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RSG 228 0073
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Métiers de l'artisanat
Alain Rivet
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PME et finances
quelles différences ?
Métiers de l’artisanat
par Alain Rivet
novembre-décembre 2007
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fois un événement dont l’analyse présente plusieurs intérêts phie des TPE (§2), avant de dégager les profils de TPE obtenus
selon le point de vue où l’on se place : (§3).
– pour le théoricien des sciences de gestion qu’il soit stratège,
spécialiste de l’entrepreneuriat ou de l’histoire d’entreprise,
cette problématique s’inscrit dans les recherches sur le cycle 1. Méthodologie
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dirigeant ?
Dans cette perspective, nous sommes obligés de procéder par
comparaison en confrontant des entreprises saines et des Nous devrions plutôt employer ce terme au pluriel puisque
entreprises défaillantes. Nous considérons comme saines les nous avons dû sélectionner deux échantillons. L’un est
entreprises qui réalisent depuis plusieurs années des composé d’entreprises saines et le second, d’entreprises en
bénéfices. Nous calquant sur la définition de l’INSEE nous difficultés.
qualifierons d’entreprises en difficultés celles qui sont entrées La taille des échantillons est déterminée par le nombre de
dans une procédure de redressement ou de liquidation dossiers disponibles de TPE en difficultés et par la méthodo-
judiciaire (sans redressement préalable) par un jugement du logie retenue. Puisque l’on veut confronter sur une période de
tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance suite temps similaire des entreprises défaillantes à des entreprises
à une cessation de paiements (INSEE, 2005)3. saines, il faut que les unes et les autres soient en nombre
Pour la construction de l’échantillon et la consultation des identique.
dossiers nous avons travaillé en partenariat avec la Chambre Nous avons donc retenu un échantillon global composé de 115
des Métiers et de l’Artisanat de la Haute-Vienne4 qui dispose TPE en difficultés et 115 TPE saines. Nous disposons de
de dossiers d’instruction d’entreprises en difficultés depuis davantage de TPE défaillantes mais sur une période trop
1985. Nous sommes remontés à 1998, date qui peut paraître longue (1997-2000) pour être raisonnablement comparées à
éloignée dans le temps mais qui est justifiée en pratique, par des TPE saines observées sur l’année 2003.
la durée d’une procédure de redressement judiciaire. Le choix
de ce partenariat conditionne donc à la fois les secteurs d’acti-
vité des TPE de l’échantillon – l’artisanat – et leur localisation 1.3. Méthodes d’investigation
– la Haute Vienne.
La méthode d’investigation retenue est conditionnée par la L’enquête sur les entreprises défaillantes s’est faite à partir
situation juridico-économique de l’entreprise : sur dossier, pour des dossiers d’instruction des procédures judiciaires disponi-
les TPE défaillantes, par audition pour les TPE saines. Le bles auprès de la Chambre des Métiers et de l’Artisanat de la
questionnaire de l’enquête traite à la fois des éléments
propres au dirigeant et à son entreprise et fait souvent
3. INSEE-CONJONCTURE (2005) : Informations rapides. 18 mars – n° 88, page 4.
apparaître des critères qualitatifs.
4. Nous remercions tout particulièrement Christian REIX Directeur du service
Nous commençons par présenter la méthodologie retenue formation à la CMA87 qui nous a permis de construire cet échantillon.
(§1), puis les caractéristiques de l’échantillon ou la cartogra- 5. CRML-INSEE LIMOUSIN (2004) : Tableau de bord de l’Artisanat Limousin.
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à chaque entreprise mais aussi des informations sur la situa- chiffre d’affaires.
tion personnelle du dirigeant : situation familiale, patrimoniale, Nous examinons ensuite les caractéristiques stratégiques
financière, incidents… comme le métier de l’entreprise, la situation du marché et son
L’enquête sur les entreprises saines procède selon une évolution, la croissance des ventes de la TPE, l’intensité de la
méthode différente. En effet, ces dernières ne font pas l’objet concurrence, la technologie.
d’un dossier d’instruction par un organisme quelconque. Nous Nous abordons l’aspect patrimonial à travers la situation du
avons donc opéré en collaboration avec le personnel de la patrimoine productif de l’entreprise, la structure de son finan-
Chambre des Métiers de la Haute-Vienne qui nous a fait bénéfi- cement et le degré d’ouverture du capital voire la prise de
cier de sa connaissance du terrain pour constituer l’échan- conseils auprès de tiers.
