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Center for epidemiologic studies depression scale

CES-D
J.P. Lépine

Auto-évaluation
Echelle d'intensité

Résumé
Échelle d'auto-évaluation de la symptomatologie dépressive composée de 20 items, la
CES-D a été développée aux Etats-Unis par des chercheurs du NIMH. Conçue pour une
utilisation dans des enquêtes épidémiologiques, elle n'est pas un instrument d'évaluation
clinique. Elle peut cependant servir d'instrument de dépistage, posant alors le problème de
la définition d'une note-seuil. Cette échelle a fait l'objet de travaux français de validation.

Introduction
L'échelle CES-D est un auto-questionnaire structuré de 20 items qui a été développé aux
Etats-Unis par Radloff (1977). Il connaît une large utilisation dans des enquêtes
épidémiologiques en population générale, mais également comme instrument clinique de
dépistage de la symptomatologie dépressive dans des populations de patients les plus
variées. Ses objectifs s'avèrent donc très similaires à ceux du General Health
Questionnaire (GHQ) de Goldberg, instrument qui a été davantage utilisé dans les études
Européennes ou dans des pays de culture fort différente. Il convient également de
souligner que cette échelle a fait l'objet d'études françaises, conduites par Führer et
Rouillon (1989) qui ont réalisé des études de validation chez des sujets consultant en
médecine générale et chez des patients hospitalisés ou consultant en psychiatrie.

Historique et présentation
L'échelle CES-D a été mise au point par les chercheurs du Centre d'Etudes
Epidémiologiques du National Institute of Mental Health afin de réaliser des études
épidémiologiques de la symptomatologie dépressive en population générale. Sa finalité ne
consiste donc pas à discriminer les divers types de dépression ni la nature secondaire ou
primaire des états dépressifs. Son but est d'identifier la présence de la symptomatologie
dépressive et d'en évaluer la sévérité appréciée sur le nombre de symptômes pondéré par
leur fréquence et leur durée.

Mode de construction
L'objectif essentiel de la CES-D est d'évaluer le niveau actuel de la symptomatologie
dépressive et particulièrement celui de l'humeur dépressive. Le choix des items repose sur
les données publiées de la validité de certains symptômes et englobe l'humeur
dépressive, les sentiments de culpabilité, d'impuissance et de désespoir, le ralentissement
psychomoteur, la perte d'appétit et les troubles du sommeil. Quatre items sont présentés
sous une forme positive afin de rompre l'uniformité de l'échelle et d'évaluer les affects
positifs (ou leur absence). L'échelle évalue l'état actuel et est sensible aux changements
de l'état thymique du sujet en lui demandant la fréquence de survenue des symptômes au
cours de la semaine écoulée selon une gradation en 4 points : jamais ou très rarement

-1-
(moins d'un jour), occasionnellement (1 à 2 jours), assez souvent (3 à 4 jours) et
fréquemment (5 à 7 jours).

