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p o i nt
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de l’anxiété
Designing novel anxiolytic drugs: from receptors to ligands?
● P. Martin*
R É S U M É SUMMARY
R É S U M É SUMMARY
Les troubles anxieux sont les maladies psychiatriques les Anxiety disorders are the most common type of psychiatric ill-
plus courantes. L’anxiété engendre des dysfonctionnements nesses. Anxiety stems from and perpetuates dysregulations of
neurobiologiques, sans que les mécanismes en soient neurobiological systems, but the exact mechanisms of anxiety
complètement connus. Le système GABAergique (notam- disorders are still only partially understood. The gamma amino-
ment les récepteurs GABA-A) paraît jouer un rôle impor- butyric acid (GABA) system (including GABA-A receptors)
tant dans la physiopathologie du stress, de l’anxiété et des appears to play an important role in the regulation of psycho-
troubles dépressifs. L’avancée des nouvelles connaissances logic responses to stress, anxiety and depressive disorders.
neurobiologiques sur les troubles anxieux a entraîné la Recent advances in the understanding of the neurobiologic fea-
recherche de nouveaux traitements comme alternative aux tures of anxiety disorders have led to the identification of new
benzodiazépines utilisées depuis plus de 40 ans. Les molé- treatments that may prove to be useful alternatives to benzo-
cules actives sur les sous-unités du récepteur GABA-A diazepines, which have been the mainstay of anxiety treatment
semblent présenter un grand intérêt pour le traitement des for more than 40 years. Pharmacologic agents designed to
patients anxieux. Par ailleurs, l’utilisation des anticonvul- modulate the effects of GABA, such as the subunit-modulators,
sivants (tiagabine, prégabaline, etc.) dans ces troubles have shown promise in the treatment of anxious patients. On
semble être une voie de recherche intéressante, comme cela the other hand, the psychotropic use of anticonvulsants (tiaga-
a été montré dans différentes études cliniques en ouvert ou bine, pregabalin, etc.) is an active area of research, with seve-
en double aveugle. Parmi ces voies de recherche nouvelles, ral case reports and open and/or double-blind trials sugges-
certaines concernent les neuropeptides, les molécules ayant ting their potential efficacy in various anxiety disorders. Other
une affinité pour certains sous-types de récepteurs séroto- novel strategies concerning glutamate antagonists, neuropep-
ninergiques, ou encore les antagonistes du glutamate. Tou- tides and serotoninergic ligands have attracted greater interest
tefois, il n’a pour l’instant pas encore été déterminé si ces as potential anxiolytics. However, it is unclear at this point
molécules devaient être utilisées en première intention, ou whether their place will be as first-line agents, as augmenting
en cas de résistance ou de non-réponse aux traitements strategies, or as medications used in cases of treatment resis-
classiques. tance or non response to traditional pharmacotherapy.
Mots-clés : Anxiolytiques – Systèmes GABAergiques – Sous- Keywords: Anxiolytic drugs – GABAergic systems – GABA-A-R
unités GABA – Antagoniste NMDA – Modulateur des canaux subtypes – Antagonist NMDA – Voltage-dependent calcium
calciques voltage-dépendant (s-u α 2 δ) – GABAmimétiques. channel modulator (α 2 δ protein) – GABA-like drugs.
a prise en charge des troubles mentaux représente, en ce affectée par un ou plusieurs troubles mentaux ou du comporte-
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important handicap, les troubles mentaux étant globalement res-
ponsables de 10,5 % du nombre total d’années de vie en bonne
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santé perdues. Support neuro-anatomiques
L’OMS a par ailleurs souligné les progrès considérables réalisés au L’anxiété correspond à un état psychologique, physiologique et
cours des 30 dernières années dans les domaines des neurosciences comportemental signalant un danger, une menace ou un conflit,
et de la médecine du comportement (1). Après la spectaculaire per- qu’ils soient réels ou seulement perçus comme tels, et destiné à
cée de la psychopharmacologie à partir des années 1960, les avan- déclencher une réponse adaptative. Par conséquent, l’anxiété,
cées plus récentes de la génétique et de la biologie moléculaire ont comme la peur, est liée à la fois à notre évaluation subjective de
en effet permis de mieux caractériser le support organique de cer- ces stimuli et à nos réactions physiologiques à l’environnement.
taines maladies mentales (schizophrénie, trouble affectif bipolaire, Bien que l’anxiété corresponde à une réaction adaptative natu-
par exemple), tandis que le développement de la neuro-imagerie et relle, elle peut devenir pathologique, et interfère alors avec notre
des neurosciences cognitives a permis d’établir des liens entre cer- capacité à faire face à notre environnement (3).
