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Jouanny, Robert A.

, introduction au
Ventre de Paris d'Émile Zola,
GF Flammarion (isbn 2080702463).

Le Ventre de Paris ne figure pas dans la première liste


de romans projetés, qui fut à l'origine du cycle des Rou­
gon-Macquart; c'est seulement vers 1872 que, dans une
liste complémentaire, Zola mentionne : « Le Ventre. -
Lisa. » La rédaction du roman fut entreprise aussitôt
après la publication de la Curée et l'on pourrait croire que,
venant interrompre, peu s'en faut, l'histoire à peine
commencée des Rougon-Macquart, il • témoigne d'une
inspiration nouvelle qui se serait subitement imposée au
romancier. Les Goncourt semblent l'avoir admis :.
« Aujourd'hui, Zola déjeune chez moi... Tout en taillant
une pièce dans Thérèse Raquin, il est dans le moment en
train de chercher un roman sur les Halles, tenté de peindre
le planrureux de ce monde» (3 juin 1872). Il est vrai que
l'intense travail de documentation accompli par Zola
durant les mois suivants donnerait crédit à cette hypo­
thèse si le Ventre de Paris était uniquement un « roman
sur les Halles »; mais il y a dans ce livre beaucoup plus
que les lyriques catalogues de légumes ou de poissons
généralement retenus par les auteurs de morceaux choisis,
et ces catalogues eux-mêmes sont loin de constituer de
simples exercices de description naturaliste.
Chaque roman de Zola naît d'une nécessité intérieure;
il exprime tout un monde d'idées, d'images, d'aspirations
secrètes qui, après avoir longtemps et confusément obsédé
le romancier, se trouvent soudain associées et mises en
lumière par le jeu toujours un peu involontaire de l'in­
vention romanesque. Le Ventre de Paris témoigne tout
particulièrement de cc cheminement obscur, dont le
16 LE VENTRE DE PARIS

dynamisme vient s'associer un jour, dans le cadre d'un


roman, à une documentation u scientifique». « Vous savez
commentje procède.J'ai tout d'abord l'idée d'un münde dans
lequel mon roman doit se passer; je cherche et je trouve
ensuite une intrigue... Quand j'ai composé la maquette, le
« monstre 11, je me préoccupe des documents; je les recherche
avec soin», écrit Zola dans le dossier préparatoire de la
Bête humaine. La genèse du Ventre de Paris ne fut guère
différente et, en dépit de ses aspects disparates, ce livre
répondit bien à une semblable convergence d'idées direc­
trices vers une nécessaire mise en œuvre romanesque.
Il y a bien, sans doute, à l'origine du livre, une obser­
vation des Halles, dont la poésie réaliste avait été notée
par Zola, à plusieurs reprises; la promenade matinale
décrite dans la Tribune du 17 octobre 1869 est la plus
significative :
u J'ai suivi la file démesurée de ces charrettes qui m'ont
conduic aux Halles... J'ai entrevu, dans la clarté pâle, des
tas rouges de viande, des paniers de poissons qui luisaient
avec des éclairs d'argent, des montagnes de légumes piquant
l'ombre de taches blanches et vertes.
Et comme je regardais la grande orgie se préparer, j'ai
aperçu dans un coin sombre une foule qui s'agitait sinistre­
ment. Les lanternes jetaient une lumière jaune sur cette
foule. Des enfants, des femmes, des hommes fouillaient à
pleines mains dans de larges tas noirâtres qui traînaient sur
le sol. J'ai pensé que c'étaient là des débris de viande qu'on
vendait au rabais et sur lesquels se prlcipitaient les pauvres
gens.
Je me suis approché. Ces tas de dlbris de viande ltaient
des tas de violettes. Toute la poésie fleurie des rues de Paris
traînait sur ce trottoir boueux, au milieu des mangeailles de
la Halle.»
Cette vision d'un univers à part, dans lequel se mêlaient
curieusement réalisme et poésie, ne cessa de hanter Zola;
elle allait lui fournir la motivation, en même temps que le
cadre et la figuration de son roman; mais elle ne pouvait,
à elle seule, en constituer la matière. Les idées ne man­
quaient pas au romancier pour enrichir ce thème initial,
pour faire de ce qui n'avait été jusqu'alors que le sujet de
INTRODUCTION 17
chroniques colorées, un microcosme grouillant et signi­
ficatif, à l'image de la vie. Le hasard des circonstances fit
que cc thème des Halles se trouva associé à des thèmes
auxquels, à première we, rien ne !'apparentait
La Commune encore toute proche avait plongé Zola
dans un profond désarroi; bien qu'il fût porté vers la
gauche par ses sympathies personnelles, il s'était rangé du
côté d'un pouvoir légitime dont il méprisait les représen­
tants, et il avait déploré que les proclamations des Fédérés
fussent plus bavardes et aventurières que ne l'aurait
mérité le sombre courage des ouvriers; aussi la répression
de 1871 le trouva-t-elle enclin à la clémence et profondé­
ment meurtri par le spectacle hallucinant de la tuerie :
u O le lugubre charnier... Non jamais pareil cauchemar n'a
secoué un peuple, l'imagination des poètes les plus sombres
est pauvre à côté de cette réalité... » (le Sémaphore,
28 mai 1871). Les images sanglantes qui, dans le roman,
obsèdent Florent de façon presque morbide trouvent sans
doute leur origine dans le choc émotif ressenti par le
romancier; ainsi s'explique également la présence, dans
le Ventre de Paris, d'une étrange faune de révolution­
naires et d'opposants au régime, faite d'idéalistes naïfs et
dangereux pour leur propre cause, d'êtres sectaires, aveu­
glés par l'esprit de démesure, ou bien d'un marais de
lâches et d'indicateurs de police; ainsi, l'importance
accordée à la déportation de Florent, une vieille histoire
qui est redevenue un fait d'actualité. Si au thème des
Halles vient se juxtaposer le thème politique de l'idéa­
lisme inefficace et de la société sournoisement policière,
c'est assurément parce que Zola, en 1872, se sentait
accablé par un sentiment d'oppression morale devant les
tristes réalités de l'histoire contemporaine : u on doute de
soi et des autres, on voudrait remonter à la terrible consciena·
des responsabilités » (le Sémaphore, 15 novembre 1872).
Le passage du thème historique - l'Empire et les
opposants - au thème social et moral - les Gras et les
Maigres - se fait aisément si l'on songe à ce besoin de
comprendre, à cette recherche des responsabilités. La
Curée avait déjà d'une certaine façon répondu à cette
interrogation; mais la réponse était partielle et le cas de
18 LE VENTRE DE PARIS
Saccard trop exceptionnel, trop démesuré pour être
vraiment significatif. Son « appétit nerveux du million »
(47) 1 pouvait illustrer la fantastique griserie d'une bour­
geoisie en train de parvenir, mais non expliquer la placide
adhésion des classes aisées; c'est sur « le sieur Charrier »
et sur u le sieur Mignon », silhouettes d'entrepreneurs à
peine entrevues dans la Curée et préfigurant la bourgeoisie
des « honnêtes gens », que reposait en réalité la société
impériale (et versaillaise), plutôt que sur les vertigineuses
acrobaties d'un Saccard : « non pas l'éréthisme fou de Sac­
card lancé à la chasse des millions, les voluptés cuisantes
de l'agio, de la danse formidable des écus; mais le contente­
ment large et solide de la faim, la bête broyant le foin au
râtelier, la bourgeoisie appuyant sourdement l'Empire » (47).
Secrètement irrité par la triomphante permanence, après
la chute de l'Empire, de l'égoïsme bourgeois, poussé par
sa complexion nerveuse aux mises en accusation violentes,
Zola a poursuivi dans le Ventre de Paris le dessein qu'il
avait formé dans la Curée : « donner une idée de l'effroyable
bourbier dans lequel la France se noyait » (la Cloche,
15 novembre 1871); le Ventre de Paris se situe donc dans
le prolongement affectif et moral de la Curée : analyse
méthodique complétant la description d'un cas extrême,
deuxième chapitre d'une étude sur le comportement des
classes possédantes dans la société du second Empire;
après la spéculation éhontée, la sérénité des « honnêtes
gens »; après la peinture du mal sous sa forme éruptive,
le mal sous sa forme sournoise, insidieuse, presque rassu­
rante.
cc
Donc, j'appuie surtout sur la place de l'œuvre dans la
série. Elle complète la Curée, elle est la curée des classes
moyennes, le rut à la nourriture grasse et à la belle digestion
tranquille[...] Au fond, même avachissement, même décom­
position morale et sociale [...] Le livre sera classé. Il fera
pendant à la Curée dans la série » (49-50).
Complémentaire de la Curée dans son propos social et
moral, le Ventre de Paris l'est également par son cadre :

