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MISE EN PERSPECTIVE D'UN SIÈCLE DE FUSIONS-ACQUISITIONS EN

EUROPE ET AUX ETATS-UNIS

Lucian Briciu, Sophie Nivoix

Management Prospective Ed. | « Management & Avenir »

2009/6 n° 26 | pages 52 à 73
ISSN 1768-5958
DOI 10.3917/mav.026.0052
Article disponible en ligne à l'adresse :
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Mise en perspective d’un siècle de fusions-


acquisitions en Europe et aux Etats-Unis

par Lucian Briciu et Sophie Nivoix

Résumé
Au travers d’une vaste analyse tant théorique qu’empirique, cet article porte
un regard neuf sur l’activité de fusion-acquisition en Europe. Phénomène
ancien aux Etats-Unis, les fusions-acquisitions sont apparues récemment
en Europe et ont présenté essentiellement une dimension stratégique. Il
apparaît que les principales caractéristiques des opérations européennes
se renforcent dans le temps.

Abstract
This paper proposes a new approach of the European mergers and
acquisitions activity using a thorough empirical and theoretical analysis.
Whereas it is fairly old in the United Stated, this activity has appeared quite
recently in Europe and showed essentially a strategic dimension. We point
out that the main characteristics of the European deals tend to grow stronger
in time.

Le développement des vagues de fusions et acquisitions, à l’instar des Etats-


Unis, dans les pays européens mettent en relief le besoin d’une vision sur longue
période de ce phénomène. Ces opérations, qui contribuent à la structuration des
systèmes productif et financier, ont pu être observés dès la fin du XIXème siècle
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aux Etats-Unis. Moments forts de la vie des entreprises, cibles ou acquéreuses,
ces opérations présentent des caractéristiques contrastées selon que l’on
considère l’Europe ou les Etats-Unis, et suivant la décennie observée.

Nous avons donc mené une vaste étude de l’ensemble des traits communs et
des différences caractérisant les opérations de fusions-acquisitions aux Etats-
Unis et en Europe, tant sur les répartitions sectorielle et géographique, le
mode de financement, le caractère amical ou hostile et la nature économique
(horizontale ou de diversification) des opérations enregistrées au cours des
vagues identifiées depuis la fin du XIXème siècle et jusqu’à la fin du XXème siècle.
En analysant le contexte économique dans lequel ces opérations ont eu lieu ainsi
que leurs principales caractéristiques, notre étude tente de mettre en évidence
les principales raisons des opérations de fusions-acquisitions ainsi que les
différentes types de stratégies que les entreprises ont adoptées afin d’anticiper
ou répondre aux changements de leur environnement.

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Mise en perspective d’un siècle de fusions-
acquisitions en Europe et aux Etats-Unis

Du fait que des données fiables quant à l’activité de fusions-acquisitions en Europe


ne sont disponibles qu’à partir du milieu des années 1980, mais aussi parce que
la décennie 1980 a été marquée par une relance du mouvement d’unification
économique, l’analyse des caractéristiques des opérations de fusions-acquisitions
a été scindée en deux parties chronologiques. La première partie de cet article
porte sur des opérations réalisées avant 1980 et utilise des données hétérogènes
au niveau national. Dans la seconde partie, nous présentons une analyse
systématique à partir du milieu des années 1980 grâce à une base de données
homogène au niveau européen. Pour ce faire, deux mesures complémentaires
de ce phénomène ont été utilisées : d’une part le nombre d’opérations de fusions-
acquisitions renseigne sur l’étendue du phénomène et sa généralisation entre
les acteurs, d’autre part la valeur des opérations permet d’apprécier son poids
économique. Plus de 29000 annonces d’opérations impliquant au moins une
entreprise européenne ont ainsi été enregistrées au cours de la période 1985-
2002.

1. Bref historique des fusions-acquisitions avant 1980

L’activité de fusions-acquisitions a globalement connu jusqu’au début des années


1980 trois vagues. Les deux premières, qui ont eu lieu au début du siècle dernier,
ont touché essentiellement les pays anglo-saxons (Prot et de Rosen, 1990). Ce
n’est que depuis la fin des années 50 que l’activité de fusions-acquisitions s’est
aussi étendue aux pays les plus importants de l’Europe continentale, et qu’est
apparue dans les années 60 une nouvelle vague de fusions-acquisitions qui a
touché, outre les pays anglo-saxons, la plupart des pays occidentaux (Mueller,
1980).

1.1. Les deux premières vagues de fusions-acquisitions : un


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phénomène essentiellement anglo-saxon
Bien qu’ayant eu lieu dans un contexte se caractérisant par le développement
des marchés financiers, les opérations de deux premières vagues de fusions-
acquisitions semblent avoir eu pour origine des raisons plutôt stratégiques
que financières. L’évolution du cadre réglementaire mais aussi l’apparition et
le développement de nouvelles technologies et industries ont ainsi favorisé
l’apparition des vagues de fusions-acquisitions.
1.1.1.La première vague (fin du XIXème - début XXème siècle) :
horizontalité et multiplicité des acteurs
Coutinet et Sagot-Duvauroux (2003) notent que la principale caractéristique de
la première vague de fusions-acquisitions aux Etats-Unis est l’importance des
fusions horizontales6 impliquant plus de deux firmes en même temps. Ainsi, sur
6. Une fusion-acquisition est considérée comme horizontale lorsque les firmes participantes appartiennent au même secteur
d’activité.

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les 3000 opérations réalisées entre 1895 et 1904, 75% concernent au moins cinq
firmes (Scherer et Ross, 1990).

Ces opérations ont, par ailleurs, été dans leur grande majorité domestiques et
se sont, d’une manière générale, traduites par un important accroissement des
parts de marché au niveau national. En effet, sur les 92 plus grandes opérations,
78 ont permis aux entreprises fusionnantes d’accéder à une part de marché
national supérieure à 50% (Capron, 1996). Dans cette même perspective,
l’étude de Markham (1955)7 montre que 71 secteurs, qui étaient oligopolistiques
ou presque concurrentiels avant la première vague de fusions-acquisitions, sont
devenus quasi-monopolistiques à son terme8.

En observant que ces opérations ont touché les secteurs de l’acier, de l’emballage,
de l’équipement électrique, du papier, des pneumatiques, des produits chimiques,
des machines agricoles, du sucre, du tabac, du textile et de la chaussure,
plusieurs auteurs (Capron, 1996 ; Coutinet et Sagot-Duvauroux, 2003) notent
que la deuxième vague de fusions-acquisitions a eu lieu à une période où le
développement des transports ferroviaires et des moyens de communication a
favorisé une large circulation des marchandises et a élargi la taille du marché
potentiel d’un produit. De nombreuses opérations de fusions-acquisitions ont
également eu lieu dans des secteurs où des technologies de production de
masse ont été développées en réponse à l’émergence d’un marché national plus
large.

