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Axel Le Corre

Sous la direction de Fabrice Bouthillon

L’Evolution du vestiaire
liturgique papal et cardinalice
(1789-1914)

Master 1 CCS — Histoire



2019 – 2020

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Couverture : Jean Auguste Dominique Ingres, Le pape Pie VII dans la chapelle Sixtine,
1814, huile sur toile, National Gallery of Art, Washington DC, Etats-Unis.

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Introduction
Si la question de la place du Vatican au sein d’une société au contrat social déchiré
par la Révolution française a été traitée sous les angles phares de l’historiographie
occidentale, où l’on retrouve une histoire politique, sociale et économique d’une Italie en
plein Risorgimento dans lequel s’inscrit le Vatican, il n’en reste pas moins qu’au sein de
l’Etat le plus codifié au monde, le traitement historiographique a éludé et, force est de
constater, élude toujours la place que tient le vêtement au sein de la Curie Romaine et
plus globalement au sein de la société occidentale. Comme le déplorait déjà Roland
Barthes en 1957 dans son excellent article « Histoire et sociologie du Vêtement »1 il n’a
pas existé à proprement parler d’Histoire du Costume jusqu’au début du XIXe siècle. Pire,
son statut à part au sein de l’Histoire de l’art fait du vêtement un rebut, un hybride entre
objet d’art et haillon sans intérêt. Plus significatif encore, les oeuvres phares du pan que
représente l’historiographie du vêtement se concentrent, de sa fondation à très
récemment, sur les vêtements élitaires. Il transparaît alors dans les premières études sur
le sujet2 que le vêtement n’est pas considéré comme la finalité d’un système complexe
(fruit d’un système de pensée propre à l’époque), mais comme une pièce de tissu dont
l’important est d’en dater l’origine, et les circonstances de sa création.

Il en ressort dès lors que l’intérêt grandissant du grand public ainsi que la
fascination de certains pour l’émergence de la « mode », terme aujourd’hui qui renvoie
plus à la définition d’une esthétique vestimentaire proche de l’éphémère que d’un aspect
caractéristique d’un vêtement à une période bien définie3 , pose problème. En effet, cet
attrait pour le caractère esthétique du vêtement éclipse partiellement, voir totalement, les
autres engrenages qui font du vêtement un système complexe : confection, artisanat,
matières premières, circuit de diffusion, interdits religieux ou moraux; la liste est longue et

1 R. Barthes, « Histoire et sociologie du Vêtement ». In: Annales. Economies, sociétés,


civilisations. 12ᵉ année, N. 3, 1957. pp. 430-441.
2On pense aux premières études scientifiques sur le vêtement par les médiévistes, dont G.
Demay, Le costume au Moyen-Age d’après les sceaux, Paris, 1880.
3Quel lien existe-il aujourd’hui entre un système de prêt à porter mondialisé contemporain et celui
de l’Ancien Régime, décrit par D.Roche dans La culture des apparences, Paris, Fayard, 1989 ?
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pourtant le vêtement est encore traité à beaucoup d’égard comme un objet esthétique et
non pas comme un objet historique et sociologique.

En ce sens, l’étude du vêtement religieux et plus particulièrement l’étude du


vestiaire de la plus haute instance catholique, est à part. En effet, le statut particulier des
représentants éminents de la catholicité au sein d’un monde occidental où la religion dicte
encore les mentalités, accorde au vestiaire de ces derniers, une aura particulière. Cette
aura est encore plus grande lorsque ces vêtements sont portés par le successeur de
Saint-Pierre et ses évêques. Ainsi, le trésor papal stocké dans la sacristie pontificale pour
les objets liturgiques, dans le palais apostolique pour le mobilier, et dans le vestiaire
personnel du pape pour les vêtements liturgiques, se prête à une attention toute
particulière au sein de l’institution. Faisant passer à la postérité ces oeuvres, tantôt
offertes par les Etats, tantôt venant d’artisans sous contrat avec le Vatican4, ces habits et
ornements acquièrent au fil du temps un caractère sacré. Le particularisme des pièces sur
laquelle porte cette étude fait émerger une question qu’il est important de soulever ici : ces
reliques sont elles vénérées pour ce qu’elles constituent matériellement, un travail
d’orfèvre inscrit dans le microcosme luxuriant du clergé séculier, digne représentant des
savoirs-faire italiens et européens, ou bien sont-elles vénérées comme souvenir de l’action
de son porteur ?

4Gammarelli, maison romaine fondé en 1790, habille depuis 1798 les Papes et plusieurs de leurs
cardinaux.
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Tiare de Pie IX offerte par la Belgique. La tiare de style néogothique porte l’inscription :
REGNUM ATQUE POPULORUM PATRI; ORBIS SUPREMO IN TERRA RECTORI ; IESU
CHRISTI VICARIO INFALLIBILI, répartie sur les trois couronnes sur un fond d’émail bleu,
vert, rouge, correspondant aux trois vertus théologales. Drap d’argent, argent, gemmes,
J.Bethune, Gand, 1877. Sacristie pontificale.

Il est finalement difficile de répondre à cette question, qui rejoint le premier point de
cette introduction : l’histoire de l’art y a longtemps vu le firmament de savoirs-faire au
service des cours européennes, s’attardant sur le saphir parfaitement taillé d’un anneau, le
diamant incrusté sur une l’orbe crucigère ou sur les mois de labeur que représente un
manteau brodé. Bien que cette fois, la pièce étudiée soit remise dans son contexte de
marché textile et ornemental, l’objet se trouve être séparé de son temps. En effet,
l’absence de contextualisation politique et sociale de ces objets ne donne pas toutes les
clés de lecture pour comprendre le système artisanal de l’époque, que l’historiographie de
l’art s’attache pourtant à décrire. Comment peut-on expliquer le renouveau prolifique du
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trésor pontifical au XIXème siècle, sans parler des jubilés des 25 ans de pontificat et de la
foule de dons qu’ils engendrent ? Sans parler de la diplomatie vaticane et des échos du
consalvisme ? Sans parler des bouleversements qui traversent toute notre période
étudiée, de la Révolution française à la première guerre mondiale ? Sans parler de la
perte des Etats pontificaux et de l’avènement de Victor-Emmanuel II ? Point souvent éludé
par ailleurs : le facteur humain, chaque pontife ayant une sensibilité particulière à la
politique des arts au sein du territoire romain. On pensera alors à la phrase de Stendhal
qui en 1829, dans ses Promenades dans Rome, affirme que « Rome a grand besoin d’un
pape ami des arts, autrement on n’y viendra plus. »5 . Cette vindicte contre la politique
culturelle de la papauté vis-à-vis de Rome dans le 1er tiers du siècle n’est pas anodine et
insiste sur l’importance d’une politique culturelle et artistique dans le coeur des fidèles.

Un point de vue concomitant à celui de l’histoire de l’art s’incarne en la vénération


de l’objet comme relique et trace du passage du pontife. On entend par là que nombre
d’ouvrages et d’expositions se présentent comme des catalogues de reliques, dont la
popularité se retrouve être plus ou moins grande selon l’aura et la célébrité que possède
son porteur. Citons ici Pie IX, ami des arts dont le pontificat est le plus long après celui de
Saint-Pierre : 31 ans et 7 mois. Malgré son anti-modernisme, il ré-insuffle une fibre
artistique originale au sein de la curie romaine. Preuve en est, Pie IX est l’instigateur du
renouveau de l’habit d’audience des cardinaux par la création de l’Habit Piano et du
Ferraiolo en 1851, profondément inspiré du courant romantique6. Ces reliques portées par
Pie IX « Le Bienheureux » possèdent aujourd’hui, de par l’aura que représente un
pontificat aussi long, renforcé par sa politique favorable aux arts, un halo tout particulier.
Cette admiration pour ces reliques, considérées comme presque divines, peut éluder le
caractère et l’histoire même de l’objet en question (il en est à se demander parfois qui de
Pie IX ou de ses tiares est le couvre-chef, tellement l’admiration pour le pape fait parfois
de l’ombre aux oeuvres composant son vestiaire).

Enfin, si l’on prend le point de vue classique de l’historiographie, la place que


possède le vêtement liturgique au sein des études sur le Vatican reste secondaire,
annexe, voir inexistante pour de nombreux cas. Si ce propos est aujourd’hui à nuancer,

5 Stendhal, Promenades dans Rome, Paris, Delaunay, 1829, p. 169.


6 B. Berthod et P.Blanchard, Les Trésors inconnus du Vatican, Paris, Editions de l’Amateur, 2000.
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l’intérêt étant grandissant pour ce pan de l’histoire, presque inexploitée, notamment en
histoire religieuse7; il ne faut néanmoins pas oublier que le traitement de l’habit liturgique
se fait quasi essentiellement sous le prisme d’une vision cérémonielle : le vêtement n’est
alors qu’un composant parmi d’autres (comme la croix papale, le faldistoire, fauteuil
pontifical, la férule, sceptre proche de l’esthétique militaire etc..). Celui-ci participe à
engrenage codifié et suit des traditions remontant parfois jusqu’au Moyen-Âge et
l’Antiquité. Pour rejoindre la problématique avancée au début de notre introduction, il
existe pour ces différents ornements et habits, une « logique des origines ». Comme pour
les études des archéologues Quicherat et Demay8 à la fin du XIXème siècle, on retrouve
dans l’analyse du vêtement vatican une volonté quasi systématique d’aborder chaque
pièce du vestiaire moderne sous un angle antiquisant ou médiéviste. Bien que cette
démarche puisse ici être justifiée par l’amour des institutions catholiques pour la tradition
et l’inscription de ces pièces dans une continuité, une forme d’éternité, ce rappel aux
origines n’est pas forcément pertinent pour toutes les pièces. Si l’on cite l’exemple du
galero, chapeau pontifical cardinalice dit de cérémonie, dont le privilège de port est
accordé en 1245 par Innocent IV aux cardinaux, cette logique des origines semble
judicieuse. Malgré ses évolutions au cours du temps, l’extension du galero dans
l’héraldique cardinalice, encore utilisée aujourd’hui dans les armoiries, fait sens avec une
analyse renvoyant aux origines de la pièce. Si au contraire, on prend l’exemple de la
soutane, dont l’usage diffère grandement selon les ordres, congrégations et pays où elle
est portée et dont l’évolution change au sein même du XIXème siècle avec Pie IX (qui la
remplace par la simarre), cette logique ne fait plus sens.

7 On pense par exemple aux travaux d’Anne Jusseaume travaillant actuellement sur l’habit
religieux, la fabrique et le signe d’une identité (XIXe-XXe siècles).
8G. Demay, Le costume au Moyen-Age d’après les sceaux, Paris 1880; J. Quicherat, Histoire du
costume en France, 1875.
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Exemple de Galero à pompons
utilisé en héraldique

L’histoire religieuse a pourtant fourni des études où, bien qu’il soit en second plan,
l’habit liturgique a sa place. On pense ici à l’étude des différents rites et cérémonies
particulières qui accompagnent la vie du pontife9 . On notera alors l’importance de
l’analyse des derniers possessi de Pie VI et Pie VII, du traitement de la mort du pontife
évoluant selon les années, ou tout simplement de la cérémonie du couronnement. Il en
ressort néanmoins qu’aucune agrégation de toutes ces informations sur l’habit liturgique
ne s’est, à ma connaissance, jamais faite. Pourtant des thématiques, parfois mitoyennes
de la nôtre, ont été traitées par le passé et se posent aujourd’hui en référence dans le
domaine. L’étude autour du traitement du corps du pape, de sa dissociation entre
incarnation du messager de Dieu et simple corps mortel à la période médiévale, rédigée
par Agostino Paravicini Bagliani10 est encore aujourd’hui de nombreuses fois citées dans
de nombreux ouvrages actuels.
N’oublions pas le traitement plus profond que reçoit depuis quelques années le
vestiaire du clergé régulier et des différents ordres religieux. On peut ici citer comme

9M.A Visceglia (Dir.), C.Brice (Dir.), Cérémonial et rituel à Rome (XVIe-XIXe siècle), Rome, École
Française de Rome, 1997.
10 A. Paravicini Bagliani; Le Corps du Pape, Paris, Seuil, 1997.
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précédemment, A.Jusseaume11 pour le traitement d’un groupe institutionnalisé (ici celui
des religieuses) ou encore tout récemment N.Pellegrin12, qui traite, elle, de l’évolution
d’une pièce spécifique, le voile, à travers les époques.

Notons toutefois qu’après une longue période où le Vatican gardait jalousement un


nombre de pièces conséquent au sein de son trésor, le Saint-Siège tend aujourd’hui vers
une période d’ouverture et de partage de ces reliques pour le grand public. En témoigne
l’exposition de 2018 : Heavenly Bodies : Fashion And The Catholic Imagination au Met
Museum. Point de départ de ce mémoire, cette exposition à la forte connotation Haute
Couture fait le lien entre les différents créateurs de mode contemporains (Balenciaga,
Versace, Yves Saint Laurent etc…) et ce que leurs inspirations doivent au costume
médiéval. Cette exposition, extrêmement médiatisée par son gala d’inauguration et le
défilé de stars, aux tenues inspirées du luxe de la Curie Romaine, qui l’a marquée, est à
ce jour celle qui a attiré le plus de visiteurs au sein du Met Museum (1.6 millions de
visiteurs). Preuve une nouvelle fois, s’il en est besoin, de l’imbrication qu’on s’est attaché
à décrire entre le milieu de la mode grand public et le milieu religieux, mais aussi preuve
d’une popularité grandissante pour les thématiques croisées de vêtement et de religion.

Le catalogue issu de l’exposition13, divisé en deux chapitres, se concentre dans un


premier temps sur le vêtement liturgique, de messe et des couleurs sacrées, en
s’appuyant sur plusieurs pièces issues du trésor pontifical, pour, dans un second temps,
évoquer les pièces de créateurs. Rédigé par Marzia Cataldi Gallo, spécialiste du vêtement
papal14 , ce premier chapitre introduisant au vaste domaine qu’est le vêtement liturgique,
s’appuie sur de nombreux travaux similaires aux thématiques de notre étude : ainsi, les
réflexions de Michel Pastoureau sur la couleur15 côtoient celles déjà citées de A. Paravicini
Bagliani sur le corps du Pape.

11A. Jusseaume, « S’habiller comme des pauvres, revendiquer une identité religieuse : le
costume des sœurs de charité au XIXe siècle »,pour le colloque « Vêtements, Costumes et
Religions », Université de Lorraine, Nancy, 28-29 septembre 2017.
12 N. Pellegrin, Voiles. Une histoire du Moyen Âge à Vatican II, Paris, CNRS Éditions, 2017.

A.Bolton (Dir.) Heavenly Bodies: Fashion and the Catholic Imagination, The Metropolitan
13

Museum of Art, 2018.


14M.C Gallo, Il papa e le sue vesti. Da Paolo VI a Giovanni Paolo II (1600-2000), Edizioni Musei
Vaticani, Città del Vaticano 2016.
15 Pour n’en citer qu’un : M.Pastoureau, Rouge, Histoire d’une couleur, Paris, Seuil, 2016.
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Heavenly Bodies: Fashion and the Catholic Imagination. Gallery View, Medieval Sculpture
Hall, 2018

La volonté de ce mémoire à la jonction entre histoire religieuse et histoire de l’art


est de dresser un portrait global de l’évolution du vêtement liturgique papal et cardinalice
s’étalant de la Révolution française à la première guerre mondiale; et ce, en abordant le
vêtement comme la finalité d’un système économique et artisanal tout en le reliant à sa
fonction politique et sociologique. Cette période d’étude n’est pas choisie au hasard :
s’interroger sur les réminiscences du mouvement révolutionnaire et sur son impact (ou
non) sur le Saint-Siège, comme mettre en parallèle l’histoire locale du Vatican avec celle
de l’affirmation des Etats-Nations au sein du XIXe siècle, permet de s’interroger sur
l’importance et la place de la liturgie romaine, et donc du vêtement romain, dans cette
Europe en pleine mutation. L’alternance des pontificats incluant parfois des changements
idéologiques, artistiques et politiques profonds permet de mettre en lumière la place
accordée au sacré de la liturgie et la volonté de chaque Pape de la réformer ou au
contraire, de la conserver. Bien que, on l’abordera plus tard, l’opposition entre
progressisme et conservatisme ne se retrouve pas forcément corrélée à la sensibilité
artistique de chaque pontife, dissocier totalement le versant politique du vêtement semble
ici incongru. Étudier l’évolution des cérémonies papales et l’incidence du modernisme du
siècle, sur la vie du Saint-Siège, semble ici pertinent.

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Se déclinant en trois parties, notre étude abordera dans un premier temps la
construction de l’imagerie révolutionnaire, en se penchant sur la question d’un éventuel
transfert de sacralité, mis en parallèle avec les derniers possessi des Papes Pie VI et Pie
VII jusqu’à la politique culturelle du pontificat de Léon XII. La deuxième partie s’intéressera
principalement au pontificat de Pie IX, de sa réforme de l’habit cardinalice jusqu’à la perte
des États pontificaux. Enfin, la dernière partie se penchera, elle, sur les conséquences de
la Question Italienne sur la liturgique vaticane, avec la construction de l’imagerie royale
italienne, pour se conclure sur le pontificat de Pie X et le début de la première guerre
mondiale.

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Plan du mémoire
Première partie

La table rase face à l’éternel (1789 - 1829)

Chapitre I - Révolution et sacré : l’incompatible alliance

L’idée est dans ce chapitre d’étudier le processus de création de l’identité


révolutionnaire, de ses inspirations entre Lumières et Eglise catholique (bien malgré
elle), des codes qu’elle essaye d’imposer et de l’échec de sa diffusion.

J. CORNETTE (dir.), M. BIARD, P. BOURDIN, S. MARZAGALLI, Révolution, Consulat, Empire


(1789-1815), Paris, Belin, 2009.

J-C MARTIN, Nouvelle histoire de la Révolution française, Paris, Perrin, 2012.

G. PELLETIER, Rome et la Révolution française. La théologie et la politique du Saint-Siège devant


la révolution française (1789-1799), Rome, Ecole française de Rome, 2004.

A) La difficile construction d’une identité révolutionnaire

La volonté d’émancipation révolutionnaire vis à vis de la religion catholique voit sa


réalisation en la fondation d’une identité nouvelle. Cette identité, portée par une
esthétique inspirée du mouvement des Lumières et par des symboles forts et idolâtrés
comme le bonnet phrygien participent à la fondation d’un nouveau culte civique.

a) Des Lumières à la guillotine

Il sera ici question de voir en quoi les premières transformations stylistiques des
hommes des Lumières ont inspiré l’esthétique révolutionnaire…

1) Une esthétique des Lumières qui inspire le courant


révolutionnaire…

J. BOULAD-AYOUB, Contre nous de la tyrannie : des relations idéologiques entre Lumières et


Révolution, LaSalle, Hurtubise, 1989.

