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Traumatismes du tiers moyen de la face


Y. Pons, E. Ukkola-Pons, M. Raynal, P. Lepage, I. Hunkemöller, M. Kossowski

Le tiers moyen de la face correspond à la portion située au-dessus des arcades dentaires supérieures et
au-dessous de la ligne passant par les rebords orbitaires supérieurs et la jonction nasofrontale. Les reliefs
qui la constituent (os nasal, os zygomatique) encadrent des zones de fragilité (orbite, cavités sinusiennes
maxillaires). Les lésions traumatiques du tiers moyen sont le plus souvent le fait d’accidents de la voie
publique ou d’agressions. Elles peuvent être complexes, et intéresser ou non l’articulé dentaire. Elles
peuvent compromettre les grandes fonctions oculaires, respiratoires, olfactives du fait des lésions
associées. Les procédés de réparations font appel le plus souvent à des ostéosynthèses. L’usage de
microplaques est devenu prépondérant.
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Mots clés : Traumatisme ; Le Fort ; Fracture ; Face

Plan lésions faciales passent souvent au second plan dans un premier


temps et la prise en charge spécifique ne se fera qu’une fois le
patient stabilisé. Les lésions faciales, même graves, n’engagent
¶ Introduction 1
que rarement le pronostic vital. En revanche, elles sont souvent
¶ Rappels anatomiques et mécanismes biomécaniques responsables de séquelles esthétiques, fonctionnelles et psycho-
des fractures faciales 1 logiques. C’est pour limiter ces séquelles, encore trop fréquentes,
¶ Épidémiologie 2 que la prise en charge doit prendre en compte les traumatismes
Étiologies 2 de la face dès le stade précoce.
Incidence et répartition selon le siège 2 Les traumatismes des parties molles et les traumatismes de
¶ Bilan d’un traumatisé de la face 2 l’enfant ne sont qu’évoqués car ils font l’objet d’autres articles
Prise en charge immédiate des urgences vitales 2 de l’Encyclopédie médico-chirurgicale.
Interrogatoire 3
Examen clinique 3
Bilan radiologique 6 ■ Rappels anatomiques
¶ Formes cliniques et classification topographique et mécanismes biomécaniques
des traumatismes du tiers moyen de la face 6
Traumatismes de la portion dentée du maxillaire 6 des fractures faciales [1, 2]

Traumatismes du maxillaire ou fractures occlusofaciales 6


Le massif facial est composé de l’assemblage de six os pairs et
Fractures latérofaciales 7
symétriques (maxillaire, zygomatique, palatin, lacrymal, nasal et
Fractures centrofaciales 9
le cornet inférieur) et du vomer impair et médian. La base du
¶ Prise en charge thérapeutique 9 crâne, à laquelle il est appendu, lui envoie des prolongements
Buts 9 que sont les masses latérales et la lame perpendiculaire de
Moyens chirurgicaux et orthopédiques 10 l’ethmoïde et les processus ptérygoïdes du sphénoïde.
Indications opératoires 12 Le massif facial est composé de piliers et de poutres constitués
¶ Séquelles 15 d’os cortical définissant de véritables pare-chocs.
¶ Conséquences médicolégales 15 Le pare-chocs inférieur est constitué par la voûte palatine et
la mandibule. Un impact antéropostérieur entraîne, selon son
importance :
• une fracture dentoalvéolaire ;
■ Introduction • une fracture de la voûte palatine ;
• une fracture de Le Fort I [3].
Un traumatisme du tiers moyen de la face peut se définir Le pare-chocs médian est constitué par les branches montan-
comme la survenue d’une fracture et/ou d’une plaie au niveau tes du maxillaire, la pyramide nasale et l’épine du frontal. Un
du rebord orbitaire inférieur, du plancher de l’orbite, de la choc antéropostérieur à impact large est amorti par ces os
pyramide nasale, de l’os zygomatique, de l’os maxillaire ou de compacts qui se fracturent. La paroi antérieure du sinus
l’arcade dentaire supérieure. maxillaire, le plancher orbitaire et l’ethmoïde sont des os
Ce type de traumatismes est extrêmement fréquent. Les lamellaires vulnérables qui cèdent et permettent l’impaction.
traumatismes de la face les plus graves, heureusement les plus Lors de chocs de plus haute cinétique, le fracas facial ne se
rares, sont rencontrés chez les polytraumatisés. Dans ce cas, les limite plus au complexe naso-ethmoïdo-maxillo-frontal, mais

Oto-rhino-laryngologie 1
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La répartition des 9 319 cas en fonction du siège était :


Figure 1. Résistances osseuses
• la mandibule : 1 473 (16 %) ;
maximales avant fracture des
• le tiers moyen de la face (fracture nasale isolée exclue) : 1 687
différents pare-chocs de la face
(18 %) ;
mesurées en G.
• la pyramide nasale : 5 763 (61,8 %) ;
• divers : 396 (4,2 %).
Sur 1 687 cas de fractures du tiers moyen de la face, étaient
touchés :
• le maxillaire : 329 cas (19,5 %) ;
• l’os zygomatique : 646 cas (38,3 %) ;
• l’orbite : 316 cas (18,5 %).
Des associations traumatiques étaient décrites dans 7 % des
cas :
• lésions crâniofaciales (2,56 %) ;
• lésions maxillomaxillaires (0,85 %) ;
• lésions maxillomandibulaires (1,67 %) ;
• lésions mandibulomandibulaires (1,88 %).
Manson et al. rapportaient sur 550 fractures du tiers moyen
entraîne une fracture de la paroi antérieure du sinus frontal, et de la face [6] :
la bascule en dehors des deux malaires avec éclatement de la • un tiers de fractures limitées au tiers moyen :
voûte palatine. Les fractures observées lors de l’atteinte de ce C lésions maxillaires horizontales non comminutives, Le
pare-chocs médian sont : Fort I, II, et III (12 %),
• une fracture de la pyramide nasale ; C lésions maxillaires comminutives (17 %) ;
• une fracture occlusofaciale de type Le Fort II ; • deux tiers des fractures associées à d’autres fractures mandi-
• une dislocation du complexe naso-ethmoïdo-maxillo-fronto- bulaires ou frontales :
orbitaire (CNEMFO). C atteinte maxillaire/mandibule (30 %),
Le pare-chocs supérieur est représenté par le cadre supérieur C atteinte maxillaire/frontal (24 %),
orbitaire, la glabelle et la paroi antérieure du sinus frontal. C triple atteinte maxillaire/mandibule/complexe naso-
L’impact à ce niveau peut entraîner :
ethmoïdal (7 %),
• une fracture occlusofaciale de type Le Fort III ;
C atteinte des trois étages maxillaire/frontal/mandibule
• une dislocation du CNEMFO.
Les pare-chocs latéraux sont représentés par les malaires, ou (10 %).
os zygomatiques. Un choc latéral peut provoquer une fracture
du malaire, avec toutes ses variantes maxillomalaires.
Ces piliers et poutres faits d’os cortical délimitent des cavités ■ Bilan d’un traumatisé de la face
(orbites, fosses nasales et cavités sinusiennes paranasales) ayant
des parois fines et qui fragilisent le massif facial. De par sa Le bilan d’un patient conscient et présentant un traumatisme
structure destinée à supporter des contraintes masticatoires facial est relativement simple. Il convient toutefois d’éliminer
verticales ascendantes, le massif facial est vulnérable aux forces des lésions associées potentielles telles que les traumatismes du
horizontales (antéropostérieures et transversales) appliquées lors globe oculaire, les brèches cérébrospinales et autres hématomes
de traumatismes. La résistance des différentes zones de la face intracrâniens. Au contraire, le bilan d’un patient polytraumatisé,
est très variable (Fig. 1) [4]. présentant des œdèmes et hématomes importants, parfois
intubé, est relativement difficile est souvent incomplet. Dans
tous les cas, l’urgence vitale prime sur les lésions faciales et le
■ Épidémiologie [1, 5, 6] patient doit être stabilisé avant de pouvoir débuter la prise en
charge spécifique faciale.
Étiologies
Les principales causes des traumatismes de la face sont :
Prise en charge immédiate des urgences
l’accident de la voie publique (en net retrait depuis le port vitales [7, 8]
obligatoire de la ceinture de sécurité et depuis l’avènement de Le praticien, par examen général sommaire et l’analyse des
l’airbag, il s’agit actuellement surtout d’accidents impliquant un constantes, évalue rapidement l’état de gravité du malade et
deux-roues – vélo et scooter –, ou un piéton), les agressions applique les gestes d’urgence nécessaires s’il y a lieu.
(surtout en milieu urbain) et les accidents de sport (premier
pourvoyeur de traumatismes faciaux chez l’enfant). Au total,
l’homme jeune est le plus touché.
Reconnaître la détresse vitale
Elle s’évalue sur des signes de trois ordres : neurologiques,
Incidence et répartition selon le siège respiratoires et cardiovasculaires.
Les signes neurologiques de détresse vitale s’évaluent essen-
Les études disponibles sur la fréquence et la répartition des tiellement sur l’état de conscience du patient à l’aide du score
fractures des os de la face selon le siège sont relativement de Glasgow. Classiquement, un score inférieur à 7 sur 15 repré-
anciennes. sente un danger pour le maintien de la liberté des voies
Bellavoir et al., à l’hôpital Bégin entre 1975 et 1980, rappor- aériennes supérieures (VAS), ce qui conduit le praticien à réaliser
tent une série de 9 319 cas de fractures de la face. Ils retrou- une intubation orotrachéale (ou une trachéotomie le cas
vaient une incidence et une répartition [5] : échéant). Une agitation du patient doit également amener le
• selon le sexe (sur 7 204 cas) : praticien à se méfier d’une lésion cérébrale associée ou d’une
C masculin : 7 068, hypercapnie.
C féminin : 136 ; Les signes respiratoires de détresse vitale sont : la polypnée
• selon l’âge (sur 7 087 cas) : (supérieure à 20 cycles par minute), voire la bradypnée (infé-
C moins de 10 ans : 60 (1 %), rieure à 8 cycles par minute) lorsque le patient est au stade
C de 10 à 20 ans : 2 745 (39 %), préanoxique (par exemple lorsqu’il cesse de lutter contre une
C de 20 à 30 ans : 3 744 (53 %), obstruction des VAS), les sueurs (témoins de l’hypercapnie), la
C de 30 à 40 ans : 364 (5 %), cyanose (témoins de l’hypoxémie), une saturation artérielle en
C plus de 40 ans : 168 (2 %). oxygène inférieure à 90 %.