I. Les nombres entre parentMses indiquent la page du dossier prf­


paratoire à laquelle: est cmpruntte la citation.
JNTRODUCTION 19
on y entend battre le pouls de ce Paris que Zola, après
en avoir fait le sujet de bien des chroniques, vient d'af­
fronter dans son dernier roman : Paris des beaux quar­
tiers, de l'île Saint-Louis, des chantiers de démolitions,
ville une et multiple dont la puissante diversité est pour
lui l'image même de la vie; il était naturel qu'après avoir
évoqué le Paris d'Haussmann, il accordât une place privi­
légiée à une autre grande réalisation contemporaine, à
l'œuvre de Baltard, à ce centre historique revu par les
- modernes, qui, à lui seul, contribuait à faire vivre la capi­
tale. Avec les Halles, avec le Ventre, l'évocation d'un
quartier pittoresque se trouve liée nécessairement, lour­
dement, dirent les délicats, au thème de l'appétit qui
animait les romans précédents. Le fil dir�cteur est trouvé :
ce qui était, au départ, un décor étrange-ou poétique se
hisse à la hauteur d'un symbole; d'une vision purement
esthétique, Zola en vient à une ample construction, riche
en intentions politiques, sociales, morales et esthétiques,
qui trouve son sens et sa raison d'être dans la pulsation
des Halles; il c< tient » son roman; des éléments conçus
séparément ont mûri dans l'esprit de !'écrivain, ont spon­
tanément convergé vers une unité dynamique; cela, par
le truchement des Halles. Zola peut passer du projet
descriptif, mais un peu vide de matière humaine, à
l'œuvre lourde de sens; reste maintenant à l'écrire, après
avoir fait une nécessaire mise au point :
« Le Ventre domine l'action, il est l'organe dirigeant [ ...]
Autour de l'action, les Halles grondent, avec leur appétit
éternel; elles jettent à Paris la nourriture à la pelle, pour
que la bête reste tranquille dans sa cage [...] Donc, j'ai
Cayenne, j'ai l'histoire d'un complot, j'ai une trahison, k
tout dans le cadre des Halles, de la bourgeoisie repue. C'est
une matière tr�s suffisante, et il me reste uniquem�t à cher­
cher les épisodes, les personnages épisodiques » (59-6o).
C'est alors qu'intervient la « méthode expérimentale » :
les notes, les rapports, les plans, les lectures, la recherche
des témoignages; deuxième phase de la genèse que l'on
peut suivre aisément grâce au volumineux dossier prépa­
ratoire déposé à la Bibliothèque nationale : 3 16 feuillets
d'une écriture fine et serrée, avec griffonnages, sur-
20 LE VENTRE DE PARIS
charges, voire fautes d'orthographe, qui montrent le
travail quotidien et hâtif de Zola durant plusieurs mois.
Bien que ces feuillets aient été reclassés a posteriori selon
un ordre qui n'est pas exactement celui de leur rédaction,
on peut constater que Zola, épuisant successivement les
divers centres d'intérêt, procéda de façon beaucoup plus
méthodique qu'il ne l'avait fait pour ses précédents
romans.
Double cheminement parallèle : la construction roma­
nesque et la documentation. A mesure que Zola progresse
dans cette dernière, l'ébauche initiale se modifie, des
épisodes se précisent, des personnages apparaissent, dis­
paraissent ou se transforment. Plus de cent pages per­
mettent de suivre ainsi l'évolution de ce qui, dans le
roman, est dû à l'invention de Zola. Ce sera avant tout le
roman de Lisa, car « le ventre est l'organe dirigeant et Lisa
dest le vencre » (1). Il importe donc de connaître son atti­
tude devant l'Etat (« la reconnaissance du ventre »), la
famille (elle u l'abandonne le jour où elle se sent compromise
par elle ») et le cercle de ses connaissances (elle « cajole
les heureux ») : « Je l'étudierai dans ces trois cas et je trou­
fierai là l'intrigue et les personnages secondaires » (53).
Mise à l'épreuve de Lisa qui explique en grande partie le
caractère statique du roman, composé surtout de tableaux
animés mais dépourvus d'action. Mais encore faut-il que
le romancier ait toujours présente à l'esprit la valeur de
« type » du personnage : « Je veux lui donner l'honnêteté
de sa classe, et montrer quels dessous formidables de lâcheté,
de cruauté il y a sous la chair calme d'une bourgeoise. C'est
tout un type que je grandirai. On ne me reprochera plus mes
femmes hystériques et j'aurai fait une « honnête femme »,
une femme chaste, économe, aimant son mari et ses en/ants,
tout à son foyer et qui sera socialement et moralement un
mauvais ange flétrissant et dissolvant tout ce qu'il touchera »
(49).
C'est à partir de cette idée de Lisa que s'ordonne le
roman, que Zola conçoit un mari faible, auquel elle fera
u commettre quelque grosse infamie », un frère évadé de
Cayenne, intellectuel idéaliste, victime toute désignée de
cette infamie, une conspiration dont les acteurs sont dessi-
INTRODUCTION 2I

nés avec plus de netteté que ne sont indiqués les objectifs.


