
dirigée, administrée et contrôlée tels que les processus, les réglementations, les lois et les
institutions y compris les relations avec les parties prenantes et les objectifs fixés pour
gouverner l‟entreprise.

Aussi, la gouvernance d'entreprise est définie comme l'articulation entre l'actionnaire


et la direction de la société, et donc principalement le fonctionnement du conseil
d'administration ou du directoire et du conseil de surveillance.

Selon Saint-Simon qui propose un modèle dit « expert » de la gouvernance


d‟entreprise, énonce que « les gouvernants de l‟entreprise définissent les objectifs et les
instruments de mise en œuvre par leur analyse experte des revendications des parties
prenantes (marchandes ou civiques) et de l‟adéquation des techniques de management RSE. »
Quant à la pensée de Jaurés, qui propose un modèle dit « politique » de la gouvernance
d‟entreprise, explique que « les gouvernants reconnaissent aux parties prenantes un pouvoir
décisionnel sur la définition des priorités et des procédures de mise en œuvre de la RSE, et les
règles d‟accès au gouvernement de l‟entreprise sont réformées en conséquence ».

Ce concept s‟est propagé principalement après les scandales financiers dans les années
2000 (Enron, Anderson, Worldcom) et avec la loi Sarbanes-Oxley (aussi appelé SOX) qui
impose à toutes les sociétés cotées aux Etats Unis d‟Amérique de présenter des comptes
certifiés personnellement par leur dirigeant à la Commission américaines des opérations de
bourse (SEC).

En effet, plusieurs scandales financiers ont été caractérisés par des dérives que Joseph
Stiglitz a résumé dans les points suivants :
 Explosion des rémunérations des dirigeants d‟entreprise en particulier de la partie
variable adossée à des stocks options ;
 L‟introduction de nouveaux instruments financiers et de nouvelles techniques
comptables qui permettent de falsifier l‟étendue réelle de l‟endettement au bilan de
l‟entreprise ;
 Une déréglementation, en particulier dans le secteur bancaire, qui en assouplissant les
règles affaiblit les mécanismes institutionnels de contrôle ;
 Un certain relâchement dans l‟éthique des classes dirigeantes. Le puritanisme qui fit
les beaux jours du capitalisme américain et l‟éthique protestante que Max Weber
associe avec l‟esprit du capitalisme, alors laissés de côté (Boltanski et Chiapello,
1999).
22
Suite à ces scandales répétitifs, les actionnaires, employés et créanciers ont perdu
confiance. L'approche RSE peut permettre de redonner confiance à ces « victimes » des
dérives en mettant en place de nouvelles régulations et une meilleure gouvernance
d'entreprise, que l'entreprise soit grande, moyenne ou petite, dans les pays dits développés,
comme dans les pays en développement.

1.8. La légitimité sociale

Schuman en 1995 a défini la légitimité sociale comme étant « l‟impression partagée


que les actions de l‟organisation sont désirables, convenables ou appropriées par rapport au
système socialement construit de normes, de valeurs ou de croyances sociales ».

En effet, la légitimité sociale se construit à travers le regard des parties prenantes qui
sont la cible principale du marketing des organisations. Ainsi, la « légitimité de l‟entreprise au
sein de la société (…) dépend de son aptitude à faire se rencontrer les attentes d‟un nombre
important et croissant de participants » (Mercier, 2004). En répondant aux besoins des parties
prenantes tels que les actionnaires, les consommateurs et plus généralement la société civile,
l‟entreprise résulte d‟une meilleure légitimité sociale.

La légitimité d‟entreprise en tant que personne morale est souvent le sujet de


discussion lors de conflits entre le dirigeant et un groupe d‟actionnaires comme le cas de Jean-
Marie Messier et les petits actionnaires de Vivendi Universal, lors de conflits entre les
administrateurs et un groupe d‟actionnaires comme l‟exemple d‟Eurotunnel en 2004.

La légitimité des entreprises naît au sein d'un environnement institutionnalisé, c'est-à-


dire un environnement qui impose des exigences sociales et culturelles, qui les pousse à jouer
un rôle déterminé et à maintenir certaines apparences extérieures. L'entreprise doit apprendre
à paraître selon les critères convenus, ressembler à une organisation rationnelle.

Schuman en 1995 a fait une synthèse de travaux des sociologues néo-


institutionnalistes et définit la légitimité comme « l'impression partagée que les actions de
l'organisation sont désirables, convenables ou appropriées par rapport au système socialement
construit de normes, de valeurs et de croyances sociales ». En effet, cette légitimité naît dans
un environnement régit avec des normes et règles sur les plans social et culturel.

1.9. L’investissement socialement responsable

L‟investissement socialement responsable (ISR) peut être défini avec des nuances
différentes selon la culture des affaires de chaque région. La définition la plus acceptée en
France que l‟ISR est une forme de placement individuel ou collectif effectué selon des critères
liés à l‟Environnement, au Social et à la Gouvernance mais qui n‟occulte pas la performance
financière. Toutefois, en France on privilégie l‟aspect social, l‟environnement en Suisse et en
Allemagne, la gouvernance en Grande-Bretagne, les valeurs éthiques dans les pays
scandinaves et aux Etats-Unis.

23
L‟ISR peut prendre 3 formes principales :
 Les fonds socialement responsables ou de développement durable : cette forme née
dans les années 80 prend en compte les bonnes pratiques sociale, environnementale et
de gouvernance d‟une entreprise qui sont croisés avec des critères financiers pour
sélectionner les compagnies les plus performantes du point de vue du développement
durable. Des agences de notation extra financière ont vu le jour pour fournir aux
investisseurs des analyses les aidant à sélectionner les meilleures entreprises en termes
d‟ISR ;
 Les fonds d‟exclusion : plus répandus dans les pays anglo-saxons, ils excluent, pour
des raisons morales ou religieuses, certains secteurs comme l‟armement, le jeu, le
tabac. Cette forme est née aux USA dans les années 20 à l‟initiative de congrégations
religieuses qui refusaient d‟investir dans des « valeurs du péché » comme l‟alcool, la
pornographie, les jeux de hasard ou le tabac sans considération pour la performance
financière des valeurs écartées. Cette forme a pris ensuite une approche plus laïque et
militante en ciblant vers les années 70 des causes comme l‟Apartheid, la guerre du
Viêt-Nam, les Droits de l‟Homme, le nucléaire, etc. Cette tendance se perpétue ;
 L‟engagement actionnarial : il consiste, pour les investisseurs, à exiger des entreprises
une politique de responsabilité sociale plus forte par un dialogue direct, mais aussi, par
l‟exercice des droits de vote en assemblées générales.

La définition de ces sept concepts liés à la RSE nous permet maintenant de cerner en
profondeur l‟étendu et l‟intérêt de la RSE dans le quotidien des parties prenantes. Enfin, la
RSE est une approche à appréhender d‟un point de vue stratégique dans toutes les décisions
de dirigeants. Mais qu‟en est-il des domaines liés à cette RSE ? La culture a-t-elle un rôle
dans la définition des domaines touchés par la RSE ?

1.10. Les domaines touchés et l’ancrage culturel

A travers les nombreuses définitions de la RSE proposées dans cette thèse


professionnelle, nous remarquons les trois principaux domaines concernés par la RSE qui sont
l‟économie, le social et l‟environnement.

Concernant les aspects économiques, ils sont résumés à la relation de l‟entreprise avec
ses interlocuteurs internes (salariés et actionnaires) et externes (secteur public, clients et
fournisseurs). Quant aux aspects sociaux, comme le précise l‟étude Actares (2003), ils
concernent « les conditions de travail (relation entre la direction et le personnel, santé et
sécurité, formation, équité, etc.), aux droits humains (non-discrimination, liberté
d‟association, travail des enfants, travail forcé, etc.), à la société (répercutions de l‟activité sur
les collectivités locales, corruption, pressions politiques, concurrence, ententes sur les prix,
etc.) et à la responsabilités des produits (santé et sécurité des clients, informations sur les
produits, publicité, respect de la sphère privée, etc.) ». Dans la Revue Française de Gestion en
1977, Blind distinguait en 1977 déjà neuf grandes rubriques couvrant l‟ensemble de l‟activité
sociale d‟une entreprise :

 les politiques de l‟implantation et de l‟emploi ;


 les rémunérations ;
 les conditions de travail ;
 le comportement envers les minorités ;
 la formation et la promotion ;
 l‟information et le pouvoir ;
24
 les relations sociales ;
 les relations avec les partenaires économiques ;
 la politique financière.

Enfin, dans la même étude Actares (2003) on distingue une dizaine d‟aspects liés à la
question environnementale :

 Matériaux ;
 Energie ;
 Eau ;
 Biodiversité ;
 Emission dans l‟air et l‟eau ;
 Déchets ;
 Sous traitants ;
 Produits et services ;
 Respect de la réglementation ;
 Transports ;
 Dépenses environnementales.