2 Oto-rhino-laryngologie
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Les signes cardiovasculaires de détresse vitale sont : le L’interrogatoire du blessé recherche enfin les doléances :
collapsus cardiovasculaire défini par une tension artérielle • la douleur, notamment son siège et son irradiation qui ont
systolique inférieure ou égale à 80 mmHg (pouvant être un état une valeur d’orientation ;
de choc si la tension ne remonte pas au remplissage et pouvant • l’impotence fonctionnelle : ophtalmologique et oto-rhino-
avoir des répercussions sur les organes hypoperfusés tels que le laryngologique (ORL) ;
cerveau, le rein, le foie, le cœur), la tachycardie (supérieure à • un éventuel déficit sensitif et/ou moteur associé.
90 battements par minute), voire la bradycardie (inférieure à
50 battements par minute) au stade précédent l’arrêt Examen clinique
cardiocirculatoire.
Un patient, surtout s’il est polytraumatisé, présentant au Examen ORL [1, 7, 8]
moins deux signes de détresse vitale doit faire réaliser des gestes
d’urgence visant à stabiliser son état avant de poursuivre le L’examen local recherche, en inspectant et en palpant, les
bilan facial spécialisé. déformations évocatrices de fractures visibles au stade initial
mais qui sont rapidement masquées par l’œdème. L’examen
doit être réalisé le plus précocement possible de façon bilatérale
Gestes d’urgence et symétrique. Il examine la face et ses confins crânioencépha-
La liberté des voies aériennes doit être assurée en toutes liques et cervicofaciaux.
circonstances. Caillots sanguins, dents et autres corps étrangers
Examen maxillofacial (Fig. 2) [9]
sont retirés au doigt et à l’aspiration de la cavité buccale et de
l’oropharynx. Si le patient est inconscient, une canule de Examen exobuccal.
Guedel est mise en place et le patient est mis en position Inspection. Elle se fait de face, de profil, en vue plongeante
latérale de sécurité en respectant bien l’axe tête-cou-tronc afin (l’examinateur se plaçant en arrière) et à jour frisant, étage par
de ne pas aggraver une potentielle lésion du rachis (les patients étage : tiers supérieur, tiers moyen, tiers inférieur dans un plan
blessés au thorax sont quant à eux mis en position demi- horizontal ; tiers médian et tiers latéraux dans un plan vertical,
assise). Des obstructions majeures des voies aériennes se au repos et lors de la mimique. Elle permet de préciser :
rencontrent dans les fractures complexes des maxillaires • l’état des téguments à la recherche de plaies, de morsures, de
supérieurs ou de la mandibule, en particulier dans les fractures contusions, d’ecchymoses ou hématomes en précisant leur
de Le Fort avec enfoncement du massif facial et dans les siège ;
fractures bi-para-symphysaires de la mandibule avec glossoptose. • les déformations du massif facial et le point d’impact souvent
Dans ces cas, la mise en place d’un fil de traction lingual rapidement masqués par l’œdème, à type d’asymétrie, de
permet de surseoir à la trachéotomie. En cas d’échec de ces déviation de l’axe médian, d’enfoncement, ou bien au
manœuvres et en extrême urgence, une trachéotomie ou deux contraire de saillie d’un fragment osseux sous la peau orien-
cathéters de bons calibres perforant la membrane inter-crico- tant vers une fracture sous-jacente ;
thyroïdienne peuvent permettre de sauver le blessé. • les écoulements de sang, salive ou de liquide cérébrospinal
Une oxygénothérapie au masque à haute concentration est par les orifices naturels ou par une plaie ;
installée. • les plaies, dont on note le siège, la taille et la direction. En
Les hémorragies sont contrôlées à l’aide de pansements effet, certaines localisations ont valeur d’orientation : le nerf
compressifs, voire d’une pince bipolaire si disponible. Une facial et ses branches de division pour les régions géniennes
épistaxis peut nécessiter un tamponnement antérieur et/ou et parotidiennes, à savoir les branches temporofaciale et
cervicofaciale et leurs rameaux, le canal de Sténon pour les
postérieur.
plaies jugales et les voies lacrymales pour les plaies du tiers
Une, voire deux voies veineuses périphériques de bons
interne des paupières et de la région canthale interne. Il faut
calibres sont installées et solidement fixées. Elles permettent de
rappeler que toute plaie de la joue coupant la ligne tragus-
débuter le remplissage (par un soluté cristalloïde, voire un
aile du nez impose une exploration et une réparation chirur-
colloïde en cas de collapsus cardiovasculaire), de réaliser une
gicale immédiate, compte tenu des risques encourus pour le
analgésie par paracétamol et éventuellement titrage de mor-
nerf facial, tout comme pour le canal salivaire, source
phine, et de démarrer une antibioprophylaxie s’il y a lieu
d’infection, de fistules et d’orostomes. On examine attentive-
(tamponnement nasal en place, suspicion de brèche cérébrospi-
ment les bords libres et les lignes de jonction cutanéomu-
nale, auquel cas on réalise également une vaccination
queuses afin de déceler tout décalage disgracieux sur le plan
antipneumococcique). cosmétique, mais également afin de préserver la fonction par
Les plaies sont également lavées au sérum physiologique et une réparation chirurgicale adaptée : rôle de protection
désinfectées par un antiseptique local puis protégées par un cornéenne pour les paupières supérieures, perméabilité nasale
pansement stérile en attendant d’être suturées. et rôle essentiel des lèvres dans la continence salivaire. La
Un rappel du vaccin antitétanique est effectué si nécessaire. description des plaies doit également préciser :
C leur nombre, unique ou multiple en cas de polycriblage,
Interrogatoire [1, 7] C la profondeur : superficielle à type de dermabrasion, ou
profonde pouvant réaliser de vastes délabrements avec des
L’interrogatoire du patient, parfois difficile, voire impossible
os exposés, en particulier dans les traumatismes par armes
selon son état, doit être complété par les informations fournies
à feu ou lors des chutes d’un lieu élevé,
par l’entourage, la famille du blessé, les témoins et les premiers
intervenants de la chaîne des secours, notamment les données C l’existence ou non d’une perte de substance cutanée,
recueillies par les services d’urgence sur les fiches de transport muqueuse ou musculaire avec des berges régulières ou
et d’évacuation (Service médical d’urgence régional ou sapeurs contuses, voire déchiquetées en cas d’arrachements trau-
pompiers). matiques partiels ou complets,
Il fournit de précieux renseignements : C le degré de souillure : toute plaie est par définition conta-
• âge du blessé ; minée par les projectiles, débris telluriques, vestimentaires,
• horaire, lieu et circonstances de l’accident ; goudron et corps étrangers. Ceux-ci peuvent être à l’origine
• heure du dernier repas ; de complications précoces septiques ou tardives par
• notion de perte de connaissance immédiate ou retardée tatouage. Par ailleurs, la contamination peut également
(dépistage d’un hématome extradural) ; provenir directement de la cavité buccale lorsqu’elle
• antécédents et traitements habituels du patient ainsi que son communique avec la plaie ;
statut vaccinal (tétanos) ; • la fonction des muscles orbiculaire de l’œil et orbiculaire de
• premiers gestes effectués par l’équipe de secours qui a ramassé la bouche est ainsi systématiquement testée lors de l’examen
le blessé. afin de rechercher toute rupture partielle ou complète ;

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Figure 2. Examen clinique du traumatisme du tiers moyen de


la face.
A. Examen de l’articulé dentaire.
B. Palpation des rebords orbitaires.
C. Palpation de l’arcade zygomatique.
D. Étude des mobilités.

A B

C D

• l’étude de la motricité faciale avec contrôle de l’intégrité de Palpation. Elle doit être douce, bilatérale et symétrique, avec
la septième paire crânienne complète l’inspection par l’exa- les deux mains réchauffées, protégées par des gants en cas de
men de la mimique. On demande au patient de : plaie, en utilisant les pulpes du pouce et de l’index.
C froncer et relever les sourcils : muscles sourcilier et frontal, La palpation s’effectue par exemple de haut en bas en
C fermer les yeux : muscle orbiculaire des paupières, palpant les reliefs osseux du front, des cadres orbitaires, de la
C souffler : muscle buccinateur, pyramide nasale, des os zygomatiques, du maxillaire et de la
C siffler : muscle orbiculaire des lèvres, mandibule.
C sourire : muscles petit et grand zygomatiques. Elle permet de rechercher :
La paralysie faciale périphérique post-traumatique par • la présence des reliefs osseux normaux, masqués par l’œdème
dépressible ;
atteinte du tronc du facial en cas de plaie jugale ou
• un point douloureux électif, un décalage, un enfoncement ou
parotidienne, ou de fracture du rocher, entraîne ainsi une
une mobilité anormale, témoins d’une fracture sous-jacente ;
disparition de la motricité de toute une hémiface avec :
• des manœuvres dynamiques spécifiques :
C signe de Charles Bell : à la fermeture des paupières, l’œil
C palpation des condyles en avant du méat auditif externe
ascensionne en haut et en dehors du côté paralysé,
lors des mouvements d’ouverture-fermeture de la bouche et
C effacement des rides et du sillon nasogénien,
de propulsion-diduction pour vérifier l’absence de douleurs
C inocclusion palpébrale, source d’ulcérations cornéennes et
et la persistance de la mobilité condylienne,
de complications oculaires,
C recherche d’une mobilité des os propres du nez : le front
C signe du peaucier du cou : la bouche est attirée du côté
étant immobilisé par la paume d’une main, l’examinateur
sain avec contraction du muscle peaucier du cou lors de
tente de déplacer la pyramide nasale dans le sens transver-
l’abaissement de la lèvre supérieure.
sal à l’aide du pouce et de l’index de l’autre main,
Parfois, la plaie du nerf facial se situe en aval du tronc et
C recherche d’une douleur provoquée à distance du point
on peut alors avoir une paralysie incomplète par atteinte
d’appui orientant vers une fracture localisée à ce niveau :
de la branche cervicofaciale ou de la branche temporofron-
fracture de l’angle mandibulaire avec douleur provoquée
tale, voire plus loin encore sur l’une de leur ramification ;
lors de la pression antéropostérieure sur le menton, fracture
• la rhinoscopie antérieure peut montrer une luxation septale
ou un hématome de cloison. de la symphyse mandibulaire avec douleur provoquée lors
de la pression transversale sur les angles mandibulaires ;
Concernant les brûlures de la face d’origine thermique,
électrique, chimique ou par irradiations, on précise les facteurs • un emphysème sous-cutané, en particulier orbitaire, orientant
de gravité : localisation, surface et profondeur. Elles mettent en vers une fracture du plancher de l’orbite (communication
jeu le pronostic vital à court terme par l’œdème des voies orbitonasale). Le patient doit être informé sur la nécessité
aérodigestives supérieures souvent associé à une inhalation de d’éviter tout mouchage ;
produits toxiques altérant la physiologie de l’arbre bronchopul- • des zones d’hypoesthésie ou d’anesthésie dans les territoires
monaire, mais également le pronostic fonctionnel et esthétique cutanés des branches de division du nerf trijumeau (V) :
à moyen et long termes par leurs lourdes séquelles. région labiomentonnière innervée par le nerf alvéolaire