Etudes de validation
Les premières études de terrain ont été réalisées dans le cadre des enquêtes du
programme CMHA (Community Mental Health Assessment) dans le Comté de Washington
et à Kansas City en 1971-1973. Les scores moyens dans ces études étaient de 7,80 et de
9,92 (écart type 7,50 et 9,31). Un seuil de 16 correspondait approximativement au 80e
percentile de l'échantillon de ces populations.
La consistance interne de l'échelle est élevée (coefficient alpha 0,85). Comme cela est
prévisible avec des échelles sensibles à l'état dépressif actuel, les corrélations test-retest
sont moins élevées, mais cependant de l'ordre de 0,45 à 0,70, et diminuent avec
l'allongement de la période de temps séparant les deux passations.
L'analyse factorielle de l'échelle retrouve quatre facteurs dont les valeurs propres sont
supérieures à 1 et qui rendent compte de 48 % de la variance totale. Après rotation
varimax et en retenant les items qui ont un poids supérieur à 0,40 sur les différents
facteurs, on retrouve les facteurs suivants : 1) Affect Dépressif (environ 16 % de la
variance) : cafard - déprimé - seul - crises de larmes - triste, 2) Affect Positif : aussi bien
que les autres - confiant en l'avenir - heureux - profitant de la vie, 3) Facteur Somatique/
végétatif et Ralentissement de l'activité : contrarié - manque d'appétit - effort - sommeil -
manque d'entrain et 4) Interpersonnel : hostilité des autres - les gens ne m'aiment pas.
Compte tenu de la consistance interne élevée, il existe un chevauchement important de
ces facteurs.
Plusieurs études ont analysé la validité concourante de la CES-D.
Comparativement à d'autres échelles de dépression, donc au plan dimensionnel, les
corrélations sont satisfaisantes. Dans l'étude de Weissman et al., (1977), les corrélations
de la CES-D avec la sous-échelle de dépression de la SCL-90 étaient, selon les groupes
de patients, de 0,73 à 0,89, avec l'échelle de Hamilton de 0,49 à 0,85 et de 0,28 à 0,79
avec l'échelle de Raskin. Dans une autre étude portant sur des déprimés ambulatoires,
Weissman et al., (1975) ont retrouvé une corrélation de 0,72 avec l'échelle de Zung et de
0,52 avec l'échelle de Beck avant traitement et, respectivement, de 0,90 et 0,81 en fin de
traitement.
Dans une enquête entreprise à New-Haven et comparant la CES-D aux diagnostics RDC
de dépression portés à l'issue d'un entretien réalisé avec la Schedule for Affective
Disorders and Schizophrenia (SADS), Myers et Weissman (1980), retenant une note seuil
de 16, ont retrouvé un taux de faux positifs de 6,1 % et un taux de faux négatifs de 36,4
%. Roberts et Vernon (1983) ont noté des chiffres plus élevés : faux positifs 16, 6 % et
faux négatifs 40 %, toujours avec une note seuil de 16. Dans une étude faite dans le
comté d'Alameda, Boyd et al., (1982), reprenant les résultats de l'étude de New-Haven,
ont analysé les divergences entre les scores de la CES-D et les diagnostics cliniques.
Parmi les 8 cas de faux négatifs, trois sujets avaient de sérieuses difficultés à remplir cet
auto-questionnaire, quatre montraient une nette tendance à dénier les symptômes, même
lors de l'entretien clinique et le dernier semblait considérer l'épisode actuel comme très
transitoire et était persuadé d'aller rapidement beaucoup mieux. Parmi les 28 faux positifs,
quinze présentaient des symptômes dépressifs qui ne remplissaient pas les critères RDC
de dépression majeure, cinq semblaient déprimés à l'enquêteur mais déniaient toute
dépression lors de l'entretien clinique, et sept sujets non déprimés selon la SADS
recevaient un autre diagnostic.
-2-
Quelle note-seuil retenir ?
Comme nous l'avons vu, Radloff a proposé une note de 16 ou plus et ce score a été
retenu dans la grande majorité des études. Cependant plusieurs auteurs estiment que ce
score est trop bas.
Husaini et Neff (1980) ont suggéré de retenir un seuil de 17 et plus pour définir les cas
possibles et de 23 et plus pour les cas probables.
Dans des travaux de validation de la version française de cette échelle, Führer et Rouillon
(1989) suggèrent de retenir une note-seuil de 17 pour les hommes et de 23 pour les
femmes. Si l'on adopte ces scores, la sensibilité est de 0,76 et la spécificité de 0,71.

Mode de passation
Les premières enquêtes ont utilisé la CES-D avec des enquêteurs non cliniciens posant
donc les questions au sujet et lui montrant sur une carte la fréquence des symptômes. La
plupart des études ont utilisé cette échelle en auto-évaluation. Pour certains, malgré sa
facilité, une telle méthode serait susceptible d'entraîner davantage d'erreurs, dues
notamment aux quatre items positifs. L'échelle a également été utilisée lors d'entretiens
téléphoniques.

