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Revue africaine de management - African management review

ISSN : 2509-0097
VOL.4 (3) 2019 (PP.113-123)
http://revues.imist.ma/?journal=RAM

Pratiques d’évaluation du personnel dans les PME camerounaises : une réponse à


l’émergence de risques organisationnels

Claudette ANEGA NKOA a, Ruphin NDJAMBOU b et Robert SANGUE FOTSO c


a
Université de Yaoundé II – Soa
b
Institut des Sciences de Gestion, Gabon
c
Université de Yaoundé II – Soa et associé IDP, Université de Valenciennes

Résumé
La PME camerounaise fait aujourd’hui face à des risques relatifs à l’incertitude et à la complexité des situations
organisationnelles et environnementales rencontrées. L’objet de cet article est d’analyser les déterminants de
l’évaluation du personnel comme levier de réduction des risques organisationnels des PME. La démarche
analytique suivie nous a permis d’une part d’identifier les principaux modes d’évaluation ; d’autre part de mettre
en exergue les pratiques les plus adaptées au contexte. Le traitement des informations collectées s’est opéré
uniquement par la méthode d’analyse de contenu. Cette technique a permis de regrouper les résultats à deux
niveaux à savoir l’activité et le personnel. Il ressort des analyses effectuées que, l’évaluation du personnel
apparaît comme un mécanisme compensateur apportant des réponses aux risques organisationnels dans la PME,
et constitue de ce fait plus un état d’esprit qu’une opportunité.
Mots clés : PME, évaluation du personnel, risques organisationnels.

Abstract
Cameroonian SMEs face risks related to the uncertainty and complexity of the organizational and environmental
situations encountered. The purpose of this article is to analyze the determinants of the evaluation of personnel
as a lever for reducing the organizational risks of SMEs. The analytical approach followed allowed us, on the
one hand, to identify the main modes of evaluation; On the other hand, to highlight practices that are best suited
to the context. The processing of the collected information was carried out solely by the content analysis method.
This technique made it possible to group the results at two levels, namely activity and staff. The analysis shows
that the evaluation of staff appears as a compensatory mechanism providing answers to organizational risks in
SMEs, and thus constitutes more a state of mind than an opportunity.
Keywords: SMEs, staff evaluation, organizational risks.

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1. Introduction
L’instabilité de l’environnement économique, les pressions concurrentielles et l’innovation qu’impose la
mondialisation conduisent les Petites et Moyennes Entreprises (désormais PME) à s’y adapter. Cette adaptation
passe par la valorisation des ressources humaines qui nécessite non seulement les pratiques adaptées au sens de
Becker (1964), mais également la prise en compte des risques organisationnels comme facteur de développement
de l’entreprise. En effet, la situation actuelle se caractérise par l’entrée dans le monde de l’incertain et donc
l’émergence généralisée du risque (Laufer, 1993). Au Cameroun comme en Occident, l’importance et le rôle des
P.M.E. ne sont plus à démontrer dans le développement et la croissance de l’économie. Compte tenu de cet
enjeu, il est à relever que cette catégorie d’entreprise fait face aux problèmes relatifs au management des
ressources humaines en termes de valorisation et d’évaluation. L’évaluation peut être appréhendée comme une
pratique de gestion qui a pour objectif d’accroitre la performance individuelle et collective, afin de mieux
anticiper et préparer les évolutions, d’accroitre les compétences des managers et de l’ensemble des
collaborateurs à travers la planification, la fixation des objectifs et le suivi de l’activité.
L’évaluation s’inscrit dans le champ de la gestion des compétences à travers les notions de performance,
d’efficacité comme l’indiquent Aubret et.al. (2005). En mobilisant l’effort personnel de chaque employé au
développement de la PME, celle-ci améliore la qualité de ses services. Ainsi, la relation entre le système
d’évaluation du personnel et la gestion du risque reste à notre connaissance moins étudiée en contexte des PME.
En effet, les études relatives à la gestion du risque dans la PME abondent dans la littérature (Chaston et Mangles,
1997; Kotey et Meredith, 1997; Gul, 1991), mais peu d’entre elles recensent les principaux déterminants du
processus d’évaluation du personnel ainsi que l’influence de leurs spécificités sur la réduction des risques. C’est
dans cette vision que s’inscrit cette réflexion dans le contexte, où nous nous intéressons à l’état de la relation
pouvant exister entre les pratiques d’évaluation du personnel dans les PME et la gestion du risque
organisationnel. Le risque est une notion socialement construite, qui varie selon les époques et les lieux. La
perception du risque n’est nullement selon (Le Breton, 1995) une appréciation objective des dangers, mais plutôt
la conséquence d’une projection de sens et de valeur sur certains événements, certaines pratiques, certains objets
voués à l’expertise diffuse de la communauté ou des spécialistes.
Les risques organisationnels sont issus de la problématique de l’action organisée (Besson, 1997 b), dont les
déficits donnent lieu à des risques spécifiques pour lesquels des dispositifs de contrôle particuliers sont mis en
œuvre. Ainsi, le processus d’évaluation pourrait varier dans sa phase conceptuelle en fonction de la stratégie
développée, du contexte structurel et organisationnel, surtout du système de GRH et de l’objectif poursuivi. De
ce fait, et nonobstant le caractère informel reconnu à la plupart des PME camerounaises dans leur mode de
gestion, nous soutenons l’idée selon laquelle la formalisation de l’évaluation du personnel constitue un cadre
pertinent pour réduire les risques organisationnels. Cette recherche s’attèlera à répondre à la question suivante :
comment les pratiques d’évaluation contribuent-elles à minimiser les risques organisationnels ? Il s’agit à cet
effet d’appréhender comment la PME Camerounaise maîtrise-t-elle ses risques organisationnels à travers
l’évaluation des performances du personnel. Seront successivement abordés ; le cadre théorique de l’évaluation
du personnel dans les PME en relation avec le risque, l’état des pratiques d’évaluation sur la réduction du risque
dans les PME, la méthodologie suivie des résultats et discussion.