J. CHOUILLET, L’esthétique des Lumières, Paris, PUF, 1974.

D. ROCHE, La culture des apparences, Paris, Fayard, 1989.

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2) ..Mais qui peine à faire communauté

J. BOULAD-AYOUB, Contre nous de la tyrannie : des relations idéologiques entre Lumières et


Révolution, LaSalle, Hurtubise, 1989.

J. CHOUILLET, L’esthétique des Lumières, Paris, PUF, 1974.

b) Un symbole : le bonnet phrygien

Reconnaissable entre mille, le bonnet phrygien est finalement une synthèse


parfaite de plusieurs éléments qui en font un symbole fort, porteur et représentatif du
mouvement révolutionnaire.

1) Le transfert social de la couleur rouge : des nobles aux


affranchis de l’Ancien Régime

M.EDELMAN, From art to politics. How artistic creations shape political conceptions, Chicago,
University of Chicago Press, 1995.

M. PASTOUREAU, Rouge, Histoire d’une couleur, Paris, Seuil, 2016.

2) Construire la République par les symboles

M.EDELMAN, From art to politics. How artistic creations shape political conceptions, Chicago,
University of Chicago Press, 1995.

A. HERITIER, N. DOCKÈS, Genèse de la notion juridique de patrimoine culturel, 1750-1816,


Paris, Editions L’Harmattan, 2003.

3) Un lien entre l’Antique et le contemporain

M. PASTOUREAU, Rouge, Histoire d’une couleur, Paris, Seuil, 2016.

c) Comment ériger le Pape (du) Citoyen ?

Le culte civique a pour particularité de se détacher de la vision monothéiste de la


chrétienté. Mais ce culte a-t-il besoin d’un pape? Robespierre se voit-il, par la création du
culte de l’Être Suprême comme digne messager sur Terre de ce dernier ? L’analyse
des représentations et descriptions des cultes révolutionnaires sera au coeur de ce point
pour tenter de trouver des éléments de réponse.

1) L’iconographie du culte républicain

MICHAEL CULOMA, La religion civile de Rousseau à Robespierre, Paris, L'Harmattan, 2010.

MICHEL VOVELLE, 1793, la Révolution contre l'Église : de la raison à l'être suprême, Paris,
Complexe, 1988.

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2) Robespierre et l’habit céleste

JONATHAN SMYTH, Robespierre and the Festival of the Supreme Being. The search for a
republican morality, Manchester, Manchester University Press, Studies in Modern French History,
2016.

MICHEL VOVELLE, 1793, la Révolution contre l'Église : de la raison à l'être suprême, Paris,
Complexe, 1988.

B) Fêtes révolutionnaires : catalyseur d’une imagerie


fantasmé

Ce nouveau culte civique voit ses nouvelles traditions et ses nouveaux codes appliqués
dans les différentes fêtes révolutionnaires (Fédération, Être Suprême, Raison…). Cette
liturgie civile et civique, fantasmé dans des plans de fêtes préparés à l’avance, est
représentatif d’une volonté de graver dans le marbre les valeurs et idées fondatrices de la
Révolution, quitte à éluder les violences de la Terreur.

Sources utilisées pour chaque point de cette sous-partie :

B. PLONGERON, La fête révolutionnaire devant la critique chrétienne (1793-1802), In : Les Fêtes


de la révolution: actes du colloque de Clermont-Ferrand, du 24 au 26 juin 1974, Paris, Société des
études robespierristes, 1977.

MICHAEL CULOMA, La religion civile de Rousseau à Robespierre, Paris, L'Harmattan, 2010.

MONA OZOUF, La Fête révolutionnaire 1789–1799, Paris, Gallimard, 1976.

M. VOVELLE, La mentalité révolutionnaire : société et mentalités sous la révolution française,


Paris, Éditions sociales, 1985.

MICHEL VOVELLE, 1793, la Révolution contre l'Église : de la raison à l'être suprême, Paris,
Complexe, 1988.

a) La fondation d’un nouveau sacré

Il sera question de voir dans cette section les éléments mis en place pour la
constitution d’un nouveau sacré révolutionnaire.

1) Une omniprésence du symbole..

2) .. Qui rappelle le sacré chrétien..

3).. Et l’esthétique des Lumières

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b) Faire de la rue une église

Allié à sa politique de déchristianisation, l’idée brillante de célébrer ce nouveau


sacré dans l’espace où s’est déroulé ses événements fondateurs, la Révolution prend le
contrepied de la chrétienté tout en étant en accord avec son idéal de liberté et
d’indépendance.

1) Le rejet du lieu clos

2) L’éducation à la République

3) Laïciser par le culte civique

c) Une liturgie de la colère

La table rase du passé apprécie paradoxalement de vilipender ceux qu’elle considère


comme ses anciens geôliers. La libération de ses chaînes ne s’est pas faite sans faire
couler le sang, et la Révolution aime à le rappeler.

1) Le culte des martyrs

2) L’expressionnisme des fêtes funèbres

3) La dérision de la figure royale

C) De l’échec du transfert de sacralité

La volonté de la Première République française, voulant à la fois avoir le contrôle sur la


religion catholique tout en forgeant peu à peu un culte nouveau et laïc se voit être mise à
mal pour plusieurs raisons. L’hyper-centralisation parisienne du culte civique ainsi que
l’attachement profond des populations (et notamment des femmes) à la chrétienté rend
difficile ce contrôle révolutionnaire idéologique.

a) Une identité jeune et floue

Bien que dictée par des valeurs gravées dans le marbre, la réalité du terrain montre
que le culte civique se construit différemment selon les lieux. Dans un monde où un
concile de Trente ayant la volonté d’imposer une unité chrétienne à eu lieu, le culte
civique se voit confrontés aux mêmes problèmes que la chrétienté médiévale a dû
affronter : l’inégale application de son culte selon où ce dernier est pratiqué.

1) Entre processus de laïcisation..

B. PLONGERON, La fête révolutionnaire devant la critique chrétienne (1793-1802), In : Les Fêtes


de la révolution: actes du colloque de Clermont-Ferrand, du 24 au 26 juin 1974, Paris, Société des
études robespierristes, 1977.

MONA OZOUF, La Fête révolutionnaire 1789–1799, Paris, Gallimard, 1976.

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M. VOVELLE, La mentalité révolutionnaire : société et mentalités sous la révolution française,
Paris, Éditions sociales, 1985.

2) ..Et inspiration chrétienne

B. PLONGERON, La fête révolutionnaire devant la critique chrétienne (1793-1802), In : Les Fêtes


de la révolution: actes du colloque de Clermont-Ferrand, du 24 au 26 juin 1974, Paris, Société des
études robespierristes, 1977.

MONA OZOUF, La Fête révolutionnaire 1789–1799, Paris, Gallimard, 1976.

M. VOVELLE, La mentalité révolutionnaire : société et mentalités sous la révolution française,


Paris, Éditions sociales, 1985.

b) Face à une religion entrée en résistance

Face à un culte civique en expansion, la résistance chrétienne s’organise. Il sera


question ici de voir que la présence double des cultes civique et catholique n’est pas
incompatible empiriquement. Il sera aussi question d’analyser cette cohabitation qui
pourtant semble antinomique.

1) Des cérémonies qui cohabitent

B. PLONGERON, La fête révolutionnaire devant la critique chrétienne (1793-1802), In : Les Fêtes


de la révolution: actes du colloque de Clermont-Ferrand, du 24 au 26 juin 1974, Paris, Société des
études robespierristes, 1977.

MONA OZOUF, La Fête révolutionnaire 1789–1799, Paris, Gallimard, 1976.

M. VOVELLE, La mentalité révolutionnaire : société et mentalités sous la révolution française,


Paris, Éditions sociales, 1985.

MICHEL VOVELLE, 1793, la Révolution contre l'Église : de la raison à l'être suprême, Paris,
Complexe, 1988.

2) Un culte clandestin qui s’organise

B. PLONGERON, La fête révolutionnaire devant la critique chrétienne (1793-1802), In : Les Fêtes


de la révolution: actes du colloque de Clermont-Ferrand, du 24 au 26 juin 1974, Paris, Société des
études robespierristes, 1977.

MONA OZOUF, La Fête révolutionnaire 1789–1799, Paris, Gallimard, 1976.

M. VOVELLE, La mentalité révolutionnaire : société et mentalités sous la révolution française,


Paris, Éditions sociales, 1985.

MICHEL VOVELLE, 1793, la Révolution contre l'Église : de la raison à l'être suprême, Paris,
Complexe, 1988.

M. CAFFIERO, « Un santo per le donne. B.G. Labre e la femminilizzazione del cattolicesimo tra
Settecento e Ottocento », Memoria. Rivista di Storia délie Donne, 3/1990, p. 89-106.

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Chapitre II - Les derniers possessi ou l’entrée du pape dans
le XIXe siècle

La prise de possession, rite d’introduction du pontife tombé en désuétude après Pie


VII, est révélatrice des enjeux politiques, sociaux mais aussi théologiques auxquels
le Saint-Siège est confronté à l’aube du XIXe siècle. On s’intéressera dans ce
chapitre à décrire ce rite si particulier.

A) Un impact révolutionnaire sur le Saint-Siège ?

La perturbation idéologique que représente la Révolution française a-t-elle eu un impact


sur le Vatican ? Politiquement, si l’on se penche sur les années qui suivent la création de
la première république française, l’invasion de Rome par les troupes françaises le 11
février 1798, amenant à l’exil et la mort de Pie VI, semble faire pencher la balance pour un
bouleversement, malgré que cette république soeur n’ait durée qu’une petite année.
Idéologiquement, la question est à nuancer, en effet en ayant vu l’échec du transfert de
sacralité des révolutionnaires, le dogme chrétien a-t-il souffert in fine de la table rase ?
C’est ce que nous tenterons d’expliquer ici.

a) De l’ancienneté de la tradition chrétienne

Le vestiaire chrétien, fruit d’une adaptation lente à son époque, dans le respect de
ses traditions, permet de prendre du recul sur l’événement révolutionnaire. Le
bouleversement idéologique qu’il produit en Europe peut-il bousculer des traditions
presque millénaires ? C’est ce sur quoi nous allons nous pencher dans ce point.

1) Un vestiaire éternel ?

B. BERTHOD et P. BLANCHARD, Les Trésors inconnus du Vatican, Paris, Editions de l’Amateur,


2000.

A. BOLTON (Dir.) Heavenly Bodies: Fashion and the Catholic Imagination, New York, The
Metropolitan Museum of Art, 2018.

2) La continuité antique du vêtement romain

B. BERTHOD et P. BLANCHARD, Les Trésors inconnus du Vatican, Paris, Editions de l’Amateur,


2000.

A. BOLTON (Dir.) Heavenly Bodies: Fashion and the Catholic Imagination, New York, The
Metropolitan Museum of Art, 2018.

M. PASTOUREAU, Rouge, Histoire d’une couleur, Paris, Seuil, 2016.

Page 18 sur 79
b) Le rouge : la fin d’un monopole élitaire

Bien que l’échec du transfert de sacralité révolutionnaire n’est plus à démontrer, il


faut néanmoins reconnaître que la Révolution n’accorde pas seulement aux hommes des
droits, elle arrache aussi à l’ancien monde un monopole esthétique réservé aux anciens
ordres dominants : l’utilisation de la couleur rouge. Il sera question ici de retracer
brièvement l’histoire de cette couleur, pour dans un second temps aborder cette prise de
pouvoir esthétique.

1) Une accaparation idéologique de la couleur rouge

B. BERTHOD et P. BLANCHARD, Les Trésors inconnus du Vatican, Paris, Editions de l’Amateur,


2000.

A. BOLTON (Dir.) Heavenly Bodies: Fashion and the Catholic Imagination, New York, The
Metropolitan Museum of Art, 2018.

M. PASTOUREAU, Rouge, Histoire d’une couleur, Paris, Seuil, 2016.

2) La Révolution comme perturbateur de ce monopole

B. BERTHOD et P. BLANCHARD, Les Trésors inconnus du Vatican, Paris, Editions de l’Amateur,


2000.

M. PASTOUREAU, Rouge, Histoire d’une couleur, Paris, Seuil, 2016.

G. PELLETIER, Rome et la Révolution française. La théologie et la politique du Saint-Siège devant


la révolution française (1789-1799), Rome, Ecole française de Rome, 2004.

B) Du Pape conquérant au Pape sédentaire : la fin du


possesso à Rome.

Le possesso, rite d’introduction du nouveau pontife datant du moyen âge est un moment
capital dans la vie du Pape. Traversée symbolique de la ville, cette prise de possession
affirme le caractère temporel du Pape devenant dès lors le roi de Rome par cet
événement. Longtemps associée à la cavalcade, la pratique du possesso perd peu à peu
de sa superbe dès le XVIIe siècle, avant d’être mise en concurrence avec des possessi
républicains il perdra de son faste, comme nous le prouve la cérémonie de Pie VII. Il sera
question ici de s’interroger sur la symbolique de cet événement, son importance, et les
raisons de sa disparition.

a) La symbolique liturgique du possesso

Il sera question ici d’aborder la cérémonie du possesso, en analysant son utilité, sa


place dans la vie du pontife ainsi que les considérations vestimentaires spécifiques que
cette cérémonie soulève.

Page 19 sur 79
1) Un rite participant à l’intronisation du Pape

M BOITEUX, Parcours rituels romains à l'époque moderne. In: Cérémonial et rituel à Rome (XVIe-
XIXe siècle), Rome, École Française de Rome, 1997.

M. CAFFIERO, La nuova era. Miti e profezie dell'Italia in rivoluzione, Gênes, Marietti, 1991.

M.A VISCEGLIA. II cerimoniale come linguaggio politico. In: Cérémonial et rituel à Rome (XVIe-XIXe
siècle), Rome, École Française de Rome, 1997.

2) Une traversée symbolique de l’espace urbain

M BOITEUX, Parcours rituels romains à l'époque moderne. In: Cérémonial et rituel à Rome (XVIe-
XIXe siècle), Rome, École Française de Rome, 1997.

M. CAFFIERO, La nuova era. Miti e profezie dell'Italia in rivoluzione, Gênes, Marietti, 1991.

M.A VISCEGLIA. II cerimoniale come linguaggio politico. In: Cérémonial et rituel à Rome (XVIe-XIXe
siècle), Rome : École Française de Rome, 1997.

3) Vêtir le nouveau roi de Rome

B. BERTHOD et P. BLANCHARD, Les Trésors inconnus du Vatican, Paris, Editions de l’Amateur,


2000.

M CATALDI GALLO, Il papa e le sue vesti. Da Paolo VI a Giovanni Paolo II (1600-2000), Città del
Vaticano, Edizioni Musei Vaticani, 2016.

M.A VISCEGLIA. II cerimoniale come linguaggio politico. In: Cérémonial et rituel à Rome (XVIe-XIXe
siècle), Rome : École Française de Rome, 1997.

b) « La république au village »

La mise en parallèle des possessi républicains et chrétiens au moment d’une Rome


devenue l’espace d’une année une république sœur à la France (1798-1799), permet une
nouvelle fois de comparer deux modèles opposés, mais qui adoptent des rites similaires,
en s’engageant dans une lutte idéologique et visuelle au sein de la ville de Rome.

1) Des possessi républicains inspirés de la chrétienté

M. CAFFIERO, La nuova era. Miti e profezie dell'Italia in rivoluzione, Gênes, Marietti, 1991.

A. CRETONI. Roma giacobina : storia della Repubblica Romana del 1798-99, Napoli, Edizioni
scientifiche italiane, 1971.

A. DUFOURCQ, Le régime jacobin en Italie. Études sur la République romaine, 1798-1799, Paris,
Didier, Perrin et Cie, 1900.

M.A VISCEGLIA. II cerimoniale come linguaggio politico. In: Cérémonial et rituel à Rome (XVIe-XIXe
siècle), Rome, École Française de Rome, 1997.

M. VOVELLE, Les métamorphoses de la fête en Provence de 1750 à 1820, Paris, Flammarion,


1992.

Page 20 sur 79
2) Une lutte idéologique autour des monuments romains

M. CAFFIERO, La nuova era. Miti e profezie dell'Italia in rivoluzione, Gênes, Marietti, 1991.

A. CRETONI. Roma giacobina : storia della Repubblica Romana del 1798-99, Napoli, Edizioni
scientifiche italiane, 1971.

D. MENOZZI, La chiesa italiana e la Rivoluzione francese, Bologne, Edizioni Dehoniane, 1990.

M.A VISCEGLIA. II cerimoniale come linguaggio politico. In: Cérémonial et rituel à Rome (XVIe-XIXe
siècle), Rome, École Française de Rome, 1997.

c) De la temporalité à l’universalité : les raisons de la


disparition

Les critiques de plus en plus fortes de la noblesse face au rite du possesso, alliées
au traumatisme que représente la prise de la ville de Rome par Napoléon, poussent la
Saint-Siège à abandonner ce rite, mais cet abandon permet d’amorcer une transition
idéologique et visuelle de la curie romaine.

1) Oublions le roi, sanctifions l’éternel

M. CAFFIERO, La nuova era. Miti e profezie dell'Italia in rivoluzione, Gênes, Marietti, 1991.

M. CAFFIERO. La maestà del papa. In: Cérémonial et rituel à Rome (XVIe-XIXe siècle), Rome, École
Française de Rome,1997. pp. 281-316.

A. PARAVICINI BAGLIANI, Le Corps du Pape, Paris, Seuil, 1997.

M.A VISCEGLIA. II cerimoniale come linguaggio politico. In: Cérémonial et rituel à Rome (XVIe-XIXe
siècle), Rome, École Française de Rome, 1997.

2) La transformation de la vision du corps du pape

M. CAFFIERO, La nuova era. Miti e profezie dell'Italia in rivoluzione, Gênes, Marietti, 1991.

M. CAFFIERO. La maestà del papa. In: Cérémonial et rituel à Rome (XVIe-XIXe siècle), Rome, École
Française de Rome,1997. pp. 281-316.

A. PARAVICINI BAGLIANI, Le Corps du Pape, Paris, Seuil, 1997.

M.A VISCEGLIA. II cerimoniale come linguaggio politico. In: Cérémonial et rituel à Rome (XVIe-XIXe
siècle), Rome : École Française de Rome, 1997.

Page 21 sur 79
Chapitre III - Ville éternelle, ville musée : l’échec de la
politique artistique romaine

Le déclassement progressif de la ville de Rome dans l’imaginaire bourgeois au


début du siècle pose souci au Saint-Siège. Les critiques sur sa politique et
l’alternance des visions différentes des pontifes sur les arts catalysent les avis
défavorables vis à vis de la figure vaticane. On verra ici comment la République
Romaine de 1798-1799 a bouleversé les institutions et on étudiera la réaction
vaticane face à ce bouleversement.