taines activités cérébrales régionales et certains phénomènes men- Force est encore de constater aujourd’hui que l’empirisme et
taux, normaux ou pathologiques. même des stratégies chimiothérapeutiques appropriées n’ont tou-
Ces progrès devraient permettre le développement de nouveaux jours pas permis de formaliser précisément quels supports neu-
médicaments, mais aussi de nouveaux traitements physiques tels robiologiques pourraient rendre compte d’un état anxieux, et cela
que la photothérapie, la stimulation magnétique transcrânienne même si de réels progrès ont été faits avec l’apport des neuro-
répétée (rTMS) ou la stimulation cérébrale profonde (SCP). sciences et de l’imagerie cérébrale. Le rôle clé du système lim-
En santé mentale, les troubles anxieux représentent les affections bique, et plus particulièrement de l’amygdale, de l’hippocampe,
psychiatriques les plus répandues chez l’adolescent et l’adulte, du thalamus et des cortex préfrontal et cingulaire, a ainsi été mis
puisque l’on estime à près de 25 % la proportion de sujets ayant en évidence. Il est bien admis à l’heure actuelle que l’amygdale
subi un épisode de trouble anxieux sévère et/ou invalidant au cours constitue une structure primordiale pour l’étude des circuits de
de leur vie (2). Toutefois, il demeure un certain nombre de ques- l’anxiété, superposé à celui d’une émotion, la peur. Schémati-
tions quant à leur reconnaissance clinique, tant sur le plan de leur quement, le processus évoqué pourrait être le suivant (figure 1) :
classification que sur le plan du référentiel de stratégies thérapeu- un stimulus sensoriel évoquant la présence d’un danger pour l’or-
tiques, notamment médicamenteuses. Les classifications actuelle- ganisme va d’abord atteindre le thalamus. De là, il sera pris en
ment utilisées par la communauté scientifique internationale sont charge par deux voies parallèles : la voie thalamo-amygdalienne
celles de l’OMS et, surtout, celle de l’Association américaine de (voie courte) et la voie thalamo-cortico-amygdalienne (voie
psychiatrie (DSM-IV). Elles séparent les troubles anxieux en six longue). La première véhicule une perception grossière et rapide
pathologies principales, qui se différencient par les sources de d’une situation puisque c’est une voie sous-corticale qui ne béné-
l’anxiété ou par les stratégies utilisées pour tenter de la limiter. ficie pas de la cognition. Elle active l’amygdale qui, par l’entre-
En revanche, on peut dire qu’il existe des caractéristiques mise de son noyau central, fait naître des réactions émotionnelles
communes à tous les troubles anxieux, c’est-à-dire un état d’hyper- avant même que l’intégration perceptuelle n’ait eu lieu et que le
activité chronique du système nerveux sympathique, associé à une système puisse se représenter complètement le stimulus.
hypervigilance consciente et préconsciente, ainsi que la présence de Dans un deuxième temps, le traitement de l’information par la
nombreux évitements (de situations, d’images ou de pensées) qui voie corticale longue arrive à l’amygdale et précise si le simulus
soulagent l’anxiété à court terme, mais la chronicisent à long terme est véritablement menaçant ou s’il n’y a pas lieu de s’inquiéter.
en validant les postulats anxiogènes. Ce contexte a conduit à l’éla- Pour ce faire, différents niveaux de traitement cortical sont néces-
boration de différents modèles, dont le modèle bio-psycho-social saires. En effet, après un traitement des différentes modalités de
est considéré comme le plus convaincant par les chercheurs et les l’objet par le cortex sensoriel primaire, le cortex associatif “uni-
cliniciens. En effet, dans ce paradigme, pour qu’un trouble anxieux modal” fournit à l’amygdale une représentation de l’objet. À un
existe et persiste, il faut que soient présents, à des degrés divers, une niveau d’analyse encore supérieur, le cortex associatif “polymo-
vulnérabilité biologique (souvent innée), une trajectoire psycholo- dal” conceptualise la chose et en informe également l’amygdale.
gique allant dans le sens du trouble (modèles parentaux eux-mêmes Cette représentation élaborée de l’objet peut alors être comparée
anxieux, éducation trop protectrice, etc.) et un environnement social au contenu de la mémoire explicite grâce à l’hippocampe, qui
facilitant (rapports sociaux de plus en plus exigeants). entretient lui aussi des liens étroits avec l’amygdale.