2. L’évaluation du personnel au creuset de l’amélioration de la gestion des PME


L’évaluation suppose l’identification des compétences. Il est important d’apprécier le management des
compétences comme vecteur d’évaluation et le risque y relatif.
2.1 L’évaluation comme fondement du management par les compétences
L’évaluation du personnel en entreprise est devenue progressivement une composante majeure de la gestion des
RH et un outil de management des compétences. Longtemps négligée dans la PME, les enjeux de cette activité
étaient moins maîtrisés dans ce contexte. Cette activité a pris son importance au fur et à mesure que les
entreprises ont pris conscience que les produits et services à forte valeur ajoutée n’étaient pas sans rapport avec
le système d’évaluation des compétences qui aboutit éventuellement à la formation d’expertise. Elle est
désormais présentée comme une pratique de gestion indispensable au pilotage des organisations et à l’efficacité
productive, qui participe aux objectifs de performance, de rentabilité et de compétitivité des entreprises.
L’évaluation sera alors non seulement l’examen de la conformité des résultats envers des objectifs fixés, mais
également la part des initiatives prises dans le cadre d’orientations porteuses de développement et de progrès

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(Lapra, 1997). Evaluer, c’est donc porter un jugement de valeur qui s’exprime dès qu’une décision concernant le
salarié est prise, qu’il s’agisse de recrutement, d’augmentation de salaire ou de promotion. L’évaluation est au
cœur du management des compétences, car sa pratique permanente est difficile à maîtriser. Elle renvoie à un
enjeu de transparence, étroitement lié à celui de l’équité.
2.2 Evaluation comme levier de stress
Les dirigeants de PME redoutent souvent le caractère subjectif qui entoure l’environnement de leurs activités. La
pratique d’évaluation entraîne d’importants effets sur les attitudes et les comportements des évalués, du fait de
son inscription en double rapport de dépendance affective et objective. Du point de vue affectif, l’évalué éprouve
la crainte d’être exclu et le désir d’être apprécié, ce sentiment peut troubler ses attitudes. Il en est de même pour
son ressenti vis-à-vis de son salaire, de sa carrière, de sa vie ; de sa sécurité ; de son autonomie ainsi que de son
influence qui sont dépendants de l’entreprise. La perception de la détérioration de l’un de ces facteurs sans
compensation peut occasionner le turn-over du personnel. Le personnel est constamment en quête du sentiment
de reconnaissance, d’un bon climat d’entente dans le groupe ainsi que de l’intérêt du travail pour s’engager
affectivement. Dans cet ordre d’idée, la crainte d’une éventuelle évaluation erronée ainsi qu’un sentiment d’une
relation probable d’affinité peuvent mettre l’évalué dans une situation de stress.
L’évaluateur est face à un dilemme compte tenu du fait que l’évaluation engendre un choix sur la question de
savoir s’il faut mesurer et récompenser la performance individuelle si l’on souhaite simultanément développer le
travail collectif et la coopération entre acteurs. Une évaluation qui offre des garanties suffisantes d’objectivité et
une subjectivité limitée permet d’éviter le stress et la frustration. L’évaluation réussie sera donc celle qui, en
amont, encourage le salarié à être performant et en aval, s’assure du bon niveau de performance atteint, ainsi que
de la pertinence de la sanction/récompense.
2.3 L’évaluation comme source d’opportunité
L’évaluation influence de façon simultanée le fonctionnement interne et le développement de l’entreprise. Pour
se développer, l’entreprise a besoin du dynamisme et d’innovation de la part du personnel d’où la nécessité
d’assurer la satisfaction, la motivation, l’engagement, ainsi que l’implication de ce personnel. Car un tel
personnel constitue un principal levier de performance de l’entreprise à travers sa créativité et son autonomie
dans la prise d’initiative. L’un des défis pour l’évaluateur est de mettre en relation la profondeur de l’initiative et
la responsabilité de l’employé. L’évaluation de l’initiative est un moyen de donner aux autres salariés novateurs
l’occasion de contribuer à l’amélioration du fonctionnement interne de l’entreprise, en complément de la boîte à
idée. L’évaluation doit donc offrir des enjeux crédibles de progression, de rémunération et de carrière.