Cotation
Chaque réponse est cotée de 0 à 3 sur une échelle évaluant la fréquence de survenue du
symptôme au cours de la semaine écoulée. Cette fréquence est appréciée, à la fois par un
adverbe la qualifiant, mais également par une estimation du nombre de jours au cours de
la semaine durant lesquels le sujet a ressenti le symptôme. La cotation des items positifs
est inversée. L'intervalle des notes possibles s'étend donc de 0 à 60, les scores les plus
élevés correspondant à la présence d'une symptomatologie plus sévère. (Exemple : J'ai
été confiant en l'avenir : jamais = 3, occasionnellement = 2, assez souvent = 1, tout le
temps = 0).

Applications
La CES-D est avant tout destinée à des études épidémiologiques réalisées en population
générale ou dans des groupes de sujets consultant dans des services de santé les plus
divers. Comme tout instrument d'auto-évaluation, elle permet de conduire aisément des
études sur des groupes importants de sujets, d'évaluer l'intensité de la symptomatologie
dépressive et de rechercher des corrélations entre ces manifestations et d'autres variables
quantitatives ou qualitatives tels certains facteurs socio-démographiques, l'influence des
événements de vie, du réseau et du soutien social. Les nombreux travaux publiés, qui ont
utilisé cette échelle, autorisent surtout des comparaisons entre les différentes études.
La CES-D n'est pas un instrument d'évaluation clinique et ne doit donc pas être utilisée
dans des travaux de recherche clinique ou thérapeutique visant à apprécier les
changements d'état des patients.

Intérêts-limites
Cet instrument d'auto-évaluation est aisé à remplir par des sujets de niveaux culturels
variés. De plus, il a été testé dans des populations très diverses (populations générales,

-3-
patients présentant des affections somatiques) et dans des tranches d'âge également les
plus larges (adulte, adolescent, sujet âgé). Il existe une version adaptée à l'enfant.
Tout comme le GHQ, son intérêt réside essentiellement dans une approche
dimensionnelle de la symptomatologie du sujet au moment même où il remplit ce
questionnaire. Plus qu'un indicateur des symptômes dépressifs, il évalue un indice de
souffrance générale et mesure des variables d'état, ne renseignant que peu sur les
manifestations de trait et encore moins sur le degré transitoire ou non des éléments
psychopathologiques. Il n'évalue en aucune manière les manifestations pathologiques
plus anciennes.
Si l'on désire l'utiliser dans une perspective davantage catégorielle, le problème de la
note-seuil à retenir pour la définition du cas n'offre pas de solution univoque. Selon nous,
sa détermination devrait faire l'objet d'études préalables de validation au sein de la
population que l'on désire étudier. Dans un second temps, l'échelle peut être utilisée
comme instrument de dépistage - par exemple, dans une stratégie d'étude en deux
phases : CES-D chez tous les sujets puis évaluation clinique plus complète chez ceux
ayant un score supérieur à une note-seuil prédéterminée.
Nous rappellerons enfin qu'à ce jour, des travaux de validation ont été réalisés en France
et sont en cours de publication.

Bibliographie
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Epidemiologic Studies-Depression Scale), Psychiatrie et Psychobiologie, 1989, 4,
163-166.

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in rural communities : Validating the CES-D Scale J. Community Psychol, 1980, 8, 20-27
(in Radloff LS et Locke BZ 1986).
MYERS J.K., WEISSMAN M.M. Use of a self-report symptom scale to detect depression in
a community sample, American journal of Psychiatry, 1980, 137, 1081-1083.

RADLOFF L.S. The CES-D scale : A self report depression scale for research in the
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WEISSMAN M.M., PRUSOFF B.A., NEWBERRY P. Comparison of the CES-D with


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University, Contract ASH, 74-166, National Institute of Mental Health (in Radloff L.S. et
Locke B.Z. 1986).

-4-
WEISSMAN M.M., SHOLOMKAS D., POTTENGER M., PRUSOFF B.A., LOCKE B.Z.
Assessing depressive symptoms in five psychiatric populations : A validation study
American Journal of Epidemiology, 1977, 106, 203-214.