Enfin, ces troubles sont assez souvent comorbides chez ces C’est l’hippocampe qui permet en premier lieu l’apprentissage
patients de manière soit synchronique, soit diachronique, avec du caractère dangereux d’un objet ou d’une situation grâce à la
une intensité qui peut aussi fluctuer dans le temps. De là la très mémoire explicite. L’hippocampe est aussi particulièrement sen-
grande variété des tableaux cliniques rencontrés et la question de sible à l’encodage du contexte associé à une expérience aversive.
savoir quel(s) traitement(s) semble(nt) le(s) plus approprié(s), C’est lui qui fait qu’un stimulus peut devenir une source de peur
sachant qu’il se dégage au moins trois grands axes que sont l’édu- conditionnée, mais également les objets autour, la situation ou le
cation et l’information des patients anxieux, les psychothérapies lieu où il se produit. La perception d’un danger imminent pour-
et les traitements médicamenteux. suit alors le travail d’activation de l’amygdale, dont les patterns
Route
longue Concept
Objet
Entrée de Contexte
l'information
Noyau
Noyau Noyau
basal
central médial
accessoire
Sortie de
Tronc cérébral Hypothalamus l'information
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tâches comportementales chez le rat, et ainsi de dresser un por-
Molécules complexe macromol. Molécules à tropisme
trait “comportemental” de l’anxiété. De plus, il a recherché des BZD/GABA aminergique
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régions cérébrales dont les lésions produiraient des effets com- – Benzodiazépiniques et apparentés – Sérotonine
parables à ceux des anxiolytiques sur la réalisation de ces tâches – Neurostéroïdes – Noradrénaline
afin d’isoler les structures anatomiques en action. Ce projet a – Histamine
conduit, en 1982, à ce qui a été appelé la “théorie neuronale de – Dopamine
l’anxiété”. Molécules peptidergiques et al. Molécules et neuromédiateurs
Cette théorie a permis de mettre en avant certains mécanismes, – CCK-B – GABA
et tout d’abord, à l’époque, le rôle central du GABA dans – Antagoniste CRF (axe HHA) – Glutamate
– Neurotensine (axe HHA) – N-méthyl-D-aspartate
l’anxiété, partant du postulat que les benzodiazépines ont un – Substance P – Glycine
effet direct sur le GABA, facilitant son action inhibitrice, et – Neurotrophines (NK1) – Adénosine
rendant ainsi difficile l’excitation du neurone postsynaptique – Neuropeptide Y
par le glutamate. L’hypothèse du complexe macromoléculaire – Vasopressine/ocytocine Molécules : autres
GABA/BZD en a découlé (4, 5). Plus tard est venue la recon- – Galaline – Cytokines
naissance, en fait, d’une action indirecte du GABA sur l’anxiété – Facteurs neurotrophiques
avec la mise en jeu des systèmes aminergiques, notamment séro-
toninergique, histaminergique et noradrénergique, probablement
comme voie finale d’action anxiolytique.
Pendant longtemps, il a résulté de ces observations une sorte COMPLEXE MACROMOLÉCULAIRE GABA/BZD
de “pensée unique”, essentiellement – pour ne pas dire totale- ET MODULATIONS ALLOSTÉRIQUES :
ment – axée sur les anxiolytiques de la classe des benzodia- LES MODULATEURS DES SOUS-UNITÉS (EXTRACELLULAIRES)
zépines (BZD) ; ce n’est que depuis une quinzaine d’années
qu’il apparaît de manière assez consensuelle que l’“anxiété” L’acide gamma-aminobutyrique (GABA) est un neurotransmet-
pourrait rendre compte d’un dysfonctionnement des systèmes teur inhibiteur du système nerveux central présentant, selon les
5-HT, allant dans le sens d’un excès en sérotonine. Il est ainsi auteurs, de 40 à 60 % des synapses. Le GABA exerce ses effets
étonnant de constater que, globalement, jusqu’à ces dernières par l’intermédiaire de trois types de récepteurs :
années, aucun progrès majeur dans la compréhension et la – le récepteur GABA-A, le plus connu ;
prise en charge de ces troubles n’a été vraiment réalisé. – le récepteur GABA-B, qui fait partie des récepteurs métabo-
D’ailleurs, si nous considérons l’arsenal chimiothérapeutique, tropiques ; couplé aux protéines G, présent sous forme de
il est facile de constater qu’il n’y a pas de classification des dimères, il est subdivisé en sous-types B1 (α, β, γ, δ) et B2 ;
anxiolytiques, contrairement à ce qui existe pour les antidé- – le récepteur GABA-C (ρ1, ρ2, ρ3), présent dans la rétine et
presseurs, par exemple, et nous nous référons à une liste OMS. l’hippocampe.