Dans la première partie de cette thèse professionnelle, nous avons défini la


Responsabilité Sociale d‟Entreprise selon les normes et les théories instaurées par des pays
dits développés en l‟occurrence les Etats Unis, un véritable laboratoire de la RSE, mais aussi
selon l‟évolution de ce concept par l‟Union Européenne. Mais quelle est la compréhension de
ce concept par les pays en développement ? Quel est le niveau d‟application de la RSE dans
ce type de pays ? Donc dans une deuxième parie, nous allons dresser un état des lieux de la
RSE pour le cas du Maroc accompagné d‟une analyse des principales difficultés rencontrées
par les entreprises marocaines pour l‟adoption des valeurs de la RSE.

25
2. La situation de Responsabilité Sociale d’Entreprise au Maroc et
ses enjeux
2.1. Les débuts de la RSE au Maroc

Depuis que les acteurs publics, privés, ONG et la société civile ont compris l‟enjeu et
l‟impact de la RSE sur le développement économique et social, la RSE est en évolution au
Maroc. Malgré le fait que la RSE reste un concept nouveau au Maroc, plusieurs initiatives
aussi symboliques qu‟effectives ont été prises pour instaurer durablement le concept dans la
gestion des entreprises. Nous allons présenter dans cette section l‟état des lieux de la RSE au
Maroc, les motivations qui ont amené les acteurs cités ci-dessus à investir dans ce domaine
ainsi que les différentes formes de leurs actions.

Malgré le fait qu‟il est difficile de retracer l‟histoire de l‟évolution de la RSE au


Maroc, on peut affirmer qu‟elle a été introduite d‟abord par les filiales multinationales qui
étaient engagées par leur maison mère dans de tels processus. En effet, l‟introduction de la
RSE a été facilitée par un contexte favorable résultant de nombreuses réformes juridiques et
institutionnelles. On peut citer quelques initiatives dans ce sens :

 Les intégrales de l‟investissement organisées par la Direction des investissements


extérieurs en Décembre 2005 qui marquent l‟adhésion de l‟Etat en faveur des valeurs
de la RSE. « Le message royal lu lors de cet événement constitue un précieux capital
symbolique à ce titre » ;
 Les accords d‟association et de libre échange conclus par le Maroc avec l‟Union
Européenne et les Etats Unis convergent vers un respect des valeurs de la RSE et
stipulent « le rapprochement des législations » ;
 Le pacte National pour l‟Emergence Industrielle (PNEI) signé en février 2009 entre
l‟Etat et le secteur privé « intègre la RSE en tant qu‟outil pour la promotion de
l‟investissement et l‟amélioration du climat des affaires dans sa globalité » ;
 La Confédération Générale des Entreprises Marocaines (CGEM) à travers la
promulgation de la charte de responsabilité sociale et du label RSE à partir de
décembre 2006 ;
 Le Pacte Mondial qui a suscité le débat au Maroc depuis 2006 ;
 Le lancement de l‟activité au Maroc du Groupe Vigeo en 2004, agence européenne
leader de l‟audit et du rating en responsabilité sociale des organisations ;
 Le Service Normalisation Industrielle Marocaine (SNIMA) représentant le Maroc en
tant que membre de l‟ISO et sa participation active à l‟élaboration de la norme ISO
26000.

En 2009, d‟après Tendances économiques, « le baromètre de conjoncture des


entreprises marocaines édité par la CGEM – Vague 3 – Novembre 2009, celui-ci apporte la
mise en œuvre d‟actions, dans les entreprises du Royaume, en faveur du développement
durable (10%) ou d‟une démarche de responsabilité sociale d‟entreprise (8%) se révèle très
limitée. On relève également que peu d‟entreprises en ont le projet à court ou moyen terme
(respectivement 16% pour le développement durable et 12% pour la RSE). On observe
toutefois que l‟adoption de telles pratiques est un peu plus répandue dans les entreprises
employant plus de 250 personnes dans l‟industrie s‟agissant du développement durable, dans
le secteur de transports. Dans la majorité des cas, ces initiatives proviennent du dirigeant lui-
même. Toutefois, la pression des clients et fournisseurs est également présente »

26
Dans un contexte régional, Melsa Ararat dans son rapport « Corporate Social
Responsibility across middle east and north Africa » explique que le développement de la
RSE dans la région MENA est généralement plus motivé par des choix rationnels
économiques et politiques que par la pression ou les attentes d‟une société civile donnée.

Selon Ararat, pour le cas du Maroc les principales motivations au développement de la


RSE seraient :

 Attirer de nouveaux investisseurs en changeant le climat d‟investissement avec


l‟amélioration de la qualité de gouvernance, de la transparence et un meilleur respect
des lois en vigueur ;
 Conclure des partenariats avec des entreprises internationales ;
 Etre habilité par des codes internationaux comme le BSCI dans le secteur du textile ;
 Etre en conformité avec des normes internationales standards ;
 Répondre aux exigences des consommateurs finaux (étrangers pour le cas des
exportations) par le respect d‟un code éthique développé ;
 Répondre aux exigences stipulés dans les relations bilatérales avec l‟Union
Européenne ;
 Améliorer les classements internationaux.

La CGEM dans sa charte RSE créée en 2006, complète les motivations des entreprises
marocaines par le fait de :

 Accroître la capacité d‟attirer et de fidéliser une clientèle de qualité ;


 Développer un milieu de travail attractif pour des collaborateurs compétents et
motivés ;
 Améliorer le climat de travail dans l‟entreprise ;
 Augmenter la productivité et la qualité de la production à long terme ;
 Renforcer la capacité de gestion des risques ;
 Faciliter l‟accès aux crédits ;
 Consolider l‟image de marque et la réputation de l‟entreprise en tant que facteurs
essentiels de compétitivité ;
 Soutenir les rapports professionnels ainsi que les relations avec les institutions et les
partenaires.

Dans la pratique, la RSE prend plusieurs formes comme l‟apport des multinationales
de leur savoir faire RSE à travers leurs filiales locales ou encore les actions de charité
pratiquées par les entreprises locales. En effet, ci-dessous on décrit quelques formes de RSE :

Dans la perspective d‟être en conformité avec leur stratégie et politique RSE


Corporate, les filiales des multinationales implantées au Maroc entreprennent des actions pour
promouvoir les aspects sociaux et environnementaux. Par exemple, Renault Maroc, dans le
cadre de son programme RSE, a mis en place non seulement une campagne de sensibilisation
pour lutter contre l‟insécurité routière à travers tout le Maroc mais aussi poursuit son action
d‟aide à l‟accès à l‟éducation affirmant son ancrage sur le territoire marocain. Cette première
action qui a débuté en 2012 a pour objectif de sensibiliser plus de 20 000 enfants sur plus de
154 écoles et dans 11 villes du Royaume. Concernant ce fléau de l‟insécurité routière, Carlos
Ghosn PDG de l‟alliance Renault-Nissan a déclaré en mars 2012 « Parce que nous faisons
partie du problème, notre responsabilité est de faire partie de la solution. Les constructeurs
automobiles doivent fabriquer des véhicules plus fiables mais aussi s'associer aux acteurs de

27
la sécurité routière pour transmettre leur expertise et leur savoir-faire. » Enfin, en février 2012
Renault a signé une convention avec la Fondation Maroc de l'étudiant. Grâce à cette fondation
Renault prend en charge les frais de 40 étudiants démunis pour les intégrer dans de grandes
écoles parisiennes.

Les entreprises implantées au Maroc sont aussi engagées dans d‟autres types d‟actions
relevant de la RSE et ceci à travers des actions de charité. Ces actions se présentent en forme
de sponsoring d‟événements sociaux pour améliorer l‟éducation, la santé ou le bien être de
personnes défavorisées. Afin de centraliser les actions d‟ordres sociales, la plupart des grands
groupes marocains ont créé une fondation qui s‟occupe de la gestion de ce type d‟actions.

La corruption et l‟économie informelle sont deux fléaux qui ont des répercussions
majeures sur l‟économie marocaine. Pour cela, le gouvernement a mis en place de nouvelles
lois pour lutter contre eux et le secteur privé lutte sans relâche par l‟instauration d‟une
politique éthique responsable.

L‟aspect social de la RSE est renforcé par l‟instauration de nouvelles lois qui régulent
les droits des travailleurs et le respect de l‟environnement. Ces lois sont stipulées dans les
différents accords internationaux signés par le Maroc. Par ailleurs, il faut noter que l‟image et
la réputation d‟une entreprise sont plus importantes aux yeux de la société civile que le
comportement réel de l‟entreprise. Ceci est expliqué par le manque relatif de moyens et de
libertés pour pouvoir investiguer en profondeur dans le comportement des entreprises.

Après avoir proposé un aperçu rapide de la situation de la RSE au Maroc, nous allons
maintenant décrire dans plus de détails la situation et les engagements pris pour améliorer les
aspects du développement durable et développer l‟engagement de l‟Etat et du secteur privé en
faveur de la RSE.