Peu à peu les épisodes s'enchaînent, les comparses voient
leurs traits se préciser, jusqu'à cette série de portraits
(103-107) où chacun d'eux est caractérisé· en quelques
lignes, au physique et au moral, pour aboutir à cette liste
qui se trouve actuellement en tête du dossier et où appa­
raissent tous les personnages du roman : nom, prénom,
âge, adresse, une véritable « • concurrence à l'état
civit ».
• L'intérêt de ces pages réside également dans le dialogue
que Zola établit avec lui-même; le lecteur est témoin du
processus d'invention et d'élaboration : « J'ai besoin de...
Il faut que je... Je ferais peut-être bien de... Non, il faut
comprendre la chose autrement... » Suggestions qui,
retenues, permettent d'apprécier l'effet recherché ou le
sens véritable d'une scène :
« Sur un mot,faire deviner ce que je ne dis pas, et ce que je
dirai plus tard» ( 14).
« Enfin, la grande scène du boudin. La rendre typique.
La petite Pauline, le chat » (19).
cc Ma fermière, c'est la production en face des Lisa,- de�
Nanette [premier nom de Louise Méhudin], de la Hall
entière qui est la consommation. La production est saine t
noble, la consommation n'est souvent que l'indigestion >> (79):
et cette notation, encore, qui annonce l'Œuvre :
cc Poser [Claude] pour le cype fucur, selon le porirait de
C[ézanne] » (n1).
Passionnante découverte des rapports du romancier
avec son œuvre, et, parfois, des victoires remportées par
l'œuvre sur la volonté du romancier. Témoin les pro­
blèmes posés à Zola par deux personnages : Gervaise et
le 11 dieu de la Halle >•. Jusqu'au dernier moment, Gervaise
est destinée à jouer un· rôle dans le roman et Zola entend
ainsi renforcer les liens, au total fort lâches, du Ventre de
Paris avec l'histoire des Rougon-Macquart : cc cela prépa­
rera mon roman ouvrier » (61). Mais cette ouvrière ou mar­
chande des quatre-saisons, victime de cc quelque vilenie»
de Lisa, cesse de lui être utile à mesure que se précisent
la figure de Florent et le monde des commères moins liées
à l'intrigue; du projet initial, ne subsistera qu'une rapide
22 LE VENTRE DE PARIS
mention de son existence. Le destin du (( dieu de la Halle »
est différent; Zola concevait son livre comme une réplique
à Notre-Dame de Paris; dans cette perspective, il eut
d'abord l'idée d'une sorte de Quasimodo, non « le nain
romantique », mais ( le jeune garçon réaliste, - un gars de
tren te ans, taillé en pleine chair bien portante, fort beau,
sain, un peu brute. Il sera le dieu de la Halle, il en connaîtra
les coins les plus cachés, en aura fait son domaine, sa
chose, [...] en sera le génie familier » (62). La première idée
de (( Jacques Duval ,,, cette (( brute heureuse 11 qui éprouve
une passion platonique pour Lisa et se trouve engagé
dans plusieurs épisodes romanesques, se transforme pro­
gressivement : fils d'une marchande de poissons qui
encourage ses amours (64), puis orphelin et neveu d'une
poissonnière qui le tance vertement (70), il <c sera décidé­
ment un orphelin né dans la Halle ... Il faut que la figure se
détache en pleine fantaisie sur la autres figures réelles. Il
n'a donc pas de parents. C'est une création tombée des
fJOt2tes de la Halle » (75). Il y a loin de Jacques Duval à
Marjolin; tout un pan de la trame romanesque a disparu
au nom d'une plus grande vérité humaine et de la poésie;
Zola n'a conservé, par rapport au projet initial, que
l'extraordinaire familiarité du personnage avec les lieux et
le pitoyable sort final, tandis que l'épisode de u Théocrite
aux Halles », qui devait initialement conter les amours de
Claude et d'une petite marchande de violettes, unit Mar­
jolin et Cadine, dans un monde à eux, que le mélange de
réalisme familier et d'enfantine fraicheur dote d'une
poésie presque irréelle.
On trouverait dans l' 11 ébauche II bien d'autres trans­
formations comparables; faute de pouvoir les examiner ici
méthodiquement, nous nous bornerons à noter que la
plupart d'entre elles ont été dictées à Zola par un double
impératif : la recherche de l'efficacité, aux dépens des
éléments romanesques adventices et la soumission des
personnages au milieu, à ce cadre des Halles et du vieux
Paris, dont nombre d'entre eux sont comme des émana­
tions. Le document est en effet pour Zola un guide et une
fin, le cadre s'impose à lui comme à ses personnages et, en
retour, ces derniers ont pour rôle de donner vie et couleur
INTRODUCTION 23

à ce qui risquerait de n >être que fastidieuses compilations.


La deuxième partie du dossier préparatoire révèle
rampleur du travail de Zola; durant plusieurs mois, il a
lu, il a écouté, il a observé et il a noté tout ce qui pouvait,
de quelque façon que ce fût, lui être utile. Comme
Claude Lantier, il avait d'abord goOté le pittoresque
coloré des Halles, mais l'organisation interne du marché,
avec ses traditions et ses règlements surannés, lui était
inconnue. Le livre de Maxime Du Camp, Paris, ses
organes, ses fonctions et sa vie dans la seconde moitié du
XIX• siècle (t. II, 1870), fut peut-être sa première source
d'information scientifique; il lui doit seize pages de notes
diverses (histoire des Halles, fonctionnement des com­
merces, statistiques). Sa curiosité n>étant pas encore satis­
faite, il compléta sa documentation à l'aide de notes
manuscrites sur les différents employés des Halles
(inspecteurs, gardiens, porteurs, forts, etc.) que lui prêta
un chef de bureau de la préfecture de police, E. Mathieu
(217-222); à l'aide d'un rapport relatif à l'exploitation
(droits et charges) dft à Pelletier, directeur de l,admiois­
tration générale de la Ville de Paris (223-232), et enfin
grâce à deux ordonnances de la préf ecrure de police,
concernant les porteurs et la police des marchés publics,
dont il ajouta le texte imprimé au dossier manuscrit
(246-265). Documentation livresque aussi, sans doute,
les étonnantes énumérations de légUMes, de poissons, de
gibier, de volailles, de fruits, accompagnées, le plus sou­
vent, d'un calendrier de production et de notes descrip­
tives, que l'on retrouvera, à peine transposées, dans le
roman (152-157). De même, pour la partie historique, il
emprunta aux ouvrages de Taxile Delord (Histoire du
second Empire) et de Ch. Delescluze (De Paris à
Cayenne, journal d'un transporté) maints détails concer­
nant le coup d'État, le transfert des condamnés et surtout
la vie à Cayenne (201-215).
Mais Zola voulut également voir et entendre et on
l'imagine volontiers, un carnet de notes à la main, cir­
culant, l'œil fureteur, l'oreille aux aguets, dans tout le
quartier; il parcourt méthodiquement les rues avoisi­
nantes (134) et dresse un plan précis de ce dédale qui
24 LE VENTRE DE PARIS
demeure encore à peu près tel que l'ont façonné les
siècles; il s'arrête devant une boulangerie, rue Turbigo
(u4), devant un étalage de bijoutier (163); à tel ou tel
de ses personnages, il assi gne une maison, un lieu de
prédilection, un champ visuel, qu'il décrit; il pénètre
dans les Halles, établit une note sur chaque pavillon,
dresse à nouveau un plan d'ensemble, observe la vie de
chaque commerce (266 sqq.) : la poissonnerie, les fruits
et les fleurs, les légumes, la volaille et le gibier, le beurre,
le fromage et les œufs, la boucherie. Rien de ce monde
étrange ne doit lui demeurer mystérieux; il ne peut sup­
porter d'être le client de passage, étranger à la vie intime
des lieux; il passera donc une nuit aux Halles, vraisembla­
blement en octobre 1872 (u la criée qui commence en
octobre à sept heures... », note-t-il, p. 179); un autre jour,
il ira visiter les caves et les resserres, comme s'il espérait
découvrir dans ces endroits obscurs, interdits au profane,
on ne sait trop quel secret; de ces incursions, il rapporte
mille indications précises sur la vie des Halles, sur l'arri­
vée des maraichers (qu'un autre jour il ira guetter aux
portes de Paris), mais plus encore, des notations vivantes,
des cris, des gestes, des effets de couleur ou de lumière,
des impressions en un mot. L'artiste est alors au côté de
l'observateur. L'idée du roman à faire ne quitte jamais
Zola : il ne se contente pas de chercher un cadre pour son
intrigue, de noter en passant une anecdote qui lui servira
(l'histoire de l'homme mangé par les crabes, par exemple,
est empruntée au livre de Delescluze, 2.o6); il pose sur
toutes choses son regard myope d'artiste et dès cet instant,
le réel acquiert une nouvelle dimension. C'est un effet de
lumière sur les Halles :
cc Par ks btaux temps, des raits largts de solei, tnmbent
dans l'atmosphère grise des allées et font des nappes <"rr­
sur le terrain battu » (293).
C'est une sensation d'écrasement :
cc On n'entend rien, si ce n'est au-dessus le sourd frisson
des Halles. Le gaz brûle éternellement. Chaque cave a son
odeur propre. La lueur du jour de la sortie et le sentiment
qu'on éprouve [souligné par Zola] quand on sort 1> (302).
C'est la description de Saint-Eustache, dont on retrou-
INTRODUCTION 25