4 Oto-rhino-laryngologie
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inférieur (V3), territoire sous-orbitaire et hémilèvre supérieure Otoscopie. Devant une otorragie, les conduits auditifs
pour le nerf infraorbitaire (V2) et région suprasourcilière pour doivent être nettoyés. Le sang que l’on retrouve dans le méat
le nerf supraorbitaire (V1). auditif externe (MAE) peut provenir d’une blessure superficielle,
Examen endobuccal. mais il faut surtout savoir reconnaître une hémorragie liée à une
Articulé dentaire. Il s’examine bouche fermée et lèvres écartées. fracture du rocher ou de l’os tympanal.
En théorie, le rayon de courbure du maxillaire supérieur est En cas de fracture du rocher, la présence de sang dans la
plus important que celui de la mandibule. Les points interinci- caisse rend le tympan bleuté et bombant. On observe parfois, à
sifs supérieur et inférieur sont alignés dans le plan vertical et travers une perforation, l’écoulement de liquide cérébrospinal
l’axe de la canine supérieure passe en arrière de celui de la plus ou moins mêlé de sang.
canine inférieure. Les troubles de l’articulé dentaire post- Examen ophtalmologique. L’examen initial est réalisé, si
traumatiques, témoins d’une fracture sous-jacente, doivent être possible, par un ophtalmologiste. Les réflexes pupillaires directs
analysés dans les trois plans de l’espace. Ils orientent vers un et consensuels et les réflexes d’accommodation sont ensuite
foyer de fracture avec déplacement : transversal avec décalage, évalués.
vertical avec béance, ou contact prématuré et antéropostérieur Les ecchymoses et l’œdème apparaissent très vite après le
avec aspect de faux prognathisme mandibulaire. traumatisme. Il faut alors écarter doucement les paupières pour
Examen bouche ouverte. À l’inspection, on note : observer l’œil.
• l’étude de la cinétique mandibulaire : mobilité spontanée, Dans tous les cas, le praticien doit s’assurer de la conservation
ouverture-fermeture, propulsion-rétropulsion, diduction droite d’une acuité visuelle et de la perception lumineuse. La diminu-
et gauche ; tion de l’acuité visuelle signe une compression intraorbitaire
• l’amplitude de l’ouverture buccale : normale lorsqu’elle (par l’œdème et/ou l’hématome) réalisant un véritable syn-
mesure environ deux travers de doigt du blessé ; drome de loge avec souffrance du nerf optique (dont la
• l’état des muqueuses : la présence d’ecchymoses, d’hémato- mydriase associée est souvent le reflet). La décompression du
mes, de plaies muqueuses ou de morsures ; nerf optique par libération de la périorbite (en effondrant le
• l’état dentaire : fracture coronaire, luxation, avulsion, carie, plancher de l’orbite) doit être réalisée sans délai (il s’agit d’une
prothèse éventuelle, etc. L’intégrité, la mobilité ainsi que la urgence thérapeutique).
vitalité de chaque dent doivent être systématiquement Si l’état palpébral le permet, la statique du globe oculaire est
recherchées et notées lors du certificat médical initial, étudiée, en recherchant une position anormale dans le sens
notamment pour faciliter la réparation du dommage corporel vertical (abaissement), horizontal (double déplacement vertical
subi et l’indemnisation de la victime. et horizontal), et antéropostérieur (énophtalmie ou
La palpation endobuccale complète l’examen. Elle retrouve exophtalmie).
une douleur exquise localisée en regard d’un foyer de fracture, L’exophtalmie, liée à un œdème ou à un hématome intraor-
ainsi qu’un déplacement avec articulé déformé en cas de bitaire, disparaît le plus souvent dans les jours qui suivent le
fracture alvéolodentaire. Les mobilités anormales mandibulaires, traumatisme. En l’absence de modification de l’acuité visuelle,
maxillo- et craniofaciale sont testées : elle ne constitue pas une urgence thérapeutique.
• recherche d’une fracture de la mandibule en tenant chaque L’énophtalmie fait d’emblée évoquer un effondrement du
hémimandibule entre pouce et index en leur imposant des plancher de l’orbite. Elle est souvent difficile à évaluer au stade
mouvements prudents en sens inverse dans le plan vertical ; initial lorsque les paupières sont gonflées par l’œdème. Il faut
• d’une disjonction craniofaciale avec mobilité anormale du alors juger le niveau pupillaire en se plaçant à la tête du malade
maxillaire supérieur dans le sens transversal, vertical et/ou et en lui relevant délicatement les paupières supérieures. Cette
antéropostérieur ; le front immobilisé par la paume d’une énophtalmie est souvent plus facile à juger une fois l’œdème
main, le pouce et l’index, l’examinateur recherche une initial résorbé mais si elle n’existe pas d’emblée à l’examen (s’il
mobilité antéropostérieure, verticale ou transversale des est bien conduit), elle n’apparaît pas dans un deuxième temps.
structures osseuses de l’étage moyen de la base du crâne en Elle est surtout le fait des fractures du plancher antérieur et/ou
maintenant l’arcade dentaire supérieure entre pouce et index. avec perte de substance importante.
Certaines anomalies sont caractéristiques : La difficulté consiste alors à dissocier un trouble de la motilité
• une béance incisive par contact molaire prématuré, associée oculaire lié à l’œdème ou à l’hématome d’un blocage musculo-
à un recul de l’arcade supérieure évoque une fracture occlu- aponévrotique ou d’une atteinte neurogène. L’étude de la
sofaciale de type Le Fort ; dynamique oculaire se fait dans les neuf positions du regard.
• un diastasis incisif supérieur évoque une disjonction inter- Elle est perturbée du côté atteint.
maxillaire ; Trois aspects cliniques sont décrits dans les fractures du
• le décalage du bord occlusal d’une arcade évoque une fracture plancher orbitaire :
partielle ou totale du maxillaire ipsilatéral. • la limitation de l’élévation du regard du côté atteint ; le globe
La mobilité du bloc incisif supérieur par rapport au reste du peut être dévié vers le bas ;
crâne caractérise la disjonction craniofaciale, et permet de • la limitation de l’abaissement du regard du côté atteint ;
classer le niveau de la fracture occlusofaciale : l’élévation reste possible. Ce cas est plus rare et traduirait des
• Le Fort I : arcade supérieure mobile ; stabilité des régions lésions plus postérieures du plancher ;
nasale et frontozygomatique ; • la limitation simultanée de l’abaissement et de l’élévation ; les
• Le Fort II : arcade supérieure mobile ; région nasale mobile et lésions parfois cicatricielles se situent près du sommet du
région frontozygomatique immobile ; cône musculaire.
• Le Fort III : arcade supérieure mobile ; mobilité des régions L’étude de la diplopie peut se faire par un examen au doigt
nasale et frontozygomatique. complété par un test de Hess-Lancaster et la mesure du champ
Prise de photographies. Pré- et postopératoires avec plusieurs de fusion binoculaire.
incidences et si possible toujours les mêmes (de face, de profil, L’existence d’une limitation des mouvements verticaux (haut
en vue plongeante, de trois quarts et bouche ouverte), elles et bas) avec diplopie dans ces directions mais surtout l’élévation
complètent habilement l’examen clinique et fournissent des douloureuse du globe oculaire doivent faire suspecter une
données de référence utiles pour la prise en charge ultérieure. Il incarcération du muscle droit inférieur qui constitue une
en est de même de la confection de modèles d’étude des arcades urgence diagnostique et thérapeutique.
dentaires en plâtre ou moulages réalisés chaque fois que
nécessaire.
Examen général
Recherche de lésions associées de l’extrémité céphalique
Il complète l’examen facial afin de ne pas méconnaître une
Examen du scalp. Il est effectué à la recherche d’une plaie, lésion associée cranioencéphalique, rachidienne, viscérale,
dont la suture rapide diminue la spoliation sanguine. thoracique ou squelettique.

Oto-rhino-laryngologie 5
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Examen neurologique ■ Formes cliniques et classification


Le niveau de conscience évalué par le score de Glasgow, la
taille et la réactivité des pupilles représentent la base de la
topographique des traumatismes
surveillance clinique neurologique et la recherche de signes de du tiers moyen de la face
localisation. L’association de céphalées et de nausées vomisse-
ments répétés en jet doit faire évoquer une hypertension Traumatismes de la portion dentée
intracrânienne et en rechercher la cause par la réalisation d’une
imagerie encéphalique [10].
du maxillaire
Il s’agit des traumatismes alvéolodentaires. Ils sont de gravité
Examen du rachis cervical variable.
La contusion se caractérise par une sensibilité transitoire de
Tout traumatisé facial doit être considéré comme un trauma-
la dent à la percussion ainsi qu’au froid, avec des clichés
tisé du rachis cervical jusqu’à preuve du contraire. Une imagerie
radiographiques normaux. L’évolution peut être défavorable et
par clichés standards (face, profil, trois quarts et bouche
aboutir à une perte de la vitalité pulpaire.
ouverte) doit être réalisée au moindre doute et complétée par
Il y a subluxation quand la dent, mobile et douloureuse après
des clichés dynamiques ultérieurs après avis spécialisé. Au
un choc direct, est restée en place dans son alvéole. Les
mieux, le scanner initial fait le bilan des lésions rachidiennes radiographies sont peu ou pas modifiées avec éventuellement
dans le même temps qu’il explore la face. L’immobilisation par un espace desmodontal élargi.
collier cervical doit être maintenue jusqu’à ce que les investiga- La luxation s’accompagne d’une avulsion de la dent avec
tions soient terminées et que toute lésion instable soit écartée. alvéole déshabitée par rupture des moyens d’union. Elle touche
surtout les incisives centrales au niveau du maxillaire (11 et 21).
Examen thoracoabdominal et des membres Plusieurs types de mouvements sont possibles, à savoir :
Le blessé doit bénéficier au minimum d’une auscultation ingression, égression, vestibuloversion, linguo- ou palatoversion.
cardiopulmonaire soigneuse, d’une palpation abdominale, d’une La réimplantation d’une dent définitive est possible mais doit
palpation et mobilisation des membres. Cet examen est com- être effectuée dans les 6 heures qui suivent le traumatisme. Le
plété d’une imagerie et d’un avis spécialisé en cas de doute sur pronostic reste réservé à moyen terme.
une atteinte générale. Parmi les fractures dentaires, on distingue les fractures
coronaires (paucisymptomatiques limitées à l’émail ou à la
dentine, de bon pronostic), les fractures coronaires parcellaires
Bilan radiologique avec ou sans atteinte pulpaire (responsables de douleurs
importantes du fait de l’ouverture de la chambre pulpaire et
Clichés radiographiques standards [1, 2] imposant coiffage pulpaire ou pulpectomie et traitement
endodontique), les fractures radiculaires (le siège et la direction
Leur intérêt est limité depuis l’avènement du scanner multi-
du trait sont importants à préciser car ils conditionnent
barrettes qui permet un bilan rapide, complet et exhaustif des
pronostic et traitement : les fractures à trait oblique ou vertical
lésions. Ils permettent parfois un débrouillage des lésions si le
sont des fractures instables avec mobilité interfragmentaire lors
scanner n’est pas disponible.
de la mastication, d’où la nécessité de privilégier l’avulsion, à la
Le Blondeau (cliché standard menton-plaque) ou face basse et différence des fractures à trait horizontal où l’avulsion n’est pas
le Waters (cliché nez-menton-plaque) permettent l’exploration systématique selon la portion radiculaire concernée) et les
des cintres orbitaires, des planchers, des sinus maxillaires et des fractures de l’apex (traitées par résection apicale ou abstention
arcades zygomatiques. thérapeutique et surveillance).
Les incidences de Hirtz ou « du plus grand contour » permet- Dans tous les cas, et quelle que soit l’importance du trauma-
tent une analyse comparative des deux arcades zygomatiques, tisme initial, une surveillance régulière de la vitalité dentaire
mais nécessitent une déflexion céphalique et ne peuvent être doit être assurée au décours du traumatisme dentaire, compte
réalisées avant d’avoir innocenté la colonne cervicale. tenu des risques évolutifs. La mortification pulpaire, avec lyse
Le cliché panoramique dentaire est utile pour évaluer les radiculaire secondaire et complications infectieuses, peut en
traumatismes mandibulaires, dentaires et alvéolaires. effet survenir à tout moment, d’où la nécessité d’émettre
systématiquement des réserves lors de la rédaction du certificat
Scanner [10-15] médical initial.
Les fractures de l’os alvéolaire entraînent une mobilité de
C’est le gold standard de l’imagerie du traumatisé de la face. deux ou plusieurs dents par fracture associée de l’os alvéolaire
Il permet un bilan rapide, précis, des lésions faciales et de la de soutien concernant ainsi un bloc alvéolodentaire.
plupart des lésions associées (lorsqu’elles sont suspectées), sans
mobilisation intempestive du blessé. Il suffit au bilan lésionnel Traumatismes du maxillaire ou fractures
d’imagerie lorsqu’il est réalisé et ne nécessite pas de cliché
standard complémentaire pour la traumatologie de l’étage occlusofaciales
moyen de la face. Elles sont appelées ainsi (occlusofaciales) car ce sont des
Il doit être réalisé en coupes axiales millimétriques, de la base fractures responsables de troubles de l’articulé dentaire qu’il
du crâne jusqu’à l’os hyoïde, en fenêtres osseuses et parenchy- convient de préciser (limitation de l’amplitude de l’ouverture
mateuses avec reconstructions dans les plans frontal et sagittal buccale, contact molaire prématuré, béance molaire ou incisive,
et si possible avec reconstruction 3D. décalage du point interincisif, etc.). Il s’agit le plus souvent de
Il permet par ailleurs, en cas de besoin, de réaliser des coupes fractures complexes qui ne sont bien bilantées que par les
cranioencéphaliques et rachidiennes à la recherche de lésions reconstructions multiplanaires et tridimensionnelles du scanner.
céphaliques associées.
Fractures de Le Fort [17-20]
Autres moyens d’imagerie Le Fort était un médecin militaire qui a décrit sur cadavre
trois types de fractures médiofaciales : la fracture de Le Fort I ou
Certaines équipes ont tenté d’utiliser l’échographie dans le fracture de Guérin ; la fracture-disjonction craniofaciale haute
bilan initial des fractures faciales avec un certain succès [16]. dite vraie ou Le Fort III ; et la fracture-disjonction craniofaciale
L’échographie semble pertinente pour le diagnostic des fractures intermédiaire dite fracture pyramidale ou Le Fort II. Elles ont
de l’étage moyen de la face. Elle présente l’avantage de ne pas toutes pour points communs d’être causées par un traumatisme
irradier le sujet. Mais cette technique est peu réalisée en violent de direction horizontale et d’entraîner une mobilité du
pratique courante. massif facial lors de la mobilisation du maxillaire. Il s’agit de

