Vous êtes sur la page 1sur 30

Book Chapter

Arbitrage et propriété intellectuelle

DE WERRA, Jacques

Reference
DE WERRA, Jacques. Arbitrage et propriété intellectuelle. In: Cecchi Dimeglio, Paola/Brenneur,
Beatrice. Manuel interdisciplinaire des modes amiables de résolution des conflits =
Interdisciplinary Handbook of Dispute Resolution. Bruxelles : Larcier, 2015. p. 1105-1127,
1285-1290

Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:75466

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

[ Downloaded 11/07/2016 at 14:01:17 ]


CHAPITRE 6

Arbitrage et propriété intellectuelle


Jacques DE WERRA*

Résumé
Les diicultés susceptibles de surgir dans le cadre de litiges ju-
diciaires internationaux de propriété intellectuelle et les avantages
propres à l’arbitrage commercial international (en particulier la coni-
dentialité et la facilité d’exécution globale des sentences arbitrales) font
que l’arbitrage s’est proilé comme un mode apprécié de résolution des
litiges internationaux de propriété intellectuelle. L’utilisation eicace de
l’arbitrage suppose néanmoins d’identiier et de saisir les particularités
des litiges de propriété intellectuelle, ain de relever les déis que pose la
conduite d’arbitrages dans ce domaine.

MOTS-CLÉS : PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE, ARBITRAGE.

Introduction
Dans la société de la connaissance et de l’image, l’avantage compéti-
tif des entreprises provient très souvent de leurs actifs intangibles, que
visent à protéger le droit de la propriété intellectuelle. C’est en efet es-
sentiellement par leur technologie innovante (qu’elle soit brevetée ou
protégée par le droit des secrets d’afaires) et/ou par leur marque dis-
tinctive que les entreprises se démarquent de leurs concurrents (ou sou-
haitent et tentent le faire) 1. Dans cette perspective, la défense eicace des

* Jacques de Werra est professeur à la Faculté de droit de l’Université de Genève.


1
Comme en témoigne de manière éloquente le litige global opposant les groupes
Apple et Samsung devant les tribunaux du monde entier, voy. le site « Apple vs.
Samsung: the complete lawsuit timeline » accessible à : http://www.theverge.com/
apple/2011/11/2/2533472/apple-vs-samsung.

larcier 1105
MANUEL INTERDISCIPLINAIRES DES MODES AMIABLES DE RÉSOLUTION DES CONFLITS

droits de propriété intellectuelle constitue une question essentielle non


seulement pour les entreprises, mais également pour nombre d’États
dont de larges pans de l’industrie nationale (qu’il s’agisse d’industries
pharmaceutiques ou des médias) dépendent d’une protection efective
du droit de la propriété intellectuelle.
La globalisation des activités économiques entraîne par ailleurs une
intensiication des transactions transfrontières qui a pour efet de pro-
voquer une circulation accrue des actifs intangibles, ceux-ci s’afran-
chissant complètement des frontières nationales et des continents 2, ce
qui ouvre assurément de nouvelles et prometteuses perspectives de dé-
veloppement commercial, mais n’est pas sans créer de nouveaux risques
et déis.
Au vu de l’importance ainsi prise par les actifs intangibles et par
le droit de la propriété intellectuelle dans la vie des afaires et dans les
transactions commerciales internationales, il n’est pas surprenant de
constater l’intensiication des litiges internationaux relevant (au moins
partiellement) du droit de la propriété intellectuelle, qu’il s’agisse de li-
tiges commerciaux éclatant entre des entreprises privées ou de conlits
mettant en cause des États 3. Cette tendance se relète aussi en matière
d’arbitrage commercial international 4, où l’on constate une croissance
importance des arbitrages internationaux soulevant des questions, sou-
vent complexes, de droit de la propriété intellectuelle 5.

2
Comme le fait Internet, qui permet la transmission immédiate et mondiale d’actifs
intangibles généralement protégés par le droit de la propriété intellectuelle.
3
La présente contribution ne traitera pas la question de la propriété intellectuelle dans
le contexte de l’arbitrage d’investissement et selon le mécanisme de règlement des dif-
férends de l’O.M.C. en dépit de l’intérêt et de l’actualité de celle-ci, comme en témoigne
l’afaire ICSID initiée par le groupe Philip Morris contre l’Uruguay (Philip Morris Pro-
ducts S.A. (Switzerland) and Abal Hermanos S.A. (Uruguay) c. Oriental Republic of
Uruguay, ICSID Case No. ARB/10/7) concernant l’introduction du « plain packaging »
en matière d’emballages de cigarettes et le litige initié par l’Ukraine contre l’Australie
à l’O.M.C. (DS 434-Australia – Certain Measures Concerning Trademarks and Other
Plain Packaging Requirements Applicable to Tobacco Products and Packaging) ; sur
cette question, voy. Alemanno et Bonadio.
4
La présente contribution n’a pas pour objectif de présenter la thématique de l’arbitrage
en droit de la propriété intellectuelle sous l’angle d’un droit national particulier, mais au
contraire d’en faire une analyse dans une perspective comparatiste (dans les limites que
permet le format du présent ouvrage).
5
Ce qu’exprime le Panorama I.C.C. de la propriété intellectuelle, 11e éd., 2012, de la
Chambre de commerce internationale (C.C.I.), p. 63 (accessible à : http://www.iccwbo.

1106 larcier
Arbitrage et propriété intellectuelle

Elle se conirme également par les mesures prises par certaines au-
torités étatiques ain de favoriser le recours à l’arbitrage en matière de
propriété intellectuelle à l’image de ce qui a récemment été fait en droit
français (Bruguière et Gillet, 2011) 6, ce dans le but de conirmer que
« l’arbitrage est possible dans tous les types de litiges de propriété in-
tellectuelle » 7. Preuve en est enin l’impressionnant nombre de publica-
tions récentes consacrées à ce thème (De Werra, 2013, 2012 ; Deming
Liu, 2012 ; Halket, 2012 ; Rohn et Groz, 2012 ; Cook et Garcia, 2010 ;
Hanotiau, 2010 ; Martin et Derek Mason, 2011 ; Chiariny-Daudet, 2006 ;
Smith et al., 2006 ; Liniger, 2002 ; Holzner, 2001 ; C.C.I., 1998 ; IRPI,
1994) 8. En somme, l’arbitrage est en pleine expansion dans le domaine
de la propriété intellectuelle. Cette tendance s’inscrit au demeurant dans

org/Data/Documents/Intellectual-property/IP-Roadmap/IP-Roadmap-2012_French/)
conirmant le nombre croissant d’arbitrages portant principalement sur des questions de
propriété intellectuelle soumis à la C.C.I. ; on le constate aussi, en dépit de la coniden-
tialité de principe des procédures d’arbitrage, dans le cadre des procédures judiciaires
par lesquelles des sentences arbitrales sont contestées devant des tribunaux étatiques,
voy. p. ex. en Australie : Larkden Pty Limited v. Lloyd Energy Systems Pty Limited, Su-
preme Court of New South Wales, [2011] NSWSC 268 ; au Canada : Coastal Contacts
v. Elastic Path Software Inc., Supreme Court of British Columbia, 2013 BCSC 133 ; aux
États-Unis : Sanoi-Aventis Deutschland GmbH v. Genentech, Inc. et Biogen Idec Inc.,
case no. 12-1454 (Fed. Cir., 10 mai 2013) ; Timegate Studios, Inc. v. Southpeak interactive
LLC et al., case no. 12-2056 (United States Court of Appeals for the Fifth Circuit, 9 avril
2013) ; en Inde : Ministry of Sound International Ltd v. M/S Indus Renaissance Partners
Entertainment Pvt Ltd., High Court of Delhi, 7 janvier 2009, accessible à : http://www.
indiankanoon.org/doc/1992362/.
6
Code de la propriété intellectuelle (« CPI »), art. L. 331-1, al. 4 (droit d’auteur) ;
art. L. 615-17, al. 2 (brevets), art. L. 716-4 (marques), art. L. 521-3-1, al. 2 (dessins et
modèles), art. L. 623-31, al. 3 (obtentions végétales) et art. L. 722-8, al. 2 (indications
géographiques) ; pour une analyse de la portée de ces dispositions, voy. Bruguière et
Gillet.
7
Proposition de loi – simpliication et amélioration de la qualité du droit/amendement
présenté par MM. Béteille et Yung, Commission des lois, Sénat, 29 septembre 2010,
accessible à : http://www.senat.fr/amendements/commissions/2009-2010/130/Amdt_
COM-3.html.
8
On signalera en particulier les ouvrages de Cook et Garcia ; ainsi que les récents
articles de Hanotiau ; Deming Liu ; Martin et Derek Mason ; Rohn et Groz ; de
Werra. Il est important de noter que la présente contribution se fonde sur les deux
articles précités (de Werra, 2013, 2012). Il va toutefois de soi que ces récentes pu-
blications ne doivent pas occulter le fait que la thématique n’est pas nouvelle, comme
en témoignent d’autres plus anciennes, cf. par ex. IRPI ; voy. aussi Chiariny-Daudet ;
N. Holzner ; Liniger ; Smith et al. Voy. aussi le Rapport inal de la Commission de
l’arbitrage international de la C.C.I., spéc. p. 38.

larcier 1107
MANUEL INTERDISCIPLINAIRES DES MODES AMIABLES DE RÉSOLUTION DES CONFLITS

un mouvement plus large qui tend à promouvoir l’utilisation de modes


alternatifs de règlement des conlits en droit de la propriété intellec-
tuelle. En témoignent les récents lancements de services de médiation
par l’Oice de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, des-
sins et modèles) 9 en Europe, et par les oices de la propriété intellectuelle
brésilien 10 et singapourien 11, ainsi que la création à venir d’un centre
d’arbitrage et de médiation (ayant son siège à Ljubljana et à Lisbonne)
dans l’Accord européen relatif à une juridiction uniiée du brevet 12.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce phénomène, notamment la
conidentialité et la lexibilité de la procédure arbitrale, l’expertise des
arbitres et l’exécution facilitée des sentences arbitrales sur le plan inter-
national 13, ceux-ci contribuant assurément à rendre attractif ce mode
alternatif de résolution des diférends. En outre, la création de tribu-
naux de propriété intellectuelle spécialisés (en particulier dans le do-
maine des brevets) peut paradoxalement aussi conduire à favoriser le
développement de l’arbitrage : même si ces tribunaux ont été créés dans
le but d’améliorer l’eicacité des juridictions étatiques, leur compétence
limitée peut parfois porter préjudice à leur utilité (Chiariny-Daudet,
2011) 14. De plus, les diicultés de la protection judiciaire et d’applica-
tion des règles ordinaires du droit international privé dans l’environ-
nement des réseaux numériques où les violations de droit de propriété