2.4 L’évaluation au centre des pratiques de management interculturel en Afrique


L’évaluation devrait être perçue comme condition de réussite d’une politique de gestion des ressources humaines
diversifiées et source potentielle de réduction des risques organisationnels. La problématique de la diversité
culturelle se pose dans les PME camerounaises. Le Cameroun est un pays qui regorge de plus de 200 ethnies, et
a également bénéficie d’un triple occidental héritage colonial aux cultures différentes, notamment l’Allemagne,
la France et l’Angleterre.
En Afrique et particulièrement au Cameroun, peu de travaux ont mis l’accent sur l’importance du management
interculturel comme outil de gestion des ressources humaines (Buneteaux, 2003 ; Tidjani, 2006 ; Kamdem,
2010). Dans les PME et notamment camerounaises, l’évaluation semble reposer sur les traditions des dirigeants.
Ces traditions s’expriment à travers la diversité culturelle des acteurs organisationnels caractérisée comme le
précisent Chevrier (2003) et d'Iribarne et al. (2002) par les plans identitaires et ethnoculturels. Dans les PME,
l’on relève que l’évaluation qui est au centre des pratiques de la gestion de la diversité repose sur l’empirisme,
par conséquent n’est pas formalisée, en raison de l’absence d’une véritable fonction de ressources humaines.
Ainsi, Kamdem (2002) identifie six dimensions permettant d’analyser les dynamiques du management
interculturel des ressources humaines en Afrique : la bigarrure des profils d’entrepreneurs ; la logique
redistributive récurrente, l’ambiguïté de l’ethnicité ; la recrudescence de la sorcellerie dans l’entreprise ; le
fondement et l’exercice de l’autorité ; le dilemme du temps. Ces dimensions contribuent à expliquer les pratiques
d’évaluation dans les PME, tout en mettant l’accent sur le management interculturel.
L’évaluation peut être appréhendée à travers le profil entrepreneurial du dirigeant, avec en toile de fond la

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redistribution qui peut prendre la forme pécuniaire ou non. Nous pouvons remarquer avec Bayart (1996) et Simo
(2006) que l’ethnicité est l’élément central des pratiques de management des ressources humaines. Cette
ethnicité influence très souvent l’évaluation dans les PME en termes de sanction positive ou négative. Plüss
(2005) constate dans le cadre des diasporas asiatiques que l’ethnicité est leur principale source de réussite
entrepreneuriale et managériale. L’évaluation étant perçue comme une activité mystique dans les PME, surtout
dans le cas de ses résultats qui favorisent l’incertitude, le recours à la sorcellerie semble trouver sa pertinence
dans les théories des organisations, notamment en ce qui concerne l’étude des mécanismes d’exercice du
pouvoir. Selon Kamdem (2010) qui s’inspire des travaux de Fisiy et Geschieré (1993), il faut considérer la
sorcellerie comme la constitution et l’exercice d’une force dissuasive réelle ou symbolique, qui ne participent
pas à la redistribution communautaire.
A titre d’illustration, la forte implication d’un personnel dans son travail est perçue par ses collègues comme un
acte de trahison qui doit être anéanti par tous les moyens, notamment mystiques, confortant les principes de la
théorie X. En Occident au contraire, la forte implication est perçue comme un comportement naturel et de
satisfaction des besoins d’estime et d’accomplissement de soi au sens de la théorie Y de McGrégor (1960). Cette
vision du management interculturel comme vecteur d’évaluation démontre à juste titre les limites de la théorie de
l’implication développée par Neveu (2006). Cette limite conduit à mettre en avant le style de leadership du
dirigeant de la PME. Dans le cadre de l’évaluation, le personnel s’attendrait à un dirigeant présentant les
caractéristiques définies par Hernandez (2000) qui porte sur les facteurs suivants : compréhensif, tolérant,
généreux et protecteur. L’évaluation est donc informelle dans les PME. Le dirigeant propriétaire évalue en
fonction de ses désirs, selon un comportement paternaliste.

3. L’état des pratiques d’évaluation dans les PME


Le rapport Bolton (1971), qui fut à l’origine de la reconsidération des P.M.E. par l’économie industrielle en
Angleterre, retient trois critères essentiellement qualitatifs (Bernard et Ravix, 1991). C’est pourquoi, il convient
d’abord de cerner les contours de la notion de PME en contexte camerounais. Ensuite d’appréhender la
perception du risque au versant de l’évaluation.

3.1 Spécificités de la PME Camerounaise


L’hétérogénéité qui constitue cette catégorie d’entreprises est grande. Au Cameroun, la P.M.E. est définie par la
loi n° 2015/010 qui stipule que la PME regroupe toutes les entreprises qui emploient au plus 100 personnes et
dont le chiffre d’affaires n’excède pas trois milliards de FCFA. Les PME Camerounaises sont majoritairement à
caractère familial. La particularité de cette catégorie d’entreprise relève de divers points : Du point de vue de la
constitution du capital, ces entreprises sont essentiellement financées par des « réseaux socio familiaux »,
l’appartenance à ces mêmes réseaux semble déterminant pour le recrutement du personnel ainsi que pour la
participation au capital social. Ceci justifie le fait que ce type d’entreprise est généralement financé par les
milieux financiers informels. Le dirigeant détient tous les pouvoirs décisionnels et s’appuie sur l’empirisme pour
gérer l’entreprise. Ce qui signifie que son mode opératoire de management est basé sur l’intuition. Son objectif
est également celui de l’entreprise, ce qui traduit une gestion coutumière. Les Us et coutumes de chaque
dirigeant/propriétaire influencent son style de management.
La diversité culturelle et ethnique camerounaise constitue une source de richesse en matière de gestion de la
PME basée sur la soumission et l’allégeance. Son rôle prépondérant dans la prise de décision justifie à suffisance
que sa pratique de l’évaluation du personnel constitue un élément important de l’analyse de ce concept. Face à
cela, la PME se retrouve confrontée à divers risques. Le management par les compétences permet, comme le
relève Van De Portal (2014) de mobiliser les ressources singulières des différents acteurs afin de réaliser des
objectifs communs et partagés dans une dimension collective à l’entreprise. L’évaluation étant implicite pour le
dirigeant/propriétaire de PME, elle revêt une double référence à savoir la conformité par rapport à la fonction et
la contribution par rapport à la mission. La proximité managériale entre le dirigeant/propriétaire et les employés
favorise la maîtrise réciproque des attentes. Dans ce cas, l’entretien représente l’outil par excellence de
l’évaluation du personnel caractérisée pour l’essentiel par le degré de soumission, d’appropriation des rites et
pratiques traditionnelles, d’adhésion aux objectifs du dirigeant, etc. L’évaluation reste intéressante pour le salarié
que si elle comporte des enjeux, c’est à dire que si l’entreprise peut offrir des perspectives crédibles de carrière et
de rémunération.