A) L’Urbs altérée
Rome a-t-elle loupé le coche de la transition entre XVIIIe et XIXe siècle ? Comme vu dans
le chapitre précédent, la concurrence entre une république sœur éphémère et un
universalisme pontifical en construction, rend fragile un Saint-Siège en mutation dont les
symboles chrétiens se voient être effacés de la capitale. Les critiques qui se dressent au
début du siècle face au conservatisme et paradoxalement, au manque de stature et de
faste de la figure vaticane, font perdre à Rome son statut d’éternel, ou tout du moins, la
fige dans un écrin d’un autre temps qui la fait être reconsidérée par ses fidèles et par les
notables d’Europe occidentale.

a) Une Rome profanée par les symboles...

Si l’on se penche une nouvelle fois sur la période républicaine, le traumatisme que
représente la prise de Rome peut être vu par les fidèles comme une punition divine, la
République s’attache alors à déchristianiser la ville par l’effacement presque
systématique de tout symbole chrétien.

1) L’invasion française comme punition divine

M. CAFFIERO, La nuova era. Miti e profezie dell'Italia in rivoluzione, Gênes, Marietti, 1991.

A. CRETONI. Roma giacobina : storia della Repubblica Romana del 1798-99, Napoli, Edizioni
scientifiche italiane, 1971.

M. FORMICA, La città e la rivoluzione. Roma, 1798-1799, Rome, Istituto per la Storia del
RisorgimentoItaliano, 1994.

2) L’effacement des symboles chrétiens

M. CAFFIERO, La nuova era. Miti e profezie dell'Italia in rivoluzione, Gênes, Marietti, 1991.

A. CRETONI. Roma giacobina : storia della Repubblica Romana del 1798-99, Napoli, Edizioni
scientifiche italiane, 1971.

M. FORMICA, La città e la rivoluzione. Roma, 1798-1799, Rome, Istituto per la Storia del
RisorgimentoItaliano, 1994.

Page 22 sur 79
3) Une figure républicaine qui s’impose

M. CAFFIERO, La nuova era. Miti e profezie dell'Italia in rivoluzione, Gênes, Marietti, 1991.

A. CRETONI. Roma giacobina : storia della Repubblica Romana del 1798-99, Napoli, Edizioni
scientifiche italiane, 1971.

M. FORMICA, La città e la rivoluzione. Roma, 1798-1799, Rome, Istituto per la Storia del
RisorgimentoItaliano, 1994.

E-J. HOBSBAWM & T. RANGER, L'invention de la tradition, Turin, 1987.

b) …Et par la morale

Il sera ici question d’étudier la détérioration de l’image du Vatican à travers les


critiques qu’il reçoit au début du XIXe siècle.

1) Une papauté pervertie ?

P. BOUTRY, Une théologie de la visibilité. Le projet Zelante de resacralisation de Rome et son


échec (1823-29) dans Cérémonial et rituel à Rome (XVIe-XIXe siècle), Rome, École Française de
Rome, 1997.

R. REGOLI, I. FIUMI SERMATTEI, M.R. DI SIMONE, Governo della Chiesa, governo dello Stato. Il
tempo di Leone XII, Ancona, 2019.

2) Rome musée, héritière du Grand Tour

P. BOUTRY, Une théologie de la visibilité. Le projet Zelante de resacralisation de Rome et son


échec (1823-29) dans Cérémonial et rituel à Rome (XVIe-XIXe siècle), Rome, École Française de
Rome, 1997.

B) Une re-sacralisation zelanti ratée

Face aux critiques et au désenchantement que subit la ville éternelle, le Saint-Siège se


doit de réagir. Le pontificat de Léon XII, figure de poupe du mouvement zelante, résume
assez bien, par les critiques qu’il reçoit et par sa politique des arts, l’importance de cette
dernière.

F. FERRARI, Costumi ecclesiastici civili et militari della corte di Roma disegneti all’acquafortte,
Roma, L. Nicoletti, 1823.

a) Un retour au médiéval

Pour redorer le blason romain, la politique vaticane se concentre sur un retour aux
pratiques médiévales, il sera ici question de se pencher sur ce retour à des pratiques
anciennes.

Page 23 sur 79
1) Le jubilé de 1825

B. BERTHOD et P. BLANCHARD, Les Trésors inconnus du Vatican, Paris, Editions de l’Amateur,


2000.

P. BOUTRY, Une théologie de la visibilité Le projet Zelante de resacralisation de Rome et son


échec (1823-29) dans Cérémonial et rituel à Rome (XVIe-XIXe siècle), Rome, École Française de
Rome, 1997.

R. REGOLI, I. FIUMI SERMATTEI, La corte papale nell'età di Leone XII, Ancona, 2015.

2) Le retour de la pratique de la Via Crucis.

P. BOUTRY, Une théologie de la visibilité Le projet Zelante de resacralisation de Rome et son


échec (1823-29) dans Cérémonial et rituel à Rome (XVIe-XIXe siècle), Rome, École Française de
Rome, 1997.

b) Les erreurs liturgiques de Léon XII

La figure de Léon XII concentre souvent les critiques quand à sa politique des arts
et au manque de stature et de faste qu’il représente pour certains. Les témoignages des
auteurs romantiques ou encore des guides touristiques sous son pontificat sont des
témoins précieux de ce constat.

1) La critique romantique

CHATEAUBRIAND , Mémoires d’Outre-Tombe, Paris, 1860.


STENDHAL, Promenades dans Rome, Paris, Delaunay, 1829.

2) Un abandon du beau

P. BOUTRY, Une théologie de la visibilité Le projet Zelante de resacralisation de Rome et son


échec (1823-29) dans Cérémonial et rituel à Rome (XVIe-XIXe siècle), Rome, École Française de
Rome, 1997.

STENDHAL, Promenades dans Rome, Paris, Delaunay, 1829.

Page 24 sur 79
Deuxième Partie

De la ruine à la gloire ou la reconquête de l’Eglise par


l’image (1829 - 1870)

Chapitre IV : Vatican et Romantisme

Si l’étude comparée du mouvement culturel phare de la première moitié du XIXe


siècle et du Saint-siège peut sembler incongrue, cette dernière révèle les mutations
profondes qui s’amorcent dans le milieu textile civil et ecclésiastique ainsi que les
perceptions ambivalentes du milieu bourgeois vis à vis de la curie romaine.

A) De nouvelles pratiques vestimentaires civiles


Si l’on prend du recul sur notre sujet d’étude, en observant les mutations profondes
de consommation du vêtement qui s’amorcent au milieu du XIXe siècle, on peut se
rendre compte aisément des changements de paradigmes qui s’opèrent au sein du milieu
textile européen. L’émergence et l’exportation du mouvement dandy, associé aux
nouveaux modes de consommation populaires (Grands Magasins en France en Europe)
témoigne de ces changements profonds qui insiste sur le nouveau rapport à l’image et
l’esthétique individuelle.

a) L’exportation du mouvement dandy dans la construction


d’une nouvelle identité, d’une nouvelle individualité.

Le mouvement Dandy, porté par le britannique George Brummell puis repris très
fortement par le mouvement romantique en France, pose les bases pour un renouveau de
la consommation du vêtement individuel. On cherche dans la première moitié du siècle à
se démarquer par son élégance, ses manières et ses habits.

K. BECKER, Le Dandysme littéraire en France au XIXe siècle, Éditions Paradigme, 2010, 196
pages.

M. FOERSTER, L'art d'être odieux, éditions Jean-Paul Bayol, 2010.

H. LEVILLAIN, L'Esprit dandy : De Brummell à Baudelaire, José Corti, 1991, 269 pages.

b) Des modes de consommation en pleine mutation

La révolution des métiers à tisser à la fin du XVIIIe siècle, pousse les circuits de


production et de distribution à se scinder en deux. L’apparition des magasins de
vêtements, remplaçant dans les grandes villes peu à peu le tailleur familial, change du
tout au tout le rapport individuel et collectif au vêtement.

Page 25 sur 79
C. FOHIEN, La concentration dans l'industrie textile française au milieu du XIXe siècle. In: Revue
d’histoire moderne et contemporaine, tome 2 N°1, Janvier-mars 1955. pp. 46-58.

R. GRIMAUD, La fabuleuse histoire des grands magasins, Editions Prisma, 2016.

B) De l’ambivalence romantique sur la chrétienté

A l’Image de Stendhal et de ses « Promenades dans Rome » ou encore de Chateaubriand


et ses « Mémoires d’outre-tombe », la relation entre les auteurs romantiques et le Saint-
Siège est partagée entre louanges et mépris, entre admiration et consternation. Témoin
précieux du ressenti noble et bourgeois vis à vis du Vatican, les textes de ces auteurs
nous permettent d’observer les attentes et les avis de cette classe supérieure de la
population vis à vis du pontife et de sa politique.

a) Entre admiration de la tradition...

La vision romantique de la figure vaticane est (et le témoignage de Stendhal en est


sûrement le plus flagrant représentant) teintée d’admiration devant les œuvres et édifices
religieux de Rome, il sera question ici de revenir sur cet aspect.

Y. BRULEY, La romanité catholique au XIXe siècle : un itinéraire romain dans la littérature


française. In: Histoire, économie et société, 2002, 21ᵉ année, n°1. Religion et culture dans les
sociétés et les Etats européens de 1800 à 1914 / Varia. pp. 59-70.

CHATEAUBRIAND , Mémoires d’Outre-Tombe, Paris, 1860.

STENDHAL, Promenades dans Rome, Paris, Delaunay, 1829.

b)...Et critique de son conservatisme

Néanmoins, il ne faut pas oublier que le courant romantique voit en la gestion


conservatrice des pontifes, un refus d’adaptation aux codes de leur époque. La critique
presque unanime de Léon XII est en phase avec ce que l’on s’est attaché à décrire
précédemment.

Y. BRULEY, La romanité catholique au XIXe siècle : un itinéraire romain dans la littérature


française. In: Histoire, économie et société, 2002, 21ᵉ année, n°1. Religion et culture dans les
sociétés et les états européens de 1800 à 1914 / Varia. pp. 59-70.

CHATEAUBRIAND , Mémoires d’Outre-Tombe, Paris, 1860.

STENDHAL, Promenades dans Rome, Paris, Delaunay, 1829.

Page 26 sur 79
Chapitre V : Pie IX le bienheureux réformateur

Si Pie IX réalise très tôt l’enjeu d’une politique culturelle avisée, il comprend par
ailleurs comment cette dernière peut jouer politiquement en sa faveur. Il sera ici
question de revenir sur ses réformes et sur leurs conséquences.

G. PERUGINI, Album ou collection complète et historique des costumes de la cour de Rome. Des
ordres monastiques, religieux et militaires et des Congrégations séculières des deux Sexes. Paris,
Sylvestre, 1862.

J-A NAINFA, Costume of prelates of the catholic church, according to roman etiquette, 1909.

A) Une réforme liturgique…


Pie IX amorce dès le début de son pontificat une réforme liturgique porté sur la refonte et
l’ajout de costumes au sein de la Curie romaine. Inspiré par son temps, l’habit Piano (de
Pie) par son essence romantique témoigne de l’attachement du pontife à une politique
des arts éclairée.

a) L’apparition du costume laïc

Par l’accord aux laïcs d’un costume particulier, Pie IX fait d’une pierre, deux coups.
Tout en accordant un honneur aux laïcs par ce costume, il les différencie de la Curie
romaine, geste que cette dernière appréciera.

B. BERTHOD et P. BLANCHARD, Les Trésors inconnus du Vatican, Paris, Editions de l’Amateur,


2000.

A. BOLTON (Dir.) Heavenly Bodies: Fashion and the Catholic Imagination, New York, The
Metropolitan Museum of Art, 2018.

M CATALDI GALLO, Il papa e le sue vesti. Da Paolo VI a Giovanni Paolo II (1600-2000), Città del
Vaticano, Edizioni Musei Vaticani, 2016.

F. JANKOWIAK, La Curie romaine de Pie IX à Pie X : Le gouvernement central de l'Eglise et la fin


des Etats pontificaux (1846-1914), Ecole Française de Rome, Bibliothèque des Ecoles Françaises
d'Athènes et de Rome, 2007.

b) L’habit Piano

La refonte du costume de tous les prélats en 1851 par l’habit Piano, littéralement,
l’habit de Pie témoigne de la volonté papale de s’adapter à son temps. Il sera ici question
d’étudier ce costume d’étiquette et de ville, à mi chemin entre romantisme et tradition.

B. BERTHOD et P. BLANCHARD, Les Trésors inconnus du Vatican, Paris, Editions de l’Amateur,


2000.

A. BOLTON (Dir.) Heavenly Bodies: Fashion and the Catholic Imagination, New-York, The
Metropolitan Museum of Art, 2018.

Page 27 sur 79
M CATALDI GALLO, Il papa e le sue vesti. Da Paolo VI a Giovanni Paolo II (1600-2000), Città del
Vaticano, Edizioni Musei Vaticani, 2016.

F. JANKOWIAK, La Curie romaine de Pie IX à Pie X : Le gouvernement central de l'Eglise et la fin


des Etats pontificaux (1846-1914), Ecole Française de Rome, Bibliothèque des Ecoles Françaises
d'Athènes et de Rome, 2007.

c) Les trois costumes du camérier

La refonte en trois costumes distincts du costume des camériers (deux costumes


de cour pour l’antichambre et l’audience et un habit de ville pour les réceptions à
l’extérieur) accorde une distinction supplémentaire à ces derniers il sera ici question de se
pencher sur les changements précis effectués sous Pie IX.

B. BERTHOD et P. BLANCHARD, Les Trésors inconnus du Vatican, Paris, Editions de l’Amateur,


2000.

A. BOLTON (Dir.) Heavenly Bodies: Fashion and the Catholic Imagination, New York, The
Metropolitan Museum of Art, 2018.

M CATALDI GALLO, Il papa e le sue vesti. Da Paolo VI a Giovanni Paolo II (1600-2000), Città del
Vaticano, Edizioni Musei Vaticani, 2016.

F. JANKOWIAK, La Curie romaine de Pie IX à Pie X : Le gouvernement central de l'Eglise et la fin


des Etats pontificaux (1846-1914), Ecole Française de Rome, Bibliothèque des Ecoles Françaises
d'Athènes et de Rome, 2007.

B) ...Qui sert une réforme hiérarchique


Cette « réforme globale du paraître » sert en effet à une réforme hiérarchique au coeur du
Saint-Siège. Par la création de ces nouveaux costumes et honneurs, Pie IX renforce l’idée
que la papauté et sa cour forment un monde à part, vis-à-vis des Etats-Nations en
formation mais aussi vis à vis du reste de la chrétienté.

a) La distinction vaticane

Il sera ici question d’étudier les réformes de Pie IX et leur volonté de renforcer le
pouvoir et l’aura de la Curie romaine par rapport au reste de la chrétienté.

B. BERTHOD et P. BLANCHARD, Les Trésors inconnus du Vatican, Paris, Editions de l’Amateur,


2000.

M. CAFFIERO. La maestà del papa. In: Cérémonial et rituel à Rome (XVIe-XIXe siècle), Rome, École
Française de Rome, 1997.

M CATALDI GALLO, Il papa e le sue vesti. Da Paolo VI a Giovanni Paolo II (1600-2000), Città del
Vaticano, Edizioni Musei Vaticani, 2016.

F. JANKOWIAK, La Curie romaine de Pie IX à Pie X : Le gouvernement central de l'Eglise et la fin


des Etats pontificaux (1846-1914), Ecole Française de Rome, Bibliothèque des Ecoles françaises
d'Athènes et de Rome, 2007.

Page 28 sur 79
b) La création du jubilé papal

Le jubilé papal épouse la volonté du Saint-Siège d’étendre les liens affectifs


assurés par les réformes de la Curie à l’entièreté du monde chrétien. La célébration de la
personne du Pape rentre donc ici parfaitement dans ce projet.

B. BERTHOD et P. BLANCHARD, Les Trésors inconnus du Vatican, Paris, Editions de l’Amateur,


2000.

M. CAFFIERO. La maestà del papa. In: Cérémonial et rituel à Rome (XVIe-XIXe siècle), Rome, École
Française de Rome, 1997.

M CATALDI GALLO, Il papa e le sue vesti. Da Paolo VI a Giovanni Paolo II (1600-2000), Città del
Vaticano, Edizioni Musei Vaticani, 2016.

F. JANKOWIAK, La Curie romaine de Pie IX à Pie X : Le gouvernement central de l'Eglise et la fin


des Etats pontificaux (1846-1914), Ecole Française de Rome, Bibliothèque des Ecoles Françaises
d'Athènes et de Rome, 2007.

C) Un vêtement au service du politique ?

Cette distinction une fois affirmée, les ambitions politiques du pontife vont dans le sens
d’un renforcement spirituel du pouvoir papal, qui voit son pouvoir temporel de plus en
plus menacé, jusqu’à disparaître totalement. Ce renforcement, appuyé par les réformes
hiérarchique et liturgique, amène à la proclamation de l’infaillibilité pontificale en 1870.

a) Le lien entre ultramontanisme et vêtement

On observera ici que les effets des réformes de Pie IX, appuyé par Vatican I, se
matérialisent en un nouveau souffle de l’ultramontanisme qui avait connu ses grandes
heures sous la Restauration française. Plaçant le Pape en unique guide, les fidèles
s’attachent grandement à la figure de Pie IX. On observera ici les liens que
possède le mouvement avec le vestiaire papal.

B. BERTHOD et P. BLANCHARD, Les Trésors inconnus du Vatican, Paris, Editions de l’Amateur,


2000.

M. CAFFIERO. La maestà del papa. In: Cérémonial et rituel à Rome (XVIe-XIXe siècle), Rome, École
Française de Rome, 1997.

B. HORAIST, La dévotion au pape et les catholiques français sous le pontificat de Pie IX


(1846-1878) d’après les archives de la Bibliothèque Apostolique Vaticane. Rome : École Française
de Rome, 1995.

M.C GALLO, Il papa e le sue vesti. Da Paolo VI a Giovanni Paolo II (1600-2000), Città del Vaticano,
Edizioni Musei Vaticani, 2016.

F. JANKOWIAK, La Curie romaine de Pie IX à Pie X : Le gouvernement central de l'Eglise et la fin


des Etats pontificaux (1846-1914), Ecole Française de Rome, Bibliothèque des Ecoles Françaises
d'Athènes et de Rome, 2007.