vera tous les éléments au début du chapitre V, transfor­


més par l'art de }'écrivain, mais transformés dans un sens
qu'annonçaient ces notes brutes :
11 La chapelle de la Vierge derrière le chœur. Très sombre;
'Oitraux sombres, où les rouges, les verts et les violets des
robes des personnages font des taches superbes. Dans ce
noir, quatre lustres à quatre lampes de cuivre pendent; une
fJei//euse brt2le ainsi que deux cierges. On aperçoit vaguement
au fond la statue de la Vierge. Les fidèles s'agenouillent
entre les énormes piliers dont le second rang passe derrière
le maître-autel.
A droite en entrant par la petite porte, brt2loir pour les
cierges. La femme préposée gratte la cire de temps à autre.
De l'autre côté de la chapelle de la Vierge, le tombeau
de Colbert.
Les bas-côtés sont peinturlurés à la byzantine. Très riches.
Les grilles des chapelles sont dorées. Seulement du côté de la
rue du Jour, les vitraux sont très simples. Du côté des Halles
au contraire ils sont très riches, clairs, gais avec des couleurs
tendres. - La nef est d'une nudité austère, d'une blancheur
de pierre, quand on la regarde des orgues, entre les richesses
peintes et les 'Oitraux des bas-côtés. La quatrième chapelle
à gauche en entrant par la petite porte s'appelle la chapelle
de sainte Agnès.
L'après-midi l'église silencieuse, on confesse, et l'on
entend le brouhaha des Halles, et surtout le roulement des
voitures à la pointe Saint-Eustache.
L'église a des calorifères » (144-145).
Au total, un tel dossier permet de voir à quel point Zola
tient à écarter de son œuvre à venir tout élément arb�
traire d'invention personnelle; personnages et cadre
composent avec lui, peu à peu, dans leur vérité durable.
Son propre travail de création originale commence à par­
tir du moment où tout un monde s'est animé dans son
esprit, un monde d'êtres réels qui, même s'ils sont nés de
son imagination, empruntent à des personnages entrevus
un geste, un regard, une parole, un domicile; un monde
qui, avant même d'avoir vu le jour, est venu se superposer
au monde dont le romancier s'est proprement imprégné.
On a remarqué qu'en dépit des intentions cycliques de
26 LB VENTRE DB PARIS
Zola, chacun de ses romans vit d'une vie autonome et
constitue un univers à part; cela provient de la méthode
même du romancier; sans doute demeure-t-il toujours le
meneur de jeu : l' « ébauche » témoigne de sa volonté de
n'être pas débordé par des personnages dont il ne se
sentirait pas responsable; mais il est des limites à son
pouvoir; elles tiennent au fait qu'il recourt d'abord à un
cadre réel, doté d'une vie tellement intense que peu à
peu il deviendra acteur ou symbole, sans que l'intelligence
du romancier ait eu à intervenir : son tempérament, son
regard ont suffi à découvrir dans le cadre le plus réaliste,
le plus sordide parfois, cette étincelle de vie qu'il n'aurait
pu faire jaillir de lui-même. u Ventre de Paris est, à cet
égard, particulièrement caractéristique.
Après cette minutieuse préparation, Zola écrivit son
roman en quelques semaines, durant l'automne 1872; il
était désormais maitre de son sujet et le premier jet
semble avoir été très proche de la version définitive. Il
eut quelque difficulté à trouver un journal qui acceptât
de le publier en feuilleton : la publication de la Curée
avait, en effet, entrainé la suspension de la Cloche; de
plus /e Corsaire, auquel le roman avait été promis, venait
d'être suspendu à son tour, à la suite d'un violent article
politique de Zola. Les grands quotidiens se souciaient
peu d'accueillir un aussi dangereux pensionnaire, encore
peu connu du grand public et déjà « fiché » par la police.
C'est finalement l'Etat, éphémère et discret substitut de
l(l Clocht, qui publia le Ventre de Paris, du 12 janvier
au 17 mars 1873, non sans pratiquer une prudente cen­
sure des scènes et des expressions les plus crues. Peu
après, le volume parut chez Charpentier, Zola venant
d'abandonner Lacroix, auquel il avait confié l'édition
des deux premiers volumes de la série. Il passa presque
inaperçu, les mentions hostiles ou ironiques l'emportant
de loin sur les éloges; la plupart des critiques se dirent
lassés par l'abondance des descriptions, dégofttés par la
profusion de détails réalistes : « aujourd'hui on nous
donne de la charcuterie, demain ce sera de la vidange »,
s'écria Barbey d'Aurevilly; ils furent incapables de saisir
INTRODUCTION 27