9
L’Oice ofrant des services de médiation depuis l’automne 2011, voy. http://oami.
europa.eu/ows/rw/pages/CTM/regProcess/mediation.fr.do.
10
En coopération avec le Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI, voy. http://
www.wipo.int/amc/en/center/speciic-sectors/inpibr/.
11
En coopération avec le Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI, voy. http://
www.wipo.int/amc/en/center/speciic-sectors/ipos/mediation/.
12
Art. 35 de l’Accord, document 16351/12 du 11 janvier 2013, l’Accord étant ou-
vert à la signature par les États membres le 19 février 2013 (art. 84) ; le texte de l’ac-
cord est accessible à : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=O-
J:C:2013:175:0001:0040:FR:PDF.
13
Grâce à la Convention pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales
étrangères (New York, 10 juin 1958).
14
Voy. Cour de cassation du 7 juin 2011. L’arrêt concerne un contrat de licence de brevet
et de savoir-faire (n° 10-19.030, Chlorotech Sarl) ; pour un commentaire, voy. Chiari-
ny-Daudet, spéc. p. 24. Des diicultés comparables peuvent surgir dans les États dans
lesquels les litiges contractuels sont soumis à des tribunaux diférents que ceux relevant
du droit de la propriété intellectuelle (par exemple États-Unis et Canada), ce qui peut
donner lieu à des litiges : pour un exemple, voy. Severe Records, LLC v. Rich, 658 F.3d
571 (6th Cir. 2011).

1108 larcier
Arbitrage et propriété intellectuelle

intellectuelle se multiplient ont favorisé la mise en œuvre de méthodes


alternatives de règlement des diférends. Qu’il suise de rappeler ici le
succès phénoménal de l’Uniform Domain Name Dispute Resolution Po-
licy (UDRP) qui a été créé en 1999 pour gérer les litiges entre les titu-
laires de marques (connues) et les titulaires de noms de domaine. En
outre, les risques d’atomisation des procédures judiciaires portant sur
la validité des droits de propriété industrielle enregistrés dans diférents
États – ces procédures devant en principe être conduites dans chacun
des États dans lesquels les droits ont été enregistrés 15 –, rendent éga-
lement attractif le recours à l’arbitrage dès lors que ce dernier permet
précisément de purger le litige devant une seule autorité 16.

15
Comme l’exige l’art. 22, point 4, du règlement 44/2001/CE du Conseil du 22 décembre
2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des déci-
sions en matière civile et commerciale (J.O., 2001, L 12, p. 1). On note que la règle sera
maintenue (même si déplacée à l’art. 24, ch. 4) dans le nouveau règlement (refondu)
1215/2012 du Parlement et du Conseil du 12 décembre 2012, concernant la compétence
judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commer-
ciale (J.O., 2012, L-351, p. 1) qui sera applicable à partir du 10 janvier 2015 (art. 81) ; la
jurisprudence récente de la C.J.U.E. tend toutefois à réduire la portée de l’art. 22, point 4,
dès lors qu’elle expose que la compétence exclusive fondée sur cette disposition ne fait
pas obstacle à la compétence extra-territoriale des tribunaux saisis dans le cadre de me-
sures provisoires (art. 31 du règlement) : arrêt de la C.J.U.E. du 12 juillet 2012, Solvay SA
c. Honeywell Fluorine Products Europe BV et al. (af. C-616/2010). On notera toutefois
que le dogme de la compétence exclusive en matière de litiges de propriété intellectuelle
est remis en question dans la doctrine récente, voy. Ubertazzi.
16
Tout comme le fait une clause de prorogation de for ; voy. par ex. l’arrêt rendu dans
l’afaire Fairchild Semiconductors Corp. v. hird Dimension Semiconductor (United
States District of Maine, 12 décembre 2008) ; voy. aussi les rélexions de Justice Laddie
dans l’afaire Celltech R & D Ltd v Medimmune Inc [2004] EWHC 1522 (Pat) (conirmé
en appel par Celltech R & D Ltd v. Medimmune Inc. [2004] EWCA Civ 1331) : « § 24 To
have all issues of infringement determined by one court gives rise to a greater chance
of consistency. It will in many cases reduce the amount of litigation involved and it will
mean that only one court, and perhaps in some cases only one judge, need be educated
so as to understand the patented technology involved. § 25 [...] Although it is not stric-
tly necessary to do so, one can see that it makes good commercial sense for the parties
to have agreed that rather than have the issue of infringement determined in up to 24
diferent countries where MedImmune may sell its products, all the issues of infringe-
ment should be determined in one court which could efectively become a specialist in
determining that issue »).

larcier 1109
MANUEL INTERDISCIPLINAIRES DES MODES AMIABLES DE RÉSOLUTION DES CONFLITS

Ain de se concentrer sur les volets essentiels de la thématique 17, la


présente contribution analysera les questions de l’arbitrabilité objective
des litiges de propriété intellectuelle (section 1), de la portée de la com-
pétence du tribunal arbitral en matière de litiges de propriété intellec-
tuelle (section 2), du droit applicable (section 3), des mesures provision-
nelles (section 4) et des sanctions non-patrimoniales (section 5).

Section 1. Arbitrabilité
L’arbitrabilité objective, soit la question de savoir si des causes sont
« susceptibles d’être tranchées par la voie de l’arbitrage, c’est-à-dire l’ar-
bitrabilité ratione materiae » 18, constitue une question essentielle en
matière de propriété intellectuelle qui doit être examinée à la lumière
des droits pertinents (Cook et Garcia, 2010 ; Hanotiau, 2010 ; Perret,
2004 : 229, C.C.I., 1998 : 38) 19. En fonction des règles applicables, la
question pourra être examinée à la lumière de la loi d’arbitrage de l’État
du siège (de l’arbitrage). Tel est le cas lorsque la norme constitue une
règle matérielle, comme c’est par exemple le cas en droit suisse de l’arbi-
trage international (Poudret et Besson, 2002 : 301) 20.
Sans pouvoir traiter dans le détail de cette question complexe et
dont la réponse varie en fonction des juridictions 21, l’on peut constater

17
Pour une discussion plus approfondie, voy. les ouvrages de Cook et Garcia ; Halket
ainsi que l’article de Rohn et Groz, op. cit., spéc. p. 656.
18
Arrêt du Tribunal fédéral suisse du 17 avril 2013, 4A_515/2012, considérant 4.1.
19
Cette question fait l’objet de très nombreuses rélexions doctrinales qui ne peuvent
être toutes citées ici, voy. par. ex. Cook et Garcia, op. cit., spéc. pp. 49 et s ; Hanotiau,
op. cit., spéc. p. 155 ; Perret ; C.C.I.
20
L’art. 177, al. 1, de la loi fédérale suisse sur le droit international privé prévoit que
« Toute cause de nature patrimoniale peut faire l’objet d’un arbitrage », le critère du
caractère patrimonial constituant une norme matérielle qui ne suppose pas de renvoi à
un droit étranger. Voy. ATF 118 II 353 c. 3a. Voy. Poudret et Besson. Le droit étran-
ger pourrait toutefois exceptionnellement devoir être pris en compte par un tribunal
arbitral siégeant en Suisse si ce dernier impose que certains litiges soient soumis aux
tribunaux étatiques et que cette soumission soit considérée comme d’ordre public en
Suisse (sous l’angle de l’art. 190, al. 2, let. e LDIP en vertu duquel une sentence arbitrale
est attaquable – devant le Tribunal fédéral suisse – si elle est « incompatible avec l’ordre
public »), voy. l’arrêt du Tribunal fédéral suisse du 18 mars 2013, 4A_388/2012.
21
Certains États admettent très largement l’arbitrabilité des litiges de propriété intellec-
tuelle, comme les États-Unis (ceci résultant directement de la loi en matière de brevets
d’invention pour ce qui concerne les litiges relatifs à la violation et la validité de brevets
en vertu de 35 U.S.C. § 294) et la Suisse où ceci a été conirmé dans une prise de position

1110 larcier
Arbitrage et propriété intellectuelle

que l’arbitrabilité objective des litiges de propriété intellectuelle tend


à être admise de plus en plus largement. La notion d’ordre public qui
constitue souvent la limite de l’arbitrabilité d’un litige 22 ne devrait en
efet pas être interprétée extensivement s’agissant de litiges de propriété
intellectuelle (Kreindler et Tevini, 2012) 23, comme l’a récemment retenu
la Cour suprême du Canada saisie d’un litige en matière de droit moral
(droit de paternité) 24.
Cette décision a donné l’occasion aux juges canadiens de se pronon-
cer sur l’arbitrabilité objective des litiges concernant les droits moraux
(en l’occurrence le droit de paternité) en application de l’article 2639 du
Code civil du Québec qui prévoit expressément que les litiges portant
sur l’état des personnes ou sur toutes autres questions qui intéressent
l’ordre public ne sont pas arbitrables. Selon la Cour, la notion d’ordre
public doit être interprétée à la lumière du but de l’arbitrage : « [l]’inter-
prétation et l’application de cette notion dans le domaine de l’arbitrage
conventionnel doivent alors prendre en compte la politique législative
qui accepte cette forme de règlement des diférends et qui entend même
en favoriser le développement. Pour cette raison, ain de préserver l’au-
tonomie décisionnelle de l’institution arbitrale, il importe d’éviter un
emploi extensif de ce concept par les tribunaux judiciaires. Un tel re-
cours étendu à l’ordre public dans le domaine de l’arbitrage mettrait en
danger cette autonomie, contrairement à des orientations législatives
claires et à la politique juridique qui s’en dégage » 25.
Concernant la question de savoir si les droits moraux font partie
de l’ordre public, la Cour a indiqué que, bien que ceux-ci ne soient pas
aliénables, l’auteur peut renoncer à les exercer. La Cour a ensuite noté

oicielle datant de 1975, R.S.P.I., 1976, p. 36 ; voy. l’analyse de droit comparé faite par
Hanotiau, op. cit., pp. 162 et s.
22
Voy. art. 2060 du Code civil français.
23
Le rapport à l’assemblée nationale à l’appui des récentes modiications du droit fran-
çais conirme ce risque d’« interprétations maximalistes » de l’ordre public (« [d]ans le
silence des textes applicables aux autres litiges portant sur la propriété intellectuelle, la
référence aux « matières qui intéressent l’ordre public » igurant à l’article 2060 du C. civ.
[réf. omise], susceptible d’interprétations maximalistes, fait peser une incertitude sur
la possibilité de recourir à l’arbitrage »), accessible à http://www.assemblee-nationale.
fr/13/rapports/r3112.asp#P327_57340 ; pour une discussion de l’ordre public dans le
contexte des litiges de propriété intellectuelle, voy. Kreindler et Tevini, spéc. p. 437.
24
Desputeaux c. Éditions Chouette (1987) Inc., 2003 CSC 17, [2003] 1 RCS 178, § 54,
accessible à : http://scc.lexum.org/fr/2003/2003csc17/2003csc17.html.
25
§ 52.