2.2. Développement durable au Maroc

Durant la dernière décennie, le Maroc a mis en place un vaste programme de mise à


niveau économique. Un ensemble de secteurs sont concernés comme l‟industrie, le tourisme,
l‟agriculture, la pêche et bien d‟autres. Pour cela les infrastructures ont été développées pour
répondre aux besoins et défis économiques du pays. En effet, plusieurs ports, aéroports et
autoroutes ont été construits durant cette période. Cette restructuration globale de l‟économie
du pays a une facture énergétique conséquente. Selon le ministère de l‟aménagement du
territoire, de l‟eau et de l‟environnement, le coût annuel de la dégradation du patrimoine
naturel du pays est estimé entre 15 et 30 milliards de dirhams soit entre 3% et 5% du PIB.

L‟impulsion Royale pour le développement durable a mis le Maroc « dans une


démarche environnementale volontariste dans tous les secteurs à travers notamment
l‟adoption d‟une approche partenariale associant tous les acteurs économiques et sociaux et
une approche pragmatique avec des programmes ambitieux et réalistes ». En effet, le
développement durable est devenu un axe stratégique de la politique du pays. D‟ailleurs le
magazine Jeune Afrique dans l‟un de ses articles titre « Après avoir incarné tour à tour le roi
des pauvres et le roi des femmes, Mohammed VI vient d‟endosser les habits du roi vert. »

Cet engagement pour le développement durable ne date pas seulement de cette


dernière décennie, car il est intéressant de savoir qu‟avant même de devenir Roi du Maroc,
Sidi Mohammed, Fils de Hassan II, était déjà présent en 1992 au Sommet de la Terre à Rio.
28
Ses premiers mots d‟introduction montraient son engagement en faveur de l‟environnement et
rappelaient à l‟assemblée des chefs d‟états présents de toute la planète que « pour nous,
croyants, l‟environnement est un problème de civilisation et de foi et la nature, une créature
divine confiée à la garde de l‟homme, la seule espèce douée de conscience et de raison ».

Après son accession au trône, le Roi Mohammed VI a participé au Sommet mondial


sur le développement durable à Johannesburg en 2002, et a ratifié, la même année, le
protocole de Kyoto. La question de l‟environnement au Maroc est devenue au cœur de tout
projet de développement après le discours Royal du 30 juillet 2009. En effet, le Roi
Mohammed VI explique que « le Maroc qui, à l‟instar de tous les pays en développement,
affronte des défis majeurs et pressants en matière de développement, a pleinement conscience
de la nécessité de préserver l‟environnement et de répondre aux impératifs écologiques. Face
à ces exigences et conformément à ces engagements, Nous réaffirmons qu‟il est nécessaire de
poursuivre la politique de mise à niveau graduelle et globale, tant au niveau économique
qu‟au plan de la sensibilisation, et ce, avec le concours des partenaires régionaux et
internationaux. »

Nous comprenons que la protection de l‟environnement et, de manière plus générale,


le développement durable sont aujourd‟hui au centre des préoccupations stratégiques du pays.
Par conséquent, plusieurs initiatives pour le développement durable ont été mises en place
comme :
 la politique des barrages dés les années 1960 afin de lutter contre les effets de la
sécheresse ;
 la mise en place du Plan d‟Action National pour l‟Environnement (PANE) en 2002 qui
vise à constituer un cadre stratégique permettant d‟identifier et hiérarchiser les
priorités. L‟objectif est de constituer un système de planification et de gestion des
ressources naturelles et de l‟environnement. Quelques exemples sont la protection des
ressources en eau qui comporte 18 actions, la réduction des déchets et l‟amélioration
de leur gestion, l‟amélioration de la qualité de l‟air, la réduction de la pollution
atmosphérique et la protection et la préservation des sols et du littoral ;
 la signature d‟un certain nombre de traités et d‟accords internationaux pour la
protection de la couche d‟ozone (adhésion au protocole de Kyoto en 2002) ;
 la promulgation d‟un certain nombre de textes de lois visant à protéger
l‟environnement (lutte contre la pollution de l‟air).

Selon l‟ADEREE (Agence Nationale pour le Développement des Energies


Renouvelables et de l‟Efficacité Energétique), la stratégie nationale tracée lors des Assises de
l‟énergie en Mars 2009 donne priorité aux énergies renouvelables et à l'efficacité énergétique.
« Le Maroc importe plus de 95 % de ses besoins énergétiques, avec une croissance de la
consommation énergétique estimée à 5% et une facture énergétique de plus en plus lourde ».

Dans l‟actuel contexte international, « le secteur des énergies renouvelables et de


l‟efficacité énergétique est bien l‟un des seuls à solutionner » la problématique énergétique
tout en pouvant être une source importante d‟opportunités d‟affaires et de création d‟emplois
dans de nouveaux marchés, et ce pour un développement durable du Maroc. L‟objectif étant
de mettre en place des installations de parcs solaires et éoliens pour atteindre 42% du parc
total de production électrique en 2020. Dans cette perspective, un projet phare a été lancé en
2009 qui permettra de construire la plus grande centrale solaire au monde avec une capacité
de 2000 mégawatts en 2020 sur cinq sites différents. L‟objectif est de faire de ce projet un
modèle au niveau du respect des dispositions environnementales et sociales.

29
Enfin, il est intéressant de conclure ce paragraphe en citant un exemple d‟entreprise
privée et son engagement en termes de développement durable. Cet exemple montre l‟intérêt
que porte le secteur privé à cet enjeu qui est au cœur des stratégies corporate de bon nombre
d‟entreprises marocaines. Il s‟agit de la BMCE Bank qui a obtenu la certification ISO 14001
pour l‟environnement, devenant ainsi la première banque au Maroc et de la région Moyen-
Orient Afrique du Nord à se voir attribuer une telle distinction décernée par le Bureau Veritas
Certification avec un score de zéro non conformité.

Selon le communiqué de la banque, « cette démarche de certification internationale


s‟inscrit dans le cadre de l‟engagement résolu de BMCE Bank en faveur du Développement
Durable, souligné dès sa privatisation par son Président Othman Benjelloun à travers maintes
actions menées au sein du groupe bancaire et, plus spécifiquement, par la Fondation BMCE
Bank pour l‟Education et l‟Environnement. La certification ISO 14001 consacre la
mobilisation de l‟ensemble des collaborateurs, au sein du Réseau et des entités centrales de
BMCE Bank pour la mise en place d‟un Système de Management Environnemental – SME –
et l‟appropriation, par chacun, d‟une démarche de développement durable et d„éco-gestes. »

2.3. Initiatives de l’Etat et du patronat Marocain en faveur de la RSE

2.3.1. L’engagement de l’Etat

Suite à un accord avec l‟Union Européenne, le Maroc a aboli en 2012 les taxes
d‟importation pour les produits de provenance de l‟UE. Cet accord permet aux entreprises
européennes de concurrencer les entreprises locales sur leurs propres marchés. La
concurrence se fait notamment sur la qualité des produits. C‟est la raison pour la quelle les
entreprises marocaines doivent s‟inscrire dans une démarche socialement responsable pour
concurrencer les produits européens aux niveaux sociales et environnementales. Les
entreprises exportatrices s‟inscrivent dans la même démarche avec la nécessité de revoir leur
politique RSE et ainsi se conformer aux codes de bonne conduite de leurs clients potentiels.
Donc la concurrence passera par le niveau d‟engagement RSE des entreprises et ainsi
l‟instauration de SME (système de management environnemental), la certification et
l‟obtention de labels seraient un avantage compétitif.

Les autorités marocaines ont exprimé clairement leur attachement aux valeurs de la
RSE lors des Intégrales de l‟investissement organisées par la Direction des investissements
extérieurs en 2005. Cet engagement se traduit dans la mise en place d‟un cadre juridique, d‟un
dispositif de normalisation et de labellisation.

Lors de cet événement, le Roi Mohammed VI a adressé un message affirmant


l‟ambition de l‟Etat en faveur du développement durable et de la RSE. Le souverain affirmait
« Ma conviction première est que l'investissement constitue, d'abord et avant tout, un moyen
qui doit trouver sa finalité dans le progrès et la justice sociale, dans l'émancipation et le bien
être des femmes et des hommes, dans la cohésion sociale, la protection du milieu naturel, et le
respect des droits et des intérêts des générations futures (…) que le développement humain et
la sauvegarde de l'environnement doivent être les critères cardinaux tant des investissements
que de nos politiques économiques et de nos stratégies de croissance ». Dans ce même
discours, le Souverain souligne l‟importance du développement humain dans la démarche
RSE en disant « C'est justement dans cet esprit que Nous avons choisi, d'impulser et de

30
promouvoir, de façon ferme et résolue, les chantiers de développement social et de lutte
contre la pauvreté et l'exclusion, dans le cadre de l'Initiative Nationale de Développement
Humain que Nous avons lancée et que Nous avons érigée en chantier de notre Règne ». Enfin,
il souligne que « … la responsabilité sociale des investisseurs a pour pendant et pour
condition la responsabilité sociale des entreprises. A cet égard, Nous suivons avec intérêt et
satisfaction l'action des entreprises marocaines qui se sont volontairement engagées dans cette
voie ».