Page 29 sur 79
b) Une refonte de l’image papale

Il sera ici question de voir toutes les modifications qu’apporte le Pape à son propre
costume (qui jusque là changeait très peu selon les pontifes) pour s’aligner avec son
projet politique.

B. BERTHOD et P. BLANCHARD, Les Trésors inconnus du Vatican, Paris, Editions de l’Amateur,


2000.

F. JANKOWIAK, La Curie romaine de Pie IX à Pie X : Le gouvernement central de l'Eglise et la fin


des Etats pontificaux (1846-1914), Ecole Française de Rome, Bibliothèque des Ecoles Françaises
d'Athènes et de Rome, 2007.

M. CAFFIERO. La maestà del papa. In: Cérémonial et rituel à Rome (XVIe-XIXe siècle), Rome, École
Française de Rome, 1997.

M CATALDI GALLO, Il papa e le sue vesti. Da Paolo VI a Giovanni Paolo II (1600-2000), Città del
Vaticano, Edizioni Musei Vaticani, 2016.

c) La création d’une nouvelle unité chrétienne

Par l’accord de charges honorifiques destinées à l’élite de la Curie et au clergé


étranger, Pie IX se procure les faveurs des représentants du monde chrétien, créant ainsi
des liens de vassalité et affectifs entre le clergé et le pontife alors que ce dernier perd son
pouvoir temporel.

B. BERTHOD et P. BLANCHARD, Les Trésors inconnus du Vatican, Paris, Editions de l’Amateur,


2000.

M. CAFFIERO. La maestà del papa. In: Cérémonial et rituel à Rome (XVIe-XIXe siècle), Rome, École
Française de Rome, 1997. pp. 281-316.

B. HORAIST, La dévotion au pape et les catholiques français sous le pontificat de Pie IX


(1846-1878) d’après les archives de la Bibliothèque Apostolique Vaticane. Rome : École Française
de Rome, 1995.

F. JANKOWIAK, La Curie romaine de Pie IX à Pie X : Le gouvernement central de l'Eglise et la fin


des Etats pontificaux (1846-1914), Ecole Française de Rome, Bibliothèque des Ecoles Françaises
d'Athènes et de Rome, 2007.

Page 30 sur 79
Troisième Partie

Le nouveau roi contre l’otage omniscient : comparaison


des imageries royale et vaticane (1870-1914)

Chapitre VI : La construction de l’image vestimentaire


royale

La conquête de Rome, terminant ainsi le processus du Risorgimento représente


paradoxalement un problème pour la nouvelle royauté en place. Victor Emmanuel II,
après avoir réuni en un seul bloc le pays, doit réunir deux traditions costumières
différentes : l’école milanaise et l’école napolitaine. Il sera ici question d’étudier
l’imagerie royale italienne.

A) Porter sur soi le Risorgimento


Réunifier l’Italie en un seul bloc commun en ayant des origines piémontaises n’est pas
chose aisé, en effet la fracture Nord/Sud au sein de l’Italie s’étend aussi aux traditions
vestimentaires.

C.BRICE, « Monarchie, État et nation en Italie durant le Risorgimento (1831-1870) », Revue


d'histoire du XIXe siècle, 44 | 2012, 85-100.

a) Deux Italie opposées…

On verra ici que la construction des vestiaires du Nord et du Sud de l’Italie s’est
faite sur une opposition de la vision du costume.

E. PAULICELLI, Writing Fashion in Early Modern Italy: From Sprezzatura to Satire, Routledge,
Visual Culture in Early Modernity, 2014.

R. PISETZKY LEVI, Storia del costume in Italia, Milano, Istituto Editoriale Italiano, 1964.

b) …Qu’il faut réunir en un vestiaire

Et l’on verra ici comment Victor-Emmanuel II tente de rapprocher ces deux


mondes pourtant opposés.

E. PAULICELLI, Writing Fashion in Early Modern Italy: From Sprezzatura to Satire, Routledge,
Visual Culture in Early Modernity, 2014.

R. PISETZKY LEVI, Storia del costume in Italia, Milano, Istituto Editoriale Italiano, 1964.

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B) Des emprunts multiples

Il n'est plus temps, au milieu du XIXe, de créer de toutes pièces une imagerie qui n’est
inspirée que par elle même, sans faire d’emprunts à la mode de l’époque et aux
monarchies passées ou contemporaines de Victor-Emmanuel II. On se penchera ici sur
ces emprunts multiples. On utilisera dans cette partie les estampes disponibles de Victor
Emmanuel II.

a) Aux modes du XIXe siècle

Les rares portraits du nouveau roi d’Italie en civil permettent d’observer sa presque
normalité stylistique. L’analyse de ces portraits nous démontrera que Victor-Emmanuel II
s’habille comme un homme de son temps.

E. BASCHET, K. RENOU, G. YOLDJOGLOU, La mode, Histoire d'un siècle 1843-1944, Paris, Le


livre de Paris, coll. « Les grands dossiers de l'illustration », 1987.

R. PISETZKY LEVI, Storia del costume in Italia, Milano, Istituto Editoriale Italiano, 1964.

b) Aux monarchies occidentales

Créer de toute pièce une imagerie nouvelle de monarque au XIXe siècle ne peut se
faire sans emprunts et inspirations en provenance des voisins européens, on verra ici
de quoi s’est inspiré Victor-Emmanuel II.

A. BOUREAU, « Les cérémonies royales françaises entre performance juridique et compétence


liturgique », dans Annales, année 1991, volume 46, numéro 6, pp. 1253 - 1264.

Y. LIGNEREUX, Les rois imaginaires. Une histoire visuelle de la monarchie de Charles VIII à Louis
XIV, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2016, 370 p.

I. PARESYS et N. COQUERY (dir.), Se vêtir à la cour en Europe (1400-1815), Publications de


l’Institut de recherches historiques du Septentrion, CEGES université de Lille 3 & Centre de
recherche du château de Versailles, 2011.

D. ROCHE, La culture des apparences, Paris Fayard, 1989.

c) Au milieu militaire

Tout roi qu’il est, il ne faut pas oublier que le royaume d’Italie s’est construit par la
guerre, ce qui ressort le plus des portraits et estampes de Victor-Emmanuel II c’est
l’inspiration militaire de ses costumes.

O. ROYNETTE, « L’uniforme militaire au XIXe siècle : une fabrique du masculin », Clio. Femmes,
Genre, Histoire [Online], 36 | 2012, 36 | 2012, 109-128.
C.H. DE QUÉNETAIN, Les Styles Consulat et Empire, Collection des styles, Paris, Les Éditions de
l’Amateur, 2006.

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Chapitre VII : Porter l’habit dans un Etat pris en otage

La Question romaine soulève de nouveaux problèmes pour le Saint-Siège. Comment


continuer de briller spirituellement après la débâcle de la Porta Pia ? La
cristallisation de la figure papale va être l’option choisie par la Curie pour remédier
à cela.

P. BOUTRY, « L'Église et la civilisation moderne de Pie IX à Pie X ». In: Le deuxième Concile du


Vatican (1959-1965) Actes du colloque organisé par l'École française de Rome en collaboration
avec l'Université de Lille III, l'Istituto per le scienze religiose de Bologne et le Dipartimento di studi
storici del Medioevo e dell'età contemporanea de l'Università di Roma-La Sapienza (Rome 28-30
mai 1986) Rome : École Française de Rome, 1989. pp. 47-63.

A) Un nouveau modèle romain

La perte du pouvoir temporel papal est un bouleversement majeur pour le Saint-Siège qui
doit réagir. Il en découle dès lors une politique centrée sur la figure du Pape,
accompagnée d’une réforme de plusieurs costumes au sein de la Curie.

a) Des suppressions vestimentaires

On montrera ici que les différents pontifes peuvent se délester de certaines pièces
avec lesquelles ils ont moins d’affection, rompant parfois avec une tradition vieille de
plusieurs siècles.

B. BERTHOD et P. BLANCHARD, Les Trésors inconnus du Vatican, Paris, Editions de l’Amateur,


2000.

F. JANKOWIAK, La Curie romaine de Pie IX à Pie X : Le gouvernement central de l'Eglise et la fin


des Etats pontificaux (1846-1914), Ecole Française de Rome, Bibliothèque des Ecoles Françaises
d'Athènes et de Rome, 2007.

b) L’écrin grandiose du Vatican

La perte des Etats pontificaux condamne la papauté à se cantonner à un pouvoir


spirituel, le projet de fixer le Vatican dans un écrin intemporel apparaît alors comme une
évidence. Il sera ici question de tout ce qui a été mis en place pour épouser ce projet.

B. BERTHOD et P. BLANCHARD, Les Trésors inconnus du Vatican, Paris, Editions de l’Amateur,


2000.

F. JANKOWIAK, La Curie romaine de Pie IX à Pie X : Le gouvernement central de l'Eglise et la fin


des Etats pontificaux (1846-1914), Ecole Française de Rome, Bibliothèque des Ecoles Françaises
d'Athènes et de Rome, 2007.

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B) Le long pontificat : une obligation pour l’universel ?
Dans cette nouvelle politique, la place du pontife est centrale et l’attache qu’il doit
développer avec les fidèles est importante pour la prospérité et l’aura du Vatican. Le long
pontificat, ses avantages et ses questions idéologiques qu’il soulève par rapport à Saint-
Pierre seront ici au coeur de ce point.

a) Le rôle du Jubilé

Le Jubilé papal, centré sur le pontife, joue un rôle diplomatique important et


accorde au Saint-Siège une nouvelle aura, on étudiera ici le déroulement de ce dernier.

B. BERTHOD et P. BLANCHARD, Les Trésors inconnus du Vatican, Paris, Editions de l’Amateur,


2000.

F. JANKOWIAK, La Curie romaine de Pie IX à Pie X : Le gouvernement central de l'Eglise et la fin


des Etats pontificaux (1846-1914), Ecole Française de Rome, Bibliothèque des Ecoles Françaises
d'Athènes et de Rome, 2007.

Le Jubilé épiscopal de Pie IX au Collège de l’Assomption [microforme], Montréal, E. Senécal,


1877.

b) Des dons beaucoup plus généreux

Dans la continuité du paragraphe ci dessus, on observera ici les conséquences de


la politique vaticane qui se matérialise notamment par les nombreux dons que le Saint-
Siège reçoit.

B. BERTHOD et P. BLANCHARD, Les Trésors inconnus du Vatican, Paris, Editions de l’Amateur,


2000.

F. JANKOWIAK, La Curie romaine de Pie IX à Pie X : Le gouvernement central de l'Eglise et la fin


des Etats pontificaux (1846-1914), Ecole Française de Rome, Bibliothèque des Ecoles Françaises
d'Athènes et de Rome, 2007.

Le Jubilé épiscopal de Pie IX au Collège de l’Assomption [microforme], Montréal, E. Senécal,


1877.

c) Un nouvel affect

Comme annoncé dans le titre de notre sous partie, la longévité des papes Pie IX et
Léon XIII soulève des problématiques nouvelles (reconsidération du pontificat de Saint-
Pierre, explication théologique des pontificats courts) mais accorde par ailleurs des
avantages non négligeables comme l’affect qu’il suscite chez les fidèles.

B. BERTHOD et P. BLANCHARD, Les Trésors inconnus du Vatican, Paris, Editions de l’Amateur,


2000.

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F. JANKOWIAK, La Curie romaine de Pie IX à Pie X : Le gouvernement central de l'Eglise et la fin
des Etats pontificaux (1846-1914), Ecole Française de Rome, Bibliothèque des Ecoles Françaises
d'Athènes et de Rome, 2007.

C) Pie X, un début de démystification de la figure


vaticane ?
Les origines modestes du « Pape malgré lui » Pie X font prendre un tournant mesuré au
sein de la Curie. Le faste du pontificat de Pie IX semble alors bien loin et l’entrée dans le
XXe siècle fait soulever la question d’une démystification de la figure vaticane.

a) Un anti-faste romain qui dénote?

La politique de sobriété imposée dès le début du pontificat de Pie X se traduit par


une baisse des dons lors du jubilé de 1909, il sera ici question d’analyser ce changement
de paradigme et ses conséquences.

B. BERTHOD et P. BLANCHARD, Les Trésors inconnus du Vatican, Paris, Editions de l’Amateur,


2000.

P. FERNESSOLE, Pie X - Essai historique, Suresnes, Clovis, 2015.

b) Les réformes curiales du pontife

Étudier ce changement de paradigme par les ajouts et retraits au sein du vestiaire


du Saint-Siège permet de se rendre compte du changement visuels qui s’opèrent à l’aube
du XXe siècle.

P. FERNESSOLE, Pie X - Essai historique, Suresnes, Clovis, 2015.

F. JANKOWIAK, La Curie romaine de Pie IX à Pie X : Le gouvernement central de l'Eglise et la fin


des Etats pontificaux (1846-1914), Ecole Française de Rome, Bibliothèque des Ecoles Françaises
d'Athènes et de Rome, 2007.

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Chapitre II - Les derniers possessi ou l’entrée du pape dans
le XIXe siècle

A) Un impact révolutionnaire sur le Saint-Siège ?

a) De l’ancienneté de la tradition chrétienne

1) Un vestiaire éternel ?

« L’Eternel Dieu fit à Adam et à sa femme des vêtements de peau pour les


habiller »16

Si l’apparition du vêtement dans la Bible est très précoce (on le voit ici avec la
Genèse), les références nombreuses à ce dernier témoignent de sa place capitale et de
l’importance qu’il prend très vite au sein de la liturgie. Porteur d’un lien entre sacré et
péché, c’est cette double perception du vêtement, cette interprétation bi-polaire entre
entité crée par Dieu, pour les hommes, à son image mais ternie par le péché originel qui a
façonné, et qui façonne encore aujourd’hui la pensée catholique vis-à-vis de l’habit
liturgique. Cette ambivalence est d’autant plus forte que l’Ancien et le Nouveau Testament
ne s’accordent pas sur une vision uniforme de ce dernier. S’il est d’un côté une preuve
d’amour de Jacob à son fils Joseph lorsqu’il lui offre un manteau « Il aimait Joseph plus
que tous ses autres fils, parce qu'il l'avait eu dans sa vieillesse; et il lui fit une tunique de
plusieurs couleurs. »17, le vêtement et l’abandon de ce dernier est aussi un symbole de
piété et de dévotion pour le Christ, comme nous le prouve Saint-François d’Assise.
Dans l’Exode, les vêtements liturgiques et les premières règles d’encadrement sont
ici donnés pour insuffler dans le vêtement une majesté au prêtre :
« Tu feras à Aaron, ton frère, des vêtements sacrés, pour marquer sa dignité et pour lui
servir de parure »18.
Matières, couleurs, accessoires, l’adresse de Dieu à Aaron pose les premières bases de
ce qui constituera le vestiaire liturgique chrétien. Cette dualité de vision s’impose aussi
entre clergé régulier et séculier au cours du Moyen-Âge. Effectivement, la critique de

16École biblique et archéologique française (Jérusalem), La Bible de Jérusalem, Paris, Pocket,


1998, Gen. 3.21.
17 Ibid. Gen. 37:3.
18 Ibid. Exode 2:2.

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l’opulence de la figure romaine (mais aussi plus localement de la figure ecclésiastique)
n’est pas nouvelle. La réforme protestante constitue aussi une remise en cause du
privilège que représente le port du vêtement sacré par le clergé séculier.
Si l’on se penche sur le vêtement romain à l’aube du XIXe siècle, il est intéressant
de comparer les changements d’usage, de coutume, mais aussi les changements
matériels qui ont pu se fixer sur le vêtement romain. Comme annoncé précédemment,
l’analyse du vestiaire papal et cardinalice dans une logique des origines, peut se révéler
pertinente. Le Saint-Siège ayant une volonté assumée d’inscrire ses traditions
vestimentaires dans une lignée antique (point de notre prochaine section) et médiévale, de
les fixer dans quelque chose qui relève de l’éternel.

Pie VII assis au trône en costume d'audience. Eau-forte aquarellée. Ferrari, Rome, 1823.
Coll. Francesco Pacelli.

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L’analyse de ce portrait et sa mise en parallèle avec des portraits de pontifes
médiévaux permet de se rendre compte de ce qu’on s’est attaché à décrire plus haut.
Sur ce portrait, Pie VII porte un habit d’audience qu’il est ici justicieux d’expliciter :
• Une calotte en moire de soie blanche. La calotte est un couvre-chef arrondi, apparu au
Moyen-Âge. Si celle-ci est portée par l’ensemble du clergé jusqu’au XXe siècle, sa
variante en moire de soie de couleur blanche est réservée au pape.19

• Une mozette d’hiver en velours de soie rouge bordée de duvet d’eider. La mozette est
une pèlerine boutonnée à l’avant, couvrant le haut du corps jusqu’aux bras. Elle
remplace depuis le XIVe siècle la chape prélatice, d’où la présence d’un petit capuchon
à l’arrière inutilisable, ce dernier étant un reliquat de la chape prélatice. Portée par les
hautes instances du clergé (pape, cardinaux, évêques, abbés..) sa composition et sa
couleur sont différentes selon le rang dans la hiérarchie. Le pape et les cardinaux en
portent cinq selon les différentes fêtes et saisons du calendrier liturgique.20

• Un rochet, qui est un surplis de lin dont les origines remontent au XIIIe siècle. Les
dentelles présentes aux poignets (mais aussi parfois aux épaules pour laisser voir la
couleur de la soutane) permettent de le distinguer. Réservé aux papes, cardinaux et
évêques, les pronotaires acquièrent finalement le privilège de son port en 1586. Le
rochet papal n’a pas de distinction de couleur ou de matière, contrairement aux pièces
vues plus haut.21

• Sous le rochet, on retrouve la soutane papale en taffetas ou en moire de soie. La


soutane est une robe qui recouvre tout le corps de son porteur et pouvant, dans sa
version de choeur, tomber jusqu’au sol. Boutonnée de haut en bas, elle est portée le
plus souvent avec une ceinture. Si son origine n’est pas datée précisément, elle
remplace officiellement le vêtement talaire au XVIe siècle et est portée par l’ensemble
du clergé. La version en taffetas ou moire de soie est réservée au pape, celle des
cardinaux étant rouge ou violette en drap de soie.22

19 « Calotte. » In : B. Berthod et P. Blancahrd, Les Trésors inconnus du Vatican, Paris, Editions de


l’Amateur, 2000, p. 100.
20 « Mozette papale. » Ibid. p. 249.
21 « Rochet. » Ibid. p. 298.
22 « Soutane. » Ibid. p. 318.
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• Pour terminer, Pie VII porte les mules papales. Dérivées du terme latin mulleus,
désignant un soulier fin en étoffe rouge porté par les sénateurs, les mules papales
désignent depuis le XVIe siècle les souliers du pape, bien que la mention de souliers
papaux remontent à Grégoire X (qui lui-même affirme d’un usage bien antérieur à son
cérémonial). C’est un vêtement de rupture avec la vie du cardinal nouveau pape, en
effet, la prise de ses nouveaux souliers « rubea calciamenta papalia » fait pleinement
partie du couronnement papal. Confectionnées en soie pour l’été, en drap ou en
maroquin pour l’hiver, elles se nouent avec des cordons de soie et sont souvent ornées
par un gland d’or. Les mules papales ont par ailleurs la particularité d’avoir brodée sur
elles une croix d’or. Nous le verrons par la suite, cette croix d’or et la cérémonie du
baiser de pied qui l’accompagne vont se retrouver au cœur du cérémonial et sera sujet
à différents conflits.23
Si l’on compare cette représentation de Pie VII en habit d’audience avec plusieurs
portraits médiévaux, on peut constater des similitudes, chromatiques mais aussi
liturgiques que cette représentation partage avec d’anciens portraits.
Ainsi, les portraits d’Innocent VII (1404-1406) et de Grégoire XII (1406-1415) rompent
avec la tradition imposée depuis Grégoire X (1271-1276), d’être représenté en habit de
cérémonie où le pontife porte la tiare. On les retrouve alors portant la mozette, la soutane,
mais aussi le camauro, large bonnet qui, contrairement à la calotte, couvre les oreilles et
qui remplace pour le pape la barrette cardinalice. Confectionné en velours rouge et bordé
d’hermine pour l’hiver, le camauro est typique de la chrétienté médiévale et perdure
encore au XXe siècle.