6 Oto-rhino-laryngologie
Traumatismes du tiers moyen de la face ¶ 20-480-A-10

A B C
Figure 3.
A. Le Fort I. Représentation schématique sur une reconstruction 3D tomodensitométrique des traits de fracture réalisant une fracture de Le Fort I.
B. Le Fort II. Représentation schématique sur une reconstruction 3D tomodensitométrique des traits de fracture réalisant une fracture de Le Fort II.
C. Le Fort III. Représentation schématique sur une reconstruction 3D tomodensitométrique des traits de fracture réalisant une fracture de Le Fort III.

fractures de direction horizontale séparant la face de la base du


crâne, survenant au décours d’un traumatisme violent. Les
fractures de Le Fort II et III donnent classiquement un héma-
tome périorbitaire dit en « lunettes » et peuvent être associées à
des lésions basicrâniennes.
Fractures de Le Fort I
Le trait de fracture passe au-dessus des apex de l’arcade
dentaire supérieure (Fig. 3A). Elle sépare la portion dentée du
maxillaire de la portion supérieure du maxillaire qui reste
solidaire du massif crâniofacial, avec luxation ou section du
pied de la cloison nasale et fracture associée à la partie infé-
rieure des apophyses ptérygoïdes, en arrière. Il peut s’y associer
un trait de refend sagittal (réalisant une disjonction intermaxil-
laire) séparant le maxillaire en deux et réalisant par exemple un
hémi-Le Fort I.
Fracture de Le Fort II
Les traits de fracture passent par la partie moyenne de la Figure 4. Vue tomodensitométrique axiale montrant le trait de
pyramide nasale jusqu’au bord postérieur du vomer, les bran- fracture d’une disjonction intermaxillaire.
ches frontales des maxillaires, le plancher et le rebord orbitaire
inférieur, la suture maxillozygomatique et la paroi postéroex-
terne des sinus maxillaires jusqu’au processus ptérygoïde à sa Fractures de l’os zygomatique [17]
partie moyenne (Fig. 3B).
Ces fractures sont fréquentes (de 20 % à 25 % des fractures
Fracture de Le Fort III de l’étage moyen de la face [21]). Elles peuvent survenir après
choc direct ou indirect par irradiation d’une fracture complexe
Il s’agit de la véritable disjonction craniofaciale qui associe
type fracture transfaciale (Le Fort II ou III).
quatre traits de fracture qui aboutissent à la séparation du
L’os zygomatique est un os comportant deux parties :
massif facial de la base du crâne. Les traits de fracture passent • un corps, médian, relié au reste de la face par trois piliers :
par la racine du nez, l’épine nasale de l’os frontal, la lame orbitaire, frontal et maxillaire. C’est ce corps qui donne le
perpendiculaire de l’ethmoïde près de la lame criblée, le vomer relief de la pommette et qui est apprécié lors de l’inspection-
à sa partie haute, les parois interne, inférieure et externe de palpation faciale à jour frisant. Lors d’une fracture de l’os
l’orbite en passant sous le canal optique, la suture frontozygo- zygomatique, un ou plusieurs de ces piliers peuvent être
matique, le prolongement zygomatique du temporal et les touchés ;
processus ptérygoïdes à leur partie supérieure (Fig. 3C). • et un processus, latéral, qui relie le corps de l’os zygomatique
à l’écaille de l’os temporal. Lorsqu’il est fracturé, il entraîne
Disjonction intermaxillaire [10] fréquemment un trismus par compression du muscle tempo-
ral (Fig. 5).
Elle est due à un trait de fracture sagittal médian ou paramé-
Lorsque les processus zygomatique, orbitaire et maxillaire
dian (Fig. 4). Il en résulte un diastème interincisif médian ou
sont touchés, on parle couramment de fracture-disjonction de
paramédian. Ce trait peut du même coup délimiter une atteinte
l’os zygomatique par fracture du trépied zygomatique (Fig. 6).
unilatérale d’une fracture de Le Fort I, II ou III dite « hémi-
Ces fractures sont plus instables que lorsqu’un ou plusieurs des
Le Fort » dans le langage courant. piliers sont indemnes.
Une fracture du plancher de l’orbite y est souvent associée
Fractures latérofaciales par irradiation postérieure du trait de fracture de la margelle
antérieure (ou rebord orbitaire antérieur) au niveau de la suture
Il s’agit des fractures touchant le tiers latéral de la face. orbitozygomatique.

Oto-rhino-laryngologie 7
20-480-A-10 ¶ Traumatismes du tiers moyen de la face

Figure 7. Fracture du plancher de l’orbite en blow-out.

Figure 5. Vue tomodensitométrique axiale d’une fracture du processus


zygomatique (flèche).

Figure 8. Vue tomodensitométrique coronale montrant une fracture


du plancher de l’orbite avec hernie graisseuse et musculaire passant par
le foyer de fracture.

Figure 6. Reconstruction 3D tomodensitométrique d’une dislocation


zygomatique.
fragments fracturaires, piégeant ainsi les éléments anatomiques
graisseux et/ou musculaires herniés (Fig. 8) [2, 23]. Cliniquement,
on constate de façon associée ou non :
L’examen clinique recherche : • une énophtalmie ;
• un effacement du relief de la pommette ; • une diplopie dans le regard vertical haut et/ou bas faisant
suspecter une incarcération inférieure de muscle et/ou de
• des points douloureux exquis et éventuellement des déforma-
graisse. Le scanner confirme l’incarcération ;
tions localisées au niveau des fractures ;
• une élévation douloureuse de l’orbite est pathognomonique
• une hypo-/anesthésie dans le territoire du nerf maxillaire d’une incarcération du muscle droit inférieur et représente
(V2) ; une indication urgente de chirurgie pour désincarcérer le
• une limitation de l’amplitude d’ouverture buccale (lorsque le foyer fracturaire ;
processus zygomatique comprime le muscle temporal, ou • une diminution de l’acuité visuelle peut être le témoin d’un
bien en raison d’une contusion du muscle masséter, ou hématome orbitaire réalisant un véritable syndrome de loge
encore, exceptionnellement par conflit avec le processus orbitaire et nécessitant une décompression en urgence. Deux
coroné de la mandibule) ; choix s’offrent alors : soit une chirurgie de décompression par
• une diplopie avec la possibilité d’une incarcération du muscle libération de la périorbite, soit l’administration de corticoïdes
droit inférieur, en cas de fracture irradiée au plancher de à fortes doses. En France, l’option chirurgicale est plutôt
l’orbite ; privilégiée, quitte à prescrire des corticoïdes en complément
• une énophtalmie. ou en cas d’échec ;
• une hypo-/anesthésie dans le territoire du V2 par lésion du
Fractures du plancher de l’orbite [17, 22-24] nerf maxillaire au niveau du foramen infraorbitaire. Pour la
plupart des équipes, cette doléance ne représente pas une
Elles sont dues à un traumatisme du plancher de l’orbite soit indication chirurgicale.
par choc direct sur le globe oculaire (blow-out pur de Converse La plupart des fractures du plancher sont paucisymptomati-
et Smith) (Fig. 7), soit par choc sur le rebord orbitaire inférieur ques et ne sont donc pas opérées. Les radiographies standards
par balle de tennis ou de golf par exemple (blow-out impur). sont parfois normales ou retrouvent une image en « goutte
Dans les fractures dites blow-out, le plancher orbitaire reste d’eau » appendue au plafond du sinus maxillaire, associée à un
effondré sous l’onde de choc à l’inverse des fractures en rebord orbitaire inférieur normal et à un hémosinus. L’explora-
« trappe » ou trap door fracture, où la partie du plancher de tion tomodensitométrique, par les coupes coronales, permet
l’orbite fracturée se remet spontanément en place sous l’effet de d’objectiver la hernie musculograisseuse dans le sinus maxillaire
l’élasticité du périoste qui exerce alors un effet de rappel sur les sous-jacent.