De plus, il est intéressant de noter que les substances réperto- Au niveau présynaptique, la stimulation du récepteur GABA-B
riées sur cette liste sont très hétérogènes, aussi bien par leur(s) entraîne une inhibition de la libération du neurotransmetteur. Il
impact(s) sur des cibles neurobiologiques différentes que par semble jouer un rôle dans les états dépressifs, la mémoire, la dou-
leurs mécanismes d’action variés. Enfin, l’indication dans les leur et l’anesthésie.
troubles anxieux de molécules dites antidépressives, dont le Le récepteur GABA-A fait partie de la superfamille des récep-
mécanisme d’action pourrait aller à l’encontre des hypothèses teurs ionotropiques. C’est un complexe macromoléculaire trans-
émises sur l’anxiété (augmentation des transmissions séroto- membranaire formé de plusieurs sous-unités. Le récepteur
ninergiques et noradrénergiques, par exemple), n’a pas faci- GABA-A forme un hétéropentamère délimitant un canal per-
lité non plus une vision claire de la prise en charge de ces méable préférentiellement aux ions chlore (figure 3).
patients. Outre les sites de fixation primaire au GABA, ce complexe
C’est justement dans la prise en compte de l’apparition de nou- macromoléculaire comporte d’autres sites secondaires pour des
velles cibles neurobiologiques (tableau) que des espoirs concer- molécules modulatrices de l’effet du GABA (benzodiazépines,
nant la synthèse de nouvelles molécules anxiolytiques sont appa- barbituriques, convulsivants, alcool, etc.) [figure 4]. Ces sites
rus, comme une alternative ou non aux BZD. entraînent l’une des deux régulations allostériques, l’une au
Plusieurs grands axes sont à l’heure actuelle en plein développe- niveau extracellulaire (cas présent), l’autre au niveau des
ment : canaux ioniques. En ce qui concerne les modulateurs extracel-
✓ complexe macromoléculaire GABA/BZD et modulations lulaires susceptibles de changer l’efficacité du GABA, ils n’ont
allostériques : les modulateurs des sous-unités (extracellulaires) ; pas pour autant la finalité de générer une action anxiolytique
✓ systèmes GABAergiques : molécules intervenant à différents avérée, comme on a pu le croire un certain temps avec les
niveaux du métabolisme ; neurostéroïdes, par exemple. De plus, ces substances peuvent
✓ excitabilité neuronale : acides aminés excitateurs et inhibiteurs favoriser l’effet du GABA, mais sont sans effet en l’absence de
et canaux calciques. ce dernier.
Canal
chlore on a identifié près de 19 isoformes, dont 17 ont été clonés (7). On
distingue actuellement 6 sous-types de sous-unités alpha (α),
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À DIFFÉRENTS NIVEAUX DU MÉTABOLISME quait, le progabide a été retiré du commerce. À l’heure actuelle,
compte tenu des molécules existantes, il n’y a pas à notre
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Parmi les différentes démarches consistant à interagir avec les connaissance de référence d’utilisation dans les troubles
systèmes GABAergiques, il existe celles concernant une ou des anxieux.
actions GABAmimétiques directes et indirectes. Toutefois, la
distinction entre GABAmimétiques directs et indirects est souvent
difficile à établir, car certains médicaments ont les deux types GABAmimétiques indirects
d’effets. L’autre hypothèse concerne l’action d’un certain nombre Ce sont des molécules qui, par un ou plusieurs mécanismes (aug-
de molécules actives dans différentes pathologies psychiatriques mentation de la biosynthèse, diminution du catabolisme, inhibi-
(anxiété, épilepsie, migraine, troubles bipolaires, douleur, etc.) ou tion de la recapture), augmentent la concentration de GABA au
somatiques (neuropathie périphérique et diabétique) mettant en jeu niveau des synapses GABAergiques.
un dysfonctionnement de l’excitabilité neuronale. Il s’agit essen- En ce qui concerne le métabolisme du GABA, schématiquement,
tiellement des molécules anti-épileptiques, qui peuvent agir notam- celui-ci est présent dans les neurones, où il est synthétisé à partir
ment sur les systèmes GABAergiques et glutamatergiques (13). de l’acide glutamique, sous l’influence d’une enzyme, l’acide
glutamique décarboxylase (GAD), utilisant le phosphate de pyri-
doxal comme cofacteur. Stocké dans les granules des terminai-
GABAmimétiques directs sons présynaptiques et libéré dans la fente synaptique, il agit sur
Les principales molécules utilisées sont les anesthésiques vola- des récepteurs spécifiques de type GABA-A et GABA-B situés
tils. La comparaison, en termes d’activité, des différents isomères au niveau postsynaptique. Une partie du GABA libéré est captée
indique que les énantiomères dits actifs favorisent l’entrée de Cl- par les terminaisons présynaptiques ; l’autre diffuse et est en par-
dans la cellule en intervenant sur le récepteur GABA-A, proba- tie captée par les cellules gliales. Les mitochondries des cellules
blement par stimulation directe, en agissant sur un site spécifique gliales transforment, sous l’influence de la GABA transaminase
à cette classe de molécules. (plus pyridoxine), le GABA en acide succinique semi-aldéhyde,
Certains anti-épileptiques, comme le progabide, qui est un ago- lui-même transformé en acide succinique.
niste direct (prodrogue) des récepteurs GABA-A, possèdent des Les molécules qui agissent sur les différentes étapes du métabo-
propriétés indiscutables dans de nombreuses formes d’épilepsie. lisme sont essentiellement des antiépileptiques (11) [figure 5].