Cette volonté politique d‟adhérer aux valeurs de la RSE a été accompagnée par
l‟évolution du cadre juridique sur plusieurs sujets notamment le code du travail, les droits de
l‟homme, la lutte contre la corruption et le droit de l‟environnement.

Concernant le code du travail, son actualisation a permis de devenir conforme avec les
conventions internationales ratifiées par le Maroc dont les plus principales sont répertoriées
dans le tableau ci-dessous.

Date Liste
1950 La convention n° 155 de l‟OIT concernant la sécurité et la santé des
travailleurs et le milieu du travail
1958 La convention n° 161 sur les services de santé au travail étend la notion de
service médical du travail au concept de santé au travail
1957 Convention sur le travail forcé du 28 juin 1930
1966 Convention sur l‟abolition du travail forcé du 25 juin 1957

1962 Convention n° 111 concernant la discrimination (emploi et profession)


ratifiée par Convention n° 100 sur l‟égalité de rémunération entre la main d‟œuvre
dahir du 9 nov masculine et la main d‟œuvre féminine
1979
ratifiée par Convention n° 4 concernant le travail de nuit des femmes
dahir du 13
juin 1956
ratifiée par Convention n° 45 concernant l‟emploi des femmes aux travaux souterrains
dahir du 16 dans les mines de toutes catégories
déc 1957
2004 La recommandation n° 195 exprimant la nouvelle problématique de la
formation tout le long de la vie et ses effets sur les rôles classiques respectifs
de l‟État, de l‟entreprise et des travailleurs
2006 Convention n° 187 sur le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au
travail

Tableau 4 : Principaux textes internationaux ratifiés par le Maroc dans le domaine du travail
Source : « Analyse comparative du cadre institutionnel de la RSE au Maroc et en Tunisie » Etude réalisée par
Daniel Labaronne et Emna Gana-Oueslati

Quant aux droits de l‟homme, le Royaume a créé deux institutions garantes du respect
des valeurs universelle de la personne humaine. Ces deux institutions « Instance Equité et
Réconciliation » et le « Conseil consultatif des droits de l‟Homme » promeuvent « l‟égalité et
la non discrimination, la protection de l‟enfance, la liberté d‟association et la condition de la
femme qui touchent des domaines aussi variés que l‟état civil, le statut personnel, le droit du
travail et le droit pénal ». Ci-dessous un tableau regroupant les principaux textes
internationaux ratifiés par le Maroc dans le domaine des droits de l‟homme.

31
Date Liste
1959 Convention de Genève relative à l‟esclavage du 25 décembre 1926
1973 Convention pour la répression de la traite des êtres humains et l‟exploitation de
la prostitution d‟autrui du 2 décembre 1949
1959 Convention supplémentaire relative à l‟abolition de l‟esclavage, de la traite des
esclaves et des institutions et pratiques analogues à l‟esclavage du 7 septembre
1956
1975 La convention n° 142 sur la mise en valeur des ressources humaines
1993 Convention relative aux droits de l‟enfant le 26 juin 1990

Tableau 5 Principaux textes internationaux ratifiés par le Maroc dans le domaine des droits de l’homme
Source : « Analyse comparative du cadre institutionnel de la RSE au Maroc et en Tunisie » réalisée par Daniel
Labaronne et Emna Gana-Oueslati

Le droit de l‟environnement a eu droit aussi à une adaptation du cadre législatif dans le


but d‟assurer la cohérence du cadre de l‟environnement tant au niveau national
qu‟international. Ce nouveau cadre législatif permet de protéger et de mettre en valeur
l‟environnement conciliant les impératifs de préservation de l‟environnement et ceux du
développement socio-économique durable.

Ainsi, la loi relative à la protection et à la mise en valeur de l‟environnement (loi 11-


03 du 19 juin 2003) stipule le respect des pactes internationaux en matière d‟environnement
lors de l‟élaboration des plans et programmes de développement ainsi que dans la législation
environnementale. A cette législation s‟ajoutent les lois concernant la pollution de l‟air, les
études d‟impact sur l‟environnement, sur l‟eau, sur l‟exploitation aux carrières et sur la
gestion des déchets et leur élimination.

Ci-dessous un tableau résumant les principaux textes internationaux par le Maroc dans
le domaine de l‟environnement.

Date Liste
1979 La convention de Genève relative aux rejets d'oxydes de soufre et d'azote
responsables des pluies acides
1989 Le contrôle des mouvements transfrontières des déchets dangereux et leur
élimination : la convention de Bâle
1985- La convention de Vienne et les amendements de Londres et Copenhague
1990
1992 La convention de la protection de la couche d‟ozone : le protocole de Montréal
1995 La convention sur les changements climatiques suite au sommet de RIO
1995 La convention sur la diversité biologique
1999 Le protocole relatif à la prévention de la pollution de la mer méditerranée lié à la
convention
2002 La Déclaration de sa Majesté Mohammed VI au Sommet de Développement
Durable à Johannesburg
2002 L‟adhésion au protocole de Kyoto
Tableau 6 Principaux textes internationaux ratifiés par le Maroc dans le domaine de l’environnement
Source : « Analyse comparative du cadre institutionnel de la RSE au Maroc et en Tunisie » réalisée par Daniel
Labaronne et Emna Gana-Oueslati

32
La corruption est un réel fléau au Maroc et la lutte du gouvernement n‟a pas donné ses
fruits durant ces dernières années. En effet, le Maroc se situe à la 80ème place dans le
classement de Transparency International. D‟ailleurs, le pays confirme sa régression à
l‟échelle mondiale, arabe et continentale.

Le gouvernement a néanmoins aligné une série de mesure tant sur le côté législatif que
sur le côté institutionnel. Les autorités ont supprimé la Cour spéciale de Justice, ont adapté la
législation pénale et ont amélioré les contrôles juridictionnels et internes sur les finances
publiques. Sur le plan institutionnel, une Autorité Centrale pour la Prévention de la
Corruption a été créée en 2008. Le Maroc a besoin de déployer plus d‟efforts sur la question
pour améliorer son classement.

Enfin le Maroc, durant ces dernières années, a déployé des efforts pour lutter contre la
pauvreté à travers la création de l‟initiative nationale pour le développement humain (INDH),
initiée par le Roi Mohammed VI en mai 2005. Cette initiative est dotée d‟un budget de 10
milliards de dirhams sur cinq années et constitue un puissant vecteur d‟intégration des
couches sociales pauvres dans le développement du pays.

2.3.2. L’engagement de la CGEM

La Confédération des Entreprises du Maroc (CGEM), créée en 1947, est une


association privée regroupant les entrepreneurs du Maroc provenant de petites, moyennes et
grandes entreprises sur tout le territoire marocain. Tous les secteurs sont représentés
(industrie, commerce et services). La majorité des adhérents (95%) sont des PME d‟où son
poids auprès des pouvoirs publics et des partenaires sociaux. La CGEM s‟active sur le plan
international pour promouvoir l‟économie marocaine pour attirer les investissements étrangers
et au plan national elle s‟active pour promouvoir l‟initiative privée.

La CGEM est composée, entre autres, de 22 commissions regroupant les principales


thématiques touchant la compétitivité des entreprises marocaines. Ces commissions
permanentes sont une force de réflexion et de proposition pour accompagner les entreprises
dans leur développement.

A travers la création de la commission RSE & labels, la CGEM a été le premier


organisme à envoyer un signal fort de son engagement pour le développement du concept
RSE auprès des entreprises marocaines. En effet, la CGEM a créé cette commission en
septembre 2006, a adopté la charte de la responsabilité sociale en décembre 2006 et a mis en
place le label RSE en juillet 2007. Cette initiative étant la seule au niveau Afrique et monde
Arabe.
La charte de la responsabilité sociale est une « déclaration solennelle des membres de
la CGEM pour leur engagement à défendre et promouvoir les valeurs et principes de la RSE
dans leur relation quotidienne et dans leur activité économique. » Elle est structurée sur 9 axes
d‟engagement et 35 objectifs conformes aux principes et objectifs énoncés par les normes
internationales, les conventions fondamentales et les recommandations des institutions
internationales, ONU, OIT et OCDE. Les 9 axes de cette charte sont :

 Respecter les droits humains ;