8 Oto-rhino-laryngologie
Traumatismes du tiers moyen de la face ¶ 20-480-A-10

Le scanner en coupes axiales millimétriques avec reconstruc-


tions frontales et sagittales permet d’en faire le bilan exhaustif.

Fractures centrofaciales [1, 17, 20, 21]


Fractures nasales
Il s’agit de la plus fréquente des fractures de la face. On en
distingue plusieurs formes anatomocliniques. Ces formes sont
dépendantes de l’impact du traumatisme :
Traumatisme latéral
C’est le cas le plus fréquent, il occasionne :
• une fracture sans déplacement : elle passe souvent inaperçue
et ne nécessite aucun traitement ;
• une fracture unilatérale : par enfoncement d’un seul os propre
du nez ;
• une fracture-disjonction de l’auvent nasal : l’auvent nasal,
formé par les deux os propres, est luxé vers le côté opposé au Figure 9. Vue tomodensitométrique axiale d’une dislocation orbito-
choc. En haut, il se disjoint de la suture nasofrontale. Du côté naso-ethmoïdo-frontale (DONEF).
du choc, la disjonction se fait au niveau de la suture os
propre/apophyse montante du maxillaire, de l’autre côté, la
fracture se situe plus bas et longe cette suture ;
• une fracture totale de la pyramide nasale : les traits de Fractures du complexe
fractures sont plus bas, situés au niveau de l’implantation des naso-ethmoïdo-maxillo-fronto-orbitaire
deux apophyses montantes sur le corps des maxillaires (CNEMFO)
(correspondant au sillon nasogénien) ;
Elles associent de façon isolée ou associée :
• une fracture-luxation septale associée : elle survient en cas de • fractures de la pyramide nasale ;
choc important et prend la forme d’un « C ». Le trait passe en • dislocation orbitonasale ;
bas et en avant par le septum, juste en arrière de l’épine • fracture de la paroi interne et/ou du toit de l’orbite ;
nasale, puis remonte en longeant la partie supérieure du • fracture-enfoncement de l’ethmoïde.
vomer pour passer par la lame perpendiculaire de l’ethmoïde, Dans les formes complexes, elles réalisent de véritables
sous les os propres et revenir alors vers le septum en avant. dislocations (dislocations orbito-naso-ethmoïdo-frontales
La partie antérieure du septum est luxée au niveau de la [DONEF]). La pyramide s’enfonce dans l’ethmoïde comme un
columelle et occupe l’orifice narinaire, alors que la partie coin dans une bûche à fendre (Fig. 9).
postérieure obstrue la fosse nasale opposée. À l’examen clinique on observe alors :
Traumatisme antéropostérieur • un œdème et/ou un hématome orbitonasal ;
• des points douloureux exquis et éventuellement des déforma-
Il occasionne : tions localisées au niveau des foyers de fractures ;
• une fracture des os propres isolée ou associée à un tassement • un télécanthus par désinsertion des ligaments palpébraux
modéré du septum ; médiaux (l’écart intercanthal interne maximal est normale-
• une fracture septale verticale isolée ou fracture de Chevalet : ment de 32 mm chez la femme, 36 mm chez l’homme) ;
souvent due à un choc sur la pointe du nez, elle s’étend de • une déformation par élargissement de la pyramide nasale de
l’extrémité antérieure des os propres à l’épine nasale du face avec épatement de la racine du nez et un aspect de
maxillaire. Le bord postérieur du fragment antérieur est luxé rétrusion de profil.
dans une fosse nasale, alors que le fragment postérieur est L’examen oculaire recherche une diplopie, une lésion des
resté fixé à la cloison osseuse ; voies lacrymales, voire des complications oculaires à type de
• une fracture-enfoncement de l’auvent nasal : elle peut être cécité post-traumatique par fracture irradiée au canal optique.
associée à une fracture des deux apophyses montantes à leur Enfin, on recherche des arguments en faveur d’une lésion
base, par écartement latéral secondaire à l’enfoncement ; associée de l’étage antérieur de la base du crâne (anosmie,
• une fracture en « livre ouvert » : elle se voit surtout chez rhinoliquorrhée, pneumencéphalie au scanner [Fig. 9]).
l’enfant, chez qui la suture médiane des deux os propres n’est Le scanner en coupes axiales millimétriques et reconstruction
pas encore solide. Ils s’écartent donc comme un livre ouvert 3D permet de compléter le bilan anatomique des lésions et
et il existe une fracture-luxation de la cloison sous-jacente ; d’envisager une chirurgie de reconstruction.
• une fracture comminutive (en cas de traumatisme violent ou
chez le sujet âgé) : la pyramide osseuse nasale et la cloison se
fracturent et s’impactent dans les fosses nasales avec télesco- ■ Prise en charge thérapeutique [25]

page des fragments cartilagineux. Il peut s’y associer une


fracture de l’épine nasale du frontal et/ou du maxillaire ; Buts [5]
• une fracture-disjonction orbitonasale : il existe trois frag-
ments, un fragment médian constitué par les os propres du Le traitement des fractures du tiers moyen de la face a pour
nez s’impactant en arrière dans les fosses nasales, et deux buts :
fragments latéraux se déplaçant en dehors et/ou en dedans en • la restauration anatomique des reliefs de la face. La recons-
fonction du choc. truction faciale doit ainsi s’efforcer de redonner les volumes
normaux de la face en corrigeant :
Traumatisme inférosupérieur C le déplacement antéropostérieur dont témoignent l’allon-
Il occasionne : gement et l’aplatissement de la face,
• une fracture dite de Jarjavay : c’est une fracture horizontale C le déplacement en dedans de l’arche zygomatomalaire qui
du septum nasal avec luxation du cartilage quadrangulaire est responsable d’une insuffisance de largeur de la face et
dans la fosse nasale responsable d’une obstruction nasale de l’aplatissement latéral,
unilatérale ; C la reconstruction faciale doit se référer aux deux bases
• une désinsertion des cartilages triangulaires qui viennent sous solides que sont d’une part la mandibule et le plan occlu-
le bord inférieur de l’auvent nasal. sal, d’autre part le frontal ;

Oto-rhino-laryngologie 9
20-480-A-10 ¶ Traumatismes du tiers moyen de la face

• la restauration fonctionnelle de la mastication, de la dynami-


que et de la statique du globe oculaire, de la lacrymation, de
la respiration, de la phonation, de la ventilation sinusienne ;
• la prévention des infections méningées en cas de fracture de
la lame criblée et de fuite de liquide cérébrospinal.

Moyens chirurgicaux et orthopédiques [1]


Suture des plaies [26]
Elle se fait après nettoyage, désinfection, ablation de corps
étrangers et parage économe si nécessaire. Elle est parfois
différée lorsque la plaie sert de voie d’abord d’un foyer fractu-
raire ou qu’elle doit être explorée à la recherche d’une lésion
vasculonerveuse sous-jacente.
Les sutures sont effectuées plan par plan de la profondeur
vers la superficie. Les points cutanés éversants sont posés et non
serrés pour éviter une ischémie et pour ne pas marquer la peau
sous la forme d’une échelle (les points faisant la marque des
barreaux de l’échelle). L’utilisation de points de bâti pour
positionner les lambeaux est utile.
Les fils utilisés sont les plus fins possibles : monofilaments Figure 10. Choix du type d’ostéosynthèse selon l’épaisseur de l’os.
5/0 ou 6/0 en points éversants ou en surjets intradermiques.
Les cicatrices sont ensuite laissées à l’air libre. De la vaseline
est appliquée régulièrement, et les points doivent être retirés avant du bord antérieur du masséter, il n’est pas nécessaire de
rapidement vers j5 pour être remplacés par des Stéri-Strip®. Il suturer le nerf, car ces lésions récupèrent.
faut éviter le soleil pendant les 3 premiers mois, et masser la S’il existe une perte de substance, il est nécessaire d’utiliser
cicatrice à partir de la 3e semaine pour limiter sa pigmentation. une greffe de plexus cervical superficiel.
Les pertes de substance peuvent être suturées directement,
mais il est préférable de choisir dans un premier temps la Lésions de la glande parotide et du canal parotidien
cicatrisation dirigée qui donne souvent de meilleurs résultats, et Les plaies du canal parotidien peuvent être recherchées par
qui n’empêche pas une réparation secondaire de qualité. Il faut un fin cathéter introduit dans l’ostium jugal. Si le canal est lésé,
éviter autant que possible les greffes et les lambeaux de couver- ses berges sont suturées au fil monofilament 6/0 ou 7/0 sur le
ture en urgence. cathéter maintenant un calibrage laissé en place 3 semaines et
Particularités des plaies de paupières fixé au collet d’une prémolaire supérieure.
Les fistules salivaires ont souvent tendance à se tarir d’elles-
Les désinsertions canthales sont systématiquement reposi- mêmes en quelques semaines. Dans le cas contraire, il faut
tionnées. L’atteinte des voies lacrymales doit être recherchée en réaliser une parotidectomie superficielle.
cas de plaie du quart interne de la paupière, par cathétérisme
des canalicules supérieur et inférieur. Seule une plaie du Réduction
canalicule inférieur mérite d’être réparée et nécessite pour cela
une microsuture sur calibrage fin en Silastic ® (type sonde C’est l’étape qui permet de réduire la fracture, de remettre les
bicanaliculaire de Royer). os dans leur position anatomique. Parfois, le foyer fracturaire est
Les pertes de substance superficielles doivent être greffées, car alors stable et la réduction se suffit à elle-même et ne nécessite
la cicatrisation dirigée aboutit à des rétractions secondaires. Les pas de contention. Parfois, la fracture est réduite mais instable.
pertes de substance de pleine épaisseur de paupière sont rares. Elle nécessite alors une contention. Nous reviendrons sur les
Si elles existent, il faut toujours assurer une protection de l’œil, différentes réductions possibles au cours de la description des
et au besoin on peut effectuer une suture par rapprochement en traitements spécifiques des différentes formes cliniques de
faisant une cantholyse externe. fractures.