D’autres auteurs (Du Boff et Herman, 1989) remarquent que la première vague
de fusions-acquisitions aux Etats-Unis a, par ailleurs, coïncidé avec l’existence
d’un marché financier en croissance mais aussi avec une intervention forte, dans
le domaine de la concurrence entre les entreprises, des autorités publiques.
Ces dernières ont en effet interdit, à partir de 1890, l’existence des trusts par le
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Sherman Act (Capron, 1996)9.

Les rares études10 qui se sont intéressées à l’activité de fusions-acquisitions en


Grande-Bretagne notent que ce pays a également connu, à la même période que
les Etats-Unis, de nombreuses opérations de fusions-acquisitions, conduisant à
la formation de grands groupes nationaux dans des secteurs comme le textile, le
tabac, etc. Cosh et al. (1980) observent que la plupart de ces opérations ont été,
comme aux Etats-Unis, des fusions multi-firmes.

A la lumière des différentes caractéristiques des opérations de la première vague


de fusions-acquisitions aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, ainsi que des
7. Cité par Scherer et Ross (1990). Voir aussi Capron (1996).
8. C’est par rapport à ce contexte que Stigler (1950) parle de « mergers for monopoly ».
9. Voir aussi Weston et Weaver (2001) pour une description des interventions des autorités publiques américaines en matière de
fusions-acquisitions.
10. Voir par exemple Vieillard (1990).

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Mise en perspective d’un siècle de fusions-
acquisitions en Europe et aux Etats-Unis

environnements dans lesquels elle s’est produite, on a souvent suggéré que les
firmes ont recherché à travers ces opérations l’obtention d’un pouvoir de marché
et/ou des économies d’échelle. Des explications fondées sur la recherche de
plus-values ou l’exploitation des situations d’asymétrie d’information, telles
l’exploitation du différentiel de PER (Price Earning Ratio) entre firme acquéreuse
et firme cible ou la surévaluation des firmes acquéreuses, ont aussi été avancées
(Du Boff et Herman, 1989).
1.1.2. La deuxième vague (années 20) : émergence d’opérations
verticales et d’acquisitions liées aux services
La diminution des opportunités de réalisation d’opérations horizontales dans
certains secteurs et le renforcement de la législation anti-trust aux Etats-Unis11
ont permis l’émergence de nouveaux types d’opérations lors de la deuxième
vague. Ainsi, de nombreuses fusions-acquisitions verticales12 se sont produites
dans les secteurs de l’industrie primaire (matières premières : cuivre, pétrole…)
et dans certains secteurs manufacturiers (chimie, ciment,…), les opérations
horizontales restant toutefois majoritaires tant en nombre qu’en valeur13. En
fait, les rachats de firmes, produisant des biens similaires sur des marchés
géographiquement différents, étaient devenus très importants dans des secteurs
comme l’alimentaire, le commerce de détail et la grande distribution, secteurs pour
la plupart fragmentés. Par ailleurs, des opérations d’extension de la gamme de
produits14 sont également apparues dans l’industrie manufacturière (alimentaire,
chimie…) et dans les services (Capron, 1996 ; Coutinet et Sagot-Duvauroux,
2003).

Contrairement aux opérations de la première vague qui ont principalement


concerné les secteurs manufacturiers, un nombre important de fusions-acquisitions
a été entrepris dans le secteur des services à la population (utilities), électricité et
gaz en principal (Scherer et Ross, 1990 ; Coutinet et Sagot-Duvauroux, 2003).
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Parallèlement à l’élargissement des marchés que l’utilisation de l’automobile
et de la radio a facilité en développant les transports et la circulation des
informations, la deuxième vague de fusions-acquisitions américaines s’est
produite pendant une période d’euphorie boursière conduisant à la formation
d’oligopoles nationaux15. Ceci s’est réalisé soit en déconcentrant les secteurs
qui étaient devenus monopolistiques lors de la première vague (chimie, acier,
ciment, pétrole), soit en concentrant des secteurs restés jusqu’alors fragmentés,
tels l’alimentation, le transport, et le commerce (Prot et de Rosen, 1990 ; Scherer
et Ross, 1990). Comme lors de la première vague, la majorité des opérations
furent domestiques.
11. Il s’agit du Clayton Act de 1914.
12. Une fusion-acquisition verticale implique des firmes exerçant des activités à différents stades de la même filière.
13. Scherer et Ross (1990) notent que la part des opérations horizontales dans le total des opérations enregistrées entre 1926 et 1930
dépasse les 50%.
14. Plusieurs auteurs (Scherer et Ross, 1990 ; Strategor, 1997) ont qualifié ces fusions-acquisitions d’opérations de diversification liée
ou de type concentrique.
15. C’est pour cela que Stigler (1950) qualifie les opérations de la deuxième vague de « mergers for oligopoly ».

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En Europe, seule la Grande-Bretagne connaît, à la même époque, une autre


vague de fusions-acquisitions. Capron (1996) note ainsi que la deuxième vague
en Grande-Bretagne a touché principalement les secteurs alimentaire, électrique
et chimique coïncidant, comme dans le cas des Etats-Unis, avec des changements
qui sont intervenus sur le plan industriel et technologique, tels l’émergence
de nouveaux secteurs (par exemple, l’automobile). Le développement des
techniques de production de masse a par ailleurs encouragé l’accroissement de
la taille des entreprises qui s’est opéré simultanément par croissance interne et
par fusions-acquisitions (Coutinet et Sagot-Duvauroux, 2003).

Au regard de ces caractéristiques, des explications similaires à celles avancées


pour les opérations de la première vague ont été proposées par un certain nombre
d’auteurs16. L’apparition et le développement des opérations verticales amènent,
par ailleurs, à considérer une autre explication, complémentaire à celle de la
recherche d’économies d’échelle, à savoir la réduction de l’incertitude quant aux
débouchés et/ou aux sources d’approvisionnement (Williamson, 1975). Dans
cette même perspective, Pfeffer (1972) a avancé une explication similaire, à
savoir celle de la dépendance de ressources. Enfin, comme la vague de fusions-
acquisitions s’est produite dans un contexte de changements technologiques
importants, on peut également penser à une autre explication liée à l’acquisition
de nouvelles compétences (Moati, 2001).