larcier 1111
MANUEL INTERDISCIPLINAIRES DES MODES AMIABLES DE RÉSOLUTION DES CONFLITS

que « la législation québécoise reconnaît la légitimité des transactions


sur le droit d’auteur et la validité du recours à l’arbitrage pour régler les
diférends survenus à leur sujet. En efet, à l’article 37 de la loi sur le sta-
tut professionnel des artistes, le législateur a expressément prévu que,
sauf renonciation expresse, tout litige sur l’interprétation d’un contrat
entre un artiste et un difuseur doit être soumis à un arbitre » 26. Sur
cette base, puisque les « contrats signés entre les artistes et les difuseurs
contiennent systématiquement des stipulations relatives aux droits d’au-
teur, [la Cour a conclu qu’il] serait paradoxal que le législateur considère
les questions concernant les droits d’auteur comme soustraites à l’arbi-
trage parce que d’ordre public, d’une part, et que, d’autre part, il privilégie
ce mode de règlement des diférends dans l’éventualité de conlits rela-
tifs à l’interprétation et à l’application des contrats qui régissent l’exer-
cice de ce droit entre les artistes et les difuseurs » 27. La Cour a ainsi jugé
que les litiges impliquant des droits moraux ne dépassent pas, à raison
de leur objet, la compétence des arbitres et ne sont donc pas contraires
à l’ordre public. Selon la Cour, il serait contradictoire d’interpréter la
notion d’ordre public de façon trop large dans le but de limiter l’arbi-
trabilité des litiges. Cette approche conirme en substance la coniance
qui doit être accordée aux tribunaux arbitraux. Dans ce cadre, une Cour
américaine a jugé que « [t]here is no reason to think that arbitrators are
more likely to err in copyright cases than state or federal judges are » 28.
On peut ainsi considérer que les litiges en matière de propriété intel-
lectuelle sont largement arbitrables 29. On constate d’ailleurs en pratique
que la question de l’arbitrabilité se pose très rarement dans les arbitrages
de propriété intellectuelle 30. La question de l’arbitrabilité ne se posera
d’ailleurs pas lorsque la sentence arbitrale n’est pas destinée à déployer
des efets envers les tiers (et n’a donc pas d’efet erga omnes), le pouvoir
des arbitres n’étant pas problématique dans une telle hypothèse, ce qui
a été récemment admis par la jurisprudence française 31. On notera à cet
égard que l’Accord européen relatif à une juridiction uniiée du brevet

26
§ 59.
27
§ 59.
28
Saturday Evening Post v. Rumbleseat Press, Inc., 816 F. 2d 1191, 1198 (7th Cir. 1987).
29
Cook et Garcia, op. cit., spéc. p. 76 ; Hanotiau, op. cit., spéc. pp. 165 et s.
30
Rohn et Groz, op. cit., spéc. p. 653.
31
C.A., Paris, 1re ch., 28 février 2008, Liv Hidravlika DOO c. SA Diebolt, Rev. arb.,
1/2009, p. 168, avec note Azzi ; Caron : J.C.P. E, mai 2008, vol. 189, p. 25, 1582.

1112 larcier
Arbitrage et propriété intellectuelle

prévoit expressément qu’« un brevet ne peut pas être annulé ou limité


dans le cadre d’une procédure de médiation ou d’arbitrage » 32.
On relèvera en outre que les parties sont en mesure de déinir et de
limiter le pouvoir des arbitres dans la clause compromissoire, ce ain de
réduire voire d’écarter le risque de violation de l’ordre public (notam-
ment dans l’État où la sentence devra être reconnue et exécutée) (Certil-
man et Lutzker, 2012) 33, par exemple en précisant que le tribunal arbitral
n’a pas le pouvoir de se prononcer sur la validité ou l’invalidité d’un titre
de propriété intellectuelle avec efet erga omnes 34. De même, les par-
ties concernées, par exemple une preneuse de licence dans le cadre d’un
contrat de licence de brevet qui souhaiterait échapper au paiement de
redevances au motif que le brevet faisant l’objet de la licence ne serait
pas valable, pourra prendre la conclusion dans le cadre de la procédure
arbitrale que le brevet soit déclaré nul en concluant toutefois expressé-
ment que la sentence (qui par hypothèse constaterait la nullité du bre-
vet et libérerait ainsi le preneur de son obligation de paiement) n’aurait
qu’un efet inter partes (Calame et Aebi, 2012) 35.
Cette approche libérale relète le fait que les droits de propriété in-
tellectuelle, et plus généralement les biens immatériels, sont devenus
des actifs importants dans la vie des afaires sur lesquels les parties sont

32
Art. 35, al. 2.
33
Voy. Certilman et Lutzker, spéc. p. 80 et p. 95.
34
Cook et Garcia, op. cit., spéc. p. 136 ; voy. la clause compromissoire proposée en
Annexe V du Rapport inal de la Commission de l’arbitrage international de la C.C.I. sur
les litiges en matière de propriété intellectuelle et l’arbitrage : Bulletin de la Cour inter-
nationale d’arbitrage de la C.C.I., vol. 9, n° 1, 1998, pp. 72 et s. : « In the event that deter-
mination of this dispute necessitates consideration by the Tribunal of any issue relevant
to the validity, enforceability or infringement of any [intellectual property right] of any
party with respect to another party, the Tribunal shall have the authority to consider all
such issues and to express a view with respect to all such issues. It is expressly agreed
that the Tribunal shall not have authority to declare any such [intellectual property
right] valid or not valid, enforceable or not enforceable or infringed or not infringed,
provided, however, that the Tribunal may render an opinion to the parties as to whether
in the Tribunal’s view a court or other government agency of competent jurisdiction
would uphold the validity, enforceability or infringement of any such [intellectual pro-
perty right]. he Tribunal shall specify [may state] the Tribunal’s reasons underlying any
such opinion. However, neither the opinion nor the statement of reasons by the Tribunal
shall be regarded by any party as a declaration of validity or invalidity, enforceability or
unenforceability, or infringement or non-infringement of any such [intellectual property
right] ».
35
Voy. Calame et Aebi, spéc. p. 530 et pp. 548 et s.

larcier 1113
MANUEL INTERDISCIPLINAIRES DES MODES AMIABLES DE RÉSOLUTION DES CONFLITS

libres de disposer et peuvent ainsi faire l’objet de transactions de sorte


qu’ils sont arbitrables (Mantakou, 2009).

§1. Portée de la compétence du tribunal arbitral en matière de


litiges de propriété intellectuelle
L’arbitrage est une « créature contractuelle » (« arbitration is a crea-
ture of contract » 36). Aussi fondamental et bien connu que soit ce prin-
cipe en droit de l’arbitrage, force est de constater qu’il peut parfois poser
des diicultés dans le cadre d’arbitrages de propriété intellectuelle parce
que ceux-ci soulèvent régulièrement des questions qui ne se limitent pas
à la seule violation du contrat concerné (par exemple, contrat de licence,
contrat de recherche et développement, contrat de transfert de techno-
logie, ou contrat de joint-venture). Des questions relatives à la violation
des droits de propriété intellectuelle, à leur validité ou à leur titularité
seront en efet susceptibles de surgir dans le cadre de tels litiges. Il en
va ainsi en matière de contrats de transfert de technologie lorsqu’une
partie contractante fait usage des secrets d’afaires qui lui ont été di-
vulgués dans le cadre du contrat, dès lors que les prétentions résultant
de la violation des secrets d’afaires ne découlent pas nécessairement
de la violation du contrat concerné, mais peuvent être qualiiées d’ex-
tra-contractuelles (et ainsi résulter de la violation du droit de la concur-
rence déloyale) 37. Tel peut également être le cas lorsqu’un preneur de
licence dépasse le cadre de l’autorisation d’usage du droit de propriété
intellectuelle qui lui a été concédée (par le contrat de licence concerné),
ce qui donne lieu à des prétentions de nature délictuelle et pas seule-
ment contractuelle.
Ces situations créent alors le risque que ces prétentions (non-contrac-
tuelles) sortent du champ de la clause compromissoire, ce qui exclu-
rait alors la compétence du tribunal arbitral pour trancher celles-ci 38.