Portrait d’Innocent VII et de Grégoire XII

23 « Mules papales. » Ibid. pp. 249-50.


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Le Titien, Portrait du Pape Sixte IV, 1540-1545,
Galerie Offices Uffizi, Florence, Italie

Ce portrait de Sixte IV (1471-1484) peint par Le Titien nous offre lui une représentation du
pontife assis, où l’on distingue ainsi la soutane plus explicitement. Il est intéressant de
souligner que la quasi-totalité des portraits de papes se font, depuis Sixte IV et jusqu’à Pie
IX (soit sur plus de 400 ans), dans cette tenue composée du triptyque camauro/calotte,
mozette et soutane, le rochet s’incorporant un peu plus tard dans les portraits officiels.

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2) La continuité antique du vêtement romain

Pour continuer sur l’analyse chromatique du vêtement papal, la codification de son


vestiaire et des couleurs que le pontife peut arborer, rentre dans la logique d’inscription
dans le temps long que l’on s’est attaché à décrire dans le point précédent. La fabrique de
l’image pontificale, représentée par le tandem du rouge et du blanc, n’est pas nouvelle et
répond une nouvelle fois à des considérations historiques et symboliques.

Effectivement, malgré l’avarice de qualificatifs pigmentaires des premières versions


de la Bible, il en ressort une prédominance de la couleur rouge et de ses dérivés, de
l’écarlate au pourpre en passant par toutes les nuances, des plus claires aux plus
foncées24. L’analyse de F. Jacquesson sur l’occurence des couleurs au sein de la Bible fait
ressortir plusieurs points en concordance avec notre étude. Ainsi :

« La Bible étant soucieuse des choses religieuses, l'appareil sacré du temple en voyage
est mis en valeur, et avec lui le domaine pourpre-rouge, statistiquement très majoritaire.
Ainsi, le rouge domine et est valorisé ; le blanc suit loin derrière est n'est pas bon ; le noir
est à peine mentionné, mais n'est pas mauvais. »25 .

Fait intéressant à souligner, le rouge n’est ici pas tant le rival du noir, mais plutôt du blanc.
Si, sous l’Empire Romain, l’association du rouge et du blanc est antinomique, c’est entre le
Ve et le XIe siècle que ce que M. Pastoureau définit comme les « Pères de l'Église »,
façonnent la symbolique liturgique autour des trois couleurs rouge blanche et noire.
Symbolique qui influencera les pratiques vestimentaires nobiliaire et curiale pendant plus
de mille ans.26
Cette association entre un rouge à la figure partagée en pouvoir et pêché27 , et un
blanc historiquement rival du rouge se retrouve dans les textes au début du XIIe siècle
avec Rupert de Deutz28, ou plus tard avec Jean Beleth29 . Le traité du Cardinal Lothar de

24 M. Pastoureau, Rouge, Histoire d’une couleur, Paris, Seuil, 2016, p. 50.


25 F. Jacquesson, « Les mots de couleurs dans les textes bibliques », 2008, p.22.
26 Ibid. pp. 58-60.
27Sur l’analyse de l’ambivalence de la couleur rouge entre figure du « Feu » et figure du « Sang »
voir M. Pastoureau, Rouge, Histoire d’une couleur, Paris, Seuil, 2016, pp. 58-64.
28
Rupert de Deutz, « le Christ blanc éclatant de la sainteté et marqué du rouge de la Passion »,
Les Œuvres du Saint-Esprit I-II, Editions du Cerf, Collection Sources chrétiennes - N° 131, 1976.
29 J. Beleth, Summa de ecclesiasticis officiis, Turnhout, Brepols, Corpus Christianorum, 1991.
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Segni « De sacro sancti altari mysterio » (1194-95) avant qu’il ne devienne le pape
Innocent III, décrit les usages costumiers de la Curie romaine et la symbolique des
couleurs au XIIe siècle. Le blanc est ainsi devenu symbole de joie, de pureté christique, et
est repris pour toutes les fêtes du Christ ainsi que pour celles des anges, des vierges et
des confesseurs. Le rouge rappelle ici la Passion du Christ et est utilisé pour les fêtes des
martyrs, des apôtres, de la Croix, mais aussi, et surtout, pour la Pentecôte. Si l’on peut
supposer que la naissance de l’association rouge/blanc pour le pape date des réformes
liturgiques d’Innocent III, la confirmation de ce binôme par Grégoire X (1271-76), dans son
Ordo Romanus XIII (1272-73) et par Guillaume V Durand, administrateur du patrimoine de
Saint-Pierre sous Grégoire X, nous prouve que cet usage est rentré dans les mœurs de la
Curie Romaine.

« Le pontife apparait toujours dans un manteau rouge, mais est en dessous habillé en
blanc, signifiant innocence et charité, et le rouge la compassion. S’il est blanc par sa
nature, son manteau se teint en rouge pour nous »30

Il faut attendre le Concile de Trente pour que cette association devienne obligatoire,
soulignant ainsi le statut du pape comme chef spirituel de l’Eglise, le concile a pour
volonté de fixer les règles du vestiaire papal et cardinalice en même temps que de créer
une messe unifiée dans le monde romain. Ainsi, la palette colorimétrique restreinte de
l’uniforme papal renvoie à son statut sacré. Nous l’avons vu, la connotation du blanc est
évidente, elle renvoie au monde céleste, aux ailes des anges (qui, dans la tradition juive,
sont habillés aussi en blanc.) ou tout simplement à la couleur blanche de la robe de Jésus.
L’association avec la couleur rouge est habile par le fait qu’elle est depuis l’Empire Romain
symbole de pouvoir et de prestige (cette représentation est perpétuée par les empereurs
du Saint-Empire Romain Germanique qui portent un long manteau rouge comme signe de
leur pouvoir.)31 et incarnation de son pouvoir temporel, mais aussi parce qu’elle fait le lien
entre la vie du Christ, habillé en blanc, et sa mort avec le sang versé lors de la Passion32 .
Soulignons enfin qu’à l’époque moderne les différentes nuances de rouge de l’habit
liturgique sont l’incarnation matérielle de la hiérarchie au sein de l’église. Le pape a le
rouge le plus éclatant et les matières premières les plus nobles, suivi de près par les
cardinaux, et pour finir, par les évêques avec le violet.

30 G. Durand, Rationale divinorum officiorum, 1286.


31 A. Parivicini Bagliani, Le corps du pape… p. 104.
32En ce qui concerne l’évolution des couleurs sacrées au sein de l’uniforme papal, voir M. Cataldi
Gallo, Sacred Vestments : Color and Form In : Heavenly Bodies : Fashion and the Catholic
Imagination, New-York, The Metropolitan Museum of Art, 2018.
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b) Le rouge : la fin d’un monopole élitaire

1) Une accaparation idéologique de la couleur rouge, perturbée par la


Réforme..

Nous l’avons donc vu, la forte attache de l'Eglise envers la couleur rouge s’étale
dans le temps long et s’inscrit dans une logique double de glorification (la pourpre
romaine), et de rappel au martyr originel (Passion de Jésus-Christ). Pourtant, l’équilibre
trouvé dans le vestiaire papal entre rouge et blanc se voit être perturbé par la Réforme. En
effet, on constate une raréfaction du vêtement rouge devant le vêtement blanc33 , le rochet
s’inscrivant de plus en plus dans le quotidien papal. Dès lors, le pape ne porte plus que
quotidiennement le camauro, remplacé progressivement par la calotte, les mules papales
et la mozette en intérieur. Les portraits des papes de l’époque que nous étudions en sont
la preuve : mis à part la mozette, seule l’étole papale est de couleur rouge. L’étole est un
tissu couvrant les épaules du pape lors de ses apparitions publiques, elle est décorée par
des fresques d’or et reliée à la poitrine par une cordelette et descend jusqu'aux genoux.34
La couleur rouge se rattache peu à peu sur le vêtement cérémoniel ou d’extérieur, comme
la chape :
« grand manteau fermé en forme de cloche et à capuchon, se terminant par une traîne, en
laine ou soie porté à l’extérieur puis au chœur par l’ensemble du clergé depuis le Moyen-
Âge. La chape est portée lorsque le prélat se rend solennellement à un office, lorsqu’il y
assiste au chœur et lors des chapelles papales, la traîne est un signe de juridiction, seul le
pape la porte déployée, »35,

le mantum papal :
« Ample pluvial que prend le pape pour présider les cérémonies liturgiques autre que la
messe papale, par exemple les chapelles papales auxquelles il assiste au trône, prise de
possession, ouverture et fermeture de porte sainte, consistoires, Urbi et Orbi. Il apparait
dans l’Ordo de Grégoire X vers 1272. »36

ou le chapeau papal et cardinalice plutôt que sur le vêtement quotidien37 .

33 M. Pastoureau, Rouge, Histoire d’une couleur, Paris, Seuil, 2016, p. 69.


34 « Stola. » G. Moroni, Dizionario di erudizione storico-ecclesiastica, vol.70, 1840.
35 « Chape. » In : B. Berthod et P. Blanchard, Les Trésors inconnus du Vatican, Paris, Editions de
l’Amateur, 2000, p. 131.
36 « Mantum papal. » Ibid. pp. 226-7.
37 M. Pastoureau, op. cit. p. 69.
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Chape papale en velours rouge, Gravure
aquarellée, Maggi et Marroni,
Rome, vers 1840. Coll. Part.

Mantum rouge de Pie VII. Soie lamée,


broderie filé or,
vue de face. Sacristie pontificale

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Il est alors logique de s’interroger sur les raisons de ce retrait progressif du rouge
au sein du vestiaire papal. La couleur rouge est dans le fait, l’incarnation de l’opulence du
Saint-Siège. Au même titre que le vert et le jaune, elle s’inscrit dans la polychromie du rite
chrétien, et participe à la théâtralité de la messe.38
Les grands penseurs du protestantisme voient alors en l’utilisation de ces couleurs
au sein des églises et du vestiaire religieux un acte relevant du péché. M. Pastoureau
prend pour témoin de ce chromoclasme protestant Calvin, Luther ou encore Melanchthon :

« le temple n’est pas un théâtre » (Luther)


« Les pasteurs ne sont pas des histrions » (Melanchthon)
« le plus bel ornement du temple est la parole de Dieu » (Calvin)

On conclue souvent que la vision protestante de son vestiaire liturgique s’est


construite uniquement par opposition avec le vestiaire polychromique romain. Mais cette
esthétique protestante (qui s’applique autant au vêtement qu’aux autres formes d’art, à
l’habitat ou au temple en lui même) qui s’articule autour du triptyque noir, gris et blanc a
été grandement influencée par l’omniprésence du noir au sein du vestiaire princier du XIVe
et XVe siècles39 . Cette influence, couplée à la révolution de l’imprimerie, fixant l’image
gravée et imprimée dans un « monde en noir et blanc », pousse les grands penseurs de la
Réforme à considérer ce « noir moral comme la couleur la plus digne et la plus vertueuse
»40 . Revenons à la couleur rouge, cette dernière est surement la plus exécrée par la
Réforme. Ainsi :

« La couleur rouge - la plus vive pour la Bible et pour toute la théologie médiévale –
est à leurs yeux celle qui symbolise au plus haut point le luxe, le péché et la « folie
des hommes ». Luther y voit la couleur emblématique de la Rome papiste,
scandaleusement fardée de rouge comme la grande prostituée de Babylone »41

Cette attitude protestante engendre une réaction catholique qui va certes, comme
nous l’avons vu précédemment, réduire la part de rouge au sein du vestiaire papal, mais
va paradoxalement renforcer sa chromophilie au sein de ses églises avec l’art baroque.
L’Eglise redevient alors cette image du ciel sur Terre. Si Luther y voyait la grande

38Sur la polychromie architecturale et liturgique de la messe en occident voir M. Pastoureau,


L’Eglise et la couleur, des origines à la Réforme. In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1989,
tome 147. pp. 203-230.
39S. Jolivet, « La construction d’une image  : Philippe le Bon et le noir (1419-1467) », Apparence(s)
[En ligne], 6 | 2015, mis en ligne le 25 août 2015.
40 M. Pastoureau, Noir, Histoire d’une couleur, Paris, Seuil, 2008 pp. 159, 169.
41 Ibid. p. 189.
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prostituée de Babylone, le temple catholique se veut plutôt être une nouvelle Jérusalem
séraphique.

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2) .. Et par la Révolution

Si la Révolution Française échoue dans la création d’un culte civique et républicain,


elle arrache néanmoins le privilège esthétique de la couleur rouge aux classes nobles et
au clergé. Elle réussit dans les faits, à faire rentrer pour la première fois une couleur dans
un registre autre que le symbolique ou l’esthétique, le rouge sous la Révolution devient
politique42 . Les symboles républicains, construits autour du triptyque bleu, blanc, rouge,
comme la cocarde, le drapeau, le coq, mais aussi et surtout le bonnet phrygien, sont les
étendards de cette révolution esthétique. À la prise de la Bastille, il faut ajouter au «
palmarès » jacobin la conquête du rouge. En effet, l’encadrement socio-politique de la
couleur rouge par des décrets qui apparaissent entre le XIVe et le XVIIe siècles avait
restreint l’usage de plusieurs couleurs, dont le rouge, à certaines professions (de justice
notamment) et/ou catégories sociales43. L’exemple du « Prammatica del vestire » (1343) à
Florence44 est révélateur de l’omniprésence du rouge et des étoffes teintes au kermes
vermilio, cochenille dont la teinte rouge est extraite pour la confection des vêtements
luxueux au sein des garde-robes patriciennes. Qu’il soit de soie ou de laine :

«Le rouge est présent sous les termes de rubeus, ruber,scarlattus, scarlattinus, scarlattinus
minutus, vermilius, ainsi qu'afiamatus (flamboyant ou enflammé, ardent), sanguinus,
cardinalescus, porporus et porporinus, violatus, pagonazus (violet foncé),colore rossicio,
incarnatus, pili leonis (poil de lion, roussâtre : et proche donc de rubeus), rossellinus (id.),
rancius (orange). »45

Le bonnet phrygien vient mettre fin à ce monopole. Symbole populaire du peuple


oublié il réussit à lui seul à faire le lien avec l’antique et le bonnet phrygien des affranchis
grecs, à contester le privilège royal et religieux par la destitution du « droit au rouge » mais
aussi à signifier son approbation envers le mouvement révolutionnaire. Si l’on revient sur
le drapeau rouge, ce dernier se charge aussi d’une portée paradoxalement christique. En
effet, le drapeau rouge est d’abord un attribut de l’Ancien Régime qui le dresse aux
pavillons lorsqu'une manifestation bascule dans le criminel et qu’il faut la réprimer par la
force. L’histoire de ce drapeau se retrouve bouleversée lors du retour du roi à Paris après

42 M. Pastoureau, Rouge, Histoire d’une couleur, Paris, Seuil, 2016, p. 163.


43 Les rébus de la société, troupes de théâtres, prostituées etc.. devaient porter des couleurs dites
criardes, dans les faits le rouge était souvent choisi. M. Pastoureau, Rouge, Histoire d’une couleur,
Paris, Seuil, 2016, p. 116.
44
L. Gérard-Marchant, « Compter et nommer l'étoffe à Florence au Trecento (1343) ». In:
Médiévales, n°29, 1995. L'étoffe et le vêtement, pp. 87-104.
45 Ibid. p. 97.
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sa tentative de fuite à Varennes, un rassemblement tournant à l’émeute force le maire de
Bailly à hisser le drapeau rouge, la garde nationale tire à vue et les cinquante morts
devenus « martyrs de la Révolution »46 teignent de leurs sang le drapeau. Ce dernier
devenant alors symbole du peuple en révolte contre l’Ancien Régime. Le parallèle qu’on
s’est attaché à décrire dans notre premier chapitre entre culte civique et religion catholique
sur la question du martyr se retrouve une nouvelle fois renforcé par ce point.

Chargé de l’aura du martyr, il est l’emblème du peuple opprimé et est dressé tout
au long du XIXe siècle comme un symbole de ralliement à la Révolution française,
symbole du peuple qui se dresse face aux puissants. On le retrouve à plusieurs moments
de la Monarchie de Juillet, notamment lors des Trois-Glorieuses et de la Révolution de
184847 , se retrouvant même en concurrence avec le drapeau tricolore pour devenir
l’emblème de la Deuxième République, emblème qu’il incarne sous la Commune.48
D’abord jacobin, porteur d’une volonté de renversement de l’ordre social en place, le
rouge politique se mêle peu à peu au mouvement ouvrier européen. L’émergence des
partis socialistes dans les années 1850 accélère sa diffusion dans les mouvements
ouvriers et syndicaux. Le choix du premier mai comme fête internationale des travailleurs
en 1889 peut être considérée comme l’apogée du rouge politique : implanté globalement,
il monopolise l’espace visuel mondial, au moins le temps d’une journée.49 Si l’on se
projette hors de notre période d’étude, la Révolution russe et l’affiliation du rouge au
communisme est un point de plus à rajouter à ce mélange entre rouge et Révolution(s).
Ce court historique du rouge politique nous démontre deux choses : le rouge se
charge depuis la Révolution Française jusqu’à la Révolution russe, d’un symbolisme
politique nouveau. C’est en effet la première fois qu’une couleur est rattachée non pas à
un mouvement esthétique, mais à un courant de pensée politique étalé sur plus de deux
siècles. Plus fort encore, cette nouvelle connotation politique éclipse partiellement voire
totalement les autres valeurs attribuées au rouge. Plus de passion, de luxuriance, plus
d’amour, le « rouge » rentre dans le langage commun comme un révolutionnaire à part
entière, teinté du sang de ses martyrs fondateurs.