1.2. La troisième vague de fusions-acquisitions : le réveil des


pays de l’Europe continentale après la guerre
Ce n’est qu’après la seconde guerre mondiale, vers la fin des années 60, que
les principaux pays de l’Europe continentale, l’Allemagne et la France, ont
connu leur première vague de fusions-acquisitions alors que les Etats-Unis et
la Grande-Bretagne en étaient déjà à leur troisième. Néanmoins, les opérations
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de cette vague ont présenté des caractéristiques assez différentes selon qu’elles
ont impliqué des firmes européennes ou américaines, l’existence de cadres
réglementaires différents des deux côtés de l’Atlantique jouant un rôle important
dans l’explication de ces différences.
1.2.1. Aux Etats-Unis
La vague d’opérations des années 1960 aux Etats-Unis s’est caractérisée
d’une manière générale par une vaste diversification (Capron, 1996), mais sa
caractéristique la plus nette a été la hausse des opérations conglomérales17
pures relativement aux opérations horizontales (voir tableau 1).

16. Voir ainsi Stigler (1950), Scherer et Ross (1990), Capron (1996).
17. Les opérations conglomérales associent des firmes appartenant à des secteurs différents sans lien entre eux.

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Mise en perspective d’un siècle de fusions-
acquisitions en Europe et aux Etats-Unis

Tableau 1. Part des types d’opérations aux Etats-Unis dans les secteurs manufacturiers
et d’extraction (1948-1971)
Pourcentage du total des actifs acquis (%)
Type de l’opération
1948-1955 1956-1963 1964-1971
Horizontal 39 18,7 12
Vertical 12,7 20 6,6
Expansion
36,1 36,9 38,9
géographique*
Extension de gamme
2,1 6,7 7,7
(ou diversification liée)
Congloméral (pur) 10,1 17,7 34,8
TOTAL 100 100 100
* : Ce type d’opération est très semblable à une opération horizontale. Capron (1996) considère que la distinction
faite par les études sur la deuxième vague, entre opérations horizontales et celles d’expansion géographique,
conduit à une sous-estimation des opérations horizontales des années 20. Voir aussi Scherer et Ross (1990).

Source : Scherer et Ross (1990).

La diversification a principalement concerné les firmes de petite et moyenne


taille, soucieuses de réduire leur dépendance vis-à-vis d’un seul secteur (Scherer
et Ross, 1990 ; Weston et al., 1990). Mais des entreprises de grande taille et
bénéficiant d’importants cash flows se sont aussi diversifiées, de sorte que la part
des entreprises exerçant une mono-activité parmi les 500 premières entreprises
américaines est passée de 30% en 1950 à 8 % en 1976 (Capron, 1996).

Les principaux secteurs sujets à de telles opérations ont été les secteurs où l’on a
enregistré des fluctuations conjoncturelles de la demande et une évolution rapide
des produits (cycle de vie court) : les secteurs liés aux ressources naturelles, les
secteurs d’équipement industriel, l’aéronautique, ainsi que d’autres secteurs de
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haute technologie. D’importantes opérations de diversification ont également été
réalisées par des firmes appartenant à des secteurs en déclin et surcapacitaires,
tels que l’équipement ferroviaire, le textile, le tabac, afin d’acquérir des nouvelles
technologies dans des secteurs en plein essor (Weston et al., 1990 ; Capron,
1996 ; Sachwald, 2000).

Bien que cette vague de fusions-acquisitions se soit produite, comme les


précédentes, durant une période de croissance économique, plusieurs auteurs
considèrent que la nature de ces opérations a été fortement influencée par
l’intervention des autorités publiques. En effet, en 1950, le Congrès américain a
amendé dans un sens plus restrictif le Clayton Act datant de 1914 et qui interdisait
tout transfert d’actions pouvant constituer une menace au bon fonctionnement
des mécanismes concurrentiels du marché. L’amendement Celler-Kaufer a
étendu le champ d’application du Clayton Act aux achats d’actifs de telle sorte
que les fusions-acquisitions horizontales et verticales sont devenues quasiment

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impossibles. Les fusions-acquisitions de diversification liées (ou concentriques)


et celles conglomérales ont alors supplanté les fusions-acquisitions horizontales
et verticales.

Etant donné les caractéristiques des opérations qui ont eu lieu dans les années
60 lors de la troisième vague, de nombreux observateurs ont suggéré qu’elle
s’expliquerait par des motivations à caractère financier telles la réduction du risque
financier, des coûts d’agence, la recherche des économies financières et fiscales
ou encore par des motivations liées à l’inefficience des marchés financiers18.
Capron (1996) considère par ailleurs, qu’au-delà des motivations financières, de
nombreuses opérations s’expliqueraient par les motivations personnelles des
dirigeants, avides d’étendre leur pouvoir et leur prestige à travers la constitution
de groupes de grande taille19.
1.2.2. En Europe
A la même époque, en Europe, le temps est aux fusions-acquisitions horizontales
(Scherer et Ross, 1990 ; Coutinet et Sagot-Duvauroux, 2003). Ainsi, Capron
(1996) constate, dans une étude des fusions-acquisitions initiées par des firmes
britanniques, allemandes, françaises et néerlandaises au cours de la période
1958-1970, que 60 à 70% des opérations ont été de type horizontal, 10 à 12% de
type vertical et 20% ont correspondu à des opérations de diversification.

En étudiant l’activité de fusions-acquisitions en Allemagne entre 1958 et 1977,


Cable et al. (1980) notent également que la majorité des opérations ont été
horizontales. Ils observent, par ailleurs, que d’une manière générale l’activité de
fusions-acquisitions s’est concentrée dans quelques secteurs : près de 80% des
opérations enregistrées ont été réalisées dans 10 secteurs.

D’autres études de l’activité de fusions-acquisitions des différents pays européens


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confirment la prédominance des opérations horizontales, tout en relativisant leur
importance (Muldur, 1989). En analysant les fusions-acquisitions en France entre
1970 et 1972, Jenny et Weber (1980) constatent ainsi que près de la moitié
sont des opérations horizontales. Cosh et al. (1980) observent, par ailleurs, que
malgré l’importance des opérations horizontales (environ 70% du total), révélée
par la plupart des études sur les fusions-acquisitions de l’après-guerre en
Grande-Bretagne, leur part a diminué depuis le début des années 50 et jusqu’à
la fin des années 60 : 68% entre 1950-1956, 63% entre 1957-1963 et 48% entre
1964-1970.

Les opérations internationales restent, comme aux Etats-Unis, peu nombreuses.


Hughes et Singh (1980) notent que le nombre de fusions-acquisitions
internationales des pays membres de la CEE a été minuscule entre 1966 et 1973
en comparaison avec le nombre de fusions-acquisitions domestiques. Derhy
18. Voir ainsi Barber et al.. (1995).
19. Mueller (1969) avance pour la première fois ce type d’explication concernant les opérations des années 60.