tillon. Nous avons ensuite décidé d’interviewer leurs dirigeants Nous avons fait apparaître une variable climat social interne de
plutôt que de procéder par enquête postale toujours partielle l’entreprise. Cependant, en raison de la très petite taille de la
et ne permettant pas de vérifier ou de compléter les informa- plupart des TPE étudiées, cette variable n’est pas significative.
tions demandées. Enfin, nous avons recensé la nature des incidents survenus et
L’échantillon porte sur des entreprises sélectionnées dans les recherché la ou les causes à l’origine de l’entrée en procédure
trois grandes familles professionnelles de l’échantillon de de redressement : insuffisance de gestion, contentieux clients
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Haute-Vienne alors que pour le second nous avons enquêté par Sur un plan patrimonial, près de 70 % d’entre eux sont proprié-
entretien directif auprès des dirigeants6. taires de leur habitation et 54 % endettés à titre personnel.
Sans remettre en cause les résultats de cette étude, un Sur le plan de l’expertise, seulement 2 % d’entre eux seraient
certain nombre d’inexactitudes, difficilement contournables, incompétents dans leur métier de référence alors qu’ils
nous incitent une interprétation prudente. seraient 64 % à ne pas s’impliquer suffisamment dans la
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suscitée, 42,4 % des TPE de la Haute-Vienne y sont implantés. leur activité. Si l’on rapproche ces chiffres de la nature du
Même si l’on regroupe zone urbaine et périurbaine (47,4 %) la secteur d’activité de l’entreprise, on constate de manière très
structure de notre échantillon n’est pas représentative de la significative que c’est dans le secteur du bâtiment que l’on est
répartition géographique des TPE du département. le plus souvent propriétaire des lieux de production et que, à
Il est notable que près de 60 % des TPE ont plus de 5 années l’opposé, c’est dans celui de l’alimentation que l’on est le plus
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d’ancienneté, et seulement 14,3 % moins de 2 années. Ceci souvent locataire.
est important quand on observera plus particulièrement la Toujours sur le plan des immobilisations, il est notable que
population des entreprises défaillantes réputée être jeune. 59,1 % des TPE de l’échantillon utilisent des équipements
Il est remarquable que 75,2 % sont toujours la propriété de récents ce qui peut être un gage de productivité.
leur dirigeant créateur alors que 24,8 % sont des reprises.
Cela sera à rapprocher ultérieurement du taux de défaillance,
supposé moins élevé dans le cas de reprises puisque le 2.2.4. Stratégie et technologie
produit ou les services, la clientèle existent déjà.
La très grande majorité des TPE de l’échantillon exerce son
activité dans des métiers traditionnels, seulement 6,5 %
2.2.2. Structure juridique, financière d’entre elles se positionnent sur des métiers que l’on quali-
et mode de gouvernance fiera de nouveaux tels que ceux de la communication.
Près de 43 % d’entre elles voient leur chiffre d’affaires croître ;
Le statut d’entreprise personnelle est largement dominant pour 40 % il est stable et seulement 18 % subissent une
puisqu’il a été adopté par 81,7 % des structures de l’échan- baisse des ventes sans qu’il y ait de relation directe entre le
fait pas de bénéfices. S’il avait opté pour le statut de gérant On ne peut en inférer que la nature du marché soit une cause
minoritaire d’une SARL, il pourrait y échapper. Plus de la moitié de défaillance puisqu’il y a autant d’entreprises saines que
des TPE est endettée (59,6 %), 17 % sont surendettés et d’entreprises en difficultés sur des marchés en déclin.
23,5 % non endettés. Si l’on croise la variable endettement Sur le plan de l’intensité de la concurrence, au niveau local, la
avec la nature ou la destination des dettes on constate que majorité des TPE se situe sur des marchés fortement concur-
l’endettement sur immobilisations arrive nettement devant les rentiels (55 %), 33 % sur des marchés faiblement concurren-
dettes d’exploitation et les dettes de trésorerie (découverts et tiels alors que 12 % se positionnent sur des marchés où il y a
autres crédits de trésorerie). À ce niveau, il est notable que les très peu de concurrence dans l’environnement local.
entreprises surendettées le sont à tous les niveaux, mais c’est Il est notable que ce sont plutôt les entreprises saines qui se
sans doute la règle. Le mode de gouvernance fait apparaître un situent sur les marchés à faible intensité concurrentielle alors
très fort engagement du dirigeant puisque dans 87 % des cas que celles qui sont en difficultés sont très nettement position-
l’artisan participe au capital. Le conjoint, qu’il bénéficie ou pas nées sur des marchés où la compétition est forte. Nous
d’un statut ou même qu’il soit rémunéré à l’extérieur de verrons ultérieurement si ce peut être une caractéristique forte
l’entreprise, participe rarement au capital (8,3 %). Tout au de ce type d’entreprises.