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3 .2 Perception des sources de risque
Le risque dépend de la probabilité objective que l’institution a de réaliser des pertes mais aussi du capital-
confiance qu’elle a su mettre en œuvre et par conséquent du jugement relatif à la réputation. La dominance
familiale dans la gestion de ces entreprises les expose à des pratiques de management non efficaces et même
dangereuses pour leur réussite. Dans ces pratiques, même les règles les plus élémentaires du Management sont
bafouées. La simplicité du système d’information externe (Julien, 1990) qui caractérise la PME camerounaise,
est basé sur des relations informelles que le dirigeant entretient avec son environnement. La transmission de
l’information est le plus souvent directe, orale et rarement formalisée.
Un tel système d’information expose la PME à rester à la traine du développement. Elle peut être frappée
d’obsolescence dans ses pratiques et techniques d’évaluation et même dans les autres domaines de l’entreprise
tels que les exigences et les éventuels concurrents existant sur le marché. Par ailleurs, les initiatives de certains
salariés peuvent empiéter sur les tâches et compétences d’autres collaborateurs et rabaisser ces derniers. Les
conséquences seront alors la confusion et la démotivation. Le risque d’inadaptation des compétences aux
exigences du poste de travail est permanent de même que celui d’orientation du personnel à des nouveaux
apprentissages et au recyclage. Ce qui ne facilitera pas l’adaptation des compétences aux nouveaux besoins du
marché (nouveau produit, nouvelle technologie, nouveau projet).

4. L’évaluation du personnel comme dispositif de maîtrise des risques


organisationnels

4.1 Positionnement méthodologique


Notre recherche appréhende comment la PME met en œuvre des outils d’évaluation du personnel afin d’assurer
la continuité de son exploitation. Nous avons mené une étude en direction des dirigeants des PME, dont notre
préoccupation était de cerner l’influence de l’évaluation sur la réduction des risques organisationnels. Nous
avons opté pour une étude qualitative (Spence, 2007) au regard de la spécificité de notre question de recherche,
et surtout de la difficulté à accéder aux informations dans cette catégorie. La principale raison est de chercher à
comprendre et interpréter l’apport de l’évaluation comme outil de réduction des risques. Egalement, cette
approche nous permet de sortir les dirigeants des PME de leur retranchement, tout en leur donnant la possibilité
de mieux s’exprimer. L’administration du questionnaire aurait limité notre compréhension, étant entendu que la
PME n’est pas dotée des méthodes modernes de gestion. Le choix des dirigeants s’est opéré à partir des critères
de la définition officielle de PME au Cameroun. Notre échantillon est constitué de 22 dirigeants de PME. Les
données sont collectées à partir des entretiens semi-directifs. Il convient de souligner que les dirigeants qui ont
accepté de se livrer à nos échanges, ont levé le verrou de la confidentialité, pour adopter la posture de la PME
apprenante. Les entretiens effectués entre janvier 2015 et août 2015ont une durée moyenne de 45 minutes.
Le traitement des informations collectées s’est opéré uniquement par la méthode d’analyse de contenu. Un
regroupement est fait par grands thèmes, afin d’apprécier les différents axes de contribution de l’évaluation à la
réduction des risques. Nous n’avons pas jugé nécessaire de recourir à un logiciel de traitement de données, car
les réponses des interviewés sont simples et reflètent leur pensée.

Tableau 1 : Synthèse échantillon des PME interrogées


Entreprise Effectif Secteur activité Année Fonction répondant Age Sexe Durée
création
P1 25 Travaux publics 2009 Dirigeant/propriétaire 34 M 1h 01 mn
P2 10 Cabinet expertise 2000 Dirigeant/propriétaire 55 M 1h10mn
comptable
P3 15 Communication 2010 Administrateur 38 M 1h40 mn
P4 05 Librairie 2015 Dirigeant/propriétaire 34 F 1h15mn
P5 30 Microfinance 2006 Dirigeant/propriétaire 36 F 30 mn
P6 22 BTP 2010 Dirigeant/propriétaire 45 M 35 mn
P7 05 Parfumerie 2012 Dirigeant/propriétaire 34 F 45 mn
P8 67 Logistique et 1996 Dirigeant/propriétaire 45 M 1h
transport
P9 55 Imprimerie 2002 Dirigeant/propriétaire 34 M 30 mn