36
Steelworkers v. American Mfg. Co., 363 U.S. 564, 570 (1960).
37
Voy. par ex. l’afaire américaine Tracer Research Corp. v. National Environment Ser-
vices Company, 42 F.3d 1292 (9th Cir. 2004).
38
Même si cela n’est pas nécessairement problématique selon certains droits, p. ex. en
droit français (Bruguière et Gillet, op. cit., n° 17), tel n’est pas nécessairement le cas
dans d’autres juridictions/sous d’autres droits applicables ; la jurisprudence anglaise a
également adopté une approche assez libérale, voy. l’arrêt de la House of Lords, Pre-
mium Nafta v. Fili Shipping Company Ltd, [2007] UKHL 40 (dans lequel Lord Hof-
mann expose (§ 13: « [i]n my opinion the construction of an arbitration clause should

1114 larcier
Arbitrage et propriété intellectuelle

L’importance pratique de ce risque est signiicative dès lors que, si le


tribunal arbitral devait admettre à tort sa compétence, la sentence
qu’il rendrait risquera de ne pas être exécutée, en vertu des règles de la
Convention de New York 39. Il est ainsi indispensable que la clause com-
promissoire couvre tout l’« univers des litiges » (« universe of disputes »
(Friedland, 2000 : 47)) potentiels entre les parties. La pratique enseigne
cependant que de nombreuses clauses compromissoires sont patholo-
giques en ce qu’elles sont formulées de manière trop étroite pour s’ap-
pliquer aux litiges relatifs à la propriété intellectuelle (soit aux moyens
relatifs à la violation 40 ou à la validité/nullité des droits de propriété in-
tellectuelle en question), et ne couvrent ainsi que les litiges contractuels
(Peukert, 2005) 41.
Sur le plan du principe, il serait utile que toutes les prétentions
non-contractuelles qui ont un lien avec le contrat puissent être sou-
mises à la compétence du tribunal arbitral (cette question restant sujette
aux principes d’interprétation applicables dans le cas d’espèce) 42. Ceci

start from the assumption that the parties, as rational businessmen, are likely to have
intended any dispute arising out of the relationship into which they have entered or
purported to enter to be decided by the same tribunal. he clause should be construed
in accordance with this presumption unless the language makes it clear that certain
questions were intended to be excluded from the arbitrator’s jurisdiction »).
39
Art. 5, al. 1, c).
40
Voy, à titre d’exemple, l’interprétation de la portée de la clause compromissoire faite
dans Rhône-Poulenc Spécialités Chimiques v. SCM Corporation, 769 F2d 1569 (Fed. Cir.
1985) dont le contenu était : « 8.3 Any controversy or claim arising out of or relating
to this Agreement or the breach thereof, shall, unless amicably adjusted otherwise, be
settled by arbitration in Florida in accordance with the rules of the International Cham-
ber of Commerce [...] » qui a été interprétée largement par la Cour (« [a]lthough the
dispute involves claim interpretation, it arises out of the agreement. he agreement li-
censed SCM to use the chemical process of claim 2 and sell the product in exchange
for royalty payments, which depended completely upon whether SCM was operating
within or outside the scope of claim 2. We hold that the determination of the scope and
infringement of the ‘485 patent are the quintessence of the agreement and that the par-
ties intended such central determinations to be included within the scope of its broad
arbitration clause. he district court’s holding to the contrary is clear error ») ; voy. aussi
Federal-Mogul Corp. and Felt Products MFG. Co. v. Elrigklinger AG, Civ. No. 01-5797
(HAA), 1er novembre 2004 (Dist. New Jersey).
41
La question se pose en termes similaires en matière de rédaction de clauses de proro-
gation de for, voy. Peukert, spéc. p. 51.
42
C’est ce qui est suggéré, pour les clauses de prorogation de for (la question s’y posant
en des termes similiaires) dans les Principes CLIP (Principles on Conlict of Laws in
Intellectual Property, CLIP Principles, accessibles à http://www.cl-ip.eu/en/pub/home.

larcier 1115
MANUEL INTERDISCIPLINAIRES DES MODES AMIABLES DE RÉSOLUTION DES CONFLITS

est particulièrement important dès lors que la pratique conirme qu’il


peut être diicile, suivant les circonstances, de distinguer si un compor-
tement donné (par exemple, le non-paiement d’une redevance par un
preneur de licence) constitue une violation du contrat (de licence) et/ou
une violation du droit de propriété intellectuelle sur lequel une licence
d’utilisation a été concédée (Gomulkiewicz, 2013) 43. Le tribunal arbi-
tral devrait aussi avoir la compétence de se prononcer sur ces questions
sans devoir se limiter aux seules prétentions relatives à la violation du
contrat 44.
Cela ne vaut bien entendu que si les parties n’ont pas contractuelle-
ment désiré séparer les litiges contractuels de ceux relatifs aux droits de
propriété intellectuelle litigieux, ce qui prend alors la forme de clauses
hybrides (Jakhian et Henry, 2011) 45. Par de telles clauses, les parties à
un contrat relatif à la propriété intellectuelle peuvent opter pour une
« bifurcation » des compétences en décidant ainsi (par exemple) de sou-
mettre à un tribunal étatique (qu’ils désignent) leurs litiges relevant des
droits de propriété intellectuelle, et à un tribunal arbitral leurs litiges
relevant du contrat qui les lient.
Aussi attractives que puissent paraître de telles clauses de prime
abord, l’actualité judiciaire récente démontre les diicultés de leur mise
en œuvre. Dans un litige opposant le géant informatique Oracle à une
société suisse (Myriad Group AG) concernant un contrat de licence
de logiciel, la clause de résolution des litiges prévoyait précisément
une telle séparation des pouvoirs juridictionnels entre les juridictions
étatiques se voyant conférer une compétence exclusive (notamment)

cfm) : art. 2:301 : « If the parties have agreed that a court or the courts of a State are to
have jurisdiction to settle any disputes which have arisen or which may arise in connec-
tion with a particular legal relationship, that court or those courts shall have jurisdiction
to decide on all contractual and non-contractual obligations and all other claims arising
from that legal relationship unless the parties express an intent to restrict the court’s
jurisdiction » (italique ajouté).
43
Voy. par ex., MDY Industries v. Blizzard Entertainment, 629 F.3d 929 (9th Cir. 2010) ;
pour une discussion, voy. Gomulkiewicz, spéc. p. 76.
44
Sentence C.C.I. 6097, Bulletin de la Cour internationale d’arbitrage de la C.C.I., oc-
tobre 1993, p. 80.
45
À ce sujet, voy. Jakhian et Henry, spéc. 701. De telles clauses sont généralement
considérées comme valables en conformité du principe de la liberté contractuelle, voy.
p. ex. l’arrêt du Tribunal fédéral suisse du 17 avril 2013, 4A_515/2012, considérant 5.2
(conirmant qu’une clause compromissoire peut exclure certains types de litiges de son
champ d’application).

1116 larcier
Arbitrage et propriété intellectuelle

pour les litiges relatifs aux droits de propriété intellectuelle des parties
contractantes, alors que les autres litiges résultant de la concession de la
licence d’utilisation sur les produits informatiques concernés devaient
être soumis à un tribunal arbitral (dans le cadre d’une procédure admi-
nistrée par l’American Arbitration Association (AAA), l’arbitrage étant
soumis aux règles d’arbitrage de la Commission des Nations Unies pour
le droit commercial international (C.N.U.D.C.I.)) 46. Comme cela pouvait
être attendu (et craint) au vu de la formulation d’une telle clause qui ne
permet pas de délimiter avec précision les compétences respectives des
instances concernées, des procédures parallèles ont été initiées par les
parties : une procédure judiciaire lancée par Oracle devant un tribunal
étatique en Californie (le United States District Court for the Northern
District of California) en violation de ses droits de propriété intellec-
tuelle (soit le droit d’auteur et le droit des marques), puis une procédure
arbitrale ouverte par Myriad Group AG devant l’AAA (soit l’Internatio-
nal Center for Dispute Resolution (ICDR) qui constitue la division de
l’AAA qui est en charge de la gestion des litiges internationaux).
Par arrêt du 17 janvier 2012, le District court californien précité a
tranché qu’il lui appartenait de décider de la portée de la clause com-
promissoire 47, il a ainsi formellement interdit à Myriad Group AG de
poursuivre son action devant le tribunal arbitral jusqu’à ce que la ques-
tion de la portée de la clause compromissoire soit tranchée, paralysant
ainsi la procédure arbitrale et rendant ainsi ineicace le mécanisme de
règlement des diférends élaboré par les parties dans le contrat. Cet arrêt
vient d’être renversé en appel par la Cour d’appel du 9e Circuit, qui a, au
contraire, décidé qu’il revenait au tribunal arbitral de se prononcer sur la
portée de la clause compromissoire et de déterminer ainsi si le litige re-
levait ou non de sa compétence 48, en se fondant sur la volonté des parties

46
La partie pertinente de la clause compromissoire était rédigée comme suit : « Any dis-
pute arising out of or relating to this License shall be inally settled by arbitration as set out
herein, except that either party may bring any action, in a court of competent jurisdiction
(which jurisdiction shall be exclusive), with respect to any dispute relating to such par-
ty’s Intellectual Property Rights or with respect to Your compliance with the TCK license
[…] » ; voy. l’arrêt rendu par le District Court le 17 janvier 2012 (accessible à : < http://docs.
justia.com/cases/federal/district-courts/california/candce/4:2010cv05604/235529/69/ >).
47
Dans son arrêt du 17 janvier 2012.
48
Arrêt du 26 juillet 2013 du United States Court of Appeal for the 9th Circuit, case
no 11-17186 (accessible à : http://law.justia.com/cases/federal/appellate-courts/ca9/11-
17186/11-17186-2013-07-26.html).

larcier 1117
MANUEL INTERDISCIPLINAIRES DES MODES AMIABLES DE RÉSOLUTION DES CONFLITS

résultant de leur choix des règles d’arbitrage de la Commission des Na-


tions Unies pour le droit commercial international (C.N.U.D.C.I.).
Au-delà des spéciicités et des inesses du droit américain que cette
afaire laisse percevoir, la leçon qu’il faut en tirer est assurément celle
de la prudence face à l’usage de clauses hybrides, étant relevé que la
question dépendra ultimement de l’interprétation de la clause compro-
missoire qui devra être opérée à la lumière du droit applicable à celle-ci
par les autorités qui ont compétence pour ce faire 49. Recommandation
est ainsi faite de formuler largement les clauses d’arbitrage 50. En efet,
les parties « doivent garder à l’esprit que, malgré une rédaction attentive
de la clause, la question de savoir si tel ou tel litige doit ou non être sou-
mis à arbitrage peut donner lieu à des débats préliminaires. Une même
demande peut soulever des questions qui entrent dans le champ de la
convention d’arbitrage et d’autres qui en sont exclues. […] un litige por-
tant sur la titularité ou la validité d’un droit de propriété intellectuelle
né d’un contrat de licence peut aussi porter sur des questions de défaut
de paiement, d’inexécution contractuelle ou autre, ce qui peut donner
lieu à d’inextricables problèmes de compétence dans des cas où certains
litiges ont été exclus de l’arbitrage » 51.
L’afaire Oracle v. Myriad démontre d’ailleurs qu’on ne pourra pas se
ier aveuglément au fait qu’une juridiction donnée est favorable à l’arbi-
trage des litiges de propriété intellectuelle pour en conclure trop hâtive-
ment que les tribunaux de cet État reconnaîtront largement la compé-
tence des tribunaux arbitraux pour trancher tout litige. En efet, même si
le droit américain est très libéral en ce qu’il autorise largement l’arbitrage
des litiges de propriété intellectuelle 52 et ofre plus fondamentalement

49
L’art. 1465 du C.P.C. prévoit que le tribunal arbitral est seul compétent pour statuer
sur les contestations relatives à son pouvoir juridictionnel.
50
Voy. les lignes directrices de l’IBA pour la rédaction de clauses d’arbitrage internatio-
nal (accessibles à : http://www.ibanet.org/Publications/publications_IBA_guides_and_
free_materials.aspx#drafting ) : « Ligne Directrice 3 : Sauf circonstances particulières,
les parties ne doivent pas tenter de limiter le champ des litiges soumis à l’arbitrage, mais
doivent le déinir largement » (ce document relevant toutefois la situation particulière
des litiges de propriété intellectuelle) ; pour un exemple jurisprudentiel récent des dif-
icultés posées par une clause compromissoire trop étroitement rédigée, voy. l’arrêt de
la High Court (Commercial Court) Lombard North Central plc and another v. GATX
Corporation [2012] EWHC 1067 (Comm).
51
Lignes directrices de l’IBA (commentaire 16 concernant la Ligne Directrice 3).
52
35 U.S.C. § 294 (en matière de brevets d’invention) ; Hanotiau, op. cit., spéc. pp. 168
et s.