 Améliorer en continu les conditions de l‟emploi et de travail et les relations
professionnelles ;
 Protéger l‟environnement ;
33
 Prévenir la corruption ;
 Respecter les règles de la saine concurrence ;
 Renforcer la transparence du gouvernement d‟entreprise ;
 Respecter les intérêts des clients et des consommateurs ;
 Promouvoir la responsabilité sociale des fournisseurs et des sous traitants ;
 Développer l‟engagement sociétal.
Cette charte de responsabilité s‟appuie sur les principes des normes internationales. En
effet, une étude comparative montre que les objectifs de cette charte concrétisent les lignes
directrices de l‟ISO 26000 pour l‟intégration de la responsabilité sociale aux stratégies et
opérations des entreprises.
Le label RSE de la CGEM est une « distinction par laquelle la confédération reconnaît
la pleine conformité des stratégies et des opérations des entreprises avec l‟ensemble des
principes et des objectifs définissant la charte de responsabilité sociale de la Confédération
qui constitue son référentiel d‟octroi ».
Le label est décerné pour une durée de 3 années par la CGEM après une évaluation par
un tiers expert. Ce label est destiné à toute entreprise membre de la CGEM quelque soit sa
taille et son secteur d‟activité et ses marchés.
Dans un contexte général favorable pour la sensibilisation et la mise en pratique du
concept RSE, la création de ce label a été bien accueillie par les entreprises marocaines
désireuses de se mettre aux normes internationales. Ce label est venu compléter le catalogue
de réformes juridiques et institutionnelles dans les années de création du label.
Le label est aussi un outil incitatif destiné aux entreprises pour les encourager à
adopter la démarche de labellisation. Il confère aux entreprises bénéficiaires des avantages et
facilités de la part des organismes publics et privés avec lesquels la CGEM a signé des
accords comme la Direction Générale des Impôts et l‟Administration des Douanes et Impôts
Indirects qui proposent un assouplissement des contrôles et inspections.
Enfin, le label RSE de la CGEM « passe en revue, à travers les 9 axes de la Charte
RSE de la CGEM, l‟ensemble des 7 questions centrales visées par l‟ISO 26000. » Il permet de
promouvoir la responsabilité sociale via la reconnaissance de l‟exemplarité de leur
engagement.

2.4. Les challenges majeurs au développement de la RSE au Maroc

2.4.1. La méconnaissance de la RSE par les PME

A travers la dernière décennie au Maroc, on note la multiplication significative des


initiatives prises en faveur de la RSE. En effet, des accords internationaux (Rio, Johanesburg
…) ont été ratifiés par le Maroc, des initiatives nationales (Intégrales 2005) et les discours du
Roi Mohammed VI ont marqué les esprits des entrepreneurs sans oublier l‟engagement sans
relâche de la CGEM à travers la création de la charte et du label RSE. Ces initiatives ont
permis de sensibiliser relativement les entrepreneurs. Si nous n‟avons pas de doute sur
l‟intérêt que portent les multinationales et grands groupes à cette question, qu‟en est-il de la
sensibilisation des PME marocaines ?
34
Une étude empirique auprès des PME de la région de Fès Boulemane, menée par les
Professeurs Mohammed M‟Hamdi et Sabah Trid, s‟est focalisée sur la manière avec laquelle
les dirigeants de PME sont prédisposés à assumer un rôle responsable. Dans la région Fès
Boulemane, les secteurs d‟agroalimentaire, du textile d‟habillement et de l‟artisanat
constituent les piliers de l‟économie de la région et sont quasi-totalement organisés en PME.
Ce type d‟organisation met en avant l‟impact des petites structures dans le développement de
l‟économie de cette région. Cette étude montre que les PME marocaines sont de plus en plus
conscientes de l‟intérêt économique suite à l‟adoption des principes de la RSE. Cette même
étude montre que « la RSE demeure un concept relativement peu connu dans le pays et par les
dirigeants». Aussi, cette étude constate « une large conformité des pratiques des entreprises
avec la réglementation du travail et de la sécurité, avec toutefois des attitudes mitigées en
matière de formation professionnelle. Le dialogue social ainsi que de la présence syndicale
semblent également très limités».
Une autre région du Maroc, Agadir, est concernée par le faible intérêt de la part des
PME dans le concept RSE comme le souligne la journaliste Malika Alami dans son article de
l‟Economiste (édition 3778). Elle explique « qu‟en matière de RSE, si certaines unités sont
très en avance, la démarche en est encore aux balbutiements dans la région, bien loin des
standards internationaux». Toutefois, seulement deux entreprises dans la région sont
labellisées RSE par la CGEM et une dizaine sont en cours de labellisation. La journaliste
explique le désintérêt des PME par l‟importance de l‟informel et le non respect minimum
social requis par certaines PME. L‟adhésion aux valeurs de la RSE n‟est pas une priorité pour
les petites structures.
Les régions changent mais l‟adoption des valeurs RSE par les PME ne se renforce pas.
Ceci peut être expliqué par une méconnaissance quasi-générale du concept RSE par les
entrepreneurs. En effet, dans la région Fès Boulemane 70,4% des entreprises déclarent ne pas
connaitre les institutions qui peuvent aider à mettre en place des démarches RSE et 77% des
entreprises déclarent qu‟elles ne connaissent pas les référentiels qui permettent d‟implanter
des démarches RSE.
Selon Said Sekkat, Président de la commission RSE & Labels de la CGEM, les PME
marocaines aujourd‟hui n‟ont pas conscience de leur capacité réelle à pouvoir adopter les
valeurs de la RSE. Généralement faute de profonde investigation, les entreprises sous
estiment leur capacité et ne prennent pas le pas de la labellisation. Toutefois, il faut aussi
prendre conscience du cout budgétaire nécessaire pour le respect de ses valeurs une fois mises
en place.
Quant à la recherche de formations au niveau de l‟enseignement supérieur marocain
(public et privé), nous constatons qu‟aucune formation sur la responsabilité sociale
d‟entreprise n‟est proposée. Il est clair, que le changement ne peut être accompagné que par
des experts dans ce domaine et ce manque de formation et de sensibilisation aux générations
montantes serait un frein à une adoption rapide et efficace des valeurs RSE dans la stratégie et
la gestion des entreprises. La formation des cadres (formation universitaire ou continue) ne
suit pas l‟enthousiasme accordé à la RSE. Des efforts de redéfinition du rôle des DRH pour
pouvoir gérer la RSE sont attendus. Cela peut se faire au moyen de la formation continue et
permettra au DRH de gagner de la légitimité au sein des entreprises pour mener à bien
l‟adoption des valeurs RSE.

35
2.4.2. Une adoption partielle des valeurs de la RSE

L‟adoption de la RSE par une entreprise se fait d‟une manière progressive. Pour le
centre de formation pour le développement et la solidarité internationale, les principales
priorités de la RSE dans les entreprises marocaines concernent « en premier lieu la promotion
de la bonne gouvernance, l‟éradication de la corruption et le respect de la législation, suivis
par l‟amélioration de la fonction des ressources humaines et la responsabilité fiscale. Quant au
respect de l‟environnement, les aides sociales et le besoin de reporting et communication, ils
sont placés dans les trois dernières positions ». Cette priorisation des valeurs « internes » à
l‟entreprise par l‟amélioration des rapports avec le personnel et l‟Etat met en péril sa relation
avec le monde extérieur. L‟évolution vers une RSE complète est nécessaire pour acquérir une
légitimité au point de vue international. La sensibilisation et l‟allocation d‟un budget sont
deux étapes primordiales pour la réussite d‟une évolution vers une entreprise socialement
responsable.

2.4.3. L’Etat est il socialement responsable ?

Malgré la sensibilisation et le tapage médiatique autour des valeurs du développement


durable, des droits de l‟homme, de lutte anti-corruption, de responsabilité sociale et de
commerce équitable, le désintérêt des PME et des grands groupes est bien réel. Peut être
qu‟une étape au préalable est nécessaire avant de demander aux entreprises de devenir
conformes aux normes internationales. En effet, nous constatons que les administrations et
institutions gouvernementales n‟appliquent presque aucun des principes que prône la RSE. Il
est clair que des entreprises totalement RSE ne peuvent évoluer dans un contexte étatique
caractérisé par des valeurs contraires à la RSE, elles détruisent ainsi leur compétitivité. A
notre avis, il est important que l‟Etat s‟aligne sur les valeurs que régissent la RSE c'est-à-dire
respecter les droits humains, améliorer l‟emploi, prévenir la corruption, respecter les règles de
concurrence, développer l‟engagement sociétal et protéger l‟environnement avant d‟imposer
aux entreprises de le faire. L‟Etat devrait créer un label RSE spécifique à ses administrations
et ses institutions dont la charte éthique serait la constitution. Cette constitution devrait se
réformer pour être en phase avec les valeurs universelles RSE et ainsi permettre à toutes les
institutions et les administrations de s‟orienter vers une labellisation RSE.
La lutte contre la corruption est importante car elle représente un sérieux frein à la
labellisation RSE d‟entreprises d‟un certain nombre de secteurs. Prenons l‟exemple du secteur
de la construction, où l‟obtention d‟un permis de construction nécessite 120 signatures. Cette
lourdeur administrative incite significativement le recours à la corruption. Dans ce même
secteur, nous constatons qu‟aucun opérateur immobilier étranger n‟a réussi à s‟installer
durablement au Maroc. Ce fléau pousse les entreprises, malgré elles, à s‟attacher à des valeurs
contraires à la RSE. Sans une réforme administrative, aucune des entreprises de ce secteur ne
pourrait être labellisée RSE.