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P10 17 Commerce et 2001 Gérante 45 F 35 mn
distribution
P11 98 Hébergement 2006 Directeur Financier 34 M 34 mn
P12 10 Transport et transit 2010 Gérante 45 F 38 mn
P13 10 Restauration 2015 Superviseur 33 F 32 mn
P14 86 Chambre de 1927 Responsable études 43 M 1h36 mn
commerce
P15 10 Commerce et 2015 Dirigeant/propriétaire 35 M 13 mn
distribution
P16 15 Commerce et 2011 Directeur 35 M 38 mn
distribution
P17 12 Communication, 2009 Directeur 40 M 32 mn
audiovisuelle
P18 10 Informatique 2008 Directeur financier 30 F 49 mn
P19 20 Microfinance 1991 Chef d’agence 45 M 54 mn
P20 10 Jeu hasard 2010 Communicateur 34 M 46 mn
P21 8 Communication, 2010 Dirigeant/propriétaire 37 M 36 mn
audiovisuelle
P22 12 Energie, bio gaz 2001 Directrice 42 F 1h

5. Résultats et discussion
L’analyse des contenus amène à identifier deux principaux axes de résultats permettant de circonscrire l’impact
de l’évaluation comme facteur de réduction des risques.
Au niveau de l’activité de la PME
Il s’agit de cerner le mode de gestion de la PME, qui est très souvent paternaliste. La stratégie managériale
privilégiée est la proximité de l’équipe dirigeante aux salariés.

L’évaluation permet aux employés de s’approprier les finalités organisationnelles de la PME.


Dans les PME, les dirigeants sont au cœur du fonctionnement de leur entreprise (Mahe de Boislandelle, 1998 ;
Paradas, 2007 ; Marchesnay, 2004 ; Torres, 2004) ; ce qui limite au bout du compte, leur capacité à appréhender
tous les contours de l’activité. L’une des raisons souvent avancées est l’incompétence du personnel. L’évaluation
concourt à favoriser l’initiative et à développer le sens de la responsabilité qui est des éléments majeurs dans la
gestion efficace des activités. Ceci est en phase avec les propos des interviewés (P1, P3, P6, P8, P10, P12). Ces
dirigeants soulignent que « Pour nous c’est un outil de gestion dans la mesure où elle vient régulariser les excès
qu’on retrouvait dans les entreprises. Elle favorise plus d’engagement de la part des salariés. C’est un mode de
gestion qui préserve les intérêts de tout le monde. Ce qu’on appelle « penser globale ». Toutefois, un interviewé
(P21) relève que « Les PME qui évaluent le personnel sont rares dans notre environnement économique. Cela
n’est pas du fait de l’entreprise mais du fait des personnes en charge de la mettre en œuvre ; elles ne sont pas
toujours assez imprégnées. Ces personnes ne connaissent même pas déjà ce qu’elles doivent faire, aussi parce
qu’elles sont nommées pour être nommées ; c’est-à-dire on ne regarde pas si elles ont la compétence nécessaire.
La faute dans un premier temps aux RH. Mais aussi de chaque responsable à son niveau ».
Au Cameroun, tout un ministère est dédié à la PME. L’objectif est de les accompagner sur la voie de la
pérennité, avec un accent particulier sur la gestion des ressources humaines qui constituent la plus importante
matière première. Cette phase s’inscrit dans un processus de projet dont la réussite dépend de la stratégie mise en
œuvre en termes de formalisation de l’évaluation. La cohésion sociale reste une approche privilégiée pour
intégrer la diversité au sens de Debrosse (1994).
L’évaluation n’est pas formalisée et s’appuie sur le degré de courtoisie et d’engagement.
L’intérêt croissant qu’on accorde de nos jours à la PME comme moteur de développement économique des pays
en voie de développement, et partant à sa capacité à gérer les ressources humaines, suscite un engouement
fondamental. Le processus se substitue à l’impossibilité d’observer une organisation fonctionnelle formalisée
dans la PME (Julien, 1994 ; Julien et Marchesnay, 1996 ; Torrès, 1999). Ce raisonnement en termes d’activité et
de processus permet notamment de décrypter le processus d’évaluation du personnel en identifiant les facteurs
inducteurs de coût responsables de l’efficience organisationnelle, afin d’impulser selon Thévenet (2004) une
dynamique collective qui va favoriser l’implication des personnes au regard des prestations qu’elles offrent.
Selon (P7, P9, P14, P15, P18), « les PME camerounaises font face de plus en plus à une concurrence