1118 larcier
Arbitrage et propriété intellectuelle

un environnement réglementaire propice à l’arbitrage, il n’en reste pas


moins que les tribunaux américains peuvent conserver une compétence
pour se prononcer sur la portée d’une clause compromissoire, comme
en témoigne cette afaire (même si la compétence du tribunal arbitral a
inalement été reconnue par la Cour d’appel).
La délicate délimitation des pouvoirs respectifs des tribunaux arbi-
traux et étatiques ne survient pas seulement en présence de clauses hy-
brides, dès lors qu’elle est susceptible de se poser pour toute procédure
arbitrale (Fernández Rozas, 2001 : 9). L’actualité récente fournit d’autres
exemples de ces diicultés 53, qui ne relèvent d’ailleurs pas seulement du
droit de la propriété intellectuelle 54. Force est de mentionner ici le litige
très médiatisé (aussi parce qu’il concerne les énergies vertes) opposant le
groupe américain AMSC à la société chinoise Sinovel Wind Power (qui
en était sa cliente principale) dans lequel AMSC reproche des violations
de droit de la propriété intellectuelle et des manquements contractuels à
son ancien partenaire chinois dans un contexte d’espionnage industriel,
dans lequel l’interprétation de la portée des clauses compromissoires
igurant dans les contrats conclus entre ces sociétés appartient désor-
mais à la Cour suprême chinoise (Hook, 2012 ; Johnson, 2012) 55. Cette
dernière va être amenée à déterminer si les procédures judiciaires inten-
tées par AMSC devant diférents tribunaux chinois fondées sur la vio-
lation du droit d’auteur tombent dans le champ de ces clauses. AMSC
fait valoir dans ce cadre que les litiges de propriété intellectuelle ne sont
pas couverts par ces clauses, contrairement à Sinovel Wind Power qui a
soulevé l’exception d’incompétence des tribunaux chinois en se préva-
lant des clauses compromissoires contenues dans les contrats conclus
avec AMSC 56. Cette afaire démontre elle aussi avec force la nécessité
de prêter une attention accrue à la formulation de la portée des clauses

53
Voy. l’arrêt indien rendu par la High Court of Delhi le 7 janvier 2009, Ministry of Sound
International Ltd v. M/S Indus Renaissance Partners Entertainment Pvt Ltd. (litige relatif
à un contrat de licence) accessible à : http://www.indiankanoon.org/doc/1992362/.
54
Voy. l’arrêt Lombard North Central plc and another v. GATX Corporation (précité).
55
L’afaire a été plaidée devant la Cour suprême (in octobre 2012).
56
Communiqué de presse de AMSC du 10 avril 2012 (accessible à : http://ir.amsc.com/
releasedetail.cfm?ReleaseID=662919) : « Pursuant to AMSC’s contracts with Sinovel,
AMSC has turned to the Beijing Arbitration Commission to resolve its contractual dis-
putes. However, AMSC’s Hainan case is purely a copyright infringement dispute rather
than a contractual matter. As such, it is independent of the contracts and belongs within
the civil court system ».

larcier 1119
MANUEL INTERDISCIPLINAIRES DES MODES AMIABLES DE RÉSOLUTION DES CONFLITS

compromissoires dans des contrats qui ont une composante de proprié-


té intellectuelle.
Il pourra ainsi être avisé de se référer aux clauses compromis-
soires standards qui sont mises à disposition par des organismes re-
connus de  résolution des litiges (comme le Centre d’arbitrage et de
médiation de  l’OMPI) et prévoient expressément que les prétentions
extra-contractuelles des parties sont couvertes par la clause compro-
missoire proposée 57.

§2. Droit applicable


Un avantage de l’arbitrage réside dans le choix large laissé aux
parties de déterminer le droit qui sera applicable au litige 58. L’intérêt
de n’appliquer qu’un seul droit pour résoudre un litige international
peut être illustré en prenant l’exemple d’accords globaux de coexis-
tence de marques, qui prévoient que les marques des parties au contrat
coexistent et qui précisent l’étendue matérielle et géographique (poten-
tiellement mondiale) de l’utilisation desdites marques. Certains de ces
accords concèdent ainsi à une partie contractante le droit de déposer
une marque et de l’utiliser sous réserve que cette marque ne crée pas un
risque de confusion avec la marque prioritaire de l’autre partie 59. Dans
un tel cas, et à défaut d’une élection de droit, la question du risque de
confusion, qui est une question classique de droit des marques, sera
soumise au droit de chaque État dans lequel la violation supposée de
la marque prioritaire aurait lieu (menant ainsi à une multiplication des

57
Voy. la clause compromissoire recommandée par le Centre d’arbitrage et de média-
tion de l’O.M.P.I. (accessible à : http://www.wipo.int/amc/fr/clauses/#4) : « Tout litige,
controverse ou réclamation découlant du présent contrat et de toute modiication ul-
térieure du présent contrat, ou s’y rapportant, et ayant trait notamment mais non ex-
clusivement à sa formation, sa validité, ses efets obligatoires, son interprétation, son
exécution, sa violation ou sa résolution, de même que toute réclamation extra-contrac-
tuelle, sera soumis, pour règlement déinitif, à arbitrage conformément au Règlement
d’arbitrage de l’OMPI. [...] » (italique ajouté).
58
Voy. par ex. art. 1511 du C.P.C. ; art. 187, al. 1, de la loi suisse sur le droit international
privé du 18 décembre 1987.
59
La durée des accords de coexistence qui sont destinés à régler de manière déinitive les
relations entre les parties provoque fréquemment des litiges en raison de l’évolution des
usages des marques par les parties au il du temps, voy. par exemple l’afaire embléma-
tique jugée par la High Court of England and Wales, Apple Corps. Limited v. Apple Com-
puter, Inc. [2006] EWHC 996 (Ch) ; voy. aussi la décision de la Court of Appeal of England
and Wales dans l’af. Omega SA v. Omega Engineering Inc. [2011] EWCA Civ. 645.

1120 larcier
Arbitrage et propriété intellectuelle

droits applicables). Cela impliquerait que, même si un accord internatio-


nal de coexistence de marque était régi par un droit choisi par les parties
(par exemple, le droit suisse), l’existence d’un risque de confusion pour-
rait, en fonction de l’interprétation de la clause contractuelle pertinente,
quand même être régie par plusieurs droits, soit celui de chaque État où
la violation de la marque est réputée avoir eu lieu. Dans le cadre d’un
arbitrage international, les parties devraient être en mesure de décider
que toutes les questions (contractuelles et non contractuelles) soient ré-
gies par un seul droit. Elles pourraient ainsi valablement choisir un droit
neutre (par exemple le droit suisse, soit la loi suisse sur la protection
des marques et des indications de provenance) pour juger du risque de
confusion dans l’arbitrage, évitant ainsi les coûts et autres inconvénients
qui résulteraient de l’application de toutes les lois des États pertinents 60
et aboutirait probablement à des résultats contradictoires, en dépit de
l’harmonisation du droit international de la propriété intellectuelle (par-
ticulièrement grâce à l’accord sur les ADPIC).
L’élection de droit peut également couvrir les questions portant sur
la validité des droits de propriété intellectuelle. En tous les cas lorsque la
sentence du tribunal arbitral n’a qu’un efet inter partes, les parties de-
vraient en efet pouvoir valablement décider que la question de la vali-
dité d’un droit de propriété industrielle, tel qu’un brevet d’invention (qui
serait délivré dans de nombreux pays), soit réglée en application d’une
seule loi des brevets et non en application de toutes les lois nationales
des brevets potentiellement divergentes 61. Cette question laisse par
conséquent une place importante à la créativité des rédacteurs et né-
gociateurs du contrat ou, à défaut de clause contractuelle, aux conseils
et aux parties dans le cadre de la procédure arbitrale. À cet égard, il
faut être conscient qu’une clause d’élection de droit portant sur la seule
détermination du droit applicable au contrat et ne couvrant ainsi pas
les questions non-contractuelles ne sera pas suisante 62, la portée de

60
Pour d’autres exemples, voy. Cook et Garcia, op. cit., spéc. p. 87.
61
Voy. Cook et Garcia, op. cit., spéc. p. 93 sq. ; Rohn et Groz, spéc. op. cit., p. 655.
62
Par exemple, la clause compromissoire standard proposée par la London Court of
International Arbitration (LCIA) qui prévoit « […] he governing law of the contract
shall be the substantive law of […] », accessible à : http://www.lcia.org/Dispute_Resolu-
tion_Services/LCIA_Recommended_Clauses.aspx.

larcier 1121
MANUEL INTERDISCIPLINAIRES DES MODES AMIABLES DE RÉSOLUTION DES CONFLITS

la clause d’élection de droit devant être formulée plus largement 63. On


peut ainsi souhaiter que la portée de la clause d’élection de droit relète
celle de la clause compromissoire 64 : les parties peuvent avoir intérêt à
faire en sorte que toutes les prétentions qui entrent dans le champ de la
clause compromissoire soient régies par le droit qu’elles ont choisi.
Il est important de souligner que cette lexibilité dans la détermina-
tion du droit applicable en arbitrage n’existe généralement pas lorsque
le litige est porté devant les tribunaux ordinaires. C’est notamment le
cas au sein de l’Union européenne où l’article 8 du règlement 864/2007
du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi ap-
plicable aux obligations non contractuelles (Rome II) prévoit que « [l]
a loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d’une at-
teinte à un droit de propriété intellectuelle est celle du pays pour lequel
la protection est revendiquée » (art. 8, § 1), cette règle étant impérative
(art. 8, § 3) 65. Il apparaît ainsi que la liberté de choisir le droit appli-
cable peut constituer un avantage de l’arbitrage dès lors qu’elle permet
d’éviter l’approche fragmentée qui résulterait de l’application parallèle
de plusieurs droits nationaux de la propriété intellectuelle dans un li-
tige ayant des ramiications multiterritoriales. Cette liberté requiert que
les parties et leurs conseils soient conscients de cette problématique et
l’analysent en fonction des intérêts qui sont en jeu et des spéciicités de
l’opération contractuelle visée. On relèvera dans ce contexte que les par-
ties pourraient souhaiter ne pas choisir d’appliquer un droit unique mais
de conserver plutôt l’application parallèle de diférents droits nationaux
dans la procédure arbitrale ce ain d’éviter, dans un souci de répartition
des risques, que le sort entier du litige dépende de l’application d’un seul
droit national, en dépit des frais générés par une telle application paral-
lèle de droits nationaux.