2.4.4. L’intérêt relatif des entreprises au label RSE

Le label RSE a pour objectif de « convaincre les managers et dirigeants d‟entreprise


que la Responsabilité sociale de l‟entreprise est parfaitement à leur portée … tout en
36
souhaitant une plus grande vision de nos entreprises à cet outil de différenciation positive», a
expliqué Aziz Kadiri, ancien Président de la commission RSE. Mais les entreprises
marocaines sont elles vraiment convaincues ?
Après 5 ans de la création du label RSE, seulement une quarantaine d‟entreprises ont
été labellisées. Parmi ses entreprises plusieurs secteurs sont représentés comme l‟automobile,
l‟agroalimentaire, l‟industrie et le service mais d‟autres secteurs aussi importants que les
premiers ne figurent pas parmi les entreprises labellisées dont entre autres les secteurs
bancaire, du conseil et des télécommunications.
Nous notons aussi qu‟aucune entreprise publique ne figure dans la liste des entreprises
labellisées et aucun grand groupe privé et acteur majeur de l‟économie marocaine n‟est
labellisé RSE par la CGEM.
Selon Aziz Kadiri, « Les multinationales n‟ont pas besoin des avantages qu‟octroie le
label, notamment auprès des banques ». Mais, est ce que les avantages qu‟octroie ce label est
la priorité des entreprises qui prennent la démarche de labellisation ? Manifestement, un effort
sur l‟attractivité du label devrait se faire pour attirer quelques grands groupes qui seraient les
meilleurs ambassadeurs de ce label auprès des PME. D‟ailleurs Said Sekkat explique qu‟ « un
grand groupe une fois labellisé peut jouer le rôle de locomotive auprès des PME » et ainsi il
les inciterait à suivre son exemple.
Cette tendance se confirme car plusieurs grands groupes marocains ont adopté les
valeurs de la RSE sans faire la démarche de la labellisation à travers la CGEM. Les efforts de
ces entreprises sont récompensés par Vigeo, premier expert européen de la performance
responsable. En janvier 2012, et « au cours d‟une cérémonie conjointement organisée par
Vigeo et Aswat à Casablanca, Nicole Notat, Présidente de Vigeo a remis les trophées «Top-
performers RSE» à huit entreprises que Vigeo a identifié comme les plus performantes parmi
les 40 plus grandes capitalisations cotées à la Bourse de Casablanca.»

2.4.5. Un défi régional

Le Maroc est divisé en 16 régions. Ce pays en développement connait de fortes


inégalités socio-économiques, créant des ruptures entre les différentes régions. Les disparités
au Maroc se concrétisent sur plusieurs niveaux, en particulier entre les régions, les secteurs,
les revenus et les productivités. Par conséquent, cette inégalité réduit l‟efficacité de
l‟économie marocaine en empêchant l‟intégration de tous les agents économiques.

Cette inégalité différencie le cadre de vie des habitants et favorise les migrations
géographiques. L‟écart ne cesse de se creuser entre la région centre et les régions
périphériques, ou plutôt entre des espaces favorisés et des espaces défavorisés qui accumulent
les retards et les handicaps (enclavement, sous-équipement, limitation ou mauvaise gestion
des ressources …). Enfin, on constate l‟accentuation de la concentration de la population sur
des espaces privilégiés en l‟occurrence les grandes villes et une prédominance des villes
portuaires ou très proches du littoral : Casablanca est quatre fois plus peuplée que Rabat et
cinq à six fois plus peuplée que Fès ou Marrakech.

Ce développement inégal se répercute directement sur l‟adoption des valeurs de la


responsabilité sociale au sein des entreprises dans les régions « défavorisées ». On constate
que 90% des entreprises labellisées par la CGEM ont leur siège social à Casablanca. Au-delà
de la conformité aux standards RSE, le défi à l‟échelon des régions défavorisées est de faire
37
en sorte que les PME aient recours à la démarche puisqu‟elles ne disposent pas des mêmes
moyens que les grandes entreprises pour initier les pratiques formelles de la RSE.

Toutefois, l‟espoir demeure puisqu‟une prise de conscience est observée depuis


l‟élaboration du plan quinquennal de développement (2000 – 2004) d‟une part et d‟autre part,
les entreprises dans ces régions deviennent sensibles aux valeurs de la RSE. D‟ailleurs
Abdelfattah Zine, président de l‟Union régionale de la CGEM-Souss-Massa-Drâa souligne
que «la promotion de cette option nécessite un travail de fond et une explication des enjeux
pour démystifier le concept et mettre en place une démarche visant l‟adhésion des entreprises
locales». Aussi, Jamal Diwany, président de la section Sud de l‟Association des gestionnaires
et formateurs du personnel (Agef) explique que «même si la démarche RSE demeure encore
faible à l‟échelon de la région, l‟option prend de plus en plus d‟ampleur et les entreprises
commencent à s‟investir dans le cadre d‟une prise de conscience conjuguée à un début
d‟engagement».

2.5. Quelques exemples de bonnes pratiques RSE

L‟obtention du label RSE de la CGEM n‟est pas une condition sine qua none pour
avoir de bonnes pratiques RSE. Après avoir listé les principaux freins à l‟adoption des valeurs
de la RSE, il est important de souligner les efforts des entreprises, malgré ces freins, pour
devenir socialement responsable.

Un exemple d’entreprise socialement responsable : Jet Sakane

Jet Sakane est le premier promoteur immobilier certifié en Responsabilité Sociale par
la CGEM. Cette distinction illustre le fort engagement de l‟entreprise envers ses
collaborateurs, ses clients et ses partenaires.
Jet Sakane respecte la parité entre les sexes puisque cette entreprise emploi une cinquantaine
de travailleurs masculins et autant de travailleuses, répartis entre les cadres administratif,
technique et commercial.

La liberté syndicale est inscrite dans le règlement et un plan de formation est établi
annuellement qui est consacré principalement au dialogue social ainsi qu‟à la sécurité et à la
santé au travail.

La prévention des accidents et des maladies professionnelles retiennent


particulièrement l‟attention de Jet Sakane. Ils exigent des sous-traitants de s‟engager par le
cahier des prescriptions spéciales à se conformer et respecter toutes les normes de sécurité
dans les chantiers et aux procédures de stockage et d‟élimination des déchets. Le contrôle du
respect effectif de ces obligations est obtenu par le recours à des pénalités qui peuvent
atteindre 20% du montant des marchés.

Les préoccupations de l‟environnement externes et des parties prenantes sont au cœur


de la stratégie de l‟entreprise. En effet, ses ensembles immobiliers réservent 30% des
superficies aux espaces verts et prévoient des équipements sociaux et collectifs. La gestion de
la copropriété proposée par Jet Sakane permet de déployer des actions à caractère social
comme les cours d‟alphabétisation et d‟informatique, la mise en place de crèches, des cours
de soutien scolaire, des services communs à l‟occasion des fêtes, des réparations et entretiens
courants au moindre prix et bien d‟autres.

38
Un exemple d’entreprise qui publie un rapport de développement durable : Maroc
Telecom

En 2009, 3 enjeux du développement durable ont été identifiés par les métiers de
l‟entreprise, de manière collégiale, et validés par le Directoire de Maroc Telecom.

L‟objectif de Maroc Telecom est d‟agir en entreprise responsable en mettant en place


des règles qui garantissent le respect des valeurs humaines et de l‟environnement pour
l‟ensemble des activités conduites par le groupe.

Les trois enjeux sont :

 Réduire la fracture numérique :


Le groupe Maroc Telecom place la généralisation de Nouvelles Technologies dans ses
priorités car elles sont des moteurs essentiels pour le progrès des sociétés. L‟ambition du
groupe est de garantir une couverture maximale des réseaux de télécommunications dans les
pays où il est présent et accessible aux différentes générations et catégories sociales.

En 2010, le groupe a consacré les moyens à la réduction des disparités en étendant ses
infrastructures réseaux. Il a notamment poursuivi sa participation au programme de Service
Universel PACTE (Programme d‟Accès aux Télécoms) et avait achevé, en fin d‟année, la
couverture de 4 414 localités rurales.

 Accompagner le développement :
L‟une des actions de Maroc Telecom pour accompagner le développement est son
soutien aux jeunes promoteurs.

En effet, Maroc Telecom participe à hauteur d‟un million d‟euros au programme


Maroc Telecom pour l‟Entreprise et l‟Emploi (MT2E) née en 2005 par l‟Initiative Nationale
du Développement Humain (INDH). Ce projet soutient les jeunes promoteurs désireux de
créer leur propre entreprise mais dépourvus des moyens nécessaires.

Les promoteurs sont accompagnés pour la constitution de leurs dossiers et pendant les
premiers mois de la vie de leur entreprise. Des prêts sans intérêt leur sont accordés pour des
montants pouvant aller jusqu‟à 100 000 DH. Les secteurs d‟activité les plus divers sont
concernés : agriculture, énergie solaire, nouvelles technologies de l‟information,
restauration…

 Agir en entreprise responsable :


Parmi les actions de Maroc Telecom en faveur de la communauté, est son engagement
pour réduire le taux de fumeur parmi son personnel.