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acquisitions en Europe et aux Etats-Unis

(1995, 1996) constate aussi, dans le cas de la France, que seulement 12% des
opérations enregistrées entre 1966 et 1972 impliquent des firmes étrangères.
Enfin, Prot et de Rosen (1990) observent qu’à la différence des Etats-Unis et
à l’exception de la Grande-Bretagne, la plupart des opérations en Europe
continentale ont été réalisées hors marché.

En résumé, même si les principaux pays européens et les Etats-Unis ont connu
pratiquement à la même époque une vague de fusions-acquisitions, l’examen
des principales caractéristiques des opérations réalisées, au cours des années
60, aux Etats-Unis et en Europe met en évidence d’importantes différences.
Les opérations européennes ont ainsi présenté un caractère plus industriel
ou stratégique (recherche d’économies d’échelle, de pouvoir de marché, de
nouvelles ressources, …), alors que les opérations américaines ont davantage
relevé de la diversification financière sous l’influence de la modification du cadre
réglementaire.

2. Les vagues de fusions-acquisitions après 1980

S’inscrivant dans un contexte marqué par la libéralisation du commerce et


de l’investissement au niveau international ainsi que par la dérégulation20 de
différents secteurs très régulés des économies les plus développées (Etats-Unis
et pays de l’Europe de l’Ouest), les vagues de l’activité de fusions-acquisitions
dans ces pays après 1980 se sont caractérisées par l’internationalisation et la
consolidation (recentrage). Gönenç et al. (2001) observent parallèlement qu’un
important mouvement de privatisation a eu lieu dans tous les pays industrialisés
depuis les années 8021. Outre ces changements institutionnels et économiques,
on peut également noter le fait que l’environnement des firmes a également été
marqué par des innovations technologiques et organisationnelles (Coutinet et
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Sagot-Duvauroux, 2003).

Bien que l’Europe et les Etats-Unis aient connu après 1980, presque aux mêmes
périodes, deux vagues de fusions-acquisitions (Briciu, 2006), nous analysons
d’abord les caractéristiques des vagues américaines puis celles des vagues
européennes.

2.1. Les vagues américaines


Les différentes évolutions économiques, financières et réglementaires de
l’économie mondiale en général, et l’économie américaine en particulier, depuis
le début des années 1980, ont fait largement évoluer les caractéristiques des
opérations de fusions-acquisitions.
20. La dérégulation ou la déréglementation est une politique économique qui s’oppose à la réglementation qui, elle, est une forme
d’intervention institutionnelle et indirecte de l’Etat dans les activités économiques (Muldur, 1989).
21. La privatisation a concerné au début les secteurs concurrentiels (banques ou assurances) pour s’étendre ensuite aux secteurs des
services publics (télécommunications, poste, transports).

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2.1.1. La quatrième vague américaine (fin des années 80) : horizontalité


et internationalisation
Se manifestant dans un contexte marqué par les innovations financières,
la déréglementation de plusieurs secteurs de l’économie américaine et
l’accroissement de la concurrence internationale (Muldur, 1989 ; Mitchell et
Mulherin, 1996 ; Andrade et al., 2001 ; Holmstrom et Kaplan, 2001 ; Kleinert et
Klodt, 2002), la quatrième vague de fusions-acquisitions aux Etats-Unis s’est
caractérisée par des opérations de nature différente de celle des années 60.
Les opérations américaines des années 80 ont été dans leur majorité de nature
horizontale, permettant le recentrage et la consolidation de nombreuses firmes
qui s’étaient diversifiées durant la vague précédente (Shleifer et Vishny, 1991).
Pryor (2001) constate ainsi que la valeur des opérations horizontales impliquant
au moins une entreprise américaine a représenté, en 1985, environ 70% de
la valeur totale des opérations enregistrées et la moitié du nombre total de
fusions-acquisitions. Les opérations horizontales ont donc impliqué des grandes
firmes22.

Toujours à l’opposé de la vague des années 60, il faut aussi noter l’importance
des opérations internationales durant les années 80. Muldur (1989) parle de
la « boulimie » des acquisitions internationales. Les acquisitions des firmes
américaines par des étrangers ont dépassé en 1987 les 40 milliards de
dollars. Les Etats-Unis ont en effet été, durant les années 80, le principal pays
d’accueil d’investissements directs venant de l’étranger sous forme de fusions-
acquisitions23. La faiblesse du dollar a encouragé, selon certains auteurs (Scherer
et Ross, 1990 ; Weston et al., 1990), les acquisitions aux Etats-Unis par les firmes
étrangères, notamment européennes. Par ailleurs, la valeur des acquisitions
américaines à l’étranger a doublé de 1983 à 1987, passant de 5,154 milliards de
dollars à 10,962 milliards de dollars. Dans le même sens, plusieurs rapports de la
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CNUCED24 notent l’accroissement des investissements américains à l’étranger
dans les années 80, dont environ 60% représente les opérations internationales
des firmes américaines25.

Bien que l’activité de fusions-acquisitions ait touché durant ces années tous
les secteurs de l’économie américaine, une grande partie des opérations
s’est concentrée dans les secteurs les plus affectés par les déréglementions
et l’accroissement de la concurrence internationale, tels la banque, les
télécommunications, le pétrole, le gaz, le textile, l’alimentaire, les transports
aérien et routier (Muldur, 1989 ; Mitchell et Mulherin, 1996).

22. L’étude des opérations domestiques des firmes américaines réalisée par Andrade et al. (2001) montre aussi que les opérations
horizontales ont représenté 40% du total des fusions-acquisitions réalisées par des firmes cotées au cours de la période 1980-1989.
23. Voir CNUCED (1996), OCDE (2001) et Pryor (2001).
24. Voir CNUCED (1991, 1993, 1996, 1998, 2000).
25. Il faut cependant noter que la part des investissements américains durant les années 80 s’est réduite en faveur des investissements
des firmes européennes et japonaises. Voir aussi OCDE (2001).

60
Mise en perspective d’un siècle de fusions-
acquisitions en Europe et aux Etats-Unis

Une autre caractéristique des fusions-acquisitions qui ont eu lieu au cours des
années 80, mise en avant par certains auteurs (Jensen, 1986, 1988, 1993 ; de
Bodt, 2001), est l’hostilité d’un certain nombre d’opérations. Toutefois, la part
de ces opérations dans la valeur totale des fusions-acquisitions n’a jamais été
majoritaire26. Andrade et al. (2001) constatent ainsi que seulement 14% des
opérations enregistrées entre 1980 et 1989 comportèrent un caractère hostile.

Cette situation pourrait néanmoins s’expliquer par le fait qu’une partie des
opérations hostiles ont eu pour cible des firmes de taille importante, les opérations
de taille élevée représentant une des caractéristiques de la vague des années 80
(Shleifer et Vishny, 1991).