63
La clause compromissoire standard du Centre d’arbitrage et de médiation de l’O.M.P.I.
prévoit à cet égard : « Il sera statué sur le litige, la controverse ou la réclamation confor-
mément au droit […] ».
64
Voy. Cook et Garcia, op. cit., spéc. p. 130.
65
On doit considérer à cet égard qu’un tribunal arbitral siégeant dans l’Union euro-
péenne ne sera pas tenu d’appliquer l’art. 8 (Cook/Garcia, op. cit., p. 94), même si
l’application des règlements Rome I et Rome II par des tribunaux arbitraux est débat-
tue en doctrine : B. Yüksel, « he Relevance of the Rome I Regulation to International
Commercial Arbitration in he European Union », Journal of Private International Law,
vol. 7, n° 1, avril 2011, p. 149 ; Rohn et Groz, op. cit., spéc. p. 655 qui laissent la question
ouverte.

1122 larcier
Arbitrage et propriété intellectuelle

Section 2. Mesures provisionelles et sanctions non-


patrimoniales
§1. Mesures provisionnelles
Vu la nécessité de pouvoir réagir très rapidement en cas de violation
de droits de propriété intellectuelle, la possibilité d’obtenir des mesures
provisionnelles joue un rôle fondamental dans les litiges de propriété
intellectuelle 66, tout particulièrement dans les situations où il existe
un risque d’atteinte à la réputation de la partie lésée (qui provoque un
risque de dommage irréparable) 67. Dans de telles circonstances, il est
critique de s’assurer que des mesures provisionnelles puissent être ob-
tenues auprès des tribunaux étatiques qui pourront souvent ofrir un
soutien précieux à la partie lésée 68. Dans ce contexte, il faut noter que
dans le cadre de litiges relatifs à des contrats de licence, la partie lésée
susceptible d’obtenir des mesures provisionnelles n’est pas seulement le
donneur de licence 69, mais aussi le preneur de licence 70.
La soumission d’un litige à l’arbitrage n’empêche en tout état pas
l’une des parties de requérir des mesures provisionnelles auprès d’un
tribunal étatique, notamment celui de l’endroit où le dommage a eu
lieu ou risqué de se produire 71. Il ressort toutefois de la jurisprudence

66
Cook et Garcia, op. cit., spéc. p. 221 ; Rohn et Groz, op. cit., spéc. p. 656.
67
Pour un exemple, voy. l’arrêt du Tribunal fédéral suisse (ATF 136 III 200) rendu sur
recours contre une ordonnance rendue par un arbitre dans le cadre d’un arbitrage O.M.P.I.
ayant ordonné le transfert d’un stock de produits du preneur de licence au donneur de li-
cence en raison de la liquidation à vil prix de ce stock par le preneur qui portait atteinte à la
marque et à la réputation du donneur de licence ; pour un commentaire, voy. J. de Werra,
« Liquidation d’un contrat de licence de marque et mesures provisionnelles : quelques ob-
servations à la lumière de l’ATF 136 III 200 », sic! 2010, p. 662 (accessible à : https://www.
sic-online.ch/ileadmin/user_upload/Sic-Online/2010/documents/662.pdf).
68
Aussi parce qu’une ordonnance de mesures provisionnelles qui serait rendue par un
tribunal arbitral ne sera pas obligatoirement exécutoire, dès lors que le tribunal arbitral
n’a pas de pouvoir de contrainte/de coercition, au contraire d’un juge étatique, cf. Rohn
et Groz, op. cit., p. 658.
69
Voy. Performance Unlimited, Inc. v. Questar Publishers, Inc., 52 F.3d 1373 (6th Cir.
1995).
70
Voy. Fairchild Semiconductors Corp. v. hird Dimension Semiconductor (D. Maine,
12 décembre 2008).
71
Ceci est clariié dans les règles d’arbitrage de l’O.M.P.I. (http://www.wipo.int/amc/
en/arbitration/rules/) comme suit (art. 46 d) : « A request addressed by a party to a judi-
cial authority for interim measures or for security for the claim or counter-claim, or for
the implementation of any such measures or orders granted by the Tribunal, shall not

larcier 1123
MANUEL INTERDISCIPLINAIRES DES MODES AMIABLES DE RÉSOLUTION DES CONFLITS

que certains tribunaux étatiques adoptent une approche restrictive de


la question 72, ce qui n’a pas lieu d’être puisqu’en principe la requête de
mesures provisionnelles auprès des tribunaux ordinaires n’est pas in-
compatible avec la soumission du litige à l’arbitrage 73.
Une requête de mesures provisionnelles auprès du tribunal arbi-
tral peut néanmoins être délicate au début de la procédure d’arbitrage,
notamment durant la période qui précède la constitution du tribunal
arbitral 74. Les règles d’arbitrage peuvent prévoir des solutions visant à
obtenir une (ré)action rapide du tribunal arbitral (p. ex. en prévoyant
la nomination d’un arbitre d’urgence (« emergency arbitrator »)) 75. Ce
besoin d’action rapide en matière de litiges internationaux de propriété
intellectuelle devrait également être pris en considération lorsque les
parties envisagent de soumettre à l’arbitrage les litiges résultant d’un
contrat portant sur un droit de propriété intellectuelle et, dans cette hy-
pothèse, doivent faire le choix des règles d’arbitrage applicables 76.

be deemed incompatible with the Arbitration Agreement, or deemed to be a waiver of


that Agreement ».
72
Voy. Simula Inc. v. Autoliv Inc., (175 F.3d 716, 9th Cir. 1999) : « Because the district
court correctly concluded that all of Simula’s claims were arbitrable and the ICC arbitral
tribunal is authorized to grant the equivalent of an injunction pendente lite, it would
have been inappropriate for the district court to grant preliminary injunctive relief. he-
refore, we airm the district court’s denial of preliminary injunctive relief » ; voy. cepen-
dant In re Faiveley Transport Malmo AB, 522 F. Supp. 2d 639 (S.D.N.Y. 2007) (décidant
que la clause compromissoire : « [a]ny dispute arising out of or in connection with this
agreement shall be inally settled by arbitration without recourse to the courts » n’em-
pêchait pas de requérir des mesures provisionnelles auprès des tribunaux new-yorkais).
73
Sauer-Getriebe KG v. White Hydraulics, Inc., 715 F.2d 348 (7th Cir. 1983).
74
Certaines réglementations prévoient que si le tribunal arbitral n’est pas constitué, les
tribunaux étatiques ont le pouvoir de rendre des mesures provisoires (cf. p. ex. art. 1449,
al. 1, du Code de procédure civile français : « L’existence d’une convention d’arbitrage ne
fait pas obstacle, tant que le tribunal arbitral n’est pas constitué, à ce qu’une partie sai-
sisse une juridiction de l’État aux ins d’obtenir une mesure d’instruction ou une mesure
provisoire ou conservatoire »).
75
Voy. l’art. 29 du règlement d’arbitrage C.C.I. (adopté au 1er janvier 2012). Sur la ques-
tion, Rohn et Groz, op. cit., spéc. p. 657.
76
Voy. le Panorama I.C.C. de la propriété intellectuelle (11e édition, 2012), op. cit., spéc.
pp. 63 et s., qui expose que les « les parties devraient envisager de choisir des règles d’ar-
bitrage permettant au tribunal arbitral d’accorder des mesures provisoires, mais aussi
des mesures d’urgence avant même la constitution du tribunal (voy. par exemple les
règles d’ICC de 2012 relatives aux tribunaux d’urgence) ».