Particularités des plaies du nez Contention et ostéosynthèse [25]


Les sections cartilagineuses doivent être suturées avant le Il s’agit de stabiliser le foyer fracturaire afin de prévenir toute
rapprochement des berges cutanées. La réparation se fait ensuite mobilisation secondaire. Elle peut être orthopédique mais elle
de la profondeur (quand c’est possible) vers la superficie. est le plus souvent chirurgicale (ostéosynthèse par plaques le
L’utilisation d’un conformateur (lame de Silastic® enroulée et plus souvent) et nécessite donc une voie d’abord (ostéosynthèse
fixée par des points transfixiants, ou boule de résine autopoly- à foyer ouvert). La Figure 10 représente les zones favorables à
mérisable) aide à la restauration de la forme de la narine. l’ostéosynthèse par plaques ou par fil d’acier [27].
Particularités des plaies des lèvres Voies d’abord (Fig. 11)
Elles sont suturées selon les trois plans : muqueux, muscu- Voies de la plaie. Lorsqu’il existe une plaie en regard d’un
laire, cutané, en respectant les limites du vermillon pour éviter foyer fracturaire permettant la mise en place d’une plaque
les décalages. d’ostéosynthèse sans créer de nouvelle cicatrice, il faut privilé-
gier cette voie d’abord quitte à l’agrandir un tout petit peu. Ceci
Lésions du nerf facial
permet d’avoir une rançon esthétique meilleure. C’est parfois le
S’il existe une paralysie faciale avec une plaie sur le trajet du cas au niveau des fracture de l’os zygomatique, des fractures du
nerf, ce dernier est exploré et suturé bord à bord. Souvent, plancher de l’orbite et au niveau du sinus frontal et du toit de
l’œdème, l’importance des plaies, l’état du blessé polytraumatisé l’orbite.
et comateux, rendent impossible le diagnostic de paralysie Voies endobuccales. Il s’agit surtout de la voie vestibulaire
faciale. Aussi, faut-il explorer toute plaie située sur le trajet du supérieure qui doit préserver la muqueuse et être à distance du
nerf et vérifier ce dernier. Pour cela, il peut être nécessaire sillon gingivojugal externe. Lors de la fermeture, le chirurgien
d’effectuer une parotidectomie superficielle pour retrouver le doit veiller à bien rétablir la continuité muqueuse sans créer de
tronc du nerf facial ou ses premières branches de division. décalage responsable alors d’une encoche labiale.
L’extrémité distale du nerf ou de ses branches sectionnées Le degloving facial avec incision circulaire de la muqueuse
peut être disséquée par voie rétrograde. Si la plaie est située en nasale est réservé à l’abord des fractures basses du tiers moyen.

10 Oto-rhino-laryngologie
Traumatismes du tiers moyen de la face ¶ 20-480-A-10

Figure 11. Accès au squelette osseux des diffé-


rentes voies d’abord.
A. Voies périorbitaires.
B. Voies endobuccales.

d’ectropion (c’est pourquoi certains laissent en place une


suspension palpébrale par un point posé sur le tarse inférieur et
maintenu en tension par un adhésif au-dessus du sourcil pour
une durée de 2 à 10 jours).
Voie palpébrale moyenne : elle est située 4 à 7 mm
au-dessous du bord ciliaire. Cette voie laisse une cicatrice peu
gênante le plus souvent mais entraîne parfois un œdème
postopératoire au niveau de la paupière pendant plusieurs jours.
Voie palpébrale basse : elle est située dans le sillon palpébral
inférieur. Cette voie laisse une cicatrice peu gênante le plus
souvent mais entraîne parfois un œdème postopératoire au
niveau de la paupière pendant plusieurs jours.
Voies orbitaires externes. Elles permettent l’abord de la paroi
externe de l’orbite. Elles peuvent être obliques, dites de la queue
du sourcil, ou en S, et autorisent un abord large facilitant la
mise en place de miniplaques au niveau de la suture
frontomalaire.
Voies paranasales = canthales internes. Elles permettent
2 d’explorer le canthus interne, la paroi interne de l’orbite et les
voies lacrymales. L’incision faite après une infiltration concerne
3 tous les plans jusqu’au périoste, détache éventuellement le
ligament canthal, et permet de disséquer la paroi interne de
l’orbite depuis la crête lacrymale antérieure jusqu’à l’artère
ethmoïdale postérieure.
Voie coronale. Elle permet un abord large du CNEMFO au
4
prix de séquelles esthétiques tout à fait acceptables puisque la
C cicatrice est dissimulée dans le cuir chevelu. Le saignement du
cuir chevelu doit être limité par la mise en place d’agrafes ou
Figure 12. Voies d’abord du plancher de l’orbite. par la suture de champs stériles sur les berges de l’incision. Mais
A. Voie transconjontivale. attention car l’utilisation de la thermocoagulation engendre des
B, C. Voies cutanées externes. 1. Voie de la queue du sourcil ; plaques d’alopécie par nécrose des follicules.
2. sous-ciliaire ; 3. voie palpébrale moyenne ; 4. voie palpébrale basse ;
5. voie canthale interne. Contention
Blocage maxillomandibulaire. Il reste toujours nécessaire
pour assurer la réduction en occlusion des fractures avant la
Voies orbitaires [28]. Elles permettent d’explorer le cadre et/ou mise en place des ostéosynthèses de contention. Sa durée de
le plancher de l’orbite (Fig. 12). maintien en place a considérablement diminué depuis l’avène-
Voies palpébrales inférieures. Voie conjonctivale ou transcon- ment des plaques d’ostéosynthèse.
jonctivale : l’incision est arciforme et se situe juste en avant du Il permet de réduire les fractures occlusales selon la référence
fornix dans le repli conjonctival. La paupière inférieure est de l’articulé dentaire, et d’assurer tout ou partie de la conten-
tractée par deux crochets de Gillies, l’œil protégé par un tion en jouant le rôle d’un fixateur externe. Ce blocage est
conformateur. Le septum est traversé et la dissection du rebord réalisé grâce à deux arcs. Ces arcs sont fixés au maxillaire et à
infraorbitaire se fait en préseptal, en arrière de l’orbiculaire qui la mandibule par des cerclages péridentaires. L’arc doit être
est respecté. Elle permet d’inciser après un court trajet le positionné après réduction. Après réduction des déplacements
périoste. Certains auteurs réalisent une dissection rétroseptale. interarcades, le blocage en intercuspidation maximale est assuré
Il s’agit d’une voie minimale invasive qui permet de ne pas par des fils d’acier 3 ou 4/10e (pour les incisives) serrés entre les
laisser de cicatrice apparente, mais l’exposition du plancher est potences ou les goupilles des arcs. Le blocage peut être réalisé
moins bonne et ne s’adresse qu’aux fractures peu importantes. avec des fils d’acier 4/10e ou avec des élastiques pour parfaire
Voie sous-ciliaire : elle se situe sur la paupière inférieure, une réduction.
1 mm sous la ligne des cils, dans la première ride. Sa limite Si on ne dispose pas d’arcs, on peut réaliser le blocage par des
interne est en dehors du point lacrymal, alors qu’à l’extérieur, ligatures d’Ivy (Fig. 13).
elle peut être prolongée sur 1 cm et plus dans une ride de la Une autre façon de réaliser un blocage sans arc est le plus
patte d’oie. L’incision doit concerner la peau et l’orbiculaire, qui récent Quick-FixTM qui permet un blocage maxillomandibulaire
sont traversés en biais jusqu’au septum orbitaire jusqu’au rebord rapide et une préservation parodontale intéressante.
infraorbitaire où le périoste est incisé. En cas de blocage par fil d’acier, le patient doit disposer à son
Cette voie permet une meilleure exposition du plancher mais domicile d’un ciseau approprié (type Bebee) pour sectionner ses
laisse une cicatrice apparente (minime) et expose au risque fils en cas de vomissements.

Oto-rhino-laryngologie 11
20-480-A-10 ¶ Traumatismes du tiers moyen de la face

existe un hématome de cloison (sous la forme d’une masse


Figure 13. Réalisation d’une
bleutée obstruant une fosse nasale) nécessitant un drainage en
ligature d’Ivy.
urgence sous peine de risquer une fonte septique de la cloison
nasale.
La réduction, sous anesthésie locale ou générale de ces
fractures isolées est possible au stade initial si l’œdème ne
masque pas trop la déformation. Sinon, elle est réalisée entre
j3 et j10 après diminution de l’œdème.
On évalue le retentissement fonctionnel et esthétique, en
s’aidant de photographies antérieures et de l’avis du traumatisé
et de son entourage.
Même si son intérêt clinique est tout à fait inutile en cas de
fracture nasale simple et isolée, les clichés radiographiques
restent, pour certains, un document médicolégal indispensable
Ostéosynthèses. au dossier médical avant toute tentative de réduction. En cas de
Plaques d’ostéosynthèse. Les plaques sont en titane pur. Des doute sur une fracture complexe ou sur l’existence de fractures
plaques résorbables sont actuellement proposées [29]. Mais elles associées, on demande un scanner du massif facial.
poseraient le problème de surinfections plus fréquentes qu’avec Le but du traitement est de rétablir la morphologie nasale
les plaques en titane. Les miniplaques standards ont une tant sur le plan esthétique que fonctionnel, en tenant compte
épaisseur de 1 mm. On utilise pour leur fixation des vis de de l’état antérieur du patient.
diamètre et de longueur différents. Les microplaques ont une Seules les fractures déplacées doivent bénéficier d’un traite-
épaisseur de 0,5 mm. ment chirurgical.
Vis. Elles sont en titane, autotaraudeuses et réalisent un effet En dehors de toute complication, les fractures du nez doivent
de compression. De diamètre variable, adapté à la plaque mise être prises en charge dans les 10 jours suivant le traumatisme.
en place et à la structure de l’os cortical ou spongieux. Elles ont Le traitement associe réduction et contention de la fracture.
habituellement un diamètre de 1,6 mm et une longueur de 4 à Fractures nasales simples. Anesthésie : l’anesthésie générale
6 mm pour l’étage moyen de la face. Les vis peuvent être de courte durée est classique, mais l’anesthésie locale par
utilisées seules pour maintenir la contention de deux fragments méchage de coton imbibé de lidocaïne naphazolinée associé à
osseux, en particulier dans certaines fractures en biseau où un point d’infiltration de lidocaïne adrénalinée au niveau de
l’abord est difficile. chaque os propre, peut également être proposée.
Fil d’acier. Il permet le maintien des petits fragments dans les Matériel : les ciseaux droits fermés et protégés sont introduits
fractures comminutives. Au niveau de l’étage moyen de la face, dans les fosses nasales sous les os propres. On peut également
on utilise habituellement du fil 3 ou 4/10e. utiliser la pince de Walsham ou celle d’Asch constituées de deux
Diadème. Les diadèmes sont utilisés dans les fractures branches, l’une introduite dans la fosse nasale, l’autre, recou-
instables, complexes, associant massif facial et mandibule, sans verte d’un drain plastique est appliquée contre la face latérale
qu’il soit possible de trouver un appui de référence solide et un du nez.
articulé dentaire correct qui permette une reconstruction Réduction : les fractures simples sont réduites en commen-
centripète descendante ou ascendante. çant par l’os nasal enfoncé, grâce à des manœuvres internes
Broches et fixateurs externes. Lorsque les plaies sont aidées d’un instrument placé sous l’auvent nasal. L’os nasal en
souillées et que le risque de surinfection est important et/ou valgus est replacé par simple pression digitale contrôlée par un
qu’il existe d’importantes pertes de substance, notamment instrument endonasal. Le déplacement antéropostérieur est
osseuse (par exemple lors d’un traumatisme balistique), les réduit selon le même procédé, à l’aide d’un instrument tractant
broches et/ou fixateurs externes sont très utiles. Ils évitent la l’auvent nasal vers l’avant et contrôlé par le doigt.
rétraction des tissus. Contention : la contention interne est assurée, soit par une
Par ailleurs, on peut utiliser une broche transfaciale comme mèche de tulle gras située sous l’os propre pour une durée de
moyen de fixation simple, après réduction au crochet d’une 48 à 72 heures sous couverture antibiotique, soit par une mèche
fracture de l’os zygomatique. hémostatique résorbable. La contention externe est assurée par
Greffes osseuses. Lorsqu’il existe des pertes de substance une attelle plâtrée, métallique ou en matière thermodéformable,
osseuse au niveau des piliers canins, consolaires, zygomatiques, fixée sur la face pendant 7 à 10 jours. Certaines fractures
au niveau des parois orbitaires, en cas de défaut de projection simples ne requièrent qu’une contention interne à condition
malaire, ou sur une zone de comminution fracturaire impor- que le patient prenne soin de ne pas remobiliser sa fracture
tante, la greffe osseuse est une alternative de choix. On utilise nasale par manque d’attention.
de préférence de la corticale externe d’os pariétal. On peut aussi
Fractures septales simples. La réduction orthopédique suffit
utiliser de l’os iliaque monocortical ou bicortical pour les piliers,
dans la majorité des cas. On peut y associer une contention
et plus rarement de la côte divisée et modelée (zygoma). L’os
interne par des plaques de Silastic® de 1 mm de chaque côté du
iliaque et la côte se résorbent plus avec le temps. Les biomaté-
septum.
riaux non résorbables sont à éviter dans les reconstructions
La septoplastie est indiquée en cas d’instabilité ou de luxation
traumatologiques à caractère septique.
importante du septum.
Dans la fracture de Jarjavay, si la lame quadrangulaire est peu
Indications opératoires [1, 25]
déplacée, les striations dans la concavité du septum peuvent
être efficaces. Le cas échéant, une exérèse ostéocartilagineuse
Dents avulsées (dont la lame perpendiculaire de l’ethmoïde) donne un résultat
Une réimplantation peut être tentée dans les 6 heures, au satisfaisant.
mieux dans les 2 heures. La dent doit être transportée dans du Dans la fracture de Chevalet, les deux fragments cartilagineux
sérum tiédi, pour certains dans du lait ou de la salive. Elle est sont alignés et suturés bord à bord.
maintenue par une ligature en berceau 4 à 6 semaines. Fractures complexes. Les fractures complexes avec dévia-
tion septale peuvent bénéficier du même traitement si la
Fractures sans modification de l’occlusion réduction de la cloison est stable. La cloison est elle aussi
réduite par manœuvres instrumentales (pince de Walsham).
Fractures nasales
Cette stabilité est essentielle car une déviation de cloison
Lorsqu’elles sont isolées, elles ne nécessitent un traitement en persistante est responsable d’un déplacement secondaire et
urgence que dans deux cas : lorsque la fracture est ouverte (les d’un nez dévié post-traumatique. Il n’est pas illogique dans
plaies doivent alors être suturées dans les 24 heures) ou lorsqu’il ces conditions de proposer une septoplastie, voire une