plus, peut-on remarquer que c’est parmi les conjoints sans Sur le plan de la technologie, 80 % des TPE mobilisent des
statut que l’on trouve une plus forte participation. technologies traditionnelles pour produire et près de 10 %
En revanche, on constate que 44,8 % des dirigeants de TPE de d’entre elles n’y recourent même pas. Les secteurs du
l’échantillon ouvrent leur capital aux tiers souvent membres de bâtiment et de l’alimentation sont d’ailleurs peu utilisateurs de
la famille ou amis, voire, plus rarement notaires. 49,1 % recou- technologies modernes.
rent aux services d’un comptable et seulement 13 % indiquent
avoir reçu de mauvais conseils de gestion8. Ces chiffres seront
sans doute intéressants quand on les rapprochera de la situa- 2.2.5. Problèmes d’exploitation
tion économique de l’entreprise.
Parmi différents incidents d’exploitation recensés, est cité en
premier le contentieux avec les clients (29,6 %), qu’ils soient
2.2.3. Patrimoine mauvais payeurs ou insatisfaits de la prestation. Viennent
Sur le plan patrimonial, plus de 50 % des TPE ne possèdent ni 8. En dehors de la phase de création ou de transmission, on peut, peut-être,
le terrain ni les bâtiments sur et dans lesquels elles exercent regretter, sur un plan juridique, le manque d’activités de conseil à la TPE.
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À noter que les TPE défaillantes sont plus souvent impliquées pour tenter de faire apparaître un ou des profils de TPE en diffi-
dans un contentieux clients que les autres, que les problèmes cultés, nous avons choisi de les confronter à des entreprises
extra-professionnels touchent presque exclusivement les saines.
premières alors que le contentieux fournisseurs ne touche pas Dans ce but, nous procédons selon deux étapes complémen-
plus une population qu’une autre. taires en utilisant des outils statistiques différents.
La première étape consiste à rechercher s’il existe des critères
de différenciation des deux populations de l’échantillon. La
2.2.6. Causes de difficultés seconde est plus précisément consacrée à la recherche de
profils.
En se limitant à la seule population des TPE en redressement
judiciaire, on peut classer les causes de difficultés en sept
catégories. 3.1. Critères de différenciation
Nombre de L’analyse factorielle des correspondances multiples est plus
CAUSES Fréquence
citations
particulièrement adaptée à l’étude des tableaux de contin-
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prise qui domine.
Toujours d’après le tableau des contributions, le 2e axe, moins
significatif, donc plus difficile à interpréter, serait plutôt carac-
térisé par le degré d’ouverture du capital aux tiers ou par
l’ancienneté des actifs immobilisés. En haut du graphe, se
trouvent les TPE dont le capital est ouvert aux tiers et dotées
d’immobilisations récentes, alors qu’au bas du graphe se
situeraient les TPE peu ou pas du tout ouvertes aux tiers ou
utilisant des immobilisations âgées.
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La projection des 230 individus sur ce plan confirme bien – Ancienneté des immobilisations
l’interprétation que l’on a pu faire supra du 1er axe du plan. En Si l’on projette ensuite les individus en fonction de la variable
effet, il apparaît nettement que les TPE saines sont dans leur « âge » des immobilisations (graphe 4), on s’aperçoit que la
très grande majorité situées à gauche du centre de l’axe 1 population des TPE dotées d’immobilisations récentes (foncé)
alors que celles qui sont en difficultés sont à droite, tout en est très dispersée tout en étant plus proche du sud du graphe,
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restant les unes et les autres proches du centre des axes, ce donc plutôt du côté des entreprises saines. Quant à celle des
qui explique la faiblesse des contributions. L’axe 1 opposerait entreprises dotées d’un appareil productif âgé (clair), elle est
donc bien les TPE saines aux TPE en difficultés. plus largement située au nord de la carte, donc plutôt proche
Cela signifie tout de même et fort heureusement, que des TPE en difficultés sans que cela soit systématique. On
l’ensemble des informations recueillies sur l’échantillon pourrait penser que cette relation varie avec le secteur d’acti-
permet de caractériser l’une et l’autre des populations des TPE vité, toutefois, le test de dépendance effectué ne le confirme
de notre échantillon. pas.
