Par
Fabrice ASSOUMOU ZAMBO
Inspecteur des Prix Poids et Mesures
Diplômé de l’ENAM
Doctorant en Economie, FSEG-UY II
Tél : 694352906
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l’instar d’Adam Smith, de David Ricardo et de Jean Baptiste Say, rejettent systématiquement
l'emprunt public et pensent que l’endettement de l’Etat ne peut qu'être nuisible pour les agents
économiques. D’autre part sur le plan pratique, estimée au 31 mai 2020 à 9073 milliards de
FCFA soit 39.5% du PIB selon les chiffres de la caisse autonome d’amortissement, les
préoccupations sur le rythme et le niveau d’endettement du Cameroun se posent avec acuité.
Ainsi, pour apporter des éléments de réponse à notre préoccupation principale, il
convient de mentionner que si la dette publique peut constituer un atout potentiel pour le
développement économique du Cameroun (I), celle-ci mérite néanmoins d’être accompagnée
par des mesures adéquates au regard des effets pervers qu’elle peut engendrer (II).
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B. Les avantages possibles de la dette publique dans le processus de
développement économique du Cameroun
Il s’agit à ce niveau d’évoquer les canaux par lesquels la dette publique peut contribuer
au développement économique du Cameroun. Pour ce faire, nous démontrons d’abord que
celle-ci peut permettre d’investir dans les secteurs productifs ou d’appui à la production et de
stimuler la croissance du pays (1) puis, qu’elle peut permettre de réduire la pauvreté et
d’améliorer le bien-être des populations (2).
1. La dette publique peut stimuler la croissance économique
Une dette publique justifiée et maîtrisée peut être un facteur de relance économique
et de lutte contre le chômage car elle stimule la demande globale d’un pays. Or, selon John
Maynard Keynes, les performances d’une économie reposent sur cette demande. Celle-ci peut
provenir soit des ménages à travers la consommation, soit des entreprises à travers les
investissements, soit de l’extérieur via les exportations, soit enfin des administrations
publiques par le biais des dépenses publiques. Ainsi en s’endettant, un pays peut utiliser les
fonds empruntés pour financer ses différents projets d’investissement. L’augmentation des
investissements publics qui va en découler va accroitre la demande globale de ce pays. C’est
justement ce que démontre le mécanisme du multiplicateur keynésien. En effet, à travers le
phénomène du multiplicateur, Keynes montre qu’une augmentation de l’investissement
entraine une augmentation plus que proportionnelle du revenu. L’augmentation des revenus
qui en résulte va à son tour stimuler la demande qui provoque, quant à elle, une hausse de la
production (et, donc, la croissance) permettant ainsi de créer les emplois et de lutter contre la
pauvreté. Au Cameroun par exemple, la plupart des projets structurants sont financés par des
fonds de la dette (infrastructures telle que routes, énergies, ports, aéroports,
télécommunications). En outre, l’endettement public peut permettre au Gouvernement de
mobiliser des ressources au-delà des capacités de son système fiscal et de procéder à une
modernisation de son appareil de production dans les secteurs moteurs de la croissance tels
que l’agriculture, l’industrie et les services.
2. La dette publique peut contribuer à la réduction de la pauvreté et à
l’amélioration du bien-être des populations
La croissance économique impulsée par l’augmentation des investissements publics
(financés par la dette publique), est susceptible d’entrainer la création de nombreux emplois
directs et indirects et donc des revenus aux populations. Par conséquent, si une bonne
politique de redistribution est mise en place, cette croissance pourra se traduire par une
augmentation effective du revenu par habitant et donc une régression de la pauvreté
monétaire. Bien plus, la construction des différentes infrastructures de base financées par la
dette publique (les hôpitaux, les écoles, les centres de santé, les barrages, les logements
sociaux, etc.), peut permettre aux populations d’avoir facilement accès aux services sociaux
de base (éducation, soins de santé, logement, électricité, eau, etc.), toute chose qui peut
accroître les taux de scolarisation, favoriser la lutte contre certaines maladies endémiques,
promouvoir l’égalité des genres et partant, améliorer le cadre de vie en milieu urbain et rural.
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En guise d’illustration, le prêt de 100 millions de dollars de la banque mondiale accordé au
gouvernement camerounais en mai 2016, a permis le financement de la santé ceci en vue
d’accroître le recours aux services de santé et améliorer la qualité de ces services au
Cameroun, en particulier les services de santé de la procréation, de la mère, du nouveau-né, de
l’enfant et de l’adolescent et les services de nutrition. Il en va de même, du prêt de la Chine
pour financer les hôpitaux modernes au pays (Hôpital Gynéco-Obstétrique, Hôpital de
référence de Sangmélima, etc.).
Dès lors s’il apparait, au regard de ce qui précède, que la dette publique peut constituer
un avantage au processus de développement économique du Cameroun. Cependant, convient-
il de noter que celle-ci mérite d’être accompagnée par des mesures adéquates au regard des
effets pervers qu’elle peut engendrer.
II. La nécessité de renforcer le rôle de la dette publique dans le processus de
développement économique du Cameroun au regard de ses potentiels
effets pervers
La dette publique peut engendrer des effets pervers susceptibles de constituer un
obstacle au développement économique du Cameroun (A), toute chose qui nécessite que
celle-ci soit accompagnée par des mesures précises à l’effet de renforcer sa contribution au
développement économique de ce pays (B).
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devront être remboursés. Ils anticipent de ce fait une hausse des prélèvements obligatoires et
augmentent par conséquent leur épargne (équivalence ricardienne).
En définitive, il ressort que la dette publique est un outil à la disposition d’un pays
pour faire face au déficit de son budget. Lorsque son évolution est contrôlée et que les fonds
qu’elle apporte sont investis dans des projets rentables qui contribuent à la transformation
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structurelle du pays, la dette publique peut être un important outil de développement.
Cependant, un endettement incontrôlé de l’Etat, ou une gestion non transparente des
ressources provenant de la dette publique, peuvent entrainer la nation toute entière dans un
cercle vicieux de la dette qui est de nature à compromettre tous ses objectifs de
développement. Il convient donc d’observer les principes de bonne gouvernance dans la
gestion des ressources issues de la dette par la mise sur pied des mécanismes rigoureux de
contrôle et de gestion des finances publiques en général et de la dette publique en particulier.
Pour une meilleure contribution des ressources de la dette au développement, il faut une
bonne gestion des fonds de la dette, fonds tournés vers l’investissement d’infrastructure et de
capital humain. Et si les fonds devraient être tournés vers la consommation, encourager la
consommation des produits locaux et non importés. Toutefois, les pays pauvres en quête de
développement doivent intégrer le fait qu’aucun pays développé n’a atteint ce statut en
comptant uniquement sur la dette, mais aussi et surtout, sur des efforts propres.