ce qui, dans l'inspiration de Zola, dépassait le simple et


prosaïque naturalisme : la poésie, l'élan lyrique, l'amour
de la vie sous toutes ses formes, les sourds règlements
de comptes, politiques et moraux. L'intérêt de ce roman
réside pourtant essentiellement dans la découverte des
intentions profondes de Zola, que les premiers lecteurs
étaient loin de soupçonner; dans une sorte de dépasse­
ment permanent de la réalité; dans un regard lucide et
critique qui se pose sur les hommes et sur les choses, avec
une ferveur que dissimule mal l'apparente objectivité;
dans une composition symphonique, riche et multiple,
qui, à chaque instant, débouche sur quelques-uns des
thèmes majeurs de la pensée de Zola. La génération
suivante, les Maupassant, les Huysmans, et autres
• impressionnistes surent mieux reconnaître le mérite du
.« poète ».
Que le Ventre de Paris soit une sorte d'exercice de
style naturaliste, le fait n'est pas douteux. Zola a voulu
écrire un roman des choses, prouver la richesse de sa
langue et de sa culture, faire étalage de ses connaissances
botaniques, zoologiques ou techniques récemment
acquises, de ses qualités d'artiste attentif aux nuances les
plus délicates. Le lecteur succombe vite sous « les paquets
d'épinards, les paquets d'oseille, les bouquets d'artichauts, les
entassements de haricots et de pois, les empilements de
romaines, liées d'un brin de paille [qui] chantaient toute la
gamme du vert, de la lague verte des cosses au gros vert des
feuilles; gamme soutenue qui allait en se mourant, jusqu'aux
panachures des pieds de célen·s et des bottes de poireaux ».
Il faut toute la fraîcheur d'âme d'un Claude Lantier pour
battre des mains au spectacle de « ces gredins de légumes » ,·
et voici encore que surviennent les cortèges de poissons,
de liqueurs, de fromages, voici surtout que nous péné­
trons au plus secret de la vie des Halles, et dans l'intimité
de la charcuterie, du producteur au consommateur, sans
qu'il nous soit fait grâce d'un seul détail : Zola en fait
trop, et si les variations sur des thèmes alimentaires
n'avaient d'autre but que d'attester sa virtuosité, elles
iraient bien au-delà du but visé; on en dira autant des
promenades à travers Paris, des panoramiques sur les
28 LE VENTRE DE PARIS
toits des Halles, des longues théories de maraîchers, de
toutes ces descriptions qui, dans tout autre roman, n'au­
raient pour effet que de ralentir insupportablement le
déroulement de l'action. Mais il serait mauvais juge de
l'art et du métier de Zola le lecteur qui s'en tiendrait à une
telle vision superficielle des choses. Comme dans cette
extraordinaire scène de la C urée où, dans la serre, toutes
les plantes maléfiques du monde semblent associer leurs
maléfices pour amener la chute de la nouvelle Phèdre,
dans le Ventre de Paris, Zola attribue aux choses un rôle
parfois évident (on songe à la symphonie des fromages ou
à la scène du boudin), parfois plus secret. Il n'est pas de
ceux qui, comme Céard, 11 ne cherchent le beau que dans
l'observation scrupuleuse, la grandeur que dans l'exacti­
tude à tout prix 11 (l'Arcisce, 23 novembre 1877) ; il l'a
montré en prenant bien des libertés avec l'histoire du
coup d'État ou des Halles elles-m!mes. Pour lui, les
choses sont beaucoup plus que cc qu'elles sont; il
l'avouera, comme une faute, dans son éloge de Flaubert :
« il dit les clwses et rien a u-delà des choses, tandis q ue nous
a utres, nous allons très souvent plus loin q ue les choses, po u r
a ugmenter nos effets, mettre nos personnages en l umière,
enlever un final à grand orchestre » (le Voltaire,
9 décembre 1879). Il est rare, en effet, que les descrip­
tions soient exclusivement objectives; elles sont faites de
sensations immédiates et de précisions topographiques
ou scientifiques juxtaposées; elles reflètent l'impression
sous sa forme originelle, puissante et brutale parfois : " il
entendait le long ro ulement q ui partait des Halles. Paris
mâchait les bo uchées à ses de ux millions d'habitants. C'était
comme un grand organe central battant furieusement, jetant
le sang de la flie dans to utes les veines. Br uir de mâchoires
colossales... » Inquiétante, aussi, à l'image de tel person­
nage difficile à saisir : 11 Ses bo uq uets ne plaisaient pas à
to ut le monde; ils faisaient so urire, et ils inq uiétaient par un
côté de naïveté cr uelle. Les ro uges y dominaient, co upés de
tons violents, de ble us, deja unes, de violets, d' un charme bar­
bare. » Le regard du romancier est différent de celui d'un
observateur scrupuleux; c,est plutôt celui d'un photo­
graphe (déjà!) qui construit un paysage tel que l'œil
INTRODUCTION 29
humain aurait peine à le percevoir : « C'étaient des
écha.ppées brusques, des architectures imprévues, le même
horizon s'offrant sans cesse sous des aspects divers [...]; on
et2t dit des profils de maisons et de palais superposés, une
baby/one de métal, d'une légèreté hindoue, traversée par des
terrasses suspendues, des couloirs aériens, des ponts volants
jetés sur le vide. » Quelques métaphores suffisent pour
que le décor réel se nuance d'irréel, voire de fantastique;
le thème de la mer, par exemple, est obsédant; la mer qui
engloutit : « La mer continuait à monter. Il l'avait sentie
à ses chevilles, puis à son ventre; elle menaçait, à cette heure,
de passer par-dessus sa tête. Aveuglé, noyé, les oreilles son­
nantes, l'estomac écrasé par tout ce qu'il avait vu, devinant
de nouvelles et incessantes profondeurs de nourriture, il
demanda grâce...»; la mer dont le calme n'est qu'apparent
et dont le grondement est évoqué par la houle des Halles :
11 les toitures des Halles [...] étaient comme des lacs endormis,
au milieu desquels le reflet furtif de quelque vitre allumait
la lueur argentée du flot. [...] Il jouissait du grand morceau
de ciel qu'il avait en face de lui, de cet immense développe­
ment des Halles, qui lui donnait, au milieu des rues étran­