12 Oto-rhino-laryngologie
Traumatismes du tiers moyen de la face ¶ 20-480-A-10

Figure 14. Réduction orthopédique d’une fracture du malaire.


A. Repères.
B. Réduction.

A B

rhinoseptoplastie lorsque la réduction primaire de la défor-


mation nasale avec atteinte septale est insuffisante [30].
Dans les fractures comminutives, l’instabilité rend nécessaire
la contention endonasale par des plaques en silicone (Silastic®).
Le méchage peut être limité à deux fragments de gaze résorba-
ble, tassés haut, de façon à assurer un soutien de l’auvent.
Au stade tardif, les séquelles esthétiques sont du ressort de la
chirurgie plastique reconstructive, réalisée généralement 3 mois
au moins après l’épisode traumatique initial.
Fractures zygomatiques
La réduction instrumentale au crochet de Ginestet est la plus
utilisée. Ce crochet est utilisé par la voie d’abord ou glissé en
percutané ou en vestibulaire supérieur sous le corps du malaire
(Fig. 14). Certaines de ces fractures (disjonction simple) sont
stables après réduction et ne nécessitent alors pas de conten-
tion. Dans le cas contraire, la meilleure contention est l’ostéo-
synthèse avec miniplaques vissées sur la suture frontomalaire.
Pour certains, cette seule contention suffit et évite tout dépla-
Figure 15. Réduction orthopédique d’une fracture du processus
cement secondaire, d’autres ajoutent en cas de rotation du corps
zygomatique.
de l’os zygomatique, une miniplaque d’ostéosynthèse sur la
console maxillozygomatique. Le meilleur compromis est l’asso-
ciation d’une voie d’abord palpébrale, infraciliaire ou infrapal-
pébrale et d’une voie d’abord orbitaire externe, le plus souvent Figure 16. Voie de Gillies.
oblique, permettant d’aborder la suture frontomalaire. La voie
vestibulaire n’est effectuée que dans les fractures instables pour
ostéosynthéser le pied de la console malaire. La voie hémicoro-
nale est réservée aux fractures du malaire associées à d’autres
fractures type disjonction crâniofaciale. L’utilisation d’une
broche transfaciale est préconisée par Delaire.
Les fractures du processus zygomatique peuvent également
être réduites à l’aide du crochet de Ginestet par voie percutanée
(Fig. 15) ou par voie vestibulaire supérieure à l’aide d’une rugine
par exemple placée en dehors de l’aponévrose du muscle
temporal et en dedans du processus enfoncé en valgus alors
réduit par varisation des fragments fracturaires. Enfin, un abord
direct peut être réalisé par voie hémicoronale ou par voie de
Gillies (Fig. 16). Plusieurs contentions postopératoires ont été
décrites mais ne sont pas ou peu utilisées en pratique courante. appuyés sur des zones solides du plancher. La plupart du temps,
Cette contention peut être par exemple réalisée à l’aide de fils il faut le reconstituer par des greffes. On peut utiliser différents
d’acier amarrés à une broche de Kirschner, enfoncée dans le matériaux : greffons osseux pariétaux, greffons cartilagineux
corps du malaire et sortant en dehors et en arrière parallèlement (conque), matériel synthétique comme le treillis de Vicryl®
au zygoma. Les écrous fixés sur cette broche permettent de fixer résorbable ou encore une fine lame de Silastic® à laquelle on a
les fils en les serrant progressivement et en contrôlant la reproché la tendance à l’extériorisation, fragments de corail
réduction sur les radiographies [31]. L’ostéosynthèse par plaque madréporique minces.
nécessite l’abord du zygoma par voie hémicoronale. Il faut réintégrer tout le contenu orbitaire dans la cavité
orbitaire et ne pas entraîner d’exophtalmie par un greffon trop
Fractures de l’orbite [28] gros. Il est quelquefois nécessaire de fixer la greffe au rebord
Fractures du plancher de l’orbite. Les indications de orbitaire.
reconstruction du plancher sont : l’énophtalmie et la diplopie. En fin d’intervention, un test de duction forcée vérifie la
Il y a aussi l’élévation douloureuse du globe oculaire faisant bonne mobilité du globe, et on s’assure de l’absence d’exo-
craindre l’incarcération du muscle droit inférieur. La réfection phtalmie ou d’énophtalmie résiduelle.
du plancher d’orbite peut utiliser les fragments osseux fracturés Saboye propose l’ostéosynthèse des fragments du plancher
et laissés en place, à condition qu’ils soient en continuité, avec des microplaques [32].

Oto-rhino-laryngologie 13
20-480-A-10 ¶ Traumatismes du tiers moyen de la face

Fractures des parois internes et supérieures de l’orbite. Les


fractures de la paroi interne ne posent généralement aucun
problème. Les complications oculomotrices avec incarcération
du muscle droit interne sont rares.
En revanche, les fractures du toit de l’orbite peuvent être
responsables d’une diplopie par atteinte de la poulie du grand
oblique, ou plus rarement par un syndrome de section physio-
logique du nerf optique.
Fractures du canal optique avec syndrome de section
physiologique du nerf optique. Il s’agit d’une fracture suspec-
tée devant un tableau qui associe une chute de l’acuité visuelle,
une mydriase aréflexique avec réflexe photomoteur consensuel 1
(c’est-à-dire, lorsqu’on illumine l’œil opposé) conservé, l’absence
de lésion oculaire externe et un fond d’œil diagnostiqué au
scanner et nécessitant un traitement de décompression chirur-
gicale en urgence. La décompression du nerf optique dans les 2
syndromes de l’apex peut se faire par voie trans-ethmoïdo- 3
sphénoïdale. Cette voie d’abord permet d’aborder la paroi
interne de l’orbite après avoir sectionné les deux artères
ethmoïdales antérieure et postérieure. On décomprime ainsi le
nerf sur sa face interne. La décompression peut se faire égale-
ment par voie neurochirurgicale en libérant les parois supérieu-
res du canal optique.
Fractures occlusofaciales [33]. Leur réduction doit permettre
de retrouver une occlusion correcte. Ainsi, l’ostéosynthèse n’est Figure 17. Principe de réparation de fracture occlusofaciale. 1. Le
réalisée qu’après avoir restauré l’articulé d’origine et l’avoir Fort III ; 2. Le Fort II ; 3. Le Fort I.
maintenu par un bocage maxillomandibulaire. Une fois les
synthèses réalisées, le blocage peut être maintenu ou enlevé à
la fin de l’intervention si le chirurgien estime que les conten-
tions par plaques et/ou par fils d’aciers, ou autres, sont suffi- microplaques. En cas de fracture complexe, une fois le blocage
samment stables. effectué, on reconstruit de la périphérie vers le centre (recons-
truction centripète), c’est-à-dire à partir du cadre facial externe
Disjonctions intermaxillaires fronto-temporo-zygomatique en terminant par les ostéosynthè-
ses des zones cavitaires centrofaciales.
Leur réduction est assurée par mobilisation au davier de Rowe
et Killey ou à l’aide de deux sondes urinaires passées dans les
fosses nasales et sorties par la bouche. Les deux fragments du
Dislocations orbito-naso-ethmoïdo-frontales
forceps sont mis dans chaque fosse nasale et dans la cavité (DONEF) [19, 34-36]
buccale. La traction se fait verticalement pendant que l’aide Leur réduction nécessite le plus souvent une voie d’abord
maintient fermement la tête en position. coronale et une collaboration ORL et neurochirurgicale. Elle est
obtenue par traction instrumentale ou à l’aide de fils d’acier.
Fracture de Le Fort I (Fig. 17)
L’objectif de la réduction est de désengrener le bloc nasoeth-
La réduction est maintenue par le blocage maxillomandibu- moïdal et de le synthéser en position la plus anatomique
laire. Les ostéosynthèses sont ensuite réalisées. On utilise des possible. La contention est obtenue par une plaque en Y, en T
miniplaques de formes différentes, le plus souvent en L, fixées ou en X fixée au bandeau frontal en haut et aux os propres en
sur les piliers canins et consolaires. Le blocage est en règle bas. En cas d’impossibilité, on est contraint d’utiliser un greffon
générale laissé en place 3 à 4 semaines au minimum. osseux. Les parois internes d’orbite sont explorées après section-
coagulation des artères ethmoïdales antérieures. Les gros defects
Fractures de Le Fort II et Le Fort III (Fig. 17)
osseux sont réparés par des greffons osseux minces ou des
La réduction est maintenue par le blocage maxillomandibu- biomatériaux. Certains utilisent des greffons cartilagineux de
laire. Les ostéosynthèses sont ensuite réalisées. Les ostéosynthè- conque. Les voies lacrymales sont réparées avant que la cantho-
ses sont réalisées sur les piliers canins et consolaires, sur les pexie (Fig. 18) éventuelle ne soit serrée. Une dacryo-cysto-
processus frontozygomatiques, les rebords infraorbitaires et rhinostomie entre la muqueuse du sac lacrymal et la muqueuse
l’épine nasale du frontal éventuellement. Les fragments osseux nasale sous le cornet moyen, suturée sur un calibrage laissé en
plus minces sont fixés ensuite avec des fils d’acier 3/10e ou des place 3 semaines peut être nécessaire.