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internationale qui les oblige à revoir leur mode de gestion pour partir d’une logique de gestion basée sur
l’empirisme et s’inscrire dans une approche axée sur l’enchaînement des processus (…), l’adoption de certaines
pratiques de gestion relatives au processus reste alors une activité spécifique. L’enjeu de prendre comme
support d’analyse les processus est qu’une fois ces derniers connus, il devient possible de décentraliser comme le
relève Bouquin (1994). Ce qui est nécessaire c’est d’utiliser la nouvelle configuration du fonctionnement de
l’entreprise pour en réduire les risques et développer la compétitivité. L’organisation fonctionnelle de la PME
devrait donc s’inscrire dans la logique processus qui intègre l’action collective non standardisée. Elle doit
comme le précise Besson (1997) se reconfigurer et inventer de nouvelles formes de coordination combinant le
réseau et la hiérarchie et définir ses frontières entre la logique fonctionnelle et la logique processus. Pour (P19),
« Plus on améliore la connaissance de l’employé, plus on lui donne des atouts qui lui permettent de mieux
travailler. Je crois que non seulement ça permet à l’employé lui-même de s’épanouir, de se sentir plus impliqué,
plus responsable dans la production, dans la performance de la société, mais aussi pour la société ça assure la
continuité c'est-à-dire le maintien de l’équilibre et de la compétitivité, cette ressource humaine formée nous
permet de maintenir nos acquis, et nous permet d’être plus compétitifs ».
L’absence d’un système d’information d’évaluation du personnel conforte la culture comme mode opératoire.
Il convient de souligner que toute entreprise, quelle que soit sa taille, est dotée d’un système d’information. La
différence réside au niveau de la sophistication des éléments le constituant ou des matériels mis à contribution.
L’idée de développement de la PME n’est pas incompatible avec l’usage de nouvelle technologie de
l’information et de la communication. Ainsi, (P19, P20) précisent que « les PME camerounaises ne sont pas
assez structurées pour parler de système d’information. Néanmoins, l’ensemble des activités menées et leur
coordination exige même de façon implicite le développement d’un système d’information (…). Concernant
l’évaluation, la formalisation reste un enjeu pour limiter les frustrations et le découragement des employés qui le
plus souvent crient à l’injustice dans le cadre d’évaluation de leurs compétences et rétribution ».
Cet outil stratégique de gestion permettra aux PME de réduire leur fracture numérique et de s’adapter à
l’évolution de l’environnement. La contribution du personnel est majeure en dépit de quelques résistances qu’on
peut relever pour le déplorer. Selon les interviewés (P6, P7, P11, P13, P19) « l’usage de l’outil informatique
s’apparente encore à un phénomène de mode dans les PME camerounaises (…), son importance de nos jours
n’est plus à démontrer tant sur le plan de l’appréciation des travaux des employés que sur le plan de la
communication avec les différents partenaires de l’entreprise. Pourtant c’est un instrument d’ouverture et de
valorisation du potentiel humain On peut noter une révolution au Cameroun où on demande aux PME de
procéder à leur déclaration fiscales et sociales en ligne ». L’informatique est considérée par certains promoteurs
de PME comme un mauvais partenaire dans la gestion de leur entreprise, surtout dans la valorisation des
ressources humaines. (P1, P20, P21) relèvent que « l’informatique est un risque en termes de sauvegarde des
données ceci est relatif aux problèmes de comportement souvent déviant de certains personnels qui peuvent
bloquer les programmes ou alors procéder à des manipulations de natures à paralyser l’activité normale ». Son
apport dans la réduction des risques organisationnels conduit à limiter les tâches redondantes et répétitives. La
gestion du temps par exemple permet de limiter plusieurs risques dans toutes les fonctions de l’entreprise, et
surtout envers les partenaires de la PME. Cette assertion est en cohérence avec les propos de (P1, P6, P8) qui
mettent en exergue la contribution Progiciel Intégré de Gestion pour améliorer le fonctionnement de l’entreprise.
Le système d’information participe de l’amélioration de la communication entre les personnels à travers leurs
différents postes de travail. Ceci induit l’apprentissage collectif comme réducteur de risque, dans une perspective
d’intégration d’outils de gestion des ressources humaines et le partage de l’information. Le partage de
l’information entre les personnels améliore leur représentation de l’activité de l’entreprise, et facilite comme le
relèvent Fabbe-Costes et.al. (1998) le travail collectif de capitalisation de l’expérience. La principale
conséquence de la circulation de l’information à travers l’évaluation est la maîtrise des risques de conflits. Cette
maîtrise entraînent des coûts importants comme le relèvent les interviewés (P2, P7, P11, P14, P20). Pour (P5)
spécifiquement, « Pour moi c’est d’abord une opportunité parce qu’elle assure la cohésion sociale, et qui dit
cohésion sociale dit évolution de l’entreprise. C’est également une contrainte parce que parfois ça nécessite des
coûts que l’entreprise doit supporter sous forme de charges supplémentaires. Dans tous les cas ça reste une
opportunité, l’entreprise ne perdrait rien à investir dans l’informatisation de ses activités ». Le système
d’information contribue à formaliser l’évaluation dans la PME, afin de mettre en exergue les compétences des
individus.