SITE GABA Na + Ca 2+
dépolarisation
barbituriques
benzodiazépines
Extracellulaire
Intracellulaire
Cl - Na + Ca 2+
La vigabatrine est un inhibiteur irréversible et spécifique de la CANAUX CALCIQUES ET ACIDES AMINÉS EXCITATEURS
GABA aminotransférase, ce qui entraîne une augmentation de la ET INHIBITEURS
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cules, qui semblent encore mal connus, paraissent assez com- Équilibre
plexes et rendent compte de plusieurs impacts : via les canaux
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calciques, indirectement, sur les systèmes glutamaergiques et
GABAergiques, voire aminergiques. GABA GLUTAMATE
La molécule apparemment la plus prometteuse dans l’indication
Na+ Na+
de l’anxiété généralisée est la prégabaline, l’un des isomères de
l’isobutylGABA, un analogue liphophile du GABA substitué en
position 3 qui possède une analogie vis-à-vis du GABA trois à Cl- Na+
dix fois supérieure à celle de la gabapentine, celle-ci ayant une
structure chimique similaire à celle de la prégabaline [S-(+)-3-
isobutylGABA].
La prégabaline comme la gabapentine entraînent une inhibition Récepteurs GABA-A Récepteurs AMPA
dose-dépendante du canal calcique de type N/Q, chez l’homme et
chez l’animal, au niveau des structures cérébrales. Cette action
s’effectuerait, pour ces deux molécules, via la sous-unité α 2 δ du
Inhibition CA2+ Excitation
canal calcique (figure 5), ce qui aurait pour conséquence d’atténuer
la dépolarisation présynaptique des canaux calciques de type N/Q. Figure 6. Systèmes GABAergique et glutamatergique.
Dans la cascade événementielle qui s’ensuit, on peut observer une
diminution de la libération de différents neuromédiateurs (GABA,
NAD, 5-HT, glutamate, aspartate, substance P, etc.) en fonction des
structures cérébrales (16, 17). Par exemple, K. Fink et al. (18) ont Plusieurs types de récepteurs existent.
montré que la prégabaline diminuait, via les canaux calciques, la ◗ Les récepteurs ionotropiques sont couplés à un canal calcique
libération de noradrénaline par la réduction de l’action des récep- et entraînent une dépolarisation par ouverture de canaux per-
teurs AMPA situés sur les terminaison nerveuses noradrénergiques. méables aux ions Na+ et aux ions Ca2+. L’ouverture du canal
Enfin, il est suggéré que la prégabaline pourrait, comme la gaba- pourrait aussi permettre la sortie de potassium. On les subdivise
pentine, augmenter la synthèse de GABA en stimulant l’activité en deux types :
de la glutamate décarboxylase. ✓ les récepteurs NMDA ; il s’agit de récepteurs-canaux qui s’ou-
Le glutamate et le GABA sont donc les deux principaux neuro- vrent lors de la fixation du glutamate et laissent entrer les ions
transmetteurs assurant le fonctionnement synaptique (figure 6). Na+ et surtout Ca2+ ;
Aujourd’hui, pris isolément ou conjointement, il est admis que ✓ les récepteurs non NMDA. Ils sont activés par des substances
les systèmes glutamaergique et GABAergique représentent, en non utilisées comme médicaments, le quisqualate et le kaïnate ou
amont, un élément clé de la physiopathologie des troubles l’acide amino-hydroxy-méthyl isoxazole propionique (AMPA),
anxieux et du mécanisme d’action des anxiolytiques. Il s’instaure et favorisent l’entrée de sodium dans la cellule. Ces récepteurs
une homéostasie entre ces deux systèmes qui contrôlent l’excita- entraînent une dépolarisation précoce (figure 7).
bilité neuronale et qui vont permettre ou non de gérer, au final, la ◗ Les récepteurs métabotropiques
neurotransmission aminergique par exemple. Ces récepteurs, appelés mGlu 1, mGlu 2 et ainsi de suite jusqu’à
Concernant l’aspect clinique, une dizaine d’études comparatives mGlu 8, agissent par l’intermédiaire des protéines G et entraî-
(placebo, référence) en ouvert et en double aveugle ont à ce jour nent, selon leur type, une stimulation de la phospholipase C, une
montré l’intérêt de la prégabaline chez des patients souffrant inhibition de l’adénylcyclase, une activation de la phospholipase
d’anxiété généralisée (environ 2 000 sujets) (19), mais également A2, une inhibition de l’ouverture des canaux potassiques ou une
dans la phobie sociale (double aveugle, n = 463) (20) et le trouble stimulation des phosphodiestérases, ainsi que d’autres effets
panique (double aveugle, n = 314). complexes, dont la modulation de certains canaux récepteurs-
dépendants. Le glutamate intervient en favorisant l’entrée de
sodium et de calcium dans la cellule et favorise la transmission
Acides aminés excitateurs : glutamate synaptique au niveau du système nerveux central (figure 7).