46J. Cornette (dir.), M. Biard, P. Bourdin, S. Marzagalli, Révolution, Consulat, Empire (1789-1815),
Paris, Belin, 2009, pp. 90-91.
47 M. Pastoureau, op. cit. p. 167.
48 Ibid. p. 170.
49Maurice Dommanget, Histoire du drapeau rouge des origines à la guerre de 1939, Marseille,
Editions Le Mot et le reste, 2006, 551 p.
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B) Du Pape conquérant au Pape sédentaire : la fin du
possesso à Rome.

a) La symbolique liturgique du possesso

1) Un rite participant à l’intronisation du Pape

« Parler de rite d'institution, c’est indiquer que tout rite tend à consacrer ou à légitimer,
c'est-à-dire à faire méconnaître en tant qu'arbitraire et reconnaître en tant que légitime,
naturelle, une limite arbitraire ; ou, ce qui revient au même, à opérer solennellement, c'est-
à-dire de manière licite et extra-ordinaire, une transgression des limites constitutives de
l'ordre social et de l’ordre mental qu'il s'agit de sauvegarder à tout prix. En marquant
solennellement le passage d'une ligne qui instaure une division fondamentale de l'ordre
social, le rite attire l'attention de l'observateur vers le passage (d'où l’expression rite de
passage), alors que l'important est la ligne.  »50

Le possesso est le deuxième acte de l’intronisation papale. Se déroulant après le


couronnement du nouveau pontife, il consiste en une procession qui part de la basilique
Saint-Pierre, traverse la ville et se termine par la prise de possession du siège épiscopal
du pape : la basilique de Saint-Jean-de-Latran. Si sa forme moderne apparaît sous Sixte
IV en 1471, qui en fait une démonstration de puissance51 c’est Jules II (1503-1513) qui en
fait une cérémonie distincte de celle du couronnement en la faisant devenir une sorte
d’exaltation du pouvoir militaire pontifical52 . Rite décisif dans l’affirmation de la potestas du
pontife, il est aussi un rite de présentation au peuple de son nouveau souverain. On citera
ici M. Boiteux pour résumer la distinction entre couronnement et possesso :

« Si le couronnement l'intronise dans sa fonction de Pontife, et en fait le représentant du Christ,


c'est bien le Possesso qui le fait souverain d'une communauté qui l'accueille, accepte le triomphe de
son chef et le reconnaît dans sa majesté universelle : le rituel du Possesso «fait» du pape le
chef politique et religieux de Rome. »53

50P. Bourdieu, Les rites comme actes d'institution, dans Actes de la recherche
en sciences sociales, 43, 1982, pp. 58-63.
51 I. Fosi, «Parcere subiectis, debellare superbos». In: Cérémonial et rituel à Rome (XVIe-XIXe
siècle), Rome, École Française de Rome, 1997, p. 104.
52B.Gruet, La Rue à Rome, miroir de la ville. Entre l'émotion et la norme, PU Paris-Sorbonne,
2006, p. 257.
53M Boiteux, « Parcours rituels romains à l'époque moderne ». In: Cérémonial et rituel à Rome
(XVIe-XIXe siècle), Rome, École Française de Rome, 1997, p. 45.
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Les sources précieuses que représentent les Diarii, journaux des maîtres de
cérémonies, nous renseignent grandement sur le déroulement des possessi tout au long
de l’époque moderne. Rite à caractère communautaire (le roi prend la ville sous les yeux
de son nouveau peuple) et urbain, il représente la fusion entre l’Église et le peuple de
Rome autour de son nouveau roi, qui se situe justement entre ces deux groupes distincts
dans le cortège54. Si le concile de Trente et sa volonté de centralisation monarchique
donne au possesso un fort rôle politique, en témoigne le possesso d’Innocent X en 164455 ,
cette fibre politique du cérémonial s’efface dans un XVIIe et XVIIIe siècles, où le pouvoir
spirituel supplante peu à peu le politique.56 Comprendre les mutations qui s’opèrent au
sein du rite tout au long de cette époque permet d’expliciter les raisons de son
dépouillement progressif, le possesso de Pie VII étant sûrement le plus flagrant marqueur
de la réduction du rite à un minimum syndical.

Ainsi, malgré ce que l’on pourrait penser sur l’immobilisme et le conservatisme des
maîtres de cérémonies papales, l’époque moderne se voit le théâtre de changements
importants pour le déroulé de la procession, ces changements nous renseignant sur « les
transitions politiques et des structures de puissance entre les différents pontificats »57. Le
XVIe siècle voit l’hommage à la communauté juive supprimé, témoin du durcissement de la
politique anti-juive, ces derniers restent néanmoins présents lors de la cérémonie, alors
qu’un segment au sein de la ville leur est réservé. Nous pouvons également avancer que
la multiplication d’événements liturgiques importants, centrés autour de la personne du
pontife où, en plus du couronnement, s’ajoutaient le possesso, les processions funéraires,
la fête du Corpus Christi, mais aussi et surtout l’augmentation considérable des triomphes
papaux, est une des raisons de la perte d’importance du possesso.58 Si l’on s’intéresse au
possesso de Pie VII en 1801, marqué par l’écart qu’il présente avec son couronnement du
21 mars 1800, ce dernier est moment de rupture pour le rite. De par la réduction drastique

54Pour l’ordre des différents groupes au sein du possesso, voir la liste en annexe tirée de F.
Sestini da Bibbiena, Il maestro di camera, pp. 153-165.
55Sur l’utilisation du possesso par Innocent X à des fins personnelles et politique par le détour du
cortège vers la Piazza Navona et non à Saint-Jean-de-Latran, voir J. Gadeyne, Perspectives on
Public Space in Rome, from Antiquity to the Present Day, Taylor and Francis, 2016, p. 223.
56 M Boiteux, op. cit. p 29.
57M. Caffiero, « La maestà del papa » In: Cérémonial et rituel à Rome (XVIe-XIXe siècle), Rome,
École Française de Rome, 1997, p. 304.
58 Ibid, p. 286.
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des participants au sein du cortège, le trajet est lui aussi modifié : le pontife ne part plus de
Saint-Pierre mais du palais du Quirinal, supprimant ainsi une majeure partie du trajet et
des rituels intermédiaires observés lors des formes antérieures du possesso. On pense ici
à l’hommage rendu par le pape au sénateur, donné au nom de la ville, sur le Capitole. On
observe dès lors, par la suppression de ces deux hommages, une réduction du caractère
pluriel du pontife. On note enfin que le possesso de Pie VII va rompre avec la tradition de
la cavalcade. Le pape montait jusqu’alors un cheval lors de la procession, moyen simple
mais efficace de faire le lien entre antique et contemporain tout en permettant d’appuyer
son potestas. À la monture, il préfère un carrosse tiré par les chevaux de l’écurie
pontificale : le lien visuel entre le peuple de Rome et le pape se trouve alors rompu.59

59 Ibid. pp. 305-306.


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2) Une traversée symbolique de l’espace urbain

S’intéresser à l’itinéraire du possesso et à la symbolique des lieux traversés et des


monuments, qu’ils soient antiques ou érigés pour l’occasion revient à étudier, à travers les
figures artistiques que le cortège traverse, le lien entre politique, liturgie et place de l’art au
sein des différents pontificats. L’itinéraire des possessi « classiques » débute à la basilique
Saint-Pierre, situé hors les murs de la cité antique, se poursuit dans la ville en passant par
la via papale, l’antique via sacra pour se terminer en la basilique Saint-Jean-de-Latran.
Comme abordé succinctement dans le point précédent, l’ambivalence voulue entre
l’antique et le contemporain trouve ses sources dans l’itinéraire du cortège. L’itinéraire
traverse la ville du Nord-Ouest vers le Sud-est, direction du Golgotha où aurait été crucifié
Jésus à Jérusalem.60
La procession se retrouve alors être une reprise du modèle du triomphe militaire
romain antique à la différence près qu’il y’a une inversion des points de départ et d’arrivée,
la ré-appropriation de la forme et des symboles du triomphe antique n’est pas nouvelle,
mais cette inversion de parcours, cette inversion de valeurs, en font un triomphe
chrétien.61 Cette idée de rapprochement avec la tradition antique se perçoit visuellement
très fortement, l’érection d’arcs de triomphes éphémères depuis le possesso d’Innocent X
et se poursuivant jusqu’au XVIIIe siècle témoigne de cet attachement profond de maintenir
ce lien. Ce rappel antique est d’ailleurs renforcé par la transformation visuelle des rues de
Rome, la via papale reliant Saint-Pierre à Saint-Jean de Latran se pense comme une
nouvelle via sacra où l’opulence de damas et de tapisseries, fournies par les
communautés juives, romaines et étrangères, recouvrant les habitations, transforme la via
papale en un nouvel Eden62 , en une route plus tout à fait terrestre, plus tout à fait
contemporaine. On y accompagne le cortège par des coups de canons, on y fait résonner
les cloches, des torches sont allumées au sein de la ville, des feux d’artifices sont tirés. Le
retentissement sonore et visuelle que représente l’événement appuie l’exceptionnalité du
rite.
Notons d’autre part que le Capitole devient un passage obligatoire à l’époque
moderne, il est traversé pour la première fois par Saint Pie V en 1566. Certes, il n’est pas
la destination finale du cortège comme c’était le cas à l’Antiquité, mais il prend de

60 M. Boiteux. op. cit. pp. 36-37.


61 Ibid. p. 37.
62 Ibid. p. 37.
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l’importance par le fait qu’un arc y est construit par le peuple romain pour son pape. Par
ailleurs, l’aura de la colline marquée par son histoire en fait un espace presque évident
pour renforcer la sacralité du cortège, c’est d’ailleurs sous son arc que le pape reçoit les
clefs de la ville avant de se rendre au Latran.
Il ne faut néanmoins pas oublier que le rite ne se veut pas être que visuel et sonore,
il se veut aussi symbolique. On l’a vu, le possesso bien qu’il soit une présentation au
public de son nouveau roi n’en reste pas moins une exaltation du pouvoir papal et de
l'Église en général. Ainsi si l’on prend l’exemple de l’arrêt sur l’arc de triomphe de Titus, ce
dernier est érigé pour célébrer la prise de Jérusalem et où une scène y est rejouée : la
communauté juive de Rome présente la Torah au pape en s’inclinant devant le nouveau
pontife, signifiant son allégeance et reconnaissant le pouvoir du nouveau roi. La lutte pour
s’attirer les faveurs du pontife se matérialise aussi lors du possesso où les florentins,
siennois ou parmesans offrent les arcs de triomphes éphémères, payent des musiciens
lors du passage du cortège, ou décorent des façades des habitations en son nom. La
tradition d’offrir des arcs somptueux, amorcée par les florentins (qui en offrent durant tout
le début du XVIIe siècle) se poursuit durant tout le siècle, donnant lieu à des luttes
d’images aristocratiques au sein de la ville, que nous étudierons par la suite63 . Ces gestes
de révérences et d’hommages au nouveau roi de Rome sont la signification de
l’approbation des communautés plurielles qui composent la ville à leur nouveau dirigeant,
la réunion de ces hommages en un seul cortège partant d’hors les murs pour terminer en
son coeur soudent le peuple pluriel de Rome autour de la distinction papale.64 Si nous
nous attardons ici que très peu sur l’arrivée à la basilique de Saint-Jean-de-Latran, c’est
que son importance diminue de plus en plus à l’époque moderne, elle devient plus un lieu
symbolique qu’un lieu où l’on exerce le pouvoir.65 Le rite au sein de la basilique ne
concernant que la communauté urbaine de Rome, car il introduit le pape en tant
qu’évêque de la ville, n’a pas la même portée que le possesso, qui certes, se fait sous les
yeux du peuple romain, mais s’adresse à tout le monde chrétien.

La fin du possesso public à Rome date donc de Pie VII. Ce dernier réduit au


minimum le cortège et le cantonne à une forme privée, l’abandon de la cavalcade

63 Ibid. p.40.
64P. Bourdieu, « Sur le pouvoir symbolique » In: Annales. Economies, sociétés, civilisations. 32ᵉ
année, N. 3, 1977, pp. 405-411.
65 M. Boiteux. op. cit. p. 43.
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traditionnelle et la réduction au strict minimum du rite démontre du bouleversement causé
par la prise de Rome par les français sur le Saint-Siège, point de notre prochaine sous
partie.

Estampe de l’arc de triomphe de la place Campidoglio érigé pour le possesso d’Innocent


XIII du 16 novembre 1721, Francesco Faraone Aquila, Roma : Domenido de Rossi, [1721],
Archives générales de Simancas.

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3) Vêtir le nouveau roi de Rome

Avant de s’intéresser aux vêtements du pontife et de ses cardinaux au sein du


cortège, il est important de se pencher sur le rite dans sa globalité. En effet, l’intronisation
du pape se déroule en deux étapes, le couronnement et le possesso formant un tandem.
Lors du couronnement, le nouveau pontife se plie à un rituel de séparation classique, il se
défait de ses vêtements pour en revêtir d’autres à la hauteur de son nouveau rôle. Si le
conclave est une cérémonie à l’omniprésence du rouge cardinalice, c’est ici le blanc qui va
faire sa réapparition juste après le revêtement par le pape du célèbre piviale, cité plus
haut, sous le nom de chape papale. Ensuite, le pape est revêtu du fanon papal et du
pallium que le cardinal protodiacre lui impose, la tiare papale est revêtue en dernier sur la
tête du pontife par le cardinal protodiacre, symbole d’autorité le plus fort au sein de son
vestiaire.66

Revenons sur les éléments qui composent la tenue du pontife nouvellement élu :

• Un chasuble blanc simple, qui sert de base vestimentaire.

• La chape papale décrite plus haut.

• Le Fanon papal : Vêtement liturgique propre au pape, c’est une pèlerine double en soie
rayée de blanc et d’or, elle est cousue par le col. La pèlerine face extérieure est
marquée d’une croix brodée en or et se retrouve posée sur le chasuble, la face
intérieure restant sous le tunicelle. Présent depuis le XIIIe siècle, le pape porte le fanon
papal en « première couche » lorsqu’il porte le mantum, c’est le cas lors du
couronnement. 67

• Le Pallium : Bande de tissu en laine blanche de 5cm de large ornée de croix de soie
noire, le pallium remis par le cardinal protodiacre lors du couronnement se pose par
dessus le chasuble blanc en recouvrant le chasuble, tandis que deux bandes cousues
se rejoignent sur la poitrine et dans le dos. Le pallium possède des plaques de plomb
aux deux extrémités, ces dernières étant recouvertes de toile noire. Les croix sont

66« Couronnement du Pape. » In : B. Berthod et P. Blanchard, Les Trésors inconnus du Vatican,


Paris, Editions de l’Amateur, 2000, p. 160.
67 « Fanon Papal. » op. cit. p. 187.
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mises en avant par trois épingles qui les traversent transversalement à l’épaule, la
nuque et la poitrine, le pallium est tissé au XIXe siècle par les Religieuses du Saint-
Sacrement.68

• La tiare papale est mise sur la tête du nouveau pontife et ce, en dernier, complétant le
rituel de création qu’est le couronnement. Le pape dispose alors des trois signes de sa
royauté : le trône sur lequel on l’a assis, le dais suspendu au dessus de lui et sa
couronne.69

On notera l’omniprésence du blanc au sein de la tenue du couronnement, l’idée est


ici d’appuyer le nouveau caractère sacré du Pape : par la remise de ses habits pontificaux,
l’Eglise créé sa nouvelle figure d’autorité.70 Si la seule pièce rouge est ici la chape, elle est
là pour appuyer de la double nature du pape ainsi que pour rappeler la Passion du Christ,
comme nous l’avons vu plus haut.
Si l’on s’est intéressé surtout à la symbolique du cérémoniel du possesso jusqu’ici,
on se penchera ici sur le vêtement cérémoniel que le pontife et ses cardinaux portent lors
de la cérémonie. On l’a vu, le souci du détail est apporté dans les décors au sein de la
ville, on peut constater du soin apporté aux costumes, armes, drapeaux... Cette attention
portée à chaque détail de la cérémonie la fige dans un moment en dehors de la réalité
quotidienne de la vie romaine. Ainsi, deux traditions se dessinent aux XVIIe et XVIIIee
siècles. Le pape est vêtu du rochet et de la mozette en étant coiffé du chapeau pontifical,
dans une tenue entièrement blanche ou dans une alternance de blanc et de rouge. Les
chevaux des écuries pontificales sont eux aussi recouverts de velours blanc brodé d’or, ou
le pape monte un cheval blanc habillé de velours rouge (Le dernier pontife ayant monté
étant Pie VI, au remplacement du cheval pontifical par un carrosse, cette tradition de vêtir
les chevaux en blanc ou en rogue est conservée). Ainsi, le blanc du pape se retrouve en
opposition avec les deux corps du peuple et de l’Église qui l’entoure, les cardinaux sont en

68 « Pallium. » op. cit. p. 275.


69 M. Boiteux. op cit. p. 34.
70 Un autre exemple de transcendance que représente la prise de vêtement religieux se trouve
dans l’ouvrage de P. Boutry, Prêtres et paroisses au pays du curé d'Ars, Paris, Les Éditions du
Cerf, 1986, 706p. où il est rapporté que Jean-Marie Vianney, saint curé d’Ars rentrait dans une
forme de transe lorsqu’il revêtait sa tenue d’officiant.
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tenue cérémonielle entièrement rouge, les gentilshommes qui ouvrent le cortège papal
sont vêtus de noir, couleur phare de l’aristocratie encore au XIXe siècle.71
On constate dès lors une inversion des rôles passif/actif entre le couronnement et
le possesso, le pape a effectivement un rôle statique pendant le couronnement : il ne
s’habille pas seul, il est assis sur la Sedia Gestatoria lorsqu’on le couronne, et porté par
les cardinaux et reste statique lors du rite de l’étoupe72 ; le possesso lui, est un rite où le
pape se retrouve être l’acteur principal, c’est lui qui par la procession s’empare de la ville,
les cardinaux ne faisant que suivre le nouveau roi de Rome dans le cortège.

Fanon papal porté par Paul VI, sur un


chasuble ample. Basilique Saint-
Pierre, vers 1967. Arch. OCSP.