Maroc Telecom a été la première entreprise à adhérer au programme national


Collèges, Lycées et Entreprises sans tabac lancé en 2007 par l‟Association Lalla Salma de
lutte contre le Cancer (ALSC). En Mai 2010 et suite à un audit, il a également été la première
et la seule entreprise à obtenir un label Or Anti Tabac décerné par cette association. Ce label
témoigne de l‟engagement de Maroc Telecom pour réduire le taux de fumeurs parmi son
personnel et de la conformité du dispositif mis en place aux principes de la charte « Anti-
Tabac » de l‟ALSC. A fin Juin 2010, 600 collaborateurs (47% des fumeurs) avaient arrêté de
fumer et 300 personnes (23% des fumeurs) avaient réduit leur consommation de tabac.
39
Un exemple d’entreprise qui se soucie de l’environnement : CTT – Guemassa Filiale du
Groupe Managem

CTT est une entreprise qui valorise les déchets électroniques et emploi 409 salariés à
Marrakech. Elle a entrepris une action pour la protection de l‟environnement.

En effet, le centre de recherche de Managem a mis en place un nouveau procédé qui


tient compte des contraintes de séparation des métaux et des sels tout en valorisant chacun
d‟entre eux à des couts économiques. Cette nouvelle technologie est moins consommatrice
d‟énergie que la cristallisation conventionnelle.

Cette action a permis de transformer une contrainte environnementale en une activité


génératrice de bénéfices par la création de 50 emplois directs, l‟économie jusqu‟à 200 000
mètre cube par an d‟eau consommée dans les usines de zinc et de cobalt. Cette action a aussi
permis d‟augmenter le chiffre d‟affaire de la branche de cobalt de 10% et de faire une
économie 2 Mdhs/an nécessaire pour la méthode conventionnelle. Cette action est l‟exemple
concret en termes de bénéfices que peut apporter l‟adoption d‟une démarche RSE.

Un modèle de soutien scolaire : Groupe Delassus

Le groupe Delassus est spécialisé dans la production, le conditionnement et


l‟exportation des agrumes, tomates, raisin et fleurs. Il emploi 5 000 salariés en 2012 et exporte
en moyenne 80 000 tonnes par an.

Le top management accorde un intérêt particulier à la RSE par les actions qu‟il
entreprend. D‟ailleurs le PDG déclare « le sujet qui me tient personnellement à cœur ces
derniers temps se rapporte à la responsabilité sociale d‟entreprise. Nous avons lancé la
Fondation Sanady dont la mission est d‟offrir des cours gratuits de soutien scolaire aux
enfants de nos ouvriers ».

En effet, cette action inédite au Maroc a commencé en 2006 avec la mise en place de
soutien scolaire au profit de 54 enfants du personnel d‟une des filiales du Groupe Delassus.
Mais en raison du succès qu'elle a rencontré, il s'est transformé rapidement en activité d'appui
à la scolarisation des enfants des milieux défavorisés. Ce programme profite actuellement à
3 000 enfants dans plusieurs villes et à travers 154 établissements grâce notamment à l'appui
d'associations constituées à cette fin. Depuis 2008, une crèche a été également ouverte dans le
cadre d'un projet, étalé sur 3 ans, de renforcement des prestations sociales.

Les statistiques montrent un taux élevé de la déperdition scolaire au Maroc et en


particulier dans le monde rural. Il s‟est aperçu qu'aucun enfant des travailleurs du Groupe
Delassus n'avait poursuivi d‟études au-delà du niveau du collège. C‟est la raison pour laquelle
l'intérêt pour cette action s'est imposé très rapidement.

Les objectifs de cette action sont :


 Lutter contre l‟abandon et l‟échec scolaire qui touchent particulièrement les zones
rurales ;
 Doter les élèves bénéficiaires de nos programmes de compétences et d‟aptitudes
solides pour leur permettre de réussir leur parcours scolaire et professionnel ;

40
 Favoriser l‟épanouissement des enfants et leur ouverture à des valeurs humaines et
citoyennes ;
 Augmenter le nombre de bénéficiaires de soutien scolaire de manière significative
pour répondre aux besoins émanant du terrain.

Cette action a permis de favoriser la réussite scolaire, de contribuer à la performance


de l‟entreprise a travers un meilleur climat social, une plus grande motivation des employés et
meilleure image de l‟entreprise.

Un exemple d’entreprise citoyenne : Office Chérifien des Phosphates

Dans la tradition, les grandes entreprises minières marocaines ont pratiqué une
politique RSE sans se demander si cette pratique correspondait à cette dénomination. Pour les
dirigeants de l‟OCP, il était naturel pour eux de se préoccuper de l‟impact environnemental et
social de l‟activité minière et chimique de l‟OCP. Pour cette raison, ils ont consacré des
sommes souvent importantes en actions citoyennes destinées aux populations proches des
centres d‟activités de l‟OCP ou dans des opérations de protection de l‟environnement.

L‟Office Chérifien des Phosphates, qui se définie comme entreprise citoyenne, s‟est
toujours engagé pour la Responsabilité Sociale à travers plusieurs projets sociétaux. Le projet
pharaonique qui fait l‟actualité est la création de la Ville Verte Mohammed VI à Benguerir.

Le Roi Mohammed VI a inauguré les travaux en 2009 et la construction de la ville


verte est prévue de s‟achever en 2020. « Les travaux entrepris donneront naissance à un pôle
urbain dans la région de Rhamna, près de Benguerir, qui sera sans conteste une première en
Afrique ». Ce projet phare va permettre la mise en place d‟un cadre de vie, d‟un espace et
l‟organisation d‟une vie commune qui obéissent aux critères essentiels du respect de
l‟environnement et de la promotion du développement durable comme le montrent les
caractéristiques techniques de ce projet ci-dessous :

 Une capacité de 90 000 habitants ;


 23 000 logements ;
 Superficie : 120 hectares ;
 Accueil de plusieurs universités dont l‟Université Mohammed VI Polytechnique ;
 Recyclage et réutilisation des eaux usées ;
 Gestion des déchets ;
 Usage de bicyclettes et de bus électriques ;
 Système d‟isolation pour les bâtiments ;
 Energie solaire pour l‟éclairage urbain ;
 Recours à des techniques de construction traditionnelles pour la gestion des flux d‟air,
 Une coulée verte de plusieurs kilomètres, colonne vertébrale de la ville composée
d‟une grande variété d‟arbres et de végétaux adaptés au climat.

Ce projet permettra une qualité de vie qui va de pair avec un cadre et des
infrastructures adaptés, un espace écologique, une vie sociale organisée, une éducation
supérieure de haut niveau et fera de l‟OCP un champion de l‟insertion sociale et de l‟égalité
des chances.

41
Conclusion

La RSE est elle un effet de mode ? C‟est la question que se posent nombreux chefs
d‟entreprises de toutes origines et à travers ce document nous montrons que ce concept date
de plus d‟un siècle et sa pérennité est le fondement même de sa définition. En effet, la RSE
date du 19ème siècle et les Etats Unis ont été un réel laboratoire pour l‟évolution de ce concept.
La RSE est passée par plusieurs régimes, provoquée à ces débuts, obligatoire dans les années
80 pour devenir volontaire durant les vingt dernières années. Le père fondateur de la RSE,
Bowen, a définit le concept « La RSE renvoie à l‟obligation pour les hommes d‟affaires
d‟effectuer les politiques, de prendre les décisions et de suivre les lignes de conduite
répondant aux objectifs et aux valeurs qui sont considérées comme désirables dans notre
société ». Volontaire, la RSE a été redéfinie et adoptée par les pays dit développés, mais qu‟en
est-il du cas du Maroc ? Accorde-t-il une importance particulière aux valeurs de ce concept ?