Il est évident que le pouvoir explicatif du second axe est
II. Axe 2 : ouverture du capital moindre et que cela se traduit par une certaine difficulté pour
Graphe 3. Position des TPE vis-à-vis de la variable « participation » de tiers au Graphe 4. Position des TPE vis-à-vis de la variable « âge » des immobilisations
capital
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l’interpréter. L’une comme l’autre des deux variables testées Entreprise défaillante Entreprise saine
contribuent à peu près également à son identification. Sur un
1. Dettes de trésorerie 1. Entreprise non endettée
plan analytique, l’une comme l’autre sont en position de
cohérence avec l’interprétation du 1er axe et nous fourniraient 2. Participation externe au
2. Entreprise surendettée
capital
ainsi deux profils distincts : d’un côté, les TPE saines ouvertes
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aux tiers et dotées d’un appareil de production récent, de 3. Insuffisance de gestion 3. Plus de 6 salariés
l’autre, des TPE en difficultés peu ouvertes aux tiers et dotées 4. Problèmes extra-professionnels 4. Conjoint avec statut
d’immobilisations anciennes. 5. Problèmes de remboursements 5. Immobilisations récentes
L’étude du tableau des contributions doit nous apporter des
6. Immobilisations âgées 6. Chiffre d’affaires élevé
informations complémentaires.
7. Chiffre d’affaires déclinant 7. Chiffre d’affaires croissant
8. Locataire habitation 8. Pas de dettes d’exploitation
3.1.3. Suggestion de profils de TPE 9. Pas d’insuffisance de
9. De 3 à 6 salariés
gestion
À partir du tableau des contributions (tableau 1) il est possible
10. Pas de participation unique
de mesurer la contribution d’une variable au pouvoir représen- 10. Pas d’enfant
de l’artisan
tatif d’un axe du graphe 1. Cependant, les liens mis en
11. Pas de participation externe
évidence n’indiquent pas nécessairement le sens de la causa- 11. Pas de dettes de trésorerie
au capital
lité. En effet, il est des variables qui sont à la source des diffi-
cultés de l’entreprise et d’autres qui en sont la conséquence 12. Pas de problème extra-
12. Dettes d’exploitation
professionnel
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Les autres variables telles que la taille du chiffre d’affaires de leurs fournisseurs. Il faut toutefois nuancer cette remarque
précédemment évoquée ne sont pas confirmées en tant que car les entreprises entrées dans une phase de redressement
variables caractéristiques. judiciaire voient leur passif d’exploitation bloqué.
La propriété des lieux d’exploitation n’est pas significative. En La situation du marché ne paraît pas être un critère de diffé-
revanche, l’importance de l’ancienneté des immobilisations renciation puisque l’on trouve plus de TPE saines sur un
comme facteur caractéristique de la TPE en difficultés est marché déclinant que de TPE en difficultés, stratégie de niche
confirmée. oblige. Il y en a même davantage des secondes sur des
Sur ce plan, les entreprises saines posséderaient générale- marchés croissants. Cela ne confirme pas, au niveau des TPE,
ment des immobilisations récentes. les résultats de l’étude de Lelogeais (2004)9 obtenus sur un
échantillon de PME.
III. Gouvernance En revanche, mais sans que cela soit un déterminant fort, on
rencontre plus de TPE en difficultés sur des secteurs d’activité
Ce qui est surtout notable et très significatif en matière de nouveaux que sur des secteurs traditionnels. Cela peut se
gouvernance c’est que 72 % des TPE saines ont leur capital comprendre dans la mesure où les TPE de l’artisanat ne sont
ouvert aux tiers (autres que le conjoint) alors qu’elles sont pas forcément dotées des ressources technologiques, finan-
seulement 17 % parmi celles qui sont défaillantes. La partici- cières, intellectuelles, logistiques pour se positionner avec
pation de tiers au capital peut être un facteur de succès ce qui succès sur des activités nouvelles.
gestion de la part de tiers qui les suivent dans leur gestion direct, du moins sur le plan local, alors que 63 % de celles qui
alors qu’aucune TPE saine n’en n’aurait souffert. sont en difficultés opèrent sur des marchés où la concurrence
est forte.
IV. Financement Ce résultat confirme à l’échelle de la TPE les travaux de
Hannan M.T., et Freeman J., (1989)10 selon lesquels il existe-
De manière très significative, la différence entre les deux rait une relation décroissante entre intensité concurrentielle et
catégories d’entreprises réside dans l’endettement de l’entre- probabilité de survie.
prise. La TPE saine est souvent non endettée (46 %) voire Le taux de croissance des ventes n’est pas un facteur perti-
endettée (54 %) mais jamais surendettée ; alors que la TPE en nent, la relation entre son évolution et la situation juridique de
difficultés est soit endettée (65 %) soit surendettée (34 %). l’entreprise n’étant pas significative.