Une large fraction des fusions-acquisitions a par ailleurs été financée par des
liquidités. Andrade et al. (2001) notent ainsi que 45,3% des 1427 opérations
enregistrées entre 1980 et 1989 ont été financées par des liquidités. D’autres
auteurs (Jensen, 1986, 1988 ; Holmstrom et Kaplan, 2001), qui notent l’importance
du financement par des liquidités, considèrent qu’il est dû au développement de
l’endettement à la suite de l’apparition des junk bonds. Muldur (1989) observe
cependant que ceux-ci n’ont financé qu’une faible partie (près de 3%) de la valeur
totale des opérations enregistrées en 1984.

Par ailleurs, Du Boff et Herman (1989) ainsi que Shleifer et Vishny (2003) ont
soutenu que la vague de fusions-acquisitions des années 80 s’expliquerait plutôt
à partir des inefficiences du marché financier. Dans un contexte d’importants
changements économiques, tels que la déréglementation et l’accroissement
de la concurrence internationale, les innovations financières, qui ont contribué
au développement du marché boursier, ont permis aux spéculateurs de mieux
profiter des asymétries d’information. La sous-évaluation d’une partie importante
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des firmes expliquerait ainsi cette vague. En effet, si l’on considère que le ratio Q
de Tobin27 peut donner une image de la sous-évaluation, on peut noter, à l’instar
de plusieurs auteurs (Muldur, 1989 ; Scherer et Ross, 1990 ; Weston et al., 1990),
la faiblesse du ratio Q des firmes américaines, qui a été inférieur à 1, jusqu’à la fin
des années 80. Andrade et al. (2001) constatent, par ailleurs, que le ratio Q des
firmes acquéreuses a été pour plus de 60% des opérations réalisées entre 1980
et 1989 supérieur à celui des firmes cibles28.
2.2.2. La cinquième vague américaine (fin des années 90) : des
échanges d’actions toujours plus importants
Pour de nombreux observateurs des vagues de fusions-acquisitions, la vague
américaine des années 90 a été bien différente de la précédente et analogue
à celle que l’Europe a connue pratiquement à la même période. Parmi les
26. Voir Shleifer et Vishny (1991), Weston et Weaver (2001), Coutinet et Sagot-Duvauroux (2003).
27. Le Q de Tobin est le rapport entre la valeur de marché d’une firme et le coût de remplacement de ses actifs.
28. Voir aussi Morck et al.. (1988) et Jovanovic et Rousseau (2002a).

61
26

différences le plus souvent citées, on peut noter la rareté du caractère hostile.


En effet, bien que peu importante dans les années 80, la part des opérations
hostiles ou inamicales s’est encore réduite durant la vague des années 90 pour ne
représenter qu’une faible fraction de la valeur totale des opérations américaines
(Andrade et al., 2001 ; Holmstrom et Kaplan, 2001 ; Weston et Weaver, 2001).
Concernant le mode de financement de ces opérations, plusieurs travaux
s’accordent à considérer que les fusions-acquisitions de la dernière vague
se sont majoritairement opérées, à l’opposé de la vague des années 80, par
échange d’actions. Andrade et al. (2001) constatent que près de 60% d’un total
de 2040 fusions-acquisitions réalisées entre 1990 et 1998 par des firmes cotées
ont été entièrement financées par échange d’actions. Néanmoins, Weston et
Weaver (2001) observent que sur la période 1990-1999, 46% des transactions
se sont réalisées en liquidités, 30% par échange d’actions, le reste combinant
liquidités et échange d’actions. Ils remarquent en revanche que les transactions
importantes se sont réalisées essentiellement par échange d’actions (tableau 2)
alors que celles de moindre importance ont été le plus souvent financées par des
liquidités.

Tableau 2. Mode de financement des 364 plus importantes opérations de fusions-


acquisitions aux Etats-Unis entre 1992 et 1998
Mode de paiement Nombre d’opérations Pourcentage
Cash (liquidités) 79 21,7
Echange d’actions 220 60,4
Liquidité et échange d’actions 64 17,6
Endettement 1 0,3
Total 364 100

Source : Weston et Weaver (2001).


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Les opérations de la dernière vague ont par ailleurs été, comme dans le cas de la
quatrième vague, principalement horizontales. Pryor (2001) constate ainsi qu’en
valeur, pour l’année 1999, plus de 75% des fusions-acquisitions impliquant des
entreprises américaines ont été horizontales. Ces opérations représentent environ
la moitié du total des fusions-acquisitions de 1999. En analysant uniquement les
fusions-acquisitions domestiques des firmes cotées sur la période 1990-1998,
Andrade et al. (2001) observent un accroissement de la part des opérations
horizontales par rapport aux années 80.

L’augmentation de la taille moyenne des opérations de fusions-acquisitions au


cours des années 90, et en particulier des fusions-acquisitions internationales,
a conduit plusieurs observateurs29 à considérer l’importance des opérations
internationales comme une autre caractéristique de la dernière vague. Dans
ce sens, une étude de l’OCDE (2001) fait état du développement des fusions-
29. Voir ainsi Weston et Weaver (2001), Coutinet et Sagot-Duvauroux (2003).

62
Mise en perspective d’un siècle de fusions-
acquisitions en Europe et aux Etats-Unis

acquisitions internationales durant les années 90 et en particulier à partir de


1995 aux Etats-Unis et dans l’Union Européenne. Ainsi, si la part des Etats-
Unis dans le volume total des fusions-acquisitions internationales a diminué au
profit de l’Union Européenne durant les années 9030, les Etats-Unis restent le
pays qui a attiré le plus d’opérations internationales (32% de la valeur totale
des opérations internationales enregistrées dans le monde). Néanmoins, en
dépit de l’accroissement de la part des opérations internationales dans le total
des fusions-acquisitions enregistrées aux Etats-Unis au cours des années 90,
ces opérations restent minoritaires (près de 25% du nombre total de fusions-
acquisitions américaines) (Commission européenne, 2000).

L’activité de fusions-acquisitions s’est encore concentrée durant la vague des


années 90 dans les secteurs les plus touchés par les déréglementations et les
changements technologiques : télécommunications, medias, services financiers,
chimie, pharmacie, pétrole, industrie automobile, services publics et agro-
alimentaire. Andrade et al. (2001) considèrent dans ce sens que la déréglementation
est le principal facteur déterminant de cette activité, causant près de la moitié des
opérations des années 90. Holmstrom et Kaplan (2001), Jovanovic et Rousseau
(2001, 2002b) constatent eux aussi que la déréglementation a joué un rôle
important dans le développement des fusions-acquisitions durant les années
90, mais estiment que les changements technologiques en ont été le moteur
principal.