glées de Paris, la vision vague d'un bord de mer, avec les
eaux mortes et ardoisées d'une baie à peine frissonnantes du
roulement lointain de la houle. » Ajoutons à cela que la
méthode descriptive de Zola relève de la technique
impressionniste : les jeux de lumière, la « furie de cou­
leurs 11 (Huysmans), le sens de la modernité et jusqu'à cet
éblouissement du détail qui fait que l'ensemble apparaît
· comme voilé; ce sont là, associés à des notations olfactives
et auditives interdites au peintre, des procédés qu'il
applique jusqu'à satiété dans ce 11 poème des nourritures ,,
(Maupassant) et qui contribuent précisément à faire de
lui un poème. Il est rare pourtant que Zola aille jusqu'à
l'admirable gratuité de la poésie qui trouve sa fin en
elle-même; il demeure sans doute trop intellectuel pour se
priver de la volupté pédagogique et savourer sans arrière­
pensée le « stupéfiant image »; un tel privilège sera réservé
à des êtres plus proches de la vérité instinctive, à un
Rivera, à un Asturias, chez qui le naturalisme ne se disso­
cie jamais d'un surréalisme. Il y a pourtant déjà une
30 LE VENTRE DE PARIS
forme de surréalisme dans cette étude de lumière : n Un
grand rayon entrait par le bout de la rue couverte, au
fond, trouant la masse des pavillons d'un portique de
lumière; et, battant la nappe des toitures, une pluie ardente
tombait. L'énorme charpente de fonte se noyait, bleuissait,
n'était plus qu'un profil sombre sur lesflammes d'incendie du
levant. En haut, une vitre s'allumait, une goutte de clarté
roulait jusqu'aux gouttières [...] Ce fut alors une cité tumul­
tueuse dans une poussière d'qr volante. » Mais de tels cas
sont rares et si Zola donne l'impression de dépasser le
réel lorsqu'il décrit les choses, ces descriptions ont une
fonction dans l'architecture du roman. L'invention de
Florent est, à cet égard, fort habile; le prisonnier évadé
est sans cesse convié à promener un regard neuf sur
Paris et sur les Halles • dès les premières pages, on pres­
sent que son histoire sera celle d'un malentendu : « la
cl,ère grande ville, tant regrettée, tant désirée [...] lui apparut
séfJère et œmme fâché de son rerour » ; tout au long du
roman, deux formes de réalité s'opposent : l'une, la
vraie, lui est comme un « rêfJe intolérable de nourritures
gigancesques », un rêve qw à la fin tournera au cauchemar;
l'autre, celle du souvenir, de l'idéalisme, de la beauté, se
dérobe sans cesse à lui; d'où, en schématisant un peu, les
séquences lourdement réalistes et leur ouverture inat­
tendue sur une certaine forme de poésie (on songe, par
exemple, à la devanture de la charcuterie présentée par
Claude); d'où aussi l'extdme curiosité de Florent d evant
ce monde qu'il ne connait pas et par lequel il a un moment
la tentation de se laisser assimiler; c'est dans la méditation
de Florent sur les toits des Halles, à la fin du chapitre V,
qu'apparaît le mieux l'opposition enue ces deux visages
du réel et que se consomme la rupture.
Chez Zola et particulièrement dans le Ventre de Paris
les choses sont, en effet, des signes. Signe, dès le d ébut,
l'interminable montée de Florent vers « ce sommet cou­
ronné de lumières » qu'il redoute de ne pouvoir atteindre;
signe, son étourdissement et son entrée « dans Paris,
évanoui, les denrs serrées, sur les carortes », A chaque
page Zola lance au lecteur une poignée d'images symbo­
liques, sur lesquelles il insiste assez pour q 1e leur inter-
INTRODUCTION . 31
prétation ne pose pas de problème. Les Halles sont le
Ventre et le Ventre, c'est la Vic; les Halles sont le sym­
bole d'une société soumise aux exigences du corps, tandis
que, dans les cathédrales, « nous n'avons personne à loger »
(« ceci tuera cela »); mais la nourriture, signe de vie, est
aussi signe de bassesse animale, voire de pourriture :
l'âme de Florent est bien près de s'y perdre, comme se
perd la dignité de mademoiselle Saget dans les rogatons
de l'Elysée. Zola ayant voulu « soumettre les êtres aux
choses », les choses donnent la clef des êtres et ceux-ci
sont comme des personnifications de leur quartier, de leur
boutique, de leurs biens, plutôt que des personnages dotés
d'une apparence physique et d'une existence psycholo­
gique : la face de Qucnu finit par rappeler le groin des
cochons ; Claire - ne se contente pas de répandre une
« odeur de frais », elle prend, à l'image de ses poissons « un
air tranquille de grande fille au sang glacé » ; Cadine ·n'est
pour .Marjolin « que violette, qu'une grande violette >1; quant
à Lisa, elle évoque << la fraîcheur des belles viandes ». C'est
auprès de madame François que Florent a la révélation
du lien profond qui s'établit entre les êtres et le cadre
dans lequel ils vivent : « Elle lui faisait l'effet d'une plante
saine et robuste, grandie ainsi que les ligumes dans le ter­
reau du potager ; tandis qu'il se souvenait des Lisa, des
Normandes, des belles filles des Halles comme de chairs
suspectes, parées à l'étalage. » Le personnage de Lisa est
particulièrement significatif : cette 11 belle face tranquille
de vache sacrée » se confond avec sa charcuterie, dans une
sorte de mimétisme qui n'est pas seulement physique :
cc Ce jour-là, elle avait une fraicheur superbe ; la blancheur
de son tablier et de ses manches continuait la blancheur des
plats, jusqu'à son cou gras, à ses joues rosées, où revivaient
les tons tendres des jambons et les pâleurs des graisses trans­
parentes. » Rarement, sans doute, scène aussi révélatrice
de l'assimilation de deux êtres aux biens matériels que
celle qui suit la découverte du magot de l'oncle Gra­
dellc : la seule vue de l'argent amoncelé sur le lit leur
tient lieu d'étreinte charnelle; l'argent se confond avec
la sexualité : cc Ce lit défait, avec tout cet argent, les accusait
d'une joie défendue, qu'ils avaient gof.Jtée, la porte close.
LB V!NTRB Da PARIS
LE VENTRE DE PARIS