Malgré les convictions sur l‟intérêt d‟adopter de telles valeurs, notamment les
développements économique et social et le respect de l‟environnement, le Maroc trouve
beaucoup de difficultés à instaurer durablement et égalitairement ce concept au sein de la
société. Plusieurs initiatives aussi symboliques qu‟effectives ont été prises par le roi du
Maroc, le gouvernement et le patronat marocain. Signataire de plusieurs accords
internationaux, le Maroc ne s‟est pas arrêté la puisqu‟une réelle volonté de rendre la RSE au
cœur de sa stratégie a été traduite par les réformes de loi et initiatives concrètes en faveur du
respect de l‟environnement, d‟un meilleur climat social, d‟une gouvernance responsable et du
développement économique. Néanmoins, dans notre analyse nous constatons plusieurs freins
au développement de cette approche RSE. Le gouvernement et le patronat ont milité sans
cesse pour la sensibilisation des entreprises à ce concept mais quelques études montrent une
réelle méconnaissance de la part des PME du concept, des ses intérêts et de leur capacité à la
mettre en place. On remarque aussi, que nombre d‟entreprises ont pris l‟initiative d‟adopter
que partiellement cette approche en favorisant le développement du climat social interne et en
se désintéressant de l‟environnement externe (respect de l‟environnement et de la
communauté). Ces entreprises ne peuvent avoir la légitimité d‟une entreprise socialement
responsable. Une forte inégalité entre les régions est flagrante. Les entreprises qui ont adopté
les valeurs de développement social et environnemental se situent principalement dans les
régions de Casablanca, Rabat et Tanger. Ce défi régional ne facilite pas la démocratisation du
concept. Il est expliqué par l‟inégalité des richesses économique et naturelle de chaque région
et la politique de décentralisation insuffisante. Encore plus alarmant, les initiatives de la
CGEM (patronat marocain) ne trouvent pas d‟échos à la hauteur de leur attente. En effet, la
CGEM première confédération en Afrique et au monde arabe à avoir créé la charte de
responsabilité et le label RSE, peine à convaincre les entreprises marocaines de prendre le pas
de la labellisation. Ce manque d‟engouement, peut être traduit par la méconnaissance des
PME du concept RSE et par la faible attractivité des grands groupes à ce label ou encore la
non adaptabilité du label à quelques secteurs comme la banque et le secteur public. Enfin,
mais non le moindre, nous remarquons que l‟Etat qui prône les effets positifs de l‟adoption de
la RSE a encore beaucoup d‟efforts à déployer pour assurer un climat social, environnemental
et économique correct. Par exemple, l‟Etat ne peut espérer réduire la corruption alors que les
démarches administratives restent très lourdes.

42
D‟un autre côté, plusieurs signaux positifs sont à souligner puisque les grands groupes
marocains et les filiales des multinationales, qui ont apprécié l‟impact positif de l‟adoption de
la RSE, ont agi concrètement à l‟amélioration du climat social et au respect de
l‟environnement. Ces entreprises contribuent à la bonne image du Maroc qui permet d‟attirer
plus d‟investisseurs étrangers.

Enfin, il faut noter qu‟une adoption plus élargie de la RSE ne pourra se faire sans une
forte réaction de l‟Etat, du secteur privé et de la communauté. A notre avis, il est nécessaire
de poursuivre les réformes des systèmes fiscal et financier, d‟améliorer l‟accès au
financement dans le sens d‟une meilleure allocation du crédit, de lutter contre l‟économie
informelle, de réformer le système de formation du pays en vue d‟améliorer la qualité de la
main d‟œuvre locale, et enfin poursuivre la mise à niveau des infrastructures (électricité,
télécommunications).

Une nouvelle stratégie et une nouvelle campagne de sensibilisation de la population et


des PME devraient se mettre en place pour réduire la méconnaissance du concept RSE et faire
monter les exigences des consommateurs finaux. L‟objectif étant la prise de conscience des
conséquences provoquées par les grandes catastrophes sociales et écologiques à venir. Enfin,
de nouvelles formations universitaires et formations continues doivent être mises à disposition
pour faire monter en compétence les actuelles et futures générations. Aussi, des incitations
financières et fiscales devraient être proposées aux entreprises pour favoriser les initiatives en
faveur de la RSE.

Les pistes d‟amélioration du climat social, environnemental et le développement


économique ne manquent pas. Mais il faut se questionner sur les réelles capacités d‟un pays
comme le Maroc à pouvoir mettre en place de telles réformes politique, éthiques et fiscales ?
Et quelles seraient les interactions favorables et défavorables entre l‟adoption de la RSE et
l‟identité marocaine en termes de culture et de religion ?

43
Bibliographie :

Michel CAPRON, « La responsabilité sociale d‟entreprise »

Jean Pasquero, « Ethique et entreprises : le point de vue américain », 2000

Jean Pasquero, « la responsabilité sociale de l‟entreprise comme objet des sciences de gestion,
Un regard historique », 2005

Commission des Communautés Européennes, « la responsabilité sociale des entreprises: Une


contribution des entreprises au développement durable », 2 juillet 2002

Les mini-guides bancaires, « L‟investissement socialement responsable (ISR) », Juillet 2010

Marianne Rubinstein, « Approche stratégique de la Responsabilité Sociale des Entreprises,


rentes de monopole et nouvelle gouvernance d‟entreprise », mai 2008

Patrick Gabriel et Christian Cadiou, « Responsabilité sociale et environnementale et légitimité


des entreprises : Vers de nouveaux modes de gouvernance ? », La Revue des Sciences de
Gestion, Direction et Gestion n° 211-212 - R.S.E.

Alain JM. BERNARD, « Stakeholders analysis : Responsabilité Sociale de l‟Entreprise &


parties prenantes »

Delphine Gendre-Aegerter, « La perception du dirigeant de PME de sa responsabilité sociale :


une approche par la cartographie cognitive », mai 2008

Moez Essid, « La perception du dirigeant de PME de sa responsabilité sociale : Une approche


par la cartographie cognitive », Aout 2006

Tarik EL MALKI, « Environnement des entreprises, responsabilité sociale et performance :


analyse empirique dans le cas du Maroc », Décembre 2010

Floriane Bouyoud, « Le management stratégique de la responsabilité sociale des entreprises »,


Avril 2010

Vigeo, COMMUNIQUE DE PRESSE, Resultats Trophés Maroc, 30 janvier 2012

11eme Université de Printemps de l‟Audit Social, Audit social & renouvellement de la GRH,
SIDI FREDJ (Algérie), Du 30 au 31 mai 2009, actes édités avec le concours de l‟ESSEC
Business School, Fondation Hanns Seidel, IAS Nationaux et des Associations
professionnelles et RH Européennes et Africaines

Banque mondiale, « Promouvoir la responsabilité sociale au moyen orient et en Afrique du


nord, Enseignements tirés des transitions politiques et économiques passées », Novembre
2011

Melsa Ararat, « Corporate Social Responsability accross Middle East and North Africa »,
April 2006

44
Manal EL ABBOUBI, Fatima EL KANDOUSSI et Afafe El AMRANI, « Les PME
marocaines sont-elles prêtes à intégrer la RSE dans leurs pratiques managériales? », 2011

7ème Université de Printemps de l‟Audit Social, « Performances économiques &


performances sociales à l‟heure de la RSE » Marrakech (Maroc) 5, 6 et 7 mai 2005, actes
édités avec le concours de l‟ESSEC Business School et en partenariat avec l‟AGRH,
l‟ISEOR, l‟ANDCP, l‟AFDIP, la FMRH, les associations Professionnelles RH et les Instituts
d‟Audit Social (I.A.S.) européens, méditerranéens et africains

Mohamed M‟HAMDI et Sabah TRID, « La responsabilité sociale de l‟entreprise au Maroc:


une étude empirique auprès des petites et moyennes entreprises de la région de Fès
Boulemane », mai 2009

Daniel Labaronne, Emna Gana-Oueslati, « Analyse comparative du cadre institutionnel de la


RSE au Maroc et en Tunisie »

CGEM, http://www.cgem.ma/

CGEM, Club des entreprises labellisées RSE, « Bonnes pratiques RSE »

Saad Belghazi, « Genre et performance économique des entreprises marocaines », 2007

CGEM, « Responsabilité Sociale de l‟Entreprise : des idées et des actes - Label RSE de la
CGEM : Guide d‟information », Mai 2011

CGEM, « Projet Genre : intégration de l‟approche genre dans les politiques de développement
économique et social », mars 2007

CGEM, « Liste et contacts des entreprises labellisées », Mai 2012

CGEM, « Assisses de la RSE – Revue de presse », mai 2011

CGEM, « La Responsabilité Sociale des Entreprises : les aspects relatifs au travail – Les
expertises CGEM Digest », Mai 2009

Agence Nationale pour le Développement des Energies Renouvelables et de l‟Efficacité


Energétique, http://www.aderee.ma/

www.massolia.com, article “BMCE Bank 1ère banque au Maroc et en MENA certifiée ISO
14001 », Juin 2011

http://www.iteco.be, article par Abdrrehaman Tlemçani, « Responsabilité sociale des


entreprises, le cas du Maroc »

Jeune Afrique, article du 22/09/11 « le label RSE, un outil pour accroitre son business »

Aufait, Dossier spécial PME « Entre responsabilité sociale et impératifs de survie », 10 mai
2011

Groupe Delassus, http://www.delassus.com/

Rapport du Développement Durable, IAM, Groupe Maroc Telecom, 2010


45
Aufait, article « Responsabilité sociale de l'entreprise : Renault renforce son engagement sur
la sécurité routière avec “Tkayes” », 15 novembre 2012

Myriam DONSIMONI, « RSE, culture d‟entreprise et développement territorial


Analyse monographique d‟une entreprise publique marocaine: l‟OCP », 25 octobre 2012

Groupe OCP, http://www.ocpgroup.ma/

46

Vous aimerez peut-être aussi