C
Figure 18. Canthopexie.
A. Incisions.
B, C. Principe de la canthopexie.

14 Oto-rhino-laryngologie
Traumatismes du tiers moyen de la face ¶ 20-480-A-10

Brèches ostéoméningées [25, 27, 37, 38] • greffons osseux : pour réparer une pseudarthrose ou un cal
Elles nécessitent parfois l’aide du neurochirurgien. Parfois, vicieux ;
une voie d’abord endonasale peut suffire. Après avoir mis en • lambeaux libres ostéomusculaires ou ostéomyocutanés : pour
évidence et lissé les parois osseuses autour du defect, un reconstruire des pertes de substance ;
lambeau de muqueuse de cornet inférieur, par exemple, est collé • ostéotomies réparatrices (zygomatiques, nasale, de Le Fort,
(par biocolle) au toit de l’ethmoïde. Si le defect est très impor- mandibulaires, etc.).
tant, une tente de fascia lata placée en endocrânien peut Mais ces techniques sont difficiles et leur résultat est aléatoire,
permettre une reconstruction satisfaisante avec complément de d’où l’importance d’une prise en charge initiale optimale.
colmatage par de la muqueuse de cornet inférieur et/ou de
cartilage. Ce type de réparation plus importante peut alors
nécessiter une voie d’abord coronale et l’aide du neurochirur-
■ Conséquences médicolégales
gien. La voie coronale permet la réalisation d’un volet frontal. L’impact socioprofessionnel et psychologique est souvent
Le volet frontal est généralement médian et ouvre le sinus sous-évalué dans ce type de traumatisme. Le certificat initial et
frontal. Il peut utiliser le trait de fracture supérieur du bandeau l’incapacité temporaire de travail (ITT) prennent ici toute leur
fronto-orbitaire. Ce volet peut rarement être latéral pour mieux importance pour la reconnaissance du préjudice subi et la prise
aborder les fractures orbitoptérioniques intéressant la portion en charge ultérieure d’éventuelles séquelles. Il doit être clair et
externe de l’os frontal, la grande aile du sphénoïde ou la région absolument complet, notamment en ce qui concerne la descrip-
maxillozygomatique. L’exploration méningée est la plupart du tion de l’état dentaire.
temps extradurale, avec section des filets du nerf olfactif, et .

expose la lame criblée, la gouttière olfactive jusqu’au jugum


sphénoïdal et les toits des orbites. La présence d’adhérences ■ Références
peut faire suspecter une brèche durale qui est réparée par suture
méningée, doublée par un lambeau pédiculé d’épicrâne à [1] Esnault O, Abitbol P, Boutin P, Monteil JP. Traumatismes du tiers
moyen de la face. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Oto-rhino-
charnière antérieure, ou par lambeau pédiculé de galéa [37]. On
laryngologie, 20-480-A-10, 2002.
peut également utiliser du fascia lata.
[2] Lockhart R. Traumatismes maxillofaciaux. In: Beydon L, editor. Trau-
Traumatismes balistiques matismes graves. Rueil-Malmaison: Arnette; 2000.
[3] Le Fort R. Étude expérimentale sur les fractures de la mâchoire supé-
Il s’agit de traumatismes extrêmement violents qui sont rieure. Rev Chir 1901;23:208-27, (360-79, 479-507).
souvent pris en charge dans un cadre multidisciplinaire mais [4] Swearingen JJ. Tolerances of human face to crash impact. Reprint N°
qui se présentent également parfois sous la forme d’un trauma- AM-65-30 of Federal Aviation Agency. Oklahoma City.OK, 1965.
tisme facial isolé qui est géré par le chirurgien cervicofacial. [5] Bellavoir A, Suleau J, Jouen F, Pons J. Considérations statistiques à
L’urgence se situe d’emblée au niveau des fonctions vitales propos des fractures sinusales de la face. Rev Stomatol Chir Maxillofac
(hémostase, trachéotomie). 1984;85:414-5.
Puis les plaies sont explorées de la superficie vers la profon- [6] Manson PN, Clark N, Robertson B, Slezak S, Wheatly M, Vander
deur et la reconstruction, sommaire de la profondeur vers la Kolk C. Ubunit principles in midface fractures: the importance of
superficie. Après un parage aussi économe que possible, notam- sagittal buttresses, soft-tissue reductions, and sequencing treatment of
ment en ce qui concerne la peau, on stabilise les lésions segmental fractures. Plast Reconstr Surg 1999;103:1287-306.
osseuses en essayant de conserver les longueurs. On reconstruit [7] Duhamel P, Gauthier J, Giraud O, Denhez F, Bey E. Examen d’un trau-
ensuite si possible les lésions nerveuses puis on panse la plaie matisé facial. EMC (Elsevier SAS, Paris), Stomatologie, 22-068-A-05,
en ayant veillé à recouvrir les structures vasculonerveuses 2008.
exposées à nue. Les gestes compliqués de reconstruction faciale [8] Lockhart R, Bertrand JC. Conduite à tenir en urgence devant un trau-
sont à proscrire dans le cadre de l’urgence. Secondairement, on matisme maxillo-facial. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Urgen-
envisage une stratégie de reconstruction qui suit les principes ces, 24-104-A-10, 1994.
suivants [1] : [9] Peynegre R, Strunski V. Les traumatismes du tiers moyen de la face.
EMC (Elsevier Masson SAS, Paris). Oto-rhino-laryngologie,
• apporter d’abord les tissus mous là où ils sont nécessaires
20-480-A-10, 1988 : 12p.
pour recouvrir des greffons osseux ultérieurs. On utilise pour
[10] Hohlrieder M, Hinterhoelzl J, Ulmer H, Lang C, Hackl W, Kampfl A.
cela tous les lambeaux disponibles, libres ou pédiculés, Traumatic intracranial hemorrhagies in facial fracture patients: review
musculocutanés ou non ; of 2195 patients. Intensive Care Med 2003;29:1095-100.
• restaurer la continuité de l’arche mandibulaire par des greffes [11] Exadaktylos AK, Sclabas GM, Smolka K, Rahal A, Andres RH,
osseuses (greffe libre ou lambeau ostéomyocutané libre) ; Zimmermann H. The value of computed tomographic scanning in the
• fermer les perforations palatines, obtenir une bonne conti- diagnosis and management of orbital fractures associated with head
nence labiale souvent au prix d’une microstomie en utilisant trauma: a prospective, consecutive study at a level I trauma center.
au maximum la lèvre saine ; J Trauma 2005;58:336-41.
• réparer les dégâts orbitaires et restaurer une continence [12] Holmgren EP, Dierks EJ, Homer LD, Potter BE. Facial computed
palpébrale pour une éventuelle prothèse oculaire ; tomography use in trauma patients who require a head computed
• restaurer le nez en utilisant au maximum les lambeaux tomogram. J Oral Maxillofac Surg 2004;62:913-8.
locaux. [13] Levy RA, Edwards WT, Meyer JR, Rosenbaum AE. Facial trauma and
On utilise volontiers chez ces patients les systèmes de 3-D reconstructive imaging: insufficiencies and correctives. AJNR Am
fixateurs externes ou le diadème de Tessier pour maintenir J Neuroradiol 1992;13:885-92.
l’écart entre les fragments osseux et les greffes osseuses mises en [14] Santler G, Kärcher H, Ruda C. Indications and limitations of
place. three-dimensional models in cranio-maxillofacial surgery.
J Craniomaxillofac Surg 1998;26:11-6.
[15] Schubert J. Treatment of midfacial fractures. Radiologe 2007;47:
■ Séquelles 598 (600-5).
[16] Blessmann M, Pohlenz P, Blake FA. Validation of a new training tool
Les séquelles sont esthétiques et fonctionnelles (manducatoi-
for ultrasound as a diagnostic modality in suspected medfacial fractu-
res, oculomotrices, voire cécité par atteinte du globe et/ou du res. Int J Oral Maxillofac Surg 2007;36:501-6.
nerf optique, et respiratoires nasales). Elles sont inhérentes au [17] Beziat JL, Cresseau P. Fractures du massif facial, diagnostic. Rev Prat
traumatisme initial et parfois à une mauvaise réduction, une 1994;44:817-26.
mauvaise contention ou à des soins postopératoires défaillants [18] Dandrau JP, Aubert S, Cantaloube D. Fractures des maxillaires. EMC
ou inobservés. (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-071-A-10, 2001 : 13p.
Leur traitement fait appel à plusieurs procédés : [19] Gullane PJ, Gilbert RW. Approach to naso-frontal-ethmoidal complex
• reprise de cicatrices : la reprise d’une cicatrice disgracieuse fractures. J Otolaryngol 1985;14:132-5.
doit enlever toute la zone fibreuse et être éventuellement [20] Peron JM, Guilbert F. Fractures et disjonctions du massif facial supé-
réorientée selon les lignes de traction de la face et du cou ; rieur. Diagnostic, principes du traitement. Rev Prat 1991;41:1325-32.

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20-480-A-10 ¶ Traumatismes du tiers moyen de la face

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Y. Pons, Assistant.
Service d’ORL-chirurgie cervicofaciale, Hôpital d’instruction des Armées Percy, 92141 Clamart, France.
E. Ukkola-Pons, Interne.
Service d’imagerie médicale, Hôpital d’instruction des Armées Percy, 101, avenue Henri-Barbusse, BP 406, 92141 Clamart cedex, France.
M. Raynal, Spécialiste.
P. Lepage, Spécialiste.
I. Hunkemöller, Assistante.
M. Kossowski, Professeur agrégé (michel.kossowski@santarm.fr).
Service d’ORL-chirurgie cervicofaciale, Hôpital d’instruction des Armées Percy, 92141 Clamart, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Pons Y., Ukkola-Pons E., Raynal M., Lepage P., Hunkemöller I., Kossowski M. Traumatismes du tiers moyen
de la face. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Oto-rhino-laryngologie, 20-480-A-10, 2011.

Disponibles sur www.em-consulte.com


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