D’autres auteurs mettent en avant le rôle important joué par le marché boursier
qui a facilité, en raison de son niveau élevé, le développement de l’activité de
fusions-acquisitions. Shleifer et Vishny (2003) ont ainsi soutenu qu’en raison de
leur surévaluation, de nombreuses firmes ont procédé à des acquisitions leur
permettant de se protéger d’une baisse rapide de leurs cours. Une explication
en termes de surévaluation ou de différentiel de PER semble ainsi possible mais
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elle ne rendrait compte, comme on l’a vu plus haut, que des fusions-acquisitions
de taille importante.

Au total, il apparaît que les fusions-acquisitions de la fin des années 90 se sont,


pour une large part, axées sur la concentration et/ou l’appropriation des actifs
ou compétences incorporelles. Ceci constitue une réaction à l’intensification
de la concurrence, suite à d’importants changements de nature économique et
technologique au cours des années 90.

2.2. Les vagues européennes


L’Europe a également connu deux vagues de fusions-acquisitions depuis le
début des années 80. Sachant que l’année 198631 a marqué la construction
d’un marché intérieur européen unique, nous considérons que la vague de

30. Voir CNUCED (2000) et Meier et Schier (2003).


31. En 1986 fut signé l’Acte unique entérinant le principe d’achèvement d’un marché intérieur européen au 01/01/93.

63
26

fusions-acquisitions que l’Europe a connue à la fin des années 80 (1987-1991)


représente la première vague véritablement européenne. La deuxième a eu lieu
à la fin des années 90 (1997-2000), et sera présentée ensuite. Pour ce faire,
nous avons analysé les caractéristiques de toutes les annonces d’opérations
de fusions-acquisitions32, recensées par la base SDC Platinum, d’une valeur
supérieure à 1 million de dollars et impliquant au moins une firme européenne33
au cours de la période 1985-2002. Lorsque le critère de cible européenne quelle
que soit l’origine des firmes acquéreuses a été retenu, la valeur totale cumulée
des opérations annoncées a été supérieure à 5000 milliards de dollars. Sur les
29355 opérations ayant une firme cible européenne, 6879 ont eu lieu au cours de
la première vague et 10640 lors de la deuxième vague. Lorsque ces opérations
ont été réparties selon la classification CITI Rev.3 en 27 secteurs d’activité, la
taille de l’échantillon a été réduite à 23912 soit plus de 80% du nombre total
d’opérations retenues. En valeur, ces opérations représentent plus de 88% de la
valeur de l’échantillon total.
2.2.1. La première vague européenne (fin des années 80) :
communautaire et amicale
Si le caractère amical ou hostile des opérations de fusions-acquisitions
américaines de la vague des années 80 a souvent été étudié, ce n’est pas le
cas pour les opérations européennes. Etant donné que la base SDC Platinum
considère comme hostile toute opération ayant fait l’objet d’une réaction négative
de la cible lors de son annonce, les données dont nous disposons montrent que
plus de 95% des opérations enregistrées durant la première vague européenne
furent amicales. La proportion est moindre lorsque l’on considère la valeur des
opérations (75%), ce qui montre que l’hostilité a surtout concerné les opérations
de grande taille.
Peu d’études se sont intéressées aux modalités de financement des fusions-
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acquisitions en Europe. Notre étude nous a aussi permis d’analyser le financement
des opérations enregistrées entre des firmes cotées et dont l’acquéreur est
une firme européenne. Lorsque ces critères ont été retenus, 2471 opérations
d’une valeur globale de près de 2800 milliards de dollars ont été enregistrées
au cours de la période 1985-2002. On peut noter qu’à l’instar des études sur les
opérations américaines, 44% des 735 opérations recensées lors de la première
vague de fusions-acquisitions ont été entièrement financées par des liquidités.
Ces opérations représentent 42% de la valeur totale des opérations annoncées
au cours de la période 1987-1991. Si la proportion des opérations financées
partiellement par des liquidités s’élève à 83% du total, il faut néanmoins observer
que des échanges de titres ont aussi eu lieu dans plus de 40% des opérations
de la période 1987-1991.
32. A été considérée comme fusion-acquisition toute opération pouvant donner lieu à un changement de contrôle : fusion, apport partiel
d’actif, achat partiel ou total d’une firme, achat du bloc de contrôle, OPA et OPE.
33. Sur 8 pays : l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, la France, l’Italie, les Pays-Bas, la Suède et le Royaume-Uni. Le nombre total
des opérations impliquant une firme d’un de ces pays représente plus de 90% du nombre total d’opérations enregistrées dans l’UE-15.
Elles représentent près de 95% de la valeur totale des opérations impliquant une firme de l’UE-15.

64
Mise en perspective d’un siècle de fusions-
acquisitions en Europe et aux Etats-Unis

Considérant que la libéralisation et la déréglementation de l’activité économique


des Etats membres de la CEE a eu un impact important sur le développement des
fusions-acquisitions en Europe, plusieurs études de la Commission Européenne
(1994, 1995a, 1995b) ont analysé la répartition ou la dimension géographique
des opérations de fusions-acquisitions européennes34. Il a ainsi été noté que la
part des fusions-acquisitions entre les entreprises appartenant à différents Etats
membres de la CEE, mais aussi des acquisitions de firmes européennes par des
firmes étrangères, en particulier américaines, a augmenté à la fin des années 80
(voir tableau 3). L’accroissement des opérations communautaires par rapport aux
opérations internationales est dû au fait que les entreprises européennes, et en
particulier britanniques et françaises (Derhy, 1995, 1996), se sont tournées de
plus en plus souvent vers l’Europe en matière d’acquisitions transfrontalières.

Tout en privilégiant les acquisitions en Europe, les entreprises européennes n’ont


pas négligé le reste du monde. De fait, en considérant la création du marché
unique comme partie intégrante d’un processus d’internationalisation plus large,
les entreprises européennes ont également développé leurs acquisitions en
dehors de l’espace européen et en particulier aux Etats-Unis (Sachwald, 1993). Il
faut néanmoins observer que, malgré la hausse des opérations communautaires
et internationales, les opérations domestiques restent majoritaires (tableau 3).
Tableau 3. Géographie du nombre de fusions-acquisitions en Europe
(période 1987-1991)
Opérations
Opérations Opérations
Années internationales
domestiques communautaires
(cible communautaire)
1987 83,7% 11,2% 5,1%
1988 78,6% 16,1% 5,2%
1989 70,3% 21,2% 8,5%
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1990 67,3% 23,9% 8,8%
1991 72% 19,5% 8,5%
Moyenne 1987-1991 74,4% 18,4% 7,2%

Source : Commission Européenne (1999).