Le N-acétyl-aspartyl-glutamate est transformé en acide gluta- Les récepteurs mGlu 2, mGlu 3, mGlu 4, mGlu 6, mGlu 7 et
mique par une peptidase dont l’activité est augmentée au cours mGlu 8 sont situés au niveau présynaptique ; mGlu 1, mGlu 2,
de certaines maladies neurologiques et psychiatriques. Il est aussi mGlu 3, mGlu 5, NMDA, AMPA et le kaïnate se trouvent au
le précurseur du GABA. L’acide glutamique, qui, par perte d’un niveau postsynaptique. Les récepteurs des groupes II et III inhi-
proton, donne le glutamate, en favorisant la pénétration de bent la libération du neurotransmetteur (figure 7).
sodium et de calcium dans la cellule, a un effet dépolarisant ou Un certain nombre de composés du groupe I ont montré chez
activateur. La production d’un potentiel d’action dépend de la l’animal des effets anxiolytiques, comme par exemple les anta-
relation entre le glutamate, neurotransmetteur excitateur ubiqui- gonistes mGlu 5 (SIB-1757, MPEP) et le MTEP, qui potentialise
taire dans le cerveau, et le GABA inhibiteur. les effets du diazépam. Dans le groupe II, le LY544344 et le
mate (AAE).
Récepteurs métabotropiques Récepteurs ionotropiques
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Na + Ca + Na + Ca + Na + Ca +
Groupe I
(phospholipase)
- Glu 1a,b,c,d Groupe II Groupe III NMDA AMPA Kainate
- Glu 5a,b (Adenylcyclase) (Adenylcyclase)
- NR 1 - Glu 1 - Glu 5
- Glu 2 - Glu 4a,b - NR 2A, B, C, D - Glu 2 - Glu 6
- Glu 3 - Glu 6 - PCP - Glu 3 - Glu 7
- Glu 7a,b - Glu 4 - KA1
- Glu 8a, b - Glu 5 - KA2
Site Sigma
S1 S2 S3
LY354740 sont des agonistes des récepteurs mGlu 2/3. Ils dimi- entités. Même l’existence de molécules non benzodiazépiniques
nuent la libération de glutamate et présentent chez la souris un efficaces dans l’anxiété (hydroxyzine) ou l’apparition de molé-
profil anxiolytique, cet effet étant antagonisé par le flumazénil. cules à tropisme sérotoninergique (buspirone) n’avaient que peu
Pour le groupe III, il y a peu de molécules spécifiques. Le MSOP, ou pas remis en cause les concepts, qu’ils soient neuropharma-
un agoniste mGlu 6, a montré chez l’animal des effets anxioly- cologiques ou cliniques. Si la mise en évidence de l’effet des
tiques, tout comme le PHCCC (mGlu 4), qui favorise l’augmen- antidépresseurs à tropisme sérotoninergique, puis étendu à la plu-
tation de la recapture du glutamate, cet effet étant antagonisé par part des antidépresseurs, a modifié la prise en charge clinique des
le flumazémil. Enfin, des auteurs ont montré que l’ACPT-1, un troubles anxieux, on ne peut pas vraiment dire que cela ait contri-
agoniste mGlu 4/6/7/8, et le L-CCCG-1, un agoniste mGlu 2/3, bué à améliorer les connaissances sur la physiopathologie de
pouvaient exercer chez l’animal des effets anxiolytiques conco- l’anxiété.
mitamment à l’action du neuropeptide Y, via le récepteur Y1, au Partant du postulat que le fonctionnement du cerveau repose
niveau de l’amygdale. Les auteurs ont ainsi montré que l’activité sur un équilibre entre signaux d’excitation et signaux d’inhi-
du neuropeptide Y pouvait être régulée par les systèmes glutami- bition, impliquant le principal neuromédiateur inhibiteur, le
nergiques (21). GABA, la recherche sur la synthèse de nouveaux anxiolytiques
a continué à s’orienter, ces dernières années, vers des molé-
cules qui seraient de plus en plus spécifiques d’une cible neuro-
CONCLUSION biologique.