71Sur le rôle de la polychromie dans les fêtes et célébrations publiques voir T.F Ruiz, « Festivités,
couleurs et symboles du pouvoir en Castille au XVe siècle. Les célébrations de mai 1428 ». In:
Annales. Economies, sociétés, civilisations. 46ᵉ année, N. 3, 1991, pp. 521-546.
72 Ibid. p. 160.
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Pallium de Jean XIII, Musée de
l'archidiocèse de Gniezno, porté pendant
la liturgie par le futur pape Jean XXIII
avant son élection (1958) comme évêque
de Rome.

Le soin apporté aux décorations urbaines n’est pas anodin. À la luxuriance des
costumes, harnachements, et des armoiries, s’ajoutent la splendeur des ornementations
urbaines. Nous avons déjà souligné l’implication plurielle des forces en présence dans la
ville, mais l’organisation par les maîtres de cérémonie rend homogène l’espace urbain par
l’érection de poteaux où peuvent se fixer les tissus rouges pour ne pas couper le couloir
cérémoniel.73 La rue se trouve être un réceptacle à l’esthétique papale où toutes les
catégories sociales se retrouvent participantes du rite, aux décors prévus par
l’organisation, la rue se voit embellie par le peuple de Rome qui de maison à maison étend
des tapisseries aux couleurs du cortège.74

Cette mise en avant papale appuyée par sa tenue et par l’ordre choisi du cortège
est tant une volonté de sublimer le nouveau pontife que de signifier la supériorité de

73Le Diaro Romano de l’historien Giacinto Gigli (1594-1671) est un témoignage précieux de la vie
quotidienne au sein de Rome notamment sa description méticuleuse des rues de Rome en temps
de possesso.
74 B. Gruet, La rue à Rome, miroir de la ville - Entre l’émotion et la norme, Paris, Presses de
l’Université Paris-Sorbonne, 2006, p. 260.
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l’Eglise sur les représentants de la magistrature capitoline et finalement sur ces sujets.
Des témoignages (notamment celui de Buchard sur la composition du cortège ou de
Renazzi, majordome de Pie VI, sur l’exaltation de la figure papale)75 démontrent de cette
volonté précoce de se distinguer du peuple de Rome, par la magnificence de la figure
papale mais aussi par la différence de prestige de vestiaire entre le roi et ses sujets,
différence qui se constate au sein même du cortège, alors même que les participants se
retrouvent privilégiés. On le verra plus tard, cette différenciation progressive et graduelle
de la figure papale depuis Pie VI démontre de la volonté du Saint-Siège de reconstruire
une liturgie chrétienne autour de la figure du pontife, projet politique et liturgique qui se
développe tout au long du XIXe siècle.

Estampe du possesso d’Innocent XIII du 16 novembre 1721, Giovanni Girolamo Frezza,


Roma : Stampa di Rome, [1721?], Archives Generale de Simancas.

75 Voir M. Caffiero op. cit. pp. 289-90 et I. Fosi, op. cit. p. 95.
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b) « La république au village »

1) Des possessi républicains inspirés de la chrétienté

La courte république romaine de 1798-1799, république sœur de la France, et


l’analyse des rites civiques mis en place lors de cette période nous offre un point de
comparaison idéal des liturgies républicaines et chrétiennes. Certes l’analyse des fêtes
révolutionnaires nous permet déjà de tirer des conclusions sur l’esthétique et les valeurs
véhiculées par les cultes révolutionnaires, mais le fait de pouvoir comparer un rite
commun, se déroulant au sein de la même ville, nous offre des possibilités de
comparaison presque inédites. Effectivement, il y a eu des possessi républicains, se ré-
appropriant certains codes et en édifiant de nouveaux, l’analyse de la forme de ces fêtes
républicaines, en plus de confirmer l’analyse du premier chapitre sur la bipolarité des rites
civiques entre processus de laïcisation et emprunts chrétiens, nous permet d’étudier
l’utilisation de l’espace urbain par une république dont les symboles se veulent, dans leur
construction, en opposition avec la liturgie chrétienne.
La prise d’une Rome babylonienne par les Français représentait pour les jacobins
romains un moyen de régénérer l’Urbs pervertie par la papauté, de régénérer Rome en
une figure sanctifiée à l’image de Jérusalem.76 Ce n’est donc pas tant l’association entre
religion et république qui gène les jacobins romains, mais plutôt le rapprochement entre
l’idéal révolutionnaire et une figure pontificale considérée comme archétype de la
perversion. Ainsi, la reprise, qui pourrait paraître paradoxale, d’un cérémonial inspiré d’une
Rome Antique, fut-elle à son apogée impérialiste et oligarchique, s’explique par la volonté
d’un retour à l’âge d’or d’une Rome omnisciente et centre du monde. Comme pour les
possessi papaux, il y a une structuration de l’espace urbain par les révolutionnaires en un
espace cérémoniel nouveau, glorificateur d’un modèle qui se veut supérieur à tout autre
(pour le vatican, le modèle chrétien, pour les révolutionnaires, la république).77
On assiste à un changement idéologique et géographique des centres nodaux
liturgiques urbains, des changement de nom des rues et des places traversées par le
cortège républicain sont effectués. Ainsi, la Piazza di Spagna se transforme en Piazza
della Libertà, la Piazza Venezia se change en Piazza dell’Uguaglianza. Ce changement
est renforcé par l’appropriation des symboles religieux par les révolutionnaires : par

76M. Caffiero, La nuova era : miti e profezie dell'Italia in rivoluzione, Marietti, Genova, 1991, p.
137.
77 Ibid. pp. 137-138.
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exemple, la statue de l’Archange Michel a été recouverte par un bonnet phrygien et du
drapeau tricolore78 (idée que l’on abordera dans notre prochain point). la république prend
à son compte les rues de Rome et leur histoire. Ce changement de nom, qui peut paraître
anodin, peut être vu à son échelle comme une sorte de table rase au sein de la ville :
régénérée par l’idéal jacobin, délivré du joug du Saint-Siège, il faut rebaptiser les rues,
effacer les traces de l’ancien geôlier du peuple romain. Notons que ces changements de
nom de la part des deux camps répondent tous les deux à un axiome commun que décrit
B.Gruet dans sa thèse sur la rue et son utilisation à Rome :

« Ce sont des entités [les rues] qui existent par le trajet qu’elles supposent. Elles incarnent
donc une régularité davantage sociale que spatiale, car c’est bien le déplacement dans des
rues très différentes (et, de surcroît changeantes), qui instaure et fait exister ces viae, qui,
en fait, n’existent que dans esprit de ceux qui les parcourent ou dans celui des spectateurs
[…] c’est bien le parcours qui dessine la régularité de la ville par ses rues, même si celles-
ci sont tortueuses ou étroites, qu’importe puisqu’elles permettent le passage et font comme
confirmer cette régularité, cet ordre social visible de tous et accepté de tous, au moins
momentanément. »79

On a donc une reprise des carcans de la fête religieuse adaptés au sacré républicain,
associée à un processus de neutralisation de certains points clés de la ville (la lutte pour
s’approprier l’aura des monuments antiques est au coeur de notre prochain point). Il est
intéressant de souligner que malgré la volonté d'effacement du symbolisme chrétien au
sein de la fête, comme pour certaines célébrations en France, des mécanismes liturgiques
religieux sont repris, le Te Deum se retrouve même entonné pendant le cortège, et la
basilique Saint-Pierre se retrouve être malgré elle un passage obligatoire de la cérémonie.

Le cortège du général Berthier entrant dans Rome le 15 février 1598 à la chute de


la ville est significatif dans sa volonté de se réapproprier les symboles antiques
galvanisateurs du patriotisme italien. Empruntant la Porta del Popolo, et suivant un axe
vertical vers la Piazza del Campidoglio, il se démarque du cortège papal par la place
centrale qu’il accorde au Capitole où se termine le cortège : le lien se veut ici encore plus
fort avec le modèle classique du triomphe romain80 . Le Capitole devient un centre de
sacralité révolutionnaire autant qu’un centre politique, représentant le Sénat de Rome, et
rappelant le Forum romain se posant comme la figure de la fondation de la République

78 Ibid. pp.137-140.
79 B. Gruet, La rue à Rome, miroir de la ville - Entre l’émotion et la norme, Paris, Presses de
l’Université Paris-Sorbonne, 2006, p. 263.
80 M. Caffiero, op. cit. pp.138-140.
Page 61 sur 79
Romaine, que la Révolution perpétue à travers la centralité de la place au sein du cortège.
Ainsi, si le possesso chrétien n’assume qu’un lien visuel et symbolique avec l’antique (à
travers le rouge cardinalice, des tapisseries et dais suspendues le long de la via papale),
sa volonté d’éclipser petit à petit l’image de la via sacra pour la remplacer par la via papale
démontre de son détachement vis à vis de l’histoire des temps antiques. La Révolution
prend le contrepied de cette vision, certes elle rebaptise le nom des rues pour coller à son
idéal, mais par la centralisation de la fête autour d’une place aussi forte que celle où la
République Romaine est née, elle s’inscrit non comme le successeur (place revendiquée
par l’Église de Rome) mais comme l’héritière légitime du modèle classique romain.81

81 Sur le rôle de la rue dans triomphe et les entrées à Rome voir B. Gruet, op. cit. pp. 251-263.
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2) Une lutte idéologique autour des monuments romains

Les années 1798-99 nous permettent d’observer l’entrée dans une lutte
visuelle et esthétique au sein de la ville. En effet, on observe une confrontation entre la
paramentique vaticane qui lie le rouge du cortège cardinalice et de ses rues remplies de
dais pourpres, au blanc pur pontifical face à une esthétique révolutionnaire plus libre dans
sa composition vestimentaire et esthétique. Cette dernière centrée autour du triptyque
bleu blanc rouge, pare la ville de cette association de couleur. Le rappel à l’antique est
assumé par différentes composantes dans chaque camp, la pourpre vaticane d’un côté, le
bonnet phrygien de l’autre. C’est donc sur autre chose que le simple symbole que la lutte
va s’engager. L’horizontalité des cortèges respectifs se confronte à la verticalité des
monuments traversés par les deux camps82 . Les estampes vues plus haut sont un
révélateur flagrant de cette opposition entre le figé et le mouvant. Qu’ils soient artificiels
comme les arcs éphémères que nous avons étudiés plus haut ou hérités de l’Antiquité,
ces monuments se voient être au coeur d’une lutte idéologique entre les deux camps,
républicain et chrétien. Si on a déjà analysé les itinéraires des différents pontifes,
comparer le chemin emprunté par les républicains permet de faire émerger les lieux
uniques à chaque camp, les lieux de luttes idéologiques, et les lieux évités par chacun. Il
sera question d’étudier ces lieux et de voir en quoi il corresponde à l’esthétique des
différents cortèges.

Ainsi, le cadre processionnel classique pour les républicains s’articule autour de


quatre grands lieux de cérémonies. On y retrouve le Capitole, le Quirinal, la Porta del
Popolo et la basilique Saint-Pierre. Couvrant ainsi la majeure partie du centre historique
de la cité, le possesso républicain se veut être plus ramifié et plus dense que le papal83 .
Certains cortèges ne s’alignent pas sur un modèle transversal comme celui de Berthier
mais se calquent sur le modèle pontifical en traversant du Nord-Ouest au Sud-Est, par la
via papale, en passant par le Ponte Sant’Angelo, la Nuovi Via dei Banchi, l’église de
Sant’Andrea della Valle pour terminer au Capitole. Cet autre chemin de cortège
républicain reprend le tracé papal, en évitant les lieux trop équivoques comme le Latran et
les autres basiliques. Cette double stratégie entre indépendance spatiale et reprise du
cérémonial religieux s’inscrit dans la volonté d’invisibilisation progressive de la figure

82 M. Boiteux, op. cit. p. 38.


83 M. Caffiero, op. cit. p. 145.
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papale comme on l’a abordé au point précédent. La présence d’une autorité française au
sein de la ville permet donc une mainmise républicaine sur les monuments, occasion
rêvée d’une suppression des signes religieux au sein de la ville et d’une mise en avant des
symboles républicains. Ainsi la suppression presque systématique des signes religieux,
surtout pontificaux, par le retrait des croix sur les obélisques, la suppression des armoiries
pontificales ou des inscriptions qui renvoient à l’autorité du Saint-Siège84 et leur
remplacement par des arbres de la liberté, des drapeaux tricolores, ou des bonnets
phrygiens sur les statues antiques (ainsi que sur l’archange Michel comme nous l’avons
évoqué plus haut), est un tour de force. Comme pour les fêtes révolutionnaires
parisiennes, la procession républicaine se se pense comme une utopie où l’on rêve d’une
société européenne alignée sur un modèle jacobin, une société idéale où le culte civique
supplante la chrétienté dont les signes ont été supprimés.85
Mais comment expliquer que le Colisée ne soit pas utilisé par les républicains
comme amphithéâtre du peuple avec en son centre une pyramide, à l’image de la fête
célébrant l’Être suprême à Paris ? L’explication est ici plutôt simple ; selon M. Caffiero,
l’emblème antique de Rome ne pouvait être pensé comme une étape des processions
républicaines par le fait qu’il avait été récemment empli d’une aura religieuse par sa
restauration, décidée par le Vatican. Par un processus de christianisation progressive au
XVIIIe siècle, son histoire est réutilisée par l’Église pour définir le monument comme
preuve du martyre chrétien. Il devient un centre religieux et lieu de dévotion populaire pour
la pratique de la Via Crucis ou des fêtes des martyrs.86

Comme en France, il ressort de la lutte entre révolutionnaires et ecclésiastiques


une ambivalence perceptible même lors des cortèges italiens. Si l’échec du transfert de
sacralité est au coeur de notre premier chapitre, ce dernier ressurgit ici par le fait que,
selon A. Boureau :
« Il est impossible de penser la célébration en Occident, du moins jusqu'à une date tardive,
en dehors du modèle religieux »87

84A. Cretoni, Roma giacobina: Storia della Repubblica romana del 1798-99, Napoli : Edizioni
scientifiche italiane, 1971, pp. 140-148.
85 M. OZOUF, La Fête révolutionnaire 1789–1799, Paris, Gallimard, 1976.
86 M Caffiero, op. cit. p. 148.
87 A. Boureau, Les cérémonies royales françaises entre performance juridique et compétence
liturgique, dans Annales ESC, 46, 1991, p. 1256.
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Malgré les entrées triomphales, les suppressions des signes religieux, malgré les
changements de noms imposés aux rues, malgré la ferveur populaire perceptible derrière
ce renouveau antique, malgré le fait que le rouge révolutionnaire fasse irruption au sein de
Rome, force est de constater qu’on ne peut composer sans emprunter au ritualisme de
l’Église romaine. A la libération romaine que reste t-il du souvenir révolutionnaire ?

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c) De la temporalité à l’universalité : les raisons de la
disparition

1) Oublions le roi, sanctifions l’éternel

Le bouleversement que représente la prise de la ville par les troupes françaises est
un choc majeur pour une Rome à l’aube du XIXe siècle : comment le vicaire du Christ, le
messager de Dieu sur Terre, régnant sur Rome peut-il laisser sa ville se faire prendre par
l’ennemi qui les exècre ? L’épisode républicain, aussi court qu’il soit, représente une crise
du pouvoir temporel papal, crise renforcée par l’occupation de Rome par les troupes
napoléoniennes en février 1808, cette première invasion représente un ébranlement
majeur pour le pouvoir temporel du pape, on constate, dans le possesso et dans les
différents événements rythmant la vie liturgique de Rome, un basculement idéologique du
projet politique du Saint-Siège.

On observe dès lors une exaltation de la fonction spirituelle papale couplée à un


rappel de plus en plus fréquent du caractère sacré du pontife en délaissant peu à peu sa
souveraineté.88 Ce dogme est une réponse presque logique aux menaces et défaites
subies par le Saint-Siège et s’inclut dans le projet plus grand de resacralisation de la ville
de Rome et d’une reconquête des fidèles autour de la figure du pape, dogme qui se
poursuivra tout au long du XIXe siècle, la proclamation par Pie IX de l’infaillibilité pontificale
étant sûrement l’apogée de ce mouvement amorcé par Pie VII. Si on s’y attachera dans le
chapitre suivant, il est intéressant de souligner qu’un transfert de modèle s’effectue au
sein de la liturgie vaticane, ainsi la référence à l’antique s’efface peu à peu pour se
concentrer sur une reprise médiévale au XIXe siècle.89 Le travail majeur de Kantorowicz
sur les deux corps du roi nous éclaire sur cette décision :
« Le pape est un souverain différent du roi comme de l’empereur, car son pouvoir,
au Moyen-Âge, n’est pas seulement et pas même prioritairement temporel et
politique, mais spirituel et ecclésial. »90

88M. Caffiero, « La maestà del papa » In: Cérémonial et rituel à Rome (XVIe-XIXe siècle), Rome,
École Française de Rome, 1997, p. 293.
89P. Boutry, « Un théologie de la visibilité : Le projet Zelante de resacralisation de Rome et son
échec (1823-29) » In: Cérémonial et rituel à Rome (XVIe-XIXe siècle), Rome, École Française de
Rome, 1997, pp. 317-367.
90EH Kantorowicz, Les deux corps du roi. Une étude Théologie politique médiévale, Princeton,
1957, p. 14.
Page 66 sur 79
Cette priorité au spirituel forcée par les événements s’ajoute à la transformation
progressive de la vision du corps du pape (au cœur de notre prochain point) et de son
affiliation progressive au rôle de vicaire du Christ. La transformation de la cérémonie, dont
les tensions internes n’ont été que crescendo entre les familles nobles romaines durant le
XVIIIe siècle (notamment entre les familles Orsini et Colonna)91, couplées au risque de
désordre lors du cortège de la part des curiaux qui terniraient l’image papale et à méfiance
progressive des maîtres de cérémonie envers le peuple de Rome92 pousse Pie VII à la
réduire, en effectif mais aussi en pompe. Les critiques grandissantes contre la politique
monarchique de l'Église (qui trouvent leur apogée à la période révolutionnaire)93 et sur sa
légitimité à être un acteur politique influent européen se font de plus en plus vives et
donnent naissance à une littérature très critique vis-à-vis de la politique papale94 où la
chute de Rome aux mains des français est la preuve matérielle pour les cercles
réformistes de l’illégitimité politique du pontife.95 Revenons sur un point intéressant du
possesso de Pie VII et en quoi ce dernier qui pourtant pourrait paraître comme une
débâcle pour le pontife va dans les faits participer à sa grandeur, la mise sous écrit de
l’histoire de ce rite par F. Cancellieri en 180296 va dans le sens de l’abandon politique :
raconter le fait historique, raconter le faste d’antan, raconter l’action devient plus important
que de l’entreprendre, l’abandon de l’aspect spatial et esthétique de la cérémonie est
compensé par l’historisation du fait qui dresse le possesso comme dépassé et plus en
phase avec la chrétienté du XIXe siècle97. Si elle se calque sur le triomphe romain, la