D’autres travaux (Muldur, 1989 ; CNUCED, 1991 ; Batsch, 1993 ; Sachwald,


1993) considèrent que les opérations de fusions-acquisitions de la première
vague européenne ont contribué au recentrage vers les activités ou métiers de
base des firmes européennes et notent l’importance des opérations horizontales.
Par exemple, dans le cas de la France, Paturel (1991, 1992) note que deux tiers
des opérations réalisées au cours des années 1990-1991 ont été horizontales.
Cependant, d’autres études, fondées sur des données plus précises, tendent
à relativiser l’importance des fusions-acquisitions horizontales (Commission
34. Pour d’autres études sur les opérations internationales dans les principaux pays européens voir Prot et de Rosen (1990), Capron
(1996), Sachwald (1997), KBC (1999), Coutinet et Sagot-Duvauroux (2003).

65
26

Européenne, 1994). Les données dont nous disposons vont dans le même
sens. En fait, les fusions-acquisitions horizontales représentent, tant en nombre
qu’en valeur, et en regardant l’activité de fusions-acquisitions soit du côté des
cibles soit du côté des acquéreurs, près de 45% du volume total des opérations
enregistrées durant la première vague. Il faut cependant observer qu’en fonction
de la codification sectorielle choisie, la part des opérations horizontales peut
varier selon le niveau de décomposition des secteurs. En effet, plus le degré
d’agrégation est élevé plus la part des opérations horizontales est importante.

En se basant sur la classification NACE35 à un chiffre, Mertens-Santamaria


(1997) a réalisé une analyse de la répartition sectorielle des fusions-acquisitions
au niveau européen. Celle-ci montre que la plupart des opérations réalisées sur
la période 1987-1991 se concentrent au sein de trois grands groupes de secteurs
industriels (les industries de transformation, la chimie, la métallurgie/automobile)
et deux de services (hôtellerie/commerce, et les services aux entreprises,
financiers et d’assurance). En France, Paturel (1992) observe en classant les
fusions-acquisitions en 39 branches d’activités selon la nomenclature de l’INSEE,
que cinq branches accumulent 58% du total des opérations réalisées en 1991.

Le classement des fusions-acquisitions selon l’appartenance de la firme cible


à un des 27 secteurs d’activité retenus selon la classification CITI Rev.3 à
deux chiffres, montre qu’un tiers des secteurs analysés concentre la moitié des
opérations de fusions-acquisitions durant la première vague, alors que la moitié
des secteurs concernés cumule 60% des opérations recensées. Il s’agit souvent
des secteurs censés subir davantage de concurrence à la suite de la mise en
place du marché unique européen, tels la fabrication de produits alimentaires, la
fabrication de machines et matériels, la fabrication de produits métallurgiques,
l’intermédiation financière, le commerce de gros, etc. Si les fusions-acquisitions
tendent à se concentrer dans certains secteurs, des opérations ont eu lieu dans
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tous les secteurs considérés. Il semblerait ainsi que les firmes ont procédé à des
restructurations d’activités dans la plupart des secteurs de l’économie européenne
dans la perspective de l’avènement du marché unique à partir de 1993.

L’analyse de la répartition sectorielle des fusions-acquisitions selon le secteur


d’où provient l’acquéreur fait globalement apparaître des résultats similaires à
ceux de l’analyse des fusions-acquisitions classées selon le secteur cible. Si les
opérations recensées par secteur de provenance de l’acquéreur sont davantage
concentrées que celles classées selon le secteur de la cible, les secteurs les plus
concernés par les opérations de fusions-acquisitions sont de façon générale les
mêmes lorsque l’on regarde le nombre d’opérations. Certaines différences de
classement des secteurs ont néanmoins été constatées en considérant la valeur
des opérations, ce qui peut être lié à la plus grande taille des acquéreurs par
rapport aux cibles.
35. La NACE est la classification sectorielle des activités utilisée par l’Union Européenne, et qui s’avère très proche de la classification
sectorielle CITI de l’OCDE, que nous utilisons dans cette étude.

66
Mise en perspective d’un siècle de fusions-
acquisitions en Europe et aux Etats-Unis

Mertens-Santamaria (1997)36 constate que lors de la première vague, les


opérations ont été plus nombreuses dans l’industrie européenne que dans les
services. Nos données vont dans le même sens, avec 53% des opérations de
fusions-acquisitions dans les secteurs industriels et 47% dans les services durant
la période 1987-1991. Ceci pourrait s’expliquer par l’élimination des dernières
barrières au commerce des marchandises et l’achèvement du marché unique,
qui ont intensifié la concurrence dans les secteurs industriels principalement,
poussant les entreprises à se restructurer. En augmentant l’offre de firmes
pouvant faire l’objet de fusions-acquisitions, les privatisations ont pu aussi jouer
un rôle important dans la multiplication des opérations à la fin des années 80
(Muldur, 1989 ; Gönenç et al., 2001).

En somme, la première vague de fusions-acquisitions des firmes européennes


montre un poids accru des opérations communautaires et internationales au
détriment des opérations nationales, ces dernières restant néanmoins majoritaires.
Les données dont nous disposons conduisent par ailleurs à relativiser l’importance
des fusions-acquisitions horizontales. Enfin, nous avons pu constater qu’à la
fois les liquidités et l’échange d’actions ont été utilisés pour financer les fusions-
acquisitions européennes, et que la grande majorité des opérations européennes
des années 80 a présenté un caractère amical.
2.2.2.La deuxième vague européenne (fin des années 90) :
internationalisation et échanges d’actions accrus
De nombreuses études (Andrade et al. 2001 ; Holmstrom et Kaplan, 2001 ;
Weston et Weaver, 2001) ont montré que les opérations de fusions-acquisitions
de la cinquième vague aux Etats-Unis ont, à la différence de la quatrième, été
essentiellement amicales.

Nos données indiquent qu’une part importante des opérations de fusions-


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acquisitions de la deuxième vague européenne a également eu un caractère
amical (plus de 95% du nombre et 80% de la valeur des opérations réalisées37). Si
les opérations hostiles ont été peu nombreuses, elles ont néanmoins représenté
des montants plus importants.

S’agissant du mode de financement des opérations européennes de la fin des


années 9038, nos résultats montrent que la part des fusions-acquisitions financées
par échanges de titres a, de façon générale, augmenté par rapport à la première
vague. La part de la valeur des fusions-acquisitions financées par échanges
de titres a cependant augmenté plus fortement que leur nombre. Si la part (en
nombre et en valeur) des opérations entièrement financées par des liquidités s’est

36. Voir aussi Commission Européenne (1995a, 1995b, 1997).


37. Voir aussi OCDE (2001) pour une analyse des opérations internationales dont les conclusions sont semblables aux nôtres, ou
Goergen et Renneboog (2002) pour une étude de 187 opérations intra-européennes entre 1993 et 2000.
38. 898 opérations de fusions-acquisitions entre des firmes cotées ont été recensées durant la période 1997-2000.