1124 larcier
Arbitrage et propriété intellectuelle

§2. Sanctions non-patrimoniales (non-monetary remedies)


Les jugements des tribunaux étatiques et les sentences arbitrales
rendues en matière de litiges de propriété intellectuelle ne se limitent
souvent pas à la simple condamnation en paiement de dommages-in-
térêts, en réparation du préjudice patrimonial qui a été subi suite à la
violation du droit de propriété intellectuelle litigieux. En efet, les litiges
de propriété intellectuelle comportent fréquemment d’autres sanctions
d’ordre non-patrimonial (non-monetary remedies) (Schneider et Knoll,
2011 : 179) 77, et ce pas uniquement sous la forme de mesures provision-
nelles (comme discuté ci-dessus), mais également dans les décisions
rendues sur le fond du litige. Ce type de sanctions peut par exemple
consister en une injonction interdisant à une partie d’utiliser un secret
d’afaires 78. À ce titre, on peut constater que certains tribunaux arbitraux
bénéicient d’une certaine lexibilité qui leur permet de rendre une sen-
tence adaptée aux circonstances du litige en cause (ce qui n’implique pas
qu’ils jouissent d’un pouvoir de statuer ex aequo et bono ou en « amiable
compositeur », ce qu’ils peuvent faire uniquement lorsque cela est ex-
pressément prévu) 79. Ain d’éviter les incertitudes, la compétence de
rendre de telles sentences devrait idéalement faire l’objet d’une men-
tion expresse dans la clause compromissoire (Ramos Munoz, 2011) 80. La
pratique donne certains exemples dans lesquels des tribunaux arbitraux

77
Voy. particulièrement le chapitre 12, spéc. p. 179 (présentant des afaires soumises au
centre d’arbitrage et de médiation de l’O.M.P.I.).
78
Voy. le communiqué de presse de la société Faiveley du 15 juillet 2010 « Faiveley
Transport headquarters announced the conirmation and enforcement in US of the
arbitration award in favour of its subsidiary Faiveley Transport Malmö AB against
Wabtec Corporation (U.S.A.) », accessible à : http://www.faiveleytransport.com/news/
faiveley-transport-headquarters-announced-conirmation-and-enforcement-us-arbi-
tration-award-fav (« By the ICC Award, Wabtec is permanently enjoined from any use
of Faiveley’s manufacturing drawings and related documentation, with the exception of
the limited use for the supply of products under contracts of Wabtec entered into before
the termination of the license agreement. he Order entered by the U.S. District Court
conirms the ICC Award ») ; ce litige a donné lieu à plusieurs décisions rendues par des
tribunaux américains, voy. notamment Faiveley Transport Malmö AB v. Wabtec Corp.,
559 F.3d 110 (2d 2009).
79
Voy, par ex., l’art. 21, al. 3, du règlement d’arbitrage C.C.I.
80
Pour un contre-exemple, voy. Decca Music Group Limited v. Michael Jagger, Keith Ri-
chards, Charles Watts, High Court Chancery Division, Case No HC 04 C00863, June 11,
2004, dans lequel le pouvoir du tribunal arbitral avait été contractuellement limité ; pour
une analyse de cette afaire, voy. Ramos Munoz, spéc. p. 101.

larcier 1125
MANUEL INTERDISCIPLINAIRES DES MODES AMIABLES DE RÉSOLUTION DES CONFLITS

ont octroyé des licences perpétuelles sur des droits de propriété intellec-
tuelle 81, ordonné à une partie de changer sa raison de commerce (dans
une afaire concernant le droit des marques) et cédé des brevets d’inven-
tion (ou d’autres droits de propriété intellectuelle) à une partie 82.
Ces prétentions non patrimoniales peuvent toutefois soulever
quelques diicultés, comme démontré par un arrêt du Tribunal fédéral
suisse qui a annulé une sentence arbitrale au motif que l’arbitre avait
interdit à une partie, sans raison justiiée, de fabriquer des marchan-
dises qui incorporaient des éléments protégés appartenant à l’autre par-
tie, ceci sans limitation dans le temps et sans considérer la question de
savoir si le procédé de fabrication était toujours secret 83. À ce titre, la
possibilité d’obtenir la cessation de la violation et/ou une autre sanc-
tion non-pécuniaire devrait être prise en compte par les parties et leurs
conseils dans la mesure où ce type de prétention peut être critique dans
les arbitrages de propriété intellectuelle.

Conclusion
L’augmentation du nombre d’arbitrages internationaux soulevant
des questions de propriété intellectuelle conirme l’utilité de ce mode
alternatif de règlement des diférends pour gérer les litiges de proprié-
té intellectuelle. Cette tendance est conirmée par le choix opéré par
certains législateurs d’autoriser expressément l’arbitrabilité des litiges de
propriété intellectuelle (comme cela a été fait en France), ce qui consti-
tue un signe fort que l’arbitrage doit être perçu comme un mode de rè-
glement des litiges qui ne menace pas les pouvoirs de l’État.

81
« AMD is hereby awarded a permanent, royalty-free, non-exclusive, non-transfe-
rable, worldwide right (but not the right to assign, license or sublicense such right to
any third party) under any and all Intel copyrights, patents, trade secrets and maskwork
rights contained in [...] » (Advanced Micro Devices, Inc. v. Intel Corp., 9 Cal.4th 362, at
371, 885 P.2d 994, Supreme Court of California 1994) ; pour une analyse critique, voy.
Ramos Munoz, op. cit., p. 120 (considérant que l’arbitre « was, in reality, modifying the
contract, introducing new obligations into the parties’ relationship ») ; voy. aussi plus
récemment Timegate Studios, Inc. v. Southpeak interactive LLC et al., case no. 12-2056
(United States Court of Appeals for the Fifth Circuit, 9 avril 2013).
82
Voy. Engis Corp. v. Engis Ltd, 800 F. Supp. 627 (Dist. Court Illinois 1992).
83
Voy. l’arrêt du Tribunal fédéral suisse ATF 102 Ia 493, 507-508.

1126 larcier
Arbitrage et propriété intellectuelle

Si les spéciicités de l’arbitrage en matière de propriété intellectuelle


ne doivent assurément pas être surestimées (Park, 2003) 84, elles ne
doivent pas non plus être occultées, ain que les acteurs concernés, soit
tout d’abord les parties et leurs conseils, soient en mesure d’utiliser ei-
cacement les moyens et la liberté que leur ofre l’arbitrage pour résoudre
leurs litiges de propriété intellectuelle.

84
Voy. Park, spéc. p. 451 (notant en préambule que « [o]n scrutiny, the special nature
of IP arbitration is not really all that special »).

larcier 1127
Bibliographie

février 2012, comm. 42, note L WEILLER; 1- CP. S., 2012, 1049, note
S. BRISSY; Rev. arb., 2012, 333, note M. BOUCARON-NARDETTO.

Comm. E.D.H., 5 mars 1962, X. c. République fédérale d'Allemagne,


no 1197/61.
Comm. E.D.H., 12 décembre 1983, Lars Bramelid et Anne-Marie
Malmstrom c. Suède, n°' 8588/79 et 8589/79.
Comm. E.D.H., 4 mars 1987, R. c. Suisse, no 10881/84.
Comm. E.D.H., 22 octobre 1996, Société Molin et Tahir Mo luc. Turquie,
no 23173/94.
Coureur. D.H., 17 janvier 1970, De/court c. Belgique, no 2689/65, Série
A, no 11.
Coureur. D.H., 21 février 1975, Golder c. Royaume-Uni, no 4451/70.
Cour eur. D.H., 9 octobre 1979, Airey c. Irlande, no 6289/73, Série A,
no 32. -
Coureur. D.H., 27 février 1980, Deweer c. Belgique, no 6903/75, Série A,
no 35.
Cour eur. D.H., 8 juillet 1986, Lithgow et autres c. Royaume-Uni,
no 9006/80 ; 9262/81 ; 9263/81 ; 9265/81 ; 9266/81 ; 9313/81 ;
9405/81, Série A, no 102.
Coureur. D.H., 27 octobre 1993, Dombo Beheer c. Pays-Bas, no 14448/88,
Série A, no 274.
Cour eur. D.H., 9 octobre 1994, Stran et Stratis Andreadis c. Grèce,
no 13427/87.
Coureur. D.H., 22 juillet 1999, Scarth c. Royaume-Uni, no 33745/96.
Coureur. D.H., 19 juin 2001, Kreuz c. Pologne, no 28249/95.
Coureur. D.H., 3 avril 2008, Regent Company c. Ukraine, no 773/03.
Chapitre 6 :Arbitrage et propriété intellectuelle
ALEMANNO A. and BONADIO E. (2011), "Do You Mind My Smoking?
Plain Packaging Of Cigarettes Under The WTO TRIPS Agreement",
John Marshall Review of Intellectual Property Law, vol. 10, no 3,
pp. 450-480, accessible à : http:/ /www.jmripl.com.php5-10.dfw1-2.
websitetestlink.com/articles/Alemanno3.pdf.
BRUGUIÈRE J.-M. et GILLET E. (2011), « Litiges de propriété intellec-
tuelle, l'apport de la loi de simplification et d'amélioration de la
qualité du droit du 17 mai 2011 », !-C.P. E. septembre 2011, no 37,
pp. 1663-1669.

tARCIER 1285
MANUEL INTERDISCIPLINAIRES DES MODES AMIABlES DE rセsoャutin@ DES CONFLITS

CALAME Th. and AEBI M. (2012), "Enforceability", in T.D. HALI<E


(ed.), Arbitration of International Intellectual Property Disput T
es,
Huntington NY (JurisNet).
CHAMBRE DE COMMERCE INTERNATIONALE (C.C.l.) (2012), Panorama
/. C. C. de la propriété intellectuelle, Chambre de commerce interna-
tionale (C.C.I.), pub.
CHAMBRE DE COMMERCE INTERNATIONALE (C.C.l.) (1998), Rapport
final de la commission de l'arbitrage international de la C.C.I.
(présidée par J D. M. Lew) sur les litiges en matière de propriété
intellectuelle et l'arbitrage, Bulletin de la Cour intemationale d'ar-
bitrage de la C.C.l., vol. 9, n• 1, 1998, pp. 38-52.
CERTILMAN 5. A. and LUTZKER J. E. (2012), "Arbitrability Oflntellectual
Property Disputes", in Th. D. HALKET (éd.), Arbitration of Inter-
national Intellectual Property Disputes, Huntington NY (JurisNet),
pp. 80-99.
CHIARINY-DAUDET A.-C. (2006), Le règlement judiciaire et arbitral des
contentieux intern.ationaux sur brevets d'invention, Paris, Litec.
CHIARINY-DAUDET A.-C. (2011), «Un juge capable ... pourtant incom-
pétent ! », Propriété industrielle, n· 11, pp. 24-32.
CooK T. and GARCIA A. l. (2010), International Intellectual Property
Arbitration, Alphen aan den Rijn, Wolters Kluwer.
DEMING L. (2012), "Think Twice Before Arbitra ting A Patent Dispute?",
American journal ofInternational Arbitration, vol. 23, pp. 313-343.
DE WERRA J. (2013), « Arbitrage et propriété intellectuelle: (aussi) une
question contractuelle », Propriétés intellectuelles, n· 46, pp. 24-42.
DE WERRA J. (2012), «L'arbitrage international des litiges de propriété
intellectuelle : la nécessité de réfléchir au-delà de la question de la
(non-)arbitrabilité », Revue de Droit des Affaires Internationales/
International Business Law Journal, vol. 3, pp. 299-329.
DE WERRA J. (2010), «Liquidation d'un contrat de licence de marque et
mesures provisionnelles : quelques observations à la lumière de l'atf
136 iii 200 », Revue suisse de droit de la propriété intellectuelle, de
l'information et de la concurrence (SIC!), pp. 662-673.
FERNÂNDEZ RozAs J. C. (2001), « Le rôle des juridictions étatiques
devant l'arbitrage commercial international», Recueil des cours de
l'Académie de Droit International de La Haye, vol. 290, pp. 9-24.
FRIEDLAND P. D. (2000),Arbitration Clauses For International Contracts,
New York, Juris.