91 Pour un court historique de la rivalité entre les deux familles voir :


Collectif, Biographie universelle, ancienne et moderne, ou histoire, par ordre alphabétique, de la
vie publique et privée de tous les hommes qui se sont fait remarquer par leurs écrits, leurs actions,
leurs talents, leurs vertus ou leurs crimes. Tome premier, vol.32, Paris, L. G. Michaud, 1822, pp.
175-177. sous « Orsini. ».
92 I. Fosi, op. cit. p. 99.
93La figure de Babylone ressurgit une nouvelle fois dans les critiques des jacobins italiens,
espérant une régénération religieuse où le pape traité de « lupo mitrato », loup mitré, n’aurait pas
sa place. M. Caffiero, La nuova era : miti e profezie dell'Italia in rivoluzione, Marietti, Genova,
1991, p. 135.
94M. Caffiero, « La maestà del papa » In: Cérémonial et rituel à Rome (XVIe-XIXe siècle), Rome,
École Française de Rome, 1997, p. 293.
95 M. Caffiero, La nuova era : miti e profezie dell'Italia in rivoluzione, Marietti, Genova, 1991,
p. 135.
96 F. Cancellieri, Storia de' solenni possessi dei Sommi Pontefici da Leone III a Pio VII, 1802.
97M. Caffiero, « La maestà del papa » In: Cérémonial et rituel à Rome (XVIe-XIXe siècle), Rome,
École Française de Rome, 1997, p. 310.
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cérémonie du possesso meurt lorsque les triomphes papaux (Pie VI en 1782 et au retour
de son corps à Rome en 1802, Pie VII en 1800 et 1814 etc..) se multiplient. Peu à peu le
roi de Rome se transforme en roi spirituel du monde chrétien, si comme Kantorowicz
l’annonçait :
«  Les rois se perpétuent dans les institutions qu’ils incarnent ; le pape et l’empereur, en
aucun cas »98

L’affaiblissement, voire l’abandon progressif du politique se compense finalement


par une refonte idéologique du temporel, qui ne repose plus sur la sûreté territoriale qu’il
assure à l’Etat, mais sur la fondation et la consolidation d’un nouveau modèle chrétien
reposant sur la sacralité. S’il ne peut être un chef temporel incontesté, le vicaire du Christ
régnera sur les esprits. Si Napoléon voyait en Pie VII un souverain sous ses ordres :
« Votre Sainteté est souveraine de Rome, mais j’en suis l’Empereur »99 , la reconquête
théologique autour de la figure du pontife le place à un niveau au-dessus du potestas des
Etats européens. L’action spirituelle du pontife remplace la métaphore et le possesso se
voit être mis au second plan.

98 E-H Kantorowicz, op. cit. p. 12.


99Lettre de Napoléon à Pie VII pour l’entrée des Etats pontificaux dans son alliance continentale,
13 février 1806.
Page 68 sur 79
2) La transformation de la vision du corps du pape

Le vatican s’engage tout au long du XIXe siècle dans une politique qui vise à se
rapprocher petit à petit de l’infaillibilité, par la transformation progressive des cérémonies
autour de la figure pontificale, où le vêtement a toute son importance. Dans ce chapitre,
nous avons parlé de la raréfaction du rouge au sein du vestiaire papal, depuis la Réforme.
Néanmoins, l’engagement du Saint-Siège dans cette transition d’image du pontife tend à
accentuer l’importance accordée au binôme blanc/rouge au sein du vestiaire papal et à la
minimiser chez les cardinaux et évêques (les plus grandes évolutions, nous le verrons,
seront faites sous l’impulsion de Pie IX). L’engagement avec la maison romaine
Gammarelli en 1798 pour la confection des habits pontificaux et cardinalices, rentre dans
une logique d’unicité et de standardisation du vêtement au sein de la Curie. Ce contrat, en
plus de s’assurer d’une qualité uniforme dans le temps, évite toute déconvenue ou
différence qui pourrait sauter aux yeux de la cour et qui pourrait instaurer implicitement
une hiérarchie des étoffes entre différents cardinaux. S’il peut paraître comme anodin, cet
engagement participe grandement à la transformation de la vision du corps du pape.
L’assurance d’une garde-robe constante dans ses matières, ses visuels, sa qualité permet
d’inscrire le vêtement dans le temps long : si la robe de Jésus ne possède pas de nuances
dans son blanc, le vêtement du pontife, Vicaire du Christ, ne devrait pas en présenter non
plus.
Un exemple de la transformation et du sens des cérémonies rattachées au pontife
réside dans le rite du baiser du pied. La ré-ouverture des discussions autour du baiser du
pied, à l’aube du XIXe siècle, rite observé lors des audiences et des grandes occasions de
la vie du pontife, de son couronnement à ses funérailles, témoigne du changement qu’on
s’attache ici à décrire. Déjà décrié par les protestants à la Renaissance qui le qualifie de
rite païen100, il est vu par les réformateurs comme un signe d’arrogance malgré la tradition
remontant au Moyen-Âge de coudre sur les mules papales des croix en or101. Certaines
critiques sont plus délicates à traiter car elles viennent des évêques eux mêmes qui
revendiquent ce droit au baiser de pied en affirmant que ce rite était un acte commun non
réservé à la figure du pontife. C’est finalement cette croix d’or symbolique qui sauvera au
XIXe siècle cette révérence pontificale : par le détournement d’un hommage fait au corps

100
M. Caffiero, « La maestà del papa » In: Cérémonial et rituel à Rome (XVIe-XIXe siècle), Rome,
École Française de Rome, 1997, p. 295.
101« Mules papales. » In : B. Berthod et P. Blancahrd, Les Trésors inconnus du Vatican, Paris,
Editions de l’Amateur, 2000, p. 258-59.
Page 69 sur 79
du pontife, c’est à la croix, et par extension à Jésus que l’on rend hommage en
embrassant les mules du pape, cette défense a pour double avantage de nier l’héritage
païen tout en réservant ce droit au pontife102 . Nous le voyons donc ici, c’est le pape qui est
au coeur de ce renouveau du rituel du baiser du pied, la réserve de cet acte à la seule
figure du pontife est une des nombreuses transformations liturgiques qui s’opèrent dans la
fin XVIIIe- début XIXe . Cette lutte pour l’exclusivité du rite est à relier à celle de l’attribution
du terme Vicaire du Christ (véhiculant une certaine primauté papale en affirmant son statut
de monarque spirituel) que nous avons souvent employé dans notre étude. Il a fallu
conquérir l’exclusivité de l’emploi de ce terme pour la figure unique du pontife à la fin du
XVIIIe siècle alors que de nombreux écrivains défendaient le droit des évêques à porter ce
nom.103 Le rituel du baiser du pied (ou si l’on voulait être plus exact, de la mule papale)
ayant été décrété comme privilège pontifical a permis de désamorcer cette polémique : s’il
est exclusif au chef de l’Eglise, il est la preuve évidente que seul le pontife peut se placer
comme le messager sur terre du Christ, se plaçant au dessus des évêques mais aussi au
dessus des autres princes et souverains, preuve s’il fallait encore la démontrer, de
l’importance du vestiaire pontifical au sein de la construction de son image visuelle et
politique.

Ainsi, dans ce chapitre, nous avons étudié, à travers le prisme du possesso, les
changements profonds qui s’amorcent dans la politique du Saint-Siège à l’aube du XIXe
siècle. La construction progressive de la sacralité du corps du pontife à travers les deux
figures du pape martyr, Pie VI, et du pape héroïque, Pie VII, se déroule en parallèle à
l’exaltation de son rôle universel et supérieur par rapport aux souverains temporels. La
volonté progressive de refonder Rome en une nouvelle Jérusalem par le retour à certaines
pratiques héritées de la chrétienté médiévale (et l’échec de son application sous Léon XII)
sera le point de notre prochain chapitre.

102 M. Caffiero, op. cit. p. 297.


103 Ibid. p. 297.
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deux Sexes. Paris, Sylvestre, 1862.
R. PISETZKY LEVI, Storia del costume in Italia, Milano, Istituto Editoriale Italiano, 1964.

Ouvrages spécialisés sur la couleur et le symbole

F. JACQUESSON, « Les mots de couleurs dans les textes bibliques », 2008.


S. JOLIVET, « La construction d’une image  : Philippe le Bon et le noir (1419-1467) »,
Apparence(s) [En ligne], 6 | 2015, mis en ligne le 25 août 2015, Consulté le 2 mai 2020.
URL : http://journals.openedition.org/apparences/1307
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Y. LIGNEREUX, Les rois imaginaires. Une histoire visuelle de la monarchie de Charles VIII
à Louis XIV, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2016.
M. PASTOUREAU, L’Eglise et la couleur, des origines à la Réforme. In: Bibliothèque de
l'école des chartes. 1989, tome 147. pp. 203-230.
M. PASTOUREAU, Bleu, Histoire d’une couleur, Paris, Seuil, 2000.
M. PASTOUREAU, Noir, Histoire d’une couleur, Paris, Seuil, 2008.
M. PASTOUREAU, Rouge, Histoire d’une couleur, Paris, Seuil, 2016.
T.F RUIZ, «  Festivités, couleurs et symboles du pouvoir en Castille au XVe siècle. Les
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3, 1991, pp. 521-546.
Ouvrages spécialisés sur les cérémonies

M BOITEUX, « Parcours rituels romains à l'époque moderne ». In: Cérémonial et rituel à


Rome (XVIe-XIXe siècle), Rome, École Française de Rome, 1997. pp. 27-87.
A. BOUREAU, « Les cérémonies royales françaises entre performance juridique et
compétence liturgique », dans Annales, année 1991, volume 46, numéro 6, pp. 1253 -
1264.
P. BOUTRY, « Une théologie de la visibilité Le projet Zelante de resacralisation de Rome
et son échec (1823-29) » In: Cérémonial et rituel à Rome (XVIe-XIXe siècle), Rome, École
Française de Rome, 1997. pp. 317-367.
M. CAFFIERO, « La maestà del papa ». In: Cérémonial et rituel à Rome (XVIe-XIXe siècle),
Rome, École Française de Rome,1997. pp. 281-316.
F. CANCELLIERI, Storia de' solenni possessi dei Sommi Pontefici da Leone III a Pio VII,
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I. FOSI, «Parcere subiectis, debellare superbos». In: Cérémonial et rituel à Rome (XVIe-
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Farnham, Ashgate, 2013.
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Rome (XVIe-XIXe siècle), Rome, École Française de Rome, 1997.
M. VOVELLE, Les métamorphoses de la fête en Provence de 1750 à 1820, Paris,
Flammarion, 1992.

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Ouvrages spécialisés sur la religion

J. BELETH, Summa de ecclesiasticis officiis, Turnhout, Brepols, Corpus Christianorum,


1991.
P. BOUTRY, Prêtres et paroisses au pays du curé d'Ars, Paris, Les Éditions du Cerf, 1986.
Y. BRULEY, La romanité catholique au XIXe siècle : un itinéraire romain dans la littérature
française. In: Histoire, économie et société, 2002, 21ᵉ année, n°1. Religion et culture dans
les sociétés et les états européens de 1800 à 1914 / Varia. pp. 59-70.
M. CAFFIERO, La nuova era. Miti e profezie dell'Italia in rivoluzione, Gênes, Marietti,
1991.
M. CAFFIERO, « Un santo per le donne. B.G. Labre e la femminilizzazione del
cattolicesimo tra Settecento e Ottocento », Memoria. Rivista di Storia délie Donne, 3/1990,
pp. 89-106.
M. CULOMA, La religion civile de Rousseau à Robespierre, Paris, L'Harmattan, 2010.
R. DE DEUTZ, Les Œuvres du Saint-Esprit I-II, Paris Editions du Cerf, Collection Sources
chrétiennes - N° 131, 1976.
G. DURAND, Rationale divinorum officiorum, 1286.
B. HORAIST, La dévotion au pape et les catholiques français sous le pontificat de Pie IX
(1846-1878) d’après les archives de la Bibliothèque Apostolique Vaticane, Rome, École
Française de Rome, 1995.

Ouvrages spécialisés sur la papauté

G. DURAND, Rationale divinorum officiorum, 1286.


F. JAVIER RAMÓN SOLANS, « Le triomphe du Saint-Siège (1799-1823). Une transition
de l’Ancien Régime à l’ultramontanisme ? », Siècles [En ligne], 43 | 2016, mis en ligne le
19 octobre 2016, consulté le 10 avril 2020. URL : http://journals.openedition.org/siecles/
3047
F. JANKOWIAK, La Curie romaine de Pie IX à Pie X : Le gouvernement central de l'Eglise
et la fin des Etats pontificaux (1846-1914), Rome, Ecole Française de Rome, Bibliothèque
des Ecoles Françaises d'Athènes et de Rome, 2007.
R. REGOLI, I. FIUMI SERMATTEI, M.R. DI SIMONE, Governo della Chiesa, governo dello
Stato. Il tempo di Leone XII , Ancona, 2019.

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Ouvrages spécialisés sur la Révolution

J. BOULAD-AYOUB, Contre nous de la tyrannie : des relations idéologiques entre


Lumières et Révolution, Lasalle, Hurtubise, 1989.
M. DOMMANGET, Histoire du drapeau rouge des origines à la guerre de 1939, Marseille,
Editions Le Mot et le reste, 2006.
M. FORMICA, La città e la rivoluzione. Roma, 1798-1799, Rome, Istituto per la Storia del
RisorgimentoItaliano, 1994.
D. MENOZZI, La chiesa italiana e la Rivoluzione francese, Bologne, Edizioni Dehoniane,
1990.
M. OZOUF, La Fête révolutionnaire 1789–1799, Paris, Gallimard, 1976.
B. PLONGERON, La fête révolutionnaire devant la critique chrétienne (1793-1802), In : Les
Fêtes de la révolution: actes du colloque de Clermont-Ferrand, du 24 au 26 juin 1974,
Paris, Société des études robespierristes, 1977.
J. SMYTH, Robespierre and the Festival of the Supreme Being. The search for a
republican morality, Manchester, Manchester University Press, Studies in Modern French
History, 2016.
M. VOVELLE, La mentalité révolutionnaire : société et mentalités sous la révolution
française, Paris, Éditions sociales, 1985.
M. VOVELLE, 1793, la Révolution contre l'Église : de la raison à l'être suprême, Paris,
Complexe, 1988.

Ouvrages spécialisés sur l’Italie

A. CRETONI. Roma giacobina : storia della Repubblica Romana del 1798-99, Napoli,
Edizioni scientifiche italiane, 1971.
M-P. DONATO, J. BOUTIER «  La République romaine de 1798-1799. Panorama des
études récentes. » In: Revue d’histoire moderne et contemporaine, tome 45 N°1, Janvier-
mars 1998. Pouvoirs et sociétés en Italie XVIe-XXe siècles. pp. 134-140.
A. DUFOURCQ, Le régime jacobin en Italie. Études sur la République romaine,
1798-1799, Paris, Didier, Perrin et Cie, 1900.
G. GIGLI, Diario Romano (1608-1670), a cura di Giuseppe Ricciotti, Roma, Tumminelli,
1958.
F. SESTINI DA BIBBIENA, Il maestro di camera, Per il Diotalleui, 1639.

Page 76 sur 79
Autres disciplines

Sociologie de la norme 

P. BOURDIEU, L. BOLTANSKI, « La production de l'idéologie dominante ». In: Actes de la


recherche en sciences sociales. Vol. 2, n°2-3, juin 1976.
P. BOURDIEU, «  Les rites comme actes d’institution  », dans Actes de la recherche en
sciences sociales, 43, 1982, pp. 58-63.
P. BOURDIEU, «  Sur le pouvoir symbolique  » In: Annales. Economies, sociétés,
civilisations. 32ᵉ année, N. 3, 1977, pp. 405-411.
M.EDELMAN, From art to politics. How artistic creations shape political conceptions,
Chicago, University of Chicago Press, 1995.
A. HERITIER, N. DOCKÈS, Genèse de la notion juridique de patrimoine culturel,
1750-1816, Paris, Editions L’Harmattan, 2003.
E-J. HOBSBAWM & T. RANGER, L'invention de la tradition, Turin, 1987.

Œuvres littéraires

CHATEAUBRIAND, Mémoires d’Outre-Tombe, Paris, 1860.


STENDHAL, Promenades dans Rome, Paris, Delaunay, 1829.

Catalogues d’expositions

A. BOLTON (Dir.) Heavenly Bodies: Fashion and the Catholic Imagination, New York The
Metropolitan Museum of Art, 2018.

Travaux universitaires

B. GRUET, «  La rue à Rome, miroir de la ville. Entre l’émotion et la norme  », Paris,


Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2006.
R. GARDI, «  Reconquérir la République - Essai sur la genèse de l’insurrection de
Décembre 1851 dans l’arrondissement d’Apt  », mémoire de master en histoire sous la
direction de Natalie Petiteau, Université d'Avignon et des Pays de Vaucluse, 2009.
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Table des matières

Introduction…….……………………………………………………………………p.4.

Plan du mémoire ……………………………………………………….…………p.13.

CHAPITRE II - Les derniers possessi ou l’entrée du pape dans le XIXe siècle……….p.36.

A) Un impact révolutionnaire sur le Saint-Siège ?……………………………p.36.

a) De l’ancienneté de la tradition chrétienne …………………….…p.36.

1) Un vestiaire éternel ?.………….…………………………..p.36.

2) La continuité antique du vêtement romain………………….p.41.

b) Le rouge : la fin d’un monopole élitaire…………….……………p.43.

1) Une accaparation idéologique de la couleur rouge,


perturbée par la Réforme.. ………………………………p.43.

2) …Et par la Révolution ……………..………………………p.47.

B) Du Pape conquérant au Pape sédentaire : la fin du possesso à Rom…….p.49.

a) La symbolique liturgique du possesso ………………………….p.49.

1) Un rite participant à l’intronisation du Pape …..……………p.49.

2) Une traversée symbolique de l’espace urbain ..……………p.52.

3) Vêtir le nouveau roi de Rome…………….……………..…p.55.

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b) « La république au village »..………………………………….p.60.

1) Des possessi républicains inspirés de la chrétienté….…..p.60.

2) Une lutte idéologique autour des monuments romains…..p.63.

c) De la temporalité à l’universalité : les raisons de la disparition…p.66.

1) Oublions le roi, sanctifions l’éternel…….……………….p.66.

2) La transformation de la vision du corps du pape.………..p.69.

Bibliographie………………………………………………………………………p.71.

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