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Au niveau du personnel
Il est indéniable que la PME éprouve des difficultés à élaborer des outils d’évaluation du personnel adaptés à sa
taille. L’évaluation doit pouvoir favoriser les éléments suivants comme vecteur de développement de la PME.
L’évaluation conduit à la responsabilité et à l’initiative en dépit du caractère relationnel de recrutement.
Dans les Petites Entreprises comme les Moyennes Entreprises, le comportement managérial n’est pas de nature à
favoriser l’initiative ou la responsabilité. Il est couramment admis que le recrutement dans ces catégories
d’entreprises repose sur le favoritisme, les liens de famille, le réseau, etc. Et que, l’évaluation ne serait sans
doute pas nécessaire. Notre résultat permet d’expliquer que l’évaluation est une nécessité pour la PME qui
souhaite se développer et valoriser son potentiel humain. L’objectif de l’évaluation à ce niveau est de parvenir à
l’épanouissement intellectuel et physique du personnel dans le but d’insuffler une nouvelle dynamique reposant
sur la culture de la performance. Pour (P9) « l’évaluation conduit à trouver un juste équilibre entre l’employé et
l’employeur afin de garantir la performance sociale ». Cette forme de coopération permet de renforcer les
relations professionnelles et éviter des turn-over importants comme le précise l’interviewé (P12) « …Car dans
les PME il y a trop de changement de personnel. Le personnel n’est pas stable et ça joue sur la fidélisation de la
clientèle ». Le client constitue le premier niveau d’évaluation du personnel dans la PME. Ceci s’observe à travers
les plaintes et réclamations faites sur le comportement de ce dernier.
Le principal enjeu est de donner la possibilité au personnel de procéder simultanément à des ajustements formels
et informels. Le personnel va se transformer en partant d’une logique d’obéissance à une logique de
responsabilisation et d’initiative. L’évaluation est appréhendée comme un levier de développement de la culture
d’entreprise qui s’opère lors des réunions comme le martèle le dirigeant (P16). Ce résultat corrobore celui de
Diouf (2010) qui développe les caractéristiques de gestion des ressources humaines dans les PME familiales
africaines. Il constate que les pratiques de gestion des ressources humaines notamment l’évaluation qu’il
considère comme informelle, apporte le développement de l’esprit d’initiative et la confiance. La pertinence de
ce résultat, réside dans le fait que, les PME camerounaises évaluent leur personnel indépendamment des liens
affectifs, relationnels ou familiaux qui lient le dirigeant aux employés. A cet effet, (P6) précise que « …dans
mon entreprise, lorsqu’un employé ne donne pas satisfaction, même s’il est un membre de ma famille, je le
licencie pour insuffisance de résultat. Donc, j’évalue tout le personnel sans distinction… ».
L’évaluation, tout en supprimant le cloisonnement de l’organisation des activités, fait face à des facteurs de
résistances relatifs à la culture managériale.
Les routines d’organisation et de fonctionnement des PME doivent évoluer pour laisser la place au
décloisonnement qui nécessite plus d’adaptation et de souplesse. L’évaluation vise ainsi à réduire le niveau de
concentration des responsabilités et l’insuffisance des dialogues à l’origine des conflits, source des risques. Le
constat alarmant que l’on peut faire dans les PME camerounaises à partir des propos des interviewés (P2, P3, P5,
P11, P14, P18, P17, P19, P22) est que : « il n’existe pas une fonction spécifiquement dédiée à la GRH ; celle-ci
est assurée par le comptable qui n’a pas toujours les connaissances nécessaires pour mieux conduire les affaires
sociales de la PME ». La fonction GRH est imbriquée dans la fonction comptable ou alors rattachée à la gérance
qui est assurée par le promoteur. Le résultat conduit à cet effet à relever que l’absence de sensibilisation des
salariés à l’importance de l’évaluation génère des résistances, surtout lorsque les employés ne perçoivent pas le
bien-fondé d’une telle opération qui conduit pourtant à la maîtrise simultanée des attentes des parties prenantes.
En fait dans ce type d’entreprise, l’évaluation ne conduit pas régulièrement à des décisions fréquemment
retrouvées dans le cadre des grandes entreprises (telle l’orientation en formation, une éventuelle augmentation du
niveau de responsabilité ou une promotion…). Egalement, le fait que l’évaluation ne soit pas aisée dans les PME
peut également s’expliquer par la combinaison de certaines responsabilités qui, dans la grande entreprise, font
l’objet de fonctions séparées. Ce qui entraîne de facto la résistance dans la mesure où, les acteurs
organisationnels n’ont pas suffisamment intégré la culture de l’évaluation. Généralement dans les PME,
l’évaluation quelle que soit la relation que l’employé entretien avec le dirigeant propriétaire, s’apparente toujours
à une sorte de sanction négative.
L’évaluation ne poursuit pas exclusivement les objectifs de performance.
La responsabilité est une variante de la compétence, celle-ci étant relative à la formation. Dans ce type
d’entreprise, le professionnalisme ne prime pas. L’évaluation permet de reconnaître le talent de chaque personnel
et de lui confier la responsabilité qui lui convient. Ainsi, l’évaluation favorise l’ancrage des pratiques
professionnelles du personnel et constitue un dispositif d’accompagnement du personnel. Elle doit déboucher sur
la capitalisation du savoir-faire du personnel, garant de la qualité des produits, des services et des prestations de
la PME. Ainsi, (P18 et P22) indiquent que « Parlant du critère humain, c’est avoir un personnel qualifié
convaincu à la tâche et un personnel qui a un profil de carrière bien défini positif ceci en vue de diminuer la