En effet, au cours des dernières années, l’approche moléculaire a
Aujourd’hui, différentes formes de troubles anxieux ont été défi- permis de définir beaucoup plus précisément l’existence de sous-
nies selon des critères cliniques mais, en dehors de l’intérêt de unités des récepteurs GABA, notamment de type A, au niveau du
ces critères, la question se pose de savoir quelle est la réelle per- complexe macromoléculaire GABA/BZD. La mise à profit de ces
tinence de l’élargissement de troubles avérés à de “nouvelles” connaissances doit aller dans le sens de molécules qui agiraient
entités, subsyndromiques ou non. de façon spécifique sur l’anxiété et qui, de préférence, n’auraient
La prise en charge des troubles mentaux au sens large nécessite pas les effets délétères propres aux benzodiazépines classiques.
un équilibre entre trois composantes fondamentales : le traitement Les principales sous-unités, dites alpha 1, alpha 2, alpha 3 et/ou
médicamenteux, la psychothérapie et la réadaptation sociale. Au- alpha 5, ont permis de déterminer des molécules possédant des
delà de cette trilogie, le traitement médicamenteux se doit de effets cliniques plus ciblés (par exemple, absence d’affinité sur la
prendre en compte l’ensemble de la pathologie à court terme, sous-unité alpha 1).
mais également à long terme. Le ciblage d’une action neurobio- Parallèlement, l’intérêt pour ces systèmes GABAergiques,
logique “unique” peut-il suffire à soulager, voire à supprimer, une l’impact sur ces systèmes de molécules dont les indications cli-
symptomatologie anxieuse avérée ? niques n’étaient pas les troubles anxieux (épilepsie, migraine,
Pendant des années, les benzodiazépines ont été le traitement de troubles bipolaires, etc.) et les progrès spectaculaires de la biolo-
choix des troubles anxieux au sens large, sans distinction des gie moléculaire ont permis de s’orienter vers de nouvelles cibles :
a u
R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S
et liées à l’activation ou à l’inhibition des systèmes GABAer-
giques ; d’autre part, une éventuelle dynamique commune, qui 1. OMS. Rapport sur la santé dans le monde. La santé mentale : nouvelle concep-
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pourrait être l’excitabilité neuronale, avec l’intervention privilé- tion, nouveaux espoirs ; 2001.
giée des canaux calciques. 2. Martin P. The epidemiology of anxiety disorders. Dialogues in Clinical
Cette notion de régulation homéostatique a également été élargie Neuroscience 2003;5(3):281-98.
aux neuromédiateurs excitateurs, et notamment aux systèmes 3. Stein DJ, Hollander E (eds). Textbook of anxiety disorders. Washington, DC:
glutaminergiques (glutamate, glycine, etc.). La recherche de American Psychiatric Publishing, 2002.
molécules ayant des propriétés anxiolytiques (antagoniste des 4. Haefely W, Kulcsar A, Mochler H et al. Possible involvement of GABA in the
récepteurs NMDA-2b, par exemple) ou intervenant sur la régu- central actions of benzodiazepines. Advances in Biochem Psychopharmacol 1975;
lation de ces systèmes est relativement avancée (22). 14:131-51.
Par ailleurs, de nouvelles stratégies se sont multipliées, concer- 5. Squires RF, Baestrup C. Benzodiazepine receptors in rat brain. Nature 1977;
nant des voies neurobiologiques différentes mais conservant, 266:732-4.
en revanche, les mêmes impacts neuro-anatomiques (amyg- 6. Korpi ER, Sinkkonen ST. GABA(A) receptor subtypes as targets for neuropsy-
chiatric drug development. Pharmacol Ther 2006;109(1-2):12-32.
dale). Cela concerne notamment certains neuropeptides,
comme la vasopressine, les neurokinines (antagonistes de la 7. Sieghart W, Ernst M. Heterogeneity of GABA-A receptors: Revived interest in
the development of subtype-selective drugs. Current Medicinal Chemistry -
substance P, des récepteurs NK1 –vestipitant –, antagonistes Central Nervous System Agents 2005;5(3):217-42.
non peptidiques des récepteurs NK2 : GR159,897 et SR48968),
la galaline (colocalisée et colibérée avec la NAD et la 5-HT, 8. Whiting PJ. GABA-A receptors: a viable target for novel anxiolytics? Curr
Opin Pharmacol 2006;6(1):24-9.
notamment au niveau du raphé), la neurotensine, le neuropep-
tide Y, etc. Sans oublier les antagonistes du CRF (axe hypo- 9. McKernan RM, Rosahl TW, Reynolds DS, Sur C. Sedative but not anxiolytic
properties of benzodiazepines are mediated by the GABA(A) receptor alpha1 sub-
thalamo-hypophysaire adénocorticotrope, axe du stress) et des type. Nat Neurosci 2000;3:587-92.