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CENTER FOR EPIDEMIOLOGIC STUDIES DEPRESSION SCALE
CES-D
RADLOFF L.S., 1977
Traduction française : R. FÜHRER et F. ROUILLON

Outil d’évaluation
NOM :
PRENOM :
SEXE : AGE : DATE :

0 ❑ Jamais ; très rarement (moins d'un jour)


1 ❑ Occasionnellement (1 à 2 jours)
2 ❑ Assez souvent (3 à 4 jours)
3 ❑ Fréquemment ; tout le temps (5 à 7 jours)

Durant la semaine écoulée : (mettez une réponse pour chaque ligne)


J'ai été contrarié(e) par des choses qui d'habitude ne me dérangent pas
❑ ❑ ❑ ❑
Jamais ; très rarement occasionnellement assez souvent fréquemment ; tout le temps

Je n'ai pas eu envie de manger, j'ai manqué d'appétit


❑ ❑ ❑ ❑
Jamais ; très rarement occasionnellement assez souvent fréquemment ; tout le temps

J'ai eu l'impression que je ne pouvais pas sortir du cafard, même avec l'aide de ma famille et de mes amis
❑ ❑ ❑ ❑
Jamais ; très rarement occasionnellement assez souvent fréquemment ; tout le temps

J'ai eu le sentiment d'être aussi bien que les autres


❑ ❑ ❑ ❑
Jamais ; très rarement occasionnellement assez souvent fréquemment ; tout le temps

J'ai eu du mal à me concentrer sur ce que je faisais


❑ ❑ ❑ ❑
Jamais ; très rarement occasionnellement assez souvent fréquemment ; tout le temps

Je me suis senti(e) déprimé(e)


❑ ❑ ❑ ❑
Jamais ; très rarement occasionnellement assez souvent fréquemment ; tout le temps

J'ai eu l'impression que toute action me demandait un effort


❑ ❑ ❑ ❑
Jamais ; très rarement occasionnellement assez souvent fréquemment ; tout le temps

-6-
Éval. Clin. Stand. J.D. Guelfi et al., P.F. 92
J'ai été confiant(e) en l'avenir
❑ ❑ ❑ ❑
Jamais ; très rarement occasionnellement assez souvent fréquemment ; tout le temps

J'ai pensé que ma vie était un échec


❑ ❑ ❑ ❑
Jamais ; très rarement occasionnellement assez souvent fréquemment ; tout le temps

Je me suis senti(e) craintif(ve)


❑ ❑ ❑ ❑
Jamais ; très rarement occasionnellement assez souvent fréquemment ; tout le temps

Mon sommeil n'a pas été bon


❑ ❑ ❑ ❑
Jamais ; très rarement occasionnellement assez souvent fréquemment ; tout le temps

J'ai été heureux(se)


❑ ❑ ❑ ❑
Jamais ; très rarement occasionnellement assez souvent fréquemment ; tout le temps

J'ai parlé moins que d'habitude


❑ ❑ ❑ ❑
Jamais ; très rarement occasionnellement assez souvent fréquemment ; tout le temps

Je me suis senti(e) seul(e)


❑ ❑ ❑ ❑
Jamais ; très rarement occasionnellement assez souvent fréquemment ; tout le temps

Les autres ont été hostiles envers moi


❑ ❑ ❑ ❑
Jamais ; très rarement occasionnellement assez souvent fréquemment ; tout le temps

J'ai profité de la vie


❑ ❑ ❑ ❑
Jamais ; très rarement occasionnellement assez souvent fréquemment ; tout le temps

J'ai eu des crises de larmes


❑ ❑ ❑ ❑
Jamais ; très rarement occasionnellement assez souvent fréquemment ; tout le temps

Je me suis senti(e) triste


❑ ❑ ❑ ❑
Jamais ; très rarement occasionnellement assez souvent fréquemment ; tout le temps

J'ai eu l'impression que les gens ne m'aimaient pas


❑ ❑ ❑ ❑
Jamais ; très rarement occasionnellement assez souvent fréquemment ; tout le temps
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Éval. Clin. Stand. J.D. Guelfi et al., P.F. 92
J'ai manqué d'entrain
❑ ❑ ❑ ❑
Jamais ; très rarement occasionnellement assez souvent fréquemment ; tout le temps

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Éval. Clin. Stand. J.D. Guelfi et al., P.F. 92

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