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migration du personnel d’une tâche à une autre ou de cumul de fonction (…). La valeur du personnel en
ressources humaines est très importante, vous savez quand vous avez un personnel à qui vous confiez une tâche,
quand il l’exécute bien, sans erreur ou quand il commet des erreurs, il revient vers vous et vous dit, ok voilà
Monsieur, il y a si, il y a ça ; comment pouvons-nous corriger ça, voilà déjà quelqu’un qui sait ce qu’il a à faire.
Or je disais tout à l’heure sans un personnel qui définit la ligne politique de l’entreprise au départ rien ne
saurait marcher dans cette entreprise ».
L’évaluation ne débouche pas nécessairement sur l’information et la formation.
L’évaluation amène à pallier les insuffisances relatives à la compétence du personnel dont le fil d’Ariane est de
combler l’écart qui existe entre les attentes du dirigeant de la PME et le résultat obtenu. Ce qui supposerait un
aboutissement de l’évaluation à une éventuelle formation spécifique, visant à améliorer la performance de
l’employé et même son employabilité. D’où les propos de cet interviewé (P15) « La formation du personnel en
entreprise est une bonne chose, car la valeur de celui qui travaille bien n’est pas une plaisanterie, mais
l’humilité de celui qui n’a pas honte de reconnaître qu’il ne sait pas tout et qu’il est en situation d’écoute et de
réceptivité des critiques est très déterminante pour le renforcement de la performance de l’entreprise.
Aujourd’hui les nouvelles technologies de l’information et de la communication ont rendu le monde tout petit
voire très concurrent. (..), à tout moment il faut remettre son personnel à l’ordre du jour. Donc l’entreprise ne
peut évoluer qu’avec son environnement. Donc, le personnel doit être toujours bien formé ». L’information n’est
pas visiblement une ressource rare dans les PME camerounaises, car elle circule en réseau fermé. L’évaluation
ne doit pas s’apparenter à une opération informelle et clandestine, plutôt, elle doit s’orienter vers la formation qui
permet de mieux véhiculer l’information. Elle sera perçue par le personnel plus comme un outil d’apprentissage
qu’un outil de conformité de comportement. Pour (P3 et P22) « … Evidemment il faut prendre en compte les
attentes des différents partenaires sociaux et l'une des attentes du personnel, c'est d'améliorer la qualité de leur
prestation pour espérer améliorer leurs revenus voir leurs conditions matérielles etc. D'où la formation du
personnel participe du processus de performance. Mais le fait de dire tout simplement qu'on a formé des gens
donc on est performant, (…) Parce que quand on disait de produire des biens de bonne qualité, ça suppose que
le personnel est formé, ça entre dans le processus de la performance ». Nos résultats basés sur l’étude qualitative
sont cohérents avec ceux de De Kok (2002) et Chandler et McEvoy (2000) qui montrent que les pratiques de
formation du personnel améliorent la performance financière et la productivité de l’entreprise.
L’évaluation implique la communication.
Elle doit conduire à l’amélioration de la communication et au dialogue dans la PME. Ces éléments sont
compatibles avec les objectifs de réduction des risques organisationnels. La communication est un facteur
important du développement de la PME, ceci, eut égard à la stratégie de proximité qui existe entre les différentes
parties prenantes. Selon les cas, la communication est un outil de coopération entre les personnels. La
communication informelle semble dominée dans les PME comme vectrice de développement du potentiel
humain. Ainsi, (P10) mentionne que « l’évaluation est une opportunité pour la PME qui vise à créer une sorte
de communion entre les employés afin de les booster vers la voie de la performance à travers l’octroi des
gratifications, des primes spéciales, etc. ». Elle s’inscrit comme le mentionne Barnard (1938) dans le cadre du
réseau informel de relations que toute organisation développe parallèlement au système formel. Il existe une
sorte de solidarité entre les personnels de la PME, la communication étant à cet effet un instrument favorable à
l’adhésion des personnels aux objectifs de l’organisation. Pour (P19), « le meilleur moment de communication
sur le comportement professionnel des employés se déroule dans les tontines des employés créées au sein de
l’entreprise, car c’est à ce niveau que le dialogue est plus perceptible ».

Conclusion
L’introduction de nouveaux outils de gestion dans la PME camerounaise et l’accroissement du rôle de
l’évaluation du personnel constitueraient un important mécanisme en matière de réduction du risque
organisationnel. Les développements précédents rendent compte de la manière donc le personnel est géré dans
les PME camerounaises relativement à l’appréciation des compétences, soulignent le rôle croissant donné à
l’évaluation du personnel dans la PME, tout en relevant la perpétuelle menace d’amalgame entre le rôle
managérial et celui de responsable familial, avec une prédominance des aspects traditionnels. En effet, à partir
d’un certain stade de développement, l’organisation éprouve le besoin de se structurer pour continuer à exister,
tout en intégrant les caractéristiques de son environnement socioculturel, dans le respect d’une cohérence entre
les différentes pratiques de GRH. Dans cette perspective, la PME camerounaise doit s’arrimer aux exigences

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imposées par l’environnement en constante mutation pour survivre au rythme de la mondialisation. Elle doit
assurer sa performance et sa compétitivité en développant les stratégies indispensables dans toutes ses grandes
fonctions et particulièrement, celle de l’évaluation qui influence pratiquement toutes les autres fonctions de
l’entreprise. Car l’évaluation oriente et régit à la fois, le prévisible, le programmable et l’imprévisible.
L’évaluation dans la PME camerounaise rencontre des résistances de la part de certains salariés, les résultats de
cette recherche mettent en exergue la nécessité de sensibiliser toutes les parties prenantes sur l’importance du
processus d’évaluation du personnel dans la réduction du risque en contexte PME. Ce qui s’explique par le fait
que la maîtrise des compétences du personnel joue un rôle central dans la construction d’un avantage
concurrentiel. Cette perception est cohérente avec l’idée de Salancik et Pfeffer (1978) qui relèvent que les
comportements de résistance affectent rapidement les autres membres d’une même organisation, et lorsque
l’engagement managérial est absent, l’opportunité de privilégier la compétence n’est pas prise en compte.
L’évaluation reste un atout pour valoriser le potentiel de capital humain dont dispose la PME, véritable socle de
développement économique des pays émergents. Les ressources humaines constituent alors le principal creuset
de compétitivité des PME, en dépit de la difficulté de la mise en œuvre de l’évaluation dans cette catégorie
d’entreprise. L’accent doit être porté sur les dispositifs qui accompagnent ce nouveau mode de management des
ressources, afin de fédérer l’ensemble du personnel. L’évaluation peut donc être estimée comme un outil
incontournable sur lequel les dirigeants de PME doivent accorder une place de choix tout en tenant compte des
spécificités contextuelles et structurelles. Il s’emble intéressant d’ouvrir ici une voie d’analyse comparative de
gestion des compétences entre les PME et les TPE.

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