récepteurs CCK-B, comme le L365,260, qui fait l’objet 10. Collinson N, Kuenzi FM, Jarolimek W, Maubach KA. Enhanced learning and
d’études de phase III, le L740,093 (phase II) et le CI 988, un memory and altered GABAergic synaptic transmission in mice lacking the alpha
dipetoïde agoniste partiel de ces récepteurs, actuellement en 5 subunit of the GABA-A receptor. J Neurosci 2002;22(13):5572-80.
phase II. D’autres voies plus confidentielles, comme l’impli- 11. Dias R, Sheppard WF, Fradley RL, Garrett EM. Evidence for a significant
cation de l’oxyde nitrique synthétase (NOS) dans l’anxiolyse, role of alpha3-containing GABA-A receptors in mediating the anxiolytic effects of
ont également été explorées. benzodiazepines. J Neurosci 2005;25(46):10682-8.
Enfin, il existe une continuité dans la mise au point de molé- 12. Atack JR. The benzodiazepine binding site of GABA-A receptors as a target
cules anxiolytiques qui exercent leurs activités sur les sous- for the development of novel anxiolytics. Expert Opin Invest Drugs 2005;
14(5):601-18.
types de récepteurs sérotoninergiques afin de moduler la trans-
mission. Les principaux sous-types concernés sont les 13. Van Ameringen M, Mancini C, Pipe B, Bennett M. Antiepileptic drugs in the
treatment of anxiety disorders: Role in therapy. Drugs 2004;64(19):2199-220.
récepteurs somatodendritiques 5-HT1A (agoniste), les auto-
récepteurs 5-HT1D (agoniste), qui contrôlent la libération de 14. The IUPHAR Compendium of voltage-gated ion channels. Calcium channel.
Catterall WA, Chandy KG, Gutman GA (eds). University of Leeds, 2002:31-56.
5-HT, les antagonistes 5-HT2C (deramciclane) et/ou 2A, anta-
goniste 5-HT2 et agoniste mélatoninergique (agomélatine). En 15. Low K, Crestani F, Keist R, Benke D. Molecular and neuronal substrate for
the selective attenuation of anxiety. Science 2000;290:131-4.
revanche, les résultats positifs des antagonistes 5-HT3 dans les
modèles animaux de “l’anxiété” n’ont pas été confirmés chez 16. Jensen K, Jensen MS, Lambert JDC. The role of presynaptic L-type Ca2+-
channels in GABAergic synaptic transmission in cultured neurons. J Neurophysiol
l’homme. 1999;81:1225-30.
En résumé, une “preuve basée sur l’observation” montre qu’il 17. Halabisky B, Friedman D, Radojicic M, Strowbridge B. Calcium influx
demeure une très grande hétérogénéité des symptomatologies et through NMDA receptors directly evokes gaba release in olfactory bulb granule
des troubles anxieux, avec une importante variété de molécules cells. J Neurosci 2000;20:5124-34.
susceptibles d’être anxiolytiques et une multiplicité de cibles 18. Fink K, Dooley DJ, Meder WP, Suman-Chauhan N. Inhibition of neuronal
neurobiologiques. Ca2+ influx by gabapentin and pregabalin in the human neocortex.
Toutefois, n’y a-t-il pas un abus à vouloir hâtivement qualifier Neuropharmacol 2002;42(2):229-36.
une molécule d’anxiolytique, car l’une de ses propriétés touche 19. Pohl RB, Feltner DE, Fieve RR, Pande AC. Efficacy of pregabalin in the treat-
une des voies possiblement impliquées dans l’anxiété ? ment of generalized anxiety disorder: double-blind, placebo-controlled compari-
son of BID versus TID dosing. J Clin Psychopharmacol 2005;25:151-8.
Le fait qu’une substance intervienne dans une cascade événe-
mentielle impliquée possiblement dans la médiation d’un effet 20. Feltner DE, Pollack MH, Davidson JRT et al. A placebo-controlled, double-
blind study of pregabalin treatment of social phobia: outcome and predictors of
anxiolytique est-il suffisant pour que cette molécule soit dite response. J Eur Coll Neuropsychopharmacol 2000;10(Suppl.3):S345.
anxiolytique chez l’homme ?
21. Wieroñska JM, Szewczyk B, Paucha A, Brañski P et al. Anxiolytic action of
Enfin, quelle molécule pour quel trouble ? Bien que la dyna- group II and III metabotropic glutamate receptors agonists involves neuropeptide
mique de recherche aille vers une spécificité d’action et que les Y in the amygdala. Pharmacological Reports 2005;57:734-43.
mécanismes d’action des molécules soient différents, l’indication 22. Cortese BM, Phan KL. The role of glutamate in anxiety and related disorders.
clinique demeure la même… ■ CNS Spectr 2005;10(10):820-30.