Ce fut leur chute, à eux. Lisa, qui rattachait ses 'Vêtements


comme si elle avait fait le mal, alla chercher ses dix mille
francs [...] Quand elle l'eut serré [le magot] et qu'elle eut
refait le lit, ils descendirent paisiblement. Ils étaient mari
et femme. 11
Mais de telles correspondances n'ont pas pour seul
objet de dévoiler le secret des consciences en faisant le
tableau de l'univers particulier qui permet de les
comprendre; le propos de Zola est toujours celui d'un
moraliste et si, dans son œuvre, les choses sont signes,
elles sont surtout signes de la misère de l'homme sou­
mis à l'envahissement de la matière. Lisa et Florent
représentent deux réactions différentes de l'être humain
devant cet envahissement flaubertien. Chez Florent, la
montée de la mer des Halles menace de dissoudre l'être
tout entier; elle entraine d'abord un « détraquement lent,
un ennui tJague qui tourna à une 'lJÏtJe surexcitation ner­
tJeuse ,, ; la tentation du bonheur animal, du bonheur de
Mouton, le chat, finirait par être la plus forte sans un
concours de circonstances qui n'est peut-être qu'une réac­
tion de défense secrètement préparée par un organisme
social repu; la charcuterie et la charcutière reprendront
leur apparence florissante, un instant menacée par la
montée de la fièvre et Florent partira, au milieu de « la
boue de ces rues grasses ». Lisa représente, au contraire,
l'univers gras que rien ne doit troubler, pas même le sexe
et la montée d'un désir vite réprimé. Le seul juste point
est pour elle un juste milieu d'immobilité et non un jeu
de balance; son idéal, le refus de tout idéal et la volonté de
a vivre comme tout le monde ». De sa propre soumission
aux choses découle une philosophie d'un manichéisme
simpliste : « maintenant tout marche, tout se vend », et
quiconque essaie de s'opposer à cette stabilité écono­
mique (ne parlons pas de progrès, l'idée même en est
étrangère à Lisa) et à ce conformisme moral, voit cette
créature « douce » et " honnête >> se transformer en un
adversaire implacable; par contre, quelle solidarité de
race à l'égard de ceux qui ont abandonné un instant la
juste cause et qui s'en repentent, comme la Normande,
comme Florent, s'il le voulait bien! Nul cas de conscience
INTRODUCTION 33
dans ce cœur simple et droit : si l'homme est méprisé à
Cayenne, c'est qu'il était méprisable, un de ces « misé­
rables tout à /ait abandonnés )) qui sont capables de passer
« trois jours sans manger )) ; ce n'est pas un conseil, mais
une approbation que Lisa ira chercher à Saint-Eustache.
Elle est du parti des Gras> elle sait qu'elle doit avoir
horreur des Maigres. Cette opposition entre Gras et
Maigres qui est un leitmotiv du roman permet à Zola de
classer ses personnages et de les faire vivre en fonction
de cette sorte de prédestination; la continuité de leur
combat est le fil directeur du livre. Mais peut-on parler
de combat? A l'idéalisme inquiet des uns répond toujours
l'inébranlable certitude des autres. Inébranlable? il peut
arriver, sans doute, qu'un gras se fasse juger, comme 1
père Quenu, « trop gras, trop satis/ait, trop certain de tirt
de lui-même ses meilleures joies J>; qu'un maigre parvienn
à s'affirmer, à émouvoir le tempérament d'une grasse,
comme Florent émeut la belle Normande, à ébranler un
instant la société (ou à le croire); mais il ne s'agit que
d'une illusion momentanée et la chape de plomb de la
bonne conscience ne tarde pas à retomber sur le monde
satisfait des Halles:, tandis que les Gras s'étonnent peut­
être d'avoir été aussi nombreux à dénoncer aux autorités
l'élément perrurbateur. Il n'y a donc pas vraiment de
combat, mais un affrontement suivi d'une curée, l'accom­
plissement d'un rite social auquel participent avec
enthousiasme tous les êtres féroces et bêtes que l'on a vu
graviter, tout au long du roman, autour de Lisa. Sous
cette philosophie un peu courte, se . dessine le destin
tragique de l'homme, impuissant à jamais, dont toute
révolte est stérile : évident écho des récentes désillusions
politiques de Zola; de là, également, le caractère statique
du roman fait d'une suite de tableaux, sans véritable
action; de là cette montée d'écœurement, ce pessimisme
total vers lequel Zola semble vouloir acheminer le lecteur.
Quel réconfort pourrait-il suggérer, en effet, au Maigre
qu'il soupçonne en chacun de ses lecteurs? Nul recours
spirituel : les cathédrales sont vides et la visite à Saint­
Eustache montre assez dans quel camp Zola range
l'Eglise. La Révolution? la puérilité des rêves de Florent
34 LE VENTRE DE PARIS
témoigne des sentiments de Zola envers les échafau­
dages socialistes, u les utopies humanitaires que de grands
esprits, affolés par la chimère du bonheur universel ont
rêvées de nos jours » (la Fortune des Rougon) : rêves
d'inadapté en colère, rêves de revanche, rêves d'homme
seul qui ne trouve pour l'écouter que d'autres solitaires,
des faibles, des aigris et des indicateurs de police; Claude
est le porte-parole du romancier : 11 Laissez donc! vous
êtes un artiste dans fJotre genre, 'Vous rêvez politique; je
parie que vous passez des soirées ici, à regarder les étoiles,
en les prenant pour les bulletins de vote de l'infini... En.fin,
'VOUS vous chatouillez aflec vos idées de justice et de vérité. »
Seules émergent quelques individualités chaleureuses,
auxquelles va la sympathie de Zola; encore faut-il noter
que les deux principales, madame François et Claude, ont
jusqu'au dernier moment posé des problèmes au roman­
cier. La brave maraichère devait d'abord être un homme,
puis une femme qui aurait aimé Florent et auprès d e
laquelle il aurait vécu un certain temps; elle demeure à
part, « une brave femme » inclassable, u ni dans les Gras,
ni dans les Maigres », mais sans grande efficacité : elle
représente la fuite, le retour à un âge d'or dépassé, alors
que le problème de Florent est, au contraire, de retrouver
sa place dans Paris et dans la société des hommes. Claude,
de son côté, manque de consistance; sa genèse et son
intégration dans le roman furent difficiles; c'est un per­
sonnage qui apparemment pâtit d'être dans une situa­
tion intermédiaire, non encore protagoniste, mais destiné
à le devenir un jour. Il apporte l'ébauche d'une solution :
face à l'idéalisme de Florent qui, stérilement, refuse tout,
l'acceptation esthétique; il surmonte l'horreur de la
matière, domine le raz de marée des Halles, oublie le
monde réel au profit d'une reconstruction artistique :
c< Claude, en ce moment-là, ne songeait même pas que ces

belles choses se mangeaient. Il les aimait pour leur cou­


leur. » Son rôle n'est pas seulement de justifier les
longues descriptions impressionnistes qu'aime Zola; il a
pour mission de rendre perceptible Ja nature secrète des
choses, les correspondances mystérieuses qui les unissent;
en disposant la vitrine de Lisa selon son instinct de
INTRODUCTION , • • 35
peintre, il chante le triomphe de la matière, mais avec
une raillerie tellement amère que la tante Lisa s'en effraie
et que la « bêtise » reprend le dessus : « C'était barbare et
superbe, quelque chose comme un ventre aperçu dans une
gloire, mais avec une cruauté de touche, un emporteµzent de
raillerie tels, que la foule s'attroupa devant la vitrine,
inquiétée par cet étalage...qui flambait si rudement ... » Mor­
ceau de bravoure, auquel Zola lui-même ne croit guère,
mais qui a pour effet d'amener, quelques pages plus loin,
la parabole des Maigres et des Gras, et de faire ainsi de
Claude le porte-parole du· romancier; c'est le même rôle
qui lui échoit lorsqu'il expose la thèse de la modernité des
Halles et qu'il fonde sur elles son « manifeste artistique 11 :
« toute l'époque [est] là [...] C'est l'art moderne, le réalisme,
le naturalisme, comme vous voudrez l'appeler »; lorsqu'en
un mot l'acceptation du monde des Halles, si sordide soit­
il, équivaut à l'acceptation de la vie, sous une certaine
forme. On ne saurait, toutefois, parler d'un art de vivre,
proposé par Claude, tout au plus d'une tentation, d'une
promesse qu'il ne lui sera pas donné de tenir ultérieure­
ment. Son élan juvénile sera brisé par des tendances
contraires, déjà présentes dans le Ventre de Paris : c'est
l'inquiétude, génératrice de stérilité :
« [Les menuisiers] ont une table à faire, n'est-ce pas ? ils
la font, et ils se couchent, heureux d'avoir fini leur table,
absolument satis/aits... Moi, je ne dors guère la nuit. Toutes
ces sacrées études. que je ne peux achever me trottent
dans la tête. Je n'ai jamais fini, jamais, jamais. » C'est
l'impatience, peut-être, qui s'exprime dans la dernière
phrase du livre, plus pathétique et vaine sous sa forme
définitive, « Quels gredins que les honnêtes gens », que
sous sa forme initiale (« ces honnêtes gens »). Quel que soit
son intérêt, Claude Lantier ne peut donc, à lui seul,
contrebalancer le pessimisme général du roman. Zola le
sait et semble, somme toute, l'avoir simplement rangé au
nombre des personnages qui éclairent fugitivement le
sombre univers du Ventre de Paris.
Le chapitre IV, véritable moment de répit avant la
curée finale, est essentiellement consacré à cette quête
du bonheur alentour des Halles, chacun �es personnages
LE VENTRE DE PARIS
s'efforçant de l'atteindre par ses voies propres, Claude
par la transposition esthétique du réel, Cadine et Marjo­
lin, u végétations de ce pavé gras 11, grâce à la « belle impu­
dence » qui leur permet, « Gras, innocents encore >> de
vivre un instant de leur vie « séparés du monde n,
madame François, en repartant chaque jour vers la
terre, « la vie, l'éternel berceau, la santé du monde n ;
chacun en se détournant de la réalité. C'est ce que n e veut
pas Zola; il ne peut leur demander de témoigner efficace­
ment en faveur de l'espèce humaine, d'enseigner l'amour,
la fraternité, la justice, fondements de ses Evangiles. Seule,
en dépit de son hérédité de Macquart et de Grasse, la
petite Pauline aura, dans la Joie de vivre, l'abnégation
nécessaire pour devenir cette u sainte de Pauline n et
montrer u la joie de vivre toujours droire, dans sa volonré,
dans sa santé, dans le bonheur de l'habitude et dans l'espoir
du lendemain n (ébauche de la Joie de vivre); elle ne fait
que passer dans le Ventre de Paris, mais on n'oublie pas
cette espèce de non-conformisme qui l'entraîne dans sa
délicieuse fugue, avec Muche, au square des Innocents
(« Venez, ordure », s'écrie sa mère), et cette obscure
conscience des responsabilités qui l'amène, elle seule, à
interrompre le récit de Florent, d'un embarrassant
<< Qu'est-ce qu'il avait donc fait, le pauvre homme... ? 11