Pour savoir si l’endettement est la cause ou la conséquence La technologie, à l’instar de la nouveauté du secteur d’activité,
de la défaillance, on peut relier le taux d’endettement de serait un facteur de différenciation significatif, mais plutôt
l’entreprise avec les incidents d’exploitation pouvant être à faible. En effet, sur les 25 entreprises de l’échantillon position-
l’origine de difficultés. nées sur des technologies nouvelles, 17 sont en difficultés.
Il ressort des tests de dépendance un lien très étroit et signi- Cela va à contresens des résultats de Lelogeais L., (2004)11
ficatif entre l’insuffisance de gestion du dirigeant et la situa- qui constate que les turbulences technologiques ne consti-
tion de surendettement, de même pour les problèmes extra- tuent pas un élément explicatif de la défaillance.
professionnels et le surendettement. Le contentieux Pour résumer, sur le plan stratégique, l’intensité concurren-
fournisseurs est également significatif mais cela est pour tielle serait un facteur de différenciation fort, la technologie et
partie dû à la situation juridique de l’entreprise (blocage des le degré de nouveauté du secteur seraient des facteurs de
dettes). différenciation faibles.
Par conséquent on peut en inférer que l’endettement est plutôt
la conséquence de la défaillance que la cause même si c’est
un phénomène aggravant.
La structure des dettes est aussi un élément caractéristique 9. Lelogeais L. (2004), Le rôle des variables qualitatives dans la détection
des deux populations. Les TPE en difficultés sont endettées à précoce du risque de défaillance. 13e Conférence de l’AIMS. Normandie. 2,3 et
4 juin.
très court terme auprès des banques (63 %) et auprès de leurs
10. Hannan M. T., Freeman J. (1989), Organizational ecology. Cambridge Mass. :
fournisseurs (81 %) alors que les autres n’ont pas de dettes Harvard University Press.
de trésorerie et peu d’entre elles (21 %) sont endettées auprès 11. Op. cit. page 19.
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I. Sur le plan personnel CRITÈRES FAIBLE FORT
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familiales, ne pas rencontrer de problème extra-professionnel L’entrepreneur qui réussit se caractérise par une certaine
et ne pas être endetté à titre personnel, et, à la fois, se situer rigueur tant sur le plan de la gestion que sur le plan « moral ».
dans le secteur des services, sur un marché où la concurrence Sa rigueur de gestionnaire l’amène à faire un choix stratégique
n’est pas exacerbée, avoir des immobilisations récentes, un de marché de produits ou services et à mettre en œuvre des
capital ouvert aux tiers même si l’on perd en indépendance et outils simples de suivi. Son environnement familial est un
ne pas être trop endetté au titre de l’entreprise. élément important de la réussite de son entreprise même si ce
Cependant, même s’il y a de la vraisemblance dans ces n’est pas une condition exclusive. L’entrepreneur (l’entreprise)
portraits, on se gardera bien d’affirmer une telle chose tant les en échec est tout le contraire.
situations sont disparates. Par ailleurs, certains biais métho-
dologiques peuvent fausser l’analyse. Toutefois, certains résul- 14. En caractères gras apparaissent les caractéristiques fortes.
tats corroborent des études antérieures.
Bibliographie
Conclusion CRML-INSEE Limousin. Tableau de Bord de l’Ar tisanat
Limousin. 200)
Cette recherche n’échappe pas aux biais que comporte toute CRML-INSEE Limousin. Tableau de bord de l’Ar tisanat
analyse typologique et qui tiennent à la méthodologie appli- Limousin. 2004
quée, à l’imperméabilité des types recensés qui ne résiste pas Hannan M. T., Freeman J., Organizational ecology. Cambridge
toujours à la validation empirique, à la qualité des relations Mass. : Harvard University Press. 1989
établies. INSEE-CONJONCTURE : Informations rapides. 18 mars 2005 –
Cependant, notre étude présente un certain nombre d’atouts n° 88, page 4.
tels que la prise en compte de variables qualitatives tenant à Lelogeais L., Le rôle des variables qualitatives dans la détec-
la personne du dirigeant et le partenariat actif avec un établis- tion précoce du risque de défaillance. 13e Conférence de
sement consulaire spécialisé dans l’artisanat. l’AIMS. Normandie. 2, 3 et 4 juin 2004.
Pour ces deux raisons, les résultats obtenus sont intéressants Marchesnay Michel, La mercatique de la petite entreprise.
même s’il est sans doute indispensable de les approfondir en Revue Internationale P.M.E., vol 1, N° 3-4, 1988, page 262.
recourant par exemple aux outils des sciences du comporte- Verstraete Thierry, Proposition d’un cadre théorique pour la
ment. recherche en entrepreneuriat. Éditions de l’ADREG 2003.
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