1286 LARCIER
t
Bibliographie

GoMULKIEwrcz R. W. (2013), "Clarifications And Complications In:


Enforcing Open Source Software Licenses", in J. DE WERRA (ed.),
Research Handbook on Intellectual Property Licensing, Cheltenham,
Edward Elgar.
HALKET Th. D. (éd.) (2012), Arbitration Of International Intellectual
Property Disputes, Juris Publishing.
HANOTIAU B. (2010), « L'arbitrabilité des litiges de propriété intellec-
tuelle », in J. DE WERRA (éd.), La résolution des litiges de propriété
intellectuelle/Resolution Of Intellectual Property Disputes, Genève,
Schulthess, pp. 155-173.
HoLZNER N. (2001), Die Objektive Schiedsfiihigkeit Von Immaterialgü-
terrechtsstreitigkeiten, Baden-Baden.
JAKHIAN Gr. et HENRY F. (2011), « La validité de la clause hybride en
arbitrage», /.T., 29 octobre 2011, no 6452, pp. 701-723.
KREINDLER R. et TEVINI A. G. (2012), "The Impact Of Public Policy
Considerations", in Th. D. HALKET (éd.),Arbitration ofInternational
Intellectual Property Disputes, NY Huntington, JurisNet, p. 437.
LINIGER St. (2002), Immaterialgüterrechtliche Streitigkeiten Vor Inter-
nationalen Schiedsgerichten Mit Sitz In Der Schweiz, Berne, Stampfli
Verlag.
MANTAKOU A. P. (2009), "Arbitrability And lntellectual Property
Disputes", in LA. MrSTELIS et S. L. BREKOULAI<IS (eds), Arbitrabi-
lity, International & Comparative Perspectives, Alphen aan den Rijn,
Wolters Kluwer, pp. 266-283.
MARTIN St. A. L. and DEREK MASON J. (2011), "Arbitration : A Quick
And Effective Means For Patent Dispute Resolution", Les Nouvelles
Journal of the Licensing Executives Society International, vol. XLVI,
no 4, pp. 269-281.
PARK WILLIAM W. (2003), "Irony In Intellectual Property Arbitration",
Arbitration International, vol. 19, no 4, pp. 451-462.
PERRET F. (2004), « L'arbitrabilité des contentieux en matière de brevets
d'invention », in Liber amicorum Claude Raymond, Autour de l'ar-
bitrage, Paris, Litec.
PEUKERT A. (2005), Contractual Jurisdiction Clauses And Intellectual
Property, in DREXL J. et KuR A. (eds), Intellectual Property And
Private International Law- Headingfor the Future, IIC Studies in
Industrial Property and Copyright Law.

LARCIER 1287
MANUEL INTERDISCIPLINAIRES DES MODES AMIABLES DE RÉSOLUTION DES CONFLITS

PouoRET J.-F. et BESSON S. (2002), Droit comparé de l'arbitrage inter-


national, Bruxelles, Paris, Genève, Bruylant, LGDJ, Schulthess.
RAMOS MuNOZ D. (2011), "The Power Of Arbitrators To Make Pro
Futuro Orders", in M. E. SCHNEIDER et]. KNOLL (eds), Performance
As A Remedy: Non-Monetary Relief In International Arbitration,
ASA Special Series n' 30, Jurisnet.
ROHN P. and GROZ Ph. (2012), "Drafting Arbitration Clauses For IP
Agreements", Journal ofIntellectual Property Law & Practice, vol. 7,
n' 9, pp. 652-682.
SCHNEIDER MICHAEL E. and KNOLL ]. (eds) (2011), Performance As
A Remedy: Non-Monetary Relief In International Arbitration, ASA
Special Series, n' 30, Jurisnet.
SMITH M.A., CousTÉ M., HIELD T., ]ARVIS R., KocHUPILLAI M., LEON
B., RASSER ].C., SAKAMOTO M., SHAUGHNESSY A. and BRANCH
]. (eds) (2006), "Arbitration Of Patent Infringement And Validity
Issues Worldwide", Harvard Journal of Law & Technology, vol. 19,
n' 2, pp. 299-325.
VBERTAZZI B. (2012), Exclusive Jurisdiction In Intellectual Property,
Tübingen, Mohr Siebeck.
WILBERS E., DE CASTRO I., MIN E.-J. and THEURICH S. (2011), "WIPO
Arbitration And Mediation Center", in M. E. SCHNEIDER et J. KNOLL
(eds), Performance As A Remedy: Non-Monetary Relief In Interna-
tional Arbitration, ASA Special Series n' 30, Jurisnet.
YüKSEL B. (2011), "The Relevance Of The Rome I Regulation To Inter-
national Commercial Arbitration In The European Union", Journal
of Private International Law, vol. 7, n' 1, pp. 149-189.

Jurisprudence
Australie
Supreme Court of New South Wales, Larkden Pty Limited v. Lloyd
Energy Systems Pty Limited, [2011] NSWSC 268.
Canada
Supreme Court of British Columbia, Coastal Contacts v. Elastic Path
Software !ne., 2013 BCSC 133.
Cour Suprême du Canada, Desputeaux c. Éditions Chouette (1987) !ne.,
2003 CSC 17, [2003] 1 RCS 178, §54, accessible à:< http://scc.
lexum.org/fr/2003/2003csc17 /2003csc17.html >.

1288 LARCIER
Bibliographie

États-Unis
United States District Court for the Northern District of California,
Oakland Division, Oracle America, !ne. v. Myriad Group A.G.,
(17 janvier 2012, Case No: C 10-05604 SBA).
United States District Court for the Northern District of Illinois, Engis
Corp. v. Engis Ltd, 800 F.Supp. 627 (1992).
United States District Court for the District of Maine, Fairchild Semi-
conductors Corp. v. Third Dimension Semiconductor (12 décembre
2008).
United States District Court for the District of New Jersey, Fede-
ral-Mogul Corp. and Felt Products MFG. Co. v. Elring Klinger A.G.,
(Civ. No. 01-5797 (HAA), 1•' novembre 2004).
United States Court of Appeals, Federal Circuit, Sanofi-Aventis
Deutschland GmbH v. Genentech, !ne. et Biogen Idee !ne., case
no. 12-1454 (10 mai 2013).
United States Court of Appeal, Federal Circuit, Rhône-Poulenc Spécia-
lités Chimiques v. SCM Corporation, 769 F2d 1569 (1985).
United States Court of Appeal, 5th Circuit, Timegate Studios, !ne. v.
Southpeak interactive LLC et al., case no. 12-2056 (9 avril2013).
United States Court of Appeal, 6th Circuit, Performance Unlimited, !ne.
v. Questar Publishers, Inc., 52 F.3d 1373 (1995).
United States Court of Appeal, 6th Circuit, Severe.Records, LLC v. Rich,
658 F.3d 571 (2011).
United States Court of Appeal, ?th Circuit, Saturday Evening Post v.
Rumbleseat Press, !ne., 816 F. 2d 1191, 1198 (1987).
United States Court of Appeal, 7th Circuit, Sauer-Getriebe KG v. White
Hydraulics, !ne., 715 F.2d 348 (1983).
United States Court of Appeal, 9th Circuit, MDY Industries v. Blizzard
Entertainment, 629 F.3d 929 (2010).
United States Court of Appeal, 9th Circuit, Oracle America, !ne. v. Myriad
Group A.G., (26 juillet 2013, case no 11-17186).
United States Court of Appeal, gth Circuit, Simula !ne. v. Autoliv !ne.,
175 F.3d 716 (1999).
United States Court of Appeal, 9th Circuit, Tracer Research Corp. v.
National Environment Services Company, 42 F.3d 1292 (2004).
Supreme Court of California, Advanced Micro Deviees, !ne. v. Intel Corp.,
9 Ca1.4th 362, at 371, 885 P.2d 994, (1994).

LARCIER 1289
MANUEL INTERDISCIPLINAIRES DES MODES AMIABLES DE RÉSOLUT19N DES CONFLITS

Supreme Court of the United States, Steelworkers v. American Mfg. Co.,


363 u.s. 564, 570 (1960).
Inde
High Court of Delhi, Ministry of Sound International Ltd v. MIS Indus
Renaissance Partners Entertainment Pvt Ltd., 7 janvier 2009, acces-
sible à : < http:/ /www-.indiankanoon.org/doc/1992362/ >.
Suisse
Tribunal fédéral, ATF 102 la 493.
Tribunal fédéral, A TF 136 III 200.
Tribunal fédéral, 4A_388/2012 (18 mars 2013).
Tribunal fédéral, 4A_515/2012 (17 avril2013).
Union européenne
Arrêt de la C.J.U.E., 12 juillet 2012, Solvay SA c. Honeywell Fluorine
Products Europe BV et al. (aff. C-616/2010).
France
Cour de cassation, 7 juin 2011, Chlorotech Sarl (no 10-19.030), Bulletin
2011, IV, no 95.
C.A. Paris 1re ch., 28 février 2008, Liv Hidravlika DOO c. SA Diebolt,
Revue de l'arbitrage, 1/2009, p. 168.
Royaume-Uni
High Court Chancery Division (Patent Court), Celltech R & D Ltd v.
Medimmune !ne [2004] EWHC 1522 (Pat). ·
High Court Chancery Division, Apple Corps. Limited v. Apple Computer,
!ne. [2006] EWHC 996 (Ch).
High Court Chancery Division, Omega SA v. Omega Engineering !ne.
[2011] EWCA Civ. 645.
High Court (Commercial Court), Lombard North Central pic and
another v. GA1X Corporation [2012] EWHC 1067 (Comm).
High Court Chancery Division, Decca Music Group Limited v. Michael
fagger, Keith Richards, Charles Watts [2004] EWHC 2542 (Ch) 4.
Court of Appeal (Civil Division), Celltech R & D Ltd v. Medimmune !ne.
[2004] EWCA Civ 1331.
Sentences arbitrales
Sentence C.C.L 6097, Bulletin de la Cour internationale d'arbitrage de
la C.C.I., octobre 1993, p. 80.

1290 LARClEF;

Vous aimerez peut-être aussi