Lorsqu'il écrit le Ventre de Paris, Zola est encore trop


peu stlr de ses voies pour songer à élaborer une sagesse
qu'exprimerait tel ou tel personnage; il se contente de
recevoir la vie, de noter son grouillement, ses convul­
sions, - vilenie et fraîcheur, bassesses et naïveté, appétit
et inquiétude, - de se laisser submerger par le gronde­
ment de sa houle, d'essayer de déchiffrer ses problèmes
sans avoir l'espoir de les résoudre; il est à l'écoute d e la
vie et le seul fait qu'elle se perpétue, que, dans cet orga­
nisme collectif, Je Ventre assume régulièrement sa
fonction lui est non une raison d'espérer (nul espoir n'est
possible dans le triste univers qu'il dépeint), mais au
moins une raison de ne pas désespérer. La bête vit;
l'homme finira par s'éveiller en elle. La pensée de cet
INTRODUCTION 37
incertain enfantement écarte le romancier des trop faciles
renoncements et l'encourage à demeurer, au cœur de
Paris, attendant on ne sait trop quelle lueur, quel monde
nouveau.
Roman politique ? roman social ? roman de l'artiste
devant le réel ? Zola a sans doute connu ces tentations et
d'autres encore; mais, en fait, le Ventre de Paris est
d'abord une double méditation poétique sur la vie et sur
Paris, comparable à cette confession faite, un matin de
décembre 1872, alors précisément que s'achevait la
rédaction du roman :
« J'ai quitté mes chenets, et, ouvrant la fenêtre, j'ai
regardé mon cher, mon grand Paris, affairé dans la cendre
grise du crépuscule. C'est lui qui me parle de l'art nouveau,
avec ses rues 'Vivantes, ses horizons tachés d'enseignes et
d'affiches, ses maisons terribles et douces où l'on aime et où
l'on meurt. C'est son immense drame qui m'attache au
drame moderne, à l'existence de ses bourgeois et de ses
ouvriers, à toute sa cohue flottante, dont je voudrais noter
cluujue douleur et chaque joie. Il est mon frère, mon grand
frère, dont les passions me touchent et qui ne peut pleurer
sans me mettre des pleurs dans les yeux.
Je le sens secoué par l'immense labeur du siècle, je le
vois gros d'un monde et si j'avais quelque orgueil suprême,
je rêverais de le jeter tout chaud et tout plein de son tra­
vail géant dans quelque œuvre gigantesque » (le Corsaire,
3 décembre 1872).

Robert A. JoUANNY .

N.B . - Nous donnons ici le texte de l'édition originale


qui n'a pas subi de modifications dans les éditions
postérieures. Il présente quelques différences par rap­
port au texte du manuscrit et de la préoriginale.
BIBLIOGRAPHIE
Manuscrits.

Le manuscrit, le texte de la préoriginale et le dossier


préparatoire du Ventre de Paris se trouvent à la Biblio­
thèque nationale, département des manuscrits, nou­
velles acquisitions françaises; ils figurent respective­
ment sous les cotes NAF 10335, NAF 10336 et 10337
(coupures de l'Etat, collées sur feuilles) et NAF 10338.

Éditions.

Parmi les éditions récentes des Rougon-Macquart, la plus


utilement accessible et la mieux documentée est celle
qui a été publiée sous la direction d'Armand Lanoux,
avec études, notes et variantes d'Henri Mitterand, Paris,
Gallimard, ,, Bibliothèque de la Pléiade », 1966-1967.
Le Ventre de Paris figure dans le tome I (pp. 601-896
et 1609-1640). L'excellente édition des Œuvres complètes
de Zola publiée par le Cercle du Livre précieux et le
Club français du Livre, sous la direction d'Henri Mitte­
rand, est moins aisément accessible. Une autre édition
vient d'être publiée aux éditions du Seuil, avec pré­
sentation et notes de P. Cogny; le Ventre de Pan·s figure
dans le tome I, Collection « L'intégrale », 1969. Plus
ancienne et moins sûre, l'édition procurée par M. Le
Blond aux éditions Bemouard, Paris, 1927, est précieuse
parce qu'elle contient en appendice (pp. 324-368) d'im­
portants extraits inédits du dossier préparatoire, enta-
42 LE VENTRE DE PARIS
chés malheureusement de trop nombreuses erreurs de
lecture. Enfin, on consultera également avec le plus
grand profit la belle édition critique du Ventre de Paris,
établie et présentée par Marc Baroli, Paris, Lettres
modernes, Minard, 1969.

Études générales sur Zola.

H. GUILLEMIN : Présentation des « Rougon-Macquart »,


Paris, Gallimard, 1964 (pp. 39-56).
A. LANOUX : Bonjour, Monsieur Zola, Paris, Hachette,
1962.
G. ROBERT : Emile Zola, pn'ncipes et caractères généraux
de son œuvre, Paris, Belles Lettres, 195 2.
ZoIA [actes du colloque Zola des 2 et 3 février 1968],
Europe, avril-mai 1968, 512 pages dont 470 consacrées
à Zola.
ZoIA : Ouvrage collectif dû à A. Lanoux, J. et H. Adhé­
mar, M. Thomas, H. Mitterand, C. Roy, J. Bouvier,
A. Wurmser, H. Guillemin et R. lkor, Paris, Hachette,
C.oll. a Génies et Réalités 11, 1969.

Études relatives au Ventre de Paris.

D. BAGULEY : 11 Le Supplice de Florent : à propos du


Ventre de Paris », in Europe (v. supra), pp. 91-96.
N. KRANOWSKI : Paris dans les romans d'Emile Zola, Paris,
P.U.F., 1968.
J. H. MATIHEWs : 11 L'impressionnisme chez Zola : le
Ventre de Paris 11, le Français moderne, juillet 1961,
pp. 199-205.
S. MAx : les Métamorphoses de la grande ville dans les
Rougon-Macquart, Paris, Nizet, 1966.
J. SILVESTRE DE SACY : le Quartier des Halles, Paris, Ed.
du Temps, 1969.

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