67
26

réduite, celles-ci constituent encore 73% des financements totaux39. L’aspect le


plus marquant reste néanmoins que la part de la valeur des opérations avec
financement par échanges des titres a presque doublé par rapport à la première
vague.

Suivant des données identiques aux nôtres, plusieurs travaux de la Commission


Européenne (1999, 2000), de la CNUCED (2000) et de l’OCDE (2001) ont mis
en évidence le développement des fusions-acquisitions internationales, intra
et extra-communautaires, comme une des principales caractéristiques des
opérations de la deuxième vague en Europe. Il apparaît ainsi que la tendance
à l’internationalisation des entreprises s’est accrue par rapport à la première
vague européenne. En effet, la part des opérations internationales des firmes
européennes a dépassé à la fin des années 90 plus de 30% de la valeur totale
des opérations enregistrées. Dans cette même perspective, l’étude par Delannay
et Méon (2003) de l’évolution de la part des fusions-acquisitions internationales
dans le total des opérations réalisées montre que le développement des
opérations internationales s’est accentué à partir de 1997. En distinguant les
fusions-acquisitions intra-européennes et internationales, ces mêmes auteurs
constatent une double tendance à l’européanisation dans un premier temps, puis
à la mondialisation des entreprises européennes.

Peu d’études ont, en revanche, analysé la nature économique des opérations


de la deuxième vague européenne40. Nos données montrent que sur un total
de 8579 opérations enregistrées au cours de la deuxième vague européenne,
les fusions-acquisitions horizontales représentent près de 50% du nombre total
d’opérations, mais près de 70% de la valeur totale des opérations. L’évolution de
la part des opérations horizontales sur la période 1985-2002 montre cependant
qu’il ne s’agit pas d’une caractéristique des opérations européennes propre à la
deuxième vague, mais qui s’est amplifiée au moment de celle-ci.
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Une analyse de la répartition sectorielle des opérations de fusions-acquisitions
de la deuxième vague en Europe, sur la base CITI Rev 3 à deux chiffres41, révèle
en outre que l’activité s’est aussi concentrée dans certains secteurs : plus de la
moitié des opérations au cours des années 1997-2000 se sont réalisées dans
moins d’un tiers des secteurs considérés42 (services aux entreprises, immobilier,
intermédiation financière, commerce de gros et réparation de véhicules,
transport, produits métallurgiques de base, produits alimentaires, tabac, édition
et imprimerie). A quelques exceptions près, ce sont souvent les mêmes secteurs
qui sont les plus visés par les opérations de fusions-acquisitions si on observe
leur nombre ou leur valeur. Si l’activité de fusions-acquisitions s’est concentrée

39. Voir aussi Faccio et Masulis (2005).


40. On peut néanmoins citer l’étude de Sachwald (2000).
41. Une analyse de la Commission Européenne (2000) pour la période 1998-1999 et selon la SIC à deux chiffres fait état des mêmes
observations.
42. Voir aussi Kechidi (2004) pour une étude en France sur 1997-99 et dont les conclusions sont proches des nôtres.

68
Mise en perspective d’un siècle de fusions-
acquisitions en Europe et aux Etats-Unis

dans les secteurs les plus ouverts à la concurrence, il faut néanmoins noter que
l’activité de fusions-acquisitions s’est intensifiée dans tous les secteurs.

Comme pour la première vague, l’analyse de la répartition sectorielle des fusions-


acquisitions suivant le secteur de l’acquéreur fait apparaître des résultats assez
similaires à ceux de l’analyse de la répartition par secteur de la cible. Lorsque l’on
analyse la répartition sectorielle des opérations de fusions-acquisitions suivant le
secteur de la cible en dehors des périodes de vagues, un classement similaire
à ceux obtenus pendant les périodes de vagues est observé. Par ailleurs, on
observe que les fusions-acquisitions ont tendance à se concentrer aussi hors des
périodes de vagues. Un tel constat conduit alors à considérer que la concentration
des opérations n’est pas une caractéristique spécifique aux vagues de fusions-
acquisitions. On peut néanmoins noter qu’à la fin des années 90, la majorité des
opérations ont eu lieu dans les secteurs de services. Une étude la Commission
Européenne (2000) constate ainsi que le poids du secteur des services a
augmenté par rapport à l’industrie depuis 199743, et atteint respectivement 2/3
et 1/3 en 1999.

Que l’on prenne en compte le nombre ou la valeur, nos calculs montrent que les
opérations de fusions-acquisitions réalisées au cours de la période 1997-2000
ont concerné principalement les secteurs de services (plus de 60%), plutôt que
l’industrie (moins de 40%). Il s’agit d’une tendance amorcée dès 1993-1994 et qui
n’a fait que s’amplifier durant la deuxième vague.

Conclusion

L’analyse des principales caractéristiques des opérations de fusions-acquisitions


en Europe et aux Etats-Unis lors des vagues, montre que ces opérations tendent
en Europe à se différencier des opérations américaines. Deux historiques différents
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ont ainsi pu être mis en évidence. Phénomène ancien aux Etats-Unis, l’activité de
fusions-acquisitions y a présenté des caractéristiques différentes d’une vague à
l’autre : horizontalité pour la première, verticalité pour la deuxième, diversification
pour la troisième, horizontalité et internationalisation pour la quatrième,
échanges de titres pour la cinquième. En Europe, les fusions-acquisitions se sont
développées beaucoup plus tard et ont affiché plutôt un caractère stratégique :
essentiellement intra-communautaire pour la première, et plus international pour
la deuxième.

Un certain nombre de tendances communes, surtout après 1980, ont pu être


observées, telles que l’augmentation du paiement par échange d’actions, ou la
prédominance de certains secteurs. Parallèlement, d’importantes spécificités
européennes ont pu être mises en évidence, telles que le caractère amical très

43. Voir aussi Demartini et Deneuve (2000).

69
26

prononcé, ou une internationalisation assez récente. Ainsi, il apparaît que les


principales caractéristiques des opérations européennes perdurent et tendent à
se renforcer dans le temps. Les firmes européennes semblent avoir adopté des
stratégies leur permettant de s’adapter à l’évolution de leur environnement sous
l’effet conjugué de la constitution du marché unique européen et de l’unification
monétaire. En effet, on peut considérer que les vagues européennes constituent
des étapes ou phases d’une intensité plus élevée d’un même processus, à savoir
celui de la restructuration des activités économiques face aux changements
institutionnels, économiques et technologiques qui ont eu lieu en Europe.
Dans le cadre d’une internationalisation accrue des économies, les opérations de
fusions-acquisitions devraient présenter des similarités de plus en plus sensibles
d’une zone géographique à l’autre. Néanmoins, leur environnement économique
et juridique continuera de les marquer de ses spécificités.

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